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DÉVELOPPER LA CULTURE ENTREPRENEURIALE CHEZ LES JEUNES

Théorie(s) et pratique(s)

Catherine Léger-Jarniou

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2008/5 n° 185 | pages 161 à 174


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746221918
DOI 10.3166/rfg.185.161-174
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-5-page-161.htm
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DOSSIER
CATHERINE LÉGER-JARNIOU
Université Paris-Dauphine

Développer la culture
entrepreneuriale
chez les jeunes
Théorie(s) et pratique(s)
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Le métier d’ingénieur change et il leur est demandé d’être
également des manageurs-entrepreneurs. Cette recherche
vise à comprendre dans quelle mesure il est possible de
développer la culture entrepreneuriale d’une population
d’élèves ingénieurs dans un délai assez court par le biais
d’une pédagogie interactive et ludique, fondée sur une
stratégie précise. Cette recherche est originale car elle
s’inscrit dans le champ de l’acculturation et non dans celui
des intentions. La notion de culture entrepreneuriale renvoie
à celle plus large de culture et mobilise l’entrepreneuriat
comme processus de création de valeur et acteur du
développement de l’esprit entrepreneurial (ou esprit
d’entreprendre) et ce, quelle que soit la situation.

DOI : 10.3166/RFG.185.161-174 © 2008 Lavoisier, Paris


162 Revue française de gestion – N° 185/2008

L
a culture sociétale récente tend à visaient à mesurer l’orientation entrepre-
reconsidérer l’entreprise et l’entre- neuriale dans les organisations.
preneur catalyseur de croissance et à Cependant, la notion de culture entrepre-
valoriser la culture entrepreneuriale. Cette neuriale reste floue et recouvre des réalités
recherche vise à comprendre dans quelle diverses dans la mesure où elle vise pour
mesure il est possible de développer la certains à dynamiser l’esprit d’entreprise
culture entrepreneuriale d’une population (OCDE, 1998) alors qu’elle mobilise l’es-
d’élèves ingénieurs. Cette recherche est ori- prit d’entreprendre pour d’autres.
ginale dans la mesure où elle s’inscrit dans Cet article a pour objet de clarifier ces
un champ nouveau, celui de l’acculturation. termes et ces deux visions. En s’inscrivant
En effet de nombreuses études ont été réali- dans une approche qui vise à développer
sées sur la population étudiante, mais l’esprit d’entreprendre de jeunes élèves
celles-ci visaient surtout à évaluer leurs ingénieurs par la formation, le contexte et
intentions, à la suite de Kolvereid et Moen les modalités de déroulement de cette for-
(1997) qui ont cherché à mesurer si le fait mation sont présentés, ce qui permet de pré-
de suivre une formation à l’entrepreneuriat ciser la méthodologie d’enquête et de
pouvait faire une différence, à partir de mettre en évidence quelques résultats. On
deux hypothèses. Les étudiants diplômés en démontre que, par une certaine pédagogie
entrepreneuriat sont plus entreprenants que interactive et ludique fondée sur une straté-
les autres étudiants en gestion était la pre- gie précise, des jeunes ingénieurs peuvent
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mière hypothèse (Ajzen, 1991 ; Dyer, 1994) évoluer dans leurs pratiques et leurs com-
et la seconde que les étudiants diplômés en portements et acquérir ainsi une culture
entrepreneuriat ont des intentions entrepre- entrepreneuriale. Des éléments de mesure
neuriales supérieures aux autres étudiants sont proposés et discutés. La conclusion
en gestion. Cette étude a déclenché, à partir permet de mettre en avant les limites de
des modèles de Shapero et Ajzen notam- l’étude et de proposer des pistes d’amélio-
ment, de nombreuses études sur les inten- ration et d’extension.
tions entrepreneuriales (Autio et al., 1997 ;
Boissin, 2005 ; Fayolle, 2005 ; Klapper et I. À PROPOS DE LA CULTURE
Léger-Jarniou, 2006 ; Cooper et Lucas, ENTREPRENEURIALE
2007). D’autres encore cherchaient soit à
comprendre les différences de comporte- Comprendre ce que recouvre la culture
ments entre ethnies ou cultures différentes entrepreneuriale nous amène à évoquer tout
(Roy, 1998), soit à mesurer la culture dans d’abord la culture en général, puis à clari-
une organisation (Kuratko et al., 1990) ou fier le terme « entrepreneuriat » auquel la
dans les business schools (Hazedine et culture entrepreneuriale se réfère.
Miles, 2007) ou encore à comprendre l’en-
trepreneuriat comme outil de régénération 1. Un passage par la culture
économique (Herrmann, 2007). Enfin, La culture est considérée par l’Unesco
notre recherche s’apparente plus à celle de (1982) « comme l’ensemble des traits
Lumpkin et Dess (1996) même s’ils distinctifs, spirituels et matériels, intellec-
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tuels et affectifs qui caractérisent un groupe Par ailleurs, l’entrepreneuriat a parfois pris
social ». la forme d’inclinaison entrepreneuriale
La culture peut être envisagée au niveau (Pellissier et Van Buer, 1996), de gestion
individuel mais aussi collectif dans la entrepreneuriale (Stevenson et Jarillo,
mesure où les deux se recoupent par l’ap- 1990) ou encore d’orientation entrepreneu-
partenance d’un individu à une entité cultu- riale (Lumpkin et Dess, 1996).
relle plus globale (normes, système de Au début, la littérature en management
valeurs, etc.). Au niveau individuel, la considérait l’entrepreneuriat comme la
culture regroupe l’ensemble des connais- création d’entreprise et le « problème entre-
sances acquises, l’instruction, le savoir, les preneurial principal » (Miles et Snow,
habiletés et les usages acquis par l’expé- 1978) était de savoir “what business shall
rience. Alors qu’au niveau collectif elle we enter?”.
représente l’ensemble des structures sociales Actuellement encore, deux visions prédo-
et des comportements collectifs caractéri- minent et s’opposent. Pour Berglund et
sant une société (Petit Larousse, 1980). Holmgren (2007), parler d’entrepreneuriat
Selon Hofstede (1980), la culture est une comme d’un phénomène homogène semble
programmation mentale collective propre à encore problématique. La première vision
un groupe d’individus. C’est un système est centrée sur la création de nouvelles
fondamental de valeurs particulières à un organisations et l’identification d’opportu-
groupe ou à une société particulière qui nités existantes (Gartner, 1993 ; Aldrich,
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forme le développement de certains traits 1999 ; Sharma et Chrisman, 1999 ; Shane et
de personnalité et motive les individus dans Venkataraman, 2000). La vision dominante
une société pour s’engager dans des com- associe l’entrepreneuriat à la sphère indus-
portements qui ne seraient pas évidents trielle et économique (Hjorth, 2003) qui
dans d’autres sociétés. relaie d’autres valeurs telles que le social et
l’écologie au second plan (Steyaert and
2. Une nécessaire clarification du terme Hjorth, 2004). La Commission européenne
« entrepreneuriat » s’inscrit d’ailleurs dans cette vision étroite
La clarification du concept est toujours de l’entrepreneuriat1.
nécessaire et on retrouve la célèbre interro- La seconde vision s’inscrit dans un proces-
gation de Gartner (1990) “what are we tal- sus de création de valeur (Filion, 1991 ;
king about when we talk about entrepre- Gibb, 1992 ; Bruyat, 1993 ; Hernandez,
neurship?”. Le terme « entrepreneuriat » est 1999 ; Léger-Jarniou, 2001b). Dans ce der-
large et peut être compris dans un sens indi- nier cas, il s’agit de manières particulières
viduel (Kilby, 1971), collectif et pour l’en- de concevoir les choses, reliées à la prise
treprise en entier (Birch, 1979), ce qui d’initiative et à l’action ; de comportement
entraîne différentes acceptions de ce terme. de certains individus qui ont la volonté

