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LA NOUVELLE CONSTITUTION MAROCAINE DU 29 JUILLET 2011

Omar Bendourou

Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel »

2012/3 n° 91 | pages 511 à 535


ISSN 1151-2385
ISBN 9782130593881
DOI 10.3917/rfdc.091.0511
Article disponible en ligne à l'adresse :
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La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011

OMAR BENDOUROU

La question de la révision constitutionnelle s’est posée dès l’accession


au trône du roi Mohammed VI. Plusieurs observateurs s’accordaient pour
créditer le nouveau souverain de préjugés favorables : il fut aussitôt consi-
déré comme proche du peuple, voire démocrate, ce qui a rapidement
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nourri l’espoir de le voir emprunter la voie suivie par le roi d’Espagne
Juan Carlos en vue de préparer les conditions nécessaires à la transition
démocratique. C’est la raison pour laquelle une révision constitutionnelle
qui adopterait une monarchie constitutionnelle ou parlementaire était
très envisageable. Toutefois, la pratique constitutionnelle du nouveau roi,
comparable à celle de son père, et son recours fréquent à l’article 19 (de la
précédente Constitution) pour se soustraire à la Constitution1 ont conduit
plusieurs partis politiques et associations de défense des droits de
l’homme à réclamer un nouveau texte constitutionnel qui satisfait aux
exigences des temps modernes et permet l’établissement de la démocratie
et de l’État de droit. Il a fallu attendre les soulèvements populaires et les
mutations qu’ont connues certains pays arabes (Tunisie, Égypte, Yémen,
Libye) et la naissance au Maroc du Mouvement du 20 février pour que le
roi décide de réviser le texte constitutionnel. Ce mouvement, issu de la
jeunesse marocaine connectée sur les réseaux sociaux, regroupe de jeunes
militants ayant ou non une affiliation politique ou associative, dont la
démarche consiste à agir en dehors des structures partisanes en recourant
à des manifestations pacifiques et en revendiquant un certain nombre de

O. Bendourou, professeur à la faculté de droit de Souissi-Rabat.


1. L’article 19 énonce : « Le Roi, Amir Al Mouminine, Représentant Suprême de la
Nation, Symbole de son unité, Garant de la pérennité et de la continuité de l’État, veille au
respect de l’Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et libertés des
citoyens, groupes sociaux et collectivités. Il garantit l’indépendance de la Nation et l’inté-
grité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques. »

Revue française de Droit constitutionnel, 91, 2012


512 Omar Bendourou

réformes. Parmi les slogans brandis par ce mouvement figurent : l’éta-


blissement de la monarchie parlementaire, la lutte contre la corruption, le
népotisme et le clientélisme, la fin de l’impunité, la répartition équitable
des richesses du pays, la réclamation des droits économiques et sociaux
(droit à la santé, au travail, au logement, etc.), la séparation entre le pou-
voir et les affaires, le départ de certains responsables coupables de viola-
tions graves des droits de l’homme ou de gaspillage de fonds publics, etc.
Le mouvement du 20 février a été soutenu par plusieurs partis poli-
tiques, notamment par des partis de gauche tels que le Pari socialiste
unifié (PSU), le Parti d’avant-garde démocratique socialiste (PADS), le
Congrès national Ittahadi (CNI), Ennahj démocrati, etc. Si les partis
gouvernementaux n’ont pas appuyé ce mouvement, certains de leurs
membres influents ont décidé de lui apporter leur soutien comme c’est
le cas de certains membres l’Union socialiste des forces populaires
(USFP) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS). Le principal parti
islamiste de l’opposition parlementaire, en l’occurrence le Parti de la jus-
tice et du développement (PJD) n’a pas soutenu le mouvement, mais des
membres de son secrétariat national l’ont appuyé comme Mustapha
Ramid ou encore Abdelali Hamieddine, qui ont participé à des manifes-
tations organisées par le Mouvement. En somme, ce mouvement de
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contestation a été jugé tellement important que le roi a dû répondre à
ses revendications par une promesse de réformes constitutionnelles.
Ainsi, dans son discours du 9 mars 2011, le souverain exprime sa
volonté de procéder à l’élaboration d’un nouveau texte constitutionnel et
de confier cette mission à une commission consultative composée de
17 membres. Cette commission, formée de membres nommés par le roi
est principalement composée de juristes, d’économistes et de socio-
logues. Le discours royal du 9 mars 2011 n’a cependant pas rassuré les
contestataires du Mouvement du 20 février, les partis d’opposition de
gauche ainsi que plusieurs associations de défense des droits de l’homme.
Par ailleurs, la composition de la commission consultative de la révision
constitutionnelle a été critiquée par l’opposition et par le Mouvement du
20 février qui lui ont reproché de regrouper en son sein des constitu-
tionnalistes conservateurs et des personnalités acquises à la cause au pou-
voir, ce qui, à leurs yeux, ne présageait pas une orientation vers des
réformes radicales comme l’exigeait le Mouvement du 20 février.
Pour cette raison, le mouvement avait maintenu sa mobilisation et
continué à manifester pacifiquement avec pour objectif d’exercer des
pressions sur le pouvoir. Les craintes du mouvement vont s’avérer fon-
dées après la remise du projet de constitution et son acceptation défini-
tive par le roi qui, dans son discours du 17 juin 2011, a fixé le 1er juillet
suivant comme date du référendum constitutionnel.
Tous les partis gouvernementaux ainsi que ceux qui leur sont proches
ont prôné le « oui ». Il en est de même du principal parti islamiste de
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 513

l’opposition, le PJD. Quant aux partis de gauche, regroupés sous l’ap-


pellation « Alliance de la gauche démocratique » qui réunit le PSU, le
PADS et le CNI, ainsi qu’Ennahj démocratique et la Confédération
démocratique du travail (CDT), ils ont appelé au boycottage du référen-
dum. Ces partis ont estimé que le texte ne répondait pas aux attentes et
revendications du Mouvement du 20 février ainsi qu’à leurs programmes
qui prévoient une monarchie parlementaire. Si la campagne référendaire
a permis, pour la première fois, l’accès des partis de l’opposition aux
médias audiovisuels officiels, les autorités ont néanmoins interdit à leurs
représentants d’appeler les citoyens au boycottage, au moment où les
partis qui prônaient le « oui » ont été autorisés à faire campagne en sa
faveur. Par ailleurs, le ministère des Habous et des Affaires islamiques a
mobilisé les imams des mosquées, notamment lors de leurs prêches du
vendredi, pour recommander aux citoyens de voter « oui ».
La nouvelle Constitution, qui a été adoptée le 1er juillet 2011 à
98,5 % des suffrages, ne sera promulguée que le 29 juillet suivant2. Il
s’agit d’un texte beaucoup plus long que les constitutions précédentes. Il
se compose en effet de 180 articles, sachant que le texte de 1996 en
comptait 108.
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La longueur du texte est à imputer à une abondance de détails inha-
bituels aux textes constitutionnels modernes et parfois préjudiciables à la
cohérence et à la pertinence des formulations, ce qui entrave l’appréhen-
sion de certains principes.
On relève ainsi des ambiguïtés tant au niveau des droits et libertés
proclamés qu’au niveau de la détermination des compétences de cer-
taines institutions constitutionnelles, si bien que le texte a dû être
amendé la veille du référendum sans que les citoyens n’en soient infor-
més. En effet, le Bulletin officiel du 30 juin 20113, qui n’a été distribué
qu’une semaine après, soit après le déroulement du référendum, fait réfé-
rence à un dahir daté du 17 juin portant modification du texte constitu-
tionnel amendant les articles 42, 55 et 132 de la Constitution4. Par
ailleurs, le texte prévoit un nombre impressionnant de conseils couvrant
pratiquement tous les domaines socioéconomiques et dont l’organisation
et les compétences demeurent très imprécises.

2. Dahir n° 1-11-91 du 29 juillet 2011, BO n° 5964 du 30 juillet 2011, p. 1902.


3. Dahir n° 01-11-82 du 17 juin 2011, BO n° 5956 bis du 30 juin 2011.
4. Il s’agit essentiellement des actes du roi qui ne sont pas soumis au contreseing du chef
du gouvernement (art. 42 de la Constitution). Le texte initial prévoyait le contreseing de ce
dernier pour la nomination du président de la Cour constitutionnelle. Désormais, cet acte
du souverain n’est plus soumis à cette procédure.
514 Omar Bendourou

I – DROITS DE L’HOMME ET ÉTAT DE DROIT

Nous exposons les libertés et les droits proclamés avant d’examiner


leurs limites.

