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Violences conjugales et basées

sur le genre

Dr Ines Derbel
Mastère de sexologie clinique
Sousse le 05/12/20
• Si les violences dont sont l’objet les femmes ne constituent
pas un fait social nouveau, l’intérêt accordé à cette question
est un fait qui marque surtout notre époque

• les femmes ont appelé l’attention sur le fait que la violence à


leur égard ne résulte pas de la «nature humaine» et de
comportements individuels répréhensibles

• elle est profondément enracinée dans les relations


structurelles d’inégalité entre hommes et femmes, fondée par
le patriarcat. Jusqu’alors, on hésitait à en parler ou à
intervenir sous prétexte qu’il s’agissait d’une histoire privée.
Chiffres /France
• En France métropolitaine, en moyenne, une femme meurt tous les trois jours des
suites de violences au sein du couple. La moitié subissait déjà des violences.

• Un homme meurt tous les seize jours. Dans la moitié des cas, la femme auteur de
l'acte subissait des violences de sa part.

• 13% de toutes les morts violentes recensées et dans lesquelles l'auteur a été
identifié ont eu lieu dans le cadre du couple

• 1/10 résulte de coups portés sans intention de donner la mort. La violence

conjugale préexistait dans 2/3 de ces cas.

• 31% des crimes conjugaux sont liés à la séparation

• Les actes homicides commis par des "ex" sont un phénomène essentiellement

masculin (95%), souvent rural, et toujours avec la volonté de donner la mort


• Dans 25% des cas, auteurs comme victimes étaient sans profession et dans 62%
des couples concernés, au moins l'un des deux membres était sans profession. Le
fait que les deux membres d'un couple exercent une profession apparaît comme
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un élément en partie protecteur.
Chiffres/ Tunisie
• 47.6% des femmes âgées de 18 à 64 ans ont déclaré
avoir subi au moins une des formes de violence
durant leur vie.
• Il n’existe pas de différence statistiquement
significative entre le milieu urbain et le milieu rural.
• Sud ouest 72.2%
• Les femmes au foyer sont plus exposées
• Les femmes divorcées rapportent des taux de
prévalence plus élevés qu’en population générale
• Violence psychologique>v physique>vs ex>v
économique
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Chiffres/ Tunisie
• La sphère intime (mari, fiancé, ami) constitue le premier lieu
dans lequel la femme subit la violence physique.

• de la violence physique dans 21 % des cas (17% gifles, actes


violents non rares) divergence D’opinions, Ensuite les
difficultés économiques la jalousie, l’alcool et enfin l’absence
de raisons

 de la violence psychologique dans 24 %


 de la violence sexuelle dans 15 %
 de la violence économique dans 5% des cas

rapport enquête nationale sur la violence à


l’égard des femmes en Tunisie / ONFP 2010/ 3900 femmes
Chiffres/ Tunisie
• 17% seulement ont porté plainte
• 55% d’entre d’elles déclarent que la violence est un fait
ordinaire qui ne mérite pas qu’on en parle

• Le faible recours aux services officiels témoigne en partie de


l’offre limitée de services et de la méconnaissance des
services existant

• 29 mille plaintes en 7 ans

• 5782 plaintes par an


Législation
• l’article 46 de la Constitution du 26 janvier
2014 énonce que « l’État s’engage à protéger
les droits acquis de la femme et prend les
mesures nécessaires afin d’éradiquer la
violence contre les femmes

• Loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017,


relative à l’élimination de la violence à l’égard
des femmes
• Article 224 (paragraphe 2) - Encourt les mêmes peines prévues
au paragraphe précédent (5 ans), quiconque maltraite
habituellement son conjoint ou une personne dans une
situation de vulnérabilité apparente ou connue par l’auteur, ou
ayant autorité sur la victime.
• Article 224 (bis) - Est puni de six (6) mois à un an
d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars, quiconque
commet à l’encontre de son conjoint une agression répétée
susceptible de porter atteinte à la dignité de la victime, ou sa
considération ou d’altérer sa sécurité physique ou
psychologique par usage de paroles, signaux et acte