1. Encourager l’esprit d’entreprise est une clé pour la création d’emplois et l’augmentation de la compétitivité et de
la croissance économique à travers l’Europe, voir “Helping to create an entrepreneurial culture. A guide on good
practices in promoting entrepreneurial attitudes and skills through education”, document de la Commission euro-
péenne, Enterprise Policy, 2004.
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d’essayer de nouvelles choses ou de les monde. Pour l’auteur, une culture entrepre-
faire différemment, simplement parce qu’il neuriale est une culture qui valorise les
existe une possibilité de changement caractéristiques personnelles associées à
(Block et Stumpf, 1992) ; du souhait de l’entrepreneurship soit l’individualisme, la
développer une capacité à composer marginalité, le besoin de réalisation person-
avec le changement et d’expérimenter nelle, la prise de risques, la confiance en soi
des idées et agir avec ouverture et flexibi- et les habiletés sociales ; qui valorise égale-
lité. ment le succès personnel tout en pardon-
La seconde vision est celle qui nous occupe nant l’échec ; qui encourage la diversité et
ici (Léger-Jarniou, 2001a) et qui renvoie au non l’uniformité et qui encourage le chan-
terme d’esprit entrepreneurial ou esprit d’en- gement et non la stabilité.
treprendre par opposition à l’esprit d’entre- La culture entrepreneuriale ne peut être étu-
prise qui renvoie à la première vision ; l’es- diée sans faire référence à la pédagogie qui
prit entrepreneurial pouvant s’inscrire dans permet de la développer. L’enseignement de
des situations d’entreprise mais également l’entrepreneuriat est différent de celui du
en dehors de l’entreprise dans la vie management, du fait qu’il amène à traiter
citoyenne (exemple : le Téléthon). avec « l’équivoqualité » inhérente au
La vision large de l’entrepreneuriat qui démarrage d’une affaire (situations, déve-
nous intéresse ici est plus en relation avec loppement de nouveaux produits et nou-
les attitudes et in fine, le savoir être. On dis- veaux services, de nouveaux marchés et
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tingue habituellement trois grands champs de nouvelles organisations) selon Gartner
éducatifs : le savoir, le savoir-faire et le et al. (1992).
savoir être. Le savoir correspond aux De plus, le cœur de l’entrepreneuriat
connaissances intellectuelles, le savoir- entraîne des actions de « réalisation »
faire à des compétences pratiques issues de (enactment) (Weick, 1979). On peut égale-
l’expérience dans une activité donnée et le ment citer Sarasvathy (2001) qui a introduit
savoir être correspond à la capacité de pro- les deux concepts de « réalisation de soi »
duire et maîtriser des actions et réactions (« management style of being ») et de
adaptées à l’environnement par le biais « causalité » (causation). Elle utilise pour
d’attitudes et de comportements. Les éclairer ces propos la métaphore de la cui-
recherches en éducation relatives au savoir sine : dans le principe de « causalité », on
être ont pour objectif de trouver des suit la recette de cuisine à la lettre alors que
moyens pédagogiques qui permettent aux dans le principe de réalisation de soi, on
appprenants d’acquérir au mieux cette tente de réaliser un plat à partir de ce qu’on
maîtrise. a sous la main. Selon nous, l’enseignement
de l’entrepreneuriat devrait s’inscrire dans
3. La culture entrepreneuriale ce principe de « réalisation de soi » pour
Johannisson (1984) définit la culture développer le côté savoir être des appre-
comme un système de valeurs et de nants, en développant le fameux “learning
croyances communes qui donne à ceux qui by doing” (Versalain et Stömmer, 1998 ;
les partagent une vision équivalente du Carrier, 1998).
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Dans ces conditions, la culture entrepreneu- processus d’apprentissage et l’environne-


