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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 41-555

Chirurgie des tumeurs épithéliales


malignes de l’ovaire
D Castaigne
P Morice

Résumé. – Les tumeurs épithéliales malignes invasives de l’ovaire sont des tumeurs de mauvais pronostic. La
chirurgie est le temps essentiel du bilan d’extension et du traitement de ces tumeurs. Quel que soit le stade,
elle doit comporter au minimum une cytologie péritonéale, une hystérectomie avec annexectomie bilatérale,
une omentectomie, une lymphadénectomie pelvienne et lomboaortique, une appendicectomie et des
prélèvements péritonéaux multiples. Dans les stades I, chez les femmes jeunes désireuses d’une grossesse, on
peut proposer une conservation de l’utérus et de l’ovaire controlatéral. Dans les stades II et III, la stratégie
thérapeutique associe une chirurgie première et une chimiothérapie systématique. La chirurgie radicale,
comportant l’exérèse du maximum de nodules de carcinose visibles, avec, si nécessaire, des résections
digestives, est dans ces cas indispensable, la taille du reliquat tumoral en fin d’intervention étant le facteur
pronostique le plus important. Dans les stades avancés, cette chirurgie peut être précédée d’une
chimiothérapie néoadjuvante (trois à quatre cycles) afin de réduire les volumes tumoraux et donc
l’importance des gestes d’exérèse. Cette attitude est en cours d’évaluation.
Les tumeurs de l’ovaire à la limite de la malignité sont de bon pronostic quel qu’en soit le stade. La chirurgie
peut très souvent être conservatrice, en particulier chez la femme jeune.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : cancers épithéliaux de l’ovaire, chirurgie d’exérèse tumorale, reliquat tumoral,


lymphadénectomie lomboaortique, chirurgie conservatrice.

Introduction – elle permet, et elle seule, de faire le diagnostic histologique grâce


à des prélèvements sur la tumeur ovarienne ou sur les sites
métastatiques ;
Bien que leur fréquence soit en constante augmentation depuis
25 ans, les cancers de l’ovaire représentent seulement 4 % des – elle permet de faire un bilan d’extension tumorale fiable grâce à
cancers de la femme. Ils sont, en revanche, la première cause de un inventaire précis des lésions, tant au niveau pelvien
qu’abdominal ; elle permet donc de définir le stade d’extension ;
mortalité par cancer gynécologique (sein exclu).
On peut distinguer deux grands groupes selon l’histologie de la – elle permet une exérèse tumorale satisfaisante qui doit d’emblée
être la plus complète possible ; de la qualité de cette exérèse dépend
tumeur, les tumeurs épithéliales (tumeurs malignes et tumeurs à la
l’efficacité des thérapeutiques adjuvantes et en conséquence
limite de la malignité) et les tumeurs non épithéliales. Le pronostic
l’augmentation du taux de survie.
de ces tumeurs non épithéliales est meilleur que celui des tumeurs
épithéliales invasives. Leur traitement chirurgical est en règle La chirurgie des cancers de l’ovaire comporte donc deux temps :
conservateur. – le premier temps consiste à faire un bilan lésionnel ;
– le deuxième temps est celui de l’exérèse tumorale.

Tumeurs épithéliales invasives ¶ Voie d’abord


En cas de tumeur de l’ovaire suspecte ou probablement maligne (sur
CHIRURGIE INITIALE la triade : clinique, marqueurs et échographie) mais a priori limitée
à l’ovaire, une exploration cœliochirurgicale, voire un traitement
Le traitement des adénocarcinomes de l’ovaire comporte une laparoscopique pur, peut être réalisé. Les modalités de l’intervention
approche pluridisciplinaire associant chirurgie et chimiothérapie. La par voie d’abord cœlioscopique sont développées (cf infra).
chirurgie doit impérativement être la première étape thérapeutique En cas de tumeur maligne évidente (ou après avoir trouvé une
et ceci pour trois raisons : tumeur maligne lors d’une cœlioscopie), la voie d’abord de référence
est la laparotomie médiane sous-ombilicale prolongée à la demande
au-dessus de l’ombilic (fig 1). L’incision transversale sus-pubienne
Damienne Castaigne : Chef de service. de Pfannenstiel à visée esthétique doit donc en principe être
Philippe Morice : Assistant.
Service de chirurgie gynécologique, institut Gustave Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif,
proscrite car elle ne permet pas un jour suffisant pour pouvoir
France. réaliser les différents gestes d’exérèse nécessaires.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Castaigne D et Morice P. Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales – Gynécologie, 41-555, 2001, 18 p.
41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

Le diagnostic est confirmé par un examen histologique peropératoire


extemporané. Néanmoins, l’interprétation de cet examen n’est pas
toujours facile et dépend de l’expérience du pathologiste et de la
taille des échantillons envoyés à l’analyse. On ne peut donc
concevoir son utilisation qu’à condition de ne tenir compte que des
résultats formellement positifs.

¶ Bilan lésionnel
S’il existe une ascite, elle est prélevée d’emblée. Sinon, un lavage
péritonéal est effectué à la recherche d’une dissémination toujours
possible (20 % de cytologies positives dans les stades I et II). La
diffusion du cancer de l’ovaire est avant tout intrapéritonéale mais
aussi ganglionnaire rétropéritonéale. Le premier temps de
l’intervention consiste donc à apprécier la diffusion de la maladie.
Tous les éléments de l’abdomen et du pelvis sont examinés : ovaires,
Opérateur utérus, trompes, viscères, péritoine des gouttières pariétocoliques et
des coupoles diaphragmatiques, grand épiploon, foie, rate et chaînes
ganglionnaires rétropéritonéales. L’absence d’adénomégalie lors de
la palpation ne permettant pas d’éliminer une atteinte ganglionnaire,
une lymphadénectomie pelvienne et lomboaortique systématique est
réalisée. L’extension de la tumeur est très soigneusement précisée
dans le compte rendu opératoire.
En l’absence d’envahissement visible ou palpable, des biopsies
péritonéales systématiques sont effectuées au niveau du cul-de-sac
de Douglas, du cul-de-sac vésico-utérin, des gouttières
pariétocoliques et de la coupole diaphragmatique droite (fig 2). Le
taux de métastases microscopiques constaté sur ces biopsies
péritonéales systématiques avoisine 10 % dans les stades I et II [15].
La méconnaissance de ces envahissements infracliniques entraîne
donc une sous-évaluation du stade d’extension tumorale.
1 Incision médiane sous- et sus-ombilicale.
Au terme de ce bilan lésionnel et après confirmation histologique
des prélèvements systématiques ou non, il est possible d’établir le

*
A *
B
2 A. Biopsies péritonéales systématiques : cul-de-sac de Douglas, péritoine vésical, gouttières pariétocoliques.
B. Biopsies péritonéales systématiques : coupole diaphragmatique droite.

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Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

stade d’extension tumorale selon la classification de la Fédération


internationale de gynécologie-obstétrique (FIGO) (1987).

– Stade I : tumeur limitée aux ovaires.