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• permet aux femmes de demander au tribunal une
ordonnance de protection contre leurs agresseurs sans même
passer par une plainte au pénal ou une requête en divorce s’il
s’agit de leur mari. Ces ordonnances peuvent, entre autres,
exiger que l’auteur présumé de violences quitte le domicile ou
qu’il se tienne à distance de la victime et de leurs enfants, ou
encore lui interdire de commettre de nouvelles violences,
d’émettre des menaces, d’endommager les biens de la victime
ou de la contacter
• le retrait de la plainte n'arrête plus les poursuites
• assistance juridique et psychologique aux victimes (article 4 et
13)
• l'âge de la maturité sexuelle a été pour sa part élevé à 16 ans
au lieu de 13 ans.
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• Il modifie également le très controversé article 227 bis du
Code pénal, supprimant la disposition qui prévoit l'abandon
des poursuites contre l'auteur d'un acte sexuel "sans
violences" avec une mineure de moins de 15 ans s'il se marie
avec sa victime
• le nouvel article 227 bis, est puni de 6 ans d'emprisonnement
quiconque a des rapports sexuels avec une mineure de moins
de 16 ans avec son consentement.
• Est également puni de 5 ans d'emprisonnement quiconque a
des rapports sexuels avec une fille de plus de 16 ans et de
moins de 18 ans avec son consentement.
• Les peines sont doublées si la personne est de l'entourage
proche ou qu'elle exerce sur elle une influence 11
ASPECTS MEDICO - LEGAUX

Art. 14 - Toute personne, y compris celle tenue au


secret professionnel, doit alerter les autorités compétentes
tout cas de violence au sens de la présente loi, dès qu’elle
en a pris connaissance, l’a observé ou a constaté ses
effets.
Nul ne peut être poursuivi devant les tribunaux pour lancer
de bonne foi l’alerte au sens de la présente loi.

Il est interdit à toute personne de dévoiler l’identité


de celui qui a lancé l’alerte

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DEFINIR LA VIOLENCE
• DIFFERENCE VIOLENCE ET AGRESSIVITE:
– AGRESSIVITE INTERPELLE L’AUTRE
– VIOLENCE DESTRUCTRICE DU LIEN,EFFRACTION
– SCENE DE MENAGE: VIOLENCE OU AGRESSIVITE ?

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DEFINIR LA VIOLENCE
• TYPES DE VIOLENCES qu’on ne voit pas :

– FROIDES:DISQUALIFICATION DE L’AUTRE
(mépris,irrespect) DIGNITE
– MASQUEES: VIOLENCE QUI NE PEUT SE DIRE
(troubles fonctionnels, sexuels)

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TYPES DE VIOLENCE CONJUGALE

VERBALE: PSYCHOLOGIQUE:
1. Langage grossier et 1. Dénigrer, annuler la parole
injuriant du partenaire
2. Critique, humiliant, 2. « Cruauté mentale »:
insultes, interdictions contrôle

SEXUELLE: PHYSIQUE:
1. Rapports sexuels avec 1. Gestes agressifs
violence ou menace (frapper,pousser,secouer)
2. Forcer le partenaire à des 2. Tout contact physique dont
actes ou attitudes le but est de blesser et/ou
sexuelles non désirées de contrôler l’autre
3. Sexualité forcée
4. Ne pas avoir de RS
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Indicateurs d’égalité des genres
• L’éducation/ instruction
• L’autonomie financière
• Possession de moyens de communication et
de mobilité
• Droits sexuels et reproductifs ( possibilité de
choisir le moment de la grossesse, de la
contraception et de l’interruption volontaire
de grossesse)
Indicateurs d’égalité des genres
• Accès à l’information et ouverture sur
l’environnement
• Choix du partenaire
• L’autorité dans la famille, L’obéissance des
femmes à leur mari, le droit des femmes de voir
ses ami(e)s De voyager seule, de sortir Seule,
d'avoir une vie associative, de gérer ses biens, de
refuser des relations Sexuelles avec leur mari
• Perceptions et représentations des femmes
stéréotypes
• Les femmes mettent au monde les enfants, les hommes ne le
font pas.
• Les femmes doivent s’occuper des bébés
• Ne pleure pas, tu n’es pas une fille.
• L’éducation des enfants revient aux femmes.
• Les hommes sont violents, les femmes douces.
• La plupart des hommes politiques dans le monde sont des
hommes. .
• Pourquoi faire des études si tu vas être mère.
• Quelle malchance, c’est une fille.
• Les hommes sont plus intelligents que les femmes.
• Les hommes sont forts, les femmes sont faibles.
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stéréotypes