riale peut être inculquée à la condition ment de l’apprentissage. Cet environne-
d’utiliser des méthodes pédagogiques parti- ment doit les encourager à s’engager active-
culières. En ce sens, la vision de Gibb ment plutôt que d’apprendre passivement
(1992) du modèle entrepreneurial d’appren- ou lire à propos d’entrepreneuriat. Cela
tissage est toujours d’actualité, à savoir : signifie un style d’enseignement orienté sur
– l’apprentissage réciproque des uns par les l’action, qui encourage l’apprentissage par
autres (et pas seulement de l’enseignant), l’expérimentation, la résolution de pro-
– l’apprentissage en faisant (learning by blèmes, la créativité et ceci à partir d’un
doing), projet. Kirby et al. (2006) vont dans le
– l’apprentissage par les échanges interper- même sens et prônent le développement de
sonnels et le débat/discussion, qualités telles que la créativité, la persua-
– l’apprentissage par la découverte guidée, sion, la pensée critique, le leadership et la
– l’apprentissage par les réactions de per- résolution de problèmes pour les plus
sonnes différentes et nombreuses, importantes.
– l’apprentissage dans un environnement Il est par ailleurs reconnu qu’un individu ne
flexible et informel, peut réellement apprendre que s’il se
– l’apprentissage sous la pression liée à la confronte à un environnement aussi proche
nécessité d’atteindre des objectifs, possible que la réalité (Shepherd et Douglas,
– l’apprentissage en empruntant aux autres, 1996).
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– l’apprentissage par essais/erreurs, De ce fait, la pédagogie par projet, par l’ac-
– l’apprentissage en résolvant des pro- tion jouant simultanément sur différents
blèmes (découverte guidée). registres – les connaissances, l’expérience,
Plusieurs recherches récentes (on peut citer les aptitudes, les attitudes et la personnalité
entre autres Heinonen et Poikkijoki, 2006) (Hernandez, 1999) – semble particulière-
ont encore montré la nécessité d’un nou- ment adaptée à l’entrepreneuriat.
veau modèle d’éducation qui insiste sur Huybens et al. (1993) offrent d’ailleurs
l’expérimentation, l’action ou l’enseigne- une représentation schématique du savoir
ment par la pratique comme une pédagogie en action à destination d’adultes insérés
louable. Ainsi Cronin (2007) analyse le fait dans un contexte professionnel. Ainsi,
que la pédagogie par l’action pour ensei- ils distinguent quatre types de savoirs :
gner l’entrepreneuriat est la plus appro- théoriques, procéduraux, pratiques et
priée, car en relation avec la nature holis- savoir-faire. Les deux premiers sont d’ordre
tique de la discipline. Et cette pédagogie cognitif et se transmettent par cours,
doit se concevoir dans un environnement conférences, etc. ; alors que les deux autres
qui développe chez les étudiants l’estime de sont d’ordre pratique et s’acquièrent par
soi, la connaissance et les qualités pour agir l’expérimentation, l’observation-reproduc-
sur ce qu’ils trouvent. Le développement tion, les essais et les erreurs. De plus,
des comportements et attitudes, qui sont le l’apprentissage est à la fois individuel et
cœur de l’entrepreneuriat, met en avant les collectif.
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II. DÉVELOPPEMENT DE LA sables. Trois méthodes peuvent être mises


