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Automatic Imagination Model :

Free your Mind


Par Head Hacking Research

1ère partie : les modèles populaires de l'hypnose

Quand Josh a mentionné que certains de ses abonnés avaient demandé des précisions à propos de
l'Automatic Imagination Model, je me suis immédiatement dit : « Super ! Ca va être rapide et facile d'écrire
là-dessus. » Pourtant, une fois que j'ai commencé à réfléchir à la façon dont je pourrais l'introduire, j'ai
repensé à ce qui s'était passé pour nous il y a deux ans et j'ai réalisé à quel point cette époque avait changé
notre état d'esprit et notre approche de l'hypnose.

Nous n'aurions même pas pu en ce temps-là donner du sens à ce que nous pensons maintenant de l'hypnose
- on pensait au moins savoir quelque chose à propos de la façon dont ça pouvait marcher, alors qu'en fait on
savait simplement comment la faire marcher (notre capacité à l'enseigner rapidement aux autres en
attestait). Dans cet article je vais passer en revue les modèles populaires de l'hypnose, dans la partie
suivante je présenterai les résultats scientifiques, et dans la dernière partie j'expliquerai notre propre modèle
pour l'hypnose, l'Automatic Imagination Model, et j'expliquerai pourquoi nous sommes confiants en sa
réussite.

Pour commencer par le commencement, une des meilleures sources d'information sur l'hypnose dont vous
puissiez envisager l'acquisition est The Oxford Handbook of Hypnosis (2008) par Nash et Barnier (Oxford
University Press). Il n'est pas donné, mais il est volumineux et exhaustif ; si l'on compare avec l'achat d'un
accès à seulement quelques-uns des essais académiques qu'il référence, c'est une affaire.

Alors, qu'est-ce que l'hypnose, et commence marche-t-elle ? Je crois que la majorité des hypnotiseurs
s'accorde sur le fait que l'hypnose est produite par la communication d'idées de l'hypnotiseur vers le sujet,
et que cette communication ne nécessite pas de moyens paranormaux - en d'autres termes, les langages
verbal et non-verbal suffisent.

Si vous pensez qu'une énergie coule entre l'hypnotiseur et le sujet ou que la télépathie est en quelque façon

impliquée, j'en suis désolé mais cet article n'est probablement pas pour vous. 

Dans le plus simple des cas, l'hypnotiseur parle et le sujet écoute, et le résultat c'est que le sujet fait
l'expérience de l'hypnose - j'ai pu en faire par téléphone et via le chat par texte de Skype, alors je suis plutôt
confiant quand je dis que les mots suffisent pour causer l'hypnose.

Définitions

Qu'est-ce qu'on veut dire quand on utilise le mot hypnose ? Il est important de le dire avec précision, parce
que les hypnotiseurs ont souvent tendance à être en désaccord quand il s'agit de savoir ce qui est hypnose et
ce qui ne l'est pas. L'homme de la rue sait ce qu'est l'hypnose, ça consiste à faire faire à des gens des choses
qu'elles ne feraient pas autrement, que ce soit arrêter de fumer ou danser comme Beyonce.
Il y a deux façons de définir l'hypnose, la première est de définir « l'hypnose comme processus », et la
seconde de définir « l'hypnose comme produit ». L'hypnose comme processus est ce qu'on a décrit dans le
paragraphe précédent - l'hypnotiseur parle et le sujet devient hypnotisé - dans le cas de l'hypnose éveillée
(ce qui inclut l'excellent Hypnosis Without Trance de James Tripp), il n'y a pas d'induction manifeste et le
processus semble consister seulement en une introduction suivie par une série de suggestions.

C'est en réalité la définition que le Oxford Handbook présente : une Introduction suivie par une Première
Suggestion ; la première suggestion peut être une induction, mais la définition n'exclut pas des approches
non-inductives de l'hypnose. Il est important de le noter : le Oxford Handbook considère la réponse à une
suggestion sans qu'une induction ait précédé comme de l'hypnose.

La question suivante est : « comment est-ce qu'on sait quand de l'hypnose s'est produite ? », et on répond
avec des définitions de « l'hypnose comme produit ». Il est possible, quoique ça soit peu probable, que tous
ceux qui aient jamais répondu à une suggestion n'aient fait en réalité que jouer le jeu pour leurs propres
raisons, sachant qu'ils n'étaient pas hypnotisés et dupant les hypnotiseurs dans ce processus.

Comment le saurions-nous ? Un scénario plus pertinent pourrait être que la plupart des bons sujets
répondent hypnotiquement à la suggestion mais que votre dernier sujet était simplement en train de jouer le
jeu. Comment pourriez-vous savoir que ce n'est pas là ce qu'ils faisaient ?

Ils pourraient s'effondrer de la même manière et agir d'un façon qui simulerait la réponse à la suggestion, y
compris feindre l'amnésie de ce qu'ils ont fait. Il semble juste de suggérer que la seule personne qui sait si
elle est ou non hypnotisée est le sujet lui-même, étant donné que c'est la seule à savoir si elle a elle-même
fait les choses qui lui sont arrivées ou si les choses qui lui sont arrivées lui sont arrivées par elles-mêmes.

Nous sommes essentiellement intéressés par la question de savoir si le sujet a senti qu'il était hypnotisé, et,
comme il est généralement un profane, cette question se traduit d'habitude en lui demandant s'il a senti que
l'hypnotiseur lui a fait faire quelque chose qu'il n'avait pas décidé de façon intentionnelle.

Cela nous amène à « l'effet classique de la suggestion » - la situation dans laquelle l'hypnotiseur suggère un
effet particulier (la main collée sur la table, par exemple) et ensuite met le sujet au défi de la vaincre («
essaye de soulever ta main »), et celui-ci échoue (la main reste sur la table). C'est « l'hypnose comme
produit », le produit étant la sensation du sujet que quelque chose s'est passé automatiquement ou
involontairement et que la cause en est l'hypnotiseur ou l'hypnose.

Les suggestions sont souvent classées en trois catégories : suggestions idéomotrices, où le mouvement
physique est causé ; suggestions de défi, où le volontaire ne peut vaincre la suggestion ; et suggestions
cognitives, qui incluent le royaume des émotions, des amnésies et des hallucinations.

Maintenant nous savons ce dont nous parlons : l'hypnose semble consister dans le fait que l'hypnotiseur se
présente et donne au sujet des suggestions, l'effet de ces suggestions étant que le sujet a l'impression que
celles-ci lui arrivent, au lieu de sentir qu'il est lui-même la cause du comportement qui en résulte.

En ne spécifiant pas la forme du processus, nous incluons des approches de l'hypnose dont les apparences
peuvent être variables, tant qu'elles ont pour résultat cette sensation dirigée et subjective d'automaticité ou
d'involontariat.

Etant donné cette définition relativement large de l'hypnose, regardons maintenant les modèles populaires
qui ont essayé de décrire la façon dont l'hypnose pourrait effectivement marcher.
Erickson, Elman et Estabrooks

Le modèle ericksonien de l'hypnose (tel qu'il est décrit dans Patterns of the Hypnotic Techniques of Milton
H. Erickson, M.D, Vol. 1 – Bandler et Grinder) comprend deux esprits (on y fait souvent référence comme
le « modèle à deux esprits ») : l'esprit conscient qui est logique, rationnel et limité, et l'esprit inconscient
qui est abstrait, émotionnel et expansif.

Le modèle affirme que lorsque l'esprit conscient est contourné (bypassed), il est possible d'accéder aux
ressources inconscientes et de les diriger; c'est essentiellement un modèle dissociatif, par lequel l'esprit
conscient est dissocié de l'esprit inconscient, et où il est empêché d'interférer avec le fonctionnement de la
suggestion.

Le model elmanien de l'hypnose (Hypnotherapy - Elman) comprend trois esprits, et montre des
réminiscences du modèle freudien de l'esprit. Le modèle d'Elman est centré sur le rôle du « facteur critique
» qui, d'après lui, décide quelles suggestions prendre. Le but de l'hypnose, dans ce modèle, était de
contourner le facteur critique et d'établir une pensée sélective. C'est aussi un modèle dissociatif, par lequel
le facteur critique est dissocié de l'inconscient.

Les modèles ericksonien et elmanien présentent tous deux l'hypnose comme un état ou une transe dans
lesquels le sujet entrerait ; typiquement, ce serait l'induction qui ferait que le sujet entre dans l'état ou dans
la transe, à l'intérieur desquels il prendrait des suggestions.

Les deux modèles comprennent une sorte de « gardien » (l'esprit inconscient dans le modèle ericksonien et
le facteur critique dans le modèle d'Elman) qui, supposément, protégerait le sujet en l'empêchant de prendre
les suggestions qui seraient préjudiciables pour lui.

A l'inverse, Estabrooks (Hypnotisme - Estabrooks) ne présente pas un modèle comme tel (et parle du
modèle à deux esprits comme étant non-scientifique) mais il semble qu'il ait cru qu'un état hypnotique était
induit et que ce dernier nous permettait de donner des suggestions au sujet.

Une différence significative est qu'il croit que les sujets capables pouvaient prendre les suggestions qui leur
étaient préjudiciables, et qu'il ne semble pas croire qu'il existe quelque chose comme un mécanisme de «
protection des meilleurs intérêts » capable d'éviter cela.

L'insaisissable état et l'illusion de la conscience

Les théories de l'hypnose qui s'appuient sur l'existence d'un état particulier sont battues en brèche par les
travaux académiques, bien qu'il y ait encore des universitaires qui semblent croire en la notion basique
d'état, défini comme une modification du processus qui s'éloignerait de ce qui est considéré comme un
comportement « normal », non-hypnotisé.

La raison principale pour laquelle cet état supposé est battu en brèche est que, malgré l'effort considérable
qui a été mis dans la recherche de marqueurs fiables pour caractériser l'état hypnotique, aucun n'a été
trouvé.

L'imagerie cérébrale peut déterminer quand un sujet agit d'après une suggestion spécifique et quant ils sont
seulement en train de simuler, mais la nature confuse des inductions - qui sont faites de suggestions (ne
serait-ce que la suggestion d'entrer dans l'hypnose) - signifie que la tentative d'étudier une « hypnose neutre
», dans laquelle le sujet serait hypnotisé mais sans qu'aucune suggestion ne lui soit donnée, s'est révélée
difficile.

En d'autres mots, les marqueurs physiologiques de l'état sont très difficiles à séparer des marqueurs
physiologiques pour des suggestions spécifiques, et cela a été aggravé par le fait que des inductions
différentes impliquent des suggestions différentes, ce qui produit des marqueurs physiologiques différents.

En bref, l'imagerie cérébrale ne nous a pour l'instant fourni aucune preuve fiable et tangible de l'existence
d'un état ou d'une transe hypnotique.

Il est vrai que les sujets hypnotisés semblent être dans un état ou dans une transe hypnotique et leur
témoignage va souvent en ce sens, mais il est également vrai que les sujets qui ne peuvent pas se rappeler
leur nom ont l'air de ne pas le pouvoir, et témoignent également en ce sens si on les questionne. Nous
acceptons le fait que l'amnésie du nom soit suggérée, pourquoi n'acceptons-nous pas que l'idée que l'état ou
la transe soient également suggérés ?
Lynn et Kirsch (Essentials of Clinical Hypnosis: An Evidence-Based Approach) ont mis en lumière la
façon dont les « crises » mesmériques unanimes ont été remplacées par le « somnambulisme artificiel » de
Puységur simplement parce que l'un de ses sujets était totalement inconscient du mesmérisme et de ses
effets habituels ; quand il fut mesmérisé, le fermier n'a montré ni crise ni convulsion pendant plus d'une
heure, mais au lieu de cela resta calme et silencieux.

Puységur préférait ce processus et tous ses clients ultérieurs réussirent le même effet ; Lynn et Kirsch
concluent que l'effet du mesmérisme était suggéré, et qu'il avait été pris à tort pour un état.

Il serait peu sage d'ignorer cette observation et de supposer que nos sujets sont dans une transe juste parce
qu'ils semblent l'être et qu'ils disent l'être, en particulier si l'on prend en compte l'absence de preuves
physiologiques pour appuyer cette affirmation.

Si ça n'a pas suffi pour vous troubler, alors j'attends de l'observation suivante qu'elle le fasse - à condition,
évidemment, que vous n'ayez pas déjà pris de l'avance sur moi. Cette vidéo, produite dans le cadre d'un
programme pour la BBC au Royaume-Uni, montre Marcus du Sautoy (professeur titulaire de la chaire
Simonyi à Oxford pour la Compréhension Publique de la Science) se faire retourner le cerveau en bonne et
due forme par une expérience élémentaire qui met en jeu quelques boutons et un scanner cérébral IRM.