– Stade Ia : tumeur unilatérale, capsule intacte, pas de tumeur
extériorisée en surface, pas d’ascite.
– Stade Ib : tumeur bilatérale, capsule intacte, pas de tumeur
extériorisée en surface, pas d’ascite.
– Stade Ic : tumeur au stade Ia ou Ib mais avec extériorisation de la
tumeur à la surface d’un ou des deux ovaires, ou rupture(s)
capsulaire(s) ou présence d’ascite classe IV ou lavage péritonéal
classe IV.
– Stade II : atteinte d’un ou des deux ovaires avec extension
pelvienne.
– Stade II a : extension et/ou métastase à l’utérus et/ou aux
trompes.
– Stade IIb : extension aux autres tissus pelviens.
– Stade IIc : tumeur au stade IIa ou IIb mais avec extériorisation de
la tumeur à la surface d’un ou des deux ovaires, ou rupture(s)
capsulaire(s) ou présence d’ascite classe IV ou lavage péritonéal
classe IV.
– Stade III : tumeur uni- ou bilatérale avec implants péritonéaux en
dehors du pelvis et/ou adénopathies rétropéritonéales ou
inguinales.
– Stade IIIa : atteinte microscopique des surfaces péritonéales
abdominales. Pas d’atteinte ganglionnaire.
– Stade IIIb : implants inférieurs à 2 cm de diamètre. Pas
d’atteinte ganglionnaire.
– Stade IIIc : implants supérieurs à 2 cm de diamètre et/ou
ganglion rétropéritonéal ou inguinal positif.
3 Hystérectomie totale extrafasciale avec annexectomie bilatérale : section des liga-
– Stade IV : métastase à distance, y compris intrahépatique. ments ronds ; section des pédicules lombo-ovariens.

Ce bilan lésionnel est fondamental pour la suite du traitement. Ceci


implique qu’en cas d’exérèse ou de bilan d’extension chirurgical
incomplet d’une tumeur épithéliale ovarienne maligne (par
cœlioscopie ou par incision de Pfannenstiel), une réintervention
pour stadification s’impose (cf infra).

¶ Exérèse tumorale
Le second temps de l’intervention est celui de l’exérèse tumorale.
Elle doit être impérativement la plus complète d’emblée, le facteur
pronostique principal des adénocarcinomes ovariens étant en effet
l’importance du volume tumoral résiduel après chirurgie initiale
[3, 16, 18, 20, 21, 26, 29]
.
L’expérience montre que, quelle que soit l’étendue des lésions, il est
presque toujours possible d’effectuer une résection tumorale
optimale (laissant en place des nodules ayant moins de 2 cm de
diamètre). Ce type de chirurgie est cependant difficile, nécessitant
une bonne expérience de la chirurgie pelvienne et de la chirurgie
digestive.
La nature des gestes à effectuer dépend bien évidemment des
constatations pré- et surtout peropératoires.

Chirurgie des stades limités (stades I et IIa)


L’acte chirurgical doit comprendre [48] :
– un lavage péritonéal en utilisant du sérum physiologique ;
– une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale en raison de
greffes métastatiques possibles sur la séreuse utérine ou l’endomètre,
de l’association d’un adénocarcinome simultané de l’endomètre
(20 % dans les formes endométrioïdes) [12] et de la bilatéralité
fréquente des lésions ovariennes (65 % dans les formes séreuses)
(fig 3 à 5) ;
– une omentectomie systématique après décollement coloépiploïque
emportant la partie flottante du grand épiploon ; les micrométastases
épiploïques sont en effet fréquentes (de 15 à 30 % dans les stades
initiaux selon les auteurs) (fig 6) ; 4 Incision du péritoine du cul-de-sac vésico-utérin.

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41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

7 Voies de drainage lymphatique de l’ovaire. 1. Précave ; 2. latérocave ; 3. promon-


toire ou présacré ; 4. iliaque externe ; 5. interaorticocave ; 6. préaortique ; 7. latéroaor-
5 Ligature et section des pédicules utérins.
tique ; 8. iliaque primitif.

– une appendicectomie systématique est souhaitable dans la mesure


où il a été décrit des cas de métastases appendiculaires (formes
mucineuses) ;
– une lymphadénectomie pelvienne et lomboaortique avec résection des
pédicules lombo-ovariens s’impose comme temps complémentaire
obligatoire, le taux d’envahissement ganglionnaire atteignant de 12 à
25 % dans les stades I et de 20 à 50 % dans les stades II (fig 7) [4, 8, 39] ;
en effet, les examens radiologiques (scanner) ou la palpation ne
permettent pas de définir avec fiabilité le statut ganglionnaire.

• Lymphadénectomie pelvienne
Elle commence par le repérage de l’uretère et son refoulement en
dedans (fig 8). On s’applique à ne pas le disséquer au plus près afin
de conserver ses attaches vasculaires avec le feuillet postérieur du
ligament large. Puis on ouvre la gaine vasculaire artérielle et
veineuse en regard de la bifurcation iliaque primitive. On enlève
progressivement d’arrière en avant les chaînes ganglionnaires
externes et moyennes du groupe iliaque externe en prenant contact
avec la veine en regard de la bifurcation de l’artère iliaque primitive.
On vérifie qu’il ne reste pas de ganglion au niveau de la région
rétrocrurale.
On réalise ensuite le curage de la chaîne interne en rasant le bord
inférieur de la veine iliaque externe et en allant jusqu’au contact du
muscle obturateur, les vaisseaux iliaques externes étant réclinés en
dehors par l’écarteur de Papin. Le nerf obturateur est découvert,
soit en avant, soit en arrière ; il marque la limite inférieure de la
dissection, les limites antérieures étant l’anneau crural et les limites
postérieures le confluent veineux iliaque primitif (fig 9).
On s’assure qu’il n’existe pas de ganglion résiduel sous la bifurcation
veineuse et en arrière de l’anneau crural.
Une ligature ou un gros clip assure la lymphostase en arrière de
l’arcade crurale.
• Lymphadénectomie lomboaortique
6 Omentectomie systématique de la partie flottante de l’épiploon utilisant la pince
mécanique ILDS. L’exposition du champ opératoire est obtenue par trois écarteurs
autostatiques :

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9 Lymphadénectomie iliaque externe droite : prélèvement du groupe interne sous-


