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L’innovation a toujours été l’une des forces motrices du capitalisme
(Schumpeter). La créativité, les forces de l’invention et de l’innovation sont les
principales sources du changement et de la création de richesse ( production).
- Une deuxième caractéristique du capital immatériel est que son coût de reproduction est
négligeable, ce qui donne un « effet de levier » à ces investissements « à fonds perdus ».
Cette propriété provient de ce que les investissements immatériels correspondent
généralement à des coûts fixes, c’est à- dire que leur montant ne varie pas avec la quantité
produite et que le coût marginal est proche de zéro. Le coût de revient ne dépend que du
coût de distribution.
L’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les entreprises dans l’économie du
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Section 1 : Les interactions entre « finance » et « connaissance » au
cœur des contradictions internes au capitalisme contemporain
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2-1/- Les relations « orageuses » entre « finance » et « savoir »
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Mais pour comprendre pourquoi les innovations technologiques suscitent des
crises boursières, il faut également faire appel au comportement des investisseurs et à la
psychologie des marchés financiers. Les changements profonds associés aux innovations
Se forge ainsi une opinion moyenne du marché à laquelle tous les acteurs
financiers sont tentés d’adhérer et que les théoriciens contemporains d’inspiration
keynésienne dénomment « convention » (Orléan, 1999). Selon cette interprétation, la
vague technologique associée à la nouvelle économie des années 1990 aurait engendré une
convention haussière alimentée par l’euphorie (optimisme excessif) due aux bons
résultats de l’économie américaine.
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a/- Comportements des Investisseurs (spéculateurs sur les marchés
boursiers) et des entrepreneurs ayant des horizons différents
Il apparaît que celles-ci proviennent largement de ce que les financiers et les autres
acteurs de l’économie, dont les entrepreneurs, n’ont pas la même échelle temporelle.
productivité que dans les entreprises qui ont su se réorganiser pour mettre à
profit l’informatique ; ils peuvent être, au contraire, source d’inefficacité dans les autres
entreprises (Askenazy et Gianella, 2000). Par ailleurs, la diffusion des NTIC prend du
temps, en raison de phénomènes d’inertie inévitables.
- Les investisseurs ont un horizon inévitablement court car ils ont pour
est confié afin de le faire fructifier. La liquidité des marchés repose sur les
(Comportement de spéculateur)
- De leur côté, les entrepreneurs dont le rôle est d’innover ont, par
capitalisme contemporain, qui s’exprime dans les crises boursières, provient de ces
différences de temporalité entre marchés financiers et économie de la
connaissance.
Analysant les effets de la finance sur les entreprises, Keynes a été amené à distinguer
deux types de comportements : l’activité d’entreprise qui consiste à prévoir le rendement
des investissements productifs pendant leur durée de vie, et la spéculation qui est une
activité consistant à prévoir la psychologie du marché pour réaliser des gains financiers.
Keynes indique, dans le fameux chapitre XII de sa Théorie Générale, que « le risque d’une
prédominance de la spéculation l’emporte toujours sur l’entreprise à mesure que
l’organisation des marchés financiers progresse ». Cette analyse, publiée en 1936 au
lendemain de la grande crise de 1929, est d’une grande actualité.
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fixée en fonction de normes internationales de rentabilité (bench-marking), généralement
fixées par les analystes financiers spécialisés par branche d’activité. Ces normes
correspondent très largement aux « conventions » boursières décrites par Keynes. Afin
d’accroître le rendement financier des groupes industriels dont ils ont la charge, et pour
satisfaire les attentes des investisseurs, les managers se comportent eux-mêmes comme des
gestionnaires de portefeuille en modifiant la structure de celui-ci par type d’activité et par
zone géographique en fonction des rendements anticipés. Chaque unité de production,
chaque segment d’activité sont considérés comme un actif appartenant à un portefeuille
d’activités plus ou moins diversifié. L’entreprise, ensemble d’actifs financiers, est devenue
objet de spéculation. La logique financière du manager l’emporte sur l’activité
d’entreprendre. L’analyse keynésienne s’applique parfaitement au capitalisme moderne.