Au cas où il vous viendrait l'envie de recréer cette expérience chez vous, voilà à quoi devrait ressembler la
note :
Marcus du Sautoy (notre sujet) - £100;
2 boutons-poussoir et leurs interfaces USB (de chez Farnell) - £50
Ordinateur portable (de chez Apple) - £995
Un appareil IRM pendant une heure - ça n'a absolument pas de prix

Il semble y avoir des choses que l'argent ne peut pas acheter, et avoir accès à un appareil IRM fait
probablement partie de celles-ci. A moins que vous ne soyez Alan Suger - « Vous êtes un neurone, vous
êtes viré ! » (Alan Sugar est un entrepreneur britannique couronné de succès et le « boss » dans la version
britannique de The Apprentice.)

Mais sérieusement, regardez cette vidéo, c'est incroyable : http://tune.pk/video/1049372/neuroscience-and-


free-will

Dans cette vidéo, Marcus du Sautoy fait scanner son cerveau alors qu'il est couché dans l'appareil IRM.
Tout ce qu'il a à faire c'est d'attendre, puis de décider d'appuyer sur l'un des deux boutons (il en un dans
chaque main) ; dès qu'il a décidé sur quel bouton appuyer, il appuie dessus. Puis il attend, et il recommence,
encore et encore, etc. Après calibration, il est possible de déterminer six secondes à l'avance sur quel
bouton Marcus va appuyer.

Six secondes. Marcus en conclut que la conscience de la personne qui manipule l'appareil IRM peut dire
sur quel bouton Marcus va appuyer six secondes avant la conscience de Marcus elle-même ne le sache.
Cela implique pour lui (et pour nous) que la conscience de prendre une décision est à la traîne par rapport à
la véritable prise de décision, et cela avec un délai tel que la conscience ne peut en aucune façon être
considérée comme étant « en charge », ni comme étant « preneuse des décisions ».

Elle devient simplement consciente de décisions qui ont déjà été prises - il n'y a pas de libre arbitre. Ceci
implique d'autre part que l'attention consciente doit être générée par l'inconscient, et que par conséquent
l'esprit conscient est une illusion.

Vous êtes toujours vous, mais la sensation que vous avez de penser et de décider n'est pas réelle ; elle a été
générée par cet ordinateur biologique qu'est votre esprit inconscient - qui n'est qu'un autre mot pour parler
de votre cerveau.

Anthony m'oblige à faire ici notre traditionnelle mise en garde, qui consiste à dire que tout ce que vous
ferez avec cette information restera de votre responsabilité. Si vous décidez de cambrioler une banque, que
ce soit pour apporter une preuve à votre croyance au libre arbitre, ou au contraire parce que vous pensez
n'avoir aucune influence sur votre décision et que le cambriolage était inévitable, alors vous vous faites des
illusions.

Vous avez existé jusqu'à maintenant sans cambrioler des banques (en tout cas, la plupart d'entre vous) et
rien d'autre n'a changé que, peut-être, votre perception de là où vos décisions sont prises, ainsi que de la
façon dont vous en devenez conscient. Alors ne cambriolez pas de banques, mais soyez critique avec les
modèles à esprits multiples, comme ceux d'Erickson et d'Elman.
 
La programmation neuro-linguistique (PNL)

Vers la fin des années 1970, John Grinder et Richard Bandler ont modélisé quelques grands thérapeutes. A
partir de ce processus de modélisation, ils ont développé des méthodes pour modéliser l'excellence et des
méthodes pour causer le changement hypnotique. La PNL consiste en des patterns langagiers et des
processus de recadrages centrés sur la solution, sur la thérapie brève, pour changer les clients au mieux.

En 2011, le professeur Irving Kisrch a fait une présentation pendant la conférence sur l'hypnose « change |
phenomena », en y incluant des recherches sur la PNL. Il a rappelé des études qui montrent que le protocole
de traitement de la phobie en une session mis en avant dans Frogs Into Princes (traitement rapide de la
phobie) est moins efficace qu'une seule session parmi les cinq que compte un traitement selon la thérapie
cognitive comportementale (TCC) ; que l'usage que font les sujets des prédicats du système
représentationnel ne correspond pas à leurs façons de penser ; que l'interprétation des mouvements des yeux
en tant que signaux n'est pas fiable ; que la régression en âge ne marche pas parce qu'elle exige de la
mémoire humaine un fonctionnement qui ne correspond pas à ce que l'on sait d'elle ; et que la double
induction de 45 minutes, par laquelle Bandler et Grinder affirmaient pouvoir hypnotiser le plus grand
nombre de personnes en les conduisant dans les états les plus profonds, est moins efficace qu'une induction
progressive basique de quinze minutes, enregistrée sur cassette par un animateur radio qui n'était pas
hypnotiseur.

En bref, les affirmations sur lesquelles la PNL se base sont défectueuses, indépendamment de la question
de savoir si vous avez fait l'expérience d'une réussite des patterns de changement. Ces articles de Head
Hacking s'intéressent à la façon dont l'hypnose fonctionne, plutôt qu'à la question de savoir si une approche
particulière de la thérapie marche en général. Je ne vous demande pas de changer ce que vous faites, mais
je suggère que vous puissiez vouloir examiner les raisons pour lesquelles vous croyez que cette approche
fonctionne.
 
Le modèle des Human Givens

Les Human Givens (Griffin et Tyrrell) est un modèle de thérapie qui est basé autour de neuf besoins
humains, et sur la façon dont ils sont plus ou moins bien remplis dans chaque aspect de la vie du client. Ce
modèle utilise la technique du rembobinage, une variation du traitement rapide des phobies de Bandler et
Grinder, pour réduire l'émotion connectée à un événement passé ou à un événement futur imaginé.

Le modèle pour l'hypnose présenté par Griffin et Tyrrell n'utilise pas un modèle à plusieurs esprits ; il parle
simplement de déclencher la « réponse d'orientation », qui déclenche le « générateur de réalité » du «
cerveau rêveur », pour ensuite lui fournir du contenu sous la forme de suggestions.

Cette définition évite de parler de dissociation et d'état, bien qu'elle soit, en réalité, un modèle pour
l'hypnose basé sur un « processus spécifique ». L'idée de processus spécifique ici renvoie au concept de
l'hypnose comme quelque chose qui déclencherait ou causerait un processus cérébral qui autrement ne
serait pas actif, ou en modifierait un qui le serait (ou en stopperait un qui bloquerait l'hypnose).

Les modèles à processus spécifiques ont parfois été regardés comme réintroduisant en contrebande l'idée
d'état, dans la mesure où la présence d'un processus spécifique (s'il existe) pourrait être utilisé pour faire la
distinction entre des modes opératoires hypnotisé et non-hypnotisé - des modes opératoires qu'on appelle
couramment des états. Malgré tout, ici à Head Hacking nous trouvons utile le modèle pour l'hypnose que
proposent les Human Givens, dans la mesure où il nous permet (ou il nous force) de remettre en question
les différents aspects de l'hypnose en tant que processus.
Le fait que ce modèle ne fasse pas de place à la notion de « profondeur » signifie que nous pourrions nous
dispenser des techniques d'approfondissement, et nous n'avons pas constaté de changements dans nos
résultats - en-dehors du fait que les choses prenaient moins de temps. L'idée d'un générateur de réalité ou
d'un cerveau rêveur nous fournit une vision plus tangible de celui qui (ou ce qui) prenait les suggestions, ce
qui nous a permis de changer la façon dont nous approchions un sujet hypnotisé : au lieu de parler à un
sujet « dormant », nous parlions à un sujet « rêvant » et nous peignions des rêves pour lui. Soudainement
(pour moi, au moins) la pratique qui consistait à dire à un sujet qu'au moment suivant il allait danser
comme Beyonce ne semblait plus aussi ridicule.

Déclencher la réponse d'orientation pourrait être vu comme une induction, et les inductions rapides de choc
pourraient aisément être vues comme déclenchant un processus ; les inductions conversationnelles et
progressives pourraient potentiellement réaliser les mêmes fins à travers un processus plus graduel et
souterrain au cours duquel on amènerait gentiment le générateur de réalité à se mettre en marche, plutôt
qu'en réponse à la réponse d'orientation.

Parallèlement au fait qu'il ouvrait la porte à un nombre infini de façons de créer des inductions, il
fournissait aussi une autre façon de voir le modèle : peut-être était-il possible de déclencher la réponse
d'orientation sans user d'une induction.

En 2006, nous avons travaillé sur le pilote de I Know What You Did Last Friday - un show télévisé qui met
en scène un participant hypnotisé amnésique des événements d'un jour particulier. Vous pouvez voir ici 9
minutes de fun compactés dans une bande annonce : [lien brisé]

Pendant une pause lors du tournage, Anthony a demandé à notre sujet s'il pouvait soulever une bouteille qui
était sur la table - il s'attendait à ce qu'il soit capable de le faire ; il allait alors lui demander de la reposer, de
se concentrer et d' « essayer à nouveau, pour te rendre compte que tu ne peux pas ».

Gagner l'attention des sujets ou la diriger était devenue une méthode d'induction à cette époque. Au lieu de
cela, notre sujet s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas soulever la bouteille, simplement en réponse à la
question initiale d'Anthony. Anthony s'empara de l'occasion et en quelque moments poussa le sujet
jusqu'aux hallucinations.

Après le tournage sur le terrain nous avons fait une pause de trois semaines durant laquelle nous n'avons eu
aucun contact avec le sujet. Notre rendez-vous suivant prit place dans un merveilleux restaurant à
Amsterdam (merveilleux pour les amateurs de poisson), dans l'optique du tournage studio.

Anthony répéta l'exercice avec la bouteille avec les mêmes résultats et ce fut l'acte de naissance de la
Permanosis (comme nous l'appelons) ; c'était l'idée que, une fois qu'il a été hypnotisé, un sujet capable reste
ouvert à la suggestion de façon permanente.

Il faudrait que j'ajoute qu'au moment où Ant avait déjà fait passer deux suggestions, j'ai lancé une
suggestion ninja selon laquelle sa main était bloquée sur le bras de Ant ; je n'avais jamais hypnotisé ce sujet
moi-même, ce qui signifie qu'il est inutile qu'une relation hypnotique avec le sujet préexiste pour que les
suggestions soient prises.

(L'hypnose ninja est la pratique qui consiste à voler les sujets d'autres hypnotiseurs, au moment où ces
derniers sont en train de donner des suggestions. C'est très amusant - il faut juste être un peu plus
hypnotiseur que l'hypnotiseur actuel.)

Résumé des modèles populaires

En résumé, les modèles les plus populaires parmi les hypnotiseurs en activité sont les modèles basés sur un
état, les modèles à esprits multiples où l'hypnose est causée par une induction (modèles ericksonien,
elmanien et PNL). Les neurosciences suggèrent que l'esprit conscient est une illusion et n'est pas la source
des prises de décision, ce qui fait que les modèles à esprits multiples paraissent moins probables.
Nous manquons de preuves pour pouvoir parler d'une état ou d'une transe « en soi », même s'il y a de
solides preuves qui montrent que le fonctionnement du cerveau change en réponse à la suggestion. Le
modèle des Human Givens se dispense de parler de profondeur, et nous a permis de nous dispenser
d'inductions quand nous savions que les sujets en étaient capables.

Dans la partie 2, je présenterai les travaux scientifiques et en partie 3 je décriai l'Automatic Imagination
Model.

Je vous invite à consulter nos produits à http://www.headhacking.com/products et à nous suivre sur Twitter
@headhackinglive..

Kev Sheldrake, hypnotiseur


Head Hacking
2ème partie : Voici venir la science
Head Hacking - Free Your Mind - Partie 2 - Voici venir la science
 
Voici la seconde partie de l'article Free Your Mind à propos de notre travail chez Head Hacking Research.
Dans la première partie, j'ai introduit quelques définitions de l'hypnose, et nous avons jeté un œil sur les
modèles de l'hypnose les plus populaires, des modèles auxquels les hypnotiseurs en activité se réfèrent.
 
Dans cette partie, je vais présenter quelques-unes des importantes découvertes scientifiques à propos de
l'hypnose. Je vais pour cela m'appuyer sur les modèles académiques les plus populaires parmi ceux qui
décrivent la façon dont l'hypnose fonctionne. Veuillez lire tout d'abord la partie 1 pour comprendre le
contexte dans lequel cet article a été écrit ; il fournit également une référence au Oxford Handbook of
Hypnosis - vous devriez considérer la possibilité d'y jeter un œil.
 
 
Les échelles d'hypnose
 
Beaucoup d'hypnotiseurs ont entendu parler de l'échelle de susceptibilité hypnotique de Stanford forme C
(SHSS:C - à l'origine une création de Weitzenhoffer et Hilgard, modifiée par Kihlstrom) mais je doute que
beaucoup, en dehors des cercles académiques, aient passé du temps à comprendre ce que c'est et à quoi ça
sert.
 
On s'y réfère souvent comme le « maître-étalon » des échelles hypnotiques, avec une haute fiabilité à
travers la population et à travers le temps ; des sujets ont été retestés 25 ans après, et leurs scores se sont
trouvés solidement cohérents avec leurs scores originaux (Piccione, Hilgard et Zimbardo, 1989).
 