A – PROCLAMATION DES DROITS

La nouvelle Constitution énonce une longue liste de droits et de liber-


tés, couvrant 22 articles (articles 19-40), regroupés sous le titre II de la
Constitution, en plus de quelques articles figurant dans le titre Ier. La plu-
part de ces droits et libertés sont prévus par les conventions internatio-
nales relatives aux droits de l’homme, ratifiées par le Maroc, comme le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte inter-
national relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. C’est le cas
du droit à la sûreté, de la légalité des peines et des infractions, du droit
au procès équitable, de l’inviolabilité du domicile, de l’interdiction de la
torture et des traitements inhumains et dégradants, de la liberté d’aller et
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de venir, de la liberté de pensée, d’opinion et d’expression, du droit à la
santé, au travail, au logement, à l’éducation, etc. L’égalité entre hommes
et femmes est également affirmée dans les différents domaines écono-
miques, sociaux, civils et politiques. Les droits et les libertés politiques et
publics sont également proclamés. Ainsi, sont énoncées les libertés de
réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d’association et
d’appartenance syndicale et politique. Le droit d’accéder à l’information
détenue par l’administration publique. La liberté de la presse est affirmée
en interdisant toute forme de censure préalable. Il en est de même du
droit d’exprimer et de diffuser les informations, les idées et les opinions.
Un traitement particulier est réservé aux partis politiques et aux
associations. Les dispositions qui leur sont afférentes sont prévues dans
des articles 7, 8, 9, et 12.
Les articles 7 à 12 consacrent la liberté de constitution des partis
politiques – en interdisant le parti unique –, des syndicats, des associa-
tions de la société civile et des organisations non gouvernementales en
prévoyant un statut particulier à l’opposition parlementaire. Les
articles 9 et 12 interdisent leur suspension ou leur dissolution par voie
administrative.

B – PORTÉE DES DROITS CONSTITUTIONNELS

Si le roi a répondu à plusieurs revendications des associations des


droits de l’homme et des partis de l’opposition en proclamant une liste
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importante des droits et libertés, des interrogations subsistent toutefois


quant à leur effectivité. Si le Préambule des Constitutions de 1992
et 1996 a affirmé « l’attachement du Maroc aux droits de l’homme tels
qu’ils sont universellement reconnus », il n’a pas été accompagné de
mesures législatives rendant possibles son application. Nous avons déjà
posé cette problématique lors de l’analyse de la Constitution de 19925 en
insistant sur les conditions de la mise en œuvre du Préambule, en l’oc-
currence la nécessité d’adapter la législation nationale au droit interna-
tional des droits de l’homme et d’autoriser la justice à contrôler sa
conformité avec les normes internationales. Or, non seulement le Préam-
bule n’est, hélas, resté qu’une simple déclaration, mais, plus préoccupant
encore, certaines lois, dont la loi sur les partis politiques6 et la loi dite
anti-terroriste7, ont été révisées dans le sens de la restriction des libertés,
ce qui les met en flagrante contradiction avec les conventions internatio-
nales relatives aux droits de l’homme, tel que le Pacte international rela-
tif aux droits civils et politiques ratifié par le Maroc en 1979. Même le
Conseil constitutionnel n’a pas saisi l’opportunité qui lui était présentée
en 1994 lors de l’examen de la loi relative à l’installation des stations
terriennes de réception (liberté d’information) pour confirmer le carac-
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tère juridique et non déclaratif du Préambule8. La décision rendue revêt
un caractère plus politique que constitutionnel à imputer à la composi-
tion de ce conseil et à sa dépendance à l’égard du pouvoir politique9. La
même formulation a été maintenue dans le Préambule du texte actuel,
qui affirme explicitement la primauté des conventions internationales
ratifiées sur le droit interne. Celle-ci renferme cependant une ambiguïté,
voire une contradiction. Il faut, à cet effet, se saisir du très long Préam-
bule de la Constitution (quatorze alinéas) qui souligne, dans le treizième
alinéa, que le Maroc s’engage à « accorder aux conventions internatio-
nales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la
Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité
nationale immuable et, dès la publication de ces conventions, la pri-
mauté sur le droit interne du pays et harmoniser en conséquence les dis-
positions pertinentes de sa législation nationale ». Il faut déduire de
cette disposition que la ratification et l’effectivité des conventions inter-
nationales ne peuvent se concevoir que dans la mesure où elles respectent
l’identité nationale qui est sujette à confusion. On peut, à titre

5. O. Bendourou, « La Révision constitutionnelle marocaine de 1992 », Revue de droit


public, 1993.
6. Voir O. Bendourou, « La Loi marocaine relative aux partis politiques », Année du
Maghreb, CNRS, Paris, 2006.
7. Voir O. Bendourou, Libertés publiques et État de droit au Maroc, collection Droit public,
Friedrich Ebert, Rabat, 2004.
8. Voir O. Bendourou, « La Justice constitutionnelle au Maroc », Revue de droit public,
1998.
9. Idem.
516 Omar Bendourou

d’exemple, souligner que les conventions internationales qui sont en


contradiction avec l’islam, qui constitue l’une de ses composantes essen-
tielles, n’ont pas leur place dans le droit interne. On songe particulière-
ment à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimi-
nation à l’égard des femmes, adoptée en 1979 et ratifiée par le Maroc
avec des réserves liées au droit musulman, notamment sur la question de
l’héritage. Dans ce sillage, on peut également relever dans la nouvelle
Constitution (art. 19) une contradiction frappante entre la proclamation
de l’égalité entre hommes et femmes dans l’exercice des droits civils et la
disposition qui exige leur comptabilité avec les « constantes et les lois
du Royaume ». Par ailleurs, le Code civil marocain, notamment le Code
de la famille prévoit toujours des discriminations à caractère religieux
pour les non-musulmans du fait qu’il leur est interdit d’hériter de
musulmans.
D’autres dispositions contradictoires coexistent dans les domaines
des droits et des libertés comme celles relatives aux partis politiques.
L’article 7 de la Constitution reconnaît la liberté de leur constitution et
de leurs activités dans le respect certes de la Constitution mais aussi de
la loi. Or, l’actuelle loi relative aux partis politiques est restrictive puis-
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qu’elle soumet leur constitution à une autorisation préalable10. Il faut
certes admettre que l’organisation et les objectifs des partis politiques
doivent être conformes aux principes démocratiques, mais comment
interpréter que les partis « ne peuvent avoir pour but de porter atteinte
à la religion musulmane, au régime monarchique, à l’unité nationale et
l’intégrité territoriale du Royaume », comme le précise l’article 7 de la
Constitution ? Ces notions vagues et imprécises qui figurent pareille-
ment dans le Code des libertés publiques ont été utilisées par la justice
dans plusieurs procès contre la presse pour justifier la suspension ou l’in-
terdiction de journaux et la condamnation de journalistes11. Par consé-
quent, les interprétations deviennent aussi multiples que variées et
ouvrent la voie à l’interdiction des partis qui débattraient, par exemple,
des pouvoirs étendus du roi ou qui discuteraient de la place de l’Islam
dans l’État et de son rôle dans la légitimation du pouvoir monarchique.
La persistance de ces notions constitue une réelle entrave aux activi-
tés des partis politiques dans la mesure où la justice au Maroc ne dispose
pas encore de sa pleine indépendance vis-à-vis du pouvoir politique12.

10. Voir O. Bendourou, « La Loi marocaine relative aux partis politiques », op. cit.
11. Voir O. Bendourou, Libertés publiques et État de droit au Maroc, op. cit.
12. Comme l’a reconnu l’ancien ministre de la Justice M. O. Azziman le 5 avril 1999, au
cours d’un dîner-débat organisé par l’USFP à Casablanca, la justice, au Maroc, souffre de
plusieurs maux, dont la corruption, les malversations, etc. Ledit ministre a en outre évoqué
la situation des juges et présidents de tribunaux, « qui sont toujours en attente des instruc-
tions, ce qui laisse la justice repliée sur elle-même et impuissante à évoluer ». Voir Maroc-
Hebdo, 9/15 avril 1999.
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 517

Plusieurs enquêtes menées par Transparency-Maroc désignent la justice


comme étant l’un des secteurs le plus corrompu du pays13.

