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Accueil des gens du voyage : comment traduire

les obligations d’accueil dans un PLU


Publié le 07/06/2019 • Par Auteur associé • dans : Actu juridique, Fiches méthode, France
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Les documents d'urbanisme, et donc les plans locaux d'urbanisme (PLU), doivent prendre en
compte l'accueil des gens du voyage. Le PLU peut ainsi délimiter des aires d'accueil et des terrains
familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage dans des secteurs de tailles et de capacité
d'accueil limitées (Stecal).
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• Philippe Peynet
Avocat associé cabinet Goutal, Alibert et associés

Prendre en compte l’accueil des gens du voyage


Si la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage vise prioritairement
les communes, en précisant que ces dernières participent à l’accueil des personnes dites « gens du
voyage » et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires
d’accueil ou des terrains prévus à cet effet, elle indique également que ce mode d’habitat est pris en
compte par les politiques et les dispositifs d’urbanisme, d’habitat et de logement adoptés par l’Etat
et par les collectivités territoriales.
C’est bien pour autant que le code de l’urbanisme prévoit, au titre des objectifs généraux, que les
collectivités compétentes (les communes, mais de plus en plus les établissements publics de
coopération intercommunale) doivent respecter « la diversité des fonctions urbaines et rurales et la
mixité sociale dans l’habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation
suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des
modes d’habitat » (art. L.101-2 du code de l’urbanisme). Il en résulte que les auteurs des plans
locaux d’urbanisme (PLU) doivent intégrer dans leur réflexion l’accueil des gens du voyage (aires
permanentes d’accueil, aires de grand passage, terrains familiaux, habitat adapté…).
Cette réflexion s’impose juridiquement au regard de l’obligation pour les PLU de respecter, dans un
rapport de compatibilité certes, les programmes locaux de l’habitat (PLH) qui doivent, eu égard à la
loi du 5 juillet 2000, préciser les actions et opérations d’accueil et d’habitat destinées aux gens du
voyage dans son programme d’actions. Si le lien de compatibilité, plutôt souple, n’implique pas de
respecter à la lettre les objectifs du PLH, le PLU ne saurait frontalement le méconnaître, sous peine
d’être illégal.
Justifier de la prise en compte dans le PLU
A peine est-il besoin de rappeler que le PLU est le fruit d’une réflexion, souvent longue, destinée à
arrêter un projet urbain (synthétisé dans le projet d’aménagement et de développement durable,
PADD). Pour ce faire, il repose sur un diagnostic établi au regard des prévisions démographiques et
des besoins répertoriés en matière, notamment, d’équilibre social de l’habitat.
La question de l’accueil des gens du voyage doit être traitée à ce stade, même si, bien évidemment,
toutes les communes ne sont pas dans la même situation. L’attente sera plus forte pour une
commune comprenant – ce qui arrive parfois – un secteur naturel progressivement mité par des
constructions irrégulières (dans le cadre d’un processus de sédentarisation des gens du voyage) ou
pour une commune concernée par la création d’une aire permanente d’accueil (pour les gens du
voyage itinérants).
Les réponses devront aussi être adaptées à la situation et solidement motivées. D’abord parce que,
par principe, le rapport de présentation doit justifier la cohérence des éventuelles orientations
d’aménagement et de programmation instituées pour l’accueil des gens du voyage, la nécessité des
dispositions édictées par le règlement pour la mise en œuvre du PADD ou encore la délimitation du
zonage retenu, au regard notamment de la proximité des réseaux publics. Ensuite, parce que les
riverains des sites dédiés à l’accueil sont souvent récalcitrants et n’hésitent pas à déférer au tribunal
administratif la délibération d’approbation du PLU (révisé, modifié ou mis en compatibilité).Dans
ce cadre, l’insuffisance du rapport de présentation constitue encore bien souvent la meilleure façon
d’obtenir l’annulation recherchée.