veineux : la valve de Papin récline en dehors l’artère et la veine iliaques externes.
La limite inférieure du curage est le nerf obturateur.
8 Lymphadénectomie iliaque externe droite : prélèvement des groupes externes
et moyens.
10 Exposition utilisant
– valve sus-pubienne en bas ou écarteur d’Olivier ; un écarteur d’Olivier en
– écarteur de Gosset latéralement ; haut et en bas, un écarteur
de Gosset latéralement.
– écarteur d’Olivier en haut qui permet une traction vers le haut
associée à un écartement réglable (fig 10).
Cette exposition permet ainsi d’éviter l’incision xiphopubienne ; il
suffit de prolonger l’incision médiane de deux ou trois travers de
doigt au-dessus de l’ombilic.
Premier temps : décollement colique droit (fig 11).
– L’incision péritonéale se situe dans le sillon que limite le côlon
droit d’une part et la paroi postérieure de l’abdomen d’autre part.
Elle contourne le cæcum et remonte le long du côlon ascendant
jusqu’au transverse, le premier aide attirant légèrement le côlon
droit vers lui ;
– le décollement du fascia de Toldt droit s’effectue au ciseau ou au
tampon monté. Il se fait de bas en haut et de dehors en dedans,
passant en avant du rein droit. Le décollement est poursuivi en
dedans jusqu’à la libération du genu inferius et de la troisième
portion du duodénum qui demeure fixée au plan postérieur (fig 12).
Deuxième temps : découverte de la veine cave inférieure. découvrir, sur la face gauche de la veine cave inférieure, l’aorte et la
– Le pédicule lombo-ovarien droit libéré de ses attaches est suivi de veine rénale gauche qui croise la face antérieure de l’aorte.
bas en haut. Il est séparé de l’uretère qui est refoulé en dehors. On – La libération complète de la veine rénale gauche permet son
aboutit ainsi à l’abouchement de la veine ovarienne dans la veine contrôle. Le bord inférieur de la veine rénale gauche correspond à la
cave inférieure, la veine ovarienne droite est alors liée et sectionnée limite supérieure du curage. Le temps de décollement terminé, grêle
au contact de la veine cave inférieure. et côlon sont extériorisés, protégés par des champs humides et
Troisième temps : découverte de la veine rénale gauche (fig 13). maintenus par des valves de Leriche.
– Après avoir récliné par une valve de Leriche le côlon ascendant et Quatrième temps : prélèvement ganglionnaire latérocave droit, précave
l’angle droit, on retrouve le deuxième et le troisième duodénum. et inter-aortico-cave (fig 14).
– L’amorce du décollement du bloc duodénopancréatique est – Après ouverture de la gaine de la veine cave, on prélève le tissu
effectuée au ciseau de bas en haut sur 1 cm environ. Elle permet de celluloganglionnaire situé le long du bord droit de la veine cave et à

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41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

13 Après décollement du côlon droit et de la troisième portion du duodénum : les an-


ses sont réclinées et maintenues hors du champ opératoire par une valve de Leriche ;
dissection de la veine rénale gauche et de la terminaison de la veine ovarienne gauche.

11 Amorce du décollement colique droit. Incision du péritoine de la gouttière parié-


tocolique droite.

12 Après décollement du côlon droit et de la troisième portion du duodénum : l’ure- 14 Curage ganglionnaire latérocave droit et précave. Le tissu celluloganglionnaire si-
tère droit est visualisé sur tout son trajet ; la veine ovarienne droite est liée et sectionnée tué à la face antérieure et latérale droite de la veine cave est prélevé après ouverture de la
à 1 cm de la veine cave inférieure ; l’artère ovarienne droite est liée à son origine. gaine vasculaire.

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Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

16 Curage ganglionnaire préaortique et latéroaortique gauche. Après avoir repéré


et disséqué l’origine de l’artère mésentérique inférieure, les ganglions latéroaortiques
15 Curage ganglionnaire interaorticocave, en prenant garde aux pédicules lombai- sus-mésentériques sont prélevés après avoir ligaturé et sectionné l’artère ovarienne
res. gauche et lié et sectionné la veine lombaire gauche à 1 cm de son abouchement dans
la veine rénale gauche (l’uretère gauche étant récliné en dehors par une valve).
sa face antérieure. L’exérèse des ganglions interaorticocaves se fait
de bas en haut. Il est parfois nécessaire d’utiliser un écarteur de – Cette lame est en continuité avec les ganglions iliaques externes
Papin pour incliner les gros vaisseaux. La partie haute de cette lame déjà prélevés, en avant et en dehors de l’artère iliaque primitive.
contient la citerne de Pecquet ainsi que de nombreux lymphatiques – Les lymphadénectomies pelvienne et lomboaortique ainsi menées
et de volumineux ganglions. L’utilisation de clips métalliques permettent de réaliser l’exérèse de 35 à 40 ganglions en moyenne.
permet d’assurer une lymphostase correcte. – Des biopsies péritonéales systématiques sont ensuite pratiquées :
– La lame interaorticocave est ensuite séparée du plan postérieur chaque prélèvement péritonéal a une surface de 1 cm2 en moyenne.
qui est constitué par l’aponévrose prévertébrale. Il faut éviter de Il est recommandé de pratiquer trois prélèvements au niveau du
blesser les vaisseaux lombaires situés transversalement sur le plan péritoine de chaque gouttière pariétocolique, deux prélèvements au
postérieur (fig 15). niveau de la coupole diaphragmatique droite, deux prélèvements
Cinquième temps : exérèse des lames ganglionnaires préaortique et au niveau du péritoine pelvien prévésical ainsi qu’au niveau du
latéroaortique gauche (fig 16, 17). péritoine pelvien latéral et deux prélèvements au niveau du
péritoine du cul-de-sac de Douglas (10 % environ d’envahissement
– Après avoir découvert l’origine de l’artère mésentérique inférieure microscopique sont ainsi découverts) [15] (fig 20).
qui naît généralement 3 à 4 cm au-dessus de la bifurcation aortique
L’intervention se termine sans péritonisation après avoir mis en
sur le flanc gauche de l’aorte et disséqué ses trois premiers
place un drainage aspiratif pelvien et éventuellement
centimètres, la lymphadénectomie latéroaortique gauche intéresse
interaorticocave.
successivement les ganglions situés au-dessus de l’artère
mésentérique supérieure et ceux situés au-dessous de l’artère : elle La sonde vésicale est enlevée le premier ou deuxième jour
est réalisée après avoir libéré le bord gauche de l’aorte, lié et postopératoire.
sectionné l’artère ovarienne gauche, repéré et récliné en dehors Les drains aspiratifs sont retirés au cinquième jour postopératoire et
l’uretère gauche. Le plan postérieur est ici musculaire. une échographie abdominopelvienne est pratiquée entre le huitième
et dixième jour postopératoire (recherche d’une dilatation des cavités
– La veine ovarienne gauche est liée et sectionnée au ras de la veine
pyélocalicielles et/ou d’une collection).
rénale gauche et le pédicule lombo-ovarien gauche réséqué dans sa
totalité. • Complications de la chirurgie des stades limités
Sixième temps : exérèse des ganglions du promontoire (fig 18). Elles sont assez rares et sont essentiellement des complications de
– La lame celluloganglionnaire située sous la bifurcation aortique, toute hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale (hémorragie
en avant du sacrum et de la bifurcation cave, est réséquée sans secondaire) et les complications plus spécifiques de la
difficulté. lymphadénectomie (lymphocèles).
Septième temps : lymphadénectomie iliaque primitive bilatérale Les complications peropératoires sont le plus souvent des plaies
(fig 19A, B). vasculaires qui peuvent intéresser la veine rénale gauche, la veine

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41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

