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A.

Brenner – 2020/2021 V22PH5

TEXTE 6

Ernst Mach, L’analyse des sensations (1886), trad. fr. F. Eggers et J.M. Monnoyer, Nîmes, Éditions J.
Chambon, 1996.

« Concernant R. Avenarius, les affinités sont aussi étroites qu’on peut s’attendre à les découvrir
entre deux individus ayant connu une évolution différente dans des champs de recherche différents, et
se tenant en tout mutuellement indépendants l’un de l’autre. Cet accord est en quelque sorte voilé par la
grande disparité de forme. Avenarius donne un exposition très détaillée, quoique schématique et malgré
cela d’ordre général, qu’une terminologie étrangère, inhabituelle, rend plus difficile encore à parcourir.
Pour ma part, rien ne me poussait à faire une telle exposition, ce n’était pas non plus mon métier ; je
n’en avais ni le penchant, ni le talent. Je ne suis qu’un scientifique [Naturforscher] et non un philosophe.
Je cherchais uniquement à acquérir un point de vue philosophique clair et assuré, débouchant sur des
voies qui peuvent être parcourues tant dans le domaine de la psychologie que celui de la physique, et
qui soient débarrassées des brouillards métaphysiques. Ainsi pensais-je être arrivé au bout de mes
peines. Bien que reposant sur des réflexions de longue haleine, remontant à ma prime jeunesse, ma
présentation garde, par sa brièveté, la forme d’un aperçu, et je ne serais pas du tout offensé si on la
voulait prendre pour telle Je concède volontiers que mon aversion à l’égard d’une terminologie
artificielle m’a peut-être fait tomber dans un extrême inverse par rapport à Avenarius […].
Je voudrais maintenant cerner les points particuliers sur lesquels nous sommes d’accord, et
auxquels j’attache de l’importance. En 1871 et en 1872, j’ai d’abord qualifié très brièvement d’économie
de pensée, la représentation économique de ce qui est factuel, en tant qu’elle constitue la tâche
essentielle de la science ; et en 1882, 1883, j’ai fait à ce sujet un autre exposé […]. Abstraction faite
d’un certain manque de clarté dans l’exposition, nous retrouvons la même conception sous une forme
très élaborée chez Avenarius (1876).
Le point de vue caractérisé précédemment acquiert un fondement plus large et s’éclaire de
perspectives nouvelles, dès lors que, suivant les impulsions données par la théorie de Darwin, on
considère l’ensemble de la vie psychique – la science y compris –, comme une manifestation biologique,
et dès lors qu’on applique les conceptions darwiniennes de la lutte pour l’existence, de l’évolution et de
la sélection. On ne peut dissocier un tel point de vue de l’hypothèse que tout ce qui est psychique, en
chacune de ses parties, soit fondé et déterminé physiquement. Avenarius, dans sa Critique de
l’expérience pure, tente de montrer comment, dans le détail, tout comportement (aussi bien théorique
que pratique) relève des modifications du système nerveux central. »

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