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Philippe Fabry

L’ATLAS DES GUERRES À VENIR est un livre comme il n’y en a


jamais eu.
Il montre les lignes de force des grands conflits à venir, et utilise les schémas
historiques pour déterminer quelles seront les zones affectées, dans quelle am-
pleur et selon quelles modalités.

À travers une soixantaine de cartes amplement commentées, il projette les


changements géopolitiques qui affecteront le monde d’aujourd’hui dans les
trois grandes régions qui seront touchées par les guerres à venir : l’Europe,
l’Asie et le Moyen Orient. Une dernière partie est consacrée au rôle central

ATLAS DES GUERRES À VENIR


des États-Unis dans l’ensemble de ces conflits et à la position américaine dans
l’ordre mondial qui en résultera.
Jusqu’où ira la vague de l’islam radical ? Quels seront les prochains mouve-
ments de la Russie de Poutine ? Par quels moyens la Chine affirmera-t-elle ses
ambitions ? Dans un monde dont l’avenir paraît de plus en plus incertain à
mesure que l’ordre mondial américain post-URSS s’estompe et laisse émerger
de fortes tensions régionales, l’Atlas des guerres à venir vient éclaircir notre
vision en présentant le champ restreint des possibles.

Esprit novateur, Philippe Fabry est historien et blogueur. Son blog Historionomie
est consacré à ses travaux relatifs aux lois de l’Histoire et leur emploi pour mieux
analyser le monde actuel. Il contribue aux sites d’ information Contrepoints et
Atlantico. Son livre « Rome, du libéralisme au socialisme », paru en 2014, a
suscité des réactions enthousiastes de la critique et des lecteurs et a reçu le Prix
Turgot du Jeune talent, récompensant le meilleur livre d’ économie de l’année.
Il a publié en 2015 : « Histoire du siècle à venir », dans lequel il brosse les contours
politiques, économiques, sociaux et religieux des prochaines décennies. Un livre
auquel Franck Ferrand, enthousiaste, a consacré une de ses émissions.

20,00 € TTC France


www.editionsjcgodefroy.fr
Philippe Fabry
L’ATLAS DES GUERRES À VENIR est un livre comme il n’y en a
jamais eu.
Il montre les lignes de force des grands conflits à venir, et utilise les schémas
historiques pour déterminer quelles seront les zones affectées, dans quelle am-
pleur et selon quelles modalités.

À travers une soixantaine de cartes amplement commentées, il projette les


changements géopolitiques qui affecteront le monde d’aujourd’hui dans les
trois grandes régions qui seront touchées par les guerres à venir : l’Europe,
l’Asie et le Moyen Orient. Une dernière partie est consacrée au rôle central

ATLAS DES GUERRES À VENIR


des États-Unis dans l’ensemble de ces conflits et à la position américaine dans
l’ordre mondial qui en résultera.
Jusqu’où ira la vague de l’islam radical ? Quels seront les prochains mouve-
ments de la Russie de Poutine ? Par quels moyens la Chine affirmera-t-elle ses
ambitions ? Dans un monde dont l’avenir paraît de plus en plus incertain à
mesure que l’ordre mondial américain post-URSS s’estompe et laisse émerger
de fortes tensions régionales, l’Atlas des guerres à venir vient éclaircir notre
vision en présentant le champ restreint des possibles.

Esprit novateur, Philippe Fabry est historien et blogueur. Son blog Historionomie
est consacré à ses travaux relatifs aux lois de l’Histoire et leur emploi pour mieux
analyser le monde actuel. Il contribue aux sites d’ information Contrepoints et
Atlantico. Son livre « Rome, du libéralisme au socialisme », paru en 2014, a
suscité des réactions enthousiastes de la critique et des lecteurs et a reçu le Prix
Turgot du Jeune talent, récompensant le meilleur livre d’ économie de l’année.
Il a publié en 2015 : « Histoire du siècle à venir », dans lequel il brosse les contours
politiques, économiques, sociaux et religieux des prochaines décennies. Un livre
auquel Franck Ferrand, enthousiaste, a consacré une de ses émissions.

20,00 € TTC France


www.editionsjcgodefroy.fr
DES G

© Jean-Cyrille Godefroy 2017


ISBN : 9782865532872
www.editionsjcgodefroy.fr
Du même auteur
aux éditions Jean-Cyrille Godefroy

Rome, du libéralisme au socialisme (2014)


Prix Turgot du jeune talent 2015

Histoire du siècle à venir (2015)


À Jérémie, qui a si artistement saisi
l’esprit de ce livre,

Aux amis présents de l’ historionomie :


Daniel, Julien G., Julien L., Olivier,
Sébastien et Yves,

Et à ses amis trop tôt disparus  : Jean-


Philippe Bidault et Michel Leter,

Ainsi qu’ à tous les lecteurs de mon blog


qui ont su, par leurs commentaires, éclai-
rer, provoquer et nourrir la réflexion
dont ce livre est un aboutissement.
Table des matières
Pour accéder directement à une page du livre, cliquez sur un titre ou, depuis votre
logiciel de lecture, affichez la "Table des matières" ou les "Signets"

Avant-propos ........................................ 9 III - Guerre au Moyen-Orient ........... 71


Enseignements d’un parallèle
Introduction ....................................... 10 islamisme/communisme ...................... 76
Les « grands cycles » .............................. 10 Extension du schéma de l’impérialisme
L’existence de multiples « sous-cycles » .. 15 revanchard : vers une intervention russe
Les guerres à venir ............................... 16 en Méditerranée ? ................................ 93

I - La guerre en Europe ..................... 17 IV - Le rôle de l’Amérique et l’issue


Le schéma historique de l’impérialisme de la guerre ......................................... 95
revanchard ........................................... 23
Le scénario « médian » : parallèle avec les Conclusion : vers l’État mondial
précédents européens modernes ........... 36 sous égide américaine ...................... 104
L’issue de la guerre en Europe .............. 48 Un système supranational
se met en place ................................... 104
II - Guerre en Asie ............................. 51 La même méthode que les rois
Le schéma de la jeune puissance alliée européens .......................................... 105
à l’impérialiste revanchard ................... 56 La marche vers l’État universel .......... 106
Note sur un autre cas de conflit entre
thalassocratie et jeune puissance : Chronologie ..................................... 109
l’expédition de Sicile athénienne .......... 63
Sur le théâtre indien ............................64
Morphologie de la guerre en Asie ........ 69

125
Avant-propos

Dans mon précédent livre, Histoire du règles de développement s’exprimaient aussi


Siècle à venir, je me suis attaché à montrer à travers la géographie. En effet, j’avais parlé
l’existence de récurrences historiques, de dans Histoire du Siècle à Venir d’homothé-
cycles de longue ou très longue durée, et ties, ces opérations de géométrie qui voient
à avancer quelques hypothèses pour expli- la translation d’une figure en même temps
quer ce phénomène et suggérer des pistes que l’augmentation de sa taille, avec conser-
de recherches complémentaires, regroupant vation de sa forme. L’appréhension, à tout le
ces divers efforts sous le nom « d’historiono- moins empirique, des règles de déplacement
mie », la recherche des « lois » de l’Histoire. et de transformation géographiques devrait
Par ailleurs, j’ai tenté d’employer ces pre- donc permettre de compléter et de préciser
miers résultats pour émettre de premières les prévisions que l’analyse des cycles histo-
prévisions quant à l’avenir des grandes civi-
riques en soi permet de produire.
lisations et religions mondiales.
De là l’idée de produire un atlas, un livre
J’ai depuis poursuivi mes travaux par la pu-
rassemblant de nombreuses cartes, am-
blication d’articles sur mon blog, tentant
d’une part d’approfondir le travail théo- plement commentées, et présentant non
rique et d’autre part de détailler et préciser seulement des prévisions, mais le raison-
les prévisions en tenant compte à la fois de nement conduisant à ces prévisions, afin
mes progrès dans l’analyse des schémas et de donner au lecteur non pas seulement
des données de l’actualité. C’est en condui- des anticipations « toutes faites », mais des
sant ces travaux et en prenant connaissance outils intellectuels et des pistes afin qu’ils
des retours de mes lecteurs que j’ai constaté comprennent mieux la marche du monde,
combien il était intéressant de figurer, grâce ou du moins la considèrent d’un point de
à des cartes, l’importance des parallèles vue tout à fait original et différent de ce que
considérés ; par ailleurs, j’ai pris conscience l’on peut trouver dans les médias ou la litté-
en me livrant à cet exercice de ce que des rature géopolitique.

9
Introduction

Pour bien comprendre notre démarche in- Ces cycles présentent en fait les principales
tellectuelle, et dans la mesure où ils consti- étapes de trajectoires communes aux civi-
tueront souvent dans les pages suivantes la lisations de l’Antiquité et des temps mo-
matrice de nos prévisions, il nous faut re- dernes. Pour ce qui est des cycles A et B, j’ai
venir sur certains des principaux résultats également montré qu’ils s’appliquaient en
présentés dans mon «essai d’ historionomie ». outre à l’âge du Bronze, précédant l’Anti-
quité, c’est-à-dire aux civilisations minœnne
Les « grands cycles » (cycle A) et mycénienne (cycle B).

Les principaux cycles de très longue du- Le cycle A


1) Invasion des territoires de la future civi-
rée présentés dans mes précédents travaux
lisation par un empire étranger supérieure-
concernent un triple parallèle : celui de
ment civilisé.
l’Antiquité grecque avec l’histoire euro-
2) Nouvelle invasion par des populations
péenne après la chute de l’Empire romain
barbares qui renverse l’ordre des premiers
(cycle « A »), celui de l’histoire romaine
envahisseurs.
avec l’histoire des États-Unis d’Amérique 3) Période de disparition de la culture an-
(cycle « B »), celui du judaïsme antique, de cienne et gestation d’un ordre nouveau.
Moïse à l’expulsion des juifs de Judée, et 4) Apparition progressive des entités poli-
de l’islam de Mahomet à nos jours (cycle tiques qui participeront de la même civi-
« C ») ; parallèles qui font en outre système lisation.
puisque les Grecs ont eu avec les Romains 5) Différenciation culturelle progressive
des rapports similaires à ceux existant entre et concurrence des entités politiques pour
l’Europe et les États-Unis, le monde gréco- l’hégémonie.
romain de l’Antiquité a eu avec le judaïsme 6) Création d’un empire colonial à la faveur
des rapports similaires à ceux de l’Occident des crises internes et du progrès technique.
avec l’Islam moderne, etc. 7) Confrontation à la menace d’une civili-

10
sation étrangère superpuissante. Guerre de
résistance de la civilisation « A ».
8) Un antagonisme apparaît au sein de la
civilisation : un bloc démocratique, cosmo-
polite, maritime et commerçant contre un
bloc totalitariste, militariste, continental et
autarcique.
9) Guerre totale interne à la civilisation,
acharnement des deux camps, disparition
des interdits conventionnels.
10) La guerre totale interne laisse la civilisa-
tion affaiblie, son empire colonial se délite,
elle perd son hégémonie mondiale au profit
de puissances émergentes d’une dimension
supérieure.
11) L’ensemble des états de la civilisation
« A » passe sous la tutelle de la superpuis-
sance de civilisation « B ».

Et l’on peut observer la translation géogra-


phique d’un cycle à l’autre (Fig. 1).