17 Curage ganglionnaire latéroaortique gauche sous-mésentérique après avoir ré- 18 Exérèse des ganglions du promontoire.
cliné l’artère mésentérique inférieure par une valve de Papin (l’uretère gauche étant ré-
cliné par une valve). macroscopiquement complète est possible à condition d’utiliser un
abord pelvien sous-péritonéal pour réaliser une exérèse monobloc
cave ; ces plaies sont facilement contrôlées avec des ligatures emportant le péritoine pelvien, l’utérus, les annexes et la charnière
électives. En revanche, il ne faut pas méconnaître une plaie des rectosigmoïdienne (fig 21) [23]. Sous le cul-de-sac de Douglas, le
veines lombaires, qui peut être difficile à contrôler car elles se rectum est généralement sain et une anastomose colorectale est
rétractent rapidement. possible, parfois sous couvert d’une colostomie provisoire de proche
En postopératoire : amont.
– des hémorragies postopératoires peuvent survenir ; elles sont alors Une lymphadénectomie pelvienne et lomboaortique doit être
liées le plus souvent à un lâchage de la ligature d’un pédicule réalisée ; le taux d’envahissement ganglionnaire varie de 25 à 50 %
lombo-ovarien ou un saignement secondaire d’une veine lombaire ;
[4, 9]
.
L’intervention comporte un temps pelvien et un temps abdominal.
– les lymphocèles sont les complications postopératoires les plus
fréquentes (5 %) ; elles doivent être évoquées en cas de douleurs Temps pelvien (fig 22).
abdominopelviennes et/ou de fièvre. Le diagnostic est confirmé par – La ligature-section des pédicules lombo-ovariens et la ligature-
des examens radiologiques (échographie, scanner). Elles peuvent section des ligaments ronds permettent l’ouverture du ligament
être traitées par ponction-drainage radioguidée. Le drainage large.
chirurgical, pratiqué en cas d’échec des techniques radioguidées, est
actuellement exceptionnel. – On effectue ensuite éventuellement la ligature du tronc antérieur
de l’artère hypogastrique à son origine ainsi que la
Chirurgie des stades IIb et III lymphadénectomie iliaque externe bilatérale qui est réalisée après
avoir découvert les uretères sur leur trajet pelvien (fig 23).
Il s’agit d’une chirurgie d’exérèse d’emblée élargie mais l’étendue
des résections est différente selon qu’il s’agit d’un stade IIb ou d’un – En cas d’atteinte du rectosigmoïde, on effectue ensuite la section
stade III [28]. de l’anse sigmoïde en zone saine (5 cm environ au-dessus de la
tumeur) après section du méso en regard et ligature du pédicule
• Chirurgie des stades IIb hémorroïdal supérieur. La section sigmoïdienne peut être effectuée
sans ouverture préalable grâce à l’utilisation d’une pince
La diffusion tumorale est par définition limitée au pelvis avec un automatique type GIA, ce qui supprime un temps septique. La pièce
envahissement extrêmement fréquent du cul-de-sac de Douglas et, est alors mobilisable, ce qui facilite son exérèse (fig 24).
le plus souvent, de la charnière rectosigmoïdienne par contiguïté.
En l’absence d’extension au rectosigmoïde, une douglassectomie – Le temps suivant est celui du décollement rétrorectal qui doit être
peut être pratiquée. Si le tube digestif est envahi, une résection de la poussé nettement sous la tumeur (ce clivage du plan présacré ne
charnière rectosigmoïdienne doit être réalisée. Dans ces cas, la pose généralement aucun problème) (fig 25).
chirurgie est relativement simple et permet toujours d’obtenir un – Le temps suivant consiste à décoller le péritoine vésical antérieur
reliquat tumoral nul en fin d’intervention. L’exérèse tumorale de proche en proche jusqu’au cul-de-sac vésico-utérin. On résèque

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Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

*
A *
B

19 A. Exérèse du ganglion iliaque primitif droit (l’uretère gauche étant récliné en de- B. Curage iliaque primitif gauche et résection du ligament lombo-ovarien gauche
hors par une valve de Papin). en totalité.

les éventuels nodules de carcinose sur le péritoine vésical. Les totalité des pédicules lombo-ovariens, l’exérèse de la totalité du
décollements antérieur vésicovaginal et postérieur rétrorectal étant grand épiploon (jusqu’à la grande courbure gastrique) et les
réalisés, on s’aperçoit qu’il est toujours possible d’extirper la tumeur différents prélèvements péritonéaux précédemment décrits.
(fig 26). Après avoir vérifié l’hémostase, le drainage est réalisé grâce à un
– Le temps suivant est celui de la colpotomie : ouverture de la paroi drain aspiratif situé dans le pelvis, en arrière de l’anastomose
vaginale antérieure au bistouri, désinfection vaginale, section de la rectocolique. Un autre drain peut éventuellement être mis en place
paroi vaginale postérieure au ciseau, largement sous en avant des gros vaisseaux, au niveau du curage lomboaortique,
l’envahissement tumoral. La pièce n’est plus alors retenue que par sans péritonisation préalable.
le rectum et les ailerons latéraux (fig 27). • Complications de la chirurgie des stades IIb
– Le dernier temps est celui de la section du rectum après ligature Les complications de la lymphadénectomie sont les mêmes que dans
des sections des ailerons (fig 28). Afin d’éviter la contamination de les stades I et IIa. Elles sont néanmoins plus fréquentes car la
la cavité abdominale, on effectue la section rectale en utilisant, soit lymphadénectomie lomboaortique peut être plus difficile du fait de
une pince mécanique type TA, soit les ciseaux entre deux clamps la fréquence de l’atteinte ganglionnaire. La suture digestive peut se
digestifs (fig 29, 30). compliquer d’une fistule secondaire. Le taux de ce type de
– L’anastomose colorectale, si elle est possible, peut être effectuée complications est difficile à évaluer car les études incluent souvent
manuellement par deux surjets de fil résorbable 3/0 ou à la pince des malades de stades II, III et IV. Dans une récente série, le taux de
mécanique par voie endoanale (pince EEA) en fonction de la hauteur fistule anastomotique est de 1,5 % [47]. Ce risque peut être réduit en
de cette anastomose. Il est souvent nécessaire, pour effectuer cette appliquant les règles rigoureuses de la chirurgie des anastomoses
anastomose sans traction, de libérer l’angle gauche colique et il est digestives : préparation colique préopératoire, hémostase parfaite en
parfois plus prudent d’effectuer une colostomie de décharge de fin d’intervention pour éviter des hématomes éventuellement à
proche amont ou une iléostomie, surtout lorsque l’anastomose l’origine de fistule secondaire, absence de traction et bonne
effectuée est basse (fig 31). vascularisation des segments coliques. La préparation colique
préopératoire débute 5 jours avant l’intervention par un régime sans
– Dans certains cas, l’atteinte du Douglas est modérée et il est alors résidu, puis 4 L de soluté per os (en 24 ou 48 heures) pour la vidange
possible de pratiquer une douglassectomie simple sans résection colique (type macrogol 4000 : Fortranst) et un ou deux lavement(s)
digestive. Les nodules de carcinose éventuels sur le péritoine par le rectum selon la qualité de la préparation du côlon.
latéropelvien sont réséqués. Cette exérèse nécessite souvent une
Les fistules urétérales secondaires sont très rares (< 1 %). Elles
dissection de la portion pelvienne de l’uretère.
peuvent être dues à une dévascularisation de la portion pelvienne
Temps abdominal. de l’uretère du fait d’une dissection trop poussée. Elles sont curables
On réalise une lymphadénectomie lomboaortique et iliaque par les techniques de radiologie interventionnelle (néphrostomie
primitive après décollement colique droit avec résection dans leur et/ou endoprothèse urétérale).

9
41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

22 Ouverture du ligament large après ligature et section du ligament rond et ligature


et section du pédicule lombo-ovarien.

20 Biopsies péritonéales systématiques en fin d’intervention.

21 Coupe sagittale. Tumeur ovarienne envahissant le cul-de-sac de Douglas et la 23 Ligature et section du tronc antérieur de l’artère hypogastrique à son origine,
charnière rectosigmoïdienne. après avoir repéré l’uretère et réalisé la lymphadénectomie pelvienne.

