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Insertion des lignes aériennes

dans l’environnement

par Guy LAURENT


et Denis GHIAZZA
Électricité de France
Direction des études et recherches

1. Procédure préalable à la construction d’une ligne aérienne ....... D 4 445 - 2


1.1 L’étude d’impact........................................................................................... — 2
1.2 La Déclaration d’utilité publique ................................................................ — 2
1.3 Mise au point du tracé de détail et conventions de passage................... — 2
2. Prise en compte du paysage dans les études de tracé ................. — 3
2.1 Les principes d’intégration ......................................................................... — 3
2.2 La mise en pratique ..................................................................................... — 3
3. Photomontage et incrustation vidéo ................................................. — 3
3.1 Principe......................................................................................................... — 3
3.2 Réalisation.................................................................................................... — 3
4. Simulation numérique en trois dimensions ..................................... — 4
4.1 But................................................................................................................. — 4
4.2 Le principe.................................................................................................... — 4
4.3 Difficultés de la méthode ............................................................................ — 5
5. Présentation du logiciel EVELINE ....................................................... — 5
5.1 Fonctions ...................................................................................................... — 5
5.2 Son utilisation .............................................................................................. — 6
6. Visibilité et soumission à la vue .......................................................... — 6
6.1 Approche globale du paysage.................................................................... — 6
6.2 Soumission à la vue spécifique.................................................................. — 7
7. Conclusions ............................................................................................... — 7
Références bibliographiques ......................................................................... — 8

a construction des ouvrages aériens de transport d’énergie électrique


L connaît, depuis la fin des années 80, des difficultés croissantes. Parmi les
arguments invoqués par les opposants aux lignes, la difficile intégration de ces
dernières dans les paysages et la perte d’agrément ou de valeur foncière qui
5 - 1997

en résulte figurent en bonne place.


Malgré les progrès effectués au fil des années en matière de prise en compte
de l’environnement et d’étude d’impact, il a semblé nécessaire d’utiliser des outils
de plus en plus performants. Il s’agit de simuler l’impact des ouvrages dans leur
environnement, puis de tester plusieurs variantes afin d’aider au choix définitif
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du tracé, en concertation avec les partenaires extérieurs à EDF.


Ces outils permettront, au fur et à mesure de leur mise en œuvre, un meilleur
dialogue avec les élus locaux et les administrations, à tous les stades de la pro-
cédure de construction.

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1. Procédure préalable Le tracé soumis à la demande de DUP est une bande d’une cen-
taine de mètres de large.
à la construction
d’une ligne aérienne 1.2 La Déclaration d’utilité publique

