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Actes de la recherche en

sciences sociales

Ni patients ni victimes
Pour une ethnographie de la violence politique
Monsieur Arthur Kleinman, Monsieur Robert Desjarlais

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Kleinman Arthur, Desjarlais Robert. Ni patients ni victimes . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 104,
septembre 1994. Le commerce des corps. pp. 56-63 ;

doi : https://doi.org/10.3406/arss.1994.3113

https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1994_num_104_1_3113

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Résumé
Pour une ethnographie de la violence politique
L'association américaine de psychiatrie appréhende la violence politique faite aux personnes à travers
la catégorie de syndrome post-traumatique. Sans nier l'utilité des soins que le médecin dispense, on
notera que cette médicalisation de la souffrance transforme les personnes en malades et laisse de
côté la dimension sociale du traumatisme. À l'inverse, l'ethnographie de la violence politique
s'intéresse au contexte singulier de chaque histoire de violence et s'efforce d'étudier l'intrication du
social et de l'individuel. Cette approche traite la violence comme un problème culturel auquel
participent non seulement ceux qui l'infligent et ceux qui en souffrent mais encore tous les autres
acteurs sociaux, qui la montrent, la soignent, l'observent ou l'analysent.

Abstract
Neither Patients nor Victims
Towards and Ethnography of Political Violence
The American Association of Psychiatry interprets the political violence done to persons in terms of
post-traumatic syndrome. Without denying the usefulness of the care that medicine dispenses, it has to
be observed that this medicalization of suffering transforms people into invalids and leaves aside the
social dimension of the trauma. By contrast, the ethnography of political violence is concerned with the
particular context of each history of violence and strives to study the imbrication of the social and the
individual. This approach treats violence as a cultural problem participated in not only those who inflict
it and those who suffer it, but also all the other social actors, who point it out, treat it, observe it or
analyse it.

Zusammenfassung
Weder Patient, noch Opfer
Zur Ethnographie politischer Gewalttätigkeit
Die amerikanische Vereinigung fur Psychiatrie fasst die Einzelnen zugefügte Gewalttätigkeit politischen
Charakters ausschliesslich mittels der Kategorie des post-traumatischen Syndroms. Ohne die
Nützlichkeit der ärztlichen Betreuung leugnen zu wollen, ist festzuhalten, dass diese Medikalisierung
des Leidens die Betroffenen zu blossen Kranken werden lässt, und die soziale Seite des
Traumatismus beiseite schiebt. Demgegenüber interessiert sich die Ethnographie politischer
Gewalttätigkeit fur den besonderen Kontext eines jeden Falls von Gewalttätigkeit und bemüht sich um
die Untersuchung der Verflechtung des Sozialen mit dem Individuellen. Der Ansatz behandelt
Gewalttätigkeit als ein kulturelles Problem, an dem nicht nur diejenigen beteiligt sind, die zufugen bzw,
leiden, sondern auch all die anderen sozialen Akteure, die die-selbe aufzeigen, behandeln, beobachten
und analysieren.
Arthur Kleinman et Robert Desjarlais

Ni patients ni victimes

Pour une ethnographie de la violence politique

a violence politique si fréquente en notre fin de forcent les parents à regarder » Les viols systématiques

.
f siècle engendre une souffrance qu'expriment divers dans les villages des Balkans occupés par les Chetniks
& « traumas la douleur, la peur, la perte, le chagrin et la serbes, les familles entières brûlées en Asie du Sud, les
:

destruction du sens et de la cohérence du réel. La guerre corps mutilés au Liberia, les «disparus» d'Argentine, les
larvée {low intensity) a pour objectif explicite de actes terroristes au Moyen-Orient, le supplice du pneu
contrôler la population en infligeant la terreur à certains infligé dans les townships sud-africains à ceux que l'on
groupes, ou en les détruisant, De nombreuses analyses soupçonne d'être des mouchards, la mise en isolement et
scientifiques ont mis en avant la violence de l'État comme les privations brutales des camps chinois - tout cela
moyen de contrôler les personnes par la peur et la touche les populations deux fois, par l'observation directe
souffrance. Les théories sociales dominantes ont été et à travers l'imagerie symbolique de la culture populaire.
lourdement influencées par la critique traditionnelle, sur le Le spectacle de la torture, de la destruction, de la mise en
continent, des excès des États autoritaires. Aujourd'hui, pièces, tout comme l'abandon des enfants rendus
force est de constater la violence qui accompagne la orphelins, sont autant de calculs pour démoraliser les gens et
désorganisation sociale et la dissolution politique. Le les abaisser. Le trauma est donc un effet planifié et voulu
Liberia, la Somalie, la Bosnie sont les exemples de cette comme tel. La mainmise sur l'appareil culturel
violence qui règne là où il n'y a pas d'autorité d'État pour producteur de sens permet de manipuler la signification des
maintenir l'ordre et garantir la sécurité. La fragilité du traumas. Par exemple, aux pires jours de la grande famine
concept d'État-nation et le monde transnational dans en Chine, en 1959-1961, les journaux, contrôlés par le
lequel nous vivons donnent à penser que le nouvel ordre gouvernement, font état de récoltes superbes, alors
mondial qui s'esquisse sera marqué au sceau de la même que 30 millions de personnes sont en train de
violence et de la terreur. mourir de faim. Dès lors, non seulement il devient
impossible de dénoncer moralement la politique du parti
communiste chinois et l'immense échec de la politique du
Histoires de la misère humaine Grand Bond en avant, mais, surtout, l'État impose
brutalement l'idée qu'il est en son pouvoir de confirmer ou
Les représentations de la violence sont parties d'infirmer la réalité elle-même. Aux lendemains du
prenantes du processus, et les images de mutilation et de massacre de Tien' anmen, des ouvriers dissidents sont
destruction sont utilisées pour exercer terreur et emprise. exécutés avec des balles en argent spécial, dont on adressera
Santiago (1990) parle d'une «esthétique de la terreur» au ensuite la facture aux familles.
Salvador « Les escadrons de la mort ne se contentent pas Cette culture de la peur s'est développée dans bien
:

