Vous êtes sur la page 1sur 20

FLORENT SCHMITT

le petit elfe ferme-l’œil


introït, récit et congé

Premières

henri demarquette
orchestre national de lorraine
jacques mercier
Le Petit Elfe Ferme-l’Œil
(Ole-Luk-Oie, the Dream-God) Ballet
Opus 73 - 1923 - Éd. Durand

1 – Prélude (4'20)
FLORENT SCHMITT
2 – La Fête nationale des souris (3'53)
3 – La Cigogne lasse (5'12)
Le Petit Elfe Ferme-l’Œil
4 – Le Cheval de Ferme-l’Œil (6'06) Introït, récit et Congé
5 – Le Mariage de la poupée Berthe (4'18)
6 – La Ronde des lettres boiteuses (4’51)
7 – La Promenade à travers le tableau (5'15)
8 – Le Parapluie chinois (4’02)

9 – Introït, Récit et Congé (13'02)


pour violoncelle et orchestre/for cello and orchestra
Opus 113 - 1949 - Éd. Durand

TT = 51'10

Henri Demarquette violoncelle/cello


Enregistrement/recording: Metz, Arsenal, 5-8 juillet 2013
Direction artistique/artistic supervision: Dominique Daigremont Aline Martin mezzo-soprano (Le Petit Elfe Ferme-l’Œil)
Son & montage/balance & editing: Frédéric Briant
Directeur de production:Stéphane Topakian
Couverture/cover: Emilie Mundt - ‘Ole-Luk-Oie’
Orchestre national de Lorraine
Jacques Mercier

www.timpani-records.com
1C1212
L’Orchestre national de Lorraine et Jacques Mercier, à l’Arsenal - Enregistrement du Petit Elfe Ferme-l’Œil
© Karim Siari

3
LE PETIT ELFE FERME-L’ŒIL Mais un dindon et deux canards la poursuivent avec des coups de bec.
La cigogne tourne autour d’eux, suppliante. [3’37] Ils vont l’achever,
L’ARGUMENT lorsque Hialmar prend un balai et les chasse.

3 La Cigogne lasse
L’enfant sort une grande terrine d’eau et donne à boire à la cigogne
1 Prélude qu’il caresse. [1’58] La cigogne reprend peu à peu ses forces. Hialmar
[3’29] Rideau. Des souris soulèvent les lames du parquet, font irrup- noue un ruban autour du cou de l’oiseau, panse une blessure qu’il a à
tion. Elles se réunissent pour célébrer leur fête nationale. Discours pa- la patte et lisse tendrement les ailes. [2’42] « D’où viens-tu ? » demande
triotiques, qui s’enflamment progressivement. Applaudissements déli- Hialmar. « De loin. » La cigogne raconte ses voyages en Afrique et, tout en
rants. [3’57] Sur le coup de trompe du maître des cérémonies, le peuple boitillant, danse, tourne... et retombe. Hialmar lui donne encore à boire ;
des souris se rassemble. Les danseurs invitent leurs danseuses. Deux rats [4’04] l’oiseau se relève guéri, recule peu à peu en dansant jusqu’au
costauds soutiennent au dessus de Leurs Majestés le Roi et la Reine des fond de la scène, et s’envole. [4’39] Hialmar, désolé, court après la ci-
souris un dais rouge et jaune qui n’est qu’un bout de fromage de Hol- gogne. Que faire pour la rattraper ! Il saute sur un cheval mécanique et
lande. Des drapeaux flottent de mêmes couleurs, vieux chiffons prélevés se lance à la poursuite de l’envolée... poursuite à laquelle il renonce vite
sur le Larcin public. — et pour cause ! Il va sortir de la chambre lorsqu’un cavalier noir jette
Hialmar à bas de sa monture et prend sa place.
2 La Fête nationale des souris
Et les bals en plein air commencent, auxquels prennent part tous les 4 Le Cheval de Ferme-l’Œil
citoyens. [0’24] Un instant le Roi et la Reine dansent seuls ; puis de nou- L’enfant, terrifié, court dans la chambre, se cache dans les coins, sous
veau tout le peuple. [1’05] Subitement les souverains et leur dais tom- la table. Le cavalier noir s’approche du pupitre de l’enfant, feuillette le
bent sur le lit d’Hialmar qui se réveille en sursaut, et, terrifié, veut se sau- cahier et fait signe que ses devoirs sont mal faits. Furieux, il cherche l’en-
ver, tandis que la foule l’entoure. Mais la grande baie du fond s’ouvre ; fant pour le gronder, le sort de sa cachette. [0’43] Un soldat de plomb
la chambre s’illumine d’une clarté éblouissante et étrange, les fleurs unijambiste sépare les adversaires et croise la baïonnette devant le ca-
qui ornent les murs s’agrandissent et brillent. [1’25] Le petit elfe Ferme- valier noir pour défendre Hialmar. Le cavalier Noir, toujours à cheval,
l’Œil, somptueusement vêtu, fait son entrée entre deux gnomes révé- se rue sur l’imprudent soldat de plomb, brise sa baïonnette, et jette son
rencieux. Ferme-l’Œil, qui tient sous chaque bras un parapluie, ouvre téméraire ennemi sur l’encolure de son cheval, [1’32] fait un tour triom-
son parapluie de droite et console Hialmar, le prend par la main et le phant dans la chambre et sort victorieusement. [1’44] Hialmar, un ins-
présente à Leurs Majestés et aux filles d’honneur. [1’56] L’enfant se mêle tant, reste interdit, et pleure son cher soldat de plomb qu’il aimait tant.
aux danses. Six souris s’attellent au lit comme à un carrosse. Les gnomes [2’48] Polichinelle, resté immobile jusque là, cligne des yeux, s’appro-
prennent la place du cocher. Hialmar, le Roi et la Reine montent dans la che d’Hialmar et lui fait signe qu’il l’invite à son mariage avec la poupée
voiture improvisée. Ferme-l’Œil précède le cortège, dansant, en agitant Berthe. Hialmar, tout à son deuil, refuse d’abord. Polichinelle renou-
son parapluie chinois, et disparaît. Silencieusement, la joyeuse troupe velle son invitation en termes plus pressants. Dernier sursaut de chagrin
des souris suit le carrosse et s’éclipse à son tour. [2’40] À ce moment d’Hialmar qui finit par accepter. [4’40] Polichinelle court au fond de la
une grande cigogne, les ailes déployées, s’abat au milieu du cortège. scène et apporte devant Hialmar une grande boîte qu’il pose verticale-
Les souris renversent le lit et s’enfuient. Hialmar tombe et se relève seul, ment et dont il enlève le couvercle. La poupée Berthe, immobile d’abord
effrayé. La cigogne, lasse, se traîne jusqu’à droite de la scène. [3’14] à l’intérieur de la boîte, bat des cils, et d’un pas plus saccadé, s’avance