II – RÉORGANISATION DES POUVOIRS

Si le Maroc a connu depuis son indépendance six constitutions, c’est


la nouvelle constitution du 29 juillet 2011, qui va prévoir le principe de
la séparation des pouvoirs. En effet, l’alinéa 2 de l’article 1er énonce : « Le
régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équi-
libre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie
citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la
corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. » Cet ali-
néa doit être rattaché à l’alinéa 1er du même article qui affirme : « Le
Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire
et sociale. » On constate que l’article 1er fait allusion au régime parle-
mentaire et à celui de la séparation des pouvoirs. Peut-on aller jusqu’à
conclure que cette innovation traduit dans le texte ce qui est appelé
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monarchie constitutionnelle ? Si l’on se réfère à la doctrine constitution-
nelle, une monarchie constitutionnelle est un régime dans lequel le roi
règne mais ne gouverne pas, ce qui correspond particulièrement aux
monarchies européennes. Or, au Maroc, le nouveau texte constitutionnel
a conservé au roi ses principales compétences prévues par les anciens
textes constitutionnels. Autrement dit, le nouveau texte a consacré la
suprématie royale sur l’ensemble des institutions, ce qui réduit, en
bonne logique, le rôle et la place du gouvernement, du Parlement et de
la justice dans le régime constitutionnel.

A – LA SUPRÉMATIE DE L’INSTITUTION ROYALE

Le nouveau texte constitutionnel a réaménagé les compétences des


différentes institutions sans affecter pour autant le statut du roi, qui
continue d’occuper une place prépondérante dans le régime politique
dont il demeure la clé de voûte. En vertu des articles 41 et 42, le statut
du roi se voit non seulement préservé, mais renforcé. Ainsi, l’article 41
proclame le roi, comme auparavant, commandeur des croyants et lui
assigne comme tâche l’encadrement du champ religieux et la présidence
du conseil supérieur des oulémas, qui devient une institution constitu-
tionnelle. En vertu du nouvel article 42, le roi se voit confier la fonction
13. Transparency Maroc, « La Corruption au Maroc », Synthèse des résultats des enquêtes d’in-
tégrité, 2005 (75 p.).
518 Omar Bendourou

de chef de l’État, son représentant suprême et l’arbitre suprême entre les


institutions. Dans l’exercice de ces missions, le roi assure plusieurs fonc-
tions explicitées dans ledit article : « Le Roi, chef de l’État, son Repré-
sentant suprême, symbole de l’unité de la Nation, garant de la pérennité
et de la continuité de l’État et Arbitre suprême entre ses institutions,
veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institu-
tions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des
droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au
respect des engagements internationaux du Royaume. Il est le garant de
l’indépendance du Royaume et de son intégrité territoriale dans ses fron-
tières authentiques. » En outre, le roi reste, comme dans le passé, chef
suprême des Forces armées royales. Il nomme aux emplois militaires (art.
53) et préside le Conseil supérieur de sécurité, qui est une instance de
concertation sur les stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays
et sur la gestion des situations de crise (art. 54).
Les articles 41 et 42 suscitent une problématique quant à l’interpré-
tation que l’on serait tenté de donner aux fonctions du roi. Par le passé,
l’article 19 qui figurait dans les cinq constitutions et qui proclamait le
roi commandeur des croyants a été considéré comme une constitution
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dans la Constitution dans la mesure où il permettait au roi d’agir non
pas comme un pouvoir constitué, mais comme un pouvoir suprême
auquel tous les autres pouvoirs sont rattachés. De ce fait, il s’autorisait à
exercer tantôt les compétences constitutionnelles dévolues au Premier
ministre tantôt celles accordées au Parlement.
Il faut toutefois noter que l’alinéa 3 du nouvel article 42, précise que
« le Roi exerce ces missions par dahirs en vertu des pouvoirs qui lui sont
expressément dévolus par la présente Constitution ». Juridiquement, le
roi est tenu de se conformer au texte constitutionnel. Mais malheureuse-
ment, le même principe était prévu dans la Constitution de 1996 sans
que le roi ne se tienne aux termes de la loi suprême14. Il paraît donc dif-
ficile de crédibiliser cette affirmation étant donné l’ambiguïté des dispo-
sitions de l’article 42 qui ouvrent la voie à des interprétations suscep-
tibles de conférer au roi, comme auparavant, de larges compétences.
Cette crainte est d’autant plus justifiée étant donné l’absence de disposi-
tion constitutionnelle prévoyant le contrôle de la constitutionnalité des
actes royaux. Il faut, à cet effet, s’interroger sur le titre de « représentant
suprême de l’État ». Cela signifie-t-il que le roi est au-dessus des insti-
tutions et même des citoyens, ce qui fait ressortir une contradiction avec
la démocratie-citoyenne telle qu’énoncée dans l’article premier de la
Constitution ? Pareillement, quel sens donner à l’expression « veille… à
la protection du choix démocratique » ? S’agit-il de la démocratie telle

14. L’article 29 de la Constitution de 1996 précise : « Le Roi exerce par dahir les pou-
voirs qui lui sont expressément réservés par la constitution. »
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 519

qu’elle est universellement reconnue ou d’une démocratie spécifique


façonnée par le pouvoir suprême ? Sera-t-on encore une fois face à un
modèle de démocratie dite « mohammadienne » (en référence à Moham-
med VI) à l’instar de la démocratie dite « hassanienne » qui a été
l’œuvre du roi Hassan II et qui a institué un pouvoir quasi-absolu ?
Comment interpréter que le roi est « Arbitre suprême entre les institu-
tions » ? Il est admis que l’arbitrage en régime parlementaire est lié au
principe de la neutralité. Ce principe implique que l’arbitre soit à l’exté-
rieur du jeu politique et qu’il joue le rôle de régulation15… Tel n’est pas le
cas, car au Maroc, le roi règne et gouverne et assume un rôle d’un arbitre
suprême et non ordinaire. Si en France sous la IIIe et la IVe République, le
chef de l’État jouait le rôle d’arbitre, selon les principes du régime parle-
mentaire, sous la Ve République, son statut est passé à celui de guide et
d’arbitre lorsque la majorité présidentielle coïncidait avec la majorité par-
lementaire16. Le rôle d’arbitre sous la Ve République est celui de déci-
deur17. Cette situation provient de son mode d’élection puisqu’il est élu au
suffrage universel direct. Au Maroc, la situation du roi est plus confortable
que celle du président de la République en France, même si leur mode de
désignation est différent puisque le roi accède, bien entendu, au pouvoir
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par hérédité. Dans quelle situation faut-il donc interpréter la formule
« arbitre suprême » ? Si l’on se réfère à la pratique royale, il est fort pro-
bable que le roi l’interprète comme étant une qualité qui lui conférerait
une place au-dessus des institutions et l’autoriserait à décider dans des
conflits et des choix qui déterminent l’avenir de la nation (infra).
Il ne serait pas faux d’affirmer que les articles 41 et 42 ont renforcé
les compétences du roi et l’ont doté d’instruments stratégiques lui per-
mettant d’exercer de très larges compétences. En outre, le roi peut, en
vertu de l’article 59 de la Constitution, proclamer l’état d’exception :
« Lorsque l’intégrité du territoire national est menacée ou que se pro-
duisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des
institutions constitutionnelles… » Seules des conditions de forme impo-
sent au roi la consultation du chef du Gouvernement, du président de la
Chambre des représentants, du président de la Chambre des conseillers,
du président de la Cour constitutionnelle et d’adresser un message à la
nation. L’état d’exception habilite le roi à « prendre les mesures qu’im-
posent la défense de l’intégrité territoriale et le retour, dans un moindre
délai, au fonctionnement normal des institutions constitutionnelles ».
Si l’état d’exception n’entraîne pas la dissolution du Parlement, il
n’en demeure pas moins que le roi devient législateur et chef du
Gouvernement.

15. Voir O. Duhamel et Y. Mény, Dictionnaire constitutionnel, Puf, 1992, pp. 40-41.
16. Idem.
17. J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, 2002, p. 547.
520 Omar Bendourou

B – LA SUBORDINATION DU GOUVERNEMENT

La nouvelle Constitution ne fait pas du gouvernement un organe


autonome tant au niveau de la procédure de nomination et de révocation
de ses membres qu’au niveau de ses compétences.