d'assassiner... Ils décapitent leurs victimes et plantent d'autres régimes répressifs, tels que l'ex-URSS, le
leur tête sur des pieux fichés dans le paysage... Non Cambodge, l'Afrique du Sud, Cuba, le Chili ou le Guatemala.
seulement ils tuent des enfants, mais ils les jettent sur les L'une des conséquences traumatisantes (et parfois
barbelés jusqu'à ce que la chair se détache des os et ils calculées) de la violence politique consiste à créer le senti-
Ni patients ni victimes 57

ment du désespoir et de la défiance à travers les pratiquée en Bosnie ou au Salvador et la façon dont
représentations de la souffrance. Ces techniques de la CNN le rapporte. Le capital culturel des victimes d'un
violence sont faites pour décourager les témoignages, trauma — leurs blessures, leurs cicatrices, leur tragédie -
supprimer la critique et prévenir la résistance. Elles brisent fait l'objet d'une appropriation par autrui, selon les
les corps longtemps après que la situation politique qui codes vulgarisés qui permettent de vendre la violence
les a engendrées a changé. C'est le cas de ces physique et sexuelle au cinéma, d'en faire la promotion
amputations provoquées par les millions de mines que les en tant que pornographie ou de racoler des lecteurs
combattants ont déposées pendant la phase aiguë du conflit pour les périodiques de petit format et la littérature de
cambodgien. Elles visent l'intimidation et la liquidation gare. Cette production culturelle de la violence focalise
des personnes, en développant des formes culturelles de notre intérêt sur les formes les plus spectaculaires d'une
sensibilité et des modes d'interaction sociale qui taisent douleur exotique et nous détourne de la misère banale
les protestations secrètes et cachent les traces de qui est à nos portes. Ça va même plus loin, dans la
résistance clandestine (Scott, 1990). Le trauma est donc mesure où ce spectacle nous conforte dans
utilisé pour réduire les gens au silence par le moyen de la l'autosatisfaction ; le message qu'il véhicule, c'est qu'en dépit de
souffrance. tous nos problèmes nous sommes « au-dessus » des abus
Ceux qui ont fait l'expérience de la violence de cette sorte, que nous associons volontiers aux travers
connaissent une nouvelle forme de contrainte lorsqu'ils incorrigibles du « vieux monde » et, dans une vision à la
parviennent à se réfugier en lieu sûr. Le rappel des exactions Conrad, à la part de ténèbres que portent en elles les
qu'ils ont subies, le récit de leur trauma devient la anciennes colonies. Ce mythe rassurant laisse dans
monnaie d'échange par laquelle ils obtiennent des secours l'ombre aussi bien la violence de nos propres contrées
et un statut de réfugié politique. Progressivement, ces que le rôle qu'a joué notre pays dans les principales
histoires compliquées, fondées sur des événements réels, évolutions économiques et politiques qui ont intensifié la
se réduisent à l'image culturellement construite de la violence dans l'hémisphère Sud. La violence sauvage du
«victime». Puis les professionnels de la santé utilisent « tiers monde » sert à domestiquer nos propres formes
ces récits pour récrire l'histoire sociale en termes d'oppression. On montre la violence de certains
médicaux. Celui qui a subi la torture devient d'abord une événements politiques comme autant de crises qui masquent
victime - cette quintessence de l'innocence et de la les formes banalisées de la violence quotidienne.
passivité qui ne peut rien pour soi -, puis un patient atteint
d'un syndrome d'angoisse post-traumatique. Après avoir
vécu la terreur politique, quelqu'un peut être amené à La médicalisation de la souffrance
se transformer en victime affectée d'une maladie, ne
serait-ce que pour recevoir une aide publique modeste. Dans les institutions médicales, le personnel a une
Il peut même vouloir, et parfois rechercher, les retombées manière de penser et d'énoncer le trauma qui en fait un
morales et économiques attachées au fait d'être malade. attribut fondamental de la nature humaine, enraciné dans
Nous devons nous interroger sur ce qu'implique une la personne plutôt que dans le social et relevant
telle évolution. Quel sens cela a-t-il de conférer un statut davantage de la médecine que de la morale ou de la religion.
de victime ou de malade à ceux qui ont subi la violence Les psychologues et les psychiatres construisent la notion
politique ? de violence comme un événement qu'on peut étudier
Là, nous sommes en situation inconfortable. Les pays indépendamment du contexte où elle survient, sous
du Nord, dans leur effort louable pour défendre les prétexte que ses effets sur les personnes sont réputés
droits de l'homme et offrir protection aux opprimés, universels. Pour eux, c'est la détresse qui apparaît chez une
s'emparent des histoires de trauma et des images personne qui a subi un épisode traumatisant. La
d'exactions survenues en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient, dimension collective de ce traumatisme n'apparaît pas. Le
en Amérique latine et aux Caraïbes. Seulement, ces lieux traumatisme qui affecte tout un groupe est représenté à
de refuge que sont l'Amérique du Nord et l'Europe travers les mots ou les corps de ceux qui le composent. Mais
occidentale abritent aussi des sociétés qui font commerce de ce que la voix ou le visage de la victime ou du patient ne
la violence, dans leur culture. Le danger, c'est que les saurait exprimer, c'est la dimension publique,
récits des malheurs venus d'ailleurs s'intègrent à cette intersubjective de la violence.
culture commerciale, qu'ils deviennent l'info-spectacle - L'Association américaine de psychiatrie, dans sa grille
« info-tainment » - des journaux du soir. Sans nécessité, de diagnostic, le DSM-IIIR, appréhende la violence
s'établit un lien étrange entre l'esthétique du meurtre politique faite aux personnes à travers la catégorie du syn-
58 Arthur Kleinman