4
et s’incline avec des gestes mécaniques devant Hialmar. [5’03] Le deux plus visible. Le tableau apparaît dans tout son éclat. Hialmar entre dans
gnomes, venus au commencement avec Ferme-l’Œil, se précipitent du le tableau.
fond de la scène, enlèvent la boîte, tendent derrière la poupée une toile
de fond sur laquelle on voit une église avec un clocher. 7 La Promenade à travers le tableau
Il s’embarque sur un bateau qui glisse sur la rivière scintillante. [0’50]
5 Le Mariage de la poupée Berthe Hialmar aborde sur la belle pelouse verte. Il s’approche d’une maison de
Ils tirent les cordes des quatre cloches aplaties qui s’agitent comique- belle apparence, ouvre la porte et aperçoit sa vieille nourrice (qui doit
ment. La poupée Berthe, avec des mouvements gauches, danse pour être une sorte de géante pour sembler à l’échelle des personnage et du
Hialmar qui, ravi, bat des mains. Polichinelle lui fait vis-à-vis. De nou- décor). La nourrice chante à Hialmar une chanson et le berce.
veau les cloches. La petite porte de l’église s’ouvre. Plusieurs invités de
la noce en sortent et saluent les fiancés. [0’40] Polichinelle et la poupée Le long du jour je pense à toi souvent,
Berthe entrent dans l’église et en ressortent aussitôt pour venir danser La nuit aussi, mon cher petit enfant.
avec leurs invités. [1’42] Polichinelle s’approche d’une pâtisserie qui est Que de baisers j’ai donnés à ta bouche,
peinte à côté de l’église sur la toile de fond. Il fait le geste de casser la À tes yeux, à tes bras endormis sur ta couche !
vitre et s’empare, à la devanture, des poulets, gâteaux, bouteilles qu’il Tu bégayas pour moi ta première parole.
passe à ses invités qui font la chaîne. Joie. [2’30] Mais un gendarme ar- Un jour il a fallu, pourtant, te dire adieu...
rive. Tous se sauvent, cependant que les cloches sonnent à toute volée. Va donc, mon cher enfant,
Hialmar veut parler au gendarme et l’empêcher de poursuivre Polichi- Que le Seigneur te bénisse en tout lieu,
nelle. [3’12] Le gendarme le tire par les oreilles et le traîne devant la toile Petit ange lutin dont je suis toujours folle !
de fond qui est devenu un immense tableau noir. [3’50] Le gendarme Adieu, adieu !
sort à grands pas. Hialmar regarde avec désespoir le grand tableau noir
au dessus duquel est le modèle des lettres bien moulées, et où il a tracé, [4’10] Mais Hialmar ne veut pas s’endormir. Alors la nourrice lui
lui, des lettres maladroites Puis, tout d’un coup, pris de colère, il se rue donne les deux grands parapluies imagés qu’elle tient, par suite de cir-
sur le tableau noir... constances mystérieuses, de Ferme-l’Œil. Le tableau romantique s’est
éteint. Hialmar contemple ses parapluies imagés. [4’25] Sur le premier
6 La Ronde des lettres boiteuses on voit, à travers les barreaux d’une fenêtre, une princesse enfermée
... qu’il crible de ses petits poings. Des lettres mal faites se détachent dans sa tour. Hialmar doué d’une force prodigieuse, arrache les barreaux
du tableau noir et dansent en claudicant. [0’21] La lettre B du modèle et délivre la princesse qu’un jeune cavalier attend. Le couple remercie
descend jusqu’à Hialmar et, en dansant sur les pointes, elle dessine des Hialmar, salue et se retire. Hialmar déploie l’autre parapluie.
majuscules très jolies. D’autres lettres, mal faites, se détachent du tableau
noir, dansant de façon grotesque. La lettre B du modèle danse avec les 8 Le Parapluie chinois
lettres bien moulées, puis, toujours avec elles redresse à coup de bâton L’image du second parapluie représente l’Empereur de Chine entouré
les lettres maladroites.Danse gracieuse de toutes les lettres. [1’42] Les de sa cour et menant par le bras une fille, naturellement charmante.
lettres disparaissent. Hialmar, resté seul, rêve. Ses regards errent autour [0’34] Hialmar vient auprès de la princesse chinoise, la regarde avec ad-
de la chambre. Ils se posent sur le grand tableau romantique, à peine vi- miration et veut l’embrasser. L’Empereur indigné fait signe à deux gardes
sible dans la pénombre du fond. [2’57] Peu à peu le tableau romantique qui se précipite sur Hialmar et le ligotent, lui mettent un garrot. L’Em-
s’illumine. L’enfant s’approche lentement. Le tableau devient de plus en pereur s’assied sur son trône pour juger Hialmar. Il fait appeler le bour-

5
reau, qui paraît et déjà apprête son grand sabre. [1’10] Mais la princesse bourreau ne sont eux-mêmes que les deux gnomes qui accompagnaient
supplie son père de pardonner au bel enfant. Pour l’attendrir elle danse. le petit elfe. [2’53] Ils relèvent le lit renversé. Ferme-l’Œil jette du sable
[1’54] L’Empereur fait un signe. Le bourreau s’écarte. La princesse a ob- dans les yeux d’Hialmar qui s’endort. Tous trois le portent à son lit, et
tenu la grâce du condamné. Elle-même le délivre de ses liens, le prend sortent silencieusement. [3’34] La lumière du jour éclaire bientôt toute
par la main, se dirige vers l’Empereur, et lui demande de les marier. la scène. Le petit Hialmar, seul, rejette ses couvertures, s’assied sur le lit,
[2’27] L’enfant écarte le voile qui cache à demi le visage de la princesse. les jambes pendantes, regarde avec étonnement la chambre en frottant
Il reconnaît avec stupéfaction le petit elfe Ferme-l’Œil. L’Empereur et le ses yeux encore gros de sommeil.

