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l'Environnement
Littmann-Martin Marie-José. Droit pénal de l'environnement. In: Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 1982. pp. 154-169;
doi : https://doi.org/10.3406/rjenv.1982.1721
https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_1982_num_7_2_1721
M.-J. LITTMANN-MARTIN
Chargée de conférences à la Faculté de droit de Strasbourg
L'article 434-1 du Code rural est présenté, avec raison, comme le meilleur
instrument de lutte contre la pollution des eaux fluviales (1). L'interprétation
extensive des éléments constitutifs de cette infraction permet une si large
application de ce texte, qu'on la croit facilement sans limites. D'où l'intérêt de
décisions qui rappellent la nécessité de certaines conditions, conditions de fond,
relatives aux éléments constitutifs de l'infraction (A), mais aussi, conditions de
forme, touchant à la poursuite (B).
(2) La Cour de cassation, le 1 1 avril 1970, D. 1972. J. 1 13, note Despax, a approuvé l'application de l'article
434- 1 du Code rural, au déversement d'eaux résiduaires ayant élevé la température de l'eau, et provoqué la mort du
poisson par asphyxie. Un peu aventureuse eu égard au texte, la répression de la pollution thermique est opportune,
mais elle suppose la destruction du poisson ou l'altération de sa santé, de ses facultés de reproduction. Elle serait
impossible lorsque s'enfuit une espèce avide d'eau glacée, remplacée par d'autres friandes d'un milieu moins
vivifiant. (Sur la pollution thermique, consulter M .Despax, op. cit., p. 374 et ss.)
Si l'on continue à s'inquiéter des méfaits occasionnés par cette forme insidieuse de pollution, et à les chiffrer
(M. Ambroise Rendu, « L'écologie fait ses comptes », journal Le Monde, 23-24 et 25 février 1982, et spécialement,
la première partie de cet article « Les pollutions sont plus coûteuses que le chômage », Le Monde du 23 février
1982), certains pionniers se proposent pourtant, d'exploiter ces eaux réchauffées, tout à fait adaptées à
l'aquaculture (sur les projets d'un «lotissement aquacole » à Gravelines, Le Monde, 24 et 25 janvier 1981).
(3) Crim. 14 novembre 1963, Bull. n° 323 20 février 1957, Bull. n° 175, p. 296 ; 26 juin 1956, Bull. n° 439, p.
895 ; 19 avril 1954, D.1954.J.476. Ajouter pour une extension analogue, Tb. corr. Béthune, 17 septembre 1976,
;
R.J.E. 1977-2, p. 189, note M.-J. Littmann -Martin, décision infirmée pour d'autres motifs, par la Cour d'Appel de
Douai, 25 février 1977, R.J.E. 1977-3, p. 317, note M.-J. Littmann-Martin.
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rivière polluée » (4). Soulignons encore cette volonté d'étendre la notion de cours
d'eau, lieu du déversement, à l'occasion d'infiltrations polluantes dans le sol, qui
vont ensuite empoisonner des cours d'eau. Des poursuites seront possibles,
fondées sur l'article 434-1 du Code rural, ainsi qu'en témoigne l'arrêt Ferrier, du
28 avril 1977 (5). Cette décision, fort critiquée, retint l'attention des
commentateurs, car elle affirmait, brutalement, la nature matérielle de l'infraction à l'article
434-1 du Code rural. Elle contenait un autre aspect intéressant qui fut laissé dans
l'ombre : celui d'une pollution résultant d'une fuite de mazout par une
canalisation corrodée. Les juges du fond constatèrent que « le mazout qui s'était
répandu dans le sol... a continué à polluer la rivière en raison de la nature du
terrain et du régime des pluies », et estimèrent que l'élément matériel de
l'infraction devait être retenu à la charge de Ferrier. Mais ils le relaxèrent pour
défaut d'élément intentionnel. Cette dernière affirmation fut censurée par la Cour
de cassation, qui par ailleurs, ne pouvait qu'approuver, ainsi qu'elle l'avait déjà
fait (6), l'utilisation de l'article 434-1 du Code rural, dans une pollution par
infiltration ayant détruit du poisson.
