Vous êtes sur la page 1sur 15

ARTICULATION ENTRE LES ACTIVITÉS BANCAIRES ET

MICROFINANCIÈRES : UNE NOUVELLE SPHÈRE D'INTERMÉDIATION ?

André Nsabimana

De Boeck Supérieur | « Mondes en développement »

2004/2 no 126 | pages 37 à 50


ISSN 0302-3052
ISBN 2-8041-4433-X
DOI 10.3917/med.126.0037
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2004-2-page-37.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.


© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Articulation entre les activités
bancaires et microfinancières :
une nouvelle sphère d’intermédiation ?
André NSABIMANA(*)1

INTRODUCTION

L e renforcement des capacités est devenu un thème majeur dans le débat


sur la pérennité et la viabilité des institutions de microfinance. Les
questions de pérennité et de viabilité renvoient ipso facto à celles
concernant les conditions d’accès aux ressources, les capacités et les méthodes
de transformation de celles-ci en crédits par les institutions de microfinance.

Dans le cas de l’Afrique, le bilan du secteur de la microfinance révèle une


augmentation constante des ressources collectées, en particulier depuis les dix
dernières années, une prépondérance des ressources à court terme et une forte
proportion des dépôts dans l’ensemble des ressources. En revanche, en ce qui
concerne les capacités et les méthodes de transformation des ressources
recueillies, on constate, depuis les cinq dernières années, une sur-liquidité
croissante en ressources à court terme et une baisse du taux de rotation de
celles-ci. Dans le secteur bancaire, l’assainissement du marché qui a suivi les
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


restructurations des années 90 et l’amélioration de la qualité du portefeuille
n’ont pas permis de dynamiser l’intermédiation financière. Les conditions de
faible concurrence et d’instabilité économique ont découragé l’innovation et
accentué le niveau de rationnement du crédit vers le secteur des entreprises.

L’insuffisance des ressources à long terme contraint les institutions de


microfinance dans leur capacité à étendre l’offre de crédit aux projets
d’investissement. En effet, à côté de la clientèle traditionnelle de la micro
finance, qui demande essentiellement des petits crédits avec des délais de
remboursements très courts, se trouve un segment très important
d’entrepreneurs et d’entreprises de petite et moyenne taille dont l’exclusion
bancaire est aussi préoccupante (Mees, 2003). La demande de financement
pour cette catégorie de la clientèle concerne aussi bien les besoins en fonds de
roulement que l’équipement ou l’infrastructure.

L’émergence de la microfinance et la croissance de l’activité de micro-crédit n’a


pas laissé totalement indifférentes les banques (Baydas, Graham et Valenzuela,
1997 ; Jenkins, 2000). Des banques commerciales, petites ou grandes, réalisent
1

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126 37


38 André NSABIMANA

des activités microfinancières depuis plusieurs années, essentiellement en


Amérique latine et en Asie. En Afrique, quelques expériences existent, mais le
démarrage est plus hésitant et le portefeuille de microfinance des banques qui
sont présentes sur ce marché reste faible. Les activités sont exercées à partir des
guichets de microfinance au sein de la banque, par la création d’unités séparées
ou par l’intermédiaire des organisations non gouvernementales (ONG). Il
existe peu de banques qui exercent des activités microfinancières en collaboration
avec des institutions de microfinance déjà établies et spécialisées sur ce marché.
Les relations entre les banques et les institutions de microfinance se limitent, le
plus souvent, à la relation de clientèle.

La question consiste alors à se demander dans quelle mesure une articulation entre les
banques et les institutions de microfinance contribuerait à la création de valeur
pour ces deux opérateurs et quelles sont les modalités et les stratégies à mettre
en place pour permettre cette articulation.