CULTURE ENTREPRENEURIALE : en œuvre qui sont indissociables : une part
L’EXEMPLE D’UNE PRATIQUE de didactique (développer le concept de
responsabilité), une part de jeu métapho-
Développer une culture entrepreneuriale
rique et une part d’exercice (en leur
au-delà de la seule création d’entreprise,
confiant des responsabilités) ».
même si actuellement 8 000 jeunes diplô-
Ce séminaire est obligatoire et il s’adresse à
més de l’enseignement supérieur environ
des élèves de troisième année. Il se déroule
passent chaque année du statut d’étudiant à
sur six jours, le travail y est entièrement
celui de créateur ou repreneur (Rapport
réalisé en équipes de 5 ou 6 élèves et la der-
Hetzel, octobre 2006) est une préoccupa-
nière journée est consacrée aux soutenances
tion réelle qui passe par une réflexion sur la
orales de leurs projets devant l’ensemble de
pédagogie, comme on l’a souligné plus
la promotion et l’équipe pédagogique.
avant. D’autant que l’identité de l’ingénieur
Enfin, ce séminaire a lieu juste avant la ren-
a évoluée : centrée sur des valeurs tech-
trée des autres cours.
niques et professionnelles au début du
La stratégie visée est claire : la modalité
siècle (Lojkine, 1992), l’identité de l’ingé-
d’apprentissage est centrée autour de la
nieur a évolué vers des valeurs relation-
construction d’un business plan d’un projet
nelles et sociales (Veblen, 1971). Robin
qu’ils ont librement choisi. Mais le business
(1994) identifie d’ailleurs trois niveaux de
plan en lui-même n’est pas essentiel, il
développement pour les managers, à savoir :
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aurait pu s’agir de n’importe quel autre pro-
technique, managérial et stratégique ; et
jet qui permette une acculturation entrepre-
les ingénieurs n’échappent pas à cette
neuriale rapide. En revanche, respecter les
évolution.
conditions suivantes sont elles essentielles :
1. Le contexte – la dimension construction collective est
L’exemple de pratique que nous évoquons indispensable : chaque équipe mène le pro-
ici s’inscrit dans cette préoccupation jet à partir de sa propre idée qui peut
pédagogique. concerner une activité économique, écolo-
Permettre aux élèves ingénieurs de déve- gique, sociale, etc. Le choix de l’idée qui
lopper leur créativité, leur capacité d’auto- deviendra un projet se fait lors d’une séance
nomie et d’enthousiasme et d’acquérir de de créativité, en général assez animée ;
l’assurance par la prise d’initiatives et le – chaque membre de l’équipe apprend éga-
travail en équipe pour confronter les avis lement des autres membres par un enrichis-
sont les objectifs majeurs de ce séminaire. sement croisé ;
En un sens, il vise à les rendre « ouverts » – chaque équipe se donne un nom et
sur la vie et à les aider à « se préparer leur l’équipe pédagogique ne connaît plus les
propre avenir ». individus mais les équipes.
Alain Etchegoyen, dans une interview, rap- La pédagogie par projets s’appuie sur l’ac-
pelle d’ailleurs que « l’enseignant doit tion : il s’agit en équipe de poursuivre un
ouvrir des horizons. L’essentiel c’est de for- but et de tout subordonner à sa réalisation
mer des hommes et des femmes respon- dans un cadre temporel donné (Piaget).
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Dans la mesure où le projet est délibéré- côté « théâtral » de certaines présentations