Mais ces multiples extensions ont en commun ceci : les déversements
toxiques ont été, sont ou seront véhiculés par des eaux libres. Elles ne peuvent
concerner des eaux closes.
2. - La notion d'eau close reste un obstacle théoriquement insurmontable à
l'application de l'article 434-1 du Code rural. Il résulte, ainsi que vient de le
rappeler la Cour d'appel de Douai, de la combinaison des articles 427 et 401 du
Code rural (7). La distinction entre les deux catégories d'eau, les libres et les
closes, est donc fondamentale pour une lutte efficace, ou non, contre leur
pollution.
La jurisprudence s'est employée à déterminer ces notions dans le cadre
général de l'exercice du droit de pêche « lequel n'est réglementé par le Code rural
que dans les eaux libres par opposition aux eaux closes (ou enclos) qui échappent
à la législation (article 401 du Code rural)» (8).
Les Eaux et Forêts préconisèrent une définition rigoriste mais logique : le
critère d'une eau close serait l'absence totale de communication entre les milieux
liquides. Interprétation rejetée par la chambre criminelle qui se fonde sur la libre
circulation ou non des poissons. Une eau close est une eau dont le poisson ne
peut s'échapper, une eau libre, celle que le poisson peut quitter. La Cour de
cassation estime que ces textes ont pour objet, « non le régime des eaux, mais la
(4) Crim. 2 avril 1974, D.1975.J. 180, note Despax. M. Despax développe également cette décision, qu'il
tient à juste titre pour extrêmement significative, dans son ouvrage déjà cité, p. 381, note 50.
(5) J.C.P. 1978-11-18931, note M. Delmas-Marty ; D. 1978, J. 149, note M.-L Rassat ; R.S.C. 1978,
p. 335, obs. A. Vitu.
(6) Crim. 11 février 1953, D. 1954, J. 403.
(7) L'article 401 du Code rural édicté « Nul ne peut exercer le droit de pêche dans les eaux libres, lacs,
canaux, ruisseaux ou cours d'eau quelconques qu'en se conformant aux dispositions du présent titre. » L'article 427
:
du Code rural, placé en titre d'un chapitre II, consacré à la police de la pêche, et d'une section première intitulée,
« dispositions générales et pénales », affirme « Les dispositions du présent titre ne sont pas applicables aux enclos
aménagés sur les fonds d'eau visés à l'article 401 ».
:
(8) M. Léotard, Rép. pén., v° Pêche, n° 8 ; Adde, H. Blin, J. Class. Pénal, Lois pénales annexes, s/ Pêche
fluviale, n° 8 et ss.
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b) L'élément intentionnel
Le 28 avril 1977, la chambre criminelle affirma, sans justification, que
l'infraction à l'article 434-1 du Code rural est qualifiée de matérielle. Cette
(9) Crim. 14 novembre 1930, D.P. 1932. 1.86, et le rapport du conseiller Bourdon; Crim. 22 juin 1955,
D. 1955. J.578 ; Crim. 1»' mars 1961.S. 1961 266 ; cpr. Crim. 1 1 mars 1964, D.1965. J.134, note Rérolle, Bull., n°88,
p. 200.
(10) Crim. 1er mars 1961, S.1961-266, D.1961.J.323 ; Grenoble, 15 décembre 1961, D.1963.J.310, note
Rérolle ; Crim. 23 janvier 1980, Bull. n° 35, p. 82, R.S.C. 1980, p. 979, obs. A. Vitu. Cpr. Angers, 17 mars 1960,
J.C.P. 1960-11-11646, note H. Delpech.
(11) Op. cit., p. 381, §309; En ce sens, Lamarque, «Droit de la protection de la nature et de
l'environnement», L.G.D.J., 1973, p. 781.
(12) Crim. 22 janvier 1980, R.J.E. 1980-2 p. 180, obs. Littmann-Martin. Cette décision ne censure pas
l'application de l'article 434-1 du Code rural à une pollution d'étang par des insecticides. Le pourvoi, il est vrai, ne
s'insurgeait pas contre cette application, et les faits sont insuffisamment relatés pour qu'on en déduise qu'il
s'agissait d'une eau rigoureusement close.