Le cycle B
1) Une communauté humaine est fondée
par une civilisation préexistante, sous l’in-
fluence de la civilisation « A ».
2) Rejet de la suzeraineté de la civilisation-
mère sous le commandement des aristocrates.
3) Instauration de la République, méca-
nismes démocratiques limités, conflits
pour les droits politiques. Fig. 1 Les civilisations de type A

11
4) Conquête de l’espace territorial naturel
par le centre historique de la civilisation.
x) Guerre civile : le noyau de civilisation fait
face à un séparatisme de ses alliés, à cause
d’inégalités, qui font sécession et se liguent
en confédération imitant les institutions du
noyau, mais s’opposant à lui. S’achève par
la victoire du noyau de civilisation, l’impo-
sition de son modèle et l’unification de la
nation. (Cette étape semble indéterminée
pour ce qui est du moment exact où elle
intervient dans le cycle).
5) Confrontation à un concurrent puis-
sant, lutte pour la survie et la suprématie
qui laisse la nation « B » sans rivale et ca-
pable de dominer le monde.
6) Les États de « A » passent sous la domi-
nation de « B ».
7) Hégémonie absolue sur le monde connu,
absence de rivaux (à cette époque se déroule
l’étape 1 du cycle A suivant).
8) L’Empire, régime autocratique militaire,
succède à la République.
9) Déclin et démembrement de l’empire de
B (correspond à l’étape 2 du cycle A suivant).

Là aussi, on peut observer la translation géo-


graphique d’un cycle à l’autre (Fig. 2).

Le cycle C
Fig. 2 Les civilisations de type B 1) La civilisation C naît dans une commu-

12
nauté nomade : un prophète, fuyant son en puissance face à la présence de B.
lieu d’origine, donne à son peuple nomade 10) Une tentative policière et mesurée de
une loi politico-religieuse récupérant une régler le problème échoue : le mouvement
tradition plus ancienne et le conduit dans gagne en ampleur et se fait de plus en plus
l’appropriation d’un territoire. menaçant, de plus en plus violent. La dias-
2) C s’établit dans des terres fertiles hors du pora de C dans les terres de A et B suscite
désert, en profitant de l’affaiblissement de la méfiance et l’hostilité des populations
la puissance B du cycle précédent. locales par son mode de vie distinct, sa vo-
3) La civilisation C connaît un âge d’or : lonté de ne pas s’intégrer et son esprit re-
unité politique et religieuse et apparition vendicatif.
d’un pouvoir unique. 11) Les fanatiques de C enveniment la si-
4) Des divisions viennent affaiblir C. tuation en pratiquant le terrorisme, pour
5) Après des siècles de déclin, C se retrouve provoquer une guerre pensée comme es-
dominée par des puissances d’une civilisa- chatologique, dans une logique religieuse.
tion étrangère, qui revêt plusieurs identités 12) Devant la montée des provocations,
successives. La première identité de cette ci- qui atteignent un degré intolérable, la civi-
vilisation étrangère ne domine pas le centre lisation B excédée recourt à la solution mi-
historique de C, mais la seconde y parvient. litaire et écrase les fanatiques dans le sang,
6) Après la chute de la civilisation étran- à plusieurs reprises
gère, C est dominée par des puissances de 13) Confirmation de la domination du
civilisation A. modèle de B, C est balayée comme puis-
7) Soulèvement nationaliste. Les structures sance politique.
du nouvel État indépendant sont inspirées
des États de civilisation A, sécularisées et La translation géographique peut être obser-
hostiles aux partisans de l’application poli- vée également ici (Fig. 3 et Fig. 4).
tique de la religion.
8) Interventions de la civilisation de type B. Ces cycles sont très utiles pour déceler les
Sa puissance se fait de plus en plus présente. grandes lignes de l’histoire des prochaines
9) Radicalisation des défenseurs d’une décennies, dans la mesure où l’on peut
conception politico-religieuse de l’État, estimer que les trajectoires ayant déjà été
émergence de groupes violents et montée profondément similaires durant plusieurs

13
Fig. 3 Civilisation type C, le judaïsme antique

siècles n’ont aucune raison de diverger sou- cement des centres de gravité – le phéno-
dainement. mène n’est donc pas purement cyclique – et
Il apparaît clairement, sur les cartes repre- une sorte de constance du rapport entre
nant les différentes occurrences des cycles la civilisation et son environnement : on
A, B et C à leur apogée, qu’il existe d’une voit la Grèce antique naître et se dévelop-
occurrence à l’autre un bond d’échelle géo- per sur une péninsule noueuse, aux côtes
graphique, en même temps qu’un dépla- en dentelle, qui était à la Méditerranée ce

14
Fig. 4 Civilisation type C, l’islam moderne

que l’Europe, ce petit continent accidenté, notre démarche prospective.


est au globe terrestre ; de même l’Italie
romaine, puissance antique protégée par L’existence de multiples « sous-cycles »
deux mers, était-elle dans le monde an- Il s’agit là du second enseignement de mes
tique ce que l’Amérique est entre ses deux travaux précédents : les grandes trajectoires
océans... Des rapports géographiques simi- telles que celles rappelées plus haut sont
laires nous serviront, par la suite, à nourrir elles-mêmes composées de différents cycles,

15
plus brefs, s’étalant sur quelques décennies, possibles : l’identification d’un schéma ne
ou plus limités dans l’espace, touchant par permet pas de dire exactement ce qu’il va
exemple une cité ou une nation à l’intérieur se passer, mais de délimiter ce cône des pos-
du cycle « A ». Ainsi définissais-je les grands sibles, en exposant avec un certain degré de
cycles comme des combinaisons complexes certitude ce qui peut se produire et ce qui
de mécanismes (sociaux, politiques, etc.) ne peut pas arriver.
non nécessairement propres aux civilisa-
tions étudiées. Et afin de déterminer ce cône des possibles,
la méthode convenable est d’identifier plu-
L’idée est donc que, tout grand cycle étant sieurs occurrences historiques d’un même
constitué de schémas plus brefs l’identifi- schéma, et de confronter leur déroulement
cation de ces schémas plus brefs doit per- observé, afin de rechercher dans quelle me-
mettre de livrer des prévisions plus précises
sure ils sont susceptibles de varier et quel
que celles s’appuyant sur les seuls grands
est le point médian.
cycles : là où ces derniers ne permettent
que d’anticiper de grandes évolutions avec
Les guerres à venir
une précision temporelle non inférieure
Tout le propos de cet ouvrage est d’em-
à quelques décennies, des schémas plus
ployer ces outils intellectuels, historiques
brefs doivent nous permettre de prévoir de
grands événements avec une précision supé- et géographiques, afin de brosser le tableau,
rieure d’un ordre de grandeur – à quelques le plus précis possible, de ce que nous ré-
années près, donc. servent les prochaines années. Et nos ou-
tils tendent, précisément, à annoncer un
Par ailleurs, l’autre idée sous-jacente à l’em- conflit global qui affectera spécifiquement
pilement des cycles est que le déroulement trois grandes régions du monde : l’Europe
exact du grand cycle dépend du déroule- et l’aire atlantique, l’Asie et l’aire Pacifique,
ment des cycles inférieurs, dont le propre et le Moyen-Orient. En outre le cycle « B »
déroulement est soumis à un certain aléa : nous pousse à envisager une victoire totale
l’histoire est probabiliste, aussi les prévi- et une domination globale des États-Unis
sions que l’on peut donner ne constituent à la fin du conflit, ce que nous aborderons
pas une ligne pure, mais plutôt un cône des en dernier.

16
I - La guerre en Europe

Le cycle « A » comme le cycle « B » suggèrent aura encore lieu avant que l’hégémonie
pour l’Europe un nouveau conflit d’enver- américaine sur l’Europe soit définitivement
gure dans la lignée de ceux qu’elle a connus actée ; et cela semble d’autant plus probable
au XXe siècle. si l’on analyse, plus dans le détail, la façon
En effet les étapes 11 du cycle A et 6 du cycle dont les choses se sont passées pour la Grèce
B correspondent au passage de la civilisation antique.
de cycle A sous la tutelle de la civilisation de Aujourd’hui, la situation entre la Russie,
cycle B : l’Europe et l’Amérique est similaire à celle
• A - 11) L’ensemble des états de la civili- qui prévalait entre la Macédoine, la Grèce et
sation « A » passe sous la tutelle de la super- Rome à la fin du premier tiers du IIe siècle
puissance de civilisation « B ». avant notre ère, à l’époque du roi Persée de
• B - 6) Les états de « A » passent sous la do- Macédoine.
mination de « B ».
Dans l’Antiquité gréco-romaine, il s’agissait Revenons un peu en arrière. À la suite de la
de la transformation de la Grèce en province Deuxième guerre macédonienne (terminée
romaine. À l’époque actuelle, cela signifie la en -197), l’empire macédonien de Philippe
soumission des nations européennes à l’hé- V (Fig. 5) dut renoncer à son hégémonie
gémonie américaine. sur la Grèce (Fig. 6), qui redevint indépen-
La question est de savoir si cette soumission dante après la proclamation de la liberté
est aujourd’hui achevée, depuis la fin de la des cités grecques par le consul romain Fla-
Seconde Guerre mondiale et la création de mininus en -196.
l’OTAN, ou depuis la chute de l’URSS et La Macédoine était en outre contrainte à
l’extension de l’OTAN jusqu’aux frontières l’alliance avec Rome, notamment dans la
russes. Le retour en force de la Russie et de guerre contre Antiochos, à l’Orient.
ses ambitions européennes depuis une di- En -179, Philippe V meurt, et son fils Persée
zaine d’années laisse présager qu’au moins lui succède à la tête de la Macédoine. Il est
une autre confrontation à grande échelle revanchard et rêve de rendre à son royaume

17
Le prochain conflit sera-t-il nucléaire ?
Souvent les guerres sont menées principalement avec les armes qui ont terminé les précédentes : l’artillerie a
donné l’avantage aux Prussiens en 1870, et s’est imposée en 1914, conduisant à la guerre de tranchées. C’est en
tant qu’ils dépassaient cette problématique que les avions et les chars ont gagné en 1918 et qu’ils ont été les
armes principales en 1939, mais ce sont les bombes atomiques qui ont terminé la Seconde Guerre mondiale.
On peut donc craindre que la prochaine guerre soit, effectivement, une guerre nucléaire.
Sauf à penser que la guerre nucléaire a déjà eu lieu, et que ce fut précisément la Guerre froide : on ne peut pas
vraiment dire que les armes nucléaires n’ont jamais été employées, simplement il s’est essentiellement agi d’un
emploi négatif, dissuasif : aucun des belligérants, USA et URSS, ne pouvait se passer de ces armes.
À une autre échelle, les armes nucléaires ont eu un effet comparable à celui de l’artillerie moderne avant l’appa-
rition des blindés et de l’aviation : la Guerre froide a été une guerre de tranchées mondiale, avec des positions
tenues et quelques tentatives de percées, çà et là : Vietnâm, Afghanistan...
Et quelle est la nouveauté militaire qui a conduit à la fin de la Guerre froide ? L’Initiative de Défense Stratégique
de Reagan.
Depuis, il n’y a plus eu de guerre entre grandes puissances.
Cela pourrait bien signifier que l’arme de demain n’est pas l’arme atomique.
Certes, elle ne disparaîtra pas : l’infanterie, l’artillerie, les chars et l’aviation n’ont pas disparu. Mais elle perdra
son statut d’arme maîtresse.
Si les choses vont ainsi, les armes principales de la prochaine guerre devraient être essentiellement les prolonga-
tions et retombées de l’Initiative de Défense Stratégique, c’est-à-dire les armes électromagnétiques, les armes à
énergie dirigée, et des cyber-armes. On sait que depuis trente ans les États-Unis ont multiplié les programmes de
recherche sur les armes à micro-ondes et armes laser, avec des emplois très différents. Les Russes sont devenus
redoutables dans la cyberguerre et leurs capacités de brouillage pourraient, dans un premier temps, désorgani-
ser les forces de l’OTAN et permettre aux Russes de remporter des succès importants.
Pour reprendre l’analogie de l’artillerie moderne qui a conduit à la guerre de tranchées et n’a cependant pas
disparu avec l’arrivée de l’aviation et des chars, les armes nucléaires demeureront sans doute, dans le prochain
conflit, comme armes de dissuasion qui interdiront, pour un temps du moins certaines manœuvres ; il est
notamment fort possible que la guerre soit essentiellement conventionnelle, chaque camp interdisant à l’autre
d’utiliser des armes nucléaires en agitant la menace des siennes ; cela jusqu’à ce que, en cours de guerre, l’un des
camps – et ce sera vraisemblablement le camp américain – atteigne un seuil technologique rompant l’équilibre
de la terreur et soit en mesure d’écraser l’autre.