Le SHSS:C a été conçu comme un moyen de mesurer l'hypnotisabilité d'un sujet ; il consiste en une
induction par fermeture des yeux, suivie par un approfondissement et douze tests notés, des tests qui
s'échelonnent entre des phénomènes « faciles » (le bras qui retombe) et des phénomènes « difficiles » (des
voix hallucinées). Les sujets ont un point pour chaque test réussi, et ces scores sont totalisés pour donner le
score global.
 
Bien qu'il soit communément admis qu'on puisse se référer à une suggestion de retombée de bras comme
étant « facile » et à une suggestion d'hallucination de voix comme étant « difficile », en réalité il serait plus
facile de plutôt les désigner comme « communes » et « rare ». Il y a bien peu de raisons de suggérer que la
suggestion d'hallucination des voix soit plus difficile pour un sujet qui en est capable, mais ces sujets
semblent relativement rares.
 
Au lieu de cela, l'idée selon laquelle des suggestions seraient faciles ou difficiles fait davantage sens pour
l'hypnotiseur que pour l'hypnotisé, la « facilité » perçue n'étant pas autre chose que la fréquence avec
laquelle ces suggestions sont réussies. Autrement dit, les suggestions qui ne trouvent une réponse qu'en de
rares occasions sont considérées par l'hypnotiseur comme plus difficiles que celles qui trouvent une réponse
la plupart du temps, mais ça n'a rien à voir avec la difficulté qu'éprouve le sujet quand il prend la
suggestion.
 
Il est important de noter que les suggestions les plus rares ne sont en fait pas plus difficiles pour
l'hypnotiseur ; c'est juste que les sujets qui en sont capables sont moins fréquents. Il est littéralement aussi
facile de suggérer « je suis invisible » que de suggérer « ton bras est lourd » ; si vous ne l'avez pas essayé,
faites-le. Vous pourriez être en train de le suggérer à un sujet capable, et les résultats seraient incroyables.
 
Revenons au SHSS:C. Si on devait prendre un échantillon aléatoire de la population et leur faire passer
individuellement le SHSS:C en bonne et due forme, alors il serait très probable d'obtenir des résultats qui
suivent une distribution normale, autrement connue sous le nom de « courbe en cloche ». C'est une courbe
de graphique sur laquelle un petit nombre de personnes obtient des scores bas, la majorité obtient des
scores aux alentours de la moyenne, et quelques-uns obtiennent des scores hauts.
 
La raison pour laquelle on pourrait s'attendre à une distribution normale, c'est que ce type de distribution a
pu être observé lors de multiples expériences fondées sur le SHSS:C à travers le monde. La constance de ce
résultat suggère que la population générale répondrait avec une distribution normale très similaire à celles-
ci.
 
Si le groupe qu'on considère est un échantillon aléatoire, alors il est raisonnable de supposer que ce groupe
suivrait également une distribution normale (en fait, c'est plus que raisonnable : l'ampleur de la déviation de
chaque groupe échantillonné suit elle-même la loi normale de distribution, ce qui nous permet de savoir à
quel point notre groupe devrait différer si l'on devait conclure que quelque chose a affecté les résultats.
Voyez Experiment, Design and Statistics in Psychology par Robson pour plus d'informations sur les
distributions normales et les déviations standard.)
 
Les résultats du SHSS:C montrent qu'approximativement 10% de la population obtient des scores bas,
compris entre 0 et 2 ; 80% obtiennent des scores entre 3 et 8 ; et 10% obtiennent des scores hauts de 9 à 12.
 
En règle générale, les sujets qui ont des scores bas ne réussissent que les suggestions idéomotrices ; les
personnes dont les notes sont moyennes réussissent les suggestions idéomotrices et les suggestions de défi ;
et les sujets qui ont des scores hauts tendent à être capables de réussir la majorité des phénomènes. Tout un
ensemble d'autres échelles existent avec des items similaires, certaines d'entre elles plus courtes, certaines
d'entre elles conçues pour des situations de groupe. Toutes les échelles en usage ont produit des résultats en
cohérence avec le SHSS:C.
 
Un ensemble d'échelles cliniques pour la « profondeur » existent aussi, ce sont des échelles qui sont
généralement utilisées dans des contextes médicaux plutôt qu'universitaires ; elles sont également en
cohérence avec les échelles académiques. On est justifié à dire que les différentes approches académiques
dans l'évaluation des capacités des sujets sont au moins cohérentes.
 
Si elles sont fausses, au sens où elles mesureraient mal les capacités hypnotiques, alors la majorité des
universitaires spécialisés dans l'hypnose n'a pas trouvé l'erreur ; et étant donné qu'un certain nombre de
ceux-ci pratiquent également de l'hypnose clinique dans le cadre de programmes thérapeutiques, il serait
injuste d'affirmer que les universitaires ont une approche de l'hypnose différente de celle des
hypnothérapeutes - puisque beaucoup d'entre eux sont également hypnothérapeutes.
 
J'espère que tous les hypnothérapeutes s'inquiètent de savoir « ce qui marche » - je pense que la différence
tient en ce que les universitaires veulent utiliser des données fiables et et des méthodes statistiques pour
déterminer « ce qui marche de façon assurée » et je pense qu'ils ont raison de procéder ainsi.
 
Il y a pourtant un problème avec le SHSS:C. Comme son nom l'indique, il mesure la susceptibilité
hypnotique, qu'on a longtemps supposé être un synonyme pour l'hypnotisabilité. Depuis les premiers jours
de l'hypnose, on a supposé qu'une induction était nécessaire pour créer un état hypnotique dans lequel les
suggestions seraient données. L'hypnose éveillée (c'est-à-dire sans un état hypnotique établi) était
généralement vue comme ne pouvant produire que des phénomènes idéomoteurs, et on pensait qu'un état
hypnotique était requis pour produire des phénomènes de défi ou des phénomènes cognitifs.
 
On sait depuis Hypnosis Without Transe et notre propre Permanosis que l'éventail entier des suggestions
peut être donné sans induction, mais ce n'était pas le point de vue dominant quand les échelles ont été
développées dans les années 1950 et 1960.
 
Le problème était le suivant : du fait qu'on supposait qu'une induction était nécessaire, personne n'a essayé
de voir si les sujets pouvaient néanmoins prendre les suggestions. Kirsch parle d'expériences dans
lesquelles les suggestions évaluées par le SHSS:C ont été données à des sujets qui n'avaient pas été
hypnotisés (Kirsch, 2008), et il a montré que l'induction fait très peu de différences si l'on regarde les
résultats. Il suggère qu'on ne devrait se référer à de telles échelles qu'en tant qu'évaluations de réponses à
des suggestions, plutôt qu'en tant qu'évaluations de la susceptibilité hypnotique, ou de l'hypnotisabilité.
 
Il y a eu débat pour savoir si les sujets répondaient de la même façon quand, d'une part, on leur donnait des
suggestions sans qu'il y ait eu induction, et quand d'autre part ils étaient hypnotisés (à la suite d'une
induction). Un article de Raz et al (Raz et al., 2006) montre que les « bons » (les sujets qui obtiennent de 9
à 12 au SHSS:C) peuvent suivre sans induction une suggestion qui supprime l'effet Stroop.
 
On peut voir un exemple de l'effet Stroop quand on essaie de nommer la couleur de l'encre avec laquelle un
mot a été imprimé ; les mots de couleurs (« rouge », « bleu », etc.) qui sont imprimés de la même couleur
peuvent être identifiés plus rapidement que les mots neutres (« travailler », « conduire », etc.), et ces
derniers peuvent être identifiés plus vite que les mots de couleur qui sont imprimés avec une encre d'une
couleur différente. Supprimer l'effet Stroop signifie diminuer les performances sur les mots colorés de
façon congruente (« rouge » imprimé à l'encre rouge), et augmenter les performances sur les mots écrits de
façon non-congruente (« rouge » imprimé à l'encre bleue).
 
Étant donné la nature des tests, on croit que les sujets ne peuvent pas feindre la réponse à cette suggestion,
ni à l'inverse améliorer volontairement leurs performances pour le mot non-congruent, et qu'ils agissent par
conséquent (au moins d'un point de vue fonctionnel) de la même façon que les sujets hypnotisés (étant
donné que les deux doivent répondre aux suggestions, et pas seulement jouer le jeu). On pourrait supposer
que les suggestions données sans induction peuvent être prises juste aussi facilement et de la même façon
que les suggestions qui ont été données à la suite d'une induction.
 
Il y a un autre problème avec le SHSS:C, c'est qu'il n'enregistre que les réponses comportementales, ou les
actions manifestes des sujets. Comme je l'ai souligné dans la Partie 1, seul le sujet sait s'il est en train de
répondre aux suggestions, ou s'il fait semblant.
 
La supposition sous-jacente était que les réponses comportementales sont corrélées aux sensations
subjectives, c'est-à-dire que si un sujet lève sa main en réponse à une suggestion, c'est que ce phénomène a
du se produire involontairement. Spanos et al. (Spanos et al., 1983) ont démontré que ce n'était pas le cas,
avec une étude impliquant l'échelle pour la propension à répondre aux suggestions de l'université de
Carlton (Carleton University Responsiveness to Suggestion Scale, CURSS).
 
Le CURSS mesure les réponses aux suggestions selon trois dimensions : la note objective (CURSS:O),
pour laquelle un point est attribué à chaque fois que le sujet donne une réponse comportementale
appropriée à la suggestion ; la note subjective (CURSS:S) qui s'échelonne entre 0 et 3 points pour chaque
suggestion, d'après l'intensité selon laquelle le sujet a fait l'expérience des sensations appropriées, de « pas
du tout » à « beaucoup » ; et la note objective-involontaire (CURSS:OI) qui s'échelonne entre 0 et 3 points
pour chaque suggestion que le sujet a vécu comme involontaire en quelque façon, ce qui permet d'évacuer
les suggestions qui n'ont pas provoqué de réponse comportementale ou de sensation d'involontariat.
 
Spanos et al. ont montré que les résultats comportementaux était substantiellement plus élevés que les
scores objectifs-involontaires, ce qui suppose que les échelles qui mesurent seulement la réponse
comportementale, comme le SHSS:C, surestiment systématiquement la réponse à la suggestion.
 
Les échelles hypnotiques sont importantes pour l'université, mais sont probablement inadaptées au travail
de l'hypnotiseur moyen. Ce que nous pouvons tirer d'elles sont les résultats qui peuvent être attendus si on
voulait hypnotiser des membres aléatoires du public.
 
Par exemple, Kirsch et al. (Kirsch et al., 1995) ont montré qu'approximativement 25% des étudiants
d'université ont réussi à vivre une amnésie suggérée ; c'est très utile si nous comptons utiliser l'amnésie
hypnotique pour une routine, étant donné que pour quatre personnes qu'on teste, seulement l'une d'entre
elles arrivera à vivre les suggestions d'amnésie.
 
Nous pouvons également tirer bénéfice de ces échelles en incorporant la façon dont elles ont fait évoluer
leur pre-talk ou introduction. Quelques-uns peuvent être obtenus sur http://hypnosis.tools/suggestibility-
scales.html et à partir du site de John
Kihlstrom, http://socrates.berkeley.edu/~kihlstrm/hypnosis_research.htm - ils valent la peine d'être lus,
puisque qu'ils ont été réglés de façon à ce que les sujets soient rendus aussi coopératifs et décontractés que
possible.
 
 
Les théories néo-dissociationnistes
 
 
Ernest Hilgard a développé la théorie néo-dissociationniste (Lynn et Rhue, 1994), qui est basée sur l'idée
suivante : l'hypnose ferait en sorte que la conscience se divise en plusieurs courants de traitement séparés
par une barrière amnésique. Un « observateur caché » resterait présent ; il pourrait être interrogé après-coup
et révéler des informations pour lesquelles le sujet aurait une amnésie post-hypnotique.
 
Les descriptions que Hilgard a fait de la théorie néo-dissociationniste ont laissé suffisamment de latitude
pour que Kenneth Bowers définisse une version alternative de la théorie néo-dissociationniste, connue sous
le nom de théorie du contrôle dissocié (Woody et Sadler, 2008). Plus récemment, Erik Woody et Pamela
Sader (2008) ont intégré les deux théories dans un cadre qui pourrait appuyer soit l'une des deux, soit une
combinaison des deux théories.
 
La théorie néo-dissociationniste de Hilgard suggère que quand les sujets prennent une suggestion simple,
leur courant de conscience est divisé en deux courants de conscience. L'un deux produit en toute conscience
le comportement requis par la suggestion, et l'autre courant de conscience - celui qui est de l'autre côté de la
barrière amnésique - observe l'effet comme se produisant de façon involontaire, sans savoir que l'autre
courant est en fait en train de produire le comportement.
 
Le courant de conscience qui produit le comportement est conscient d'avoir agi ainsi et peut être interrogé
par l'hypnotiseur en suggérant simplement que « l'observateur caché » pourra répondre. Hilgard produit des
preuves qui étayent l'existence de l'observateur caché, et les utilise pour appuyer sa théorie des multiples
courants de conscience, séparés par des barrières amnésiques.
 