L’objectif de cet article est d’approfondir cette question de l’intérêt et des


modalités d’articulation entre les banques et les institutions de microfinance en
Afrique. Nous présentons d’abord la problématique de l’entrée des banques sur
le marché de la microfinance, leurs pratiques microfinancières et les expériences
rencontrées dans le monde en développement. Nous examinons les raisons de
l’articulation entre les banques et les institutions de microfinance dans une
approche d’intermédiation financière. Enfin, nous étudions les stratégies et les
modalités à mettre en place afin de renforcer cette articulation et de créer un
nouvel espace d’intermédiation.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


1 LES RELATIONS ENTRE LES BANQUES ET LA
MICROFINANCE : UN BILAN MITIGÉ

La question de la présence des banques sur le marché de la microfinance suscite


un certain intérêt dans la littérature depuis quelques années. La thèse qui a
souvent été avancée est que les banques, pour des raisons de risque et de coûts,
ne sont pas intéressées par la microfinance. Certaines banques, sans être
totalement indifférentes, ont adopté un profil hésitant et méfiant. La spécificité
des activités microfinancières, l’importance du risque sur ce marché, les coûts
considérables de sélection et de surveillance, les obstacles socio-économiques et
culturels et le manque de main-d’œuvre adaptée pour ce type d’activité ont
constitué les principaux et classiques arguments de leur méfiance. D’autres, en
revanche, réalisent une grande partie, et parfois la totalité, de leurs activités
dans ce secteur (Baydas, Graham et Valenzuela, 1997) : Banco del Desarollo au
Chili (100%), Unités Desa de la Banque Rakyat Indonesia (100%), Bank
Dagang Bali en Indonésie (83%), Bancosol en Bolivie (100%), Caja de Ahorro
y Crédito Los Andes en Bolivie (100%), Centenary Bank en Ouganda (83%).

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126


Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 39

On distingue quatre catégories d’intermédiaires financiers opérant sur le


marché de la microfinance : des banques commerciales, des banques d’Etat, des
institutions financières spécialisées sur le plan sectoriel ou régional et des
anciennes organisations non gouvernementales, transformées en institutions
bancaires (Baydas, Graham et Valenzuela, 1997).

Jenkins (2000) montre également que les banques sont de plus en plus
conscientes de l’intérêt du marché de microfinance. Deux raisons semblent
motiver les banques à entrer sur ce marché: la rentabilité des activités
microfinancières et l’augmentation de la concurrence à la suite des politiques de
libéralisation du secteur bancaire intervenues pendant les années quatre-vingt.
Parmi les facteurs qui ont découragé les banques qui ne sont pas entrées
figurent les frais de gestion élevés, le manque de réseau bancaire et du
personnel qualifié, ainsi que l’encadrement des taux d’intérêts sur les marchés
financiers. Selon cette étude, les banques nouvellement crées semblent plus
intéressées par le marché de la microfinance que les anciennes, et souvent plus
grandes, banques. L’étude montre aussi que la plupart des banques utilisent des
méthodologies inadaptées dans leurs activités microfinancières.

Dans la plupart des cas, les raisons économiques semblent constituer la


principale explication de la présence des banques en microfinance. Les
restructurations du secteur bancaire et l’augmentation de la concurrence sur les
niches traditionnelles des banques ont amené celles-ci à prospecter de
nouveaux marchés. Les taux de rentabilité et de remboursement étant supposé
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


élevés sur le marché de la microfinance, les banques y ont trouvé une source de
diversification de leurs activités. D’autres raisons, comme l’image et les
potentialités en terme de marché, constituent également des facteurs incitatifs à
l’entrée.

La dynamique d’entrée des banques sur le marché de la microfinance que l’on


constate en Amérique et en Asie ne semble pas se vérifier en Afrique.
Toutefois, certaines banques, comme la BNDA au Mali, K-REP au Kenya, la
FFBS au Kenya, Centenary Bank en Uganda et la Standard Bank en Afrique du
sud sont présentes en microfinance. D’autres banques, comme la BRD au
Rwanda, étudient l’opportunité d’entrer sur ce marché.