18
Fig. 5 L’empire macédonien de Philippe V Fig. 6 La macédoine après 197 av. J.-C.,
autour de 200 av. J.-C. ayant perdu son empire sur la Grèce

sa puissance passée, avant la défaite contre macédonien : la Béotie s’allia avec Persée,
les Romains. Tout en renouvelant le traité et sombra dans la guerre civile entre pro-
d’alliance avec Rome, il commence à pré- romains et pro-macédoniens. Même chez
parer la guerre  : il remet son armée sur les Grecs non hostiles à Rome, les victoires
pied, amasse un trésor de guerre, et cherche initiales de Persée suscitèrent de l’enthou-
à se créer des alliances ; il trouve des amis siasme : Polybe explique (Histoire générale,
chez ceux qui haïssent Rome, notamment XXVII, 7) que, si ses compatriotes avaient
les exilés et criminels grecs. Les Achéens, conscience des avantages de la domination
attachés à la liberté politique de la tradition romaine comme de la tyrannie passée de
grecque, n’apprécient pas le despotisme la Macédoine, voir l’orgueil romain mis en
du monarque macédonien, mais certains difficulté n’était pas pour déplaire à la fierté
parmi les aristocrates défendent néanmoins hellène.
un dialogue avec lui, y voyant un moyen Après quelques succès militaires, notam-
de ralentir l’évolution vers la dépendance ment à Callinicos, permis par l’imprépa-
envers Rome. ration romaine face à un adversaire déter-
La nouvelle guerre entre Macédoine et miné à la guerre depuis plusieurs années,
Rome éclata en -172. Des pans de la Grèce Persée fut vaincu à Pydna, après quatre
virent triompher le parti démagogue pro- ans de guerre, par Paul-Émile. Le roi fut

19
fait prisonnier et le royaume de Macédoine
divisé en quatre républiques sous contrôle
romain.
La Grèce, après la victoire romaine (Fig.
7), fit l’objet d’une « reprise en main ».
Paul-Émile fit le tour de la région en sanc-
tionnant ceux qui avaient pris le parti de
la Macédoine. La Grèce était désormais
condamnée à une vassalisation croissante.
Cette guerre ne fut pas l’une des plus meur-
trières de Rome : en dépit de sa longue du- Fig. 7 La Macédoine devenue province romaine
à partir de 168 av. J.-C.
rée, les mouvements furent peu nombreux,
Persée n’ayant pas les moyens de mener des
opérations de grande ampleur et les Ro-
meurer limitées : Poutine pourrait être
mains attendant d’être parfaitement pré-
parés pour frapper. Les destructions furent vaincu sans aller beaucoup plus loin que les
donc relativement limitées. pays baltes et la mer Noire.

Plusieurs éléments penchent vers ce scéna- L’invasion éclair des pays baltes en est en
rio plutôt favorable : la prise de conscience effet l’hypothèse la plus évoquée par les res-
progressive du danger que représente la ponsables occidentaux, notamment parce
Russie de Poutine, mais aussi la disparité de qu’elle permettrait à la Russie de restaurer la
taille et des forces : tout comme l’Amérique continuité de son territoire avec l’enclave de
aujourd’hui, le potentiel militaire (démo- Kaliningrad, et parce que la configuration
graphique, notamment) et économique géographique permettrait de la mener à
de l’Italie romaine dépassait largement les bien rapidement, en espérant que l’OTAN
capacités macédoniennes. Par ailleurs, si fi- accepterait par la suite de négocier la paix
nalement la dissuasion nucléaire continue une fois le fait accompli. Le placement per-
de jouer sur le même mode que durant la manent dans l’enclave de Kaliningrad, à
guerre froide, les confrontations militaires l’automne 2016, de missiles Iskander faits
conventionnelles devraient également de- pour détruire de grandes concentrations de

20
troupes ennemies, constitue un préparatif raient durer quelques années, l’OTAN fini-
en ce sens : les missiles Iskander permettent rait par épuiser l’armée russe et contraindre
de couvrir le flanc ouest contre une mobi- la Russie à la reddition.
lisation de l’OTAN, afin de laisser la voie Cependant la supériorité de l’OTAN sur le
libre à l’invasion des pays baltes (Fig. 8). papier n’est pas une assurance contre des ré-
Dans le cas d’un scénario « à la macédo- sultats militaires surprenants, comme ceux
nienne », l’armée russe n’irait cependant pas qu’obtinrent les derniers grands conqué-
plus loin et, après des combats qui pour- rants européens, Hitler ou Napoléon.

Fig. 8
La situation
stratégique
autour des
pays baltes

21
Se méfier des guerres gagnées d’avance « sur le papier »
Les prédécesseurs de Vladimir Poutine, Napoléon et Hitler, étaient-ils mieux lotis du point de vue militaire
lorsqu’ils ont remporté leurs succès historiques ?
Lors de la première des guerres napoléoniennes, en 1805, qui devait se conclure par l’écrasante victoire d’Aus-
terlitz après seulement deux mois de combats, la France disposait de 190 000 hommes, appuyés par 210 canons,
contre 240 000 hommes et 305 canons pour les Coalisés. Napoléon engagea pratiquement tout ce qu’il avait
tandis que les Coalisés avaient des réserves.
Les deux grandes caractéristiques de l’art napoléonien de la guerre sont d’une part le mouvement et la manœuvre,
une stratégie offensive afin de contraindre l’adversaire à la bataille décisive, notamment par l’encerclement (les
batailles « à front renversés ») et d’autre part la concentration de l’artillerie mobile en « grandes batteries ». Ces
nouveautés prennent de court les Coalisés pourtant fortement supérieurs en nombre. Le système montrerait
encore son efficacité lors des campagnes de Prusse et de Pologne, contre la Prusse et la Russie (1806-1807) puis
de façon moins nette contre la Cinquième Coalition (1809), avant de se révéler inefficace en Russie (1812), et
d’échouer finalement contre des Coalisés habitués et s’étant adaptés.
Lors de la Bataille de France, en 1940, selon les estimations les plus hautes pour l’Allemagne et les plus basses pour
les alliées (c’est-à-dire présentant l’écart de forces minimum), l’Allemagne alignait 3683 blindés contre 4260 alliés
(sachant que les chars français étaient supérieurs en blindage et en armement aux chars allemands, et que près
de 1500 des chars allemands étaient des chars légers pratiquement sans valeur, moins blindés et armés que les
automitrailleuses françaises) ; côté aviation on trouvait 3632 appareils allemands contre 5023 alliés. Pour ce qui est
des effectifs, l’Allemagne alignait 135 divisions, contre 147 pour les Alliés ; ces troupes étaient très peu motorisées,
les Allemands ne disposant que de 120 000 véhicules, contre 400000 pour la France.
L’Allemagne écrasa les forces alliées en deux mois (mai-juin 1940), après une première bataille d’encerclement for-
midable dans le nord de de la France. En 1941, lors de l’opération Barbarossa dans laquelle la Wehrmacht détruisit
une grande partie de l’Armée rouge dans une série de batailles d’encerclement, en dépit d’une nouvelle infériorité
numérique sur le papier : 2,6 millions d’Allemands contre 5 millions de Russes, 4300 chars contre plus de 15000,
4300 avions contre plus de 30000.
Résultats fruits de la fameuse « blitzkrieg », stratégie offensive s’appuyant sur la concentration de la puissance de
feu et le mouvement en profondeur pour désorganiser les arrières ennemis qui surprit les Alliés puis les Sovié-
tiques, avant de s’épuiser dans les étendues russes et la guerre défensive contre les Anglo-saxons.
Napoléon comme Hitler ont remporté des victoires-éclairs retentissantes en étant en infériorité numérique et
matérielle, en pratiquant l’offensive avec détermination, en misant sur le mouvement, la concentration du feu et
la manœuvre (encerclement), face à des adversaires plus hésitants et sur la défensive ; par ces victoires, ils ont pu
consolider leur position et conduire à une guerre plus longue, en captant des ressources dont ils ne disposaient
pas à l’origine.

22
Or, si l’on y regarde bien, Persée ne fut en fait, Depuis le début de l’affaire ukrainienne,
à l’instar d’Hitler et de Napoléon, qu’une oc- on a souvent comparé le resurgissement de
currence d’impérialisme revanchard, autre l’hégémonisme russe à celui de l’Allemagne
catégorie de schéma, d’un ordre de grandeur hitlérienne dans les années 1930. Il n’est pas
inférieur à celui des grands cycles, et que l’on question de comparer des personnes, Pou-
peut définir pour affiner nos prévisions et tine et Hitler, mais plutôt des mouvements
préciser le cône des possibles. de fond affectant deux nations européennes,
et là-dessus le parallèle est manifeste.
Le schéma historique
de l’impérialisme revanchard Je le résume dans le tableau suivant :

SCHÉMA ALLEMAGNE RUSSIE


Fondation de l’empire 1870 : Après la victoire sur la France 1945 : Après la victoire sur l’Allemagne
Défaite humiliante et 1918 : Défaite dans la Grande guerre, fin 1991 : Effondrement de l’Union soviétique, défaite
effondrement du régime de l’Empire allemand dans la Guerre froide
Tentative démocratique 1918-1933 : République de Weimar 1991-2000 : Libéralisation de la Russie
1933 : Arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler 2000 : Arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine et
Militarisme nationaliste
et du parti nazi des siloviki
2007 : Moratoire russe sur l’application du Traité
1936 : Remilitarisation de la Rhénanie des forces conventionnelles en Europe
Réarmement et
premières actions
Envoi de la légion Condor et interven- 2008 : Guerre de Géorgie
militaires
tion dans la guerre civile espagnole
Intervention dans la guerre civile syrienne
2008 : Occupation de l’Ossétie du Sud et de
l’Abkhazie.
1938 : Annexion de l’Autriche et des
Irrédentisme agressif
Sudètes
2014 : Annexion de la Crimée, envoi de troupes
dans le Donbass
Tentative diplomatique
Septembre 1938 : Accords de Munich Février 2015 : Accords de Minsk
des démocraties
Déclenchement de la
Septembre 1939 : Invasion de la Pologne ?
guerre d’agression

23
Globalement, et à quelques exceptions près plus florissante jeunesse, plus de la moitié
sur lesquelles nous reviendrons, c’est ce de l’argent comptant qui circulait dans le
même schéma que traversa la France entre royaume, sa marine, son commerce, son cré-
la fin du règne de Louis XIV et l’ouverture dit. Quelques ambitieux, pour se faire va-
des guerres napoléoniennes ; le tout dans loir et se rendre nécessaires, précipitèrent la
un laps de temps comparable de huit dé- France dans cette guerre ». Au terme de ce
cennies. conflit, la France perdit toute la Nouvelle-
France et toutes ses possessions en Inde, à
Le dernier quart du règne de Louis XIV l’exception de cinq villes, qu’il lui fut désor-
marqua l’établissement de la puissance mais interdit de fortifier (Fig. 9).
française sur le continent, au terme de la
guerre de Succession d’Espagne, avec un  Ces pertes sont d’une ampleur comparable
abaissement de l’Espagne placée dans l’or- à celles qui affectèrent l’Allemagne et la
bite française (notamment via les pactes de Russie respectivement au terme de la guerre
famille) et la possession d’un empire colo- de 1914 et de la guerre froide : après sa dé-
nial alors plus important que celui de l’An- faite en 1918, l’Allemagne a perdu toutes
gleterre. ses possessions coloniales, et son territoire
national a été fortement amputé (Fig. 10).
Cette prépondérance continentale fut
perdue au cours de l’énorme conflit de la De manière semblable, en 1991 la Russie
guerre de Sept Ans (1756-1763), qui à bien a perdu l’influence mondiale qu’elle avait à
des égards fut la première guerre mondiale : travers les régimes communistes alignés sur
les belligérants en furent nombreux, mais Moscou, notamment les pays du Pacte de
Français et Anglais s’affrontèrent à l’échelle Varsovie. Le territoire qu’elle contrôlait di-
globale, non seulement en Europe, mais en rectement, issu de l’empire russe, fut aussi
Amérique et dans les Indes. Le conflit fut largement amputé (Fig. 11).
une humiliation française puisque, entré
dans la guerre avec la certitude d’un conflit Nous pouvons également comparer ces
court et facile à remporter, le royaume per- pertes catastrophiques avec celles subies par
dit l’essentiel de ses possessions coloniales. l’empire macédonien de Philippe V en -198
Voltaire résuma ainsi : « L’État perdit la (Fig. 12). Et encore par celles subies par