Nicolas Spanos attaque l'observateur caché, et conclut (Spanos et Coe, 1991, cité dans Kirsch et Lynn,
1998) que « les témoignages qui rapportent l'expérience d'une partie cachée et les évaluations de douleurs
cachées reflètent les constructions que les gens développent à partir des instructions utilisées dans les
expérimentations liées à l'observateur caché. » Cela signifie que l'existence et la personnalité de
l'observateur caché pourraient être dictés par les instructions données aux sujets dans le pre-talk.
 
A travers une série d'expérimentations, Spanos démontre que la présence de l'observateur caché dépend des
instructions données par l'hypnotiseur - donnez un ensemble d'instructions particulier et un observateur
caché est présent. Donnez un ensemble différent et il n'y en a plus.
 
Il montre également que les rapports de l'observateur caché pourraient être influencé par les instructions
données - dites-leur que l'observateur caché a une vision du monde en miroir (à cause du caractère croisé
des connexions de la vision au niveau cérébral), montrez-leur le nombre 81, donnez-leur une amnésie pour
celui-ci, demandez à l'observateur caché ce qu'il a vu et ils vous donneront le numéro 18.
 
Par ailleurs il montre qu'il pourrait créer de multiples observateurs cachés (chacun étant amnésique de
chaque autre), et ainsi supposément plusieurs courants de conscience et de multiples barrières amnésiques,
grâce à des variations dans les instructions.
 
La conclusion simple est que l'observateur caché est le résultat d'une suggestion et ne fait par conséquent
pas partie du mécanisme de l'hypnose, mais n'en est qu'une partie de l'effet.
 
Kenneth Bowers attaque les barrières amnésiques en soulignant que l'amnésie suggérée est un phénomène
relativement rare (25% des sujets y parvenant), pourtant elle a été utilisée implicitement pour fournir le
mécanisme qui permettait le mouvement idéomoteur le plus commun et pour que les suggestions de défi
soient accomplies.
 
A la place, il met en avant son modèle du contrôle dissocié qui dit que dans l'hypnose, les suggestions
peuvent être acceptées par des sous-systèmes de contrôle en-dessous du contrôle exécutif sans la
conscience de cet exécutif. Cela implique que les suggestions contournent le contrôle exécutif (l'entité
centrale qui prend les décisions) et agissent directement sur les parties du cerveau qui fait que les processus
se font (les sous-systèmes de contrôle) par dissociation entre le système exécutif et les sous-systèmes.
 
Ce que la théorie de Bowers n'arrive pas à expliquer, c'est le mécanisme physiologique qui permet la
dissociation, et également la granularité de sélection dans la façon dont la dissociation se manifeste. Par
exemple, certaines suggestions sont prises et d'autres ne le sont pas, et on peut voir que des différences se
font pour le même individu à des occasions différentes - pourquoi y a-t-il ces différences qui font que
certaines dissociations sont possibles et d'autres non en fonction des différentes occasions ?
 
Un autre exemple serait l'amnésie sélective ; un sujet peut être amnésique pour une information très
sélective (leur nom, par exemple) mais avoir accès aux autres informations de façon normale. Un
mécanisme de contrôle dissocié supposerait, pour être assez flexible, de pouvoir gérer ces dissociations
spécifiques à certaines occasions, et d'autres très larges à d'autres occasions.
 
En addition à ces questions, Kirsch et Lynn (Kirsch et Lynn, 1998) font un travail approfondi en
concluant : « les preuves qui appuient l'une ou l'autre théorie de la dissociation sont minces, et toutes deux
sont assaillies par de sérieuses difficultés conceptuelles. »
 
Woody et Sadler (Woody et Sadler, 2008) proposent un cadre intégratif qui appuie la théorie du contrôle
dissocié et une version révisée de la théorie néo-dissociationniste, connue sous le nom de théorie de
l'expérience dissociée. La théorie de l'expérience dissociée suggère une dissociation entre le contrôle
exécutif et le moniteur exécutif, qui est la partie qui observe la situation actuelle. Dans cette version de la
théorie, le contrôle exécutif effectue la suggestion mais le moniteur exécutif n'est pas conscient qu'il le fait,
ce qui fait que le sujet expérimente l'effet comme involontaire.
 
Bien que cette version simplifiée de la théorie néo-dissociationniste (sans les barrières amnésiques, les
observateurs cachés et les courants de conscience) résiste à beaucoup des critiques précédentes, elle ne
fournit pas un mécanisme qui causerait la dissociation, et par conséquent n'explique pas pourquoi certaines
suggestions sont prises et d'autres non.
 
Il suggère toujours également une forme d'amnésie en tant qu'effet de la dissociation, tombant ainsi sous le
coup de la critique que Bowers adressait originellement à la théorie de la néo-dissociation, c'est-à-dire qu'il
est contradictoire d'expliquer l'occurrence de suggestions communes (suggestions idéomotrice et de défi)
par l'utilisation d'une occurrence rarement montrée (les amnésies suggérées).
 
 
Théories sociales cognitives
 
Si les théories néo-dissociationistes ne tiennent pas debout, ou si elles ne racontent pas toute l'histoire, alors
quelles sont les alternatives ? Les principales sont les théories sociales cognitives ; ce sont des théories de
l'hypnose qui supposent que le comportement hypnotique est, en fait, un comportement normal qui est
interprété comme hypnotique, en raison du contexte social et des stratégies cognitives qui en découlent.
 
La scène sociale cognitive est assez large et représente un grand nombre de points de vue, mais elle peut
souvent être trop aisément (et à tort) généralisée pour être confondue avec les théories qui définissent
l'hypnose comme un « conformisme social » ; ces théories sont des simplifications abusives qui affirment
que le sujet ne fait que jouer le jeu et qu'il est toujours entièrement en contrôle de son propre
comportement. Si on généralise en ce sens et si on rejette la réponse en termes de « conformisme social », il
est possible de rejeter (à tort) l'ensemble de la scène sociale cognitive et de ne pas voir les preuves
fascinantes et les idées pénétrantes qu'elle a à offrir.
 
Graham Wagstaff propose l'idée selon laquelle les sujets engageraient des stratégies cognitives dans l'espoir
de réaliser les phénomènes suggérés avec le sens de l'involontariat hypnotique, et dans certains cas ils y
réussissent, mais quand ils échouent ils se rabattent souvent sur un simple réalisation de la suggestion sans
avoir les sensations hypnotiques, pour répondre aux exigences du contexte social.
 
Il y a deux idées clés : la première, c'est que le mode de réponse réellement hypnotique implique des
stratégies cognitives, et qu'il explique seulement les actions des sujets hautement hypnotisables ; la
seconde, c'est que la majorité des sujets moyens ou bas (et potentiellement une proportion des sujets
hautement hypnotisables) sont en train de jouer le jeu, en faisant semblant d'être hypnotisé et d'accepter les
suggestions.
 
Il y a un argument dont certains hypnothérapeutes font souvent usage (à tort) contre l'hypnose de spectacle
- souvent pour leur propre littérature marketing -, c'est celui qui consiste à dire que les sujets qui sont sur la
scène d'un spectacle d'hypnose sont des personnes naturellement exubérantes qui veulent agir de façon
outrageante. L'argument opposé et équivalent est également souvent mis en avant : les personnes timides
qui se retrouvent sur scène veulent en fait secrètement faire des choses outrageantes, et l'hypnose de
spectacle leur fournit le contexte acceptable dans lequel ils peuvent agir ainsi, sans avoir à prendre de
responsabilité pour leurs actions.
 
Ces deux arguments pourraient être vrais, et rendre compte des actions de différents sujets avec des
personnalités naturelles différentes et des réponses différentes au contexte - s'il n'y avait le fait que
personne ne peut aussi bien simuler qu'un sujet hypnotisé, particulièrement sans leçons de comédie et sans
expérience en tant qu'acteur. Parmi les sujets qui apparaissent sur la scène dans les spectacles d'hypnose,
bien peu ont un quelconque talent d'acteur dans leur vie normale ; mais d'une façon ou d'une autre ils
arrivent comme par magie à élaborer instantanément d'excellentes représentations dès qu'on leur lance des
scénarios vagues et improvisés.
 
Ce qu'on devrait garder de Wastaff, c'est l'idée selon laquelle les personne sur scène sont probablement les
sujets hautement hypnotisables, parce que s'ils ne l'étaient pas, alors leurs talents d'acteurs les laisseraient
tomber au moment où ils essayent de se conformer aux suggestions dans l'espoir de se faire voir. Avec ces
sujets, les scénarios suggérés sont perçus comme réels et leur comportement n'est pas de la comédie, ce
n'est que leur réponse naturelle à ce qu'ils perçoivent comme étant la réalité.
 
Malheureusement, si nous acceptons l'argument du conformisme social alors nous devons accepter que la
majorité des personnes qui rendent visite à un hypnothérapeute finiront par se conformer, ou faire semblant,
plutôt que d'être réellement hypnotisés et d'agir selon les suggestions de façon automatique.
 
Il y a cependant d'autre visions sociales cognitives, et elles fournissent des résultats plus encourageants et
plus prometteurs. Donald Gorassini et Nicholas Spanos (Gorassini et Spanos, 1986) proposent l'idée selon
laquelle les réponses réussies à la suggestions sont dues à une compétence, et que la compétence peut être
acquise.
 
Ils ont développé un programme d'entraînement de 75 minutes, le Carleton Skills Training Package
(CSTP), qui inclut trois éléments clés : le premier consiste à recevoir des informations destinées à enlever
les mauvaises conceptions de l'hypnose et à améliorer les attitudes envers elle ; le second est de regarder
une vidéo d'un sujet hautement hypnotisable en train d'être hypnotisé et d'agir avec succès d'après des
suggestions - le sujet exprime ses pensées à haute voix pendant la session d'hypnose, et est ensuite
interviewé ; le troisième est de s'entraîner à agir comme un sujet hautement hypnotisable dans des sessions
d'hypnose factices.
 
Gorassini et Spanos ont formé des groupes en y distribuant de façon aléatoire des sujets dont les réponses
étaient moyennes ou basses. Tous les sujets avaient été évalués avec le CURSS. Un groupe a suivi le
programme d'entraînement CSTP, deux groupes ont suivi différentes versions partielles du CSTP, et le
dernier groupe (le groupe de contrôle) a simplement reçu un questionnaire à remplir (pour qu'il soit occupé
pendant le même laps de temps). Tous les groupes ont ensuite été testés de nouveau avec le CURSS et une
version du SHSS:C, modifié pour inclure les notes subjectives et objectives-involontaires.
 
Dans le groupe qui a suivi le CSTP complet, la moitié des sujets qui à l'origine répondaient de façon basse
et 80% des sujets moyens d'origine ont répondu comme des sujets hautement hypnotisables, une fois qu'ils
ont été réévalués après l'entraînement hypnotique. Le groupe de contrôle n'a montré aucun changement et
les groupes partiels ont montré des améliorations partielles. En 75 minutes, Gorassini et Spanos ont changé
la façon dont les sujets répondaient à l'hypnose ; non seulement cela, mais les sujets ont gardé les mêmes
nouveaux scores quand ils ont été retestés plus tard, et l'effet est ainsi apparu permanent.
 
Gorassini est allé plus loin, et a développé un programme d'entraînement hypnotique plus court (Gorassini,
2003) qui prend seulement quatre minutes. Il implique en fait un script de deux minutes : on donne au sujet
une transcription à lire, en même temps qu'il en écoute une version enregistrée ; les sujets disposent alors de
deux minutes supplémentaires pour relire le transcript, pour un total de quatre minutes. Encore ici, avec
seulement quatre minutes d'entraînement, les sujets améliorent leur réponse sur une échelle standard.
 
La modification de la réponse à la suggestion a été toutefois critiquée, au sens où elle ne ferait que causer
des réponses comportementales sans le sens de l'involontariat (Bates et Brigham, 1990); en d'autres termes,
les sujets apprennent à agir comme de bons sujets mais ne deviennent pas de bons sujets pour autant.
 
Pourtant, d'autres études ont confirmé que les sujets améliorent significativement leurs notes subjectives
d'involontariat, même si les effets ne sont pas aussi prononcés que ce que Gorassini et Spanos avaient
originellement annoncé (Gearan, Schoenberger et Kirsch, 1995; Cangas et Pérez, 1998).
 
Les techniques de modification ont été étendues jusqu'à fonctionner efficacement pour des sujets qui
avaient une réponse nulle à la suggestion (Cangas Siaz et Pérez Alvarez, 1998). Une étude évaluant un
court entraînement de dix minutes, cependant, n'a pas réussi à trouver des améliorations significatives en
réponse à la suggestion et spécifiquement pour les effets de l'analgésie (Milling, Kirsch et Burgess, 1999).
 