drome post-traumatique (PTSD). C'est un bel exemple de loureux», qui est «communément ressenti avec une
la façon dont les traumatismes sociaux sont reconfigurés frayeur intense, de la terreur, du désarroi». Une fois
en pathologies relevant de la médecine et de la encore, on suppose que cette expérience a pour foyer
psychologie dans les programmes d'assistance publique. Parmi l'esprit de la personne. En faisant cela, on dresse une
les centaines d'études qui ont appliqué les critères du sorte de cartographie qui oblitère le fait que les causes, le
PTSD à une population donnée, on constate un taux de foyer et les conséquences de la violence collective sont
PTSD élevé parmi les réfugiés politiques, les victimes de d'abord d'ordre social. La violence politique dévaste des
conflits ethniques, les survivants des catastrophes familles, des régions; elle détruit les cadres de la vie
naturelles ou industrielles et les victimes de violence quotidienne. La physiologie du trauma est le résultat
domestique grave. d'un traumatisme social et non pas une entité séparée.
Que révèle la lecture du texte officiel du DSM-IIIR? L'expérience de la souffrance est intersubjective, elle
Tout d'abord, le diagnostic différentiel ne prévoit pas la comprend la perte des relations, la rupture brutale des
possibilité d'écarter des réponses au trauma qu'on liens intimes et la frayeur collective ; elle met en danger
jugerait normales. Tout se passe comme si on considérait la loyauté et le respect dans le cercle de la famille et des
que la réponse au trauma, si grave soit-il, ne devrait pas amis.
être de le vivre à nouveau ou d'adopter des conduites Enfin, les critères de diagnostic du DSM-IIIR insistent
d'évitement. Certes, la prose médicale souligne que à plusieurs reprises sur la persistance des symptômes.
l'événement traumatisant se situe en dehors des « Comme si le caractère pathologique tenait à cette
expériences humaines normales » que sont la perte d'un persistance et que la réponse normale consistait à ne plus
proche, la maladie, la perte de son emploi ou les conflits souffrir. Les auteurs du DSM nous expliquent qu'un deuil
conjugaux. Cette définition de ce qui est « normal » sans complication s'achève normalement entre six mois
paraît d'ailleurs un peu ethnocentrique - pour ne pas et un an. Un deuil de plus de 13 mois est un deuil
dire carrément provinciale et petite-bourgeoise - quand prolongé, voire pathologique. La personne qui en est
on sait combien la violence politique est commune, affectée aurait dû en être sortie, avoir repris son travail, noué
banale un peu partout dans le monde. Quoi qu'il en de nouvelles relations. Pourtant, dans bien d'autres
soit, le texte du DSM-IIIR note que « pratiquement tout contrées1, et aussi pour de nombreux Américains, la
le monde serait profondément ébranlé par cette fidélité aux morts s'étend au-delà de 13 mois et peut
tension » Nous ne nions pas que la violence politique a des durer toute la vie. Dans le DSM, on trouve l'idée selon
.