24
Fig. 9 Les pertes territoriales
françaises au terme de la guerre
de Sept Ans

Fig. 10 Les pertes territoriales


allemandes au terme de la Grande
guerre

Fig. 11 Les pertes territoriales


soviétiques au terme de la Guerre
froide

25
Fig. 12 Les pertes
territoriales
macédoniennes au
terme de la Deuxième
guerre de Macédoine

Fig. 13 Les pertes


territoriales
carthaginoises au
terme de la Première
guerre punique

26
Carthage au terme de la Première guerre U-boot. Sous Louis XVI, le réarmement
punique en -241 (Fig. 13). de la France était entamé, avec une aug-
mentation des effectifs et une moderni-
La défaite de la France dans la guerre de sation de la formation, dont seraient plus
Sept Ans n’eut donc pas grand-chose à en- tard issus tous les maréchaux d’Empire
vier, au plan géostratégique, aux défaites et l’Empereur lui-même. C’est du même
allemande et russe. Il y a cependant un sentiment revanchard que participa l’em-
point de différence notable : le territoire barquement de volontaires français, avant
« national » ne fut pas amputé, et le régime toute décision royale, en appui des insurgés
ne s’effondra pas. Les deux sont sans doute américains, bien décidés qu’ils étaient à dé-
liés. Il s’en est peut-être fallu de peu : si la pouiller l’Angleterre de l’Amérique comme
diplomatie française n’était pas parvenue elle-même avait dépouillé la France de la
à négocier la conservation par la France Nouvelle-France.
de ses lucratives colonies antillaises, les fi-
nances royales auraient pu connaître bien Ainsi donc, à l’éclatement de la Révolu-
plus tôt la crise qui conduisit un quart de tion, la France dispose de cette armée ré-
siècle plus tard audit effondrement. novée, en particulier pour ce qui est de la
formation de ses cadres, et prête à affronter
Néanmoins, lorsque ledit effondrement, à l’Europe. Le régime de la monarchie ab-
retardement, se produit enfin, les wagons solue s’effondre, et cet effondrement libère
du schéma historique sus-rappelé sont les énergies nationales. Après une tentative
raccrochés ; et dans l’entretemps, le senti- de gouvernement apaisé dans la monarchie
ment revanchard des élites françaises avait constitutionnelle entre 1789 et 1792, ces
déjà poussé Choiseul à transformer la ma- énergies se déchaînent et c’est l’explosion.
rine royale en la réorientant vers la guerre
de course, abandonnant les gros navires à D’abord, il y a la crise économique qui
grosse puissance de feu pour les remplacer plonge le pays dans le chaos : c’est la crise
par une multitude de navires petits, rapides des assignats, dont l’hyperinflation dé-
et maniables, aptes à la guerre de course ; règle complètement l’économie française
exactement de la même manière que l’Al- et plonge le peuple dans la misère. Ce dé-
lemagne hitlérienne s’équipa en masse de sastre économique est du même type que

27
Guerre de Syrie et guerre d’Espagne

Ce qu’il se passe en Syrie doit être assimilé à l’intervention d’Hitler dans la guerre d’Espagne, avec l’envoi du corps
expéditionnaire limité (un peu plus de 6000 hommes) de la légion Condor, afin de soutenir un dictateur ami dans
sa guerre civile contre les révolutionnaires rattachés au mouvement internationaliste d’alors (le socialisme) ; et ce
alors même qu’Hitler maintenait des relations apaisées avec l’URSS, qui devaient aller jusqu’à la conclusion d’un
Pacte de non-agression 3 ans plus tard.
La guerre d’Espagne, en son temps, choqua les opinions par sa brutalité, comme aujourd’hui celle de Syrie, et
précipita des flots de réfugiés en Europe, spécifiquement en France. Elle permit à Hitler de tester en grandeur
nature et action réelle ses nouveaux équipements militaires, à visage découvert, ce qu’il n’avait pu faire chez ses
voisins directs. Du côté des Républicains, comme pour aujourd’hui des insurgés syriens, spécifiquement de l’État
islamique, nombre de combattants étaient des étrangers venus participer à une guerre idéologique : les Brigades
Internationales.
Elle provoqua aussi l’inquiétude de ses voisins, puisque la France haussa brusquement son budget militaire de
25% en 1936.
L’intervention de Poutine est comparable à cela : des effectifs qui demeurent limités, qui combattent des djiha-
distes sans déclarer une guerre globale à l’islamisme, au contraire même, puisque par ailleurs Vladimir Poutine à
inauguré en 2015 à Moscou la plus grande mosquée d’Europe ; et l’on se souvient que, d’ores et déjà, la Tchétché-
nie est dirigée par un satrape islamiste, Ramzan Kadyrov, et que de manière générale le régime poutinien veille à
intégrer dans son combat national les fortes minorités musulmanes de Russie.
En intervenant en Syrie, Poutine peut tester ses nouvelles armes sans se cacher, et surtout employer ses avions,
ce qu’il ne pouvait faire en Ukraine, afin d’exercer ses pilotes en conditions de combat réel. Il peut aussi, comme
le fit Hitler, par roulement, donner un peu d’expérience du feu à ses troupes au sol. La Russie peut compter sur
l’opinion divisée des Occidentaux, hésitant entre deux maux, le djihadisme ou la brutalité d’Assad, pour pouvoir
agir avec relativement d’espace – tout comme les démocraties n’osèrent s’ingérer directement en Espagne jadis,
ne pouvant exactement soutenir des Républicains très radicaux et violents, ni la répression militariste de Franco.
Dans une moindre mesure mais de manière similaire, l’intervention française dans la guerre d’indépendance amé-
ricaine permit de tester les nouveaux matériels mis au point par Gribeauval, son « système » d’artillerie, et la
concentration du feu, comme à la bataille de Yorktown en 1781, et le fusil modèle 1777 qui servirait plus tard aux
guerres de la Révolution et de l’Empire.

28
celui qui affecta, au même stade de leur liberté et de l’état de droit. Mais les ambi-
évolution, l’Allemagne de Weimar et la tions napoléoniennes devaient conduire la
Russie des années 1990 (rappelons qu’en France à s’agiter encore dans ses colonies
1992, les prix connurent une augmentation antillaises, et surtout à énerver l’Angleterre
de 2000 %). Le peuple saurait plus tard gré et les autres pays européens en multipliant
à Napoléon d’avoir « remis de l’ordre dans les annexions en période de paix : en août
l’économie », comme ce fut par la suite le
1802 Napoléon fait du Valais, confisqué à
cas pour Hitler et Poutine.
la Suisse, une république indépendante. En
septembre il annexe officiellement le Pié-
Ensuite, les révolutionnaires français adop-
tent une politique irrédentiste de la re- mont (jusqu’ici, il était seulement conquis
cherche des fameuses « frontières naturelles de fait). Parallèlement, Napoléon accroît
de la France ». On proclame alors que « si le son influence en Allemagne, agit en Eu-
Rhin n’est pas la limite de la République, rope à sa guise, persuadé que l’Angleterre
elle périra ». Cette phase d’irrédentisme ne risquera pas une guerre.
agressif dure 8 ans, de 1792, avec l’arrivée
au pouvoir des Jacobins, à 1800, lorsque D’abord, l’Angleterre tente de recourir
ces frontières sont enfin atteintes, après aux sanctions économiques et d’enlever à
l’« anschluss » de la Belgique. Napoléon le soutien des milieux d’affaires
français en saisissant, le 17 mai, toute la
Entre-temps, Napoléon est arrivé au pou- flotte marchande française à sa portée, sans
voir, devenu Premier Consul en 1799. Hé-
déclaration de guerre, laquelle n’intervien-
ritant de la guerre révolutionnaire, Napo-
dra que quelques jours plus tard. Débutent
léon fait avec l’Europe la Paix d’Amiens
alors les guerres napoléoniennes.
en mars 1802, par un traité qui clôt toutes
les guerres encore en cours jusque-là, spé- La France, entre 1714 et 1803, a connu
cifiquement avec l’Angleterre, laquelle, le même cheminement que plus tard l’Al-
rappelons-le, est alors le seul régime par- lemagne entre 1870 et 1939, et la Russie
lementaire d’Europe, l’équivalent de ce entre 1945 et 2017. L’on trouve la même
qui sera dans les occurrences suivantes le durée, et aussi le même rythme d’évolu-
« camp des démocraties », en fait celui de la tion : le schéma s’applique parfaitement.

29
SCHÉMA FRANCE
1714 : Au terme des guerres de Louis XIV, la France est le pays le plus
Fondation de l’empire
puissant d’Europe
1763 : Fin de la guerre de Sept Ans. Perte de l’essentiel du premier espace
Défaite humiliante et effondrement
colonial français.
du régime
1789 : Révolution française
Tentative démocratique 1789-1792 : Monarchie constitutionnelle
1793 : Jacobinisme au pouvoir
Militarisme nationaliste
1799 : Bonaparte premier consul
Dès 1763 et surtout dans les années 1770-1780 : Réarmement, effort de
Réarmement et premières
modernisation militaire
actions militaires
Implication dans la guerre d’indépendance américaine
Irrédentisme agressif 1792-1800 : Recherche des « frontières naturelles de la France »
Tentative diplomatique des démocraties 1802 : Paix d’Amiens
Déclenchement de la guerre d’agression 1803 : Début des guerres napoléoniennes

Ce schéma de l’impérialisme revanchard s’applique également à la Macédoine de Persée


que nous avons évoquée plus haut.

SCHÉMA MACÉDOINE
Fondation de l’empire - 222 : Empire d’Antigone Doson après la victoire contre Sparte
Défaite humiliante et effondrement - 197 : Défaite de Philippe V contre Rome. Perte de la Thessalie et de
du régime l’hégémonie sur la Grèce.
Militarisme nationaliste Persée monte sur le trône et redresse l’armée
Réarmement et premières
- 172 : Attentat contre Eumène de Pergame
actions militaires
Irrédentisme agressif Extension de l’influence avec des traités en Grèce
Tentative diplomatique des démocraties Signature d’une trêve avec Rome
Déclenchement de la guerre d’agression - 171 : Attaque de Persée et victoire de Callinicos

30
Et il s’applique également à la Carthage Carthage de l’Amérique, l’ennemi hérédi-
d’Hannibal Barca. Étant donné le paral- taire pour la suprématie globale, il doit en
lèle existant et exposé dans mes précédents être tenu compte dans notre élaboration du
livres entre l’histoire romaine et l’histoire cône des possibles de la future guerre en
américaine, et le fait que la Russie est la Europe.