De façon générale, les résultats suggèrent que la réponse à la suggestion peut être modifiée à travers un
entraînement, même si on ne comprend pas complètement ce que l'entraînement doit comporter et comment
il doit être mené. Le fait qu'il fonctionne, pourtant, a des conséquences pour tous les hypnotiseurs. S'il est
possible de condenser l'entraînement en quelque chose qui s'approche d'un pre-talk ou d'une induction,
alors nous pouvons améliorer les résultats de tous nos sujets avant même qu'on n'essaie de les hypnotiser,
ce qui ferait considérablement monter notre taux de succès.
 
Toutefois, tout cela indique quelque chose de plus important : ce que font les sujets quand on leur donne
une suggestion importe ; s'ils s'engagent dans les bonnes stratégies cognitives, alors ils est plus probable
qu'ils arrivent à prendre les suggestions. Il apparaît que le résultat de ces stratégies cognitives, c'est que les
sujets font l'expérience des effets des suggestions avec la sensation d'involontariat.
 
A ce point, il est bon de rappeler que la réponse à la suggestion ne dépend pas d'une induction et qu'une
transe peut être l'effet d'une suggestion d'induction, plutôt qu'un état ou un processus spécial. Les théories
sociales cognitives ont donné naissance à des programmes d'entraînement courts qui modifient la capacité
du sujet à répondre à la suggestion d'une façon qui semble involontaire.
 
Les résultats semblent indiquer que les stratégies cognitives seraient le mécanisme de l'hypnose,
l'expérience de la dissociation paraissant être un effet plutôt qu'une cause. Avec cela présent à l'esprit, nous
nous approchons d'une théorie sociale cognitive clé de nos héros, Irving Kirsch et Stephan Jay Lynn.
 
 
La Théorie des Ensembles de Réponses (Response Set Theory)
 
Rappelez-vous la partie 1, je vous y disais que nous n'avions pas de libre arbitre. Cela a en fait des
implications supplémentaires pour les modèles de l'hypnose. Si nous n'avons effectivement pas de libre
arbitre, comme nous le suggèrent les neurosciences, alors tout ce que nous faisons est automatique, et par
conséquent involontaire. La réponse à la suggestion n'est pas différente, elle est tout aussi automatique et
involontaire que toutes nous autres actions normales. La différence, comme je l'ai mis en lumière dans la
partie 1, c'est que la réponse à la suggestion s'accompagne d'un sens de l'involontariat.
 
Si tout ce que nous faisons est involontaire, alors normalement nous devons (automatiquement) attribuer
une illusion d'intention à nos actions ; ceci nous pousse à croire que nous avions voulu causer nos actions,
renforçant ainsi notre illusion du libre arbitre. La réponse à la suggestion, de l'autre côté, enlève cette
illusion d'intention et nous laisse avec la réalité ; nous devenons conscients de la véritable nature
inconsciente du comportement associé à l'action suggérée, tout en préservant l'illusion pour tous nos autres
comportements.
 
Il vaut sans doute la peine de le répéter : dans la vie quotidienne nos actions sont automatiques, mais nous
les percevons comme volontaires et intentionnelles ; quand nous répondons aux suggestions, cette
perception est supprimée pour le comportement associé et nous pouvons l'observer sans le sens artificiel de
l'intention que nous ressentirions normalement en percevant qu'on était en train d'agir de façon ordinaire et
volontaire.
 
Ce point de vue est suggéré par Irving Kirsch et Stephen Jay Lynn (Kirsch et Lynn, 1997), et participe à
leur Théorie des Ensembles de Réponses (Response Set Theory). Cette théorie suggère que dans tous les
moments de veille nous suscitons des comportements appropriées (des ensembles de réponses) en réponse
aux stimuli, puis nous agissons, et enfin nous attribuons l'intention à nos actions.
 
Pour les sujets qui répondent à la suggestion, le contexte hypnotique fournit le stimulus pour l'ensemble de
réponses hypnotique ; ceci inclut le fait d'agir d'après les suggestions et de faire l'expérience des effets
comme quelque chose se faisant automatiquement. Pour les sujets qui ne répondent pas à la suggestion, les
réponses suscitées ne provoquent pas une expérience hypnotique.
 
L'approche de Kirsch et Lynn quand ils font des recherches en Théorie des Ensembles de Réponses pourrait
être caractérisée comme la recherche de traits de personnalité ou de stratégies cognitives qui sont associées
aux bons sujets, et par conséquent de bons ensembles de réponses pour l'hypnose. Ils ont identifié le fait
que la façon dont les sujets anticipent leur réponse à la suggestion - particulièrement après qu'on leur ait
donné une suggestion et une chance d'agir en fonction d'elle - est corrélée avec leur véritable réponse.
 
Les expérimentations où les chercheurs ont donné la suggestion selon laquelle la vision des sujets
changerait progressivement de couleur, en même temps qu'on changeait discrètement et secrètement la
couleur de l'éclairage de la pièce pour y correspondre (le sujet faisant ainsi automatiquement l'expérience
des effets de la suggestion), ont eu pour effet d'augmenter les attentes des sujets relativement à leurs
réponses aux suggestions, et ont ainsi également augmenté leur véritable réponse à la suggestion (discuté
dans Kirsch, 1985).
 
Il a été montré que les traits de personnalité que sont l’absorption, l'inclination à l'imagination et la
dissociation ne sont pas des indicateurs de réponse à la suggestion, alors que les attentes et les attitudes vis-
à-vis de l'hypnose le sont jusqu'à un certain point (Kirsch, Comey et Reed, 1995).
 
La Théorie des Ensembles de Réponses, bien qu'elle intègre l'illusion du libre arbitre, n'arrive pas à
expliquer ce qui conduit à de bons ensembles de réponses pour répondre à la suggestion, ni la façon dont
ces ensembles de réponses soulèvent le voile de l'intention attribuée, et tout cela ne permet pas de dénuder
assez le processus automatique pour que nous puissions en prendre conscience. Cette théorie nous fournit
néanmoins un modèle simple et fondé à partir duquel nous pouvons explorer ces questions et y répondre.
 
Résumé des travaux scientifiques
 
Les échelles hypnotiques sont fiables et cohérentes, quoiqu'elles ne soient pas directement applicables au
travail des hypnotiseurs. Elles peuvent cependant constituer une source utile de données, et leurs pre-talks
sont bons. Les théories de la dissociation suggèrent qu'une partie de notre cerveau devient moins consciente
d'une autre partie quand nous agissons d'après une suggestion ; ces théories souffrent généralement de
problèmes conceptuels.
 
Les théories cognitives sociales suggèrent que les processus cognitifs sont la clé des réponses réussies aux
suggestions, mais elles n'arrivent pas à totalement identifier ce que ces processus sont véritablement. La
Théorie des Ensembles de Réponses souligne le fait que les réponses aux suggestions suppriment l'illusion
d'intention attachée à nos actions plutôt que d'ajouter l'illusion d'involontariat, mais n'arrivent pas à décrire
complètement la façon dont cela se produit.
 
Dans la partie 1, j'ai discuté des modèles populaires pour l'hypnose, et dans la partie 3 j'introduirai
l'Automatic Imagination Model.
 
Je vous invite à jeter un œil sur nos vidéos gratuites
à http://www.youtube.com/theheadhacker et http://www.youtube.com/theheadhacker - http://www.twitter.c
om/headhackinglive
 
Kev Sheldrake, hypnotiseur
Head Hacking


3ème partie : Libérez votre esprit
Head Hacking – Free Your Mind Part 3 – The Automatic Imagination Model
 
Voici la troisième partie de l'article Free Your Mind, qui parle de notre travail à Head Hacking Research.
Les deux premières parties ont décrit les modèles populaires et académiques de l'hypnose, d'Estabrooks à
Wagstaff. Dans cette partie, je vais passer en revue quelques données scientifiques supplémentaires et
plaider en faveur de l'Automatic Imagination Model.
ne
Veuillez s'il vous plaît lire d'abord les parties 1 et 2 pour vous familiariser avec l'approche que j'ai adoptée
et pour comprendre le contexte à partir duquel tout cela a été écrit. Cette partie est basée sur « Que savons-
nous sur l'hypnose ? », une communication que j'ai faite en 2012 à « change | phenomena », la conférence
sur l'hypnose (http://www.changephenomena.com/).
 
Il me semble important de rappeler qu'au moment où Anthony et moi avons eu la première intuition qui
mena à l'Automatic Imagination Model, c'était plus pour nous une blague désinvolte que quelque chose de
sérieux ; nous revenions d'une conférence, et chacun résumait à l'autre les fragments de recherche
scientifique qu'il avait lus.
 
En ce temps-là, nous avions une certaine confiance dans le modèle d'hypnose proposé par les Human
Givens (voir partie 1), qui est essentiellement un modèle à processus spécifique. Nous nous étions
débarrassé des notions d'état et de profondeur, mais nous nous attendions toujours à ce que l'hypnose
ressemble à quelque chose comme un changement de processus - d'un processus « normal » vers un
processus « hypnotisé ».
 
Conclure que tout cela était possible simplement avec l'imagination semblait ridicule, mais c'était ce que la
science semblait suggérer. Nous arrivâmes chez Anthony et fîmes quelques tests - aucun de nous deux n'est
un bon sujet, mais je réussis une amnésie et Anthony hallucina, tous les deux avec le sens de l'involontariat
qui accompagne les expériences hypnotiques.
 
Dans l'hypothèse que nos succès pourraient être davantage liés à nos attentes croissantes qu'à quoi que ce
soit de révolutionnaire, je décris le processus à Marcus Lewis au téléphone ; cette nuit, il le testa sur
quelqu'un qui n'avait jusqu'alors jamais répondu ni aux suggestions, ni aux inductions, et Marcus réussit à
lui faire vivre des amnésies et des hallucinations, sans induction, en moins de deux minutes. A partir de ce
moment, nous décidâmes tous qu'il y avait là quelque chose qui demandait à être approfondi.
 
 
Que voulons-nous ?
 
En tant qu'hypnotiseurs, ce qui nous intéresse c'est l'expérience subjective que nos sujets sont en train
d'avoir : ce qui nous intéresse, c'est la sensation d'involontariat ou d'automaticité qui est liée au fait que le
comportement semble arriver par lui-même, et c'est la sensation que (pour leur conscience) ils ne sont eux-
mêmes qu'un simple observateur.
 
Si vous faites de l'hypnose de spectacle, vous voulez que vos sujets soient hypnotisés, pas qu'ils jouent la
comédie, parce que personne ne peut jouer la comédie aussi bien qu'un sujet hypnotisé. Si vous êtes
hypnothérapeute, vous voulez que votre sujet soit hypnotisé, et qu'il ne fasse pas semblant, parce que si
votre modèle thérapeutique s'appuie sur l'hypnose alors il est possible qu'il ne fonctionne pas si votre client
fait seulement semblant. Ce à quoi nous voulons arriver, c'est que nos sujets fassent l'expérience de ce sens
de l'involontariat.
 
 
L'imagination
 
Dans le cadre de la théorie sociale cognitive, John F. Kihlstrom dit que « les expériences hypnotiques
prennent place dans le royaume de l'imagination - il n'y a pas réellement de ballon qui lèverait la main, ni
de colle qui retiendrait les mains du sujet l'une contre l'autre, ni de haut-parleur dans le mur, et celui qui vit
une régression en âge ne rétrécit pas dans sa chaise. Néanmoins, la relation entre l'hypnose et l'imagerie
mentale est pour le moins controversée. Par exemple, les individus hypnotisables n'ont pas de meilleures
capacités que le reste d'entre nous pour ce qui est de l'imagerie mentale. » (Kihlstrom, 2008) Il note deux
choses claires : la première, c'est que l'hypnose repose sur l'usage de l'imagination ; et la seconde, c'est que
les sujets qui répondent bien à la suggestion n'ont généralement pas de meilleures capacités d'imagination
que les autres.
 
C'est tout à fait important, parce que ça signifie que ce que vous voyez quand vous imaginez un rat, par
exemple, est identique à ce que verriez littéralement si vous étiez en train d'agir d'après la suggestion selon
laquelle vous pouvez voir un rat ; évidemment, la sensation serait différente, parce que quand vous
imaginez simplement le rat ça ne vous semble pas du tout réel. La différence ne tient pas dans la qualité de
l'imagination, mais dans la façon dont elle est perçue.
 
Si l'hypnose fait que les sujets vont imaginer, alors quelle est cette chose qu'ils imaginent ?
Traditionnellement, les suggestions contiennent ce que les universitaires appellent des imaginations
dirigées vers un but (goal-directed fantasies, GDFs) ; ce sont des instructions d'imaginer que des ballons
d’hélium sont en train de soulever le bras, ou que de la colle est en train de le maintenir dans la même
position.
 
Si le but de la suggestion est une lévitation de la main, alors une GDF serait un scénario imaginaire qui
aurait une chance de réaliser le but, par exemple des centaines de ballons d'hélium rouges et brillants
attachés à votre poignet, qui le tireraient vers le haut. Si le but est une main collée, alors une GDF pourrait
être une colle imaginaire qui maintiendrait la main fermement soudée.
 