LE PETIT ELFE ET LE GRAND MAGICIEN ceaux sont également l’occasion de raconter de belles histoires en
musique (et notamment des histoires de souris) à son « Raton » — sur-
Michel Fleury nom donné par le musicien à son fils Jean, alors âgé de six ans… C’est
au cours de l’été 1923 qu’il les orchestra, leur ajoutant des préludes
et des interludes considérables. La nouvelle partition chorégraphique
affronta la rampe avec un grand succès à l’Opéra-Comique, sous la
Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes baguette d’Albert Wolff, avec Sonia Pavloff et Mona Païva en tête de la
d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. distribution.
Gérard de Nerval, Aurélia
Pour un tempérament animé d’une irrépressible joie de vivre tel que
Il semble paradoxal que l’auteur de grandes fresques orienta- Schmitt, la danse revêt la signification d’un symbole dionysiaque, et
les, érotiques, sanglantes et barbares telles que Salomé, Salammbô, en dehors du Petit Elfe, deux de ses plus belles partitions orchestrales
Antoine et Cléopâtre et Oriane ait cédé à la fascination pour l’uni- sont nées d’un projet chorégraphique : La Tragédie de Salomé et Oriane
vers féérique des enfants, jusqu’à l’enrichir d’une contribution aus- et le prince d’amour. Comme Ravel (Daphnis), Dukas (La Péri) et Stra-
si parfaite que la musique que lui inspira le conte d’Andersen Une vinski (Le Sacre du printemps), il est l’un des principaux contributeurs
Semaine du petit elfe Ferme-l’Œil. L’elfe dont il y est question est la à un genre particulièrement florissant à l’époque de l’Art nouveau :
version nordique de notre marchand de sable : se glissant chaque le ballet symphonique. Ce genre mettant au service de la danse une
soir près des enfants, il les endort et leur raconte de belles histoi- extrême richesse de l’orchestre et de l’écriture s’inscrit dans la filia-
res, qui peuplent leurs rêves. L’étroite amitié avec Ravel a pu jouer ; tion directe de la musique russe du xixe siècle. Ce lien est particulière-
c’est au moment où ce dernier termine d’orchestrer les cinq pièces ment en évidence dans le cas de Dukas et de Schmitt : ils furent tous
de Ma Mère l’Oye (à l’origine pour piano à quatre mains) que Schmitt deux les promoteurs d’un style « franco-russe » combinant l’impres-
compose une suite pour piano à quatre mains inspirée de ce conte sionnisme de Debussy avec la palette sonore somptueuse et exotique
d’Andersen et sous-titrée Les Songes de Hialmar (1912). Ces sept mor- de Rimski-Korsakov et de Balakirev. Le ballet symphonique exploite

6
volontiers une veine légendaire, féérique ou fantastique, et ces Russes grotesque des lettres mal formées (n° 5) dérive de la valse des souris
ont développé des moyens orchestraux et harmoniques permettant de (n° 1) et le motif du parapluie chinois n’en est qu’un avatar penta-
transposer sur le plan sonore la magie des légendes slaves ou orien- tonique. Ainsi s’enchaînent les rêves : par des processus d’analogie
tales. Se situant dans le royaume des rêves enfantins, le conte du Petit semblables au tuilage de deux thèmes musicaux, et la toile de fond
Elfe propose un cadre propice à la mise en œuvre d’une telle « magie fournissant au mariage de la poupée son cadre (la place de l’église)
sonore », pour laquelle Schmitt possédait une prédilection constante. se métamorphose en un grand tableau noir sur lequel s’agitent les let-
Sonorités irréelles du célesta, du jeu de timbre ou du piano, bouffées tres bancales. Les thèmes du Petit Elfe s’emboîtent de la sorte les uns
sonores de la harpe, rumeur grinçante ou menaçante des bois ou lu- dans les autres en une subtile marquèterie dont les motifs se répon-
mineux enchantements des cuivres tissent de permanents sortilèges dent en écho. Et la transition d’un rêve à l’autre se réalise au moyen
dont la féérie finement nuancée d’humour se réfère au Coq d’or (Rims- des préludes de chaque scène, qui assurent ainsi une liaison, comme
ki), tandis qu’une indéniable sensualité paie une dette voluptueuse autant de passerelles tissées de fils oniriques. Les tableaux eux-mê-
à Thamar (Balakirev). En effet, Schmitt est foncièrement un sensuel, mes sont dessinés d’un trait sûr et précis ; le prélude et les interludes
à qui il est difficile de renoncer à sa ration de voluptés sonores, sur- possèdent en revanche le flou impressionniste du rêve à la recherche
tout lorsque des moyens orchestraux importants sont mis en œuvre, et de lui-même, noté par le musicien avec une étonnante vérité psycho-
les somptueuses fanfares cuivrées d’accords de neuvième préludant logique. Le prélude présente l’ensemble des thèmes en une remar-
à la Promenade à travers le tableau (scène n° 6) n’ont en la matière quable imbrication : tout d’abord le motif du rêve (ou plutôt, du petit
rien à envier au voluptueux prélude de Salomé ou aux scènes éroti- elfe), étroitement associé à un enchaînement d’accords parfaits par
ques de Salammbô : poupée Berthe, plantureuse nourrice ou princesse note commune, un procédé affectionné par Rimski-Korsakov pour
chinoise, les rêves du jeune Hialmar montrent une précoce dilection créer une atmosphère féérique, et à un « appel » de trompette aisé à
pour le beau sexe que notre musicien — grand amateur de femmes — repérer par son ambitus de quarte. Suivent le carillon de la noce, la
s’empresse de traduire avec une incontestable expertise… Il est vrai belle phrase ascendante sensuelle du paysage et de la nourrice, bien-
qu’en comparaison de la stricte économie de Ravel dans Ma Mère tôt superposée au motif du parapluie chinois (aux bois dans le registre
l’Oye, Schmitt ne lésine pas sur les moyens : bois par trois, percussions élevé) et à celui de la cigogne. La valse des souris se dessine pro-
élargies au tambour de basque, castagnettes, tam-tam, jeu de timbres, gressivement en rythme pointé dans le grave, l’entrée de ces rongeurs
xylophone, célesta et piano, l’effectif orchestral est comparable à celui « sur des discours patriotiques » s’effectuant sur un martellement fré-
d’Oriane ou de Salomé et toutes les ressources d’une très vaste forma- nétique d’accords de septième à la Petrouchka. Schmitt possédait un
tion sont mises au service des rêves de l’enfant. Cette profusion n’est talent digne des Strauss pour la valse, ce dont atteste l’énergique tour-
pas incompatible avec une concision renforcée par un solide sens de noiement de ce bal. Dans la transition vers la scène de la Cigogne lasse,
la construction. On ne soulignera jamais assez que si les partitions de la stridence conférée au motif d’appel du prélude traduit avec une pré-
Schmitt font preuve d’ampleur et brassent une matière musicale gé- cision cinématographique la cruauté du dindon et des deux canards.
néreuse et souvent grandiose, elles le font dans un cadre solidement La brève idylle entre Hialmar et l’oiseau se noue dans l’immémoriale
structuré et éloigné de toute démesure — marque d’un esprit épris de sérénité d’une sarabande modale, hommage délibéré et émouvant à
clarté dans la plus pure tradition française. Fauré. C’est au contraire sur le rythme binaire sauvage d’une danse de
cosaque (‘trepak’) à la Borodine que le cavalier noir lance son attaque,
Ce génie tout intuitif de constructeur s’affirme tout particulièrement ce motif se métamorphosant en une poignante élégie du hautbois sur
dans le Petit Elfe. Déjà, les sept pièces pianistiques originelles mon- un clapotis de harpe lorsque Hialmar pleure son soldat de plomb.
traient une remarquable unité par la parenté de leurs thèmes : la danse C’est encore le souvenir de Petrouchka qui plane sur le carillon magi-