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

25 Décollement rectorectal. Le plan de clivage présacré est aisément effectué manuel-


24 Section de l’anse sigmoïdienne en zone saine à la pince GIA après section du méso lement.
et ligature du pédicule hémorroïdal supérieur.
– Les résections intestinales adaptées à l’étendue des lésions
Chirurgie des stades avancés (III et IV) peuvent être nécessaires : il peut s’agir de colectomie segmentaire :
L’exérèse chirurgicale de la quasi-totalité des lésions est colectomie transverse, hémicolectomie droite ou hémicolectomie
théoriquement presque toujours techniquement possible, à gauche, mais il n’est pas rare de constater l’existence de nodules
l’exception des carcinoses massives avec envahissement du pédicule métastatiques sténosants sur toute la longueur du côlon, nécessitant
hépatique et/ou du mésentère, à condition de réaliser une chirurgie alors de réaliser une colectomie totale [6].
dite « supraradicale » qui comporte un temps pelvien identique à – Des résections entérales plus ou moins importantes peuvent
celui pratiqué dans les stades IIb et un temps abdominal dont également être nécessaires à condition de laisser en place au moins
l’importance varie en fonction de l’étendue des lésions [31]. En cas de 1,5 m de jéjunum.
tumeur de stade IV avec atteinte pleurale et/ou ganglionnaire sus-
– Le temps suivant est celui des péritonectomies : le péritoine des
claviculaire isolée, la chirurgie ne doit pas être récusée. En effet, cette
gouttières pariétocoliques, siège fréquent de nodules métastatiques,
extension pleurale et/ou ganglionnaire peut être associée avec une
est réséqué dans sa totalité, à droite comme à gauche : il est
atteinte abdominale et pelvienne peu importante (stade IIIa ou IIIb).
généralement aisé de décoller le péritoine du plan sous-jacent
Le pronostic des tumeurs à ce stade est alors proche de celui des
musculoaponévrotique en partant de l’incision abdominale ; il peut
tumeurs au stade III. L’atteinte pleurale est en règle sensible à la
également être nécessaire de réséquer une grande partie du péritoine
chimiothérapie. Par ailleurs, les patientes doivent être prévenues,
des coupoles diaphragmatiques après abaissement du foie par
avant l’intervention chirurgicale, de l’éventualité d’une stomie
section du ligament suspenseur.
digestive, a priori transitoire.
– Enfin, une lymphadénectomie lomboaortique, considérée comme
• Temps abdominal partie intégrante de la chirurgie de réduction tumorale, est réalisée
(le taux d’envahissement ganglionnaire atteignant 50 à 70 % dans
– Il n’est pas rare de constater d’emblée un envahissement massif
les stades III) [4, 9].
du grand épiploon intéressant non seulement sa partie flottante,
mais également le ligament gastrocolique. Cet envahissement réalise • Temps pelvien
ce que l’on appelle classiquement un « gâteau épiploïque ». On
Il est tout à fait identique à celui décrit dans les stades IIb.
réalise alors l’exérèse de la totalité du grand épiploon en passant au
On termine l’intervention en rétablissant la continuité intestinale
ras de la grande courbure gastrique, en ouvrant l’arrière-cavité des
dans la mesure du possible : il s’agit, selon l’importance des
épiploons et en faisant un décollement coloépiploïque (fig 32).
résections intestinales, d’une anastomose colocolique, ou d’une
– Il peut exister une infiltration nodulaire du pédicule splénique et anastomose colorectale ou d’une anastomose iléorectale.
de la rate : on réalise alors une exérèse monobloc du grand épiploon Ces anastomoses sont éventuellement protégées par une colostomie
et de la rate après avoir lié et sectionné le pédicule splénique et ou une iléostomie de proche amont.
découvert la face antérieure du pancréas (fig 33).
– Le petit épiploon peut, lui aussi, être le siège de nodules • Complications de la chirurgie des stades avancés (III et IV)
métastatiques : son exérèse est possible en passant au ras de la petite Les complications sont directement liées à l’importance des exérèses
courbure après avoir repéré le pédicule hépatique (fig 34). effectuées [7]. En conséquence, la chirurgie supraradicale est grevée

11
41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

27 Colpotomie. Ouverture de la tranche vaginale antérieure au bistouri et section


de la tranche vaginale postérieure aux ciseaux.
26 Décollement du péritoine vésical antérieur.

d’une morbidité non négligeable dominée par les fistules digestives


qui peuvent nécessiter la réalisation de stomies (iléostomie ou
colostomie) parfois définitives. Les complications infectieuses et
hémorragiques, souvent associées et favorisées par les troubles de
l’hémostase, sont également relativement fréquentes, nécessitant des
réinterventions pour drainage.
Cette morbidité peut être minimisée par une préparation et un
monitorage pré-, per- et postopératoire intensif :
– en préopératoire : correction des troubles métaboliques et d’une
anémie éventuelle, ponction d’ascite ou pleurale évacuatrice,
préparation colique systématique (cf supra), traitement
anticoagulant et antibiothérapie systématiques ;
– en peropératoire : nécessité d’une surveillance hémodynamique
stricte (pression artérielle sanglante, capnigraphie et, si besoin,
monitorage de la saturation veineuse en oxygène), éviter
l’hypothermie, compenser les pertes sanguines, maintenir la diurèse,
corriger les troubles d’hémostase (fibrinolyse et thrombopénie
fréquentes) ;
– en postopératoire : compensation des pertes et lutte contre
l’hypovolémie ; ventilation artificielle jusqu’au réchauffement
complet ; hyperalimentation parentérale à partir de j1 et transfusion
si nécessaire ; aspiration digestive retirée à j2 en l’absence de suture
digestive, dès la reprise du transit en cas d’anastomose digestive ;
compensation éventuelle de l’ascite jusqu’à j2, voire j3 ; traitement
anticoagulant systématique.
Néanmoins, malgré ces précautions indispensables, le taux de
complications reste important. Il est, dans notre expérience, de
33 % [29]. Les plus fréquentes sont les sepsis abdominaux (14 %) et
les hémorragies postopératoires (12 %). Dans 25 % des cas, ces
complications ont nécessité une reprise chirurgicale avec réalisation
d’une colostomie définitive pour fistule anastomotique dans 9 % des
28 Ligature et section des ailerons latéraux du rectum.
cas [29]. Ces données sont comparables à celles de la littérature [19, 20].

