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de Rome
Résumé
De 1922 à 1940 le mouvement socialiste italien offre la particularité d'être divisé en deux partis. Le Parti socialiste italien
maximaliste, bien que menant une existance distincte de l'Internationale ouvrière socialiste, ne reste pas sans liens
internationaux. Il cherche à dépasser tout aussi bien le «réformisme» de la IIe Internationale que le «sectarisme» de
l'Internationale communiste et se fait le défenseur de la reconstitution de l'unité ouvrière et du socialisme révolutionnaire.
Composante originale de l'émigration antifasciste italienne, le Parti maximaliste connaît cependant des difficultés au sein
de cette émigration même s'il participe à tous ses combats. Son histoire semble se conclure par un échec mais on
n'oubliera pas que le mouvement ouvrier dans son ensemble connaît une très grave crise à la veille de la Seconde guerre
mondiale qu'il n'a pas su éviter.
Dreyfus Michel. Un courant socialiste original : les maximalistes italiens dans l'émigration (1926-1940). In: Les Italiens en
France de 1914 à 1940. Sous la direction de Pierre Milza. Rome : École Française de Rome, 1986. pp. 169-193.
(Publications de l'École française de Rome, 94);
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1986_mon_94_1_3156
4 Elle est constituée des militants suivants : Ugo Coccia, Giorgio Salvi, Giovanni
Bordini, Siro Burgassi, Alfredo Masini, Gino Tempia. Il existe aussi une Fédération en Suisse.
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Pas plus que dans les autres pays d'Europe, le mouvement ouvrier
italien n'échappe au début des années vingt, à un grand schisme. La
création de la IIIe Internationale entraîne, moins de deux ans plus tard,
la constitution du Parti communiste d'Italie. Comme partout ailleurs,
socialistes et communistes s'organisent en deux camps hostiles. Mais
cette présentation resterait incomplète si elle passait sous silence un
courant original, distinct des deux grandes Internationales ouvrières et
qui, avec des fortunes variables et sous des appellations diverses,
perdure de la fin de la Première guerre mondiale jusqu'au début de la
Seconde. À partir de décembre 1920 se constitue principalement autour
des socialistes indépendants allemands, de la SFIO, et des socialistes
autrichiens, l'Union des partis socialistes pour l'action internationale
(UPS)5, plus connue par le sobriquet sous lequel l'affublent ses
adversaires : l'Internationale deux et demie, refuse de reconnaître comme un
fait acquis la division entre socialistes et communistes et, au nom du
socialisme révolutionnaire, tente de la surmonter. L'UPS rejette «... la
seule application des méthodes démocratiques comme le fait
aujourd'hui ce qu'on appelle la IIe Internationale. . . (et) . . .l'imitation
servile des méthodes de la révolution paysanne et ouvrière de Russie
comme le veut l'IC»; elle se définit comme une «association des partis
socialistes qui poursuivent la réalisation du socialisme par la conquête
du pouvoir politique et économique par la voie de la lutte
révolutionnaire des classes». Enfin l'UPS se déclare résolue à «travailler de toute
son énergie. . . à la réalisation de l'unité du mouvement socialiste». En
avril 1922, quelques mois seulement avant le Congrès de Rome, elle
arrive à organiser à Berlin une conférence des trois Internationales
mais cette initiative reste sans lendemain. Les derniers mois de son
existence se caractérisent principalement par son rapprochement avec
la IIe Internationale, puis, en mai 1923 la fusion avec elle au congrès de
Hambourg, d'où naît l'Internationale ouvrière socialiste.
Si les maximalistes n'ont jamais adhéré à l'UPS, idéologiquement et
politiquement, ils sont très proches de ce courant qui renvoie dos à dos
le «réformisme» socialiste et le «sectarisme» communiste. Le socialis-
5 Cf. A. Donneur, Histoire de l'Union des partis socialistes pour l'action internationale,
Genève, 1967.
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6 Cf. L'Avanti!, passim, par exemple : La questione italiana davanti all'Executivo della
IIIe Internazionale, 4 juillet 1923. Cf. également l'Égalité, organe de l'Union socialiste
communiste française et membre du Bureau international, n°29, 1er août 1923 : Le PSI rejette
les conditions de Moscou - ce qui est entériné par le Comité directeur du Parti lors de sa
réunion du 25-27* août 1923.