7
que de la noce, alternant avec les chants religieux, les festivités se dis- La suite pour violoncelle et orchestre intitulée Introït, Récit et Congé
solvant avec magie dans un interlude éthéré. Dans La Ronde des lettres a été composée à Saint-Cloud en mai-juin 1948. L’écriture éblouissan-
boîteuses, la danse contrefaite des lettres disgracieuses contraste avec te de la partie soliste rappelle qu’elle a été écrite pour André Navarra.
l’harmonieuse et fauréenne sicilienne des belles lettres du modèle. La Au dire de l’auteur, ce titre inusité recouvre en fait « [un] Prélude,
Promenade à travers le tableau est le sommet expressif de la suite, tant andante et finale, tous trois enchaînés de façon à ne pas laisser souf-
par un prélude déployant toute la paradisiaque profusion d’un jardin fler l’interprète qui, par ailleurs, ne demanderait nullement à souffler,
à l’anglaise que par la berceuse elle-même, empreinte de la nostalgie surtout lorsqu’il a la fortune de s’appeler André Navarra. » Le chant
pour le paradis perdu de la première enfance. Les péripéties du der- du violoncelle se profile sur le somptueux fond sonore d’un orchestre
nier tableau sont rythmées par les joyeuses clochettes du motif chinois touffu (bois par trois), manié avec la virtuosité habituelle à Schmitt.
annoncé dans le prélude (un clin d’œil à Ravel et à Laideronnette, Les trois morceaux s’enchaînent sans interruption. Dans l’Introït très
impératrice des pagodes) qui accompagne le réveil de Hialmar dans la animé prédomine l’élément rythmique : la danse est, une fois de plus,
clarté rayonnante du matin, et le cycle se referme avec le retour du l’agent moteur de la musique. Le Récit (lento) contraste par son accent
motif de l’elfe. lyrique, ses rythmes libres et ses harmonies voluptueuses très caracté-
ristiques. Le « chant d’amour » du solistey est fréquemment rehaussé
Cette page unique par son alliage de la force et de la puissance avec par les sonorités liquides de la harpe. Le Congé est le mouvement le
la délicatesse et l’innocence permet de découvrir un Florent Schmitt plus développé. Il amplifie les éléments de l’Introït et ceux du Récit et
inhabituel, heureux de raconter aux enfants les plus belles histoires du les associe en une vaste récapitulation dont la section centrale est oc-
monde et n’hésitant pas à mobiliser pour cela les ressources les plus cupée par le Récit. Le dernier mot reste à la danse, qui conclut sur une
éblouissantes de son prestigieux orchestre. Au même titre que Ravel dans coda frénétique. L’irrésistible ferveur du Récit fait écho, par-delà les
L’Enfant et les sortilèges, Schmitt y a consigné certaines des musiques années, aux effusions amoureuses de la Sulamite du Psaume XLVII, et
les plus belles et les plus intenses qu’un musicien ait jamais dédiées à atteste que l’auteur était resté, à soixante-dix-huit ans, un romantique
l’enfance. aussi ardent que dans sa jeunesse.

8
LES INTERPRÈTES l’une des meilleures salles de concert européennes) mais aussi à l’Opéra-
Théâtre de Metz Métropole. Véritable ambassadeur de la vie culturelle
lorraine, l’ONL rayonne non seulement à travers sa région d’attache mais
Henri Demarquette également en France et à l’étranger : Espagne, Italie, Autriche, Grande-
« Musicien passionné et personnalité aux facettes multiples, Henri De- Bretagne, Suisse, Allemagne, Belgique et Luxembourg. Depuis la créa-
marquette joue du violoncelle comme on embrase une forêt profonde; pas tion de « Metz en Scènes » en 2009, l’ONL a renforcé ses liens avec cet
un de ses coups d’archet ne laisse indifférent car il réveille l’inconscient établissement en devenant un partenaire privilégié, élaborant des projets
de la musique » Olivier Bellamy (Le Monde de la Musique). Henri Demar- conjoints comme de grands concerts, mais également l’accueil de com-
quette entre à treize ans au Conservatoire National Supérieur de Musique positeurs en résidence. Depuis 2009, l’ONL présente des spectacles dans
de Paris, où il étudie avec Philippe Muller et Maurice Gendron. Titulaire sa magnifique « Maison de l’Orchestre » qui va devenir progressivement
d’un Premier Prix à l’unanimité, il travaille également avec Pierre Fournier un lieu d’innovation pour son projet d’action culturelle, tout en renfor-
et Paul Tortelier, puis, avec Janos Starker à Bloomington aux États-Unis. çant les activités orchestrales messines du futur Pôle lyrique, symphoni-
Depuis, sa carrière prend un essor international qui le conduit dans de que et chorégraphique lorrain.
nombreuses capitales accompagné des plus grands orchestres français ou
étrangers comme récemment l’Orchestre National de France, le London Jacques Mercier
Philharmonic, l’Ensemble Orchestral de Paris, le Tokyo Symphony, l’Or- Jacques Mercier fait ses études au Conservatoire national supérieur de
chestre National de Bordeaux-Aquitaine, le Sinfonia Varsovia, la Neue musique de Paris où il obtient le Premier prix de direction d’orchestre à
Philharmonie Westphalen, et en compagnie de ses partenaires pianistes l’unanimité. La même année, il est Premier prix du Concours internatiO-
privilégiés Brigitte Engerer, Michel Dalberto, Jean-Philippe Collard. nal de jeunes chefs d’orchestre de Besançon et lauréat de la Fondation de
la Vocation. Jacques Mercier entame rapidement une carrière internatio-
Aline Martin nale. À Londres, Munich, Stockholm, Amsterdam, Genève, il est invité à
Née dans les Vosges, Aline Martin débute sa formation musicale à diriger les plus grandes formations. Qualifié de « souveräner Dirigent » à
l’âge de six ans. Elle intègre à dix-neuf ans le CNR de Nancy pour étu- Berlin, Jacques Mercier se produit également au Festival de Salzbourg tout
dier la technique vocale avec Arcady Volodos. Elle y reçoit, en 2003, comme à Bucarest, Helsinki, Madrid où il est cité par la critique comme
un premier prix de chant à l’unanimité. En 2007, elle remporte le 2e « l’un des meilleurs chefs français et européens de sa génération ». De
prix du concours international de Canari en Corse, présidé par Ga- 1982 à 2002, Jacques Mercier est directeur artistique et chef permanent
briel Bacquier. Elle bénéfcie aujourd’hui des conseils de Nadine De- de l’Orchestre national d’Île-de-France. Il développe une politique ar-
nize et Alain Fondary. Elle fait ses débuts en 2003 à Nancy, puis se tistique exigeante et ambitieuse récompensée par un Hommage Spécial
produit en Lorraine, avant d’intégrer « Les Jeunes Voix du Rhin ». lors des Victoires de la Musique Classique en 1995. En outre, durant sept
Elle est alors invitée à l’Opéra National du Rhin, à celui de Marseille, années, Jacques Mercier a été chef permanent du Turku Philharmonic en
d’Avignon, de Saint-Étienne, et, plus récemment, à l’Opéra de Paris. Finlande. Son talent fait de précision, de rigueur, de finesse et d’une ex-
trême sensibilité, s’illustre à merveille dans le répertoire français des xixe
Orchestre national de Lorraine et xxe siècles jusqu’à la musique d’aujourd’hui. Jacques Mercier a été élu
En 2002, Jacques Mercier est nommé Directeur musical. La même an- « Personnalité musicale de l’année » 2002 par le Syndicat professionnel
née, en reconnaissance de l’excellence de son travail, la Philharmonie de la critique dramatique et musicale. Pour Timpani, il a enregistré — en
de Lorraine se voit décerner le label « national » par le Ministère de première mondiale — L’An Mil de Gabriel Pierné, et l’intégrale d’Antoine
la Culture. Non seulement il se produit à l’Arsenal (reconnue comme et Cléopâtre de Florent Schmitt.