ment choisi par le groupe, ce dernier peut y orales,
engager toute son énergie pour accomplir – l’ordre de passage des présentations
toutes les actions nécessaires à sa réalisa- orales est tiré au sort au dernier moment, ce
tion. Il s’agit d’une démarche de qui accentue cette pression.
recherche/découverte dans laquelle les
élèves se posent des questions et doivent 2. Modalité d’enquête
apporter eux-mêmes des réponses de L’étude a été menée à partir de l’échan-
manière collective. Pour sa bonne réussite, tillon total de la promotion, soit 110 élèves
il nécessite un environnement planifié de troisième année, à partir desquels
(organisation très rythmée de chaque étape 100 questionnaires ont pu être exploités.
encadrée par des documents simples et des Les questionnaires ont été auto-administrés
fiches de travail précises ; le travail et ont porté sur diverses thématiques dans
demandé est très clairement annoncé au le domaine de l’entrepreneuriat ; ici nous
début de chaque étape) et un environnement ne ferons état que d’une partie de ce ques-
stimulant, propice à la communication, à tionnaire qui fait écho à notre propos. Ce
l’échange et à l’engagement de chacun en questionnaire a été administré en deux
valorisant les essais/erreurs (l’équipe péda- temps : au tout début de la formation
gogique peut être sollicitée à tout moment). d’abord et ensuite à l’issue de celle-ci pour
Il ne s’agit pas d’un « jeu d’entreprise », mesurer les évolutions dans les attitudes et
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avec des règles du jeu et un cadre déter- comportements. La plupart des questions
miné, mais une construction collective qui mettent en situation les élèves et proposent
se veut ludique : des réponses à l’aide d’échelles de Likert à
– le projet est tout d’abord librement choisi 7 positions. Ensuite, 20 entretiens semi-
au sein de chaque équipe, directifs centrés ont été réalisés d’une
– chaque étape est limitée en temps et durée de plus d’une heure chacun pour
toutes les équipes doivent avoir fini en vérifier les propos et saisir la signification
temps, des réponses et leurs nuances. Ces entre-
– la découverte d’un thème ou d’une acti- tiens ont été analysés grâce aux techniques
vité nouvelle et méconnue est un enjeu sup- d’analyse de contenu.
plémentaire pour s’investir, Pour les sciences de l’éducation, l’évalua-
– chaque équipe est en pseudoconcur- tion est un élément-clé du processus d’ap-
rence/rivalité avec les autres pour présenter prentissage. « L’évaluation est l’acte par
le « meilleur » projet ou plus exactement le lequel on formule un jugement de valeur
plus intéressant, le plus utile ou le plus portant sur un objet déterminé (individu,
« décalé », situation, action, projet, etc.) par le moyen
– le nombre d’heures de travail sur un tel d’une confrontation entre deux séries de
projet entraîne une certaine pression à données qui sont mises en rapport : des don-
laquelle les élèves sont habitués (lors des nées qui sont de l’ordre du fait et qui
révisions d’examens, de la préparation des concernent l’objet réel à évaluer, et des
fêtes, etc.). Cette pression renforce le carac- données qui sont de l’ordre de l’idéal et qui
tère ludique du séminaire, sans compter le concernent des attentes, des intentions ou
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des projets s’appliquant au même objet » tion et leadership entre les individus. Un
selon Hadji (1992). indicateur de mesure de la sensibilisation à
Ici, plus que les évolutions chiffrées rele- l’entrepreneuriat a été créé à partir des
vées (tableau 1), il nous intéressait de com- valeurs suivantes : la créativité, la solidarité,
prendre le cheminement de cette évolution, le sens des responsabilités, l’autonomie, la
à partir des propres mots et ressentis des confiance en soi, l’esprit d’équipe, le lea-
élèves pour mesurer si réellement on pou- dership et la ténacité.
vait parler d’évolution. On est d’ailleurs pas très éloigné de l’idée
Parmi les caractéristiques liées à la culture d’orientation entrepreneuriale qui peut être
entrepreneuriales recensées dans la littéra- caractérisée par cinq dimensions que sont
ture2, on trouve le plus souvent les sui- l’autonomie, la capacité d’innovation, la
vantes : innovation, créativité, attitude face prise de risque, la capacité d’anticipation et
à la prise de risque, indépendance, percep- l’agressivité compétitive (Lumpkin et Dess,
tion des opportunités dans l’environnement, 1996).
conscience du statut social de l’entrepre- Parmi toutes ces caractéristiques, dont
neur mais aussi peur de l’échec associée à d’ailleurs certaines se recoupent, il a fallu
« perdre la face », ambition, originalité, faire un choix et les thèmes abordés ont été
projection dans le long terme, doute et pas- centrés sur l’évolution des comportements
sion, accomplissement de ce qui fait sens, et attitudes entrepreneuriales après la for-
aptitude à résoudre des problèmes, leader- mation.
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ship et responsabilité, confiance en soi Bien entendu, d’autres éléments tels que :
(négocier, convaincre, défendre ses idées et – l’environnement familial ;
capacité de communication), flexibilité/ – le parcours éducatif, les expériences
adaptation aux autres et à l’environnement, « entrepreneuriales » (vie associative,
initiative, autonomie, gestion du temps et stages, petits boulots, etc.) ;
respect des délais, dynamisme, esprit cri- – comprendre ce qu’est et ce que fait un
tique, curiosité. chef d’entreprise ;
Une étude québécoise récente (Pelletier, – les principales caractéristiques/motiva-
2007) donne un grand nombre de clés aux tions du caractère et leur évolution, notam-
enseignants pour que l’entrepreneuriat ment sur les perspectives de carrière ont
devienne une valeur éducative à l’école et également fait l’objet de questionnements.
montre qu’il mobilise trois types de res- Pour notre étude présente, les résultats les
sources : les ressources émotives qui sont le plus intéressants sont retracés dans le
moteur de l’action, les ressources cogni- tableau 1, à partir des huit critères étudiés
tives qui permettent de concevoir l’action et qui nous ont paru les plus significatifs pour
les ressources interactionnelles de coopéra- notre propos.