(13) Quant à la nature du déversement, voir supra note 2. Quant à la tendance à considérer l'infraction à
l'article 434- 1 du Code rural, non comme une infraction de résultat, mais comme une infraction formelle réalisée
indépendamment d'un dommage effectif, Douai, 25 février 1977, R.J.E. 1977-3 p. 319 et nos observations.
(14) Sur les projets élaborés à ce sujet, Rapport Vilmorin, « La lutte contre les atteintes à l'environnement »,
Ministère de l'environnement et du cadre de vie, 1981, p. 106.
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c) Le responsable
Le salarié n'avait pas nettoyé la citerne et apparaissait comme auteur
matériel de l'infraction, et directement à l'origine de la pollution. Mais il ne semble
pas avoir été impliqué. Furent seules retenues la responsabilité du chef d'équipe
et celle du directeur de l'entreprise. Ce dernier faisait valoir « que sa société
n'étant pas un établissement classé au sens de la loi du 19 décembre 1917, il ne
pouvait encourir une responsabilité pénale du fait d'un manquement imputable à
un employé de l'entreprise non classée ». Il contestait donc le recours à la
responsabilité pénale du fait d'autrui. La Cour de cassation ne répond pas
(15) M.-L. Rassat, D. 1978.J.149 ; M. Delmas-Marty, J.C.P. 1978-11-18931 ; Rapport Vilmorin précité, p. 67.
(16) Crim. 20 décembre 1977, J.C.P. 1978-11-18932, note M. Delmas-Marty; crim. 22 janvier 1980, R.J.E.
1980-2-180, obs. Littmann-Martin.
(17) La Cour de cassation définissait ainsi l'élément intentionnel ; voir par exemple, crim. 27 janvier 1954,
Bull. n°38. Comparer, crim. 27 juillet 1970, Bull. n°25O, p. 597.
(18) Cette jurisprudence répondrait aux vœux de la commission Jung, v° Rapport Vilmorin précité,
fermement approuvés et développés par M. Delmas-Marty, in « Etude des simplifications et de l'harmonisation des
réglementations résultant de la création de catégories d'infractions destinées a la protection de l'environnement »,
étude réalisée pour le M.E.C.V., Mission des Etudes et de la Recherche, par la S.F.D.E. 1981, p. 13 et p. 27.
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directement à cette argumentation et approuve simplement la condamnation
fondée sur une autre faute personnelle caractérisée. Le principe selon lequel la
responsabilité pénale ne peut résulter que d'une faute personnelle est sauf, en
apparence tout au moins. En fait, il est aisé d'imputer une pollution à
l'employeur : soit elle est le résultat d'une organisation défaillante de son
entreprise, il est alors normal que la responsabilité remonte à celui qui dispose
des pouvoirs et des moyens de direction ( 1 9), soit elle est liée au comportement
négligent, imprudent d'un subordonné, et les juges répressifs en déduisent un
manque d'instruction ou un défaut de surveillance, ce qui est beaucoup plus
contestable (20).
Pourtant la mise à l'écart du salarie, auteur matériel de la pollution, n'est pas
toujours systématique. Il arrive qu'il soit inculpé et condamné : ainsi d'un
employé qui procéda, sur l'ordre de son patron, à l'épandage de lisier jusqu'à la
berge d'un ruisseau, provoquant une grave pollution. Le patron, inculpé comme
auteur, fut condamné en qualité de complice sur le fondement de l'article 60 § 1
du Code pénal, qui réprime, sous cette qualification, la fourniture d'instructions
(21).