9
Henri Demarquette
© Jean-Philippe Raibaud

Aline Martin
© Marc Ginot

10
LE PETIT ELFE FERME-L’ŒIL turkey and two ducks give chase, pecking at it with their beaks. The stork
turns round them, beseeching. [3’37] They are about to finish it off when
THE SYNOPSIS Hjalmar picks up a broom and drives them away.

3 The weary Stork


The child brings out a large bowl of water for the stork and caresses it
1 Prelude while it drinks, [1’58] gradually getting its strength back. Hjalmar ties a
[3’29] Curtain. Mice lift up the lathes of the parquet and burst in. They ribbon round the bird’s neck, dresses a wound on its foot and tenderly
are gathering to celebrate their national holiday. Patriotic speeches pro- smoothes its wings. [2’42] ‘Where do you come from?’ asks the boy.
gressively become inflamed. Delirious applause. [3’57] At the sound of ‘From far away.’ The stork relates its voyages in Africa and, limping, dan-
the master of ceremonies’ horn, the mice people gather. The males invite ces, turns... and falls again. Hjalmar again gives it something to drink,
the females to dance. Above the heads of Their Majesties the King and [4’04] and the bird picks itself up, healed, retreats a bit, dancing, to the
Queen of the mice, two sturdy rats hold up a red and yellow dais that is rear of the stage and flies off. [4’39] Hjalmar, saddened, runs after the
no more than a piece of Dutch cheese. Flags of the same colours wave, stork. How to catch up to it? He leaps on a mechanical horse and sets
old rags taken from the public booty. off in pursuit of the bird... a pursuit that he will quickly abandon — and
for good reason! He is just about to leave his room when a black rider
2 The Mice’s national Holiday throws Hjalmar from his mount and takes his place.
And the open-air balls begin with all citizens taking part. [0’24] For
a moment, the King and Queen dance alone, then the whole people 4 Ole-Luk-Oie’s Horse
again. [1’05] Suddenly, the sovereigns and their dais fall on the bed The terrified child runs round the room, hiding in the corners then
of Hjalmar who awakes with a start and, terrified, tries to flee, whe- under the table. The black rider approaches the child’s desk, leafs
reas the crowd surrounds him. But the large picture window at the rear through the note-book and signals that his homework is badly done.
opens; the room is flooded with a strange, dazzling brightness, whilst Furious, he looks for the child to scold him and pulls him from his
the flowers decorating the walls grow larger and shine. [1’25] The little hiding place. [0’43] A one-legged tin soldier separates the adversa-
elf Ole-Luk-Oie, sumptuously attired, makes his entrance between two ries and crosses the bayonet before the black rider to defend Hjalmar.
reverent gnomes. Carrying an umbrella under each arm, Ole-Luk-Oie The black rider, still on horseback, flings himself on the imprudent
opens the right-hand umbrella and consoles Hjalmar, taking him by the tin soldier, breaks his bayonet and, throwing the bold enemy over his
hand and introducing him to Their Majesties and the maids of honour. horse’s neck, [1’32] makes a triumphant tour round the room before lea-
[1’56] The child joins in the dances. Six mice harness themselves to ving, victorious. [1’44] Hjalmar remains speechless for a moment, then
the bed as if it were a carriage, and the gnomes take the place of the weeps for his dear tin soldier, which he loved so much. [2’48] Punchi-
coachman. Hjalmar, the King and Queen get into the improvised coach. nello, who has remained motionless up until then, blinks, goes to Hjal-
Ole-Luk-Oie precedes the cortège, dancing and waving his Chinese um- mar and makes a sign to him, inviting him to his wedding with Bertha
brella, then disappears. Silently, the joyous troop of mice follows the the doll. Hjalmar, mourning, initially refuses. Punchinello repeats his in-
carriage and vanishes in turn. [2’40] At this moment, a large stork, wings vitation in more urgent terms. After a final burst of chagrin, Hjalmar ends
spread, swoops down in the middle of the cortège. The mice overturn up accepting. [4’40] Punchinello runs to the rear of the stage and brings
the bed and flee. Hjalmar falls and picks himself up, frightened. The a large box over to Hjalmar, setting it down vertically before removing
weary stork drags itself over to the right side of the stage, [3’14] but a the cover. Bertha the doll, motionless in the box, bats her eyelashes and,