Adapter son PLU


Si l’évolution d’un plan d’occupation des sols (POS) pour un projet donné a longtemps été
compliquée, en raison notamment de la rigidité des procédures et, surtout, du principe selon lequel
c’est au projet de se fondre dans la réglementation locale (et non à cette dernière d’évoluer), le
cadre juridique est devenu plus souple avec le passage au PLU, pour autant, toutefois, qu’une
procédure de révision ne s’impose pas.
Concrètement, l’évolution envisagée (qui a priori n’aura pas pour objet d’ouvrir à l’urbanisation une
zone à urbaniser, ni de créer une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) valant
création de zone d’aménagement concerté (ZAC), deux critères justifiant une procédure de révision)
est-elle de nature à changer les orientations définies par le PADD, réduire un espace boisé classé,
une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ou une mesure de protection ou de nature à
induire de graves risques de nuisance ? Si l’une de ces conditions est remplie, la révision s’impose.
Le cas échéant, si la révision a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone
agricole ou une zone naturelle et forestière ou une protection édictée en raison des risques de
nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, la procédure pourra être
allégée (la phase de consultation des personnes publiques associées étant « compactée » en une
réunion d’examen). Mais l’on sera néanmoins sur un schéma global de révision relativement lourd,
avec une échéance assez lointaine (deux ans minimum).
En dehors de ces hypothèses, il sera possible – par exemple pour instituer un emplacement réservé
ou créer un sous-secteur au sein d’une zone U (urbaine) – de recourir à la procédure, plus légère de
modification (de droit commun avec une enquête publique ou simplifiée avec une mise à
disposition), qui peut être achevée en moins d’une année.
Enfin, dans certains cas, une procédure de mise en compatibilité avec une déclaration d’utilité
publique (si une expropriation se justifie) ou une déclaration de projet pourra aussi être mise en
œuvre.

Réserver le foncier nécessaire


Pour poursuivre la réalisation des projets identifiés au schéma départemental et / ou au PLU, les
auteurs du PLU disposent d’un outil ancien et efficace : la servitude d’emplacement réservé.
Concrètement, le règlement du PLU – en pratique le document graphique du PLU – peut délimiter
des terrains destinés à accueillir des installations d’intérêt général. De longue date, la jurisprudence
considère que cette servitude peut être instituée pour permettre la réalisation d’une aire
d’accueil (CE, 25 mars 1988, req. n° 54411).
Il est donc possible de réserver le terrain nécessaire à une aire d’accueil permanent ou de passage.
En revanche, la doctrine administrative exclut de recourir à cet outil pour des terrains familiaux
privatifs, considérés comme des projets purement privés.
En pratique, de nombreuses collectivités ont toutefois recours à la servitude d’emplacement réservé
dans la perspective de création de terrains familiaux locatifs qu’elles géreront. L’intérêt de l’outil est
bien connu. Il permet – outre d’annoncer le projet à une population parfois réticente – de préserver
le terrain de toute occupation qui serait incompatible, dans l’attente de son acquisition amiable,
quasi amiable (exercice du droit de préemption urbain) ou forcée (expropriation pour cause d’utilité
publique).
L’emplacement réservé est donc clairement une option sur des terrains que la collectivité
bénéficiaire entend acquérir. En contrepartie, le propriétaire concerné dispose d’un droit de
délaissement, qui peut conduire la collectivité à acquérir le bien, parfois de manière prématurée si le
projet justifiant la servitude n’était pas suffisamment mûr du côté de la personne publique.

Recourir (prudemment) au Stecal


La recherche de terrains disponibles en zone urbaine se heurte parfois à des difficultés, notamment
liées à la mobilisation des riverains. Une alternative existe – au moins en théorie – pour les auteurs
du PLU de prévoir des aires d’accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l’habitat des gens
du voyage en zones naturelles, agricoles ou forestières dans des secteurs de taille et de capacité
d’accueil limitées (Stecal).
Evidemment, eu égard à la sensibilité des zones en question – dont la constructibilité est en principe
limitée -, ce recours au pastillage est fermement encadré, pour éviter toute dérive. Sur la forme, la
commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers devra être
obligatoirement saisie. Son avis – souvent redouté… – portera notamment sur le caractère
exceptionnel de la délimitation du Stecal.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« Elan ») a précisé que ce
caractère exceptionnel s’apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire,
du type d’urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les
réseaux ou par les équipements collectifs.
Par ailleurs, le règlement du PLU devra obligatoirement préciser les conditions de hauteur,
d’implantation et de densité des constructions. L’objectif est d’assurer leur insertion dans
l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de
la zone.
Dans le même esprit, le règlement doit fixer les conditions relatives aux raccordements aux réseaux
publics, ainsi que les conditions relatives à l’hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions ou
résidences mobiles doivent satisfaire.
Références
• Code de l'urbanisme, articles L.101-2, L.151-41 et L.151-13.
Domaines juridiques
• Droits et libertés
• Social - Santé
• Urbanisme - aménagement

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