1.1 L’étude d’impact La procédure de Déclaration d’utilité publique comprend une ins-
truction administrative, adressée au Ministère de l’industrie pour les
La procédure préalable à la construction d’une ligne aérienne lignes THT et aux préfets pour les lignes HT.
consiste à étudier, sous le contrôle des autorités administratives, L’organisation de la procédure est confiée à la DRIRE qui consulte
les paramètres environnementaux susceptibles d’être affectés par les services administratifs et les maires concernés par le projet.
la construction d’une ligne.
Un arrêté préfectoral autorise la mise à l’enquête publique. Cet
L’étude d’impact débute par l’envoi, par EDF, d’un dossier de jus- arrêté fixe la date d’ouverture, la durée de l’enquête (en principe un
tification économique de la ligne en projet accompagné d’une pro- mois) et indique les lieux, jours et heures où le public peut consulter
position d’aire d’étude, à la DIGEC (Direction du gaz, de l’électricité le dossier, formuler ses observations et rencontrer le commissaire
et du charbon du Ministère de l’industrie) pour les lignes à très haute enquêteur désigné par le tribunal administratif.
tension (THT) et à la DRIRE (Direction régionale de l’industrie, de
la recherche et de l’environnement) pour les lignes haute tension. À l’issue de l’enquête, le commissaire enquêteur rédige, séparé-
ment, un rapport et ses conclusions. Le rapport relate le déroulement
Si le projet est accepté, une première concertation est lancée sous de l’enquête et analyse les observations et les contre-propositions
l’égide du préfet, en présence des élus, des administrations, des res- du public. Les conclusions contiennent sa prise de position person-
ponsables départementaux et régionaux, dans le but de s’assurer nelle avec un avis favorable, favorable avec réserves ou non favo-
que l’aire d’étude proposée est suffisamment large pour qu’aucun rable au projet.
des tracés raisonnablement envisageables ne puisse être exclu par
un choix trop restreint. Elle aboutit à une aire d’étude définitive. Le dossier complet de l’enquête est adressé au préfet, puis à EDF
qui répond aux observations.
Puis, EDF réalise une étude de l’état initial de l’environnement
sur l’aire déterminée lors de la concertation. Cette étude a pour Le préfet effectue une synthèse entre les résultats de l’enquête
objet l’analyse de tous les thèmes susceptibles d’être affectés par administrative et de l’enquête publique. Il est compétent pour pro-
la ligne, c’est-à-dire principalement l’agriculture, les milieux natu- noncer la DUP pour une ligne HT ; il transmet au Ministère de l’indus-
rels, le paysage, l’habitat, l’urbanisme, les infrastructures, le patri- trie avec son avis pour les lignes THT.
moine historique, le tourisme, etc.
Cette analyse est complétée systématiquement par une étude
sur le terrain auprès des représentants locaux et des services admi- 1.3 Mise au point du tracé de détail
nistratifs pour collecter les informations manquantes, en particulier
le recensement des projets programmés.
et conventions de passage
Une carte de synthèse est élaborée pour permettre à EDF de
dégager un certain nombre de cheminements possibles qui seront Le tracé résultant de la DUP est le tracé de principe qui laisse à
proposés, à ce stade, sous forme de fuseaux. EDF la possibilité de prendre en compte des contraintes localisées
Sur cette base, les préfets de départements réalisent une large (limites de parcelles, chemins, proximités d’habitations, etc.). Ce
concertation auprès des administrations et des élus locaux, dont tracé doit donc être affiné afin de prendre en compte tous les détails
l’objet est d’affiner le recensement des contraintes, d’évaluer techniques de l’ouvrage. Les études sur le terrain et les informations
l’impact sur l’environnement et la faisabilité de chacun des chemi- recueillies auprès des administrations, maires et habitants, abou-
nements proposés, d’éliminer les cheminements dont l’impact sur tissent au projet détaillé de construction.
l’environnement est jugé le plus important et d’examiner les mesures Sous l’égide du préfet, un double contrôle sur la réalisation de
de réduction et de compensation pour les cheminements qui sub- l’ouvrage s’exerce :
sistent. — la DRIRE procède à l’instruction du projet d’exécution afin
Un compromis sur un unique fuseau de passage (la bande de d’assurer le respect des réglementations techniques auxquelles
moindre impact), est recherché. Après décision du préfet, le choix l’ouvrage est assujetti ; ce contrôle aboutit à l’autorisation d’exécu-
du tracé dans ce fuseau sera soumis à l’administration pour la tion ;
Déclaration d’utilité publique (DUP) de la ligne. En cas de désaccord — la DDE (Direction départementale de l’équipement) procède à
entre les parties, le préfet peut demander une contre-expertise à un l’instruction de la demande de permis de construire ; ce contrôle
autre cabinet d’étude d’impact, aux frais d’EDF, ou un arbitrage de aboutit au permis de construire.
la DIGEC. (0) Au cours de ces deux procédures, les services administratifs et
les maires sont à nouveau consultés sur le dossier comportant la
localisation précise de la ligne électrique et ses caractéristiques tech-
Sigles utilisés niques.
Dès que la répartition des pylônes de la ligne est exactement
Sigle Définition
connue, il est proposé aux propriétaires de signer avec EDF une
DDE Direction départementale de l’équipement convention assortie d’une indemnité destinée à réparer le préjudice
DIGEC Direction du gaz, de l’électricité et du charbon résultant des servitudes liées à la présence de l’ouvrage.
du Ministère de l’industrie Lorsqu’EDF possède toutes les autorisations administratives, la
DRIRE Direction régionale de l’industrie, de la recherche construction peut démarrer.
et de l’environnement
DUP Déclaration d’utilité publique
EVELINE Évaluation visuelle et esthétique des lignes
GPS Global Positioning System
MNT Modèle numérique du terrain
THT Très haute tension

