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RÉSUMÉ
Dans cet article, je me propose de reconstruire le cadre général de la
pensée politique protagoréenne et de dégager ses conditions de possi-
bilité à partir d’une analyse du mythe et des déclarations exposées dans
le Protagoras. J’essaierai de montrer que la conception protagoréenne
est axée sur les notions de loi et de citoyen d’une part, et sur la relation
que le sophiste d’Abdère établit entre loi et nature de l’autre. Protago-
ras est le premier penseur dans l’histoire de la philosophie grecque qui
est en mesure de distinguer le niveau du social (marquant la deuxième
phase du développement de la vie humaine) et le niveau du politique
(marquant la troisième phase, représentée par la fondation de la cité).
Dans ce cadre, j’établirai un parallélisme entre la conception protago-
réenne et le concept kantien d’« insociable sociabilité ». J’articulerai
enfin cette conception à la définition du sophiste qu’offre Protagoras
dans le Théétète, en vue de mettre en évidence le rôle directif du
sophiste par rapport au dèmos et son intervention active dans le pro-
cessus de constitution de la loi, et d’éclaircir ainsi son rapport à la dé-
mocratie athénienne.
ABSTRACT
In this article, I propose to reconstruct the general framework of the
Protagorean political thought, and to highlight its conditions of possi-
bility starting from an analysis of the myth and theories presented in
Plato’s Protagoras. I will try to show that the Protagorean conception
is focused on the notions of law and citizen on the one hand, and on the
particular relationship that the sophist of Abdera situates between
nature and law on the other hand. Protagoras is the first thinker who
demonstrates to be capable of distinguishing between sociality and po-
litics : the break that the third stage of the development of human life
introduces compared to the second is precisely due to the emergence of
the political level with respect to the pure and simple notion of socia-
lity. In this context I will also set up a parallel between Protagoras and
REVUE DE PHILOSOPHIE ANCIENNE, XXX (1), 2012
60 Aldo BRANCACCI
1 Sur cette période, voir C. Mossé, Histoire d’une démocratie : Athènes des
que certains sophistes, tels que Critias par exemple, iront jusqu’à
renier la démocratie, la Sophistique demeure fille de celle-ci5. Il est
sans doute vrai que les sophistes sont liés sous plusieurs points de vue
à la tradition culturelle et philosophique qui les précède6, et que l’acti-
vité de certains d’entre eux a des rapports significatifs avec des centres
d’activité panhelléniques tels que Delphes7 ; il n’en reste pas moins
que leur relation avec la démocratie est une relation essentielle.
Tout d’abord, l’écho que rencontrait le mouvement sophistique,
dans les conditions de communication qui caractérisaient la cité démo-
cratique, était bien supérieur aux possibilités qu’avait la philosophie
antérieure de se faire connaître. D’autre part, l’atmosphère de débat
public auquel le régime d’assemblée populaire a habitué les esprits,
explique aussi bien la genèse du principe de la relativité de toute affir-
mation de vérité que l’opposition des raisonnements doubles (δισσοὶ
λόγοι) et que le principe de la validité et efficacité du discours « plus
fort », celui qui s’impose sur les autres parce qu’il est capable de pré-
valoir et de persuader : ce sont là des formules qui sont toutes étroite-
ment liées à la réalité de l’assemblée démocratique, qu’il s’agisse de
porte son nom, et, sur ce texte, A. Brancacci, « Protagora e la techne sophis-
tike. Plat. Prot. 316d-317c », Elenchos, 23, 2002, p. 11-32.
7 Cf. H. Tell, « Sages at the games : Intellectual displays and dissemination
ce passage, cf. e.g. M. Untersteiner, I sofisti, op. cit.,vol. I, p. 40, note 24, à qui
je renvoie pour d’autres indications bibliographiques ; W.K.C. Guthrie, The
Sophists, Cambridge, Cambridge University Press, 1971, p. 63-8 (en part. p.