On se réfère également aux GDFs comme à une imagerie de moyen, pour les distinguer de l'imagerie de
fin. Si le but d'une suggestion est la lévitation du bras, alors l'imagerie de fin serait d'imaginer le bras qui se
lève ; si le but est une main collée, l'imagerie de fin serait d'imaginer que la main est collée et ne peut plus
se soulever. L'imagerie de moyen (GDFs) et l'imagerie de fin sont tout à fait différentes, et il est important
de bien saisir la différence. L'imagerie de moyen est indirecte, créative et expressive, tandis que l'imagerie
de fin est directe et spécifique.
 
Gail Comey et Irving Kirsch ont fait des recherches pour savoir si les instructions pour imaginer des GDFs
(imagerie de moyen) affectaient la facilité avec laquelle les suggestions étaient prises (Gail Comey et Irving
Kirsch, 1999). Ils ont pris 259 sujets qui n'avaient aucune expérience antécédente avec l'hypnose, et ils les
ont divisés de façon aléatoire en deux groupes.
 
Un groupe a passé le test standard CURSS (Carleton University Responsiveness to Suggestion Scale), et
l'autre groupe a passé une version modifiée du CURSS, dans lequel toutes les instructions pour imaginer
des GDFs avaient été enlevées et remplacées par des répétitions des suggestions qui restaient. Par exemple,
« imaginez que votre bras est comme un ballon. Imaginez qu'on est en train de le gonfler d'air, de sorte qu'il
vous semble de plus en plus léger » fut remplacé par « de plus en plus léger... Votre bras devient de plus en
plus léger, et monte, monte... Evoluant vers le haut... De plus en plus haut. »
 
Chaque sujet a évalué son comportement objectif (CURSS:O), sa sensation subjective (CURSS:S), si l'effet
de la suggestion a été ressenti comme involontaire, si ils ont cru à la réalité de la situation suggérée, s'ils ont
mis en place une imagerie de fin, s'ils se sont intentionnellement engagés dans des GDFs, et enfin si ils ont
remarqué l'apparition spontanée de GDFs.
 
Les sujets ont également été évalués pour leur « réponse passive », un indicateur du fait qu'il sont restés
passifs et qu'ils n'ont pas du tout engagé de stratégies, i.e. « n'ont pas fait état de comportements
intentionnels d'imagerie ».
 
Les résultats révèlent trois observations frappantes. La première est que « la réponse passive est corrélée
négativement avec la réponse positive ». Cela signifie que les sujets qui sont restés passifs - qui n'ont pas
engagé de comportements intentionnels et n'ont rien imaginé relativement à la suggestion - répondaient aux
suggestions avec une probabilité plus faible que les sujets qui s'étaient engagés d'une façon ou d'une autre.
 
Cela indique que, de façon générale, les sujets doivent faire certaines choses pour que l'hypnose se
produise ; attendre passivement qu'elle arrive n'est pas une bonne stratégie. Si vous dites à vos sujets ou
clients qu'ils peuvent simplement se détendre et laisser les choses se faire, alors vous êtes probablement en
train de réduire votre efficacité.
 
Les sujets que vous n'arrivez pas à hypnotiser ne sont pas nécessairement en résistance vis-à-vis de vos
suggestions ; ils sont peut-être simplement dans l'attente que l'hypnose se produise, ce qui - tant qu'ils ne
font qu'attendre - ne sera manifestement pas le cas. (Étant donné qu'ils pensent que leur tâche est d'attendre
l'arrivée de l'hypnose, il est peu probable qu'il comprennent que les invitations ultérieures à « se laisser
aller » leur demandent de faire autre chose que ce qu'ils sont déjà en train de faire. Il est aisé de voir
comment un hypnotiseur pourrait, à tort, comprendre cette situation comme une « résistance », bien que le
sujet soit volontaire et coopérant.)
 
La deuxième observation est que « les seules GDFs qui sont positivement associées avec une réponse
réussie sont celles qui sont jugées non-volontaires. » Cela signifie que les sujets qui ont dit avoir
spontanément imaginé des GDFs (i.e. n'ont pas senti qu'ils étaient volontairement en train de les imaginer)
ont mieux répondu aux suggestions que les autres. Ceci étant, les GDFs qui se sont produites spontanément
sont rares.
 
Cela signifie également que les sujets qui ont intentionnellement imaginé des GDFs (i.e. volontairement)
n'ont pas mieux répondu à la suggestion ; en fait, ils ont plus mal répondu que ceux qui n'ont pas
intentionnellement imaginé de GDFs ! L'imagination intentionnelle de GDFs est corrélée négativement
avec la réponse.
 
Entre le groupe à qui on a donné la version modifiée du CURSS (les instructions d'imaginer des GDFs
ayant été enlevées) et le groupe à qui on a donné la version standard du CURSS (avec les instructions
d'imaginer les GDFs), c'est le premier groupe (sans les GDFs) qui a obtenu les meilleures notes pour le
comportement objectif, la sensation subjective, l'involontariat et, moins significativement, pour le fait de
percevoir les situations suggérées comme étant réelles. Cela montre que demander aux sujets d'imaginer
des GDFs - les ballons d'une lévitation de bras ou la colle d'une fixation de la main - aura généralement
comme effet de réduire l'efficacité des suggestions.
 
Comey et Kirsch suggèrent que la raison pour laquelle l'imagination intentionnelle des GDFs réduit la
réponse pourrait être la suivante : l'effort impliqué dans cette imagination intentionnelle des GDFs distrait
l'effort requis pour que la suggestion fonctionne, ou nuit à cet effort - de quelque nature qu'il soit.
 
En d'autres termes, faire quelque chose qui n'est pas nécessaire au bon fonctionnement de la suggestion
(imaginer les GDFs) réduit l'énergie cérébrale disponible pour la tâche qui consiste à faire fonctionner la
suggestion (quelle que soit la nature de cette tâche).
 
Si ces conclusions étaient justes, alors cela signifierait que les suggestions devraient en réalité être données
dans un format exactement inverse de celui qu'on leur donne typiquement - demander au sujet d'imaginer
des GDFs réduit en fait l'effet des suggestions, alors que les rares GDFs qui se produisent spontanément
pourraient simplement n'être qu'un effet occasionnel de la suggestion, plutôt qu'un mécanisme qui ait une
véritable importance dans son fonctionnement.
 
Comme si ça ne suffisait pas, la troisième observation est que « l'utilisation intentionnelle d'une imagerie de
fin a été très commune, et a été associé de façon significative aux réponses subjectives à la suggestion », et
« nos données indiquent que l'imagerie de fin intentionnelle est une stratégie modale même pour les
réponses très difficiles (i.e., les hallucinations auditives et visuelles). »
 
En exploitant les données, Comey et Kirsch mettent en lumière les stratégies adoptées par les sujets qui ont
bien répondu, en fonction de la suggestion. Les suggestions considérées comme réussies sont celles qui
répondent au critère comportemental.
 
Dans toutes les suggestions autres que l'amnésie (pour laquelle ils ont demandé au sujet « d'essayer
d'oublier », plutôt d'imaginer qu'ils étaient incapables de se rappeler), les sujets qui ont bien répondu ont
affirmé - pour 73% en moyenne - s'être engagés dans une imagerie de fin, en imaginant donc le but de la
suggestion. Ce résultat est d'une constance raisonnable quelle que soit la suggestion : 79% pour la lévitation
de bras, 77% pour l'hallucination d'un chaton.
 
Cette stratégie marche tout aussi bien pour tous les phénomènes, et pas seulement pour une seule classe
d'entre eux ; ce qui signifie que c'est une bonne stratégie en général, et pas seulement une bonne stratégie
pour, par exemple, les suggestions idéomotrices.
 
On sait depuis longtemps que l'imagination d'une action peut causer son effet (James, 1890, et Arnold,
1946, hypothèse idéomotrice, citée dans Comey et Kirsch, 1999) et la plupart d'entre nous devrait être
capable d'en faire l'expérience.
 
Le pendule de Chevreul en est un bon exemple ; si vous prenez un pendule - à peu près 30 cm de ficelle
avec une rondelle de métal attachée au bout - et que vous tenez l'autre extrémité du bout des doigts, le
coude posé sur une table de sorte que le pendule puisse pendre librement au-dessus de la table, alors si vous
imaginez qu'il va bouger en ligne droite d'avant en arrière, c'est exactement ce qu'il va faire ; de même, si
vous arrêtez de l'imaginer et qu'à la place vous imaginez qu'il va évoluer en cercle, alors il va changer et
suivre le nouveau scénario que vous avez imaginé.
 
Pour que ça se produise, vous devez être conscient d'imaginer le scénario de l'action désirée, mais
inconscient des mouvements musculaires infimes qui sont requis. Par le biais de l'imagination, l'esprit crée
l'effet physique sans la conscience de bouger les muscles.
 
Il y a alors une bonne question que l'on pourrait poser : est-ce que l'imagination quotidienne suffit ? La
tâche associée au pendule requiert une attention constante pour pouvoir en vivre les effets - si vous arrêtez
d'imaginer, ou si vous êtes distrait, il est probable que les effets s'arrêtent - et, par conséquent, elle n'est pas
vraiment ressentie comme involontaire, même si nous faisons temporairement l'expérience d'une sensation
de dissociation par rapport aux mouvements musculaires réels.
 
L'article de Raz et al. (Raz et al., 2006) auquel nous avons fait référence dans la seconde partie, montre que
la suggestion seule (sans qu'il y ait eu induction) peut réduire l'effet Stroop. Est-ce possible simplement
avec l'imagination ? La vidéo suivante présente Marcus Lewis qui se fait tatouer sous hypnose sans
douleur, sans conscience et sans saignement. Est-ce possible avec la seule imagination ?
 
https://youtu.be/WnfMgCGMzlQ
 
Il est peut-être possible de simplement imaginer ces effets et de les faire se produire, mais - de même
qu'avec le pendule - le processus demanderait des efforts et de l'attention, et ne serait pas ressenti comme
involontaire. Quelque chose d'autre que l'imagination quotidienne est clairement requis, et c'est le sens de
l'automaticité ou de l'involontariat.
 
 
Bref récapitulatif
 
A ce stade, je crois qu'il est utile de récapituler brièvement ce que l'on sait :
 
Imagination  :
 
- L'imagerie de fin est significativement associée aux réponses subjectives à la suggestion (Comey et
Kirsch, 1999)
 
- L'imagerie de fin peut causer des réponses comportementales similaires aux réponses hypnotiques, mais
sans le sens d'involontariat qui est requis (James, 1890, et Arnold, 1946, hypothèse idéomotrice).
 
- Les sujets hautement hypnotisables n'ont pas de plus grandes capacités d'imagination que les autres
(Kihlstrom, 2008)
 
- Par conséquent, l'imagerie de fin est une bonne stratégie pour réussir à prendre des suggestions, mais elle
n'est pas suffisante, dans la mesure où les résultats de l'imagination quotidienne ne sont pas ressentis
comme involontaires
 
Automaticité  :
 
- Toutes les pensées et les comportements sont générés automatiquement ; on devient conscient de certains
d'entre eux, et à ceux-là nous attribuons généralement l'intention (Kirsch et Lynn, 1997). (cette idée est
discutée dans la partie 2)
 
- Les réponses hypnotiques sont définies par leur sensation subjective d'automaticité ou d'involontariat,
parce qu'il leur manque le savoir ou le sentiment d'intention. (Kirsch et Lynn, 1997)
 
Nous sommes des automates affublés d'une illusion continuelle de conscience et d'agentivité. Peu importe à
quel point vous avez l'impression d'avoir le contrôle conscient, vous ne l'avez pas - c'est juste une illusion
créée par votre cerveau automatique. Altérez cette illusion, et les actions vont être perçues comme si elles
étaient involontaires et qu'elles se produisaient automatiquement.
 
Pendant qu'on imagine l'effet de la suggestion, il ne s'agit pas de créer le sentiment d'involontariat - parce
qu'en fait tout est involontaire - mais il s'agit d'enlever le sentiment d'intention qui a été attribué à notre
action.
 
 
Le cerveau automatique
Voici notre modèle simple du cerveau automatique. Sur le graphique, la partie verte/jaune représente
essentiellement le cerveau ; et la partie blanche est le corps. La conscience, la partie jaune, est générée
automatiquement par le cerveau.
 
Le cerveau sent l'environnement grâce à nos sens ; il génère une réalité imaginée basée, d'une part, sur ce
qu'il connaissait déjà, et d'autre part sur ce qu'il a perçu ; il génère ensuite une conscience de cette réalité,
en y incluant les pensées automatiques sur cette réalité ; il ressent les effets de la conscience que nous
avons de cette réalité imaginée, ce qui inclut les visions, sons et sensations imaginés ; et, en combinant les
données avec les véritables sens, il produit une action sous la forme d'un mouvement musculaire, d'une
production d'hormones et d'émotions, en faisant correspondre à ces stimuli la réponse la plus appropriée.
 