Comme on l’a vu, le capital intangible joue un rôle stratégique pour les entreprises
participant à l’économie de la connaissance. C’est un élément majeur du capital productif,
inscrit en tant qu’immobilisation incorporelle à l’actif du bilan. Parmi ces actifs intangibles
on trouve les trois composantes importantes dénommées goodwill par les analystes
financiers : les fonds de commerce, les marques et les écarts d’acquisition.
Ces dernières années, les difficultés rencontrées par des grandes entreprises ont eu
pour origine l’évolution chaotique des écarts d’acquisition. Il s’agit de survaleurs résultant
de la différence entre le montant payé lors du rachat d’une entreprise et sa valeur comptable.
Ces écarts d’acquisition ont pris de l’importance en raison de la multiplication des
opérations de fusions et acquisitions (F&A), généralement payées à des prix très supérieurs
à la valeur comptable des entreprises. L’accélération des F&A, dont une bonne partie sont
des opérations transfrontières, s’inscrit dans le processus de mondialisation des entreprises.
L’instabilité de la valeur boursière des goodwill est devenue le talon d’Achille des
entreprises contemporaines. Elle exprime les limites des capacités d’évaluation des marchés
et les insuffisances des conventions comptables actuelles. Le goodwill est en effet supposé
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prendre en compte ce qui échappe à la comptabilité des actifs matériels et des actifs
immatériels codifiés (portefeuille de brevets de l’entreprise). Sa volatilité reflète la difficulté
à évaluer de tels actifs immatériels. Ainsi que l’écrit Jacques Mistral dans un rapport récent
du Conseil d’analyse économique : « […] l’on ne dispose pas de bonne évaluation
microéconomique de ces actifs. En effet, la mesure historique habituelle pour les biens
matériels n’a pas de sens et, en l’absence de marchés pour ces biens, on est réduit à une
évaluation subjective, autant dire à l’imagination » (Mistral, 2003, p. 39).
L’industrie des services financiers est organisée sous la forme d’un marché
oligopolistique à deux niveaux : les grands centres financiers internationaux au niveau
méso-économique, et les groupes financiers multispécialisés et transnationaux au niveau
microéconomique (Ansidei, 2001).
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2-1/- Les facteurs de polarisation industriels classiques
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concentration des places financières résulte également d’effets externes et d’agglomération,
à côté des phénomènes traditionnels d’économies d’échelle. Les grandes places financières
ne sont pas uniquement des marchés au sens de lieux de confrontation d’offres et de
demandes de capitaux. Ce sont aussi, et surtout, des lieux de gestion et de contrôle
d’activités dispersées dans le monde. Les activités financières contemporaines se
caractérisent, en effet, par un degré élevé de sophistication des opérations, une réactivité
importantes aux changements économiques et technologiques, le recours à un nombre
important de fournisseurs et des relations largement fondées sur la confiance. Le
regroupement des activités améliore l’efficacité de la production en rapprochant les acteurs
financiers et leurs clients, ce qui favorise la coordination et la division sociale du travail
entre métiers spécialisés.
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Le processus d’agglomération spatiale des institutions financières dans des grands
centres financiers se justifie aussi par les besoins en matière des ressources humaines. Sur la
période récente, l’industrie financière se caractérise à la fois par l’élévation du niveau des
qualifications des salariés et par une spécialisation accrue de la main d’œuvre dans les
grands centres financiers. Ainsi les traders, qui avaient dans le passé un niveau de
qualification souvent faible, sont aujourd’hui spécialisés sur des produits financiers de plus
en plus spécifiques et parfois complexes.
Les deux séries facteurs de concentration qui viennent d’être présentées se retrouvent
dans la plupart des secteurs d’activité fondés sur l’utilisation intensive de l’information et de
la connaissance.
On doit ajouter deux autres facteurs d’agglomération qui sont spécifiques à la finance :
– la recherche de liquidité et la possibilité de diversification : un marché financier est
d’autant plus efficace qu’il est liquide, c’est-à-dire que des transactions de tous montants
peuvent y être réalisées à tout moment, ce qui nécessite des marchés profonds et de très
grande taille. Par ailleurs, l’un des objectifs prioritaires des investisseurs, principaux
utilisateurs des places financières est la diversification des risques qui nécessite la
possibilité de choix de placement sur une gamme la plus large possible d’actifs. Seules les
grandes places financières permettent
de satisfaire au mieux ces deux séries d’exigences.