64, note 1) ; G.B. Kerferd, The Sophistic Movement, Cambridge, Cambridge
University Press, 1981, p. 142-5 ; C.C.W. Taylor, Plato. Protagoras, Revised
Edition, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 78-9, ainsi que les indication four-
nies par F. Ildefonse dans Platon. Protagoras, présentation et traduction iné-
dite par F.I., Paris, Flammarion, 1997, p. 166, note 114 ; O. Balaban, Plato and
Protagoras. Truth and Relativism in Ancient Greek Philosophy, Lanham/
Boulder/New York/Oxford, Lexington Books, 1999, p. 151-78 ; E. Schiappa,
Protagoras and Logos. A Study in Greek Philosophy and Rhetoric, Second
Edition, Columbia, University of South Carolina Press, 2003, p. 180-9. Pour
l’écrit de Protagoras mentionné, cf. Diogène Laërce IX 55 (= 80 A 1 DK).
14 Sur le Petit système du monde, voir J. Salem, Démocrite. Grains de pous-
LA PENSÉE POLITIQUE DE PROTAGORAS 65
sière dans un rayon de soleil, Paris, Vrin, 2002, p. 267-74 ; sur le Sisyphe, pour
lequel il existe aussi une attribution concurrentielle à Euripide, que je consi-
dère moins probable, voir M. Centanni, Atene assoluta. Crizia dalla tragedia
alla storia, Padova, Esedra, 1997, p. 137-59 ; U. Bultrighini, Maledetta demo-
crazia : Studi su Crizia, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 1999, p. 223-50 ;
H. Scholten, Die Sophistik. Eine Bedrohung für die Religion und Politik der
Polis ?, Berlin, Akademie Verlag, 2003, p. 238-57. Cf. également M. Unter-
steiner, I sofisti, op. cit., vol. II, p. 481-90 ; W.K.C. Guthrie, The Sophists, op.
cit., p. 303 ; G.B. Kerferd, The Sophistic Movement, op. cit., p. 141, 148, 171.
Pour d’autres documents de ce genre littéraire, je renvoie à A. Ciriaci, L’ano-
nimo di Giamblico. Saggio critico e analisi dei frammenti, Napoli, Bibliopolis,
2011, p. 157-8, note 187.
15 Platon, Protagoras 320c2-4.
66 Aldo BRANCACCI
divin, il fut tout d’abord, du fait de sa parenté avec le principe divin, le seul de
tous les vivants à reconnaître l’existence des dieux, et il entreprit d’ériger des
autels et des statues de dieux ; ensuite, grâce à l’art, il ne tarda pas à articuler
les sons de la voix (φωνήν) et les mots (ὀνόματα), il inventa les habitations,
les vêtements, les chaussures, les couvertures et les aliments tirés de la terre ».
Le mot φωνή désigne la voix en général, et pourrait comprendre tant la voix
parlée que la voix chantée (voir Aristoxène, Elementa Harmonica I 8-10),
alors que le langage semble être plus précisément indiqué par le terme
ὀνόματα.
18 I. Kant, « Idee zu einer allgemeinen Geschichte in weltbürgerlicher
fonder des villes. Celles-ci cependant ne sont pas encore des cités, à
savoir de véritables communautés politiques, dont le fondement serait
le respect de la justice, car les hommes sont encore dépourvus de la
τέχνη πολιτική. Le passage de la deuxième à la troisième phase du dé-
veloppement de la vie humaine est donc le passage du niveau du so-
cial, avec ses deux tendances intrinsèques d’agrégation et de désagré-
gation, au niveau du politique, dont l’avènement est marqué par l’ins-
tauration d’une série bien précise de catégories et d’institutions norma-
tives qui règlent et minimisent le danger de la désagrégation20.