7 Une conférence internationale des partis socialistes révolutionnaires, dans Bulletin du
Bureau international d'information des partis révolutionnaires-socialistes, 15 juillet 1925.
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ment regroupés autour d'A. Balabanova) fait rage pendant les deux ans
qui suivent; il est tranché au congrès de Grenoble, où selon les
unitaires, la direction maximaliste n'hésite pas à exclure deux fédérations et
une centaine de militants pour conserver la majorité 17. La scission
existe déjà de fait et ce sont deux congrès séparés qui se tiennent à
Grenoble. Les f usionnistes s'accordent avec les unitaires pour créer, en juillet
1930 au congrès d'unification de Paris, le Parti socialiste italien, section
italienne de l'Internationale ouvrière. S'il est difficile d'estimer avec
précision le nombre de militants qui rejoignent les unitaires, il n'est pas
niable, en tout cas, que le Parti socialiste maximaliste sort gravement
affaibli de cet épisode. 1930 représente un tournant dans l'histoire
comparée des deux organisations et marque la date précise où les
exunitaires l'emportent définitivement sur le plan numérique et organisa-
tionnel - ce qui était tout le contraire seulement trois ans auparavant.
L'aide de l'Internationale ouvrière socialiste, incontestablement plus
efficace que celle du Bureau international des partis socialistes
révolutionnaires explique sans doute ce résultat mais le travail accompli par
les unitaires dans la Concentration depuis sa création y contribue aussi
pour beaucoup. Cette différence de comportement vis-à-vis de cette
organisation de masse qu'est la Concentration illustre bien les
conduites dissemblables des deux partis dans l'émigration. Peut-être est-elle
l'expression d'une faiblesse fondamentale du Parti socialiste italien
maximaliste : dans quelle mesure en effet la défense du socialisme
révolutionnaire «traditionnel» d'avant 1914, ne s'accompagne-t-elle pas
maximaliste - surtout dans le Midi de la France a beaucoup travaillé soit avec les
socialistes unitaires, soit avec la SFIO », Le socialisme italien et la marche à l'unité, dans Nouvelle
revue socialiste, n°21, 15 janvier-15 février 1928.
17 Cf. Les socialistes italiens vers l'unité article non signé dans Nouvelle revue
socialiste, n°31, 15 avril- 15 juin 1930, selon lequel une majorité se serait déclarée en faveur de
l'unité et pour cette raison aurait encouru les foudres de la direction. La majorité aurait
pris acte du fait que « réformistes et maximalistes ne représentent que deux aspects
également périmés de la lutte des classes dans la phase de la conquête des libertés publiques et
dans la période de pouvoir qui a suivi la guerre » et aussi que «... le Parti socialiste
italien et le Parti socialiste des travailleurs italiens qui ont en commun le but immédiat de la
conquête de la démocratie politique et le but final de la création de la société socialiste
doivent s'unir pour faire à nouveau du Parti socialiste le guide aimé et respecté de la
classe ouvrière ». Rien n'est dit sur la IIIe Internationale. Sur cet épisode, cf. S. Fedele,
Storia della Concentrazione . . ., op. cit., p. 59-73.
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18 Cf. son témoignage: My life as a rebel, New- York, 1938 ainsi que Ricordi di una
socialista, Roma, 1948.
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trouve de nouveau précipitée dans la guerre si Hitler n'est pas arrêté à temps par les
forces de l'Allemagne elle-même», L. Trotsky, Qu'est-ce que le national-socialisme, 10 juin
1933, dans Écrits, (3), 1928-1940, Paris.
23 Cf. Le iniziative internazionali, Avanti!, n° 6, aprile 1933. Ces partis sont le Parti
ouvrier norvégien, l'Independent Labour Party anglais, le Parti socialiste indépendant de
Hollande, le Parti socialiste ouvrier d'Allemagne et le Parti socialiste ouvrier indépendant
de Pologne.
24 Cf. New Leader, 6 février 1933.
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25 Cf. Il problema della nuova Internazionale, dans A vanti! 1 luglio 1934; Può una
nuova Internazionale condurre all'unità, dans Avanti!, 22 luglio 1934. Les maximalistes ont
également participé les 27 et 28 août 1933 à Paris à une conférence internationale de
partis socialistes n'appartenant pas à l'IOS où cette question fut débattue.