1 – La nomination des membres du gouvernement


Le nouveau texte maintient la même procédure de nomination du
gouvernement que celle prévue par la précédente Constitution. Selon
l’article 47, le roi nomme le chef du gouvernement18 et sur proposition
de ce dernier, il nomme les membres du gouvernement. La nouveauté
introduite dans le nouvel article est d’avoir précisé que le roi doit nom-
mer le chef du gouvernement « au sein du parti politique arrivé en tête
des élections des membres de la Chambre des représentants, et au vu de
leurs résultats ». L’article 47 n’est cependant pas exempt d’ambiguïté. Il
impose, en effet, deux conditions à la nomination du chef du gouverne-
ment au sein du parti majoritaire : être majoritaire en nombre de sièges
et au vu des résultats. Que signifie donc « au vu des résultats » ? Est-ce
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à dire que le roi n’est pas obligé de nommer le chef du gouvernement au
sein du parti ayant obtenu le plus de sièges au sein de la chambre basse
s’il n’arrive pas en tête au niveau des suffrages ? Par ailleurs, si un parti
de l’opposition arrive en tête des élections à la Chambre des représen-
tants sera-il quand même nommé par le roi même s’il n’est pas assuré
d’avoir l’appui de la majorité parlementaire ? Les formules utilisées dans
cet article sont de nature à prêter à confusion, le but étant, probable-
ment, d’accorder au roi une grande latitude pour nommer le nouveau
chef du gouvernement. Il faut souligner que les nouvelles dispositions de
l’article 47 résultent des propositions des partis politiques qui souhai-
taient que le chef du gouvernement soit issu d’un parti politique et non
un technocrate, l’idée étant d’empêcher que ne se reproduise l’expérience
de 2002 qui fût à l’époque fortement contestée et abondamment criti-
quée par plusieurs partis, en particulier l’USFP.
Si le roi a favorablement répondu aux revendications des partis, il
s’est visiblement doté d’un pouvoir discrétionnaire, du moins d’arbi-
trage, au cas où un parti arriverait en tête des élections sans l’être en
terme de suffrages. Dans cette éventualité, le titre d’arbitre suprême lui
sera sans aucun doute d’une grande importance pour décider du choix du
chef du gouvernement.
S’agissant de la nomination des membres du gouvernement, l’ar-
ticle 47 a conservé la même procédure que celle prévue auparavant, c’est-

18. Nouvelle dénomination ayant remplacé celle du Premier ministre prévue par les cinq
précédentes constitutions.
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 521

à-dire que le roi nomme les membres du gouvernement sur proposition


du chef du gouvernement. Est-ce aller jusqu’à affirmer que le roi est
obligé de nommer les candidats proposés par le chef du gouvernement ?
Lorsqu’il avait introduit pour la première fois cette procédure dans la
constitution de 1992, le roi Hassan II avait tenu à préciser, dans son dis-
cours VI novembre 1994, qu’il pouvait indéfiniment refuser les candi-
dats présentés par le Premier ministre dans la mesure où aucun article de
la constitution ne l’obligeait à les accepter. Si en théorie la désignation
des ministres résulte d’un accord entre le roi et le chef du gouvernement,
la pratique a montré, aussi bien sous le règne du roi Hassan II que sous
celui de Mohammed VI que ceux-ci se sont réservés la nomination de
certains ministres à la tête des départements ministériels dits « straté-
giques » – ou pour reprendre le jargon journalistique – « ministères de
souveraineté », sans le concours du Premier ministre. Il s’agit essentiel-
lement des ministères de l’Intérieur, de la Défense nationale, des Habous
et Affaires islamiques, de la Justice et du secrétariat général du gouver-
nement. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive ni fermée puisque
le roi peut l’élargir selon les circonstances. Si l’on se réfère aux informa-
tions rapportées par la presse, le Premier ministre, sous le roi Moham-
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med VI, était appelé à proposer au roi une liste de trois candidats pour
chaque poste ministériel. Dans certains cas, le roi a nommé des membres
de partis politiques sans que leurs noms ne figurent sur la liste. Dans de
telles situations, c’est l’entourage royal19 qui joue un rôle déterminant
dans le choix de certains ministres considérés comme proches du palais.
En somme, cette procédure demeure plutôt théorique car dans la pra-
tique, le roi nomme tous les ministres.

2 – La révocation des membres du gouvernement


L’article 47, alinéa 3 et 4 de la Constitution énonce : « Le Roi peut,
à son initiative, et après consultation du chef du Gouvernement, mettre
fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. Le
chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonc-
tions d’un ou de plusieurs membres du Gouvernement. » Si la nouvelle
Constitution accorde toujours au roi le droit de révoquer un ou plusieurs
ministres, elle exige de lui la consultation du chef du gouvernement.
Cette consultation ne lie pas le roi, mais consiste uniquement à tenir au
courant le chef du gouvernement de la volonté royale pour éviter qu’il ne
soit informé, comme par le passé, par l’Agence officielle d’information
« Maghreb Arabe Presse » (MAP). Si pour la première fois la Constitu-
tion permet au chef du gouvernement de solliciter le départ d’un

19. Il s’agit essentiellement des conseillers du roi, du directeur de son secrétariat parti-
culier M. Mohamed Mounir Majidi et de son ami d’école M. Fouad Ali El Himma.
522 Omar Bendourou

membre du gouvernement, le roi n’est pas pour autant tenu d’accéder à


sa demande. La nouveauté du nouveau texte constitutionnel est de ne pas
avoir prévu la révocation du chef du gouvernement. Le roi ne peut donc
le destituer et mettre un terme à ses fonctions que sur présentation de sa
démission. Est-ce que cette disposition est susceptible d’assurer la stabi-
lité du gouvernement ? Il semble difficile de répondre par l’affirmative
puisque le roi peut déstabiliser le gouvernement en révoquant l’en-
semble des membres du gouvernement à l’exception bien entendu du
chef du gouvernement. Ce dernier ne peut assurer la gestion des affaires
publiques que s’il bénéficie de la stabilité de son gouvernement.

3 – Les compétences du gouvernement


La nouvelle Constitution a incontestablement renforcé les compé-
tences du gouvernement sans toutefois lui permettre de les exercer indé-
pendamment du roi. On distingue à ce propos les compétences tradi-
tionnelles et les nouvelles compétences quasi-indépendantes ou partagées
avec le roi.
a) Les compétences traditionnelles du gouvernement
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Ce sont des compétences qui sont dévolues au gouvernement par les
anciennes constitutions et qui sont prévues dans l’article 89 du nouveau
texte. Il s’agit de la mise en œuvre du programme gouvernemental, de la
direction de l’administration, de l’application de la loi et de la supervi-
sion de l’action des entreprises et établissements publics. Si l’on se réfère
à l’article 96 de la Constitution de 1996, on constate qu’il énonçait que
« sous la responsabilité du Premier ministre, le Gouvernement assure
l’exécution des lois et dispose de l’administration ».
Il paraît à première vue que l’article 89 de la nouvelle Constitution a
ajouté des attributions supplémentaires. Or, ces compétences faisaient
déjà partie du domaine gouvernemental puisqu’elles étaient liées soit au
pouvoir réglementaire dévolu au Premier ministre soit aux textes qui
accordent aux ministres la supervision et la tutelle sur les établissements
publics.
b) Les compétences quasi-indépendantes ou partagées
La nouvelle Constitution a accordé au chef du gouvernement un cer-
tain nombre de compétences autonomes dont il était dépourvu dans le
passé. Il s’agit des nominations des responsables tels que les secrétaires
généraux et les directeurs centraux des administrations publiques, des
présidents d’universités, des doyens et des directeurs des écoles et insti-
tuts supérieurs. Ces nominations sont arrêtées en conseil du gouverne-
ment. L’article 92 précise que les critères de nomination à ces fonctions
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 523