2. Areius et Minniti (2005), Begley et al. (1997), Busenitz et al. (2000), Davidsson (1995), Kolvereid et Obloj
(1994), Mc Grath et al. (1992), Mc Grath et al. (1992), Rai et Turpin (1998), Shane et al. (1991), Wennekers et al.
(2000).
Développer la culture entrepreneuriale chez les jeunes 169

Tableau 1 – Résultats de l’étude

Critères Avant Après Différentiel


Créativité 2 4 2
Curiosité 3 5 2
Persuasion3 4 5 1
Leadership4 3 4 1
Capacité à résoudre des problèmes 3 5 2
Prise de décision 4 6 2
Esprit critique 4 5 1
Confiance en soi 4 6 2

Ces résultats montrent une élévation d’un autres par le simple fait qu’ils sont depuis
point ou deux (sur une échelle de sept) sur longtemps « baignés » dans cet univers et
l’ensemble des critères, ce qui laisse envi- que cet environnement et ces conditions les
sager en un temps assez court une augmen- effraient moins que les autres, même si le
tation de la culture entrepreneuriale de cette projet en lui-même est éloigné de leurs pré-
population. Ce qui est encore plus intéres- occupations d’études habituelles à savoir la
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sant est de comprendre les conditions qui chimie.
ont permis une telle acculturation, ce sera La confiance en soi est très proche d’une
l’objet du point suivant. autre notion, l’estime de soi, qui permet de
Avant cela, il est également important de se dépasser pour réaliser un projet nouveau,
noter une différence, sur la plupart des cri- inhabituel, en équipe et en temps très limité.
tères, entre les élèves issus d’un environne- En fait, il en ressort que les élèves, dans ce
ment entrepreneurial et les autres. La notion contexte de projet entrepreneurial nouveau
de capital social de Bourdieu ou de « cul- pour eux, se sentent relativement désarmés
ture du milieu » (Morrison, 2000) est tout à et rencontrent une vraie difficulté qu’ils
fait d’actualité. Et cette différence est très surmontent progressivement (« on joue le
nette dans la réponse au critère « confiance jeu et on verra bien » est une phrase que
en soi » et dans les propos tenus par les l’on entend souvent au début du séminaire).
élèves lors des entretiens. Nous confirmons Cette difficulté vient du fait qu’ils ne maî-
par la même les résultats de Krueger quand trisent pas le sujet (« cela n’a rien à voir
il avançait qu’être issu d’une famille entre- avec nos spécialités d’origine ») et réali-
preneuriale procure de fait une éducation sent la complexité de gérer un projet qui
entrepreneuriale. Les élèves dans cette caté- évolue (« d’habitude, on a des données, et
gorie présentent des scores supérieurs aux on travaille dessus ; là c’est flottant, des

3. La persuasion signifie également négociation pour emporter l’adhésion.


4. Leadership doit être compris comme la capacité à faire face avec d’autres et motiver l’équipe.
170 Revue française de gestion – N° 185/2008