effets physiologiques, psychologiques et sociaux qui laquelle on ne peut pas et on ne doit pas souffrir. La
peuvent être ravageurs. Mais pourquoi devrait-on dire souffrance doit nécessairement prendre fin. On doit
que ces effets, même les plus marqués, même ceux venir à bout de tout, même de la mémoire. C'est un
qui n'affectent qu'une minorité de victimes, sont une thème central de l'idéologie américaine rien ne doit être
:

maladie ? insupportable2. Pourtant, la plupart des gens pauvres,


On a souvent repéré chez les anciens du Viêt Nam les en Amérique et ailleurs, sont obligés d'endurer des
effets du PTSD. Ce diagnostic couvre les effets de ce que, conditions de vie souvent insupportables. Les classes
naguère, on aurait appelé « le choc des obus » ou « moyennes elles-mêmes n'ont pas toujours la possibilité
l'épuisement qui suit la bataille », ou n'importe quoi d'autre. Les d'échapper à la souffrance. Peut-être devrait-on
études de Stouffer et son équipe (1949) sur les soldats reconnaître qu'il vaudrait mieux célébrer la mémoire des
américains engagés dans la Seconde Guerre mondiale ont traumas plutôt que de l'escamoter. La commémoration des
montré que les conséquences traumatisantes augmentent traumas collectifs est d'ailleurs l'un des moyens par
avec la durée de présence au front, pour tout soldat. Au- lesquels les pays cultivent le souvenir (Connerton, 1989).
delà de six mois de combat sans relève, la plupart des
soldats d'une unité en étaient frappés, au point de devenir
inaptes au combat. On peut considérer cela comme une
maladie, mais on doit reconnaître qu'elle a un effet 1. Voir la description que Nadia Seremetakis (199D propose du deuil
bénéfique pour la personne - on la retire du front meurtrier - en Grèce. Comme dans beaucoup de pays, il s'agit d'un deuil de longue
durée.
et qu'elle tire son origine de l'horreur «normale» du 2. John Bowker (1970) s'intéresse à la façon dont les grandes religions
champ de bataille. affrontent le problème de la souffrance. Il montre comment l'expérience
On notera ensuite que le DSM-IIIR souligne de la misère humaine sous toutes ses formes - maladie, catastrophe
naturelle, accident, mort violente ou atrocité — est perçue par le
lourdement la dimension psychologique des conséquences du christianisme, le judaïsme, l'islam, l'hindouisme et le bouddhisme, où elle
traumatisme « un événement psychologiquement entre dans la définition même de la condition humaine.
:
Ni patients ni victimes 59

Les catégories de la pensée médicale

psychiatrie
Selonsortla dudernière
l'apparition
qui cadre
(DSM),
des symptômes
deversion
«l'expérience
le symptôme
officielle
caractéristiques
humaine
depost-traumatique
la grille
ordinaire
quide suivent
diagnostic
(comme,
(PTSD)
un par
diffusée
événement
a pour
exemple,
par
caractéristique
psychologiquement
l'Association
un deuil, uneessentielle
américaine
maladie
stressant
[. .de.]

chronique, des problèmes professionnels ou conjugaux). L'agent qui déclenche ce syndrome serait
notoirement stressant pour à peu près n'importe qui; il est généralement vécu avec un sentiment de peur
intense, d'effroi et de désarroi. Parmi les symptômes caractéristiques, on retiendra le fait de revivre
l'événement traumatisant et d'éviter les stimuli qui lui sont associés, un engourdissement de la faculté
de réagir et une excitation intense » (DSM-IIIR).
La description du DSM se poursuit en énumérant les différentes sortes d'agents susceptibles de
provoquer un trauma et les diverses formes d'expériences traumatisantes :
« En règle générale, la personne a des souvenirs récursifs et intrusifs de cet événement, ou bien elle
le revit au cours de rêves d'angoisse répétés. Plus rarement, on observe des états dissociés [...], au
cours desquels les composants de l'événement traumatique sont vécus à nouveau et la personne se
conduit comme elle l'aurait fait si elle s'y était trouvée confrontée à ce moment précis. On constate
souvent une détresse psychologique intense lorsque la personne est confrontée à des événements qui, par
certains aspects, rappellent l'événement traumatisant ou le symbolisent, comme, par exemple, sa date
anniversaire. »
Puis la description du DSM complète la liste des caractéristiques de l'expérience traumatique : la
persistance d'une conduite d'évitement à ¡'encontre des stimuli associés au trauma; une réactivité au
monde extérieur affaiblie ou engourdie; des symptômes persistants d'excitation; des symptômes de
dépression, d'anxiété, des difficultés pour se concentrer, une labilité des émotions, des céphalées, le
vertige ; chez les enfants, le mutisme et les cauchemars. Il est intéressant de noter ce que les textes
officiels soulignent : « Des études montrent que certaines conditions psychopathologiques préexistent et
prédisposent au développement de ces troubles. » Le diagnostic différentiel inclut les troubles mentaux
et organiques qui touchent à l'angoisse et à la dépression. Cette présentation du DSM s'achève de façon
classique, en traitant les critères de diagnostic comme un choix fermé parmi une liste de symptômes.
Le critère minimal comporte une forme parmi quatre de ré-expérience persistante du trauma,
trois conduites d'évitement persistantes parmi sept et trois symptômes persistants sur six de grande
excitation.
La prochaine édition du DSM, le DSM-IV, verra le jour en 1 995, et des versions de travail qui
proposent des amendements des critères de diagnostic circulent actuellement