Cela se produit continuellement et rapidement et, parce que notre conscience n'a accès qu'à la réalité
imaginée, nous sommes largement (complètement ?) inconscient de ce qui se passe.
 
La « barrière amnésique » permanente nous empêche d'accéder à nos véritables processus de pensée et à
nos fonctions cérébrales, étant donné que celles-ci se tiennent littéralement en-dehors de notre réalité ; au
lieu de cela, nous fabulons ou nous devinons les raisons pour lesquelles nous agissons ou nous pensons de
telle ou telle manière - à partir des informations qui nous sont accessibles depuis notre réalité imaginée.
 
 
L'imagination automatique
 
L'intuition qui a été celle d'Ant et moi, à laquelle je me suis référée dans l'ouverture de cette partie, était que
si l'imagination quotidienne peut créer de la réalité, quoiqu'on sache qu'on est en train de l'imaginer, alors
on devrait être capable d'utiliser le même mécanisme (l'imagination) pour créer une réalité dans laquelle
nous serions inconscient du fait qu'on est en train d'imaginer !
 
En d'autres termes, il s'agit d'utiliser l'imagination pour créer l'effet, puis d'utiliser à nouveau l'imagination
pour couvrir le fait qu'on sait qu'on est en train d'imaginer l'effet. Cela devrait nous donner l'impression
d'expérimenter l'effet comme s'il était réel, tout en étant inconscient du fait qu'on est en train de l'imaginer,
et donc incapable de l'arrêter, et d'en faire l'expérience comme quelque chose qui se produirait
automatiquement.
 
Cela peut être délicat à expliquer, alors je vais essayer à nouveau. Si nous imaginons que notre main est
collée à la table, alors tant qu'on continue à l'imaginer, nous serons incapable de soulever notre main ; nous
saurons pourtant qu'on est en train de l'imaginer, et que nous pouvons arrêter de l'imaginer dès qu'on le
désire, en un battement de cil - il suffit pour cela d'avoir besoin de notre main pour autre chose. Pourtant,
tant qu'on continue d'imaginer qu'elle est collée, elle devrait rester collée (en raison de l'hypothèse
idéomotrice).
 
Alors qu'on est en train d'imaginer qu'elle est collée, si nous imaginons également qu'on ne sait pas qu'on
est en train d'imaginer qu'elle est collée, comme si tout cela arrivait par soi-même, alors on devrait faire
l'expérience de la main collée sans savoir comment c'est arrivé, et donc sans avoir aucun moyen de
l'annuler.
 
Exactement ! Il faut être bien farfelu pour mettre au point une idée pareille, n'est-ce pas ? Eh bien, c'était
initialement une blague ; c'était simplement l'application d'une pseudo-logique aux résultats scientifiques
dont on avait pris connaissance. Nous ne nous attendions pas à ce que ça fonctionne ; c'était juste un peu
d'amusement. Pourtant, nous avons fini par jouer avec l'idée ce soir-là, et elle a fonctionné pour nous.
 
Aucun de nous deux n'avait auparavant répondu de façon particulièrement haute avant cela - nous pouvions
tous deux réaliser des lévitations de bras et je pouvais avoir des catalepsies, mais pas beaucoup plus -
pourtant, cette nuit, j'ai eu une amnésie de mon nom et Ant a halluciné que sa main se transformait en un
ballon sculpté. J'ai expliqué le processus à Marcus au téléphone le jour suivant et il l'a testé avec un autre
sujet dont les réponses étaient basses, et il a réussi les mêmes types de phénomènes avec lui.
 
Le format de ces sessions ressemblait à une conversation normale, dans laquelle l'hypnotiseur posait
simplement une série de questions et donnait des instructions claires, tandis que le sujet restait éveillé et
parfaitement en alerte tout du long. « Pouvez-vous imaginer que votre main est collée sur la table ? » -
« Pouvez-vous continuer d'imaginer cela, et imaginer également que vous n'êtes pas conscient que vous
êtes en train de l'imaginer, comme si ça arrivait par lui-même ? »
 
En supposant que l'effet idéomoteur puisse être généralisé jusqu'à inclure tous les phénomènes, le même
processus peut être utilisé pour réaliser n'importe quel phénomène hypnotique. La théorie suggère la chose
suivante : tant que le sujet peut imaginer le scénario (et le fait qu'il se produise de façon automatique), alors
tous les phénomènes sont aussi probables les uns que les autres. On peut s'en rendre compte quand on voit
comment Ant, Marcus et moi avons chacun utilisé des approches légèrement différentes.
 
Je préfère m'en tenir au style conversationnel et questionnant, dans lequel je me contente de poser des
questions et de modifier ce que je leur demande d'imaginer en fonction de leurs réponses ; je commence
avec une main collée, puis une lévitation de bras avec un rire, et je poursuis avec une amnésie. Marcus
utilise une structure similaire mais instruit directement le sujet d'imaginer, au lieu de lui demander s'il
arrive à imaginer ; Marcus commence habituellement avec une main collée, puis saute directement à
l'amnésie - bien qu'il puisse occasionnellement commencer avec l'amnésie.
 
Généralement, Anthony reste plus proche de la structure décrite dans Reality is Plastic et The Trilby
Connection, mais il a maintenant noué son langage avec les instructions de l'Automatic Imagination ; ou
alors, à l'inverse, il lui arrive fréquemment de commencer avec une hallucination visuelle et puis de partir à
partir de là vers d'autres phénomènes.
 
Nos expériences avec l'Automatic Imagination suggèrent l'idée suivante : une fois que les sujets ont
compris ce qui était attendu d'eux, ils trouvent ça d'habitude assez facile et sont par conséquent surpris de
l'effet qu'ils arrivent à produire. Une fois que leur imagination devient automatique - qu'ils ne sont plus
conscients de fait qu'ils sont en train d'imaginer l'effet - ils affichent leur perplexité face à la façon dont les
effets se sont produits, et ne peuvent apparemment pas les annuler.
 
Nous comparons souvent ça au fait de descendre si loin dans les profondeurs qu'il vous est impossible de
retrouver votre chemin vers la surface. Il semble que les sujets soient incapables de connecter leur
conscience d'imaginer qu'ils ne sont pas conscients qu'ils imaginent (vous me suivez?) à l'effet qu'ils ont
produit grâce à leur imagination initiale.
 
Quoi qu'ils imaginent - des fées en train de danser, que tout ce qui se trouve dans leurs poches m'appartient,
qu'ils sont incapables de se rappeler leur prénom -, cette imagination persiste sans aucune conscience de
l'effort ou du processus qui est train de le produire, et sans conscience de la façon dont ils pourraient
l'arrêter, ce qui fait que les effets sont perçus comme automatiques et involontaires. Généralement, le public
est surpris en voyant le peu que nous semblons faire pour causer ces effets qui imitent les phénomènes
hypnotiques sous toutes leurs caractéristiques.
 
 
Les rappels à la réalité (Reminders of Reality)
 
Dans certains cas, le sujet va imaginer comme demandé, mais il va lui rester certains fragments de savoir
qui lui indiquent que l'effet n'est pas réel ; nous appelons « rappels à la réalité » (reminders of reality) ces
fragments de savoir. Quand nos yeux sont ouverts (et c'est de cette façon que beaucoup d'entre nos sujets
font l'expérience de l'AI), nous avons beaucoup de rappels à la réalité. Le simple fait de voir notre main
devrait normalement nous rappeler que nous avons (ou que nous croyons avoir) le pouvoir sur celle-ci - que
si nous voulons la bouger, nous le pouvons.
 
Dans un contexte hypnotique classique, ces rappels à la réalité seraient des menaces pour nos suggestions,
et pourraient faire en sorte qu'elles échouent irrévocablement. Avec l'AI, pourtant, nous pouvons agir sur
ces rappels pour en supprimer les effets.
 
Premièrement, toutefois, je voudrais parler des pensées de niveau supérieur (higher-order thoughts, HOTs)
et de la Théorie du Contrôle Froid (Cold Control Theory, Barnier et al., 2008). Il existe une théorie selon
laquelle nous avons des pensées d'ordre inférieur et des pensées d'ordre supérieur. Les pensées d'ordre
inférieur sont celles dont nous ne sommes pas conscients, qui correspondent à la façon dont nous sentons
effectivement notre environnement et dont nous construisons notre conscience ; les pensées d'ordre
supérieur sont les pensées dont nous devenons conscients, ce qui inclut les pensées à propos de notre
conscience.
 
La Cold Control Theory est une théorie de l'hypnose basée sur l'absence des HOTs (pensées d'ordre
supérieur). Comme le disent Barnier et al., « le contrôle froid désigne le contrôle exécutif sans les HOTs
appropriés » et « la réponse hypnotique n'implique pas de changements dans les représentations de premier
ordre (les intentions peuvent fonctionner de façon normale), mais un changement dans un type spécifique
de représentation de second ordre - la conscience de l'intention. »
 
Ceci implique que l'hypnose cause un changement dans les pensées que nous avons consciemment, plutôt
que quoi que ce soit de spécial qui arriverait au reste du cerveau. Bien que tout cela s'aligne sur nos idées,
la théorie du contrôle froid ne fournit aucun mécanisme pour causer des changements dans les HOTs -
aucun, en tout cas, qui ne diffère de ceux qui sont fournis dans les procédures de modification de la
suggestibilité (comme le CSTP - voir partie 2).
 
Comme le disent Barnier et al., « le changement implique d'éviter les HOTs adéquats (accurate :  les HOTs
qui nous ramènent à la réalité de la situation), et également d'entretenir les HOTs inadéquats (ceux qui
biaisent la perception de la réalité et participent à l'expérience hypnotique). » Si nous appliquons cela aux
rappels à la réalité, alors on peut voir que tous nos rappels doivent être des HOTs, parce qu'ils se situent
dans la conscience (seules les pensées d'ordre inférieur se situe hors de la conscience). La théorie du
contrôle froid est une manipulation de ces HOTs pour altérer notre conscience de nos intentions.
 
En appliquant les idées de l'AI relatives à l'imagination, nous demandons simplement au sujet s'il peut
imaginer la même chose, mais cette fois d'imaginer aussi que ses rappels ne sont plus présents, ou qu'il ne
les remarquera pas, ou que ça n'affectera pas le processus. Cette approche peut être répétée autant de fois
qu'il y a de rappels dont le sujet prend conscience, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de rappels et que l'effet
fonctionne.
 
Une autre façon de s'attaquer aux HOTs adéquats et obstructifs est d'utiliser l'émotion contre eux. Le
neurosciences suggèrent que nos émotions affectent la façon dont nous pensons (pour un passage en revue,
voir Dolcos et al., 2011). Le modèle des Human Givens suggère que de hauts niveaux d'émotion produisent
ce qu'ils appellent « de la pensée en noir et blanc ». C'est là où des niveaux extrêmes d'émotion causent des
façons extrêmes de penser, avec des contenus émotionnels tout aussi extrêmes.
 
Une personne phobique, quand elle est mise en présence de son stimulus phobique, serait un bon exemple :
dans cet état d'émotion, tout ce qu'elle veut faire c'est mettre un terme à la situation et éviter le stimulus
aussi vite que possible, aussi irrationnelle que ça la fasse apparaître. Il est aussi possible qu'elle crie pendant
le processus. Les HOTs qui déterminent son comportement sont extrêmes et spécifiquement adéquats aux
dangers immédiats perçus.
 
Alors que nous cherchions en vain de la littérature universitaire qui étudierait l'existence d'un lien entre les
niveaux d'émotion et la réponse à la suggestion, nous avons trouvé une étude qui montre que
l'administration de protoxyde d'azote augmente la réponse à la suggestion (Whalley et Brooks, 2008). Les
auteurs ne peuvent pas exclure la possibilité que l'augmentation de la réponse soit due aux effets
émotionnels du produit, plutôt qu'à un effet chimique spécifique, et suggèrent des recherches
complémentaires.
 
Alors qu'ils passent en revue les effets d'autres produits sur la réponse à la suggestion, ils notent : « le fait
qu'il ait été démontré que la suggestibilité est affectée par un éventail aussi large de produits dotés de
propriétés pharmacologiques variables constitue un argument pour l'existence d'un effet non-spécifique des
produits sur la suggestion ». Cette observation pourrait appuyer l'idée selon laquelle l'augmentation dans la
réponse serait due à un effet courant du produit, comme la présence d'une émotion causée par les effets
psychologiques des produits, plutôt que par les compositions chimiques des produits.
 
Notre vérification informelle a montré que si les sujets manifestent une émotion (excités ou en train de rire,
par exemple) alors nos résultats s'améliorent de façon significative ; c'est une des raisons pour lesquelles on
essaie d'habitude de faire rire nos sujets assez tôt pendant nos routines. Nous suggérons que des niveaux
d'émotion supérieurs changent la signification des HOTs, et il est possible que ces niveaux supérieurs
d'émotion fassent en sorte que les HOTs dotés de la valeur émotionnelle la plus grande deviennent plus
importants pour nous, et que ceux de valeur émotionnelle moindre deviennent moins importants.
 