L’entrée des banques sur le marché de la microfinance pourrait aussi s’expliquer


par le degré de développement et le dynamisme du système financier, le
système de réglementation en place pour les activités bancaires et de
microfinance et les capacités des banques à innover. En effet, la recherche des
économies d’échelle et de réseaux, liée à l’augmentation de la concurrence,
pousse les banques à la réalisation des investissements physiques et humains et
à accroître leur capacité d’intermédiation financière. Les institutions de
microfinance, par l’originalité de leur approche et leur expérience dans les

Mondes en Développement
40 André NSABIMANA

activités de détaillant financier devraient constituer un relais idéal pour les


banques vers une clientèle qu’elles ne parviennent pas à atteindre. Cette
dynamique de recherche d’économies d’échelle et de diversification caractérise
aussi les fonctions d’intermédiation qui consistent en la gestion des asymétries
de l’information (Stiglitz et Weiss, 1981), la minimisation des coûts de
transaction (Williamson, 1985) et la production de l’information (Leland et
Pyle, 1977).

Avec quelle efficacité les banques et les institutions de microfinance


accomplissent-elles ces diverses fonctions et en quoi leur complémentarité
pourrait-elle permettre de créer une nouvelle dynamique dans leur fonction
d’intermédiation ?

2 LES ACTIVITÉS BANCAIRES ET MICROFINANCIÈRES :


QUELLES COMPLÉMENTARITÉ ET ARTICULATION ?

Les intermédiaires financiers devraient être efficaces dans le financement des


projets grâce à leur capacité à réaliser des économies d’échelle, à permettre la
transformation des maturités et une plus grande diversification. Cependant,
l’efficacité avec laquelle elles opèrent cette sélection dépend du mode
d’organisation du système financier (Nsabimana, 2002). La structure des coûts
de production des services financiers, le niveau de concurrence et les
conditions d’entrée et de sortie qui prévalent sur le marché jouent un rôle
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


considérable dans la configuration du système financier. Dans le cas des
services de collecte de l’épargne et de distribution de crédit, grâce à la présence
des économies d’échelle, il y a un lien positif entre la taille des opérations et
l’efficacité de l’intermédiation financière. Ce lien pourrait expliquer la
segmentation du système d’intermédiation et la réticence des banques à entrer
sur le marché de la microfinance. Par contre, l’intermédiation microfinancière
génère des gains d’efficacité dans les activités impliquant une échelle réduite des
opérations. A priori, une complémentarité et une articulation semblent possibles
entre ces deux secteurs.

Les banques et la minimisation des coûts de transaction

La capacité des intermédiaires financiers à gérer les asymétries d’information et


à minimiser les coûts de transaction leur permettrait de sélectionner les
meilleurs projets pour l’économie. On doit donc s’attendre à ce que les
intermédiaires financiers efficaces permettent un niveau élevé de financement
des entreprises, une grande mobilisation de l’épargne et un taux suffisant de
transformation des dépôts en crédit.

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126


Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 41

Le tableau 1 reprend les principaux indicateurs de l’activité d’intermédiation financière


dans 23 pays d’Afrique sub-saharienne, comparés avec les pays de l’OCDE de 1990 à
1996.

Tableau 1 : Principaux indicateurs de l’intermédiation financière dans 23 pays


d’Afrique sub-saharienne et dans les pays de l’OCDE.

Indicateurs, en% 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996


Crédits/PIB AFRIQUE 17,8 17,4 18,7 18,8 18,2 18,1 19,2
OCDE 68,4 68,2 70,4 69,7 67,5 68,1 70,0
Dépôts/PIB AFRIQUE 21,0 21,4 23,5 23,6 24,3 23,5 24,8
OCDE 57,9 58,4 60,6 63,0 60,6 61,9 62,6
Dépôts/Crédits AFRIQUE 143,7 149,5 147,7 143,8 151,3 151,0 168,9
OCDE 94,8 97,3 95,5 99,6 98,5 98,4 102,1
Source : IMF, 1998.

