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07/08/2021 Isère / Insolite.

Deux Grenoblois racontent leur excursion illégale à Tchernobyl

Isère / Insolite

Deux Grenoblois racontent leur


excursion illégale à Tchernobyl
35 ans après la catastrophe de Tchernobyl, deux étudiants
grenoblois de 20 ans se sont rendus dans la ville fantôme de
Pripiat, à 3 km de la célèbre centrale ukrainienne. Mais
plutôt que de suivre un parcours tout tracé, ils ont préféré
vivre leur propre aventure en s’affranchissant des règles.

Par Charles FANDRE - Aujourd'hui à 15:30


| mis à jour aujourd'hui à 20:50
-
Temps de lecture : 6 min

Sur la route de Pripiat, des panneaux informent du danger lié à la radioactivité. Photo Rxspawn

Florian et Laura ont 20 ans. Lui, blond aux yeux bleus, est étudiant en marketing
digital. Elle, brune aux yeux marron, en informatique. Ces deux Grenoblois de
naissance partagent la passion de l’exploration urbaine, ou urbex. Il s’agit
d’explorer des lieux créés par l’Homme, aujourd’hui abandonnés et
inaccessibles, sans laisser de trace. C’est ce qui les a rapprochés, et qui les a
poussés à planifier cette expédition en couple. « Cela faisait des années que je
voulais y aller, c’est un lieu sacré pour l’urbex », raconte Florian. « J’ai lancé
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l’idée à Laura il y a quelques mois. On a regardé si c’était faisable, et ça l’était ».


Mais pas question de se lancer dans un urbex tour, où un guide vous emmène
dans des lieux bien connus du site pour y prendre des photos. Leur choix : se
rendre de manière illégale dans la zone d’exclusion couvrant 30 km autour de la
centrale. « Ça nous a permis de faire des choses qu’on n’aurait pas pu faire
autrement », se justifie Laura.

Anton, passion « stalker »

Un voyage pareil demande de la préparation. Avant de partir, Florian et Laura se


renseignent le plus possible sur l’histoire de la catastrophe. Puisqu’ils vont
passer plusieurs jours dans la ville fantôme en complète autonomie, ils prennent
de quoi se sustenter : des rations militaires françaises, et 9 L d’eau. Et comme ils
ne connaissent pas les lieux, ils font appel à un local, appelé Anton. Il appartient
au mouvement des « stalkers ». Ces derniers tirent leur nom d’un jeu vidéo se
déroulant à Pripiat, et dont la cartographie assez réaliste leur a permis de se
familiariser avec le site. S’il ne veut pas dire précisément combien il l’a rétribué,
Florian indique que cela est revenu moins cher qu’une excursion légale. Et
insiste sur l’importance de payer pour un tel service : « Les stalkers prennent des
risques. Ils assurent notre sécurité, la traduction, et nous permettent de
connaître l’Histoire ».

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« L’impression d’être dans un film apocalyptique »

Le 17 juillet, à 4 h du matin, c’est l’heure du départ. Les deux explorateurs


montent dans la voiture avec leur guide, prennent la route, et s’arrêtent à 40 km
de Pripiat. Ils sont accompagnés par un ami du stalker. Fils d’un liquidateur mort
des suites de la catastrophe nucléaire, il est venu voir, comprendre. Pour les
proches des victimes, certaines questions concernant la catastrophe n’ont
toujours pas trouvé de réponses. Commence alors une journée de marche
difficile, sous une forte chaleur. Le petit groupe, s’accordant une pause pour se
reposer, se réfugie dans une maison abandonnée. Ils entendent des gardes
passer. Sans cet arrêt, ils auraient été pris tous les quatre. La sanction si cela
arrive : 20 dollars d’amende, et une obligation de quitter le territoire sous six
jours.

La ville abandonnée de Pripiat, avec au fond le sarcophage de la centrale. Photo Rxspawn

Vers 22 h 30, Florian et Laura touchent au but. Anton leur interdit d’allumer leurs
lampes. Le jeune couple marche dans la nuit et, sous la lune, les premières
barres d’immeuble commencent à se dessiner. « J’avais l’impression d’être dans
un film apocalyptique », confie l’étudiant en marketing. Sur le site, la nature a
repris ses droits. Les cris des loups et autres animaux leur donnent une
sensation étrange : celle de ne plus être au sommet de la chaîne alimentaire.
Suivant Anton, Laura et Florian pénètrent un des immeubles. S’y trouve un
appartement, aménagé en squat par leur guide. Avant de dormir, ils montent sur
le toit : de là, ils ont une vue imprenable sur la centrale, et sur l’arche de 108 m
de haut destinée à retenir les émanations radioactives. « On a mieux dormi ici
que dans certains hôtels à Kiev… si on oublie qu’on dort dans un lit radioactif »,
plaisante Laura. Car tous les objets sur place, en particulier le métal, sont

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radioactifs. Les deux jeunes touchent le moins de choses possible, et utilisent un


dosimètre, qui indique le taux de radiation à un endroit, et donc combien de
temps on peut y rester.