L’homme a donc pour Protagoras une inclination à s’associer avec
d’autres hommes, et la nature elle-même le pousse dans cette direction,
mais en même temps il a aussi une tendance à se séparer des autres,
une tendance qui ressort clairement de ses actions, décelant un antago-
nisme structurel. En termes kantiens, nous pourrions dire que ces
textes du Protagoras platonicien manifestent l’« insociable sociabi-
lité » (gesellige Ungeselligkeit) des hommes21, à savoir leur tendance à
se réunir en société, jointe toutefois à une forme de résistance, laquelle
menace continuellement de diviser et briser le groupe social. Cepen-
20 Pour ne pas avoir vu cette distinction, qui est une distinction d’ordre
théorique, certains commentateurs se sont égarés face au passage de la deuxiè-
me phase à la troisième phase du développement de la vie humaine, et l’ont
jugé incompréhensible. Cf. e.g. G.B. Kerferd, The Sophistic Movement, op.
cit., p. 142-5, qui, pour sortir de cette prétendue impasse, pense qu’il faut
prendre au pied de la lettre la donation par Zeus aux hommes du respect et de
la justice, ce qui est évidemment insoutenable. Kerferd, en outre, ne voit pas
que, dans la deuxième phase, il n’y a pas un état de pur isolement des hommes,
mais, comme on l’a montré, une dialectique entre instinct d’agrégation et ins-
tinct de désagrégation, et que, pour Protagoras, le niveau de la socialité a en
lui-même cette double tendance.
21 Cf. à ce propos A. Philonenko, La théorie kantienne de l’histoire, Paris,
Vrin, 1986 ; Y. Yovel, Kant and the Philosophy of History, Princeton, Prince-
ton University Press, 1980 ; K. Weyand, Kants Geschichtsphilosophie, Köln,
Kölner Universitätsverlag, 1964 ; P. Kleingeld, Fortschritt und Vernunft : Zur
Geschichtsphilosophie Kant, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1995 ; et
voir supra, note 18.
70 Aldo BRANCACCI
Aussi Zeus, de peur que notre espèce n’en vînt à périr tout entière,
envoie Hermès apporter à l’humanité le respect et la justice, pour
qu’existent les ordres constitutifs des cités et les liens d’amitié qui
rassemblent les hommes. Hermès demande alors à Zeus de quelle
façon il doit faire don aux hommes du respect et de la justice :
« Dois-je les répartir de la manière dont les arts l’ont été ? Leur ré-
partition a été opérée comme suit : un seul homme qui possède l’art
LA PENSÉE POLITIQUE DE PROTAGORAS 71
24Je ne suis pas d’accord avec certains auteurs, e.g. J. Martin, Zur Entste-
hung der Sophistik, op. cit. p. 146 ; M. Dreher, Sophistik und Polisentwicklung,
Frankfurt a. Main/Bern, Lang, 1983, p. 22 ; G.B. Kerferd, The Sophistic Move-
ment, op. cit., p. 143, selon lesquels ce texte du Protagoras ne saurait fonder la
démocratie puisqu’il parle seulement de la participation à la direction politique
de la chose publique, mais non d’une participation égale de tout le monde. Au
contraire, comme on le verra, Protagoras soutient une participation égale de
tous à la délibération politique ; ce qui varie, c’est le degré de participation de
chaque homme aux vertus politiques. Ces auteurs ont en revanche raison de
dire que Protagoras aurait affirmé l’idée d’une couche dirigeante en politique,
mais ils ont décidément tort de rapprocher Protagoras de la théorisation plato-
nicienne d’une élite dirigeante ; l’idée seule d’une élite dirigeante leur est com-
mune, mais la théorisation platonicienne repose sur des principes généraux et
des options politico-philosophiques tout à fait différents de ceux qui sont à la
base de la position de Protagoras.