Les opérations bancaires avec le secteur privé représentent environ 20% du


produit intérieur brut, alors qu’elles approchent de 80% dans les pays de
l’OCDE. Cette différence reflète la faiblesse de l’intermédiation financière et la
petite taille du secteur privé. Le rapport Dépôts/Crédits montre qu’une grande
part des dépôts collectés par le secteur bancaire n’est pas alloué au secteur
privé. D’autres facteurs expliquent la faiblesse du niveau d’intermédiation,
comme l’absence de concurrence, l’environnement institutionnel, l’ouverture
financière et les instruments de politique monétaire.

La complémentarité entre les institutions bancaires et microfinancières


permettrait-elle d’élargir la surface d’intermédiation ?
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


Parmi les problèmes évoqués par les banques concernant leur réticence à prêter
au secteur privé et, en particulier, à offrir des services financiers aux micro-
entrepreneurs il y a les frais administratifs, le manque de réseau de proximité et
de personnel spécialisé dans les activités microfinancières (Jenkins, 2000).

Les banques commerciales, non spécialisées en microfinance, utilisent des


critères inappropriés dans l’octroi des crédits et dans la gestion de leur
portefeuille, ce qui explique l’importance des impayés qu’elles enregistrent. En
particulier, il semble exister une corrélation positive entre le montant de la
garantie exigée par les banques commerciales dans la microfinance et le taux
des impayés. Cette relation provient du fait que la garantie accentue la sélection
adverse au sein des emprunteurs et, de plus, une fois que le crédit est octroyé les
banques commerciales exercent moins de surveillance, puisqu’elles comptent sur la
garantie en cas de non-remboursement. Or, dans la microfinance, la garantie
joue un rôle mineur. Ce sont les relations de proximité, le crédit progressif et la
surveillance par les pairs qui déterminent le taux de remboursement.

De plus, la microfinance constitue une activité dont l’intégration au sein d’une


banque multi-services peut poser des problèmes de cohérence interne et de

Mondes en Développement
42 André NSABIMANA

coordination avec les autres services. En effet, la clientèle et la méthodologie de


microfinance sont spécifiques, elles exigent des petites structures où la relation
de clientèle est interpersonnelle et privilégie la proximité, alors que les banques
sont organisées et équipées pour traiter des opérations de moyenne et grande
taille. La structure des coûts des opérations de microfinance et les taux d’intérêt
pratiqués nécessitent des systèmes d’information, de gestion et de notation
séparés. Les banques qui réussissent en microfinance sont celles qui ont créé
des unités ou des filiales indépendantes, comme la Bank Rakyat en Indonésie,
ou la Banco del Desarrollo au Chili.

La délégation des activités de sélection et de surveillance des emprunteurs à une


institution de microfinance spécialisée permettrait donc de résoudre le
problème des impayés que rencontrent les banques. De plus, il apparaît que
l’efficacité dans l’intermédiation microfinancière est aussi liée à la taille de
l’institution.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126
Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 43

La microfinance et les coûts de transaction : une question de taille ?

Les approches de la microfinance, le crédit de groupe et la surveillance par les


pairs notamment, permettent une meilleure gestion du risque de défaut et une
minimisation des coûts de transaction. La gestion du risque de défaut est liée à
leur capacité de sélection et de surveillance des projets. La proximité entre les
institutions et leur clientèle permet de réduire le coût de recherche de
l’information et du traitement des opérations de crédit. On doit donc
s’attendre à ce que les institutions de grande taille puissent disposer de réseaux
de relation de proximité plus étendus et par conséquent opérer à moindre coût
que les petites structures.

Tableau 2 : Indicateurs d’efficacité des institutions en fonction de leur taille2.

Taille Frais de gestion Profondeur Crédit moyen Coût moyen


des institutions (en %)3 Financière (en %)4 (US $) (US $)
Grande 11,7 95,8 993 135
Moyenne 20,0 61,4 685 119
Petite 28,3 34,7 303 107
Source : The Microbanking Bulletin, Focus on Transparency, Issue n°7, November 2001

Selon ces données, les grandes institutions opèrent plus efficacement que les
petites. En effet, les frais de gestion, c’est-à-dire les frais du personnel, les
fournitures de bureau, les amortissements, les loyers, les frais de transport et
autres frais administratifs, sont de 11,7% dans le premier cas, alors qu’elles
représentent 28,3% dans le deuxième cas. Cette différence est également
marquée au niveau de la profondeur financière c’est-à-dire le rapport entre le
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


montant moyen du crédit et le PNB par habitant. Celle-ci permet d’évaluer
l’importance du crédit accordé par rapport à la richesse produite par habitant.
Le niveau de crédit moyen offert par les institutions de grande taille permet de
couvrir presque la totalité de la production nationale par habitant (95%), alors
que celui offert par les petites structures ne couvre que 34,7%.