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2. Prise en compte du paysage 3. Photomontage


dans les études de tracé et incrustation vidéo
2.1 Les principes d’intégration Pouvoir visualiser ce que l’on prévoit de réaliser ou de construire
a été de tout temps l’une des préoccupations des constructeurs
Les lignes aériennes font partie du paysage quotidien de nom- d’ouvrages. Les méthodes utilisées étaient traditionnellement les
breuses personnes. L’impact visuel d’une ligne à haute ou très haute maquettes ou les photomontages dont les premières utilisations
tension est important, compte tenu de sa linéarité et de la taille des datent des années 70.
pylônes. Une attention toute particulière à sa bonne intégration dans
Grâce à l’arrivée de l’informatique, une nouvelle méthode a été
le paysage doit donc être accordée. Il y a deux modes principaux
mise au point pour l’incrustation d’ouvrages dans des images photo
d’intégration d’une ligne, qui doit être perçue comme un objet tech-
ou vidéo.
nique, contemporain, représentatif de notre civilisation moderne :
— profiter des éléments de relief et de végétation pour diminuer
fortement l’impact visuel de la ligne ; on parle d’absorption, et cette
dernière est recherchée plus particulièrement dans un paysage dont 3.1 Principe
la symbolique s’oppose à celle de la ligne (paysage naturel ou mar-
qué par l’histoire) ; Le principe est d’incruster un objet digitalisé dans une image
— favoriser une approche plus globale prenant en compte les analogique (photo, image vidéo). Cette méthode associe la rigueur
divers facteurs du milieu et des peuplements ; on parle alors d’inser- du calcul de positionnement au rendu naturel de l’image photo ou
tion. de la vidéo : les coordonnées dans le paysage des objets à incruster
Dans les deux cas, la bonne intégration crée un certain nombre sont calculées par triangulation et la taille de l’objet dans l’image
de contraintes sur le tracé et la famille de supports. est déterminée par la courbe de perception visuelle (figure 1).

3.2 Réalisation
2.2 La mise en pratique
■ Phase 1 : les prises de vues
Dans la pratique, la prise en compte du paysage dans un projet Le point de prise de vue est repéré sur une carte topographique
de ligne intervient à quatre niveaux. à l’échelle 1/10 000 sur laquelle figure le tracé de l’ouvrage.
Lors de l’état initial de l’environnement sur une aire d’étude, on Les vues demandées sont réalisées sur le terrain, ainsi que les rele-
classe les différentes zones de l’aire d’étude en fonction de leur capa- vés topographiques de 3 éléments caractéristiques (bâtiments,
cité à accueillir la ligne, c’est-à-dire que l’on détermine leur pylônes existants, sommets de montagne ou repères particuliers)
sensibilité ; on s’attache à mettre en évidence les grandes unités pay- dont on connaît exactement les coordonnées x, y, z, et qui sont rat-
sagères de l’aire d’étude envisagée en s’appuyant notamment sur tachés au point de prise de vue.
le relief, la végétation ; on cherche à déterminer la capacité d’accueil ■ Phase 2 : la saisie du pylône
de chaque zone en recherchant l’ambiance du paysage concerné,
de l’ambiance la plus proche de celle de la ligne, objet industriel EDF dispose d’une base de données tridimensionnelles des
contemporain, à l’ambiance la plus éloignée ; on prend en compte pylônes.
les facteurs d’évolution du paysage. La méthode utilisée est la carto- La position x, y, z de chaque pylône à incruster est localisée par
graphie, associée à la pondération des contraintes pour pouvoir se rapport aux 3 points de référence de la phase 1, à la position exacte
prononcer quant à la sensibilité. du pylône déterminée sur le profil en long de l’étude de détail.
Au niveau de l’examen des différentes bandes de passage pos-
sibles, chaque tracé potentiel traverse une succession de paysages
types auxquels correspondent des contraintes particulières condui-
sant à un traitement spécial. Dans le choix de la bande de moindre
impact, le thème paysage peut ainsi être évalué et comparé aux
autres thèmes. Cela se produit au cours des réunions de concertation
avec les élus locaux et les administrations évoquées (§ 1.1). À ce
stade, un outil interactif performant pourrait permettre de mieux
comparer les paysages traversés dans les divers partis envisagés,
qui seraient alors étudiés à la demande au cours même des réunions.
Une fois le tracé défini, un traitement de détail doit tenir compte
des particularités. Dans les cas sensibles, on a recours à des pho-
tomontages ou à des incrustations, à des fins de communication,
afin de comparer l’impact de deux tracés ou de deux familles de sup-
ports, etc. Dans ce but, la simulation sur support photo-graphique
est actuellement la plus utilisée, car elle permet au public de recon-
naître son paysage.
Lors de la demande de permis de construire, une étude paysagère
doit être jointe à la demande et doit comporter des photomontages
des pylônes dans chaque type de paysage traversé. Figure 1 – Courbe de perception visuelle des pylônes

