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Correspondance avec

Vasile Lovinescu, René


Guénon, non publié, 1934-
1940
p. 31

Le Caire, 22 juin 1937

 
     Cher Monsieur,
 
     
 
     J’ai
reçu dès samedi votre lettre du 16 juin ; merci tout d’abord d’avoir fait ces
commissions à M. Vâlsan ; j’ai répondu avant-hier à sa dernière
lettre ; je suis heureux de
vous savoir ainsi en relations constantes.
 
     Merci
de me communiquer la nouvelle lettre du disciple d’Alî Abdul-Haqq, qui,
à vrai
dire, ne me fait pas très bonne impression non plus. Cette façon
de se refuser à tout contrôle,
surtout sur le ton où elle est formulée,
est vraiment déplaisante, ainsi que la prétention de ne
communiquer avec vous que par l’intermédiaire de D. ; en tout cas, cela augmente

certainement beaucoup la difficulté d’éclaircir cette affaire. Vous pourriez certainement, si
cela ne risquait de tout rompre trop tôt, répondre à ces gens, quels qu’ils soient, que ce n’est
pas vous qui avez
été les chercher, et que d’ailleurs, quand on demande à être admis dans
une organisation initiatique, on sait tout au moins quelle elle est et de quelle forme
traditionnelle elle relève, ce qui n’est pas le cas ici…
Quoi qu’il en soit, ce refus de répondre
à des questions de “contrôle” me rappelle assez fâcheusement une autre histoire qui avait des
dessous tout à fait suspects ; il me semble même que certaines des communications obtenues
dans ce cas avaient une “signature” à peu près semblable à celle de la lettre en question (des
symboles qui n’ont rien d’anormal en eux-mêmes peuvent très bien être “usurpés”,
évidemment, cela fait aussi partie des “contrefaçons” toujours possibles). – L’emploi plus ou
  moins justifié du mot “Vérité” (Haqq) semble être en rapport avec le nom du “Maître” ;
mais ce nom même est inexplicable s’il s’agit d’un centre orthodoxe. – Vous seriez bien

aimable de communiquer cette lettre aussi à M. Clavelle, qui y trouvera peut-être encore
d’autres choses en rapport avec le rapprochement auquel
il a pensé ; si vous pouviez lui
envoyer aussi un échantillon de l’écriture du personnage (peut-être vous l’a-t-il déjà
demandé), cela lui permettrait de faire une comparaison qui donnerait peut-être quelque
résultat… – Je ne sais pas si la phrase se rapportant à mon œuvre implique tout à fait le sens
que vous y voyez ; en tout cas, ce n’est pas là le point le plus important cette fois. Quant à la
prétention d’être informé de tout ce qui vous concerne, on se demande ce qu’il faut
en
penser au juste et jusqu’à quel point il convient de le prendre au sérieux… – M. Clavelle
avait pensé, pour faciliter l’“identification”, à
poser quelques questions sur la Maçonnerie et
sur le Lamaïsme ; malheureusement, il ne semble guère que cela puisse réussir maintenant.
 
     Il
faut espérer que le groupe que vous avez commencé à former va réussir ;
il n’est pas
nécessaire d’ailleurs qu’il soit très nombreux, bien entendu, et même ce serait peut-être
plutôt un désavantage ; vous serez bien aimable de me tenir au courant.
 
     Le symbolisme d’Avalokitêshwara a un rapport très étroit avec l’idée de la “Providence” ;
mais je ne vois guère qu’il puisse en avoir avec Apollon.
 
     On
raconte beaucoup de choses sur le rôle des Stuarts par rapport à la Maçonnerie
écossaise ; mais il est permis de se demander si ce rôle n’a pas été surtout nominal et plutôt
“représentatif”, si l’on peut dire, que véritablement effectif.
 
     Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments les meilleurs.

René Guénon

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