Le manque d'homogénéité des solutions à ce sujet crée un certain arbitraire
dans la répression du subordonné, arbitraire accentué par l'exercice
discrétionnaire du pouvoir transactionnel confié à l'administration. Celle-ci semble-t-il,
propose surtout une transaction aux responsables de pollutions chroniques, car
les éléments de la négociation inclueront la cessation, ou la réduction de la
pollution par des modifications techniques appropriées. Au contraire, lorsque la
pollution est isolée, accidentelle, nous pourrions dire, artisanale, la transaction
sera moins fréquente ; d'une part, elle serait sans incidence sur la persistance de
la pollution par hypothèse temporaire, d'autre part, elle serait insuffisamment
exemplaire. Une procédure répressive incitera les coupables à une conduite
moins désinvolte à rencontre de l'environnement.
Cette impression, toute personnelle, et qu'il conviendrait d'étayer par des
vérifications auprès de l'administration (22), provient du nombre de décisions
(19) La Cour de cassation affirme alors que, « dans les industries soumises à des règlements édictés dans un
intérêt de salubrité ou de sûreté publique, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs d'entreprise
auxquels sont personnellement imposés les conditions et le mode d'exploitation de leur industrie », crim. 27 juillet
1970, Bull. n° 250, p. 597 ; 14 février 1967, Bull. n° 65, p. 151 ; 18 février 1956, Bull. n° 205, p. 369. Compte tenu de
l'interprétation exagérément restrictive de la force majeure, la seule cause d'exonération du chef d'entreprise sera la
délégation de pouvoirs. La Cour de cassation en vérifie la nécessité et l'effectivité, ainsi, crim. 14 février 1973, Bull.
n°81, p. 191 ; 27 juillet 1970, Bull. n° 250, p. 597 et les arrêts cités.
(20) Despax, op. cit., p. 387 et ss., § 312. Signalons pourtant, dans l'affaire que nous évoquons, que les juges
du fond relèvent une condamnation antérieure de l'employeur pour des faits identiques, ce qui démontre un
comportement désinvolte, et (ou), un manque d'autorité coupables de la part du chef d'entreprise.
(21) Trib. corr. Rennes, 25 janvier 1979 (inédit). Pour un cantonnier, auteur matériel de l'infraction, Crim. 12
janvier 1977, Bull. n° 18, p. 43. Le prévenu avait été condamné pour violation de l'article 1" § 2, de la loi du 16
décembre 1964, et de l'article 1" du décret du 15 décembre 1967. La Cour de cassation rectifia cette qualification,
substituant l'article 434-1 du Code rural à la loi du 16 décembre 1964 au motif que l'article 1er, § 2, n'édicte par lui-
même aucune prescription de nature à être penalement sanctionnée. Le condamné invoquait l'excuse d'obéissance
hiérarchique. La Cour de cassation affirma, que « le fait de se conformer aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques
ne saurait constituer ni un fait justificatif, ni une excuse permettant d'échapper aux conséquences de l'infraction
commise ». Dans cette espèce, les donneurs d'ordres ne semblent pas avoir été inquiétés.
(22) Le nombre et les modalités des transactions restent confidentiels, et l'accès aux documents est difficile.
Voir pourtant le rapport Vilmorin, cité, p. 71 et les chiffres proposés. Mais ce rapport ne contient aucune précision
quant aux bénéficiaires ou aux exclus de cette procédure.
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raison de faits de pollution de cours d'eau par une entreprise relevant de la loi du
19 décembre 1917, sans que l'inspecteur départemental des établissements
classés ait été préalablement appelé à donner son avis » (26).
En l'espèce, la Cour d'appel avait tenté de remédier à l'irrégularité en
évoquant, et en ordonnant un supplément d'information afin de recueillir l'avis de
l'inspecteur des établissements classés. La Cour de cassation cassa. La poursuite
n'avait pas été valablement engagée ; le remède procédural imaginé par la Cour
d'appel était inopérant. Etait ainsi anéantie toute une procédure qui s'étendait sur
plusieurs années.
La loi du 6 août 1975 introduisit un article 802 dans le Code de procédure
pénale, article qui bouleverse considérablement le régime des nullités (27).
Désormais, la violation d'une formalité prescrite n'entraîne la nullité que si cette
irrégularité a porté atteinte aux intérêts de la partie concernée par la formalité
transgressée. Ce texte se proposait de limiter les annulations, incitatrices de
procédures dilatoires, dissipatrices de temps, de deniers et d'énergie, sources
d'échec de la répression (28).