SCHÉMA CARTHAGE
Fondation de l’empire - 307 : Défaite d’Agatocle de Sicile, affirmation carthaginoise sur l’Afrique
- 241 : Défaite dans la Première guerre punique contre Rome.
Défaite humiliante et effondrement
Guerre civile (guerre des Mercenaires) et perte du pouvoir par l’oli-
du régime
garchie au profit des démagogues barcides
Militarisme nationaliste Militarisme des Barcides (famille d’Hannibal Barca)
Réarmement et premières
Conquête du sud de l’Espagne
actions militaires
Irrédentisme agressif Attaque sur Sagonte
Tentative diplomatique des démocraties Tentative de négociation de Rome
Déclenchement de la guerre d’agression - 218 : Attaque d’Hanniba

Cependant, nous devons voir que les cas pour mesurer le spectre des possibles.
maigres succès de Persée de Macédoine qui, Les succès initiaux des grands impérialistes
s’il sut faire durer la guerre, et faire douter revanchards s’expliquent notamment par
les Romains de la loyauté de leurs alliés l’enchaînement international menant à leur
grecs, ne mirent pas en péril l’hégémonie apparition...
romaine à l’échelle de la Méditerranée. Au
contraire, les guerres d’agression conduites D’abord, il y a les guerres d’enlisement,
par Napoléon, Hitler et Hannibal mirent résultant en la défaite de l’empire initial,
respectivement Rome et l’Angleterre, tha- après un conflit long qu’on imaginait court
lassocraties de leur époque, en situation de et victorieux. Il en va ainsi de la Première
péril mortel. Il faut donc étudier ces autres guerre punique, conflit d’influence en Si-

31
cile qui aboutit, après une longue guerre de tiel du Premier empire colonial français au
positions (plus de vingt ans !) à la perte de profit de l’Angleterre.
l’empire maritime carthaginois. Pour l’Allemagne, la Grande guerre joua ce
Il en va de même de la guerre de Sept Ans rôle, elle perdit tout son empire colonial et
(1756-1763), associée à la guerre de suc- vit son territoire amputé.
cession d’Autriche (1740-1748) : ainsi un La guerre froide correspond à cette catégo-
conflit ayant pour objet une querelle d’in- rie. Elle compte de nombreuses guerres qui
fluence autour de la maison d’Autriche dé- sont en réalité autant de batailles : la Corée
bouchera finalement sur la perte de l’essen- (1950-1953), le Vietnam (1955-1975)...

Thalassocratie contre tellurocratie


Cette opposition, et l’incarnation dans ces deux modèles géopolitiques de sociétés aux valeurs opposées, est
très ancienne. L’on se souviendra, bien sûr, de l’archétype : la maritime Athènes contre Sparte la terrienne. Le
rêve tellurocratique est généralement porté par des régimes autoritaires, militaristes, hostiles à la liberté, à l’état
de droit, à la démocratie libérale, bref tout ce qui s’incarne dans une thalassocratie. « Homme libre, toujours tu
chériras la mer » disait Baudelaire. L’homme esclave, chérit plutôt la terre, qui « ne ment pas », comme disait la
propagande du maréchal Pétain.
Or cette opposition correspond, à l’échelle globale, aux possibilités hégémoniques théorisées par le célèbre géo-
graphe britannique Halford John Mackinder, selon lequel l’Eurasie est le continent du monde, et les Amériques,
l’Afrique et l’Océanie sont ses îles périphériques.
Deux modèles sont alors envisageables à l’échelle mondiale : la thalassocratie, dans laquelle c’est une puissance
maritime, extérieure à l’île-monde, qui impose son hégémonie au continent central, et la tellurocratie, dans la-
quelle c’est une puissance continentale qui domine, et impose son règne à l’extérieur.
C’est là le rêve de ceux qui veulent faire l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, associer les ressources russes à l’éco-
nomie européenne pour contrebalancer la puissance américaine, etc.
De fait, dans les trois occurrences française, allemande et russe, à chaque fois, il y a une thalassocratie pour
s’opposer à la tellurocratie.
À l’époque de Napoléon, la thalassocratie, apparue précisément à la fin de la guerre de Sept Ans, était la thalas-
socratie britannique.
À l’époque d’Hitler la thalassocratie était encore britannique, et a basculé vers les États-Unis durant la guerre.
Aujourd’hui, au temps de Poutine, la thalassocratie est américaine, particulièrement renforcée après l’effondre-
ment de l’URSS et la disparition de toute marine susceptible de lui disputer les mers du monde.

32
Mais du côté soviétique, le seul véritable dite « Guerre des Mercenaires », marquée
engagement d’ampleur, qui dessine les li- par de nombreuses atrocités. L’oligarchie
mites de sa véritable guerre, c’est l’Afgha- perdit le pouvoir, la défaite étant attribuée
nistan (1979-1989) qui saigna le prestige et au manque de volonté de personnages
les finances de l’URSS, la fragilisant face comme Hannon le Grand, symbolisant les
à l’offensive stratégique de Ronald Reagan intérêts des marchands carthaginois las de
et précipitant sa chute. Une invasion qui la guerre. Un mouvement populiste porta
devait être simple et garantir l’influence Hamilcar à la tête de l’armée, et le Barcide
soviétique sur ce pays conduisit à l’effon- renforça le rôle du peuple dans la consti-
drement de l’Union et au considérable repli tution de Carthage et mena une politique
géopolitique de la Russie. militariste, avec la volonté de bâtir un nou-
vel empire carthaginois, ce qu’il fit en Es-
Dans tous ces cas historiques, l’effondrement pagne. Le jeune Hannibal Barca hérita de
de l’empire initial provoqua en son sein une son armée réorganisée, et devint immortel
grande restructuration, avec d’importants en menant avec audace, par terre et non
bouleversements politiques et sociaux, et par mer, son armée et ses éléphants droit
l’arrivée au pouvoir d’une classe dirigeante sur le territoire romain, où il remporta une
intégralement renouvelée, forgée dans l’ad- série de victoires stupéfiantes, spécialement
versité de la défaite, et autant capable d’esprit avec son chef-d’œuvre de Cannes, amenant
de revanche que d’esprit critique quant aux l’ennemi où il le voulait pour l’encercler et
défaillances du défunt système, et de créa- le détruire.
tivité et d’audace propres à subjuguer, au
moins temporairement, leurs ennemis. Chez De même en France à la suite de la dé-
ces héritiers revanchards d’empires ayant été faite dans la guerre de Sept Ans : le régime
défaits dans des guerres d’enlisement, on monarchique perdit avec ses colonies des
trouve toujours une prédilection militaire ressources financières et sortit endetté de
pour la rapidité, le mouvement, le choc, l’en- la guerre, dette encore alourdie par la ten-
cerclement, la recherche de victoire rapide en tative de revanche aux Amériques dans la
frappant l’ennemi au cœur. guerre d’Indépendance, et qui finit par
À la suite de la Première guerre punique, provoquer la chute du régime en nécessi-
Carthage sombra ainsi dans la guerre civile tant la réunion des États généraux de 1789.

33
La chute de la monarchie et de son appareil réputé la meilleure armée du monde à ce
porta au pouvoir une nouvelle génération moment, l’armée française.
d’hommes jeunes, et renouvela notamment La chute de l’URSS a provoqué en Rus-
les cadres de l’armée française, remplaçant sie un changement similaire du personnel
les aristocrates par des roturiers ambitieux dirigeant. Finies les élites soviétiques, les
et prompts à porter des idées neuves ; c’est vieillards cacochymes comme Berjnev, An-
à cette génération qu’appartenaient Bo- dropov ou Tchernenko. Fini le système de
naparte et tous ses maréchaux d’Empire, factions du Politburo. Finie même la vision
et c’est cette nouvelle armée avec laquelle de l’arme nucléaire comme arme simple-
Napoléon fondit sur l’Autriche via l’Alle- ment dissuasive – le chantage nucléaire
magne en 1805, pour écraser les Austro- de Poutine montre une nouvelle doctrine
Russes stupéfaits à Austerlitz. d’emploi.

De même encore dans l’Allemagne après Dans le même temps, et inversement, les na-
la Grande guerre : la défaite de 1918 coïn- tions victorieuses de la guerre d’enlisement,
cida avec la révolution allemande, la fin de aucunement portées à l’autocritique par la
la monarchie impériale, les événements de victoire, voient un vieillissement de leurs élites
guerre civile, entre spartakistes et Freikorps, et une nécrose de leur pensée, incapables de
et l’instauration de la République de Wei- sortir des anciens schémas, convaincues qu’un
mar et ses épisodes de crise économique. éventuel nouveau conflit se mènera exacte-
L’armée allemande humiliée fut poussée ment comme le précédent. Ce faisant, elles se
à l’autocritique, et lorsqu’Hitler décida de rendent prévisibles, incapables d’improviser
la rebâtir en violation des traités, c’est en avec efficacité, et d’autant plus vulnérables à
appliquant des principes nouveaux et en une audacieuse innovation adverse ; c’est la
faisant la part belle aux armes nouvelles et malédiction du vainqueur.
à leur concentration en vue d’obtenir une Ainsi de Rome qui, après avoir remporté la
victoire décisive et rapide. Leur application victoire contre Carthage une première fois en
dans le plan Hitler-Manstein qui conduisit imitant et en surpassant sa marine, ne vit pas
la bataille de France assura à l’Allemagne, venir Hannibal avec ses éléphants, et subit
avec le « coup de faucille » de Dunkerque les désastres de la Trébie, de Trasimène et de
une victoire historique contre ce qui était Cannes.

34
Ainsi des Anglais qui pensèrent, en 1805, le début de l’hégémonie napoléonienne sur
vaincre Napoléon en l’envoyant s’enliser en l’Europe que les Anglais voulaient éviter.
Allemagne comme l’avaient fait les armées Ainsi encore des Alliés qui espérèrent
françaises de Louis XV en 1756, ce qui ré- vaincre Hitler dans une guerre de positions
sulta en la défaite d’Austerlitz qui coûta pra- à l’abri de la ligne Maginot, qui furent in-
tiquement la vie à William Pitt et signifia capables de réagir à la percée de Sedan et à

Le rapport de forces Russie/Occident sur la route de Berlin


La supériorité armée américaine ne fait aucun doute : la reine des guerres modernes, l’aviation, montre les chiffres
suivants : si l’US Air Force est la première force aérienne du monde (plus de 5700 avions) la deuxième force
aérienne mondiale est... l’US NAvy (3700 aéronefs). Les troisième et quatrième aviations militaires du monde, à
savoir la Chine (2500 appareils) et la Russie (moins de 2000) totalisent à elles deux moins de la moitié des effectifs
américains. Ce sont là des chiffres qui, parmi d’autres, rendent impossible une victoire finale de la Russie en cas
de confrontation.
Cependant, les forces américaines sont dispersées sur toute la surface du globe, et pour l’essentiel sur le territoire
américain-même, soit de l’autre côté de l’Atlantique : en Europe continentale, les États-Unis n’ont que 70 000
hommes, dont les trois quarts en Allemagne ; en mai 2013, les Américains ont retiré leurs derniers chars d’Alle-
magne, avant d’en ramener une trentaine en janvier 2015 : cela reste dérisoire. Toujours en Allemagne, on trouve
stationnés 158 avions de l’USAF. Des forces si limitées sont à la merci d’une attaque massive.
Bien sûr elles ne sont pas seules. En partant du principe que la cible principale d’une invasion russe de l’Europe
serait Berlin et l’Allemagne, la Russie trouverait sur son chemin, à part son alliée la Biélorussie, la Pologne. Sans
doute celle-ci, chez laquelle le souvenir de la domination soviétique est encore vif, se battrait-elle bravement
pour ne pas laisser passer les Russes ; elle dispose pour cela d’un effectif d’environs 300 000 soldats profession-
nels, 350 appareils aériens et un millier de chars, dont beaucoup sont anciens.
L’Allemagne a elle-même des effectifs inférieurs à 185 000 hommes, quelques 400 chars, 220 avions de combat
et 127 hélicoptères de combat.
Si, donc, on fait le total de ce qui se dresse réellement entre la Russie et l’Allemagne, on arrive à un résultat (Al-
lemagne, Pologne et forces américaines en Europe) de moins de 500 000 hommes, 800 aéronefs et 1400 chars.
En face, les forces armées russes alignent un peu moins de 300 000 hommes, un peu moins de 2000 aéronefs
et quelque chose comme 2300 chars (la Russie en a 18 000 au total mais la plupart ne sont pas opérationnels).
Il faut ajouter que les Russes ont développé des capacités avancées de cyberguerre, qui pourraient faciliter la
tâche d’invasion, en désorganisant avant toute attaque les communications ennemies, sans laisser le temps aux
Américains de rameuter de quoi contrer cette offensive.