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stéréotypes

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stéréotypes

22
stéréotypes

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CYCLE DE LA VIOLENCE
refoulement des émotions
frustrations (besoins non exprimes)
( semaines, annees)
PERTE DE CONTRÔLE » /
ACCUMULATION PRISE DE CONTRÔLE
DES TENSIONS REMORDS, CULPABILITE
AUGMENTATION A
DEMANDE DE PARDON EXPLOSION
CHAQUE CYCLE
ESPOIR DE LA PARTENAIRE AGRESSION
AUGMENTATION
A CHAQUE CYCLE

remords, culpabilité
demande de pardon
espoir de la RECONCILIATION
partenaire PARDON REMISSION
DIMINUTION A CHAQUE CYCLE 24
REACTION DE LA VICTIME
• Déni de la responsabilité de l’agresseur
• Innocentent en minimisant la portée du geste
• Culpabilité % a sa propre attitude
• Elle finit par trouver normale, la violence de son conjoint et
finit par croire à sa propre culpabilité.

• Métaphore d’Albert Jacquart :


« Si on plonge la grenouille dans de l’eau bouillante elle se
dégage, mais si l’eau est tiède et progressivement on fait
monter la chaleur elle ne réagit pas et meurt ».
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• L’impuissance acquise ou résignation acquise (concept de
Seligman): les conséquences sont l’apathie et la
résignation (modèle explicatif de la dépression). Avec un
changement progressif de l’idée que les gens se font
d’eux-mêmes.
• Des modifications comportementales :
- Apprentissage de la violence comme soulagement aux
tensions
- Recherche de la récompense par l’apaisement
- Paradoxalement, se plier aux exigences, mêmes
pathologiques du conjoint devient non seulement normal
mais « économique ».

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Des modifications/distorsions cognitives

- inversion de la culpabilité « je n’ai pas su m’y


prendre ! »

- « s’il est violent c’est parce que je m’oppose à son


désir sexuel, c’est moi qui l’ai provoqué ! ».

Ce processus créé toutes les conditions d’une


relation d’emprise, indépendamment de la
personnalité de l’autre.

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CARACTERISTIQUES DE L’HOMME
AGRESSEUR
• Faible estime de lui

• Antécédents de violence familiale

• contrôlant, jaloux, dépendance affective et émotive vis-


à-vis de sa partenaire, peur d’être quitté, la rupture
comme une menace à la sécurité (quelque chose à
l’intérieur de lui se brise = angoisse d’abandon)

• Homme qui règle ses difficultés par la violence

• Conception rigide du rôle de l’homme et de la femme


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CARACTERISTIQUES DE L’HOMME
AGRESSEUR
• Immaturité psychologique générale (dans ses relations
avec les autres, etc.)
• Tendance à utiliser la projection (rendre les autres
responsables)
• Tendance à utiliser l’alcool et la drogue comme moyen de
masquer ses carences
• Sentiment d’impuissance – d’incompétence dans l’intimité
= besoin de contrôle
• Demande à l’autre d’être comme lui (fusionner)
• Tendance à transgresser les interdits (en privé, en société,
au travail). 29
2 TYPES

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Les réactifs Les proactifs
• une victimisation sévère et des • Le maintien de leurs prérogatives et la
expériences d’abandon non crainte de perde le pouvoir de dominer
résolues • Toute tentative de différenciation est
• Acte généralement précédé par le perçue comme une attaque à la
rappel d’une scène d’abus passée légitimité de leurs droits » La
ou récente (neutralise leurs soumission de ceux et de celles qui
capacités cognitives et les plonge partagent leur quotidien est la seule
dans la confusion, la rage ou la attitude tolérée.
culpabilité)→défense légitime. • découle de leur conception de leur
l’impression de reprendre le mandat d’éduquer ceux qui les
contrôle de la relation afin entourent
d’assurer la domination de leur
point de vue.
• violence/drogues/alcool:
stratégies inadéquates pour • Le recours à l’alcool / drogue sert à
retrouver le confort diminuer leurs inhibitions et à justifier
le plaisir que l’agression et la peur des
• L’empathie usuelle envers la victimes leur procurent
victime cède la place à la nécessité
d’éloigner de nouveaux abus. • La violence est intentionnelle,
consciente 31
MODES DE PRESENTATION DE LA
VIOLENCE
• VIOLENCE ACTION • VIOLENCE REACTION
– Réponse a une – Tentative de reprise
blessure, frustration de contrôle
– Punition – Mode
– PRISE DE CONTRÔLE, d’échappement
DE POUVOIR SUR – FAIRE CESSER UN
L’AUTRE ( dangerosité VECU EMOTIONNEL
de l’autre) INGERABLE ( risque
pour son intégrité
mentale)