fois on trouve et des fois on ne trouve rien, tation à des problèmes apporte de l’expé-
c’est déstabilisant »). On se retrouve bien rience qui va au fur et à mesure modifier les
dans la position de les mettre dans la situa- aptitudes, les attitudes et la personnalité.
tion de gérer un processus équivoque. Ils L’enquête a montré qu’une telle accultura-
ne sont pas habitués ni à définir eux- tion est possible si plusieurs conditions sont
mêmes leur sujet d’étude, ni à devoir trou- respectées comme la mise en place d’une
ver l’information par leurs propres pédagogie constructiviste, ludique, la créa-
moyens, ni à s’organiser pour obtenir un tion d’un environnement favorisant l’ap-
résultat concret et cela dans des délais prentissage et le développement de la
impartis et courts. Ce qui explique leurs confiance en soi.
scores somme toute assez bas en termes de
créativité (ils sont plus dans une logique de 1. Une nécessaire pédagogie
reproduction de la chose apprise), de capa- constructiviste et ludique
cité à résoudre des problèmes et de leader- Krueger (2007) s’interroge sur les fonde-
ship. La capacité à résoudre des problèmes ments de la pensée entrepreneuriale et les
s’entend ici comme un problème nouveau conséquences que l’on peut envisager en
et complexe dont on ne connaît pas l’abou- matière de pédagogie. Il existe deux
tissement et qui apparaît a priori non modèles fondamentaux en sciences de
structuré, c’est-à-dire à l’opposé des pro- l’éducation : un modèle comportemental et
blèmes habituels à résoudre (mathéma- un modèle constructiviste qui offrent des
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tiques ou autres) où à chaque problème prescriptions assez différentes pour l’ensei-
découle une solution et ceci dans un gnement et la formation (Brooks et Brooks,
contexte donné précis. Le leadership est 1993 ; Hamilton et Hitz, 1996 ; Perkins,
également un comportement relativement 1994). Le modèle traditionnel comporte-
éloigné de leur comportement habituel où, mental centre l’intérêt sur l’acquisition
une fois arrivés en troisième année d’information qui s’inscrit dans la structure
d’école, l’entraide l’emporte souvent (« on de connaissance de l’apprenant jusqu’au
est tous dans la même situation »). moment où apparaît une nouvelle informa-
tion qui actualise la précédente. Le modèle
constructiviste suppose qu’apprendre est
III. DISCUSSION
contextuel et subit donc de nombreuses
Ce séminaire avait pour objectif majeur de influences. Les individus construisent des
développer la culture entrepreneuriale des structures de connaissance (sorte de bases
élèves ingénieurs dans le but de modifier de données) qui évoluent. Il devient impor-
leurs attitudes et comportements entrepre- tant pour l’apprenant de comprendre les
neuriaux futurs. changements cognitifs en cours et il est éga-
Faire évoluer les attitudes et les comporte- lement important pour les enseignants de
ments demande une pédagogie parti- comprendre sa mentalité. Ce modèle
culière : la pédagogie classique permet améliore l’apprentissage par la compréhen-
d’apporter des connaissances alors que la sion même du processus d’apprentissage
pratique, la mise en situation et la confron- Bandura, 1994).
Développer la culture entrepreneuriale chez les jeunes 171

La pédagogie entrepreneuriale est deve- leurs moments de détente jouer aux cartes,
nue plus constructiviste en se centrant de au billard ou à toute autre jeu dans leur
manière explicite sur des scénarios « cafétéria » ou espace dédié. Le caractère
d’experts, en enseignant des pensées incertain du jeu entrepreneurial, qui les
difficiles et contrefactuelles (Saks et effraie parfois au début car ils s’éloignent
Gaglio, 2004), en demandant aux étu- de leurs bases cognitives, les incitent
diants d’être des apprenants auto-dirigés ensuite à se dépasser et à créer leurs propres
(autonomes) et en les forçant à réfléchir « règles du jeu ».
sur leur apprentissage du savoir (Morse et Par ailleurs, ils sont prêts à donner énormé-
Mitchell, 2005). Malgré cela, on pourrait ment d’eux-mêmes s’ils trouvent du plaisir
s’interroger sur le fait de savoir pour dans ce qu’ils font. Ils veulent se sentir bien
quelles raisons ces méthodes pédago- dans leur travail, croire en ce qu’ils font. Ils
giques ne sont pas plus répandues ont des valeurs éthiques5 et sont sensibles
(enquêtes de l’OPPE en France ou du aux entreprises qui les respectent et à l’am-
NCGE en Grande-Bretagne) mais on biance de travail pour partager des valeurs
trouve un élément de réponse dans les communes.
propos de Krueger (2007) que nous parta-
geons pour les mettre en application. La 2. Un environnement favorisant
pédagogie centrée sur les problèmes l’apprentissage
demande aux enseignants de passer d’une Dans ce séminaire, l’élève est acteur (on
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position « d’ayant les réponses » à une retrouve la dimension expérimentale et le
position de « poseurs de questions ». De paradigme de la découverte), l’équipe péda-
plus, elle est très consommatrice en temps gogique n’est là qu’en temps que facilita-
et en énergie et demande la constitution teur. L’immersion des individus dans un
d’une équipe pédagogique particulière qui environnement nouveau (règles et valeurs,
tout d’abord accepte cette position et connaissances nouvelles) et un contact
excelle ensuite dans l’incertitude de la continu avec des enseignants issus d’une
construction des projets. autre culture (gestionnaire) permet une
Cette volonté de s’appuyer sur une acculturation plus rapide et plus grande.
ambiance ludique améliore l’apprentissage L’apprentissage se fait par la gestion d’un
collectif des équipes. D’ailleurs « ludus » projet concret et par la rencontre avec le ter-
ne signifie-t-il pas à la fois jeu et apprentis- rain, c’est-à-dire une situation très proche
sage ? Il n’est qu’à regarder les cours de la réalité. Mintzberg (1990) affirmait
d’écoles où les enfants apprennent et se que les activités entrepreneuriales font
construisent constamment en jouant. Les appel à la fois au côté gauche du cerveau
élèves ingénieurs apprécient le jeu ; il n’est (calcul et planification) et droit (intuition et
qu’à les observer entre les cours ou pendant affect). On retrouve les ressources émo-