11
with a jerkier step, advances and bows before Hjalmar with mechanical 7 The Stroll through the Painting
gestures. [5’03] The two gnomes, who had come with Ole-Luk-Oie at He embarks on a boat that glides over the sparkling river. [0’21] Hjal-
the beginning, rush to the rear of the stage, remove the box, and, behind mar lands on the lovely green lawn. He goes up to a pretty house, opens
the doll, hang a backdrop on which is seen a church with a steeple. the door and perceives his old nanny (who has to be a sort of giantess to
appear in scale with the characters and setting). The nanny sings a song
5 the Wedding of Bertha the Doll to Hjalmar, rocking him.
They pull the ropes of the four flattened bells, which stir comically.
With awkward movements, Bertha the doll dances for a delighted Hjal- Throughout the day I often think of you,
mar who claps his hands. Punchinello stands opposite him. The bells At night, too, my dear little child.
peal again. The small door of the church opens. Several wedding guests So many kisses have I given your mouth,
come out and greet the fiancés. [0’40] Punchinello and Bertha the doll Your eyes, your arms slumbering in your bed!
enter the church and immediately come out again to dance with their You stammered your first word for me.
guests. [1’42] Punchinello goes over to a pastry shop that is painted next However, one day I had to bid you farewell...
to the church on the backdrop. He gestures as if breaking the window So go, my dear child,
and grabs chickens, cakes and bottles from the display, handing them May the Lord bless you wherever you go,
to his guests who make a chain. Joy. [2’30] But a gendarme arrives. Impish little angel about whom I’m still mad!
Everyone runs away, while the bells peal. Hjalmar wants to speak to Farewell, farewell!
the gendarme and prevent him from pursuing Punchinello. [3’12] The
gendarme boxes his ears and drags him before the backdrop, which has [4’10] But Hjalmar does not want to go to sleep. So the nanny gives
become a huge blackboard. [3’50] The gendarme strides out. Hjalmar him two colourful large umbrellas that, following mysterious circumstan-
looks with despair at the large blackboard above which is the model ces, she has received from Ole-Luk-Oie. The romantic painting has faded
of carefully formed letters and on which he has written clumsy letters. out. Hjalmar contemplates his colourful umbrellas. [4’25] On the first,
Then, in a fit of anger, he suddenly rushes at the blackboard... through the bars of a window, we see a princess locked up in her tower.
Hjalmar, endowed with prodigious strength, rips out the bars and frees
6 The Round of shaky Letters the princess whom a young rider awaits. The couple thanks Hjalmar,
... which he pounds with his little fists. Ill-shaped letters come loose bows and withdraws. Hjalmar opens the other umbrella.
from the blackboard and dance, limping. [0’21] The letter B of the model
climbs down to Hjalmar and, dancing on points, forms very pretty capi- 8 The Chinese Umbrella
tal letters. Other badly written letters detach themselves from the black- The image on the second umbrella depicts the Emperor of China sur-
board and dance grotesquely. The letter B of the model dances with the rounded by his court and leading a girl (naturally charming) by the arm.
carefully formed letters then straightens up the misshapen letters with a [0’34] Hjalmar goes up to the Chinese princess, looks at her admirin-
stick. Graceful dance of all the letters, [1’42] before they disappear. Hjal- gly and tries to kiss her. The indignant Emperor makes a sign to two
mar, left alone, dreams. His eyes, gazing round the room, come to rest guards who rush over to Hjalmar and tie him up, putting a garrotte on
on the large romantic painting, barely visible in the half-light at the rear. him. The Emperor sits on his throne to judge Hjalmar. He summons the
[2’57] Gradually, the romantic painting lights up. The child goes over to executioner, who appears, already preparing his huge sabre. [1’10] But
it slowly. The painting becomes increasingly visible, finally appearing in the princess begs her father to pardon the lovely child. To move him
its full brilliance. Hjalmar enters the painting. to pity, she dances. [1’54] The Emperor dismisses the executioner, who

12
withdraws. The princess has obtained a pardon for the condemned boy. up the overturned bed. Ole-Luk-Oie throws sand in Hjalmar’s eyes, and
She herself frees him from his bonds, takes him by the hand, and goes to the child falls asleep. The three of them carry him to his bed and leave
the Emperor whom asks to marry them. [2’27] The child raises the veil silently. [3’34] Soon the light of day fills the whole stage. Little Hjalmar,
that partially hides the princess’s face. With stupefaction, he recognizes alone, throws back his covers, sits on the edge of the bed, legs dangling,
the little elf Ole-Luk-Oie. The Emperor and executioner themselves are and looks at the room in astonishment, rubbing his eyes that are still full
only the two gnomes who accompanied the little elf. [2’53] They pick of sleep.

LE PETIT ELFE ET LE GRAND MAGICIEN Les Songes de Hialmar (‘Hjalmar’s Dreams’, 1912). These seven pieces
were also the occasion for telling lovely stories in music (and in parti-
Michel Fleury cular, stories about mice) to his ‘Raton’ [translator’s note: ‘little rat’ or,
more affectionately, ‘pet’], the nickname given by the musician to his
son Jean, aged six at the time… It was during the summer of 1923 that
he orchestrated them, adding considerable preludes and interludes.
Dreams are a second life. I was unable to break through, without The new choreographic score faced the footlights at the Opéra-Co-
shuddering, those gates of ivory or horn that separate us from the in- mique with great success, conducted by Albert Wolff and with Sonia
visible world. Pavloff and Mona Païva heading the cast.
Gérard de Nerval, Aurélia
For a temperament driven by an irrepressible joie de vivre like Sch-
It seems paradoxical that the author of vast oriental frescoes, erotic, mitt’s, dance takes on the signification of a Dionysian symbol and,
bloody and barbarous, such as Salomé, Salammbô, Antoine et Cléopâ- aside from Petit Elfe, two of his most beautiful orchestral scores resul-
tre and Oriane, would give in to fascination for the magical universe of ted from choreographic projects: La Tragédie de Salomé and Oriane et
childhood, to the point of enriching it with a contribution as perfect as le prince d’amour. Like Ravel (Daphnis), Dukas (La Péri) and Stravinsky
the music that Andersen’s fairytale ‘Ole-Luk-Oie, the Dream-God’ ins- (The Rite of Spring), he was one of the principal contributors to a genre
pired in him. The elf in question is the Nordic version of our Sandman: that was particularly flourishing during the Art Nouveau period: the
slipping every night into children’s rooms, he puts them to sleep and symphonic ballet. This genre, putting extreme richness of the orchestra
tells them wonderful stories that fill their dreams. His close friendship and writing to serve dance, lies directly in the tradition of 19th-century
with Ravel might have had something to do with this; it was at the time Russian music. This connection is especially evident in the case of
when the latter was finishing the orchestration of the five pieces of Ma Dukas and Schmitt who were both promoters of a ‘Franco-Russian’
Mère l’Oye (originally for piano four hands) that Schmitt composed style combining the Impressionism of Debussy with the sumptuous,
a suite for piano four hands inspired by Andersen’s tale and entitled exotic sound palette of Rimsky-Korsakov and Balakirev. The sympho-