12
Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

31 L’anastomose colorectale peut être


manuelle ou mécanique à l’aide de la pince
EEA.

diminuer le taux de complications [49, 50]. Cette attitude permet


aussi de mieux définir les patientes ayant une tumeur
chimiosensible.
Devant un cancer de l’ovaire avec une suspicion de carcinose
29 Section du rectum à la pince TA.
étendue (cliniquement et sur le scanner préthérapeutique selon les
critères de Nelson [38]), en particulier à l’étage sus-mésocolique, la
30 Pièce de pelvectomie faisabilité de la chirurgie de réduction tumorale initiale doit être
postérieure pour cancer précisée et discutée. Une intervention chirurgicale première (par
de l’ovaire. cœlioscopie ou courte laparotomie médiane) permet alors d’évaluer
l’extension exacte de la lésion et son éventuelle résécabilité. Cette
exploration chirurgicale doit être rigoureuse. Elle est effectivement
fondamentale car elle reste l’examen de référence pour juger de
l’effet d’une chimiothérapie néoadjuvante éventuelle. Cette
intervention, et elle seule, permet aussi de faire le diagnostic en
réalisant des prélèvements à visée histologique (idéalement
annexectomie associée éventuellement à une omentectomie si elle
est techniquement réalisable). La chimiothérapie néoadjuvante
éventuelle ne devrait, en effet, pas être faite sur simple cytologie
d’ascite sans confirmation histologique.
Si l’exploration chirurgicale initiale retrouve une carcinose peu
importante, il faut réaliser une chirurgie de réduction tumorale
initiale, comme nous l’avons décrite. En revanche, si l’exploration
chirurgicale initiale retrouve une carcinose péritonéale diffuse, dont
l’exérèse nécessiterait des résections digestives multiples, le
traitement peut débuter par une chimiothérapie néoadjuvante
première (trois à quatre cycles). L’effet de la chimiothérapie est
évalué cliniquement, biologiquement (cinétique de la décroissance
du CA 125) et radiologiquement (scanner abdominopelvien
comparatif).
CHIRURGIE DITE « D’INTERVALLE » La chirurgie d’exérèse tumorale « d’intervalle » est alors réalisée.
Lors de l’exploration chirurgicale, en cas de bonne réponse à la
Le taux élevé de complications après chirurgie de réduction chimiothérapie (réponse macroscopique complète ou partielle), la
tumorale initiale a conduit à modifier l’attitude thérapeutique des patiente est a priori chimiosensible, la chirurgie de résection est alors
tumeurs de stade avancé avec carcinose importante. menée selon les modalités que nous avons précédemment décrites,
en s’attachant alors à faire une exérèse maximale des lésions
Certains auteurs ont proposé, dans ces cas, une chirurgie de résiduelles, associée aux curages ganglionnaires. En cas d’absence
réduction tumorale dite « d’intervalle », faite après trois cures de de réponse ou de progression sous chimiothérapie néoadjuvante, la
chimiothérapie, de manière à diminuer l’importance des gestes de patiente est a priori chimiorésistante aux cytostatiques utilisés en
résection en réduisant la taille des masses tumorales et donc, ainsi, première ligne de chimiothérapie. Faut-il alors réaliser une chirurgie

13
41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

34 Résections intestinales allant de la colectomie segmentaire à la colectomie totale :


a. colectomie droite ; b. colectomie transverse ; c. colectomie gauche.

ne permet actuellement de répondre et la décision doit être prise en


fonction de l’âge et de l’état général des patientes ainsi que des
constatations peropératoires.
Après cette chirurgie d’exérèse « intermédiaire », la chimiothérapie
32 Exérèse de la totalité du grand épiploon enlevant le ligament gastrocolique et la est poursuivie. Le type et la durée de la chimiothérapie dépendent
partie flottante de l’épiploon en passant au ras de la grande courbure et après décolle-
des constatations peropératoires et des résultats histologiques. Les
ment coloépiploïque.
premiers résultats de ce type de prise en charge semblent très
encourageants [49, 50]. Néanmoins, cette chimiothérapie néoadjuvante
33 Exérèse en monobloc initiale ne doit être réservée qu’aux patientes ayant une carcinose
du grand épiploon et de majeure (IIIc), sous réserve d’une exploration chirurgicale initiale
la rate : a. ouverture de minutieuse pour évaluer la non-résécabilité de la tumeur (par
l’arrière-cavité des épi- laparoscopie ou laparotomie). Par ailleurs, la chirurgie d’exérèse
ploons ; b. splénectomie ; c.
« d’intervalle » doit être pratiquée après trois – ou un maximum de
exérèse du petit épiploon si
nécessaire. quatre – cycles de chimiothérapie néoadjuvante.

CHIRURGIE CONSERVATRICE
La chirurgie conservatrice, théoriquement contre-indiquée dans les
tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire, peut toutefois se concevoir
chez des femmes très jeunes, nullipares ou désireuses de maternité
et porteuses d’une tumeur unilatérale bien encapsulée sans atteinte
ni rupture de la capsule, ni adhérences (stade Ia) [10, 33, 46]. Ce type de
prise en charge ne devrait être proposé qu’aux patientes ayant une
tumeur de grade 1 ou 2, après information et obtention du
consentement éclairé des patientes. Les patientes ayant des tumeurs
histologiquement plus agressives (carcinomes indifférenciés,
carcinome à cellules claires de l’ovaire) ne peuvent pas bénéficier
d’un traitement conservateur.
Pour pouvoir proposer un traitement conservateur, il faut que le
bilan chirurgical ait été complet pour permettre un bilan d’extension
exact : celui-ci doit donc impérativement inclure une cytologie
péritonéale, une omentectomie, des biopsies péritonéales
systématiques multiples, un curetage biopsique de l’endomètre, une
d’exérèse, a priori lourde, malgré l’absence de chimiosensibilité de lymphadénectomie pelvienne et lomboaortique. Une des questions
la tumeur ou bien faut-il modifier la chimiothérapie ? Aucune étude les plus importantes et controversées est celle de la réalisation d’un

14
Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

curage ganglionnaire lomboaortique complet ou seulement CHIRURGIE DE « SECOND REGARD »