5. « Les jeunes diplômés rêvent de fun et d’éthique » ils « veulent avant tout jouir de la vie, s’amuser ». Ils placent
leur bien-être avant tout, ce qu’on a appelé la génération du « moi d’abord », L’Expansion, n° 674, avril 2003.
172 Revue française de gestion – N° 185/2008

tives, cognitives et interactionnelles citées pédagogique est considérée comme une


plus avant. équipe ressource à qui on peut demander à
Les élèves apprécient cette mise en situa- tout moment aide, conseil ou approfondis-
tion concrète (des apports conceptuels sement. Aucun jugement (aucune note)
réduits pour leur laisser le temps de n’intervient pendant la semaine, seule
construire leur projet), inédite (ils sont l’aboutissement du projet est pris en
ingénieurs et la gestion ne leur est pas fami- compte. Cette forme d’apprentissage laisse
lière) et ludique (la mise en scène lors des la possibilité de faire des erreurs et de pro-
présentations est recommandée). Atkinson gresser ensuite. D’ailleurs la notation (car il
(1993) écrivait que le besoin de réussir est demandé une notation) prend en compte
créait la tendance à entreprendre pour pou- les modalités d’apprentissage et le compor-
voir éprouver le plaisir lié à la réussite ; le tement du groupe au même niveau que la
plaisir provenant en partie du fait d’avoir construction et la présentation du business
été capable de surmonter des difficultés. plan et ces critères sont annoncés aux
Par ailleurs, l’individu doit également s’ac- élèves en début de séminaire.
corder le mérite du résultat (le « locus de
contrôle ») et doit inscrire son action dans CONCLUSION
la durée pour éprouver du plaisir selon
Forner (2005). Cette recherche avait pour objet de montrer
On retrouve également ce que Deci et Ryan que, par la mise en œuvre d’une pédagogie
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(1987) avaient mis en avant à savoir que la adaptée constructiviste et ludique, il est
motivation augmente avec le sentiment de possible de développer la culture entrepre-
compétence. La conviction d’avoir en soi neuriale, c’est-à-dire les attitudes et les
les ressources nécessaires fait oser davan- comportements, d’élèves ingénieurs pas du
tage et donne le goût de continuer. Le fait tout familiarisés avec ce domaine.
de travailler par séquences qui aboutissent à La mesure de l’évolution des réponses après
la construction finale du business plan per- la formation est réelle et permet un certain
met à ce genre de sentiment d’apparaître optimisme, notamment dans l’augmentation
dès qu’une étape importante a été franchie de la confiance en soi et de la capacité à
avec succès (« on a finalement trouvé ce résoudre des problèmes. On peut affirmer
chiffre qui nous bloquait et maintenant on a que leur savoir et leur savoir-faire ont
tous envie de foncer »). Le défi et le dépas- quelque peu progressé, même si tel n’était
sement font partie du processus d’appren- pas l’enjeu principal, mais que leur savoir
tissage (« Vous allez voir notre présentation, être a évolué. De plus, comme l’apprentis-
on sera très drôles »). sage est contextuel, du fait même que leur
Un autre aspect essentiel dans l’apprentis- savoir être a évolué, leurs savoir et savoir-
sage est le temps donné à la construction faire se sont également enrichis. La compré-
(six journées réparties sur deux semaines) hension de leurs réponses à travers des
qui permet des aller et retour, des retours entretiens complémentaires est particulière-
sur les hypothèses de départ et aussi de faire ment instructive et devrait permettre d’affi-
des erreurs. La règle est claire : l’équipe ner les critères et les questionnements.
Développer la culture entrepreneuriale chez les jeunes 173

Cela étant, cette étude est limitée à une tion pour évaluer s’ils ont un meilleur
cohorte d’élèves de la même promotion et il emploi ou une autre façon de se comporter
serait intéressant de pouvoir mener des ou encore une meilleure progression de leur
comparaisons. Il serait par ailleurs intéres- carrière que d’autres ingénieurs qui n’au-
sant de suivre dans le temps cette popula- raient pas bénéficié d’un tel séminaire.

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