seront déterminés par une loi organique et qui doivent prendre en consi-
dération l’égalité des chances, le mérite, la compétence et la transpa-
rence. L’attribution de ces nouvelles compétences au chef du Gouverne-
ment est considérée comme une innovation importante puisqu’elle
facilite les missions des ministres en leur permettant d’encadrer les poli-
tiques sectorielles et de coordonner leurs actions avec des responsables
travaillant sous leur direction. Cette mesure novatrice devrait mettre un
terme aux relations parfois conflictuelles entre les ministres, les secré-
taires généraux et les directeurs centraux des administrations publiques.
En effet, ces deux derniers étant, dans le passé, nommés par dahir, se pré-
valaient de cet acte dont ils se servaient comme couverture pour entrer
en conflit avec les ministres, voire appliquer des politiques différentes
sinon contraires à celle du gouvernement. Étant nommés par dahirs, ces
hauts fonctionnaires ne pouvaient être révoqués que par le roi.
Parmi les nouvelles compétences autonomes, on peut citer les projets
de décrets réglementaires et les projets de lois qui sont désormais déli-
bérés uniquement en conseil du gouvernement. Toutefois, les projets de
loi relatifs aux droits et libertés fondamentales et les projets de décrets
pris dans le cadre de la loi d’habilitation législative (l’article 70) restent
soumis au conseil des ministres. S’agissant du projet de loi des finances,
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ils ne peuvent être soumis à délibération en Conseil de gouvernement
qu’après que ses orientations générales aient été acceptées en Conseil des
ministres (art. 49 Cst), ce qui réduit la marge de manœuvre du gouver-
nement. Il faut souligner que la nouvelle Constitution a prévu deux ins-
tances de décisions : le conseil des ministres présidé par le roi et le
Conseil du gouvernement présidé par le chef du gouvernement. Les
anciens textes constitutionnels n’avaient envisagé que le Conseil des
ministres.
Peut-on conclure que ces nouvelles compétences permettent au gou-
vernement de gouverner ? Nous avons déjà expliqué la problématique
posée par le processus de nomination et de révocation des membres du
gouvernement. S’agissant du programme gouvernemental, il faut se réfé-
rer au 1er alinéa de l’article 88 de la Constitution qui énonce : « Après la
désignation des membres du gouvernement par le Roi, le chef du Gou-
vernement présente et expose devant les deux Chambres du Parlement
réunies, le programme qu’il compte appliquer. » Est-ce que cette dispo-
sition permet au gouvernement qui sera issu de la majorité parlemen-
taire d’élaborer son programme en toute liberté ?
En s’appuyant sur l’article 88, indépendamment des autres disposi-
tions de la Constitution, on serait tenté de répondre par l’affirmative. En
effet, le chef du gouvernement appartient au parti ayant obtenu le plus
de sièges au sein de la Chambre des représentants et le gouvernement
constitué est issu de la majorité parlementaire. Si l’on se rapporte cepen-
dant à l’article 92 de la Constitution, on constate qu’il précise que « le
524 Omar Bendourou

Conseil du Gouvernement délibère… sur la politique générale de l’État


avant sa présentation en Conseil des ministres ». Il en résulte que le pro-
gramme gouvernemental, qui est l’expression de la politique générale de
l’État, doit être directement ou indirectement délibéré en Conseil des
ministres qui est présidé par le roi. La nécessité d’obtenir l’accord du roi
pour la définition du programme gouvernemental constitue une entorse
à la règle démocratique. Le Gouvernement issu de la majorité parlemen-
taire ne peut appliquer le programme sur lequel il a reçu la confiance des
électeurs, mais un autre programme négocié avec le roi.
Il n’y a donc pas d’autonomie du gouvernement dans la détermina-
tion du programme gouvernemental, d’autant plus que l’article 49 de la
Constitution prévoit que le conseil des ministres délibère des orienta-
tions stratégiques de la politique l’État. Le programme général de l’État
sera bel et bien déterminé par le roi qui préside le conseil des ministres
et qui est le chef réel de l’exécutif. D’où l’inquiétude de voir certaines
compétences propres du gouvernement transférées au conseil des
ministres au cas où elles seraient interprétées comme faisant partie des
orientations stratégiques de la politique de l’État. Cela concernerait les
projets de loi ou même des décrets réglementaires qui régulent certains
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secteurs comme l’enseignement, la santé, etc. Le risque d’assister à la
limitation des compétences du gouvernement est bien réel ; le gouverne-
ment serait alors réduit à un simple instrument de l’application de la
politique royale.
En somme, le gouvernement ne dispose pas d’une réelle autonomie à
l’égard du roi aussi bien au niveau de son statut qu’au niveau de ses
compétences. À cela s’ajoutent les compétences que détient le roi en
vertu de l’article 59 relatif à l’état d’exception qui lui permettent de
mettre en veilleuse le gouvernement et d’exercer indéfiniment la totalité
du pouvoir exécutif puisque l’article 59 ne limite pas la durée de l’état
d’exception20.

III – LA SUBORDINATION DU PARLEMENT

Nous examinerons successivement les nouvelles dispositions consti-


tutionnelles relatives au parlement et leurs limites.

20. En juin 1965, en vertu de l’article 35 de la Constitution de 1962, le roi Hassan II


avait proclamé l’état d’exception pendant cinq ans (1965-1970).
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 525

A – LES INNOVATIONS CONSTITUTIONNELLES

Elles portent sur le statut du parlementaire, l’organisation du parle-


ment et ses compétences

1 – Le statut du parlementaire
L’une des innovations importantes de la nouvelle Constitution est
relative à l’immunité parlementaire. Auparavant, le parlementaire ne
pouvait être « poursuivi ou arrêté pour crimes ou délits, autres que ceux
indiqués à l’alinéa précédent, qu’avec l’autorisation de la Chambre à
laquelle il appartient, sauf dans le cas de flagrant délit, de poursuites
autorisées ou de condamnation définitive », soulignait l’article 39 de la
Constitution de 1996 qui ajoutait : « Aucun membre du Parlement ne
peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de la
Chambre à laquelle il appartient, sauf dans le cas de flagrant délit, de
poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la
poursuite d’un membre du Parlement est suspendue si la chambre à
laquelle il appartient le requiert, sauf dans le cas de flagrant délit, de
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poursuites autorisées ou de condamnation définitive. » La disposition
relative à immunité parlementaire a conforté plusieurs parlementaires
pour commettre des actes illégaux et échapper aux poursuites. Histori-
quement, un seul cas de levée de l’immunité parlementaire a été enre-
gistré au Maroc21. Toutefois, plusieurs demandes de levée de l’immunité
parlementaire sont parvenues aux deux chambres, sans qu’aucune suite
ne leur ait été donnée. Et pourtant, il s’agit souvent d’affaires dans les-
quelles les parlementaires sont impliqués : créances non honorées, faux
et usage de faux, chèques sans provision, etc.22. En avril 2009, la
Chambre des conseillers est allée même jusqu’à décider la suspension des
poursuites judiciaires à l’encontre du conseiller Youssef Tazi à ladite
chambre, accusé de « complicité dans la dilapidation de deniers
publics », suite à la décision similaire de la commission de la justice, de
la législation et des droits de l’homme à ladite Chambre23. L’attitude des

21. Il concerne M. Mohammed Seghir, député de Taroudant du Mouvement démocrate


social (MDS). Le 23 décembre 1999, la Chambre des représentants avait voté la levée de son
immunité parlementaire pour avoir signé un chèque sans provision.
22. L’hebdomadaire La Vie éco a réalisé une enquête qui dévoile la compromission de plu-
sieurs parlementaires dans différentes affaires (La Vie éco, 20 juin 2003). Le journal a recensé
qu’entre 1998 et 2002, 99 dossiers mettant en cause des parlementaires ont fait l’objet d’en-
quêtes. 51 parlementaires ont été déférés devant les tribunaux. Plusieurs demandes de levée
de l’immunité parlementaire sont parvenues à la Chambre sans que l’on décide de les trans-
férer à la Commission de justice, de législation et des droits de l’homme, habilitée à statuer
sur leur sort.
23. Voir « Al Bayane » du 3 juillet 2008 et du 29 décembre 2008, ainsi que « Al Ahdath
al maghribia » du 10 janvier 2009. La Cour d’appel de Casablanca avait rejeté cette suspen-
sion et la Chambre des conseillers a décidé en avril 2009 la suspension de cette poursuite.
526 Omar Bendourou

parlementaires est manifestement sous-tendue par un sentiment de soli-


darité24 et leur conduite constitue un message d’encouragement indirect
les incitant à invoquer leur immunité parlementaire pour échapper à
l’application de la loi. C’est la raison pour laquelle, la question du dis-
crédit du Parlement et le problème de sa légitimité se sont posés avec
persistance25.
En répondant à la demande de plusieurs associations notamment
Transparency Maroc, la nouvelle Constitution a supprimé l’immunité
parlementaire en cas de poursuite pénale ou civile, mais a maintenu
l’immunité politique sauf dans le cas où le parlementaire exprime une
opinion qui met en cause la forme monarchique de l’État, la religion
musulmane ou constitue une atteinte au respect dû au roi (art. 64).
Par ailleurs, la nouvelle Constitution a renforcé les compétences du
Parlement aussi bien dans le domaine législatif que dans celui du
contrôle politique.