Une pince, clou du spectacle

Laura et Florian passent les jours suivants à explorer le centre-ville. Parc


d’attractions, école, prison, morgue… Les lieux dignes d’un film catastrophe se
succèdent. Par deux fois, surpris par les chiens de garde du site, ils partent en
courant. Les deux étudiants ont même l’occasion de voir l’objet le plus radioactif
du site : une pince ayant servi à ôter des débris du cœur du réacteur. Le dernier
jour du voyage est consacré à l’escalade du radar Duga-1.

Le 21 juillet, à bout de forces et de provisions, Florian et Laura prennent le


chemin du retour. Grâce à une astuce bien connue des stalkers, ils parviennent à
éviter la marche difficile de l’aller, et à se rendre à Kiev en voiture. De là, ils
prennent l’avion pour la France. Avec des souvenirs plein la tête, des photos
plein l’appareil et une histoire incroyable à raconter.

La phrase

« C’est une histoire qui nous


concerne tous et qu’il ne faut pas
oublier »
Laura, exploratrice urbaine près de Tchernobyl

Le radar Duga-1, construit dans les années 70, fait 85 m de haut pour 210 m de large. Photo Rxspawn

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➤ À l'assaut du « pic-vert russe »

Duga-1 est un immense radar, construit dans la zone d’exclusion de la centrale de


Tchernobyl. Haut de 85 m et large de 210 m, il était destiné à prévenir les
attaques aériennes durant la Guerre Froide. Sa taille était telle que les ondes de
Duga-1 étaient perceptibles dans le monde entier de 1976 à 1989. Son bruit
caractéristique, sec et répétitif, lui a valu le surnom de « pic-vert russe ». Laura
et Florian ne pouvaient tout simplement pas refuser ce défi. Partant la nuit pour
être au sommet au lever du soleil, ils se lancent dans l’escalade de ce géant
munis de gants, car le métal retient particulièrement les radiations. Durant toute
son aventure, le couple n’avait jamais été aussi près de la centrale. C’est
également là qu’ils ont entendu le plus de bruit : contrairement à ce que l’on
pourrait penser, la centrale est toujours un lieu d’intense activité humaine.

Le sarcophage de la centrale de Tchernobyl, protégeant le monde extérieur du cœur du réacteur. Photo


Rxspawn

➤ « Plus que du simple tourisme »


Une dizaine de jours après leur retour en France, Laura et Florian ne
gardent que du positif de leur aventure. « C’est un accomplissement
parce que c’était quelque chose dont je parlais depuis longtemps »,
confie Florian. Accomplissement physique aussi, puisque les deux
jeunes adultes ont dû dépasser leurs limites pour venir à bout de ce
voyage. « Il n’y avait pas de douche, mais l’humain s’habitue très vite à
se passer de ça finalement », s’amuse Florian. « Il n’y avait pas de
place pour le confort. Physiquement, ça devenait très dur pour la
plante des pieds de marcher sur des routes bétonnées. Il fallait juste
débrancher son cerveau et continuer », conclut-il en ajoutant qu’à sa
connaissance, Laura est l’une des très rares femmes à avoir passé cette
épreuve. « Si ça peut ouvrir la voie… ».
Au-delà de ça, les Grenoblois ont su apprécier la dimension historique
de leur épopée. Selon leurs propres mots, « c’est plus que du simple
tourisme, c’est une immersion dans le passé ».

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Le passeport d'un des deux voyageurs tamponné par la police de Tchernobyl. Photo Rxspawn

➤ Un taxi un peu particulier

Après l’escalade du radar Duga-1, Laura et Florian n’en peuvent plus. Ils ont bu la
quasi-totalité des 9 litres d’eau qu’ils avaient emportés, et il leur reste 25 km à
marcher pour sortir de la zone d’exclusion.

Après des jours d’efforts, les deux Grenoblois ne se sentent pas la force de se
lancer dans cette ultime étape. Leur reste une solution employée par les
stalkers : se faire arrêter. Plutôt que de marcher, certains préfèrent payer les
20 dollars d’amende et se voir reconduire à Kiev par la police, avant de quitter le
pays. Le couple décide donc de se rendre à un des points de contrôle de la zone.
Lorsqu’il y parvient, un garde les aperçoit. Il soupire, et dit aux deux jeunes de le
suivre. L’ambiance est assez détendue. Escortés par le garde, Florian et Laura
attendent que la police arrive. Ils sont ensuite emmenés au poste de police de la
ville de Tchernobyl.

Située à 15 km de la centrale, elle n’est, contrairement à Pripiat, pas


complètement abandonnée. Là, les policiers prennent une photo avec les deux
Français pour célébrer leur prise. La communication est rendue possible par
Anton, qui sert d’interprète. Florian et Laura signent des papiers dont ils
ignorent plus ou moins le contenu mais, bonne surprise, échappent à l’amende.
Ils sont ensuite ramenés à Kiev, avec une obligation de quitter le territoire. Si la
technique est efficace, elle devrait bientôt ne plus être si tentante. Les autorités
ukrainiennes ont prévu de criminaliser cette infraction, la rendant passible de
prison et d’une amende bien plus importante.

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