35
l’encerclement de Dunkerque, et perdirent taire éclatante ; (3) l’exploitation rapide du
la France dont le pillage permit à Hitler de succès militaire initial par la prise de la ca-
résister longtemps. pitale ennemie acculée à la reddition.
Ainsi, aujourd’hui, de ceux qui pensent
vaincre Poutine en l’asphyxiant avec des Pour la France napoléonienne (Fig. 14) il
sanctions économiques et de la dissuasion s’agit de la conquête des frontières naturelles
nucléaire. puis de l’annexion en temps de paix du Pié-
Pour tenter de mesurer à quoi pourraient mont (1), qui rompt la paix d’Amiens et
conduire ces erreurs dans la configuration conduit l’Angleterre à former la Troisième
actuelle, l’on peut tenter une projection en coalition. Alors que les alliés se préparent,
reprenant schématiquement les deux cas les Napoléon se précipite sur l’Allemagne et
plus proches, celui de la France napoléo- encercle l’armée autrichienne à Ulm, dé-
nienne et celui de l’Allemagne hitlérienne, truisant en quinze jours l’essentiel du dis-
qui offrent un scénario plus difficile, pour positif autrichien, ce qui lui ouvre la route
l’OTAN, que celui de la Macédoine de de Vienne, qu’il prend le 14 novembre 1805
Persée. Nous verrons ensuite le pire scéna- (3). La victoire est parachevée en défaisant
rio, en reprenant le parallèle avec la Car- les Russes et ce qu’il restait d’Autrichiens à
thage d’Hannibal. Austerlitz, 20 jours plus tard.

Le scénario « médian » : Pour l’Allemagne hitlérienne (Fig. 15), il


parallèle avec les précédents s’agit de la remilitarisation de la Rhur, l’an-
européens modernes nexion de l’Autriche et des Sudètes, puis de
l’invasion de la Pologne pour reprendre le
Commençons par Napoléon et Hitler couloir de Dantzig (1) laquelle pousse les
dont les succès initiaux ont suivi un plan Alliés à entrer en guerre. Après l’hésitation
très similaire  : (1) la conquête d’un es- des Alliés durant la drôle de guerre, les Al-
pace national perçu comme « naturel » et lemands attaquent, percent à Sedan et sui-
une annexion litigieuse motivant l’entrée vant le plan Manstein encerclent en trois
en guerre de la thalassocratie et son allié semaines les forces alliées à Dunkerque (2).
continental ; (2) l’encerclement audacieux Privés de l’essentiel de leur matériel, les An-
de l’ennemi permettant une victoire mili- glais rembarquant vers leur île, les Français

36
Fig. 14
La stratégie
et les succès
initiaux de la
France
napoléonienne
en 1805

Fig. 15
La stratégie
et les succès
initiaux de
l’Allemagne
hitlérienne
en 1940

37
sont dès lors incapables de résister et Paris s’appliquera, les choses se dérouleront vrai-
est prise trois semaines après, le 14 juin (3). semblablement ainsi pour la Russie pouti-
Le 22 juin, la France et l’Allemagne signent nienne (Fig. 16) : l’étape (1) correspondrait
l’armistice. à l’annexion de la Crimée, puis à celle de la
Biélorussie et enfin, pour établir la conti-
Dans les deux cas, les combats ont duré deux nuité territoriale avec l’enclave de Kalinin-
mois, après plusieurs mois de préparatifs. grad, l’invasion des pays baltes, membres de
On peut envisager ce que seraient les succès l’OTAN, ce qui provoquera une entrée en
russes si la malédiction du vainqueur affecte guerre des Alliés contre la Russie. Les Alliés,
l’OTAN victorieux de la guerre froide et à incapables de défendre les pays baltes contre
nouveau confronté à la Russie. une invasion faute de déploiement suffisant,
En admettant donc que le même schéma se masseront face au corridor de Suwalki,

Fig. 16 La stratégie et les succès initiaux de la Russie poutinienne vers 2018

38
passage terrestre entre la Pologne et la Litua- Berlin sera dès lors ouverte, faisant tomber
nie. Alors que les Alliés s’attendront à ce que le centre de gravité de l’Europe (3). L’armée
les Russes adoptent une attitude défensive, russe pourra alors pousser jusqu’à Bruxelles,
les armées de Poutine (2) contourneront leur capitale de l’Union européenne et siège de
dispositif et les encercleront dans le Nord- l’OTAN.
est polonais, détruisant le gros du disposi-
tif d’intervention de l’OTAN. La route de Ce scénario n’est pas absurde. En novembre

Fig. 17 La stratégie de l’OTAN de secours des pays baltes telle que révélée par l’exercice Anaconda

39
2016 le secrétaire général de l’OTAN a ré- la Lituanie en trois jours maximum.
vélé que l’Alliance préparait une force de
300 000 hommes apte à être mobilisée Or, nous savons comment l’armée de
en deux mois en vue de répondre à une l’OTAN se déploiera pour défendre la Po-
agression russe des pays baltes – le scénario logne et préparer la reconquête des pays
n’est pas celui d’une défense, mais d’une baltes  : il suffit pour cela d’observer la
reconquête, attendu que les experts mili- manœuvre conduite, à plus petite échelle,
taires occidentaux estiment l’armée russe lors de l’exercice « Anaconda » de juin 2016
capable d’envahir l’Estonie, la Lettonie et (Fig. 17).

Fig. 18 Les dispositifs militaires de l’OTAN et de la Russie en cas de guerre après une invasion russe des pays baltes

40
Cet exercice montre que le plan allié consiste L’hypothèse la plus vraisemblable pour un
à sécuriser les ponts sur la Vistule puis à se succès initial russe à l’image de ceux d’Hit-
placer face à la frontière polono-lituanienne ler et de Napoléon est celle d’un déborde-
afin de prévenir une invasion russe de la Po- ment par le sud et l’Ukraine, obligeant les
logne en protégeant Varsovie. forces de l’OTAN à se replier sur Varsovie
pour la protéger, et laissant aux armées
On peut aisément imaginer ce que seront de Poutine l’espace pour un encerclement
grossièrement, dans une telle situation straté- géant comme ceux d’Ulm en 1805 et de
gique, les dispositifs otanien et russe (Fig. 18). Dunkerque en 1940 (Fig. 19).

Fig. 19 La stratégie permettant à la Russie de remporter une grande victoire initiale sur l’OTAN

41
Le hasard du succès initial : le probabilisme historique

La campagne d’Allemagne conduisant à l’encerclement d’Ulm et à la victoire d’Austerlitz, le plan Manstein


conduisant à l’encerclement décisif de Dunkerque, furent des succès initiaux qui permirent à Napoléon et Hitler
d’imposer aussitôt leur contrôle à une partie de l’Europe, améliorant de ce fait considérablement leur position
stratégique. L’exploitation de ces succès initiaux leur permit de remporter des résultats de grande ampleur qui
sidérèrent leurs contemporains : une domination de plusieurs années sur le continent.
Mais ces succès initiaux n’étaient nullement acquis d’avance, malgré l’existence d’un même « schéma » de l’impé-
rialiste revanchard : nous avons vu le cas du roi Persée, dont la trajectoire correspond bien à ce schéma, mais sans
avoir connu de succès si impressionnants que ceux d’Hitler ou Napoléon. La différence tient à la pusillanimité
de Persée : tout comme pour Napoléon et Hitler, sa première confrontation avec les Romains, à Callinicos, fut
un succès : il infligea aux Romains la perte de plus de 2000 hommes et 200 cavaliers, en ne perdant lui-même
que moins d’une centaine d’hommes. Ce succès tactique aurait peut-être pu être transformé en succès décisif si
Persée avait décidé de poursuivre les Romains ; il aurait peut-être pu leur infliger des pertes encore plus lourdes,
voire les rejeter temporairement à la mer et établir son hégémonie sur une grande partie de la Grèce, comme
Napoléon et Hitler sur l’Europe. Mais une fois le succès tactique remporté, Persée préféra jouer la prudence et
se retirer, contrairement à ses lointains successeurs, beaucoup plus audacieux. Cela permit aux Romains de se
réorganiser sans se retirer, et de conduire une guerre certes un peu longue, mais sans que la Grèce ne tombe aux
mains de Persée, ce qui aurait rendu le conflit beaucoup plus coûteux et difficile.
Inversement, concernant Hitler et Napoléon, s’ils avaient manqué de l’audace qu’ils ont effectivement montrée,
avaient laissé leurs adversaires se reformer après les premiers succès tactiques, alors ils n’auraient pas connu ces
succès stratégiques initiaux, et les guerres auraient rapidement pris un tour différent : une France napoléonienne
qui se serait arrêtée avant d’arriver à Ulm, une Wehrmacht qui aurait cédé à la peur d’exposer son flanc et n’aurait
pas exploité la percée de Sedan seraient rapidement devenues des citadelles assiégées, condamnées, comme la
Macédoine de Persée, à la défensive ou à quelques sorties peu susceptibles de déboucher sur de grandes victoires
et , isolées et privées de tout, elles seraient tombées, peut-être au bout de seulement quelques années, mais sans
jamais imposer leur domination provisoire à l’Europe.
Il faut donc bien avoir en tête que l’existence d’un schéma historique n’exclut pas un aléa interne, notamment
pour ce qui est de la psychologie du chef, dont l’audace ou la prudence peuvent altérer considérablement la réa-
lisation effective de la trajectoire ; c’est précisément cela que nous appelons le « cône des possibles » ou « four-
chette historionomique ». Et là-dessus, il y a une inconnue autour de Poutine : s’il envahit les pays baltes mais
n’ose pousser plus loin, ou s’il tente une manœuvre qui échoue en Pologne pour contrer la riposte de l’OTAN,
alors il n’établira pas d’hégémonie temporaire sur l’Europe et nous verrons un scénario à la macédonienne.

42
Naturellement, les conséquences de ce
succès initial devraient être importantes  :
l’encerclement et la destruction du fer de
lance de l’OTAN en Europe ouvriront aux
Russes la route de Berlin, qui pourrait être
prise dans les semaines suivantes, et avec
elle toute l’Allemagne puis, disais-je, la Bel-
gique et Bruxelles.
Pour tenter de mesurer l’ampleur des consé-
quences de ce succès initial, nous pouvons
reprendre le raisonnement géographique
par comparaison avec les précédentes oc-
currences française et allemande.
Fig. 20 Le déplacement vers l’Est des occurrences de
D’abord, prenons visuellement note du dé- l’imperialisme revanchard
placement vers l’Est de l’entité portant pour
chaque occurrence le schéma de l’impéria-
lisme revanchard, en retenant sa configura-
tion à la veille de la guerre (Fig. 20).

Pour Napoléon comme pour Hitler, le


grand succès initial fut suivi par une sé-
rie d’autres succès reprenant les méthodes
éprouvées lors du premier et avant que les
alliés ne se rendent capables d’y répondre.
Pour Napoléon, ce furent les succès contre
la Quatrième Coalition, l’invasion du
Portugal et de l’Espagne de 1806 à 1809.
Au total, les territoires contrôlés, excep-
tion faite de l’incursion en Russie durant
quelques mois en 1812, ont couvert l’Eu- Fig. 21 L’apogée de la domination napoléonienne en
rope de Lisbonne au Niémen (Fig. 21). Europe

43
Pour Hitler, ce furent les invasions d’abord
victorieuses des Balkans et de la Russie à
l’Est, l’Allemagne contrôlant l’Europe
continentale des Pyrénées jusqu’au Caucase
(Fig. 22).