13
nic ballet willingly exploits a legendary, magical or fantastic vein, and and the Chinese Umbrella motif is only a pentatonic avatar. Thus the
those Russians developed orchestral and harmonic means allowing dreams are linked by processes of analogy similar to the overlapping of
for transposing the magic of Slavic or oriental legends into sound. Set two musical themes, and the backdrop providing the setting for the doll’s
in the realm of children’s dreams, ‘The Sandman’ offers a framework wedding (the church square) turns into a large blackboard on which
propitious to the implementation of such ‘sound magic’, for which the lopsided letters fidget. The themes of the Petit Elfe fit together in a
Schmitt always had a predilection. Unreal sonorities of the celesta, subtle marquetry whose patterns respond in echo. And the transition
glockenspiel and piano, gusts of sound on the harp, the grating or from one dream to the next occurs via preludes to each scene, thereby
threatening murmur of the winds, and luminous enchantments of the ensuring a connection like so many bridges woven from dreamlike
brass constantly cast spells. This magic, subtly nuanced with humour, threads. The tableaux themselves are drawn with a sure, precise line
refers to Rimsky’s Golden Cockerel, whereas an undeniable sensuality while, on the other hand, the prelude and interludes reveal the Impres-
is indebted to Balakirev’s voluptuous Thamar. Indeed, Schmitt was fun- sionistic blur of the dream searching for itself, noted by the musician
damentally a sensualist, for whom it was difficult to renounce his ration with astonishing psychological truth. The prelude presents the group
of voluptuous sound pleasures, especially when considerable orches- of themes in a remarkable intertwining: first of all, the dream (or rather
tral means were brought into play. The magnificent brassy fanfares of the Ole-Luk-Oie) motif, closely associated with a progression of triads
ninth chords leading up to The Stroll through the Painting (scene no.6) by common note, a process of which Rimsky-Korsakov was fond for
have no cause to be jealous of the voluptuous prelude of Salomé or creating a magical atmosphere, and an easily spotted trumpet call with
the erotic scenes in Salammbô. With Bertha the doll, the buxom nanny its range of a fourth. Then come the marriage bells, the lovely, sensual
and the Chinese princess, the young Hjalmar’s dreams attest to a pre- ascending phrase of the landscape and the nanny, soon superimposed
cocious delight in the fair sex that our musician — a great connoisseur on the motif of the Chinese Umbrella (in the winds in the high register)
of women — hastened to translate with incontestable expertise… It and that of the stork. The mice’s waltz progressively takes shape in a
is true that, in comparison with Ravel’s strict economy in Ma Mère dotted rhythm in the lower register, the entrance of these rodents ‘on
l’Oye, Schmitt pulls out all the stops: winds by three, a percussion patriotic speeches’ stated over a frenetic hammering of seventh chords
section increased with tambourine, castanets, tam-tam, glockenspiel, reminiscent of Petrushka. When it came to the waltz, Schmitt had a
xylophone, celesta and piano... The orchestral forces are compara- talent worthy of the Strauss family, as the energetic whirling of this ball
ble to those in Oriane or Salomé, and all these resources of quite a bears witness. In the transition to the scene of The weary Stork, the stri-
vast orchestra are put at the service of the child’s dreams. This profu- dent call motif of the prelude translates the cruelty of the turkey and
sion is not incompatible with concision reinforced by a solid sense of the two ducks with cinematographic precision. The brief idyll between
construction. It can never be stressed enough that although Schmitt’s Hjalmar and the bird is formed in the age-old serenity of a modal
scores demonstrate scope and mix generous musical matter that is of- sarabande, a deliberate, moving homage to Fauré. On the contrary, it
ten grandiose, they do so within a solidly structured framework, far is on the wild binary rhythm of a trepak, a Cossack dance à la Boro-
from any excess — the mark of a mind enamoured of clarity, in the din, that the black rider launches his attack, this motif turning into a
purest French tradition. poignant oboe elegy over a lapping sound of the harp when Hjalmar
weeps for his tin soldier. It is again the memory of Petrushka that ho-
This thoroughly intuitive constructive genius asserts itself especially vers over the magical nuptial chimes, alternating with religious chants,
in the Petit Elfe. Already, the original seven piano pieces displayed re- before the festivities magically dissolve in an ethereal interlude. In The
markable unity in the relationship of their themes: the grotesque dance Round of the shaky Letters, the deformed dance of the awkward letters
of the misshapen letters (no.5) is derived from the mice’s waltz (no.1), contrasts with the harmonious, Fauréan sicilienne of the lovely letters

14
from the model. The Stroll through the Painting is the suite’s expressive cording to the composer, this unusual title covers, in fact, ‘[a] Prelude,
highpoint, as much from a prelude displaying the whole paradisiacal andante and finale, all three linked so as not to let the performer catch
profusion of an English garden as from the lullaby itself, tinged with his breath although in no way would he ask to breathe, especially if he
nostalgia for the lost paradise of early childhood. The incidents of the had the good fortune to be named André Navarra’. The cello’s melody
last tableau are punctuated by the joyous bells of the Chinese motif an- emerges from the sumptuous background of a dense orchestra (winds
nounced in the prelude (a veiled reference to Ravel and Laideronnette, by three), handled with Schmitt’s customary virtuosity. The three pie-
impératrice des pagodes), which accompanies Hjalmar’s awakening in ces follow without interruption. In the very lively Introït, the rhythmic
the radiant brightness of morning, and the cycle closes with the return element predominates: dance is, once again, the driving force in the
of the elf’s motif. music. The Récit (lento) contrasts with its lyrical accent, its free rhythms
and its characteristic voluptuous harmonies. Here, the soloist’s ‘love
This score, unique in its blending of force and power with delicacy song’ is frequently enhanced by the harp’s liquid sonorities. Congé
and innocence, allows for discovering an unusual Florent Schmitt, is the most developed movement and accentuates elements from the
happy to tell children the loveliest stories in the world and, to do so, Introït and Récit, combining them in a vast recapitulation of which the
not hesitating to mobilize the most dazzling resources of his presti- central section is occupied by the Récit. Dance has the final word, the
gious orchestra. In the same way as Ravel in L’Enfant et les sortilèges, work concluding with a feverish coda. The irresistible fervour of the
Schmitt put down in writing some of the most beautiful and intense Récit echoes, across the years, the amorous effusions of the Sulamite
pieces of music ever devoted to childhood. in Psalm XLVII and bears witness that, at the age of 78, the composer
Introït, Récit et Congé, suite for cello and orchestra, was composed was still as ardent a romantic as in his youth.
in Saint-Cloud, outside of Paris, in May-June 1948. The dazzling wri-
ting of the solo part recalls that it was written for André Navarra. Ac- Translation: John Tyler Tuttle