– les comportements mimétiques des acteurs financiers, décrits par de nombreux auteurs
(notamment Orléan, 1999), contribuent également au mouvement d’agglomération des
activités financières. Ce constat s’applique particulièrement aux gestionnaires des fonds
d’investissement.
Deux séries d’explications sont avancées. D’une part, les gérants de fonds adoptent
des comportements mimétiques parce qu’ils manquent d’informations et copient leurs
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concurrents en supposant que ces derniers ont plus d’informations. D’autre part, les
performances des gestionnaires de fonds sont généralement évaluées en comparant leurs
résultats par rapport à des normes moyennes du marché (benchmarking).
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Les logiques polarisantes et profondément inégalitaires de la diffusion de l’économie
du savoir ont été mises en exergue dans la section 2 de ce papier. De même, l’accumulation
d’actifs financiers par les ménages renforce les inégalités dans la mesure où les patrimoines
financiers suivent en général une loi de distribution très inégalitaire. On retrouve également
un double processus de renforcement des inégalités en ce qui concerne la répartition des
risques. D’un côté, il est bien connu que les risques sociaux (chômage, notamment) se
concentrent sur la main d’œuvre la moins qualifiée. D’un autre côté, il est reconnu que les
détenteurs du capital financier, qui sont supposés supporter les risques, transfèrent en réalité
leurs risques aux travailleurs sous la forme d’une précarisation et d’une flexibilité accrues
de l’emploi.
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CONCLUSION
La seconde thèse arrive aux mêmes conclusions ; elle est fondée sur la notion de «
capitalisme cognitif » qui correspondrait à une nouvelle et ultime étape dans l’évolution
historique du capitalisme (Vercellone, 2002). Selon ses défenseurs, le capitalisme cognitif
conduirait à un dépassement du capitalisme grâce à la mise en oeuvre collective du travail
cognitif (ou immatériel). Pour la troisième approche c’est la finance qui constitue
l’explication déterminante. Le capitalisme serait rentré dans une nouvelle phase (Chenais,
Duménil, Lévy et Wallerstein, 2001), caractérisée par les expressions voisines de «
capitalisme patrimonial », de « capitalisme financier » ou « à dominante financière » ou
encore de « capitalisme actionnarial ». Certains économistes mettent explicitement en avant
le rôle dominant de la finance sur le fonctionnement des entreprises et de l’économie
mondiale en donnant à leurs ouvrages des titres tels que « Le pouvoir de la finance »
(Orléan, 1999) sur le fonctionnement des entreprises et de l’économie mondiale, « la
tyrannie des marchés » (Bourguinat, 1995) ou « L’empire de l’argent » (Gauron, 2002).
De notre point de vue, ces trois approches sont déterministes et conduisent à des
conclusions réductrices quant au fonctionnement du capitalisme contemporain. Notre
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hypothèse de travail amorcée dans cet article est que la nature et le fonctionnement du
capitalisme contemporain s’expliquent plutôt par les relations équivoques existant entre la
finance et la connaissance. Celui-ci se nourrit de deux types de logiques productives –
taylorienne et cognitive – qui coexistent de manière complémentaire. Elles s’auto-renforcent
mutuellement au sein des entreprises dans leur recherche d’efficacité en termes de
compétitivité et de rendement financier. Les mutations récentes du capitalisme et sa
financiarisation sont une réponse aux besoins du l’économie du savoir. Le rôle central pris
par la finance dans nos économies s’explique par le fait que celle-ci « fait système » avec
l’économie du savoir. En d’autres termes, la financiarisation du capitalisme est endogène
aux transformations du système productif. Ainsi, les principales institutions du capitalisme
financier apparaissent comme des instruments d’évaluation du capital et de captation de
valeur dans un système économique fondé sur l’exploitation intensive des connaissances.
Mais les relations entre la finance et l’économie sont complexes et ambivalentes. En effet,
d’un côté les institutions du capitalisme financier répondent aux besoins particuliers des
économies fondées sur le savoir. Mais, d’un autre côté, les aspects pervers de la finance –
liés à son caractère prédateur, inégalitaire, instable et court-termiste – constituent autant
d’obstacles à l’épanouissement de l’économie du savoir dans nos sociétés. Les travaux
théoriques empiriques futurs permettront de vérifier cette hypothèse.
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