La MALADIE ET LES SOINS de ce que Max Weber (Wrong, 1976) avait à l'esprit
quand il observait le développement de la rationalité
Des problèmes qui, partout ailleurs qu'en Occident, bureaucratique et son intrusion dans des sphères qui,
et en Occident même jusqu'à une période récente, relè- auparavant, étaient normées par le discours religieux et
veraient du social ou du religieux se trouvent ainsi médi- moral de l'expérience quotidienne. La vie se trouve ainsi
causés. Les représentations sous-jacentes au PTSD colonisée par le discours professionnel. Il se peut que
appartiennent à une ontologie du sujet propre à une les spécialistes n'aient pas pour objectif explicite
classe sociale d'un pays, la bonne bourgeoisie des États-
Unis3. L'idée commune d'une subjectivité des profon-
deurs sert de renfort au discours articulé autour du 3. Charles Taylor, philosophe moral et politique, remarquait (1989) que
PTSD 'a représentation du sujet comme radicalement détaché de son envi-
,
La representation socialement .11
construite 1
de la condi- ronnement social, défini par la profondeur et la richesse de ses émo-
tions et mû par rardeur au changement est une représentation récente
.

tion humaine que véhicule le PTSD est un avatar tardif en Occident.


60 Arthur Klein man

d'accroître le pouvoir des spécialistes et la division du «Un enfant par famille»


travail caractéristiques d'une société bureaucratique. Ils
se pensent souvent comme des résistants à la pression Au moment de l'entretien4, Mme Fang, une femme
qu'exerce le contrôle social. Néanmoins, avec plusieurs d'une petite ville d'une province de l'intérieur en Chine
centaines de travailleurs sociaux, de psychologues, de Populaire, a parcouru des centaines de kilomètres pour
psychiatres qui sont en concurrence pour un nombre subir une série d'examens médicaux dans le centre
limité de patients, le PTSD apparaît comme un mode de médical d'une grande ville. Elle se plaint de maux de tête, de
médicalisation qui est influencé, pour une part du vertiges, de troubles visuels, de torpeur et de douleurs
moins, par les intérêts de professions soumises à forte diffuses qui l'ont mise dans l'incapacité de travailler depuis
pression économique pour augmenter les emplois et les deux ans. Mme Fang raconte une histoire qui la préoccupe
revenus, dans une conjoncture marquée par la depuis des mois et dont on pourrait dire qu'elle l'obsède.
restriction des dépenses de santé. On n'obtiendrait pas le tiers Cette histoire est le récit familier de l'oppression en Chine.
payant pour venir en aide à des gens qui ont subi un En 1989, enceinte d'un deuxième enfant, elle est obligée
trauma politique. En revanche, ils peuvent en bénéficier d'avorter au troisième trimestre de sa grossesse. C'est la
au titre d'un épisode dépressif majeur, de troubles troisième fois qu'elle avorte depuis 1986. À chaque fois,
anxieux de toutes sortes ou du PTSD. Tout problème dit-elle, elle a agi sous la contrainte de son chef d'unité.
psychologique se trouve ainsi répertorié comme une Depuis 1989, elle souffre et connaît un état d'angoisse
maladie par le DSM, précisément parce que le traitement permanente. Elle critique ouvertement les avortements forcés
des maladies est rémunéré, pas la réponse à la détresse. et l'appui que les bureaucrates locaux fournissent à une
Il y a donc un enjeu d'économie politique attaché au politique de répression. Les médecins du centre médical
concept de maladie. l'ont écoutée, mais ils ont conclu par un diagnostic de
Nous cherchons à montrer que la médicalisation du problème de personnalité à long terme et, pour le court terme,
trauma politique viole l'expérience du trauma tel qu'il a de syndrome psychosomatique lié à l'angoisse. Ils ont
été vécu. S'exprimer en termes purement médicaux a prescrit un certain nombre de médicaments.
pour conséquence de mettre à l'écart les expériences Racontée de la sorte, cette histoire pourrait aussi bien
sociales à travers lesquelles les victimes ont subi ces figurer dans un hebdomadaire américain, pour illustrer
processus moraux, religieux et sociaux qui sont les pires les traumas qu'occasionne l'oppression politique
aspects de la violence humaine. Certes, en appeler à quotidienne sous un régime communiste autoritaire, dont la
« l'expérience » est une autre forme de discours, mais qui politique de restriction des naissances est la cible des
se préoccupe davantage, et avec plus de réflexivité, des défenseurs des droits de l'homme ; les journaux ont
particularités singulières qui déterminent les différentes récemment parlé de la politique de l'enfant unique parce
formes de souffrance. La médicalisation de la violence que c'est l'argument qu'ont donné des Chinois entrés
gomme le contexte humain du trauma comme moyen clandestinement sur le territoire américain pour
essentiel de comprendre la violence. On traite la demander l'asile politique. C'est donc de cette façon que des
personne en patient qui abrite une maladie universelle, en histoires comme celle de Mme Fang font le plus souvent
victime d'une pathologie interne. Bien des gens qui l'objet d'une appropriation. L'élément d'angoisse est tenu
subissent une violence politique sont les victimes d'un pour une conséquence traumatique d'une forme de
préjudice intentionnel et systématique motivé par violence politique l'inscription dans le corps des femmes
;