On constate, également, que les institutions de grande taille ont


proportionnellement moins de frais de gestion, grâce à leur réseau de
distribution et de gestion, mais elles enregistrent un coût par emprunteur plus
élevé. Ceci s’explique par la différence au niveau du crédit octroyé par

2
Dans les statistiques fournies par le Microbanking Bulletin, la taille est déterminée en
fonction des encours des prêts dans les institutions étudiées : grande taille (5 millions US $
en Afrique ; 12,5 millions US $ en Amérique Latine), moyenne taille (entre 800 000 US $
et 5 millions US $ en Afrique ; entre 1,5 millions US $ et 10 millions US $ en Amérique
Latine), petite taille (moins de 800 000 $ en Afrique ; moins de 1,5 millions US $ en
Amérique latine).
3
Les frais de gestion sont exprimés en pourcentage du montant moyen des actifs des
institutions.
4
La profondeur financière exprime le pourcentage du crédit moyen par rapport au Produit
National Brut.
Mondes en Développement
44 André NSABIMANA

emprunteur. Dans les grandes institutions, le crédit moyen représente plus du


triple de celui qui est octroyé par emprunteur dans les petites institutions. La
différence au niveau du coût par emprunteur entre les petites et les grandes
institutions s’explique donc plus par la différence en termes de volume de
crédit que par un avantage en termes d’efficacité de la part des petites
structures.

Lorsqu’on considère l’efficacité en termes de frais de gestion, de profondeur


financière et de crédit par emprunteur, les meilleures performances sont
réalisées par les grandes institutions, celles ayant atteint une certaine maturité et
celles qui pratiquent le crédit individuel. Par contre, et de manière assez logique,
les institutions qui pratiquent le crédit de groupe sont plus performantes en
termes de coût par emprunteur que celles qui offrent le crédit individuel. La
taille, la maturité et la méthodologie sont donc les conditions de succès.

Enfin, la taille du crédit est positivement corrélée avec celle de l’institution et


négativement corrélée avec son coût. De plus, contrairement à l’hypothèse
souvent avancée, un crédit moyen important ne serait pas incompatible avec
des taux de remboursement élevés en microfinance. En effet, le plafonnement du
crédit dans certaines institutions a pour conséquence le sous-financement de projets.
Les investisseurs ne pouvant emprunter que des montants limités, l’investissement est
réalisé progressivement, le seuil de rentabilité est retardé et ceci a une incidence sur
la capacité de remboursement. Honlonkou, Acclassato et Quenum (2001) ont constaté
qu’au Bénin, les institutions qui offrent des emprunts de taille élevée affichent de
bonnes performances en matière de remboursement.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


Banques et microfinance : quelle complémentarité ?

L’activité des institutions de microfinance a souvent été réduite au micro-crédit.


Cependant, on constate que, de plus en plus, leur rôle dans la collecte des dépôts
devient considérable. Le graphique 1 montre l’évolution des dépôts et des crédits dans
la zone de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)5.

5
L’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine est composée de huit pays : Bénin,
Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Togo, Sénégal.

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126


Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 45

Graphique 1 : Evolution des dépôts et des crédits dans l’UEMOA (en milliards de
FCFA)

200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1997 1998 1999 2000

Dépôts Crédits
Source : UEMOA, 2002

Le volume des dépôts collectés par les institutions de microfinance a augmenté


de 175% entre 1996 et 2000 (UEMOA, 2002). Cette forte croissance du
volume des dépôts s’accompagne d’une hausse similaire du volume des crédits
(168%) et du taux de pénétration, c’est-à-dire de la proportion de la clientèle
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


bénéficiaire des services des institutions de microfinance par rapport à
l’ensemble des ménages, de plus de 200%. Ces résultats font des institutions de
microfinance des opérateurs économiques performants et une alternative au
secteur bancaire dans la fonction d’intermédiation (Lelart, 2002).