2 – Organisation et pouvoirs du Parlement


Le Parlement demeure bicaméral. Il se compose de la Chambre des
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représentants, élue au suffrage universel direct pour cinq ans et de la
Chambre des conseillers, élue au suffrage indirect pour six ans. La durée
de chaque session parlementaire a été allongée de trois à quatre mois
(art. 65). Le Parlement peut être réuni en session extraordinaire soit par
décret, soit à la demande du tiers des membres de la Chambre des repré-
sentants (au lieu de la majorité absolue de ses membres) ou de la majo-
rité de ceux de la Chambre des conseillers (art. 66). Les sessions extraor-
dinaires du Parlement se tiennent sur la base d’un ordre du jour
déterminé. Lorsque ce dernier est épuisé, la session est close par décret.
a) Renforcement des compétences législatives
La nouvelle Constitution a conservé à la Chambre des représentants
sa prépondérance en matière législative. Plusieurs dispositions ont ren-
forcé les compétences du Parlement. En effet, le domaine de la loi a été
élargi. Font désormais partie de celui-ci l’amnistie, la ratification de cer-
taines conventions internationales comme les traités de paix ou d’union,

24. Le dahir relatif à l’immunité parlementaire prévoit que c’est le procureur général du
roi qui soumet la demande de la levée de l’immunité au ministre de la Justice qui saisit le
président de la chambre parlementaire concernée (art. 2 du Dahir n° 1-04-162 du
4 novembre 2004 portant promulgation de la loi n° 17-01 relative à l’immunité parlemen-
taire, BO n° 5266 du jeudi 18 novembre 2004).
25. Jusqu’en 2009, six cas sont parvenus à la Commission de la justice et de la législation
de la chambre des conseillers. Ils concernent les conseillers suivants : Mohammed Agnou,
Mohammed Zouiki, Abdesslam Slaoui, Mohammed Bouhriz, Abdesslamn Al Arbaiine et El
Mekki Zizi (source : Commission de législation, de la justice et des droits de l’homme).
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 527

ou ceux relatifs à la délimitation des frontières, les traités de commerce


ou ceux engageant les finances de l’État ou dont l’application nécessite
des mesures législatives, ainsi que les traités relatifs aux droits et liber-
tés individuelles ou collectives des citoyennes et des citoyens (art. 55).
Plusieurs matières qui étaient dans le passé exclues du domaine de la loi
en font désormais partie (art. 71).
b) Renforcement des moyens de contrôle politique
La nouvelle Constitution a maintenu les mêmes moyens de contrôle
politique qu’auparavant. Il s’agit des questions orales et écrites, de la
motion de censure, de la question de confiance et des commissions d’en-
quête. Les conseillers et les représentants peuvent poser des questions
orales et écrites auxquelles les ministres doivent répondre dans un délai
de vingt jours (art. 100). La possibilité de demander la constitution de
commissions d’enquête avec un quorum plus souple qu’auparavant c’est-
à-dire un tiers des membres (au lieu de la majorité absolue) leur est éga-
lement accordée. Le nouveau texte a retiré à la chambre des conseillers
les attributions relatives à la mise en jeu de la responsabilité du gouver-
nement tout en lui conservant le droit d’adopter la motion d’interpella-
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tion. Celle-ci doit être présentée par un cinquième au moins des
membres de la Chambre (au lieu d’un tiers, art. 77, Cst 1996) et adop-
tée à la majorité absolue de ses membres. La motion contraint le chef du
gouvernement à se présenter devant ladite chambre dans un délai de six
jours pour s’expliquer sur l’objet de l’interpellation (art. 106). La
réponse du chef du gouvernement est suivie d’un débat sans vote. Quant
à la Chambre des représentants, elle peut mettre en jeu la responsabilité
du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Celle-ci doit être
signée par un cinquième de ses membres (au lieu d’un quart) et adoptée
à la majorité absolue de ses membres (art. 105).
Fait nouveau, les commissions parlementaires des deux chambres
peuvent désormais auditionner les responsables des administrations, des
établissements et entreprises publics, en présence et sous la responsabi-
lité des ministres dont ils relèvent » (art. 102).

B – LES LIMITES DE LA RÉFORME PARLEMENTAIRE

Les innovations portant sur le statut du Parlement répondent aux


revendications de plusieurs partis politiques (alliance démocratique de
gauche, USFP, PI, etc.) et des organisations de défense des droits de
l’homme (AMDH, Adala, Transparency Maroc, etc.). Si elles constituent
certes un progrès par rapport à sa situation précédente, elles ne le sous-
traient pas pour autant de sa dépendance vis-à-vis de l’exécutif tant au
niveau législatif qu’à celui du contrôle politique.
528 Omar Bendourou

1 – Au niveau législatif
Bien que le domaine législatif ait été renforcé, le gouvernement
demeure comme par le passé le législateur de principe26. L’article 72 dis-
pose : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi appar-
tiennent au domaine réglementaire. » Par ailleurs, le gouvernement conti-
nue à déterminer l’ordre du jour des assemblées parlementaires. En vertu
de l’article 82, c’est le gouvernement qui décide des projets et propositions
de loi qui doivent être inscrits à l’ordre du jour de chaque assemblée. Le
nouveau texte a prévu qu’une journée par mois – au moins – soit réservée
à l’examen des propositions de loi, dont celles de l’opposition (art. 82).
Cette dernière disposition, qui s’inspire de la révision de la Constitution
française de 1958 (art. 48), constitue une avancée, étant donné que l’op-
position peut faire inscrire ses propositions à l’ordre du jour de cette ses-
sion et que l’article 10 de la constitution lui garantit « la participation
effective à la procédure législative, notamment par l’inscription de propo-
sitions de lois à l’ordre du jour des deux Chambres du Parlement ».
Pendant les intercessions, le gouvernement peut légiférer par décrets-
lois en accord avec les commissions parlementaires concernées des deux
chambres (art. 81). Ces décrets-lois doivent toutefois être soumis à rati-
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fication au cours de la session ordinaire suivante du Parlement. Le gou-
vernement peut aussi légiférer par décret dans le domaine de la loi sur la
base d’une loi d’habilitation votée par le Parlement (art. 70). Le gouver-
nement peut contraindre la Chambre des représentants à adopter un
texte sans vote, lorsque le chef du gouvernement met en jeu la responsa-
bilité de son cabinet sur ce texte (art. 103). Il peut aussi amener les deux
chambres parlementaires à se prononcer par un seul vote ou sur tout ou
partie de celui-ci en ne retenant que les amendements proposés ou accep-
tés par lui (art. 83). La Chambre concernée peut toutefois s’opposer à
cette procédure à la majorité de ses membres, ce qui constitue une nou-
veauté de la nouvelle Constitution. En outre, le gouvernement peut s’op-
poser à toute proposition ou amendement formulés par les membres du
Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à
la loi de finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la
création ou l’aggravation des charges publiques (art. 77). On sait perti-
nemment qu’il n’existe quasiment pas de propositions de lois qui n’af-
fecteraient pas le budget de l’État. Ainsi, le gouvernement a toute lati-
tude pour s’opposer aux propositions de loi qui lui déplaisent.
Par ailleurs, le chef de l’État peut demander une seconde lecture des
textes adoptés par le Parlement et proclamer, comme nous l’avons souli-
gné précédemment, l’état d’exception en exerçant la totalité du pouvoir

26. L’article 72 dispose : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi
appartiennent au domaine réglementaire. »
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 529

législatif. Quant à la déclaration de guerre, elle reste de la compétence


du roi qui ne fait que communiquer sa décision au Parlement pour infor-
mation (art. 99).

2 – Au niveau du contrôle politique


Les progrès réalisés en matière de contrôle politique sont minimes. Le
dépôt de la motion de censure est soumis à un quorum d’un cinquième au
lieu d’un dixième, prévu par la Constitution de 1962. Le Parlement ne
peut toujours pas créer de commissions de contrôle. Si le gouvernement a
été censuré, il ne peut l’être une nouvelle fois qu’un an après la censure
précédente, ce qui permet au gouvernement d’échapper à tout contrôle
sérieux pendant cette période. Par contre, la Chambre des représentants
peut être dissoute aussi bien par le roi que par le chef du gouvernement
(art. 104). En effet, l’article 51 de la Constitution souligne que le « roi
peut dissoudre, par dahir, les deux Chambres du Parlement ou l’une d’elles
dans les conditions prévues aux articles 96, 97 et 98 ». L’article 98 précise
que : « Lorsqu’une Chambre est dissoute, celle qui lui succède ne peut
l’être qu’un an après son élection, sauf si aucune majorité gouvernementale
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ne se dégage au sein de la Chambre des représentants nouvellement élue ».
Si ces conditions s’imposent au roi, elles ne concernent pas le chef du gou-
vernement qui est autorisé en vertu de l’article 104 à dissoudre la
Chambre des représentants : « Le chef du gouvernement peut dissoudre la
Chambre des représentants, par décret pris en Conseil des ministres, après
avoir consulté le Roi, le président de cette Chambre et le président de la
Cour constitutionnelle. Le chef du gouvernement présente devant la
Chambre des représentants une déclaration portant notamment sur les
motifs et les buts de cette décision. » Le roi et le chef du gouvernement
disposent des pouvoirs alternatifs pour dissoudre la Chambre des représen-
tants, au cas où cette dernière entraverait les activités de l’exécutif.
Si le quorum pour la constitution des commissions d’enquête a été
abaissé, sa mission peut être arrêtée dès l’ouverture d’une information
judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création (art. 67 al. 3).
Ainsi, le gouvernement peut arrêter le travail d’une commission d’en-
quête si elle constitue un danger ou une gêne pour le gouvernement en
déclenchant la procédure judiciaire.