On observe donc que le territoire contrô-


lé, par conquête, annexion, vassalisation
ou alliance subordonnée, se déplace vers
l’ouest, suivant le déplacement du centre
d’expansion observé plus haut.
En appliquant la même règle de translation
à la Russie, nouveau centre d’expansion si-
tué plus à l’est que l’Allemagne hitlérienne,
Fig. 22 L’apogée de la domination hitlérienne en Europe
la domination russe devrait temporaire-
ment s’établir selon une projection approxi-
mative (Fig. 23).

La Russie dépassant la seule Europe, une


seconde carte est alors nécessaire (Fig. 24).

La projection tenant compte du déplace-


ment vers l’Est laisserait donc la France
libre d’invasion, comme l’Espagne durant
la dernière guerre. Cela correspond aux
réalités géopolitiques observables dans la
mesure où la France est la seule nation du
continent européen à disposer en propre de
la bombe atomique. Or, si l’on peut mettre
fortement en doute la volonté américaine
Fig. 23 L’apogée de la domination poutinienne en Europe d’entrer en guerre nucléaire et de risquer

44
Fig. 24 L’apogée de la domination poutinienne en Europe et en Asie

l’extermination pour l’Europe, et de la continuer la lutte sur le Rhin, et non sur le


même manière la volonté française de se sol français.
lancer dans une telle aventure nucléaire Cependant, une telle avancée de la Russie
pour sauver les Baltes ou même les Alle- après ses succès initiaux, naturellement,
mands, une invasion du territoire français impliquera une guerre longue de plusieurs
par les troupes russes et le danger d’une années, car la Russie pourra bénéficier des
occupation similaire à celle des années ressources pillées en Allemagne, comme
1940-1944 justifierait l’usage de la bombe ; l’Allemagne nazie sut en son temps faire
par conséquent, la Russie de Poutine pré- payer la poursuite de ses guerres par la
férerait sans doute arrêter ses troupes sur le France vaincue.
Rhin. De plus, la France, une fois perdue
l’Allemagne, sera le débarcadère américain Nous verrons plus loin, lorsque nous trai-
en Europe, et devrait avoir reçu de grands terons du Moyen-Orient et des États-Unis,
renforts au moment où les Russes arrive- quelle forme prendrait vraisemblablement
raient à la frontière, renforts permettant de cette reconquête.

45
Le scénario du pire : guerre punique, Carthage dominait la Mé-
les éléphants d’Hannibal diterranée occidentale de la Libye à Gibral-
tar, et tenait la Corse, la Sardaigne et la Si-
Hannibal comme Hitler et Napoléon, a ob- cile (Fig. 25).
tenu des résultats initiaux fabuleux grâce à
une audace extraordinaire : jouer pratique- Au terme de la Première guerre punique, en
ment son va-tout sur les premières actions, 241 av. J.-C., Carthage avait perdu les trois
dans une stratégie basée sur le mouvement grandes îles au profit de Rome (Fig. 26).
fulgurant vers l’adversaire, l’encerclement
(la bataille de Cannes en fait le maître in- En 218 av. J.-C. (Fig. 27), le territoire de
contesté, et Napoléon et les armées nazies Carthage avait été étendu en Espagne par
le pratiqueront à des échelles toujours plus Hamilcar Barca et ses fils. L’attaque de Sa-
vastes) et les armes de choc : s’il y a eu la gonte, alliée de Rome, déclenche la guerre
Grande Batterie de Napoléon, les Panzer- et Hannibal marche sur l’Italie via la Gaule.
divisionen d’Hitler, il y eut d’abord les élé- Les cités du sud de l’Italie furent conquises
phants d’Hannibal. par Hannibal au détriment de Rome, dès
En 264 av. J.-C., à la veille de la Première 215 avant J.-C.

Fig. 25 Les possessions carthaginoises à la veille Fig. 26 Les pertes de Carthage face à Rome à la suite
de la Première guerre punique de sa défaite dans la Première guerre punique

46
Fig. 27 La campagne d’invasion de l’Italie romaine par Fig. 28 L’effondrement de Carthage au profit de Rome
Hannibal, 218-215 av J.-C. au terme de la Deuxième guerre punique

À ce moment-là, les Romains avaient déjà espérait contrainre les Romains à la paix.
perdu environ 80 000 hommes morts sur Finalement, la mobilisation romaine de-
les champs de bataille, des pertes dan- vait permettre de reprendre le dessus, et de
tesques (bataille de la Trébie : 20 000 Ro- défaire Carthage dont le territoire serait ré-
mains morts, Trasimène 15 000 morts, duit à la portion congrue après dix-sept ans
Cannes 45 000 morts) correspondant à en- de guerre (Fig. 28).
viron 10% de la population masculine de
l’Italie romaine. Dans les quelques années Bien évidemment, la Russie de Vladimir
suivantes, les Romains devraient encore Poutine n’a aucunement les moyens d’enva-
subir de lourdes pertes (environ 40 000 hir le territoire américain comme Hanni-
hommes jusqu’en -209 : 20 000 à Bétis, bal le fit du territoire romain ; tout au plus
13 000 à Herdonia et 6 000 à Ausculum). pourrait-on imaginer un débarquement
Soit au total quelque chose comme 15% de russe en Alaska par franchissement du dé-
la population masculine adulte romaine  ; à troit de Behring. Cependant, il est capable,
quoi il faut ajouter les rapines et les destruc- comme nous l’avons déjà vu, de s’emparer
tions de récoltes, par lesquelles Hannibal de territoires en Europe qui sont considérés

47
comme une partie essentielle de l’Empire dessiner la « fourchette historionomique »
américain (comme l’expliquait le politolo- de la guerre en Europe. La confrontation à
gue Zbigniew Brzezinski dans Le Grand venir entre la Russie poutinienne et l’Occi-
Échiquier). dent se situera quelque part dans le cône des
Mais, surtout, la Russie est le seul pays à possibles dessiné par ces trois trajectoires
avoir la capacité nucléaire de véritablement, historionomiques impliquant un « impéria-
sinon détruire les États-Unis, du moins lisme revanchard », dans le cadre d’un sché-
leur causer des dégâts catastrophiques : si ma de 70 ou 80 ans. Dans tous les cas, il y
l’on appliquait à la population américaine a une confrontation, une défaite de la tel-
le ratio des destructions d’Hannibal, on lurocratie – la Russie en l’occurrence, une
arriverait à un chiffre minimal de 15 ou victoire de la thalassocratie – aujourd’hui
20 millions de morts. Naturellement, une les États-Unis, et un renforcement de l’hé-
guerre nucléaire pourrait dépasser encore gémonie de cette dernière sur le monde.
fortement ce chiffre. L’Amérique frapperait Mais selon la trajectoire exacte empruntée,
aussi la Russie avec ses armes nucléaires, et il les choses peuvent aller plus ou moins vite
est vraisemblable que si les deux ne s’anéan- et être plus ou moins douloureuses.
tissaient pas lors des premières frappes, le
plus à même d’achever l’autre seraient les L’issue de la guerre en Europe
États-Unis, étant donné qu’ils disposent
du bouclier antimissile, et que les frappes Ainsi que le laissent présager tant le grand
russes se disperseraient vraisemblablement cycle de type A-B que le schéma de l’im-
entre l’Europe et les États-Unis, quand ces périalisme revanchard, la Russie perdra
derniers viseraient uniquement la Russie. la guerre en Europe et il en résultera son
Mais quand bien même la victoire serait in abaissement historique, comme pour la
fine américaine, les dommages à l’écono- France après la chute de Napoléon (Fig. 29)
mie et à la population occidentale, améri- et l’Allemagne après la chute du nazisme
caine comme européenne, seraient dans ce (Fig. 30).
scénario-ci les plus importants et les plus On peut donc prévoir, pour la Russie, un
cauchemardesques. abaissement similaire et une sévère am-
putation de son territoire, qui pourrait la
Voici donc les trois scénarii qui paraissent priver de toute la Sibérie (Fig. 31). Un tel

48
effondrement territorial serait en outre divisèrent la Macédoine en quatre répu-
comparable à ce que nous avons vu plus bliques indépendantes afin de prévenir sa
haut sur l’ampleur de la défaite de la Car- réémergence comme puissance. Logique-
thage d’Hannibal, qui perdit son empire ment, cet effondrement de la puissance
espagnol et nord-africain pour être ramas- russe profitera en premier lieu aux États-
sée sur l’actuelle Tunisie, et aussi sur ce que Unis, qui seront les grands vainqueurs de la
nous avons vu de la défaite macédonienne : guerre. Mais d’autres pourraient en bénéfi-
après la victoire sur Persée, les Romains cier, comme nous le verrons plus loin.

Fig. 29
Le coût territorial
de l’impérialisme
revanchard
napoléonien

49
Fig. 30
Le coût territorial
de l’impérialisme revanchard
hitlérien

Fig. 31 Estimation du coût territorial de l’impérialisme revanchard poutinien

50
II - Guerre en Asie

L’Asie sera le deuxième grand théâtre cette époque se déroule l’étape 1 du cycle
de la guerre à venir A suivant)
Cela a correspondu, pour les Grecs, à la
Là encore, nous pouvons tenter d’élaborer conquête de la Grèce par l’empire mycé-
notre cône des possibles en utilisant des pa- nien à l’époque archaïque, pour l’Europe
rallèles de deux ordres de grandeur : celui moderne à la conquête de l’Europe occi-
des grands cycles de type A-B, et un sché- dentale, et plus spécifiquement des Gaules,
ma de dimension inférieure, comparable à par l’Empire romain.
ce que nous avons vu sur les « impérialistes
Dans Histoire du Siècle à venir, j’expliquais
revanchards »  ; il s’agit du schéma de la
que la Chine, et plus largement l’Asie de
« jeune puissance » que nous définirons et
l’Est et du Sud-Est, était vraisemblable-
emploierons pour préciser nos prévisions.
ment le meilleur candidat, dans le monde
actuel, comme prochain porteur de la ci-
Le schéma de la conquête romaine vilisation A après avoir été transformée en
des Gaules province de la civilisation B actuelle, c’est-
à-dire l’empire américain. Je me base pour
Si nous reprenons les étapes 1 du cycle A avancer cette hypothèse sur une situation
et 7 du cycle B, nous constatons l’origine historique assez similaire de la Chine par
du déplacement géographique des entités rapport à l’Occident (jamais véritablement
portant ces différents cycles au cours du colonisée par les Européens, pays riche avec
temps : quatre fois la population des États-Unis,
Cycle A 1) Invasion des territoires de ayant à son crédit de nombreuses inven-
la future civilisation par un empire tions comme le papier, la poudre à canon...)
étranger supérieurement civilisé à celle de la Gaule par rapport aux Gréco-
Cycle B 7) Hégémonie absolue sur le Romains (contrée largement ignorée par
monde connu, absence de rivaux (à la colonisation grecque sauf sur son rivage

51
méditerranéen, environ quatre fois plus ment conquise et intégrée à l’empire améri-
peuplée que l’Italie romaine, ayant inventé cain, alors, dans la mesure où nous recher-
le tonneau, le savon...) chons la « fourchette historionomique » de
l’Asie, la conquête de la Gaule par Rome
Il me semble que l’on peut considérer peut donner d’autres éléments de parallèle
comme moderne Gaule la Chine et ses en- intéressants.
virons immédiats, spécifiquement les pays
voisins qui ont fréquemment constitué ses En effet, juste avant que Rome ne com-
possessions : la Corée, le Vietnam, Taïwan. mence à mettre le pied en Gaule, celle-ci
Comme les Gaules, cela représente une mo- était dominée par un peuple riche, et mi-
saïque de peuples où les considérations eth- litairement puissant, les redoutables Ar-
niques demeurent bien vivantes : à l’inté- vernes, qui avaient bâti une puissance
rieur de la Chine elle-même, le pouvoir est confédération, instrument de leur hégé-
détenu par les Han, largement majoritaires monie sur les autres Gaulois à l’époque
(plus de 90% de la population), concentrés du roi Bituitos (Fig. 32). L’historien grec
sur le territoire de la Chine historique (la Strabon leur attribuait une hégémonie sur
moitié Ouest de l’actuelle), et qui ont éta- toute la Gaule ; il ne s’agissait sans doute
bli leur empire sur le territoire de la Chine pas d’une domination directe, d’un empire,
actuelle. mais de la reconnaissance de la puissance
arverne comme la plus importante parmi
Par ailleurs, on observe là aussi un dépla- les peuples gaulois, et d’une sorte de lea-
cement géographique significatif, toujours dership.
vers l’ouest : la crête et Mycènes pour le
premier cycle, la Grèce et Rome pour le Il semble que la meilleure preuve de la puis-
second, puis l’Europe et les États-Unis sance arverne, et la réalité du leadership de
pour l’actuel. Il paraît donc logique que le ce peuple sur le reste de la Gaule, réside dans
prochain point de départ d’un cycle A se la stratégie de conquête adoptée par César :
trouve sur la rive occidentale du Pacifique. au cours de cette campagne longue de huit
Or, puisque la Chine devrait vraisembla- ans, le Romain s’ingénia à soumettre toute
blement être la zone de départ du prochain la périphérie gauloise, pour terminer par le
cycle A, et donc être avant cela intégrale- gros morceau arverne (Fig. 33).