homolatéral à la tumeur initiale. Dans l’étude de Benedetti-Panici, On appelle, par définition, une intervention de « second regard »
l’atteinte ganglionnaire rétropéritonéale était homolatérale à la une réintervention de principe réalisée après une chirurgie initiale
tumeur dans tous les cas, dans les tumeurs de stade I [2]. Ces correcte de bilan et d’exérèse maximale, suivie, au minimum, de six
constatations étaient en faveur de la réalisation d’un curage cures de chimiothérapie. Elle est donc réalisée à la fin de la séquence
ganglionnaire homolatéral à la tumeur en cas de stade précoce [2]. thérapeutique. Elle ne se conçoit qu’en l’absence de toute poursuite
Néanmoins, dans des travaux récents, il existait une atteinte évolutive clinique, biologique (marqueurs) ou radiologique à la fin
ganglionnaire controlatérale à la tumeur initiale [1, 41, 51] . Si la de la chimiothérapie.
lymphadénectomie doit être réalisée, ces différents travaux plaident Cette chirurgie doit comporter une exploration minutieuse de
donc en faveur de la réalisation d’un curage ganglionnaire complet l’ensemble de la cavité abdominopelvienne, un lavage péritonéal
et bilatéral pelvien et lomboaortique en préservant la vascularisation pour examen cytologique et des prélèvements péritonéaux
de l’ovaire controlatéral et en évitant de lier l’artère ovarienne du systématiques. Cette intervention peut être réalisée classiquement
côté de l’ovaire restant. par laparotomie ou par cœlioscopie. Toutefois, l’exhaustivité de
L’ovaire controlatéral n’est biopsié qu’en cas d’anomalie l’exploration abdominale par cœlioscopie semble moins bonne que
par laparotomie, car il existe très souvent des adhérences sévères [8].
macroscopique et/ou lors de la palpation. En effet, les biopsies
Néanmoins, la cœlioscopie pourrait être intéressante car, en cas de
ovariennes peuvent être adhésiogènes et donc à l’origine d’une
carcinose évidente lors de l’exploration laparoscopique, elle éviterait
infertilité ultérieure [52]. Ces différents gestes chirurgicaux peuvent
une laparotomie systématique. Celle-ci serait alors réservée aux
être réalisés par laparotomie ou par cœlioscopie (cf infra). Seule la
échecs de la cœlioscopie (adhérences trop sévères pour permettre la
négativité de ces différents prélèvements permet de définir une réalisation des temps initiaux de la cœlioscopie, insufflation ou mise
tumeur de stade Ia. La chirurgie est alors souvent le seul traitement en place des trocarts, ou pour permettre une exploration complète
de ces formes dépistées à temps [37]. Néanmoins, une surveillance de la cavité abdominopelvienne). En cas de découverte d’une
postopératoire stricte à la fois clinique, échographique et biologique récidive tumorale, le bénéfice sur la survie d’une chirurgie de
s’impose dès lors. En effet, les récidives surviennent le plus souvent réduction tumorale secondaire n’est pas démontré [32].
au niveau de l’ovaire restant (associées éventuellement à une L’intérêt de cette chirurgie de contrôle de principe est remis en
carcinose). Dans les rares cas où cette chirurgie conservatrice a pu question [40, 43]. Le second look doit être réalisé que dans le cadre de
être proposée, une fois le désir de grossesse satisfait, une protocole thérapeutique. En revanche, dans les cas où la chirurgie
réintervention peut être envisagée dans le but de compléter initiale n’a pas été complète (absence de lymphadénectomie
l’exérèse [30]. Des grossesses ont été rapportées après ce type de lomboaortique), cette chirurgie de « second regard » permet de
traitement [55]. Des techniques de procréation médicalement assistée réaliser les lymphadénectomies pelvienne et lomboaortique. En effet,
adaptées (congélation d’embryon, cryopréservation ovarienne) la chimiothérapie semble peu active sur les métastases
peuvent être discutées afin de préserver la fertilité. Une prise en ganglionnaires [5, 53]. Les ganglions peuvent être les seuls sites où il
charge multidisciplinaire de ces patientes (chirurgien, oncologue, existe de la tumeur résiduelle lors de cette chirurgie de contrôle.
pathologiste et médecins spécialistes des techniques de procréation
médicalement assistée) est donc nécessaire afin d’optimiser leur
CHIRURGIE DES RÉCIDIVES
prise en charge carcinologique tout en préservant au maximum leur
fertilité. Le traitement chirurgical des récidives reste discuté. Néanmoins,
celui-ci pourrait avoir un intérêt chez des patientes jeunes en bon
état général, ayant un intervalle long entre la fin du traitement initial
CHIRURGIE DE RESTADIFICATION et la récidive et pouvant bénéficier d’une chimiothérapie de
Lorsque le diagnostic de tumeur maligne de l’ovaire est posé au rattrapage après cette chirurgie [ 1 3 ] . Cette chirurgie est
incontournable en cas de complications (occlusion). Un travail récent
moment de l’examen histologique définitif, après une intervention
publié par Eisenkop rapporte des résultats encourageants sur la
(souvent laparoscopique) pour une tumeur ovarienne non ou peu
survie des patientes ayant bénéficié d’une chirurgie de réduction
suspecte lors du bilan pré- et peropératoire, la chirurgie initiale a été
optimale lors de ces récidives [13].
le plus souvent carcinologiquement incomplète (ovariectomie ou
annexectomie seule). Une chirurgie de complément, dite « de
restadification », doit être impérativement réalisée afin d’effectuer CHIRURGIE LAPAROSCOPIQUE
les gestes d’exérèse nécessaires à une stadification fiable. Un certain nombre de gestes chirurgicaux que nous venons de
Cette intervention est indispensable car il existe une surstadification décrire peuvent être réalisés par voie cœlioscopique. Cette voie
dans 25 à 35 % des cas après cette chirurgie de restadification d’abord permet d’éviter certains inconvénients de la laparotomie
[15, 25, 54]
. Ce changement de stade est lié à la découverte d’une atteinte (cicatrice médiane, douleurs ou inconfort abdominal jusqu’à la
extraovarienne histologique non décelable lors de l’examen reprise du transit) et permet peut-être une durée d’hospitalisation
macroscopique : atteinte ganglionnaire (4 % dans la série de réduite. L’hystérectomie avec annexectomie bilatérale, les biopsies
Faught) [15] ou le plus souvent atteinte péritonéale et/ou épiploïque. péritonéales, l’omentectomie et l’appendicectomie sont des gestes
Ce changement de stade est fondamental car il peut modifier le qui peuvent être pratiqués assez aisément par voie laparoscopique.
traitement postchirurgical et impliquer la réalisation d’une La technique chirurgicale se calque alors sur les différents temps de
la laparotomie.
chimiothérapie adjuvante qui n’aurait pas été administrée en
l’absence de stadification correcte (25 % dans la série de Leblanc) [25]. Les curages sont plus délicats et nécessitent une très bonne maîtrise
des techniques cœliochirurgicales mais aussi de la chirurgie
Lors de la réintervention chirurgicale de restadification, une carcinologique conventionnelle (par laparotomie). La technique du
cytologie péritonéale, une omentectomie, une appendicectomie, des curage pelvien laparoscopique est identique à celle pratiquée par
biopsies péritonéales, une lymphadénectomie pelvienne et laparotomie. Le curage lomboaortique complet jusqu’au niveau de
lomboaortique et éventuellement une hystérectomie avec la veine rénale est lui aussi techniquement réalisable par voie
annexectomie controlatérale (cf supra) doivent être réalisées. Ces cœlioscopique. Dans le cancer de l’ovaire, celui-ci est réalisé par voie
différents gestes peuvent être réalisés par cœlioscopie si la tumeur transpéritonéale. L’optique est introduite dans l’ombilic. Au moins
paraît a priori limitée à l’ovaire, ou par laparotomie. La laparotomie trois trocarts sont introduits (un de 10 mm en fosse iliaque gauche
est préférée s’il existe une ascite et/ou une contamination des et deux de 5 mm à 10 cm de chaque côté de l’ombilic). D’autres
orifices de trocart après une cœliochirurgie initiale. Dans ce cas, les trocarts de 5 mm peuvent être nécessaires pour bien s’exposer. La
orifices de trocarts sont réséqués lors de la laparotomie. lymphadénectomie débute par une ouverture du péritoine

15
41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

35 Abord et dissection lomboaortiques par voie cœlioscopique après ouverture 36 Curage ganglionnaire latéroaortique gauche.
du péritoine le long de l’artère iliaque primitive droite.