25 Protagoras 322d4-5 : τὸν μὴ δυνάμενον αἰδοῦς καὶ δίκης μετέχειν
1-2 De Veritate, dans Corpus dei papiri filosofici greci e latini, Parte I, Vol. 1*,
Firenze, Olschki, 1989, p. 176-222. Sur Antiphon, je renvoie à la synthèse de
M. Narcy, « Antiphon d’Athènes », dans R. Goulet (éd.), Dictionnaire des
philosophes antiques, Paris, CNRS Editions, 1969, vol. I, p. 225-44, où l’on
trouvera aussi une riche bibliographie ; voir aussi A. Hourcade, Antiphon
d’Athènes : une pensée de l’individu, Bruxelles, Ousia, 2001 ; G.J. Pendrick,
74 Aldo BRANCACCI
tion : établir que citoyen et homme doivent s’identifier, à tel point que
celui qui n’est pas en mesure d’être ou de sembler être un citoyen –
rappelons qu’être citoyen signifie être juste et doué du sentiment de
respect – ne peut être compris au nombre des hommes.
Que l’homme et le citoyen doivent s’identifier confirme qu’ils sont,
et c’est le moins qu’on puisse dire, deux figures bien distinctes, et que
cette identification est à la fois permise et contrariée par l’œuvre de la
phusis : elle est une possibilité, que seul le nomos réalise, et que le
nomos peut réaliser parce que la phusis ne l’exclut pas. La constitution
de la cité et la fondation de l’ordre du politique s’accompagnent
d’autre part, comme on l’a vu, d’un mouvement d’exclusion primaire,
qui rejette au dehors de l’humanité l’individu injuste et dépourvu du
sentiment de respect : cette exclusion manifeste l’essence du pouvoir
politique, qui s’instaure avec un acte de violence originaire. L’intérêt,
propre à la pensée politique du Ve siècle, pour l’analyse du pouvoir est
donc déjà présent chez Protagoras, pour qui cet acte de force est néces-
saire et légitime parce qu’il est fait au nom de la cité. Il n’est pas inu-
tile de rappeler qu’une autre ligne de la sophistique, celle représentée
par exemple par le Thrasymaque platonicien, renversera cette vision et
définira le nomos comme un acte d’imposition à la cité du pouvoir du
plus fort, comme un geste de partialité radicale et absolue qui n’est, en
dernière analyse, qu’un acte de βία28. Précisons que « sembler être un
citoyen » signifiera pour Protagoras se plier, par son comportement, de
les jeunes gens, une fois que leur programme d’études auprès des
maîtres sera terminé, « à apprendre les lois, et à vivre en se conformant
à leur modèle » (τούς τε νόμους [...] μανθάνειν καὶ κατὰ τούτους
ζῆν κατὰ παράδειγμα). C’est à cette fin que,
cipe universel qu’on peut trouver respecté partout. Une fois mis au
clair que la vertu politique peut s’enseigner ἐξ ἐπιμελείας (323c6-7),
et que tous les principes que les Athéniens appliquent dans la vie poli-
tique comme dans leur vie commune confirment ce point, Protagoras
tire en effet une conclusion plus générale. Il explique qu’au sein de la
cité démocratique, de même qu’il n’y a pas un seul διδάσκαλος τοῦ
ἑλληνίζειν, mais que tous sont maîtres de grec, de même tous les
citoyens sont maîtres de vertu, dans la mesure de leurs possibilités
(327e1-2). Cette conception, pour laquelle c’est la cité dans son
ensemble qui assure la paideia de tous, trouve un parallèle dans les
paroles de Périclès chez Thucydide, là où l’homme d’État affirme
orgueilleusement que la cité tout entière d’Athènes est un exemple
d’éducation pour la Grèce32. On peut également faire remarquer que
Protagoras souligne dès le début de sa présentation que son « ensei-
gnement porte sur la manière de bien délibérer dans les affaires pri-
vées, savoir comment administrer au mieux sa propre maison, ainsi
que dans les affaires de la cité, savoir comment devenir le plus à même
de les traiter, en actes comme en paroles »33. La formation assurée par
Protagoras vise l’excellence et la parfaite réussite, comme l’indique
aussi l’usage des superlatifs : d’une part, il s’agit de devenir maître de
sa propre vie d’homme particulier, de la gérer ἄριστα ; d’autre part, il
s’agit de devenir un citoyen accompli, un homme qui soit au plus haut
degré capable (δυνατώτατος) de traiter les affaires de la cité, donc
aussi de guider (excellence dans la parole : λέγειν) et d’être chef
(excellence dans l’action : πράττειν). C’est l’idéal qui chez Thucydide
correspond à la capacité de προστάττειν34. Encore une fois, la posi-
tion de Périclès est identique, qui affirme que les citoyens d’Athènes
τῶν οἰκεῖων, ὅπως ἂν ἄριστα τὴν τοῦ αὑτοῦ οἰκίαν διοικοῖ, καὶ περὶ τῶν
τῆς πόλεως, ὅπως τὰ τῆς πόλεως δυνατώτατος ἂν εἴη καὶ πράττειν καὶ
λέγειν.