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Figure 3 – Calage dans le point de vue

En phase finale, on substitue aux pylônes sommaires les pylônes


complets avec leurs ombres propres, leurs mises en lumière et
après quelques retouches à la palette graphique, on obtient le
rendu final.
Le rendu de cette technique est excellent mais chaque photo-
montage nécessite une prise de vue spécifique sur le terrain. Cela
justifie l’intérêt de développer une méthode totalement numérique.

4. Simulation numérique
en trois dimensions
4.1 But
À partir d’une campagne de prises de vues aériennes unique, le
logiciel EVELINE (Évaluation visuelle et esthétique des lignes) per-
met de reconstituer numériquement un paysage, de l’analyser, de
Figure 2 – Implantation de l’ouvrage dans un site simuler l’implantation d’un projet de ligne et de le visualiser sous
n’importe quel angle pour rechercher la meilleure intégration de
l’ouvrage dans le paysage [1] [2].
■ Phase 3 : numérisation de l’image prise sur le terrain
La photographie est numérisée à l’aide d’un scanner afin d’être
ensuite traitée par un logiciel graphique. 4.2 Le principe
■ Phase 4 : implantation de l’ouvrage dans l’image numérisée
Les trois éléments caractéristiques (bâtiments, pylônes, repères La technique photogrammétrique est utilisée pour reconstituer le
particuliers) dont les coordonnées x, y, z, sont connues sont repo- paysage (figure 4). Une campagne de photographies aériennes au
sitionnés dans l’espace en trois dimensions, ce qui permet d’obtenir 1/12 000 est menée sur la zone à modéliser. Le plan de vol est réalisé
un triangle virtuel de référence identique à celui qui apparaît sur la pour que chaque photographie prise ait un recouvrement de 60 %
photo numérisée (figure 2a ). avec la précédente. Un balisage au sol est réalisé préalablement aux
prises de vues aériennes. Les balises sont géographiquement loca-
Dans ce triangle qui constitue un repère local, on positionne lisées (système de coordonnées géographiques LAMBERT par
l’ouvrage préalablement modélisé en trois dimensions (figure 2b ) exemple) grâce au système GPS (Global Positioning System).
■ Phase 5 : calage des points de vue Ensuite, les photos aériennes sont numérisées et corrigées par reca-
lage à l’aide des points de balisage référencés précédemment. Puis,
Les deux triangles, virtuel et réel, sont calés par étapes succes- la succession des vues est traitée par paire pour obtenir le modèle
sives, afin qu’ils se superposent parfaitement (figure 3). Lorsque ces numérique du terrain (MNT), c’est-à-dire l’altitude de chaque point
deux triangles se confondent, les points de prise des vues réelle et de ce terrain suivant un maillage défini (de 0,5 à 5 m). Enfin, les
virtuelle sont identiques. images sont recalées entre elles pour obtenir une image en continu.
Ce procédé de calage assure une précision à 1 500 m de l’ordre Le paysage en relief est obtenu en plaquant la mosaïque de photos
de 15 cm. aériennes sur le modèle numérique de terrain [3] [4].
Lorsque le calage est terminé, l’ouvrage est incrusté sur l’image La précision ainsi obtenue pour des photos aériennes au 1/12 000
scannérisée. peut atteindre 0,25 m en x, y et 0,5 m en z.