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Indices de dangerosité, Barbera Hart (1988)

1. Menace de meurtre ou de suicide : danger extrême


2. Fantasmes d’homicide ou de suicide.
3. Accès aux armes.
4. Obsession au sujet de sa partenaire.
5. Isolement de l’agresseur et centralisation de la victime.
6. Rage.
7. Dépression.
8. Drogues et /ou alcool.
9. Crimes de violence antérieurs.
10. Accès à la femme violentée.
11. Séparation récente (Peter Jaffe)
LA VIOLENCE EN CONSULTATION

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Facteur déclencheur de la demande
• Menace de séparation

• Demandeur généralement la victime

• Accord du partenaire qui craint séparation ( période


du repentir)

• Place des enfants?

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PENSER A LA VIOLENCE
(Consultation individuelle)
• Mépris de son corps

• Mépris de soi-même

• Dévalorisation de l’image de soi

• Trouble désir, réactions, évitement

• Honte
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! important
• Déterminer s'il s’agit de violences unilatérales, réciproques
et/ou réactives

• Déterminer s'il s'agit de violences ponctuelles ou répétées,


voire chroniques

• Se représenter le type d’attachements et de relation du


couple (histoire, mythes ,attentes ,...) en fonction de la
personnalité et de l’histoire de chacun (vulnérabilité
individuelles et/ou contextuelles – sociales ,déterminer la
fonction de la violence dans le couple

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PRISE EN CHARGE

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principes de base
1. Il n’existe pas de violence acceptable mais mettre
de la pensée sur ce qui se passe (vécu, mécanisme)
peut permettre de la dépasser
2. Il est nécessaire de créer un espace de sécurité
pour les protagonistes
3. Importance d’un réseau

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Intervenants sociaux ( assistantes
sociales, associations, groupes de
parole…)
Détection des situations de violence
conjugales
Accueil et écoute des victimes
Accompagnement dans les
démarches
Orientation

Médecins Police/gendarmerie
Soins -Intervention
Certificats Victime -Recueil de la plainte
médicaux
-Enregistrement de la
main courante
Psychologues ou -Procès verbal de
psychiatres renseignement judiciaire
Soutien et écoute Justice
Enregistrement de la plainte
écrite déposée auprès du
Procureur de la République
Direction de l’enquête et
poursuites éventuelles
Prise en charge: violence action

1. La thérapie de couple est en premier lieu une


protection de la « victime »
2. Comment la victime peut rassurer l’agresseur sans « se
perdre » ?
3. Mettre un espace individuel
4. Ne peut pas se concevoir sans thérapie individuelle de
« l’agresseur »

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prise en charge: violence réaction

1. Permettre la verbalisation de la tension

2. Comprendre les scenarios relationnels et


autoriser des positions de repli

3. Eventuellement faire travailler « l’agresseur »


sur son émotionnel

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Prise en charge
1. Refuser les interprétations sur les intentions de
l’autre.

2. Accepter la souffrance de l’agresseur.

3. Prendre en compte les éléments dépressifs.

4. Evoquer la dangerosité réelle et imaginaire

5. Restituer les éléments émotionnels

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Pronostic ?
1. Fonction de la pathologie individuelle

2. Capacité a entendre/reconnaître l’autre

3. Possibilité d’espace personnel

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• Aujourd’hui la question de la VBG a
commencé à figurer parmi les préoccupations
internationales et les gouvernements sont
invités à mettre au point des stratégies et des
plans d’action

• Malgré le fait que la Tunisie soit pionnière en


matière de droits des femmes, un long chemin
reste à parcourir afin de garantir le respect
total de ses droits
ASSOCIATIONS
• l’AFTURD -Association des Femmes Tunisienne pour la
Recherche sur le Développement
• JAMAITY Association Femme et Citoyenneté
• L’ATFD association tunisienne des femmes démocrates
• BAYTI
• Un nouveau numéro vert a été mis à la disposition des
femmes victimes de violence par le ministère de la
Femme, de la Famille et de l’Enfance: 1899

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• http://ecvf.online.fr/ (Elu-es contre la violence
faite aux femmes)
• http://www.sosfemmes.com/
• http://www.fnacav.fr/ (Fédération Nationale
des Associations et des Centres de prise en charge d'Auteurs
de Violences conjugales et familiales)

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