34 Cf. Thucydide VIII 89, 3-4.
78 Aldo BRANCACCI
35Thucydide II 41, 1 : [...] καὶ καθ’ ἕκαστον δοκεῖν ἂν μοι τὸν αὐτὸν
ἄνδρα παρ’ ἡμῶν ἐπὶ πλεῖστ’ ἂν εἴδη καὶ μετὰ χαρίτων μάλιστ’ ἂν
εὐτραπέλως τὸ σῶμα αὔταρκες παρέχεσθαι. Cf. II 40, 2 : ἔνι τε τοῖς
αὐτοῖς οἰκείων ἅμα καὶ πολιτικῶν ἐπιμέλεια [...].
36 Cf. Platon, Protagoras 328a8-b3 : ἀλλὰ κἂν εἰ ὀλίγων ἔστιν τις ὅστις
en effet, qui à chaque cité semblent justes et belles lui sont telles tant
qu’elle le décrète ; mais le savant, c’est celui qui, au lieu de pénible,
chaque fois qu’un de leurs décrets l’est pour eux, le fait être et paraître
bénéfique.37
37 Platon, Théétète 167b8-c4 : φημὶ γὰρ καὶ τούτους τοῖς φυτοῖς ἀντὶ
πονερῶν αἰσθήσεων, ὅταν τι αὐτῶν ἀσθενῇ, χρηστὰς καὶ ὑγιεινὰς
αἰσθήσεις τε καὶ ἕξεις ἐμποιεῖν, τοὺς δέ γε σοφούς τε καὶ ἀγαθοὺς
ῥήτορας ταῖς πόλεσι τὰ χρηστὰ ἀντὶ τῶν πονερῶν δίκαια δοκεῖν εἶναι
ποιεῖν. ἐπεὶ οἷά γ’ ἂν ἑκάστῃ πόλει δίκαια καὶ καλὰ δοκῇ, ταῦτα καὶ εἶναι
αὐτῇ ἕως ἂν αὐτὰ νομίζῃ· ἀλλ’ ὁ σοφὸς ἀντὶ πονηρῶν ὄντων αὐτοῖς
ἑκάστων χρηστὰ ἐποίησεν εἶναι καὶ δοκεῖν. Je crois, comme beaucoup
d’autres savants, que ce passage restitue un élément de la pensée du Protagoras
historique : cf. e.g. G. Vlastos (ed.), Plato, Protagoras, Jowett’s Translation Re-
vised by M. Ostwald, Indianapolis/New York, Bobbs/Merrill, 1956, p. XX-
XXIV ; W.K.C. Guthrie, The Sophists, op. cit., p. 256 ; M. Isnardi Parente, « Il
pensiero politico greco dalle origini alla Sofistica », art. cit., p. 168-9.