Le système bancaire africain souffre d’une insuffisance de réseaux d’agence,


d’une inadéquation d’organisation et d’approches et, plus globalement, d’une
méconnaissance du marché de la microfinance. Dans la zone de l’UEMOA, le
système bancaire comptait 90 banques et établissements financiers et 601
guichets fin 2000, soit 9,3 guichets par million d’habitants. En revanche, la
même année, le secteur de la microfinance comptabilisait 397 institutions et
2.969 guichets. Le tableau 3 reprend les activités bancaires et microfinancières
dans l’UEMOA.

Mondes en Développement
46 André NSABIMANA

Tableau 3 : Répartition des activités financières des banques et des institutions


de micro finance (en %)

1998 1999 2000


Système bancaire IMF Système bancaire IMF Système bancaire IMF
Dépôts 97 3 96 4 96 4
Crédits 97 3 96 4 96 4
Guichets 24 76 20 80 17 83
Source : UEMOA, 2002

Le secteur de la microfinance représente, outre les avantages liés à sa proximité


et à sa décentralisation, un potentiel important dans le développement
financier. En effet, l’étendue du réseau de microfinance et les avantages
comparatifs des opérateurs microfinanciers dans les milieux ruraux constituent
une niche de complémentarité dans la collecte des dépôts et dans l’offre de
crédit avec le secteur bancaire. De plus, cette complémentarité permettrait de
renforcer les capacités des institutions de microfinance par un appui du secteur
bancaire, notamment, en matière d’investissement dans les infrastructures et de
modernisation des systèmes de gestion.

De plus les institutions de microfinance ne créent pas la monnaie, elles


dépendent des dépôts pour leur activité de crédit. L’articulation avec des
banques bénéficiant d’une couverture de la banque centrale leur permettrait de
dissocier leurs possibilités de crédit avec le niveau de leurs dépôts.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


3 ARTICULATION BANQUES – MICROFINANCE :
UNE NOUVELLE APPROCHE
D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE

L’analyse des barrières à l’entrée des banques sur le marché de la microfinance


montre que, contrairement à la thèse souvent avancée, le risque ne constitue
pas le facteur dominant dans l’explication des réticences des banques à entrer
sur le marché de la microfinance. L’importance des coûts de transactions doit
être mise en balance avec les économies d’échelle qui sont liées à l’activité
d’intermédiation financière et les gains d’expérience qui résulteraient de l’élargissement
de la surface d’intermédiation. De plus, comme cela a été relevé précédemment,
il existe un lien entre la taille et l’efficacité. D’autre part, la capacité des
institutions de microfinance à attirer des ressources longues est limitée par leur
taille et le caractère spécifique de leur activité.

Des stratégies d’une nouvelle intermédiation entre les banques et les institutions de
microfinance pourraient se mettre en place sur deux axes : le partenariat financier et
l’intermédiation institutionnelle.

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126


Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 47

Le partenariat financier comme stratégie d’articulation

Les institutions de microfinance constituées en réseau, ce qui est le cas des


caisses villageoises, des banques populaires et des coopératives d’épargne et de
crédit, disposent de relais très actifs dans la mobilisation de l’épargne. Pour des
raisons de sécurité, de rentabilité ou d’insuffisance de capacités de gestion de
liquidité, une partie importante de cette épargne est placée auprès des banques.
Dans la zone de l’UEMOA, les placements des institutions de microfinance
auprès des banques en 2000 s’élevaient à 42% de l’ensemble des dépôts
collectés. De plus, les placements sont constitués principalement de dépôts à
terme (72%) et ceux-ci ont augmenté de près de 166% entre 1998 et 2000.
Dans une certaine mesure, les institutions de microfinance sont des collecteurs
des dépôts pour le système bancaire et celui-lui leur permet d’assurer une
certaine diversification de leur portefeuille. Même si les avoirs en banques des
institutions de microfinance ne représentaient que 1,2% des ressources des
banques, leur croissance, corrélée avec une faible progression du montant des
encours de crédit, montre une tendance dans l’évolution des relations entre ces
deux secteurs.