l'ambition du pouvoir et non par la pathologie. Il se peut qu'ils de la mémoire sociale du contrôle qu'exerce l'État.
développent un syndrome post-traumatique. Sont-ils Mais il y a bien plus dans le récit de Mme Fang tel
malades? Est-ce qu'ils ne sont pas plutôt en train de qu'elle le raconte avec le cadre qui l'a accompagnée
vivre une réaction psychobiologique, douloureuse durant son long périple vers une assistance médicale.
certes, mais normale? Le modèle de la maladie tend à Pour le comprendre, nous devons nous resituer dans son
gommer l'agent. Pourtant, le facteur humain reste environnement une usine dans une ville de petite taille,
:

opérant même quand on est confronté à l'énorme appareil dans une région pauvre et éloignée. L'autorité locale
du pouvoir d'État (Lévi, 1988). Parfois, certains chargée du contrôle de la population a adressé des
contribuent à leurs propres maux, à cause de la dynamique de réprimandes à cette usine à plusieurs reprises parce qu'elle ne
leur environnement. Il est important de comprendre fait pas respecter la politique de l'enfant unique.
comment cet environnement local est le médiateur entre
des forces politiques plus larges et des réponses
individuelles. 4. Entretien accordé à l'auteur de l'article, le 4 juillet 1991.
Ni patients ni victimes 61