L'article 802 du Code de procédure pénale va-t-il modifier la jurisprudence
sanctionnant, par la nullité, l'inobservation de l'article 434-1 § 2 du Code rural ?
La réponse est négative. La position de la Cour de cassation est restée inchangée,
et elle semble respectée par les Cours d'appel. Le fait de ne pas demander l'avis
de l'inspecteur des établissements classés, avant d'engager des poursuites
pénales, est une cause d'annulation de l'acte de poursuite, et de la procédure
ultérieure. Cette jurisprudence, d'un intérêt pratique évident, peut être considérée
avec réserves.
Le 6 février 1979 (inédit), la Cour de cassation approuva un arrêt de la Cour
d'appel de Rennes, déclarant irrecevable la constitution de partie civile d'un
pisciculteur, et annulant toute la procédure à partir du premier acte de poursuite à
rencontre du pollueur, au motif que, s'agissant d'une installation classée, l'avis
préalable de l'inspecteur de ces installations était nécessaire (29). Mais la Cour de
cassation, et pas davantage le pourvoi, ne font référence à l'article 802 du Code
de procédure pénale. La chambre criminelle ne donne aucune justification à son
approbation, qui procède de la simple affirmation (30).
(48) Une propriétaire d'élevage de truites décimé par une pollution industrielle s'était heurtée, en appel, à la
décision d'annulation des poursuites et de la procédure ultérieure pour inobservation de l'article 434-1 alin. 2 du
Code rural. Elle fit valoir, devant la Cour de cassation que la Cour d'appel, saisie in rem, devait rechercher si le fait de
pollution incriminé, n'était pas susceptible d'une autre qualification pouvant être poursuivie sans l'avis préalable de
l'inspecteur des établissements classés. « Faute d'avoir procédé à cette recherche, la Cour d'appel - prétendait le
moyen - n'a pas épuisé sa saisine et n'a pas légalement justifié l'irrecevabilité de l'action civile ». L'idée était
ingénieuse et devrait être reprise. Malheureusement, dans cette espèce, les textes de substitution proposés étaient
mal choisis et manifestement inapplicables aux faits. La Cour de cassation rejeta le pourvoi car ces qualifications
n'avaient pas été proposées à la Cour d'appel, (condition qui n'est pas nécessaire pour qu'une juridiction rectifie une
qualification), et nécessitaient des éléments constitutifs différents. Ce dernier argument est évidemment
convaincant. La loi du 16 décembre 1964, et le décret du 15 décembre 1967 pourraient être d'une application
précieuse, puisque la régularité des poursuites fondées sur ce texte n'est pas liée à l'avis de l'inspecteur des
établissements classés. Mais son application se heurte à d'autres difficultés, supra, note 21.
(49) Strasser, préc. D.1979. J.394, in fine. Comparer les propositions de D. Mayer, sous crim. 21 octobre
1980, D.1981.J.104.
(50) La bibliographie est extrêmement abondante. Consulter, Stefani, Levasseur, Bouloc, op. cit., p. 168 et
ss, S 160 et les références citées; Merle et Vitu, op. cit. p. 124 et ss., 9 919 et les références citées.
(51) Larguier, « L'action publique menacée », 0.1958. chr. p. 29 ; Granier, « Quelques réflexions sur l'action
civile», J.C.P. 1957.1.1386.
(52) Pour la défense de cet intérêt associatif, L. Bihl, « L'action syndicale des associations », Gaz Pal, 1973.2.
doct. p. 523.