postérieur le long de l’artère iliaque primitive droite et de l’aorte


jusqu’au duodénum (fig 35). À la différence de la technique par
laparotomie, le côlon droit et le fascia de Toldt ne sont donc pas
décollés [45].
Le rétropéritoine est disséqué et les différents éléments anatomiques
sont repérés pour débuter le curage du côté droit : veine cave
inférieure découverte jusqu’au niveau de la veine rénale gauche,
uretère droit et veine ovarienne droite. Les curages latérocave,
précave et interaorticocave sont alors effectués (fig 35, 36). Les
hémostases et lymphostases sont faites à la pince bipolaire ou à
l’aide de clips. La ligature de la veine ovarienne droite est réalisée à
l’aide de clips endoscopiques.
La dissection est alors prolongée à gauche : la face latérale gauche
de l’aorte, la veine mésentérique inférieure, l’uretère gauche et la
veine ovarienne gauche sont repérés (fig 37). Le curage
latéroaortique gauche (infra- et supramésentérique) est alors
pratiqué. La veine ovarienne gauche est clipée et sectionnée à 1 cm
sous son abouchement dans la veine rénale.
Même si cette chirurgie est réalisable par voie cœlioscopique, entre
les mains d’opérateurs entraînés, il existe actuellement des
incertitudes quant au risque de dissémination carcinologique
éventuel lié à cette voie d’abord et à l’utilisation, en particulier, d’un
pneumopéritoine qui entraîne une hyperpression intra-abdominale.
Des métastases sur orifices de trocarts après chirurgie
laparoscopique de tumeur maligne ovarienne ont été rapportées
[22, 35]
. Ces observations concernent surtout des patientes ayant une 37 Curage ganglionnaire interaorticocave par cœlioscopie.
tumeur déjà avancée avec une carcinose péritonéale lors de la
cœlioscopie. Néanmoins, des métastases sur orifice de trocarts ont
résécabilité en cas de tumeur avancée où l’on s’oriente vers une
aussi été rapportées dans des tumeurs de stade I [22]. Des précautions
chirurgie « d’intervalle » (cf supra) ou lors de la chirurgie de
lors de la cœlioscopie permettent de diminuer le risque de
« second regard » (cf supra) [8].
métastases sur trocart (extractions des pièces chirurgicales dans des
sacs endoscopiques, lavage abondant des orifices de trocart).
L’utilisation de la cœliochirurgie paraît idéale dans la chirurgie des Traitements adjuvants des tumeurs
tumeurs ovariennes a priori limitées à l’ovaire (stade I sans ascite)
et dans les chirurgies de restadification, après une chirurgie initiale invasives
incomplète [25, 44]. Par ailleurs, la cœliochirurgie est tout à fait adaptée
à l’exploration et au bilan d’une tumeur a priori non ou peu Le premier temps thérapeutique dans les tumeurs épithéliales
suspecte de l’ovaire (cf supra). Elle peut être intéressante pour éviter malignes de l’ovaire est chirurgical. En dehors des rares cas de
une laparotomie dans le cadre de l’évaluation de la (non-) tumeur de stade Ia et de grade 1 (voire 2) où le traitement est

16
Techniques chirurgicales Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire 41-555

exclusivement chirurgical (à condition d’avoir bénéficié d’une ¶ Devant une tumeur ovarienne unilatérale isolée
stadification complète), cette chirurgie est suivie d’une
– Une annexectomie bilatérale (associée ou non à une hystérectomie)
chimiothérapie. Cette chimiothérapie est en règle une
chez les patientes traitées en postménopause. Chez les patientes
polychimiothérapie associant (en première ligne) au moins un sel de
jeunes souhaitant préserver leur fertilité ultérieure, une chirurgie
platine pendant une durée minimale de six cycles. Ses modalités
conservatrice (kystectomie, ovariectomie ou annexectomie
sont abordées par ailleurs [27].
unilatérale) peut être réalisée.
– Un lavage péritonéal systématique pour examen cytologique.
Résultats du traitement des tumeurs – Une omentectomie partielle enlevant la partie flottante de
l’épiploon.
invasives
– Des biopsies péritonéales multiples.
Dans les formes limitées (stades I et IIa), les résultats sont – Il n’y a pas d’indication à faire un curage pelvien et lomboaortique
généralement bons et la survie à 5 ans varie de 60 à 80 % [48]. Dans réglé systématique. En cas d’adénomégalie, une adénectomie est
les formes évoluées (stades IIb, III et IV), la plupart des études alors pratiquée.
publiées à ce jour montrent que le facteur pronostique le plus – Une appendicectomie systématique.
important de la maladie est la présence ou non d’un reliquat tumoral La biopsie systématique de l’ovaire controlatéral normal n’est plus
après la chirurgie initiale : c’est ainsi que la survie à 5 ans des préconisée car elle n’est pas performante et risque de compromettre
patientes ayant un cancer de l’ovaire stade III se situe entre 35 et la fertilité de ces patientes.
50 % selon les auteurs en cas de chirurgie optimale, alors qu’elle est
Ce traitement conservateur augmente le risque de récidive
inférieure à 10 % en cas de reliquat tumoral postopératoire
ovarienne [34] . La kystectomie expose au risque de récidive
important ne laissant en place que des nodules tumoraux dont le
homolatérale et l’annexectomie au risque de récidive
diamètre est inférieur à 2 cm.
controlatérale [34]. Les patientes doivent être informées de ce risque.
Ces résultats démontrent l’importance de la qualité de la chirurgie Mais, dans notre expérience, ces récidives après traitement
initiale, fondamentale pour optimiser la survie des patientes. Des conservateur sont toujours survenues avec une histologie de type
études démontrent que celle-ci dépend de la formation et de borderline (jamais sur un mode invasif), ont toujours été accessibles
l’habitude du chirurgien prenant en charge les tumeurs malignes de à un traitement chirurgical itératif et n’ont jamais mis en jeu le
l’ovaire. Ainsi, dans ces travaux, l’exhaustivité de la stadification et pronostic vital [34]. Ce traitement conservateur permet de préserver
les résultats de la chirurgie d’exérèse (en particulier dans les la fertilité et d’obtenir des grossesses [17, 34, 36]. Néanmoins, compte
stades III) sont meilleurs lorsque cette chirurgie est pratiquée par tenu du risque de récidive, une surveillance étroite clinique,
des gynécologues spécialisés en cancérologie [14, 24, 39]. échographique et biologique (marqueurs) doit être instituée afin de
prendre en charge précocement les récidives ovariennes éventuelles.
Il n’y a pas d’indication à mettre en œuvre un traitement adjuvant ;
Chirurgie des tumeurs à la limite il n’y a pas non plus d’indication à réaliser une réintervention de
de la malignité (borderline) contrôle systématique (second look).

¶ Devant une tumeur de l’ovaire uni- ou bilatérale mais


Les tumeurs de l’ovaire à la limite de la malignité (borderline) avec des implants péritonéaux macroscopiques
constituent une entité histologique tout à fait particulière qui les
situe entre les tumeurs bénignes et les tumeurs franchement Le type de chirurgie dépend des caractéristiques histologiques de
malignes : elles sont caractérisées par l’absence d’envahissement du ces implants (invasifs ou non invasifs) [11].
stroma. En cas d’implants péritonéaux non invasifs, le traitement peut être
conservateur mais l’ensemble des implants péritonéaux doit être
Il n’y a aucune différence macroscopique entre les tumeurs invasives
réséqué. Il n’y a pas alors d’indication à réaliser un traitement
vraies et les tumeurs à la limite de la malignité.
adjuvant.
La très grande majorité de ces tumeurs sont diagnostiquées au En cas d’implants péritonéaux invasifs, une chirurgie radicale est
stade I, mais en opposition avec les tumeurs invasives vraies, le préférable : hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale et
pronostic est bon quel que soit le stade. résection des implants péritonéaux la plus complète possible mais
Presque tous les auteurs préconisent actuellement l’attitude sans résection intestinale. Un traitement adjuvant est discuté après
chirurgicale suivante. l’intervention chirurgicale.

Références ➤

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41-555 Chirurgie des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire Techniques chirurgicales

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