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Une autre difficulté est de représenter finement les conducteurs


de la ligne ; un traitement particulier de lissage est donc nécessaire.
La technique photogrammétrique ne donne qu’une représentation
plane du sur-sol sur un relief de terrain. Les objets de ce sur-sol,
tels que les arbres et les maisons, sont écrasés. Il faut donc faire
un traitement particulier pour donner du relief à ces objets. Ce trai-
tement consiste à faire soit une reconnaissance thématique par
analyse colorimétrique du sur-sol, soit à utiliser la multiphotogram-
métrie avec un maillage plus fin que celui du modèle numérique de
terrain. Ces volumes sont ensuite repositionnés sur le MNT.
Si on souhaite étudier une zone de manière très précise, il y a lieu
de reconstituer finement les objets du sur-sol en s’aidant de photo-
graphies des lieux pour replacer les arbres et les habitations. Les
arbres et les buissons pourront être issus de bibliothèques alors que
les habitations seront reconstituées en synthèse à partir de textures
provenant de photographies qui seront plaquées sur des volumes
simples. Ce type d’habillage ne peut être réalisé que ponctuellement
parce qu’il demande un travail important et un sens artistique certain.

5. Présentation du logiciel
EVELINE
5.1 Fonctions
En partenariat avec Matra Cap Systèmes, EDF développe l’outil
nommé EVELINE capable, à base d’imagerie numérique, de recons-
tituer un paysage de façon réaliste et de simuler interactivement
l’implantation d’un projet de ligne de façon à le visualiser de
n’importe quel point de vue.
La reconstitution du site est obtenue à partir de fichiers des
modèles numériques de terrain et des fichiers des ortho-images
aériennes et satellites. EVELINE se charge automatiquement de
reconstituer le site avec le découpage des données pour améliorer
les performances de calcul.
L’utilisateur dispose des vues aériennes et de la carte numérique
de la région qu’il étudie. La carte va permettre de se repérer plus
facilement en particulier grâce aux noms des villages et des routes.
Figure 4 – Principe de reconstitution d’un site en photogrammétrie
Des fonctions d’études de visibilité (§ 6) vont permettre d’aider à
la détermination du tracé de la ligne en complément de l’étude
Les tracés de lignes aériennes sont linéaires et les photos d’impact (§ 1.1).
aériennes, avec les échelles citées, couvrent chacune une largeur
maximale de 2 km pour tenir compte du paysage lointain, en par- Avec EVELINE, on va ensuite construire interactivement la ligne
ticulier dans les zones montagneuses ou fortement vallonnées. La en s’aidant de la carte, du tracé des profils en long et des contre-
mosaïque d’images aériennes est incrustée dans une image de profils de part et d’autre du tracé. Les modèles de pylônes en trois
grande dimension (par exemple 10 × 50 km) prise au moyen du satel- dimensions sont disponibles en bibliothèque. Les différents types
lite SPOT. Sa définition est souvent de 10 m pour le pixel et 20 m d’ancrages pour les conducteurs sont définis par l’utilisateur. Le tracé
pour le maillage du modèle numérique de terrain [5] [6]. d’un profil à la hauteur, de la distance d’isolement sous les conduc-
teurs, permet de vérifier si la distance au sol est respectée. La lon-
Dans le cadre de l’utilisation d’EVELINE, toute la phase de gueur des chaînes d’isolateurs est fonction du niveau de tension de
traitement des images aériennes, satellitaires et de création des MNT la ligne (figure 5).
est sous-traitée suivant un cahier des charges qui définit en parti-
culier tous les types de format des fichiers à produire. À tout instant, il est possible de calculer une image à partir d’un
point de vue du site avec ou sans projet de ligne. Pour simuler le
point de vue d’un observateur qui se déplace sur une route, par
exemple, EVELINE calcule une succession de vues suivant un chemin
4.3 Difficultés de la méthode déterminé pour réaliser un film d’animation.
Pour compléter l’étude, il est prévu la communication avec les
La représentation numérique d’un site engendre rapidement un outils de calcul mécanique de ligne et avec les outils de CAO pour
important volume de données, ce qui va être préjudiciable aux per- la réalisation des plans de construction de l’ouvrage.
formances de rapidité pour calculer un point de vue. Il y a donc lieu
de diminuer ce volume de données sans réduire la qualité visuelle. EVELINE est prévu pour fonctionner sur des machines SUN et HP
Pour cela, le site représenté par des images aériennes est découpé sous UNIX, sans accélérateur graphique et seulement 8 plans de
en plusieurs zones et les données de l’image sont sous-échantillon- mémoire graphique. Dans ce cas, le temps de calcul d’un nouveau
nées de façon à disposer de trois niveaux de précision du pixel : les point de vue peut varier d’une à deux minutes suivant la taille de
données sont plus précises pour le premier plan de la vue et dégra- la zone à traiter. Sur des machines plus orientées vers le graphique
dées avec la distance. Ce découpage est automatique à partir des haut de gamme, les simulations se font en temps réel.
fichiers de données d’entrée. Cette méthode va permettre de traiter
de grandes zones d’étude (20 × 50 km).