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(53) Ces habilitations sont fréquentes dans les textes récents, concernant notamment, le droit de
l'environnement. Ainsi, l'article 26, § 5, de la loi du 15 juillet 1975, relative à l'élimination des déchets et à la
récupération des matériaux ; l'article 40 de la loi du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature ; l'article 35 de
la loi du 29 décembre 1979, relative à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes ; les articles L. 160-1 et L. 480-1
du Code de l'urbanisme. Ajoutons les articles 2-3 et 2-4 du Code de procédure pénale, résultant de la loi dite
« Sécurité liberté » du 2 février 1981, et l'article 2-2 du Code de procédure pénale, résultant de la loi du 23 décembre
1980. Mais ces nouvelles habilitations n'ont aucun rapport avec le droit de l'environnement.
(54) Seules, les associations de consommateurs bénéficient d'une habilitation extrêmement large, prévue à
l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, dite «loi Royer ». Elles peuvent intervenir pour « tous les faits portant un
préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs », cf. Calais-Auloy, D.1974. chr. pp. 92-93 ;
L. Hartemann, « L'action civile et les infractions à la législation économique après la loi Royer », R.S.C. 1976, p. 339.
Tous les autres textes déterminent expressément les infractions pouvant fonder l'action civile des associations
habilitées, cf. Stefani, Levasssur et Bouloc, op. cit. p. 170, note 2 ; M. Delmas-Marty, sous Crim. 10 novembre 1976,
J.C.P. 1977.11.18709.
(55) Stefani, Levasseur et Bouloc affirment qu'elle va même au-delà des limites législatives, op. cit. p. 170,
note 1, et les exemples cités. Pourtant, une décision du 20 novembre 1980 (Hersan), Bull. n° 309, p. 786, est peut-
être l'indice d'un retour à une position plus légaliste, et, de ce fait, plus favorable aux associations. Un arrêt de
chambre d'accusation avait déclaré irrecevable l'action civile de l'union fédérale des consommateurs, « le non
respect de certaines dispositions de l'ordonnance du 26 août 1944 (sur la presse), ne pouvant causer aucun
préjudice à l'acquéreur de publications périodiques ». La chambre criminelle cassa : « II n'y a pas lieu d'apporter à
l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973 des restrictions qu'il ne prévoit pas ».
(56) La Cour de cassation reprend à son compte la citation vicieuse du libellé de l'article 434-1 du Code rural
relative « au déversement de produits chimiques « propres à nuire - de nature à nuire », à la vitalité du poisson »,
alors que le texte incrimine un résultat effectif.
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Ainsi, la perte de productivité résultant du fait que le cours d'eau est devenu
et restera moins poissonneux, n'est pas un préjudice dont une fédération
départementale peut demander réparation (59). Pas davantage, l'atteinte faite à
ses attributions de surveillance, de protection du poisson, et de mise en valeur
des eaux douces, énumérées à l'article 3 du décret du 11 avril 1958 (60). De
manière générale, une fédération ne saurait fonder ses droits sur ceux des
associations qui sont obligées d'y adhérer par l'article 4 du décret du 12 juillet
1941 (61). En fait, une seule hypothèse sera génératrice de réparations : des
dépenses d'alevinage pour repeupler la rivière polluée, ou l'anéantissement
d'alevinage effectué par les soins de la fédération (62). Or les missions très
voisines des associations de pêcheurs et des fédérations, telles qu'elles résultent
des textes (63), ne sauraient justifier cette différence de traitement. Une seule
explication en est donnée : les associations sont titulaires d'un droit de pêche, les
fédérations ne le sont pas. C'est pourquoi l'article 490 du Code rural qui prévoit :
« les restitutions et dommages -intérêts appartiennent aux fermiers, porteurs de
licences et propriétaires-riverains, si le délit est commis à leur préjudice... »,
s'applique aux associations, et non aux fédérations. Ce texte semble plus
exigeant que la Cour de cassation puisqu'il fait référence à l'existence d'un
préjudice. Soulignons donc le libéralisme exceptionnel de la Cour de cassation qui
(57) M. Despax, op. cit. p. 404, § 318 et les références ; Crim. 10 décembre 1969, J.C.P. 1970.11.16250, note
H. Blm.
(58) Contra, Stefani, Levasseur, Bouloc, op. cit. p. 168, § 161 ; Nancy, 1" octobre 1975, Gaz-Pal. 1976. 1,
Jur. p. 34, note Soulière.