Mme Fang en est venue à penser que, à cause de cette que ses collègues ont tenue pour de la simulation
campagne locale de critique, les dirigeants de son unité manipulatrice, Pavortement forcé, le deuil, puis un revirement
se montreraient réticents envers sa grossesse (il est vrai d'opinion et la mise en accusation des accusateurs, des
qu'on lui a demandé d'avorter lors de ses deux demandes de compensation financière, des tentatives de
précédentes grossesses). Par ailleurs, elle les aime bien et les compromis inabouties, puis le congé de maladie de
trouve raisonnablement tolérants et compréhensifs. C'est Mme Fang, accepté d'abord à contrecœur, et, après deux
précisément parce que Mme Fang et son mari ont de ans au bout desquels la demande d'assistance médicale
bonnes relations avec leur encadrement qu'ils ont cru aura mis la caisse de solidarité de l'unité à sec, provoquant
que, une fois que le bébé serait là, les cadres n'auraient une recrudescence d'accusation, de colère et de conflit.
plus de recours et s'inclineraient devant la présence d'un Mme Fang n'a cessé de vivre à nouveau ce trauma
second enfant à leur foyer. Elle a donc fait ainsi, bien que dans les douleurs invalidantes qui, pour elle, y sont liées.
ses amies et collègues, qui auraient aussi voulu avoir Elle n'est pas la victime passive d'une angoisse trauma-
d'autres enfants, se soient mises d'accord pour éviter de tique. Ses symptômes persistants sont pour une part le
tomber enceintes pour un moment, le temps que l'unité résultat de sa persévérance. C'est le traumatisme lui-
de travail ne soit plus sous les phares de la critique même qui est social, et elle y contribue. Peut-on dire
politique. Les ouvriers et leur encadrement étaient d'accord qu'elle est pathologique ? Si tel est le cas, sa pathologie
pour penser que l'intensité de la campagne politique est-elle une cause ou un effet du trauma? Et de quelle
faiblirait, comme ça avait souvent été le cas auparavant ; il sorte de pathologie s'agit-il?
redeviendrait alors possible de négocier en secret des On voit bien que pour comprendre la souffrance de
naissances supplémentaires dans l'unité de travail. Mme Fang, il faut pénétrer dans son environnement et
Lorsque Mme Fang dont la grossesse est devenue si prendre en compte le réseau complexe des discours, des
évidente qu'elle ne peut plus la dissimuler, révèle son sensibilités et des exigences contradictoires qui le
état, toute l'unité de travail - ouvriers et encadrement - se traversent. Cet environnement proche médiatise les effets de
met en colère. Ils l'accusent d'être égoïste et l'oppression politique sur les individus. Dans les
irresponsable. On lui reproche aussi de briser leur accord et, par interactions entre ces gens socialement situés qui donnent à
là, de mettre en danger toute la collectivité, y compris les l'environnement sa physionomie, les relations entre
femmes qui n'ont pas encore mis au monde leur premier victimes et oppresseurs se nouent autour de ce qui est
enfant. Elle déclenche un véritable chahut quand, toute localement en jeu. Il y a intrication du social et de l'individuel.
honte bue, elle répond que ces accusations sont Les détails de la biographie de Mme Fang et la description
malheureusement justes mais à côté de la plaque, puisqu'elle est ethnographique du contexte nous aident à comprendre
sur le point d'accoucher. Les cadres et les ouvriers le trauma politique dont souffre Mme Fang, ce que ne
déclarent son attitude inacceptable. Pourquoi lui accorder des permet pas le diagnostic de trouble d'anxiété
égards particuliers, alors qu'elle a trahi leur stratégie psychosomatique. De plus, ce diagnostic deviendra un élément
collective, qui visait à aider toutes les femmes de l'unité, et déterminant du processus social de production de la
qu'en plus elle leur a menti à tous? Le sentiment général souffrance. Il crée une expérience intersubjective dont
lui était donc très hostile. La réponse de Mme Fang n'a Mme Fang est un élément central mais pas unique 5.
fait que jeter de l'huile sur le feu. Elle dit oui à tout mais, La souffrance est un processus intersubjectif. Le
tout en «souriant à ses camarades», selon ses propres trauma politique ne se réduit pas à une maladie, même
mots, elle leur dit qu'ils n'ont plus qu'à accepter, que ça s'il a des répercussions physiologiques, et la dimension
leur plaise ou non, puisqu'ils sont devant le fait accompli. politique est aussi essentielle pour s'approprier les images
Le cadre qui l'accompagne hoche la tête de stupéfaction de la souffrance qu'elle l'est dans l'expérience de la
au récit d'un acte aussi irresponsable. souffrance.
Les membres de l'unité de travail se sont sentis Nous pensons que les statistiques épidémiologiques,
attaqués. Mais quand les cadres locaux chargés du contrôle la psychométrie comparative et le débat sur la question
de la population ont découvert cette grossesse, les de savoir si la violence politique relève de la santé
dirigeants de l'unité ont dû affronter une crise qui les publique ou de l'approche clinique ne sont pas une
dépassait. Sans entrer dans le détail, entre autres conséquences
dramatiques, il y a eu une demande collective d'avorté -
ment, une tentative de suicide de la part de M. Fang, à qui 5. Le diagnostic fréquemment appliqué aux cas semblables à celui de
Mme Fang - la neurasthénie - donne forme à l'expérience du désarroi et
sa femme reprochait d'être trop faible pour les protéger, devient partie intégrante de l'expérience sociale des symptômes induits
son fœtus et elle, une tentative de suicide de Mme Fang par l'oppression politique. Sur ce point, voir Kleinman (1986).
62 Arthur Kleinman

bonne base pour en appréhender les origines, les formes aussi que ceux qui souffrent d'un trauma social peuvent
et les conséquences. D'un point de vue ethnographique, parfois prendre une part active à la «victimisation», la
la violence politique est située dans un contexte précis. leur ou celle des autres. Être une victime, en effet, c'est se
Ainsi, au Sri Lanka et en Inde, c'est le contexte des voir reconnaître le droit à des réparations. Nous
conflits ethniques et des émeutes religieuses. Là, comme percevons la voix des victimes aussi en fonction de l'usage que
l'a remarqué Stanley Tambiah (1993), la police est en nous pouvons en faire dans le commerce de la culture.
mesure de décider, tantôt de refouler une communauté Certes, nous devons nous sentir moralement interpellés,
et de renoncer à sa mission de protection publique, tantôt voire bouleversés, en entendant leurs cris, en voyant leur
de tenir bon contre les agresseurs. Dans ces conditions, angoisse mais, en retour, le moment venu, nous nous

;
comme Veena Das (1994) l'a montré pour l'Inde, la foule emparons de leur malheur pour légitimer nos propres
ne perd pas contrôle spontanément, il est plus juste de revendications ou nos critiques. Depuis que le
dire qu'elle est mobilisée, armée et poussée à la violence témoignage fait vendre des programmes de télévision, la
par des activistes politiques et des hommes de main qui dynamique culturelle du témoignage est devenue moralement
estiment que certaines personnes doivent « recevoir une douteuse.
leçon » L'ethnographie de la violence politique est, en raison
.