Les banques, dont la plupart ne disposent pas de structures suffisantes pour


attirer l’épargne rurale, pourraient avoir intérêt à renforcer et à mieux structurer
ces relations afin d’accroître la mobilisation de cette épargne. Les relations
financières entre les banques et les institutions de microfinance passent
également par les lignes de crédit. En effet, moyennant une sélection
minutieuse et un apprentissage mutuel, les banques ouvrent des lignes de crédit
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


aux institutions de microfinance grâce auxquelles elles atteignent une clientèle
qu’elles ne peuvent atteindre seules à cause de leur organisation très centralisée
et de l’inadéquation de leurs approches en matière de crédit. Ce type de relation
permet de générer une offre de crédits avec des coûts de transaction faibles et
d’atteindre des taux de remboursement dont bénéficient les institutions de
microfinance.

Le partenariat financier peut être vu comme une délégation des responsabilités


en matière de collecte de dépôts, de distribution et de surveillance des crédits.
En effet, l’institution de microfinance demeure totalement autonome et
indépendante de la banque et elle assume les coûts de gestion et d’organisation
de l’activité microfinancière.

La Banque Nationale du Développement Agricole (BNDA) du Mali


expérimente ce type d’intermédiation depuis de nombres années. En 1999, les
encours de crédit de la BNDA à travers des lignes de crédit aux institutions de
microfinance représentaient 4%, en croissance de 72% par rapport à 1996. Un
examen préalable de la situation de l’institution est réalisé ; il s’agit, entre autres
critères, de la situation juridique, de la qualité du portefeuille, du niveau
d’autonomie financière, du système de gestion,… Lorsque cette évaluation est

Mondes en Développement
48 André NSABIMANA

positive, un contrat de partenariat est passé entre la BNDA et l’institution de


microfinance pour régler les modalités de leur collaboration.

L’intermédiation institutionnelle comme stratégie d’articulation

Les institutions de microfinance ont non seulement des besoins en terme de


refinancement susceptibles de réduire leur dépendance aux subsides, mais
également en termes d’assistance technique pour des services d’audit, de
formation, d’études…

Cependant, les avantages que les banques pourraient avoir à entrer sur le
marché de la microfinance, même dans le cadre d’un partenariat financier, ne
compensent pas totalement, en tout cas à court terme, le coût assumé sur les
opérations de micro-crédit.

Une intermédiation institutionnelle consiste en une alliance entre une banque et


une ou plusieurs institutions de microfinance, dans le but de fournir des
services microfinanciers. Cette alliance peut prendre plusieurs formes. On peut
imaginer des accords concernant des activités ou des secteurs particuliers qui
constituent des priorités en terme de marché et pour lesquels des coûts et des
bénéfices sont partagés et une assurance est prise par les institutions ou est
couverte par les donateurs ou les autorités. Une intermédiation institutionnelle
est également envisageable par les créations d’unités communes (ou joint-venture)
dont le rôle est de réaliser les activités microfinancières. Ces unités communes
bénéficieraient de l’appui technique et financier de la banque et du savoir-faire
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


et des approches des institutions de microfinance. Enfin, cette intermédiation
peut passer par des liens de participation entre les deux types d’institutions.

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126


Articulation entre les activités bancaires et microfinancières 49

La concrétisation d’une intermédiation institutionnelle doit, cependant, être


inscrite dans un cadre incitatif et être organisée et soutenue par les autorités
financières. En effet, le démarrage de ce type d’arrangement implique un coût
et des garanties que, dans un premier temps, les institutions de microfinance
pourraient difficilement supporter. Ce type d’intermédiation expose moins la
banque au risque de défaut qu’une intervention directe sur le marché de la
microfinance et élargirait les activités microfinancières à une clientèle de petites
et moyennes entreprises qui, rationnée, opère en marge des circuits formels de
financement.