(59) Crim. 28 février 1957, Bull. n° 209, p. 356.
(60) Crim. 22 juillet 1964, Bull. n° 242, p. 517.
(61) Crim. 16 octobre 1963, Bull. n° 283.
(62) Crim. 22 juillet 1964, Bull. n° 242, p. 518 ; 28 février 1957,Bull. n° 209, p. 356 ; 16 octobre 1963, Bull.
n°283; 21 mars 1962, Bull. n° 139, p. 287; 10 décembre 1969, J.C.P. 1970.11.16250, note H. Blin.
(63) L'article 2, du décret n° 58-434 du 1 1 avril 1958 énonce : « Les associations de pêche et de pisciculture
agréées par le préfet sont habilitées à organiser la surveillance de la pêche et son exploitation, à exécuter, sous
réserve des autorisations nécessaires, les travaux de mise en valeur piscicole et à assurer la protection du poisson ».
L'article 3 du même texte... « Les fédérations départementales ont pour attributions d'assurer la répression du
braconnage, la protection et la reproduction du poisson d'eau douce, et, d'une manière générale, la mise en valeur
des eaux douces ».
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(68) Les communes sont irrecevables à se constituer partie civile pour obtenir réparation du préjudice causé
par une contravention à un arrêté municipal. Crim. 5 mai 1954, Bull. n° 160, p. 276 ; 27 juin 1956, Bull. n° 493, p.
903 ; 16 janvier 1975, Bull. n° 20, p. 55. Idem, pour une infraction à la réglementation concernant la pasteurisation du
lait, Crim. 21 février 1957, Bull. n° 189, p. 322 ; idem, pour des infractions au Code de l'urbanisme, Paris, 13 juin
1979, R.J.E. 1980, n° 1, p. 68 et nos observations. Par contre, a été déclarée recevable l'action d'une commune
dans des poursuites contre l'ancien maire, inculpé d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance et d'ingérence,
Crim. 16 décembre 1975, bull. n° 279, p. 735 ; idem, dans des poursuites pour infraction aux dispositions d'un arrêté
préfectoral concernant l'écoulement des eaux, cette infraction ayant causé des inondations dommageables aux
propriétés communales, Crim. 11 mars 1980 (inédit).
(69) Nos observations R.J.E. 1980, n°1, p. 73 et ss.
(70) Rapport Vilmorin, précité, p. 106, « Examen de la proposition Ciccolini d'un délit général d'atteinte à
l'environnement»; M. Delmas-Marty, étude citée, supra note 18, p. 25.
(71) Signalons les difficultés juridiques et financières auxquelles donnent lieu l'article 1" de la loi du 3 janvier
1972 et le décret du 30 janvier 1978, qui confère aux associations, le droit de bénéficier de l'aide judiciaire. Ces
problèmes sont remarquablement mis en évidence par une décision du bureau d'aide judiciaire du Tribunal de grande
instance de Marseille, du 12 janvier 1979, Gaz-pal. 1981. 1. jur. p. 71, note A.D. Appréciant le coût global des aides
accordées aux associations, la « charge inutile » en résultant pour l'Etat, l'incitation qu'elles pourraient constituer
pour « des associations réelles ou fictives à exploiter une telle aubaine », le bureau décida de couper court à
l'expérience, et rejeta la demande formulée par l'association d'équipes d'action contre la traite des femmes et des
enfants. Comparer, Bureau supérieur d'aide judiciaire, 27 octobre 1976, D.1978.J.51, note P. Laroche de Roussane.
Notons enfin que la loi du 2 février 1981 introduit plusieurs dispositions destinées à faciliter l'action civile des
victimes. Ainsi, les articles 420-1, 420-2 et 460-1 du Code de procédure pénale qui permettent aux victimes de se
constituer partie civile par lettre recommandée. Sur ces innovations, J. Pradel, « La loi du 2 février 1981, dite
«Sécurité liberté», D.1981, chron. p. 113 et ss., J. Francillon, numéro spécial J. Classeur, n° 1 bis, 1981,
n°221 et ss.