IV – LE STATUT CONTROVERSÉ DE LA JUSTICE

En raison de ses dysfonctionnements, la justice a toujours fait l’objet


de débats aussi bien dans les milieux politiques que parmi les juristes et
530 Omar Bendourou

les citoyens. Plusieurs études et rapports s’accordent sur les défaillances


de la justice marocaine27. Son statut constitutionnel n’avait fait qu’ac-
centuer cette controverse dans la mesure où la Constitution de 1996,
comme les anciennes constitutions, qualifiait la justice d’autorité et non
de pouvoir. L’article 82 de la Constitution de 1996 énonçait : « L’autorité
judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécu-
tif. » Si la Constitution confiait au Conseil supérieur de la magistrature
(CSM) le soin de déterminer les conditions d’avancement et de discipline
des magistrats, le dahir du 11 novembre 1974 portant statut de la
magistrature (toujours en vigueur), accorde au ministre de la Justice des
prérogatives lui permettant de restreindre l’indépendance les magistrats.
En effet, si la Constitution proclamait dans son article 85 que les magis-
trats du siège étaient inamovibles, le dahir du 11 novembre 1974 auto-
rise le ministre de la Justice à leur infliger des sanctions disciplinaires
comme l’avertissement, le blâme, le retard dans l’avancement, la radia-
tion de la liste d’aptitude (sanctions du premier degré). Il peut égale-
ment décider de la suspension d’un magistrat de ses fonctions pour une
durée de quatre mois ou de sa mutation pour une période de trois mois
« pour faire face à des insuffisances dans certains tribunaux du Royaume ».
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En outre, ledit ministre dispose de la liberté de muter, à tout moment, les
procureurs à n’importe quel tribunal. S’agissant des juges d’instruction,
ledit ministre a le droit, sur proposition des présidents des tribunaux de
première instance et d’appel, de les désigner parmi les magistrats de siège
pour une durée de trois ans renouvelable et de mettre fin à leurs fonc-
tions. C’est le ministre de la Justice qui préside le CSM, en tant qu’ins-
tance disciplinaire. C’est lui qui engage et encadre toute la procédure
relative aux sanctions disciplinaires qui conduiraient éventuellement à la
radiation des magistrats, décision prise sous forme de dahir qui n’est sus-
ceptible d’aucun recours judiciaire. Cependant, la question qui continue
de se poser avec acuité est celle de la corruption qui caractérise le corps de
la magistrature28. En 1999, le ministre de la Justice de l’époque Omar
Azziman, avait critiqué les magistrats29. Selon des enquêtes réalisées par

27. Voir, entre autres, Évaluation du système juridique et judiciaire (Maroc), Banque
mondiale, 2003, A. Hatimi, « Rapport sur la situation de la justice au Maroc et les pers-
pectives de sa réforme » (en arabe), mars 2005, Rapport non publié ; A. Nouidi, « Indépen-
dance et intégrité du système judiciaire », Rapport présenté dans le cadre du réseau euro-méditer-
ranéen des droits de l’homme, 2008 ; A. Ghazali, « Processus de réforme et de mise a niveau de
la justice et des réformes dédiées à assurer le règne de la loi », in Rapport sur 50 ans de déve-
loppement humain (site : http://www.rdh50.ma).
28. Voir Étude du système national d’intégrité, Maroc 2009, Transparency Maroc, 2009.
29. Voir la déclaration déjà citée de l’ancien ministre de la Justice M. Azziman. Par
ailleurs, M. Abbas El Fassi, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal et actuel Premier
ministre, a affirmé, au cours d’une conférence de presse tenue le 11 avril 2005, que la jus-
tice n’est pas entièrement indépendante et intègre. M. Abbas El Fassi était à l’époque
ministre d’État sans portefeuille, sous le Gouvernement Jettou (2002-2007). Voir « Al Itti-
had Al Ichtiraki », 14 novembre 2000.
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 531

Transparency Maroc, la justice figure parmi les secteurs les plus corrom-
pus et constitue l’une des préoccupations majeures des citoyens30.
Ces dysfonctionnements expliquent les nombreux appels lancés par les
associations de défense des droits de l’homme pour réclamer des réformes
susceptibles d’assurer à la justice l’indépendance nécessaire à l’accomplis-
sement de sa mission qui consiste essentiellement à protéger les droits et
libertés des citoyens. Le constituant de 2011 a partiellement répondu à
cette revendication en amendant le titre relatif à la justice. Ainsi, le
titre VII de la Constitution est consacré à la justice et aux droits des jus-
ticiables. Il proclame la justice en tant que pouvoir et affirme son indé-
pendance des pouvoirs exécutif et législatif. Il confie, comme auparavant,
à un conseil la mission de veiller à l’application des garanties accordées
aux magistrats quant à leur indépendance, leur nomination, leur avance-
ment, leur mise à la retraite et leur discipline (art. 113). Il s’agit du
Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ, nouvelle appellation de
l’ancien conseil supérieur de la magistrature. C’est le roi qui nomme les
magistrats sur proposition du CSPJ (art. 57). Quant aux conditions de
déroulement de leur carrière, elles seront définies par une loi organique
(art. 116). La composition du CSPJ a connu quelques modifications. Le
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roi demeure le président du CSPJ alors que le vice-président n’est plus le
ministre de la Justice, qui ne fait plus partie de ce conseil, mais le pre-
mier président de la Cour de cassation qui devient le président-délégué.
Le roi nomme cinq personnalités « reconnues pour leur compétence, leur
impartialité et leur probité, ainsi que pour leur apport distingué en
faveur de l’indépendance de la justice et de la primauté du droit, dont un
membre est proposé par le secrétaire général du Conseil supérieur des
Oulémas » (art. 115). Le CSPJ comprend toujours les représentants de
différentes catégories de juridictions, en l’occurrence les quatre représen-
tants élus, parmi eux, par les magistrats des cours d’appel, six représen-
tants élus, parmi eux, par les magistrats des juridictions du premier
degré, une représentation des femmes magistrats doit être assurée, parmi
les dix membres élus, dans la proportion de leur présence dans le corps de
la magistrature, en plus du procureur général du roi près la Cour de cas-
sation et du président de la première Chambre de la Cour de cassation
(art. 115). Le CSPJ comprend aussi deux membres de droit à savoir le
médiateur et le président du conseil national des droits de l’homme,
nommés selon les textes actuellement en vigueur par le roi. Les magis-
trats sont désormais autorisés à constituer des associations, ce qui leur
était interdit auparavant ; ils ne peuvent cependant adhérer aux partis
politiques ou à des organisations syndicales (art. 111).