CONCLUSION

Dans leurs activités d’intermédiation à l’égard des micro-entreprises et


entreprises de moyenne taille, les banques et les institutions de microfinance
sont limitées dans leurs approches, pour les premières, et dans leurs capacités
financières, pour les secondes. Alors que, selon l’approche théorique, la
présence d’économies d’échelle dans l’activité bancaire et les gains résultant de
la transformation des caractéristiques des ressources devraient conduire à un
niveau d’intermédiation élevé, on constate, dans le cas africain, un niveau très
faible de financement du secteur privé et un taux faible de transformation des
dépôts en crédits. Le secteur bancaire est également fortement concentré et
faiblement développé (9,3 guichets par million d’habitant). Par ailleurs,
l’efficacité des institutions de microfinance dans la minimisation des coûts
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


semble liée à la taille du crédit et à celle de l’institution. Cependant, ce secteur
enregistre une croissance considérable et dispose d’un réseau important
d’agences et de guichets.

L’articulation entre les banques et les institutions de microfinance permettrait


de capitaliser les avantages comparatifs de chaque secteur. Des modalités
d’intermédiation à travers des relations de partenariat ou une intermédiation
institutionnelle pourraient constituer un moyen d’élargir la sphère financière, en
particulier de l’offre de crédit moyen et long terme, et permettre un
développement financier.

Mondes en Développement
50 André NSABIMANA

BIBLIOGRAPHIE

BAYDAS M.M, GRAHAM D.H, VALENZUELA L. (1997) "Commercial banks in


Microfinance : new actors in the microfinance word", Microenterprise Best Practices,
Project Paper.
BENSTON G, SMITH C.W (1976) "A transaction cost approach to the theory of
financial intermediation", Journal of Finance, 31, May.
BHATTACHARYA S., THAKOR A. (1993) "Contemporary banking theory", Journal of
Financial Intermediation, 3.
DIAMOND D. W, DYBVIG P.H (1983) "Bank runs, deposit insurance and liquidity",
Journal of Polical Economy, vol. 91, 3.
HONLONKOU A. N, ACCLASSATO D. H, QUENUM C. V (2001) "Problématique de
remboursement des crédits dans les systèmes financiers décentralisés et garantie de
prêts aux opérateurs économiques au Bénin", Cahier de Recherche ELIFID, 00-2,
septembre, BIT.
IMF (1998) "World Development Indicators", Washington.
JENKINS H. (2000) "Commercial bank behaviour in micro and small enterprise
finance", HIID Development Discussion Paper, 71.
KLEIN M. (1973) "The economics of security divisibility and financial intermediation",
Journal of Finance, 28, September.
LELAND H, PYLE D. (1977) "Informational asymetries, financial structure and
financial intermediation", The Journal of Finance, 32(2).
LELART M. (2002) "L’évolution de la finance informelle et ses conséquences sur
l’évolution des systèmes financiers", Mondes en Développement, Tome 30, 119.
MEES M. (2003) "KAFO JIGINEW : "Analyse d’une expérience de crédit d’équipement au sein d’une
institution de microfinance paysanne", ADA Dialogue, 32.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 05/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.143.75.13)


NSABIMANA A. (2002) "Organisation, régulation et efficacité économique du système
d’intermédiation financière en Afrique", Thèse de doctorat, Presses Universitaires de
Louvain, Louvain-la-Neuve.
STIGLITZ J.E, A. WEISS (1981) "Credit rationing in markets with imperfect
information", The American Economic Review, vol. 71, June.
UEMOA (2002) Banque de données sur les Systèmes Financiers Décentralisés, Dakar.
WILLIAMSON O. (1985) The economic institutions of capitalism, Ed. Free Press, New York.

***

Mondes en Développement Vol.32-2004/2-n°126

Vous aimerez peut-être aussi