Dans un contexte hypnotique, le HOT selon lequel « l'hypnose n'existe pas vraiment ou ne fait pas sens,
donc il est peu probable que tout ceci fonctionne » est une pensée tout à fait rationnelle et peu chargée
émotionnellement, alors que le HOT de « est-ce que ça va fonctionner ? » a bien plus de valeur
émotionnelle, dans la mesure où il pourrait conduire à des situations nouvelles et stimulantes. Notre
suggestion est que lorsqu'on fonctionne sur un mode émotionnel, le HOT « est-ce que ça va fonctionner ? »
prend beaucoup plus de poids et le HOT « ça ne va pas fonctionner » disparaît dans l'obscurité. Le résultat
est similaire à ce qui se passe quand on supprime dans son imagination les rappels à la réalité ; l'effet
fonctionne et les obstructions semblent disparaître.
 
 
La Suggestion Tueuse de Transe (The Trance Killer Suggestion)
 
La suggestion tueuse de transe est l'inverse du processus d'Imagination Automatique. Elle tient en ceci :
« c'est juste ton imagination ; tu peux arrêter d'imaginer tout ça dès que tu le désires, n'est-ce pas ? » Cette
suggestion qui tient en une phrase unique fournit au sujet la conscience qu'il est en fait en train d'imaginer
les effets et qu'il a également le contrôle sur ce processus, et qu'il peut donc simplement l'arrêter. Cette
phrase a toujours réussi à mettre instantanément fin à n'importe quelle session d'AI ; les mains ne sont plus
collées, l'information qui était amnésique revient, et les fées qui dansaient s'évanouissent.
 
Nous avons également utilisé la suggestion Tueuse de Transe dans des sessions d'hypnose conduites avec
l'approche traditionnelle (inductions et suggestions). De même, on est encore en train d'attendre qu'elle
échoue, puisqu'elle a toujours réussi à mettre fin à la transe ou à l'état supposé, et à annuler toutes les
suggestions. Nous ne sommes pas convaincus que ça soit nécessairement une bonne façon de terminer une
session traditionnelle d'hypnose qui ait fait recours à la suggestion de « dormir », particulièrement si elle a
impliqué de longues périodes « en transe ».
 
Nous nous inquiétons du fait que si vous imaginez être endormi pendant 45 minutes, certains changements
physiologiques pourraient en résulter. La suggestion « réveillez-vous ! » pourrait aider à renverser ces
effets. Bien que la tueuse de transe mette fin aux suggestions et à la session, il est possible que les
suggestions positives et énergisantes impliquées par un processus traditionnel de réveil soient profitables au
sujet.
 
En termes de versatilité, la tueuse de transe peut être suggérée par n'importe qui d'autre que l'hypnotiseur,
ce qui met un terme à l'idée selon laquelle il existerait une relation hypnotique exclusive entre l'hypnotiseur
et le sujet. Pour l'instant, nous n'avons vu que des hypnotiseurs suggérer cette phrase ; quand nous l'avons
donnée, nous l'avons fait avec toute la directivité et toute l'autorité dont nous étions capables. Une fois,
pourtant, j'ai chanté cette suggestion à travers un bar d'hôtel affairé et bruyant dans un quartier branché du
East End, pendant que j'étais en train de m'éloigner du sujet, qui était au milieu d'une session avec Marcus -
et ça a quand même marché.
 
Ce que ça implique, à notre avis, c'est la chose suivante : l'hypnose traditionnelle peut n'être en fait qu'une
construction sociale qui met en marche les processus de l'imagination automatique. Nous pensons que
lorsqu'un sujet prend une suggestion, il est en fait en train d'imaginer le but de la suggestion et également
en train d'imaginer que le processus se fera de façon automatique. Si on lui a commandé de « dormir ! »,
alors nous pensons qu'il est en train de s'imaginer dormir ; s'il lui a été suggéré qu'il « tomberait en transe »,
alors nous pensons qu'il est en train d'imaginer qu'il est en transe.
 
Corrélativement, nous pouvons voir comment les attentes des sujets interagissent avec le succès qu'ils
connaîtront quand ils essayeront d'imaginer les effets des suggestions ; s'ils peuvent littéralement l'imaginer
arriver alors la suggestion peut fonctionner, sinon elle ne fonctionnera pas. Nous pouvons également voir le
rôle que joue la modification de la suggestibilité ; c'est simplement une procédure au cours de laquelle on
enseigne au sujet comment interpréter les suggestions, de telle sorte qu'ils fassent automatiquement les
bonnes choses quand ils sont hypnotisés - plutôt que rien, ou plutôt qu'ils fassent les mauvaises choses.
 
La suggestion tueuse de transe a été nommée ainsi, non seulement parce qu'elle met fin aux sessions
d'hypnose, mais parce que pour nous elle a définitivement tué toute notion de transe en tant qu'état spécial
ou processus spécial. Même le fait de l'appeler une « suggestion » est ironique. Comme l'a suggéré Barry
Thain à la conférence sur l'hypnose « change | phenomena » (2012), si la tueuse de transe n'était qu'une
autre suggestion (en supposant qu'un processus spécial ou qu'un état hypnotique existe, et que l'hypnose
repose sur ceux-ci), alors ça supprimerait - au moins pour nous - la notion de transe en tant que processus
spécial ou état spécial, et c'est ce que je vais essayer d'expliquer.
 
D'une part, on suppose que l'hypnose repose sur un processus spécial, un état spécial ou une transe qui
seraient initiés par une induction et terminés par une enduction (une sortie d'hypnose, c'est-à-dire un réveil),
à l'intérieur duquel les suggestions hypnotiques pourraient être données. D'autre part, on doit supposer que
le sujet interprète la tueuse de transe comme une suggestion qui lui demande de recadrer l'intégralité de la
session hypnotique, pour n'en faire qu'un exercice de son imagination quotidienne - un exercice qu'il peut
arrêter quand il le désire. Au vu de ces deux points, on devrait au moins conclure que ce processus spécial,
cet état spécial ou cette transe est assurément très fragile (si on peut y mettre fin aussi facilement), ce qui
remet en question les notions de fixation de l'attention, de relation hypnotique, de profondeur. Ou alors, on
devrait conclure que le sujet reste dans cet état - avec la suggestion que toutes les suggestions sont annulées
(y compris la suggestion qu'il est dans cet état) - mais maintenant sans aucune conscience du fait qu'il est
toujours dans l'état, et qu'il le confond avec l'état « normal » et non-hypnotique.
 
L'idée selon laquelle les sujets seraient toujours hypnotisés peut être remise en question (si l'état ne peut pas
être distingué de l'état normal, alors en quoi est-ce un état?), ce qui nous laisse conclure que la tueuse de
transe est au moins une enduction. En tant qu'enduction, sa formulation est intéressante au sens où elle ne
mentionne pas le fait de se « réveiller ».
 
Nous avons du mal à voir comment, avec une simple instruction à propos de l'imagination, on pourrait
mettre fin à un processus spécial, automatique et physiologique - à moins que ce processus physiologique
ne soit lui-même que l'effet de l'imagination automatique. En ce sens, nous pensons que la tueuse de transe
tue la transe, de quelque façon que vous la conceviez - à moins que vous n'acceptiez déjà que la transe est
un effet de la suggestion, et non un prérequis pour l'hypnose, à l'intérieur duquel les suggestions pourraient
être prises.
 
En résumé, nous pensons la chose suivante : l'effet que la suggestion tueuse de transe a sur l'hypnose
traditionnelle implique que l'hypnose traditionnelle ne soit qu'une forme oblique de l'imagination
automatique. En la dépouillant des rituels, et en remplaçant les suggestions avec des instructions
d'imaginer, nous pensons que nous pouvons créer d'authentiques phénomènes hypnotiques chez un plus
grand nombre de sujets, et que nous pouvons obtenir plus de phénomènes hypnotiques pour chaque sujet.
 
 
Résultats à ce jour
 
Au moment de l'écriture de cet article (juin 2012) nous avons testé l'Automatic Imagination Model sur à
peu près 200 sujets dans des situations informelles, souvent pendant des performances ou des formations.
Si l'on veut bien excuser notre biais de confirmation, nous avons observé que 95% des sujets auto-désignés
pouvaient réaliser une suggestion de défi, comme une main collée, et 90% pouvaient réaliser une amnésie.
Traditionnellement, les chiffres attendus seraient plus proches de 52% et 23% (Kirsch et al., 1995).
 
Dans une étude informelle que nous avons menée en 2011, nous avons essayé de développer une approche
standardisée qui rendrait possible une expérimentation. Nous avons testé l'AI avec 23 sujets, et nous avons
observé que 19 d'entre eux (83%) avaient réussi la suggestion physique de défi, mais que seulement 6
(26%) avaient réussi la suggestion d'amnésie.
 
Tous ces 6, pourtant, étaient dans le groupe final des 8 sujets qui avaient reçu une version modifiée du
processus, cette version incluant une composante destinée à augmenter les niveaux d'émotion juste avant la
suggestion d'amnésie. En toute rigueur, il ne s'agissait pas, avec cette petite étude informelle, de produire
des résultats fiables, mais plutôt de développer le processus de sorte qu'il puisse être donné sous une forme
standardisée et, quand même, produire les résultats que nous constations informellement à l'extérieur du
laboratoire.
 
Nous avons l'intention de prendre la version finale du processus, et de la tester en parallèle du SHSS:C sur
des groupes aléatoires de sujets volontaires. Développer cette expérience a pris bien plus de temps et
d'efforts que ce que nous avions d'abord anticipé, mais nous sentons maintenant que nous serons bientôt en
mesure de conduire un essai formel.
 
En conclusion
 
Même si nos résultats informels s'avèrent faussés par notre biais de confirmation et par une piètre
méthodologie expérimentale - et qu'en fait l'AI n'est pas plus puissant que les approches traditionnelles de
l'hypnose - notre intuition ridicule lors d'un voyage en voiture aura quand même donné naissance à une
méthode d'hypnose non-inductive qui marche sur les sujets qui ne répondent pas aux approches
traditionnelles ; et elle nous aura quand même laissé avec la suggestion tueuse de transe, qui semble nous
permettre de terminer n'importe quelle session d'hypnose.
 
En revanche, si comme nous l'espérons l'AI est bien plus puissante que l'approche traditionnelle, alors nous
espérons que tous les hypnotiseurs s'y intéresseront et que, ensemble, nous arrivions grâce à l'hypnose à
faire danser beaucoup plus de personnes comme Beyonce.
 
J'espère que vous avez pris plaisir à lire ces articles, qu'ils étaient facilement compréhensibles, et que vous
ne pensez pas que je vous ai fait perdre votre temps avec des détails sans importance. A Head Hacking,
nous sommes passionnés par l'hypnose, et à Head Hacking Research, nous sommes passionnés par la
question de savoir comment elle fonctionne. Quand bien même nous serions totalement à côté de plaque,
nous avons assurément apprécié le voyage, et nous avons maintenant l'impression d'en savoir beaucoup
plus sur l'hypnose que lorsque nous avons commencé. J'espère que c'est également le cas pour vous.
 
Je vous invite à consulter nos programmes de formation à http://www.headhacking.com/training et à nous
suivre sur Twitter @headhackinglive. Le CD audio Ripped Apart, qui explique le voyage qui a été le nôtre
pendant que nous développions l'Automatic Imagination Model, est disponible
à http://www.headhacking.com/products - c'est une affaire !
 
Kev Sheldrake, Hypnotiseur
Head Hacking
 
 
Réferences
 
Barry Thain, mindsci-clinic.com
Human Givens, hgi.org.uk
1890, James, W, Principles of psychology (Vols. 1-2). New York: Holt
1946, Arnold, M. B, On the mechanism of suggestion and hypnosis
1995, Irving Kirsch, Christopher E. Silva, Gail Comey and Steven Reed, A spectral analysis of cognitive
and personality variables in hypnosis: Empirical disconfirmation of the two-factor model of hypnotic
responding
1997, Irving Kirsch and Stephen Jay Lynn, Hypnotic involuntariness and the automaticity of everyday life
1999, Gail Comey & Irving Kirsch, Intentional and spontaneous imagery in hypnosis: The phenomenology
of hypnotic responding
2006, Amir Raz, Irving Kirsch, Jessica Pollard, and Yael Nitkin-Kaner, Suggestion Reduces the Stroop
Effect
2008, John F. Kihlstrom, The domain of hypnosis, revisited (in Nash and Barnier, Oxford Handbook of
Hypnosis)
2008, Amanda J. Barnier, Zoltan Dienes & Chris J. Mitchell, How hypnosis happens: new cognitive
theories of hypnotic responding (in Nash and Barnier, Oxford Handbook of Hypnosis)
2008, Matthew G. Whalley and Gabby B. Brooks, Enhancement of suggestibility and imaginative ability
with nitrous oxide
2011, Florin Dolcos, Alexandru D. Iordan and Sanda Dolcos, Neural correlates of emotion-cognition
interactions: A review of evidence from brain imaging investigations

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