La description des courants de violence politique dans de ces paradoxes de l'éthique, la démarche capable de
des environnements particuliers permet de tirer au clair la rendre compte de l'environnement au sein duquel la
manière dont les forces de grande échelle altèrent les violence apparaît comme spécifiquement humaine. Elle est
relations entre les personnes. Certaines catégories et intriquée avec les processus éthico-somatiques qui
certaines personnes sont en position de risque majeur, tandis inscrivent la mémoire sociale dans les corps et projettent
que l'environnement protège ou renforce la position des l'individualité des personnes dans l'espace social.
autres. L'environnement est le dispositif par lequel la Le regard ethnographique doit aussi s'attacher aux
violence est prise dans les réseaux qui vont en intensifier ou formes d'appropriation des images de la violence. Dans
en atténuer les effets. La violence en tant que telle est une l'engrenage des affrontements, elles sont en effet un
notion difficile à comprendre, alors qu'on peut étudier et puissant moteur de représailles, de vengeance. Elles
comparer des contextes singuliers et des histoires de renferment aussi des moyens de se protéger localement. Elles
violence. En mettant l'accent sur l'environnement, nous donnent ainsi à voir la dynamique des processus micro-
pouvons étudier le processus social qui assigne leurs cibles et macro-politiques. Ceux qui, au niveau national ou
aux actions violentes, sous-tend leur mise en œuvre et les international, sont parties prenantes de la violence
réactions qu'elles déclenchent. Les actions violentes, au collective et en usent comme d'un capital politique
niveau local, et les discours qu'elles provoquent à un s'emparent des récits et des images de la violence. Là, les termes
niveau national et international se répercutent les uns sur employés pour désigner le processus, ses protagonistes
les autres. La perspective ethnographique considère ceux aussi bien que ses effets, véhiculent des technologies et
qui souffrent des conséquences traumatisantes de la des domaines de rationalité dont la médicalisation n'est
violence politique comme une catégorie de « social qu'un exemple. Cette façon qu'ont des professionnels de
sufferers» et non pas comme des patients ou des victimes. s'emparer de la violence à travers les récits et les images
Ceux qu'on a violés n'ont besoin ni d'un cynisme vaut aussi pour les constructions savantes. À ce titre,
déconstructeur ni d'un traitement romantique. Il ne devrait pas y aucune n'est en droit de se poser comme « objective » et
avoir de problème à reconnaître que les gens qui ont désintéressée.
connu la violence y réagissent aux niveaux physiologique Il ne s'agit pas de dire que la formulation du trauma
et psychologique et que ces réactions devraient être en termes cliniques de santé publique est sans utilité
étudiées sur les plans individuel et collectif. Le trauma fait le aucune. Elle est utile. Nous ne pensons pas non plus que
lien entre le social et le psycho-biologique, qui sont au se porter témoin de la misère ou offrir de l'aide à ceux
fondement de l'expérience humaine. qui souffrent relève toujours de la mauvaise foi. Nous
Certes, on peut comprendre que les institutions nous efforçons de replacer les schemes de l'approche
médicales, dans la mesure où elles doivent apporter un clinique, de la santé publique, de la politique sociale dans
traitement rapide et efficace, considèrent ceux qui souffrent une conception plus large de la violence comme
d'abord comme des patients. Mais le problème, c'est problème culturel auquel participent aussi ceux qui
quand la médicalisation de la détresse franchit l'enceinte l'analysent, les experts et les observateurs. Tous, nous devrions
hospitalière et devient partie intégrante du discours réagir au trauma, en le traitant comme une forme de
ordinaire sur la violence et ses conséquences. Il est certain souffrance sociale. Mais il nous faut aussi être en alerte à
Ni patients ni victimes 63

l'encontre des mots que nous employons, de nos actes,


de nos compétences professionnelles. En effet, ils sont
pris dans un rapport de forces culturelles et politiques qui
entre en jeu dans le problème que nous essayons de
résoudre. Nos technologies de diagnostic, de traitement
et d'évaluation des questions de santé publique ainsi que
la rationalisation technique dont nous les accompagnons
sont si puissants que nous devons être extrêmement
prudents et toujours vérifier que ceux qui ont souffert de la
violence ne soient pas exposés à des interventions qui les
perturberaient sans nécessité. À ce titre, le premier
objectif d'une analyse culturelle devrait être de montrer
comment les schémas dominants de nos politiques
d'intervention viennent obscurcir les perspectives de réparation.
Traduction de Marie Ymonet

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