80 Aldo BRANCACCI
διδάξειεν τοὺς τῶν χειροτεχνῶν ὑεῖς αὐτὴν τὴν τέχνην ἣν ὁ πατὴρ καὶ οἱ
τοῦ πατρὸς φίλοι ὄντες ὁμότεχνοι [...] οὕτω δὲ ἀρετῆς καὶ τῶν ἄλλων
πάντων· ἀλλὰ κἂν εἰ ὀλίγον ἔστιν τις ὅστις διαφέρει ἡμῶν προβιβάσαι
82 Aldo BRANCACCI
Abdère, comme le dit Héraclide du Pont dans son livre Sur les lois : celui-ci dit
aussi qu’il a rédigé la législation de Thourioi (= fr. 150 Wehrli) ». Sur ce
témoignage, voir M. Untersteiner, Sofisti. Testimonianze e frammenti, fasc. I,
Firenze, La Nuova Italia, 1961, 2e éd. (réimpr. Milano, Bompiani, 2009), p. 14-5.
42 Cf. A. Menzel, « Protagoras als Gesetzgeber von Thurii », dans Id.,
Albrighi Segati & Co., 1924-1932, vol. II, p. 352-7 ; M. Pohlenz, Staatsge-
danke und Staatslehre der Griechen, Leipzig, Quelle u. Meyer, 1923, p. 45 ; G.
LA PENSÉE POLITIQUE DE PROTAGORAS 83
De Sanctis, Storia dei Greci dalle origini alla fine del secolo V, Firenze, La
Nuova Italia, 1939, vol. II, p. 242 ; W. Nestle, Vom Mythos zum Logos. Die
Selbstentfaltung des griechischen Denkens von Homer bis auf die Sophistik
und Sokrates, Stuttgart, Kröner, 1940 (réimpr. Aalen, Scientia, 1986) p. 265.
Pour une analyse du passage de Diodore de Sicile, concernant la législation de
Thourioi, cf. I. Lana, Protagora, Torino, Tipografia torinese, 1950, p. 59-61, et
M. Untersteiner, I sofisti, op. cit., vol. I, p. 18-9.
44 Cf. Platon, Protagoras 323c3-8 : « Voilà ce que j’ai à dire sur le fait que
les Athéniens acceptent, ce qui est tout à fait normal, le conseil de n’importe
quel homme en matière de vertu politique, dans la mesure où ils considèrent
que chacun y a part ; quant au fait qu’à leurs yeux cette vertu politique n’est
pas naturelle ni ne survient au petit bonheur, mais qu’elle s’enseigne et
n’advient à un homme que par l’exercice, voilà ce que je vais essayer de te dé-
montrer à présent [...] ».
84 Aldo BRANCACCI
45 Cela est d’autant plus vrai que Protagoras admet des différences de
richesse parmi les citoyens ; il admet même qu’ils participent plus ou moins de
l’éducation scolaire, comme le prouve un passage du Protagoras : « Ceux qui
ont le plus de moyens procèdent ainsi, et ce sont les plus riches qui ont le plus
de moyens ; et leurs fils, qui vont à l’école depuis leur plus jeune âge, sont
également ceux qui la quittent plus tard » (326c3-6). Comme le rappelle G.B.
Kerferd, The Sophistic Movement, op. cit., p. 145, ce texte a été utilisé pour
prouver que selon Protagoras « there should be a corps d’élite able to serve the
state in positions of trust, such as the ten strategoi at Athens, or to be wise and
persuasive advisers on matters affecting law and morality ». Ce qui est certain,
c’est que la différence de qualification personnelle des citoyens est parfaite-
ment admise par l’Abdéritain.
46 Cf. Platon, Protagoras 323d6-7, et voir J. Mewaldt, Fundament des
Aldo BRANCACCI
Università di Roma Tor Vergata
nière compatible avec la liberté, mais il n’était pas plus guidé par lui qu’il ne le
guidait.