30. Voir l’Indice de perception de la corruption réalisé en 2009 par Transparençy Maroc.
Voir également Le Reporter, 1er juin 2009 (site : http://www.lereporter.ma), L’Économiste,
4 juin 2002 (site : http://www.leconomiste.com).
532 Omar Bendourou

S’il y a un progrès dans la définition du statut de la justice, il reste


néanmoins limité. Le CSPJ est un organe subordonné au roi dans la
mesure où ce dernier désigne directement ou indirectement tous ses
membres. En outre, les décisions du CSPJ sont validées par le roi sous
forme de dahir. Or, selon une jurisprudence constante, le dahir n’est sus-
ceptible d’aucun recours judiciaire. Cette situation provient du fait que
la justice au Maroc est une justice déléguée. Selon l’imamat, c’est au
commandeur des croyants qu’appartient le pouvoir de rendre justice et
que les magistrats n’exercent leur fonction que par délégation, il n’est
donc pas logique selon l’interprétation officielle que le délégataire exerce
un contrôle sur le déléguant.
S’agissant de la justice constitutionnelle, elle est confiée à la Cour
constitutionnelle qui s’est substituée à l’ancien Conseil constitutionnel
(art. 130). La Cour est composée de douze membres nommés pour un
mandat de neuf ans non renouvelable. Six sont nommés par le roi dont
un membre proposé par le secrétaire général du Conseil supérieur des
Oulémas, trois sont élus par la Chambre des représentants et trois sont
élus par la Chambre des conseillers parmi les candidats présentés par le
Bureau de chaque Chambre. L’élection a lieu à la majorité des deux tiers
des membres composant chaque Chambre (art. 130). Chaque catégorie
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de membres est renouvelable par tiers tous les trois ans. Le président de
la Cour constitutionnelle est désigné par le roi parmi les membres com-
posant la Cour. L’article 130 (al. 4) de la Constitution exige que les
membres choisis soient parmi « les personnalités disposant d’une haute
formation dans le domaine juridique et d’une compétence judiciaire,
doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de
quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité ».
La Cour constitutionnelle a hérité des compétences du Conseil
constitutionnel. Elle veille à la régularité des opérations électorales et
référendaires. Elle contrôle la constitutionnalité des règlements inté-
rieurs de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers
avant leur mise en application ainsi que les lois organiques avant leur
promulgation. Elle intervient en cas de conflit entre le gouvernement et
le parlement sur le caractère réglementaire ou législatif d’une proposi-
tion de loi. Elle est obligatoirement saisie au cas où le gouvernement
déciderait de modifier les textes législatifs qui sont intervenus dans le
domaine réglementaire. Le président de la Cour est consulté par le roi en
cas de proclamation de l’état d’exception (art. 59) et en cas de dissolu-
tion des deux chambres parlementaires ou de l’une d’entre elles (art. 96).
Elle est également consultée par le chef du gouvernement en cas de dis-
solution de la chambre des représentants (art. 104). Elle peut vérifier la
conformité des lois ordinaires à la Constitution avant leur promulgation
si elle est saisie par le roi, le chef du Gouvernement, le président de la
Chambre des représentants, le président de la Chambre des conseillers,
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 533

ou par le cinquième des membres de la Chambre des représentants ou


quarante membres de la Chambre des conseillers (art. 132, al. 3).
Parallèlement à ces compétences, la Cour constitutionnelle se voit
habilitée à statuer par voie d’exception sur la constitutionnalité d’une loi
au cas où elle porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la
Constitution (art. 133). Les modalités de cette nouvelle disposition
seront définies par une loi organique. Cette nouveauté fait suite aux
recommandations de l’instance Équité et réconciliation.
Si les compétences de la Cour constitutionnelle ont été renforcées,
son rôle dans le renforcement des droits de l’homme et de l’État de droit
dépend du mode de désignation de ses membres et des qualités socio-
professionnelles requises. Or, on constate qu’il y a un déséquilibre entre
les autorités de nomination puisque le roi nomme la moitié de ses
membres ainsi que le président, ce qui lui permet d’encadrer la juris-
prudence de la Cour. S’agissant des qualités juridiques requises des
membres, s’il s’agit d’un progrès non négligeable, il faut toutefois espé-
rer que les prochaines nominations répondront aux critères de compé-
tences, d’intégrité, et de probité et non pas fondées comme aujourd’hui
sur le copinage, le clientélisme et la fidélité au pouvoir.
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Avant de conclure, il faut préciser que la nature de l’État marocain a
été renforcée par le nouveau texte. L’État marocain demeure un État
musulman, arabe, africain et faisant partie du grand Maghreb. L’unité du
pays est enrichie par ses composantes arabo-islamique, amazighe et
saharo-hassanie, et s’est nourrie et renforcée de ses affluents africain,
andalou, hébraïque et méditerranéen (Préambule). En outre, la Constitu-
tion stipule que « L’organisation territoriale du Royaume est décentrali-
sée, fondée sur une régionalisation avancée » (art. 1er, al. 4). Par ailleurs,
parallèlement à la langue arabe, la Constitution reconnaît l’amazigh
comme langue officielle et prévoit l’adoption d’une loi organique qui
« définit le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette
langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et
aux domaines prioritaires de la vie publique… ».

CONCLUSION

Si la nouvelle Constitution peut être considérée comme un progrès


par rapport au texte de 1996, elle n’établit pas pour autant la monarchie
parlementaire comme l’avait réclamé le Mouvement du 20 février. Pour-
tant, le roi, en évoquant dans son discours du 17 juin 2011, la nouvelle
réorganisation du pouvoir, souligne : « S’agissant du deuxième pilier, il
traduit la volonté de conforter et de consacrer les attributs et les méca-
534 Omar Bendourou

nismes qu’induit le caractère parlementaire du régime politique maro-


cain. Celui-ci, en effet, repose, dans ses fondements, sur les principes de
souveraineté de la Nation, la prééminence de la Constitution comme
source de tous les pouvoirs, et la corrélation entre la responsabilité et la
reddition des comptes. Tout cela s’inscrit dans un schéma constitution-
nel efficient et rationnel, qui est foncièrement propre à garantir la sépa-
ration, l’indépendance et l’équilibre des pouvoirs, et qui a vocation à
assurer la liberté et le respect de la dignité du citoyen. »
Si la Constitution proclame pour la première fois, comme on l’a sou-
ligné, la séparation des pouvoirs, c’est pour répondre au Mouvement du
20 février ainsi qu’aux revendications de plusieurs partis et associations
de défenses des droits de l’homme (AMDH, Transparency-Maroc, Adala,
etc.). Mais dans la réalité, cette proclamation demeure théorique et
déclarative puisqu‘elle n’a pas instauré un équilibre entre les pouvoirs.
L’institution royale demeure comme par le passé la clef de voûte du
régime et donc le principal pouvoir dont découlent les autres institu-
tions constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle la réforme consti-
tutionnelle n’a pas clos le débat constitutionnel qui reste posé. Le Mou-
vement du 20 février continue de manifester, les partis de gauche qui
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sont dans l’opposition revendiquent toujours la monarchie parlemen-
taire, la « Coalition pour la monarchie parlementaire maintenant31 » sen-
sibilise l’opinion publique sur l’urgence de l’établissement de la monar-
chie parlementaire en organisant des manifestations scientifiques et des
rencontres périodiques. La situation politique au Maroc devient de plus
en plus incertaine dans la mesure où les élections législatives prévues
pour le 25 novembre 2011 vont être boycottées par plusieurs partis de
gauche de l’opposition et par le Mouvement du 20 février. Si le pouvoir
semble durcir sa position à l’égard du Mouvement du 20 février puisque
plusieurs manifestations pacifistes ont été dispersées par la violence32, il
y a un risque que des confrontations se produisent fréquemment, ce qui
peut conduire à une situation d’incertitudes politiques.
Les partisans de la monarchie parlementaire33 revendiquent cette
forme de monarchie comme seule compatible avec la démocratie puis-

31. Cette coalition a été créée en avril 2011 et regroupe les partis de l’Alliance démocra-
tique, deux partis islamistes Al Badil al hadari dissous et le parti d’Al Oumma non reconnu
ainsi que plusieurs universitaires et intellectuels. Par ailleurs, le « Symposium pour la
monarchie parlementaire maintenant » s’est tenu le 29 mai 2011 et a réuni plus de 400 par-
ticipants représentant une trentaine d’associations et organisations ainsi que plusieurs intel-
lectuels et universitaires.
32. Voir le communiqué du 17 octobre 2011 du Conseil national d’appui au Mouvement
du 20 février.
33. Voir M. Sassi, « Le roi présente la Constitution : lecture de la relation entre le dis-
cours royal du 17 juin et le texte de la Constitution », in O. Bendourou (sous la coordina-
tion de), La Nouvelle Constitution et le mythe du changement, Éditions Point de vue, Rabat,
2011 (en arabe).
La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 535

qu’elle permet au peuple de décider de son avenir politique. L’histoire leur


donne raison dans la mesure où la continuité des monarchies contempo-
raines était garantie par le désengagement des monarques des luttes par-
tisanes et par leur acceptation de la légitimité démocratique comme
légitimité prépondérante. Tôt ou tard, le régime devrait s’orienter vers
cette alternative s’il veut maintenir la stabilité de l’État et la continuité
du régime, d’autant plus que pour la première fois certaines manifesta-
tions ont même brandi des slogans contre le régime monarchique34.
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34. Des manifestants à Safi ont brandi des slogans tels que « Le peuple veut la fin du
régime ».

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