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Figure 6 – Architecture du logiciel

Figure 5 – Interface utilisateur du logiciel EVELINE

Les études créées avec EVELINE sont organisées pour pouvoir


être modifiées, dupliquées, pour étudier des variantes en minimi-
sant les redondances de données.
L’architecture du logiciel est modulaire (figure 6 ). Elle est
composée d’un noyau qui traite dans un premier temps toute la mise
en forme des données pour recréer le paysage et regrouper toutes
les fonctions de visualisation. Un module applicatif contient toutes
les fonctions relatives à la construction des lignes aériennes. Le
noyau est susceptible d’accepter d’autres applicatifs métier tel que
la construction de routes ou de voies ferrées.

5.2 Son utilisation

EVELINE est destiné à analyser et à prévoir l’impact visuel des pro-


jets. Dans la phase d’étude d’impact du projet (§ 1.1), les besoins
de voir le paysage sont nombreux ; la vérification visuelle de certains Figure 7 – Simulation avec EVELINE pour une ligne 400 kV
éléments de l’étude se fait de façon plus concrète qu’avec une carte en montagne
et les informations disponibles vont permettre de préparer l’étude
d’impact sur le terrain. L’étude de visibilité globale va venir compléter
l’étude d’impact soit en confortant les choix des partis de moindre
impact, soit en attirant l’attention de certaines conséquences visuel- 6. Visibilité et soumission
les sur un des choix.
L’interactivité de cet outil autorise la construction rapide, avec une
à la vue
précision inférieure à 5 m, de l’avant-projet du tracé. Il est possible
d’intégrer des lignes existantes, de produire un profil en long et ses La méthode d’analyse objective du paysage, développée par le
deux contre-profils, de modifier le tracé, de changer de type de CNRS de Besançon, permet, préalablement à l’implantation d’un
pylônes et d’étudier plusieurs variantes. Quand le choix d’un tracé nouvel ouvrage électrique, de minimiser l’impact visuel sur l’envi-
est arrêté, l’étude de visibilité spécifique de la ligne va montrer les ronnement. Pour chaque phase de l’étude d’un projet, des outils sont
zones concernées visuellement par la ligne et ainsi permettre au en cours de développement [8].
concepteur de l’ouvrage de minimiser l’impact en déplaçant légè-
rement le tracé ou quelques pylônes : c’est une aide complémentaire
(figure 7). Le calcul de points de vue particuliers va aider à préparer
les positionnements des prises de vues pour les photomontages
6.1 Approche globale du paysage
dont le rendu très fidèle sur les passages critiques restera indispen-
sable. À la fin de cette étape, le maître d’ouvrage connaîtra pour un
paysage vierge donné, les endroits les plus soumis à la vue, par le
Grâce à l’interactivité d’EVELINE, la communication est facilitée seul effet du relief et des sur-sols (barrières végétales, bâtis, etc.).
aussi bien au point de vue technique pour les concepteurs que Au moment de la définition de la bande de moindre impact puis lors
pour les discussions avec l’administration et les élus [7]. du choix du tracé définitif, ces éléments permettent de minimiser,
La représentation numérique d’un paysage autorise de nombreux dans la mesure du possible, les passages de l’ouvrage dans des
traitements, en particulier ceux de la soumission à la vue d’un site endroits où ils seraient trop visibles et qui, inévitablement, pose-
et d’un ouvrage. raient problème [9].