15
THE PERFORMERS Not only does it perform at the Arsenal (recognized as one of the finest
concert halls in Europe) but also at the Opéra-Théâtre de Metz Métropo-
le. A veritable ambassador of cultural life in Lorraine, the ONL is influen-
Henri Demarquette tial not only in its region but also throughout France and abroad, having
‘A passionate musician and a multi-facetted personality, Henri De- played in Spain, Italy, Austria, Great Britain, Switzerland, Germany, Bel-
marquette plays the cello like a forest on fire; not one of his bowings gium and Luxembourg. Since the creation of ‘Metz en Scènes’ in 2009,
leaves you indifferent for he awakens the subconscious of music’ (Oli- the ONL has strengthened its links with this establishment, becoming a
vier Bellamy, Le Monde de la Musique). He entered the Paris Conser- special partner, elaborating joint projects such as large concerts and also
vatory, where he studied with Philippe Muller and Maurice Gendron. hosting composers in residence. Since 2009, the ONL has presented
The winner by unanimous vote of a First Prize, he also worked with shows in its magnificent Maison de l’Orchestre, which is progressively
Pierre Fournier and Paul Tortelier, and then with Janos Starker in Bloo- becoming an important site of innovation for its cultural action project,
mington. Noticed by Yehudi Menuhin, he began an international ca- whilst reinforcing Metz’s orchestral activities of the future lyric, sympho-
reer, appearing with leading orchestras (Orchestre National de France, nic and choreographic Pôle de Lorraine.
London Philharmonic, etc.) and with distinguished soloists such as Mi-
chel Dalberto and Brigitte Engerer. Of an enquiring mind, he regularly Jacques Mercier
performs contemporary music, and enjoys championing rarely played Jacques Mercier studied at the Paris Conservatoire where he obtained
works. He collaborates closely with leading composers of today and a unanimous premier prix in conducting. The same year, he won First
has been the inspiration for the composition of works by Olivier Greif Prize at the Besançon International Competition for Young Conductors
(Concerto ‘Durch Adams Fall’), Pascal Zavaro (Concerto), Éric Tanguy and received a grant from the Fondation de la Vocation. Jacques Mercier
(Nocturne) and others. quickly began an international career, invited to conduct the leading
orchestras in London, Munich, Stockholm, Amsterdam and Geneva.
Aline Martin Described as a ‘souveräner Dirigent’ in Berlin, Jacques Mercier has also
Born in the Vosges, Aline Martin began her musical training at the age appeared at the Salzburg Festival as well as in Bucharest, Helsinki and
of six. When she was 19, she entered the conservatory in Nancy to study Madrid, where he was cited by critics as ‘one of the best French and
voice with Arcady Volodos, receiving a unanimous ‘gold medal’ premier European conductors of his generation’. From 1982 to 2002, Jacques
prix in 2003. In 2007, she won second prize at the Canari International Mercier was artistic director and principal conductor of the Orchestre
Competition in Corsica, presided over by Gabriel Bacquier. Today, she National d’Île-de-France. He developed a demanding, ambitious artis-
benefits from the advice of Nadine Denize and Alain Fondary. She made tic policy and was rewarded by a Special Tribute at the 1995 Victoires
her debut in 2003 in Nancy, then appeared elsewhere in Lorraine before de la Musique Classique awards. In addition, for seven years, Jacques
joining Les Jeunes Voix du Rhin. She has since been invited to sing at the Mercier was permanent conductor of the Turku (Finland) Philharmonic.
Opéra National du Rhin, the operas of Marseilles, Avignon and Saint- His talent, along with his precision, rigour, refinement and extreme sen-
Étienne and, most recently, the Paris Opera. sitivity, is ideally illustrated in the French repertoire of the 19th and 20th
centuries up to the music of today. Jacques Mercier was elected ‘Musical
Orchestre national de Lorraine Personality of the Year 2002’ by the Syndicat Professionnel de la Criti-
Jacques Mercier was appointed Musical Director in 2002. That same que Dramatique et Musicale. For Timpani, he has recorded the world
year, in recognition of the excellence of his work, the Philharmonie de premiere of Gabriel Pierné’s L’An Mil and the complete Antoine et Cléo-
Lorraine was awarded the ‘national’ label by the Ministry of Culture. pâtre by Florent Schmitt.

16
Jacques Mercier © Bertrand Pichene

17
Florent SCHMITT

Henri
DEMARQUETTE

L’ORCHESTRE
NATIONAL
DE LORRAINE

18
L’ARSENAL

C’est dans ce lieu prestigieux que s’est dé-


roulé cet enregistrement en juillet 2013.
Avec l’Arsenal réinventé en 1989 par Ri-
cardo Bofill dans un ancien arsenal militaire
du xixe siècle, Metz offre à l’Europe l’une des
plus belles salles pour la musique que le gé-
nie actuel de l’architecture a produites. La
Grande Salle en constitue l’élément majeur
— 1350 places encadrent la scène et les ar-
tistes. Des frontons, pilastres, colonnes de
bois, hêtre clair et sycomore griffés de lignes
de laiton doré, enrichissent l’acoustique et
suscitent une atmosphère d’extrême harmo-
nie. Ouvert à toutes les musiques, l’Arse-
nal l’est aussi à toute la danse, à toutes les
cultures. Un public éclectique y croise les
plus grands artistes du monde.

It was in this prestigious setting that this re-


cording was made in July 2013.
With the Arsenal, reinvented by Ricardo
Bofill in 1989 in a former military arsenal of the nineteenth century, Metz offers Europe one of the finest concert halls that this genius of modern
architecture and acoustics has produced.The Main Auditorium constitutes the principal element — 1350 seats surround the stage and the artists.
Pediments, pilasters, wooden columns, light beech and sycamore stamped with lines of gilded brass, enrich the acoustic and create an atmosphere
of great harmony. The Arsenal is open to every kind of music, but also to every kind of dance and every kind of culture. An extremely diversified
audience encounters the world’s finest artists there.

Diese Aufnahme entstand im Juli 2013 im großen Saal des renommierten Arsenal in Metz.
L’Arsenal wurde 1989 von Ricardo Bofill aus einem alten Militärarsenal aus dem 19. Jahrhundert gestaltet und bildet eine ideale Synthese von
moderner Architektur und Musik. Das Prunkstück ist zweifellos der große Saal mit einer Kapazität von 1350 Personen. Friese, Wandpfeiler und
Holzsäulen, Verkleidungen aus Buche und Sykomore mit eingelegtem vergoldetem Messingdraht bereichern die Akustik und hüllen Musiker und
Publikum in eine harmonische Atmosphäre. L’Arsenal ist allen Musik- und Tanzstilen aus den verschiedensten Kulturen gleichermaßen verpflichtet
und bildet einen idealen Begegnungsort für ein bunt gemischtes Publikum und Künstlerinnen und Künstlern aus der ganzen Welt.

www.metz.fr/arsenal
19
Le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française a pour vocation de favoriser la redécouverte du patrimoine
musical français du grand xixe siècle (1780-1920), en lui assurant le rayonnement qu’il mérite et qui lui fait encore défaut.
Situé à Venise, dans un palais de 1695 restauré spécifiquement pour l’abriter, le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique
romantique française est une réalisation de la Fondation Bru. Alliant ambition artistique et exigence scientifique, le Centre
reflète l’esprit humaniste qui guide les actions de cette fondation.
Recherche et édition, programmation et diffusion de concerts à l’international, et soutien à l’enregistrement discographi-
que, sont les principales activités du Palazzetto Bru Zane qui a ouvert ses portes en 2009.

The vocation of the Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française is to favour the rediscovery of the French musical heritage of the
years 1780 to 1920, and to obtain for that repertoire the international recognition it deserves.
Housed in Venice, in a palazzo dating from 1695,specially restored for the purpose, the Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique
française is one of the achievements of the Fondation Bru. Combining artistic ambition with high scientific standards, the Centre reflects the huma-
nist spirit that guides the actions of that foundation.

Research and publishing, the organisation and international distribution of concerts, and support for CD recordings are the main activities of the
Palazzetto Bru Zane, which opened in 2009.

Il Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française ha come vocazione di favorire la riscoperta del patrimonio musicale francese del
grande Ottocento (1780-1920), offrendogli quell’irradiamento che merita e che ancora gli fa difetto.
Ospitato a Venezia in un palazzo del 1695 appositamente restaurato a tal fine, il Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française è
una realizzazione della Fondation Bru. Coniugando ambizione artistica ed esigenza scientifica, il Centre rispecchia lo spirito umanistico che guida
le azioni di questa fondazione.
Ricerca ed editoria, programmazione e diffusione di concerti in ambito internazionale, sostegno alla registrazione discografica, queste le princi-
pali attività del Palazzetto Bru Zane, il quale ha aperto le sue porte nel 2009.

Vous aimerez peut-être aussi