26 «II Convegno a voti unanimi ha riconfirmata l'adesione data al Congresso di
Amsterdam per la lotta contro la guerra, come pure l'adesione al congresso antifascista europeo
tenutosi à Parigi-», dans PSI, Bollettino interno, luglio 1933. Cette adhésion s'accompagne
de modalités précises définies par la direction : « È evidente che questa attività da parte
dei compagni non dovrà in alcun modo intralciare a comunque diminuire quella che noi
dobbiamo costantemente svolgere in favore del nostro partito e dell'ai vanti!»
27 Ils sont battus au IVe congrès (Paris, 4-5 juin 1933) par 387 voix contre 22.
(Rapport de police des 2 et 7 juin 1933, ACS, CPC). Selon ce même rapport ce groupe aurait
été «largement financé» par les communistes. Les exclus protestent en vain dans un
Bollettino degli aderenti al PSIm in difesa del Fronte unico e dei Comitati d'azione contro la
guerra, n°2, gennaio 1934 : «Carloni, Rafolo, Salvi exclus du PSI par lettre recommandée
(12 décembre 1933) de la direction du parti».
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28 Cf. Bollettino interno della direzione del PSIm, octobre-novembre 1934, à propos du
pacte d'unité et du rejet du PSIm.
29 Cf. Un passo verso l'unità proletaria. La conferenza dei partiti socialisti rivoluzionari,
dans A vanti!, n°3, marzo 1935.
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30 ID.
31 Cf. Défense du peuple éthiopien et de la paix, organe du Comité international pour
la défense du peuple éthiopien et de la paix, n° 6 spécial, novembre 1935.
184 MICHEL DREYFUS
n'a qu'une existence et une activité des plus réduites pendant la guerre
où il disparaît en tant qu'organisation. Pourtant ce courant original du
socialisme italien se reconstitue à partir d'août 1943 sous la forme du
PSIUP. Mais ceci est une autre histoire.
45 Je remercie ici É. Vial qui m'a fait bénéficier de ses fructueuses recherches dans ce
fonds essentiel en me transmettant de nombreux documents qui y sont conservés.
46 Cf. S. Fedele, Storia. . ., op. cit., p. 12.
47 Cf. Rapporto della direzione del PSI del novembre 1927, cité par L. Lembo, L'orga-
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nizzazione. . ., op. cit., p. 231. Rappelons que les congrès du PSIm en France ont été les
suivants : Marseille (8-9 janvier 1928), Grenoble (16-17 mars 1930), Lyon (27-28 mars
1932), Paris (4-5 juin 1933), Saint-Ouen (30-31 décembre 1934), Boulogne-sur-Seine (5-7
juin 1937).
48 Rapport sur le IIe Congrès, Paris, 1933.
49 Cf. Rapport de police du 22 novembre 1934 ainsi que le Rapport sur le Ve Congrès
(Saint-Ouen) où il est fait mention de 684 inscrits, «20 de plus que l'an dernier».
50 Cf. Rapport sur le VIe Congrès (Boulogne-Billancourt). Selon un rapport de police
du 9 septembre 1936 le PSIm aurait compté alors 400 adhérents dont 200 en règle pour
leur cotisation. L1 Avanti! aurait tiré à 4000 exemplaire dont 3000 vendus mais quasiment
pas en Italie. La totalité des cotisations passe dans le salaire des deux permanents du
parti, Mariani et Andrich.
51 Cf. Relazione sull'attività del PSI massimalista, 1939.
LES MAXIMALSTES ITALIENS DANS L'ÉMIGRATION 191
*
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57 F. Adler s'est exprimé dans deux documents rédigés l'un en 1939, l'autre en 1940,
publiés par Herbert Steiner sous le titre : L'Internationale socialiste à la veille de la IIe
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Michel Dreyfus
Guerre mondiale. Cf. Le Mouvement Social, n° 58, janvier-mars 1967. Cf. aussi sur la crise
de l'IOS l'ouvrage collectif fondamental paru récemment sous la dir. d'E. Collotti, E. CoL-
LOTTi, L'Internazionale operaio e socialista tra le due guerre, dans Annali Feltrinelli, 1983-
1984, Milan.