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Figure 9 – Cartographie de soumission à la vue spécifique


à partir des communes
Figure 8 – Cartographie de soumission à la vue globale
commune de l’aire d’étude. On obtient ainsi une cartographie colorée
qui identifie les aires de vision des communes. Cette carte peut être
Pour chaque position du paysage, en pratique pour chaque maille élaborée à partir du sommet des habillages présents ou de la hauteur
du terrain, on dénombre les mailles du paysage qui voient cette posi- théorique des supports de ligne. La figure 9 donne un exemple d’une
tion en tenant compte du relief et des sur-sols remodélisés. On telle carte.
affecte ensuite un code de couleur en fonction de l’importance du
Une fois le tracé défini et les emplacements de supports déter-
dénombrement obtenu (exemple : rouge pour une position extrê-
minés, la même méthode permet de visualiser les zones du paysage
mement vue à l’intérieur du paysage, gris pour une position peu vue).
affectées visuellement par plusieurs (1, 2, 3, etc.) supports.
Une cartographie colorée (figure 8) est ainsi obtenue ; elle traduit
la répartition des fréquences de visibilité au sein d’un paysage vierge Actuellement, ces méthodes sont en cours de perfectionnement
donné [10] [11]. et d’adaptation pour une utilisation simple et rapide. Dans un avenir
proche, ces outils deviendront une aide précieuse pour le concepteur
de lignes.
6.2 Soumission à la vue spécifique
Une fois la bande de moindre impact définie, il s’agit de proposer
un ou plusieurs tracés. Pour une meilleure concertation avec les
7. Conclusions
communes traversées et pour anticiper les éventuelles réclamations,
il est intéressant de disposer de cartes permettant d’identifier les
zones visibles du paysage à partir de chaque commune. Ce sont les Aujourd’hui, l’effort d’EDF dans le domaine des réseaux élec-
cartographies de soumission à la vue spécifique à partir des triques est important. Les ouvrages à 225 et 400 kV font l’objet
communes [11] [12]. d’études d’impact particulièrement soignées et de procédures de
communication associant étroitement les collectivités locales et les
Pour chaque maille du terrain localisée dans la commune sélec- riverains à l’élaboration du projet. Dans cet objectif, pour permettre
tionnée, on identifie les parties visibles du paysage, dans une limite non seulement au concepteur mais aussi à l’administration, aux élus,
de 2,5 km de part et d’autre de la commune, en tenant compte du aux associations et au public de mieux appréhender l’impact visuel
relief et des sur-sols. On affecte ensuite un code de couleur aux dif- des ouvrages, EDF se dote des méthodologies et des outils les plus
férentes parties du paysage en fonction de leur fréquence de visibilité modernes utilisant notamment les techniques de l’imagerie numé-
(exemple : rouge pour une partie du paysage vue en de nombreux rique qui vont pouvoir s’insérer dans toutes les phases de conception
points de la commune). On réitère la démarche pour chaque d’un projet et apporter l’interactivité dans sa préparation.

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Références bibliographiques

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D 4 445 − 8 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique

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