52
En -52, avant les derniers feux de la guerre
qui en verraient les épisodes les plus fa-
meux, la victoire gauloise de Gergovie et
la défaite d’Alésia, la partie non conquise
de la Gaule correspondait à la zone tradi-
tionnelle de domination arverne. Gergovie,
d’ailleurs, était une place arverne. Vercin-
gétorix lui-même était un Arverne. Aussi
bien la « révolte » de -52 est-elle un soulè-
vement à l’initiative des Arvernes encore
indépendants, cherchant à recouvrer leur
ancienne domination sur la Gaule, et vrai-
semblablement à restaurer la monarchie au
profit de Vercingétorix.
Fig. 32 L’empire arverne à son apogée
En effet, et c’est là que nous en venons à au IIe siècle av. J.-C.

notre parallèle, la monarchie arverne avait


été détruite en même temps que l’empire
arverne sur les peuples gaulois voisins et
l’hégémonie sur la Gaule, lors de la pre-
mière confrontation de ce peuple avec
Rome, dans les années 120 avant J.-C.
Sous le règne du roi arverne Bituitos (Fig.
34) l’empire arverne était à son apogée. La
cité grecque de Massilia (aujourd’hui Mar-
seille) était l’alliée de Rome. Au Nord de
Massilia était le peuple gaulois des Salyens.
En -125 Les Salyens attaquent Massilia, al-
liée de Rome et des Éduens (autre peuple
gaulois, ami de Rome). Les Romains, à
l’appel de Massilia, marchent sur les Sa- Fig. 33 La conquête romaine de la Gaule par César

53
lyens dont les chefs, battus, se réfugient
chez leurs alliés Allobroges, vassaux des
Arvernes, qui se trouvent donc entraînés
dans le conflit. Les Arvernes menaçant les
Éduens, ceux-ci appellent également Rome
à l’aide.

Les Arvernes de Bituitos demandent alors


la paix au consul Domitius Ahenobarbus,
qui refuse. En -121, lors de la Bataille du
Confluent, 200 000 Gaulois auraient af-
fronté 30 000 Romains. Bituitos y fut fait
prisonnier, et les Arvernes vaincus. Les Ro-
Fig. 34 L’empire arverne mains créèrent la province qui porterait le
à la veille de la guerre contre Rome nom d’une ville nouvellement fondée, Nar-
bonne. La défaite des Arvernes fit semble-t-
il éclater leur confédération, en portant un
coup terrible au prestige qui fondait leur
hégémonie, et notamment en abattant la
puissante monarchie – Bituitos fut exilé –  au
profit d’un régime oligarchique. Les Arvernes
demeuraient cependant un peuple riche et
puissant, quoiqu’abaissé, et la monarchie de-
vait conserver des partisans parmi le peuple
en raison de son rôle dans la redistribution
des richesses, ce qui expliquerait en partie le
succès « populaire » de Vercingétorix.

Avec les Romains, les autres grands ga-


Fig. 35 La dissolution de la confédération arverne
après la défaite contre Rome et l’ascension de la gnants de cette guerre étaient les Éduens,
puissance des Eduens qui supplantèrent les Arvernes dans la su-

54
zeraineté des Bituriges et les Ségusiaves, et Il me semble que l’on peut comparer la do-
bâtirent à leur tour une puissante confédé- mination, en Chine, des Han sur le Tibet
ration (Fig. 35). et le Xinjiang ouïghour, notamment, à la
confédération bâtie par les Arvernes, en
Par la suite, Rome devait intervenir une considérant que l’Asie de l’Est au sens large
nouvelle fois pour défaire l’invasion des est l’équivalent des Gaules, ainsi que je le
Cimbres et des Teutons une quinzaine suggérais plus haut (Fig. 36).
d’années plus tard, mais ce n’est qu’en 58
que devait débuter la conquête systéma- Partant de ce postulat, on peut envisager la
tique de la Gaule par César, appelé par les future confrontation entre Chine et États-
Éduens contre les envahisseurs helvètes. Unis comme l’équivalent de la confron-
Durant les premières années de la cam- tation de -125. Elle pourrait d’ailleurs
pagne, les Arvernes se tinrent prudemment commencer par un affrontement de pé-
en retrait, espérant sans
doute échapper à la conquête
romaine. Mais lorsqu’ils se
virent encerclés par la puis-
sance romaine, et cependant
que les Gaulois vaincus ac-
ceptaient mal cette nouvelle
domination étrangère, ils
tentèrent, derrière Vercingé-
torix, de prendre la tête de la
résistance gauloise à l’enva-
hisseur romain. Leur échec
scella le destin de la Gaule.
Peut-on tirer de tout cela
quelques éléments pour
mieux déterminer la four-
chette historionomique de la
Chine ? Fig. 36 La puissance des Hans en Asie de l’Est

55
riphérie entre alliés des deux puissances, veaux Éduens : alliés des États-Unis dans la
par exemple entre la Corée du Nord et la confrontation contre la Chine, eux-mêmes
Corée du Sud, ce qui serait plus proche de étant menacés par l’impérialisme chinois,
l’affrontement des Salyens et de Massilia. alors qu’ils sont dans une phase de crois-
Mais l’affrontement pourrait aussi débuter sance économique semblable à ce qu’était
de manière plus directe par une agression celle de la Chine il y a une quinzaine d’an-
chinoise sur un petit voisin, les Philippines nées et qu’ils seront dans quinze ans une
ou Taïwan. puissance comparable à ce qu’est la Chine
Au plan militaire, on peut retenir que le aujourd’hui, devenant la plus grande puis-
succès romain fut relativement aisé, les sance d’Asie orientale.
légions remportant rapidement la bataille Dans le même temps, les Américains auront
décisive. Suivant cette analogie, la Chine considérablement affermi leur présence en
pourrait donc subir un échec au cours Asie de l’Est, renversant probablement le
d’une grande bataille, par exemple en mer régime de Corée du Nord. Comme la mo-
de Chine méridionale, la principale cause narchie de Bituitos, il est vraisemblable que
le régime communiste chinois ne survivra
de tension avec les États unis actuellement,
pas à la défaite et verra l’établissement d’un
ou autour de Taïwan.
régime plus complaisant envers la puis-
La partie la plus éclairante de l’analogie est
sance américaine.
évidemment dans les conséquences de la
confrontation.
Le schéma de la jeune puissance
De ce que nous avons vu de celles du conflit
alliée à l’impérialiste revanchard
de -125 à -121, cela pourrait aboutir à une
défaite chinoise importante, équivalente Nous avons évoqué plus haut Napoléon et
à celle du Japon de 1945, entraînant un Hitler, opposés tous deux à la thalassocra-
démembrement de la Chine comme il en tie de leur temps, l’Angleterre pour Napo-
alla de la confédération arverne. Le Tibet léon et l’Angleterre puis les États-Unis pour
et les régions ouïghoures, Xinjiang notam- Hitler, le passage de témoin entre les deux
ment, deviendraient indépendants. L’État thalassocraties se faisant durant la guerre
chinois se replierait vraisemblablement sur contre l’Allemagne nazie. Quant à Hitler,
les régions Han. Les Indiens pourraient, son allié contre l’Angleterre, puis les États-
dans cette configuration, être les nou- Unis à partir de 1941, était le Japon impé-

56
rial, en pleine période expansionniste après terre était empêtrée en Europe dans la
plusieurs décennies passées à rattraper à guerre contre Napoléon, les États-Unis en-
marche forcée le niveau de développement vahirent le Canada en 1812, avec la volonté
occidental, à partir du début de règne de de le conquérir et d’expulser définitivement
l’empereur Meiji. l’Angleterre de ce qu’ils estimaient être leur
sphère d’influence légitime, et s’ensuivit un
Napoléon a bénéficié également de l’al- conflit avec la thalassocratie européenne
liance, au moins objective, d’une puissance qui dura jusqu’en février 1815, soit près
montante par-delà la mer : il s’agissait des d’un an après le renversement de Napoléon
États-Unis. En effet, tandis que l’Angle- (mais avant les Cent-Jours). 

La jeune puissance : un expansionnisme opportuniste profitant de la diversion de l’impérialisme


revanchard
En 1941, les Japonais n’auraient sans doute pas attaqué les Américains si Londres n’avait pas été sous les bombar-
dements allemands après avoir subi une déculottée sur le continent.
Depuis plusieurs années, des tensions existaient entre Japon et États-Unis, certes, mais le Japon avait pris garde de
mener son expansionnisme sans affronter les États-Unis, d’une part, et d’autre part il faut se souvenir qu’en Asie
du Sud-Est, il y avait une autre puissance au moins équivalente à celle des États-Unis qui endiguait les ambitions
nippones : l’Empire britannique (auquel on doit ajouter, dans une moindre mesure, la France présente en Indo-
chine). Sans la guerre en Europe, les Japonais auraient continué à pousser prudemment leurs pions en Chine et à
faire des démonstrations de force pour tenir les Occidentaux à distance, sans aller plus loin.
Mais la défaite franco-britannique face à Hitler changeait tout : tout à coup, la conquête de l’ensemble du sud-est
asiatique était à la portée du Japon. C’était une opportunité unique, face à laquelle le seul obstacle qui demeu-
rait était les États-Unis. Il fallait donc briser leur marine pour couvrir ensuite la conquête « tranquille » de l’Asie
sur des puissances européennes qui avaient d’autres chats à fouetter. Ce fut Pearl Harbor. Mais sans l’agression
hitlérienne, sans la guerre en Europe, sans l’affaiblissement britannique ouvrant des perspectives de butin dé-
mentielles à faible coût, les Japonais n’auraient sans doute pas pris un risque aussi important qu’agresser les États-
Unis de la sorte. Dans cette configuration, la variable commune à l’Europe et à l’Asie, c’était la thalassocratie de
l’époque : l’Angleterre. Et c’est l’éclatement d’une première crise en Europe qui a créé les conditions d’éclatement
de la deuxième, en la rendant beaucup plus probable par une modification subite de l’équilibre local des forces.
De même, les Américains n’auraient probablement pas attaqué le Canada en 1812 si les Anglais n’avaient pas été
occupés par Napoléon en Europe ; mais la lutte contre l’Ogre corse entamait fortement la capacité de réaction
britannique et rendait très tentante une opération visant à expulser les Anglais d’Amérique.

57
Îles Paracels et Spratleys, le « Mandchoukouo » de la Chine ?
Tout comme nous avons vu que la trajectoire de la Russie était très similaire, depuis sept décennies, à celle de
l’Allemagne entre 1870 et 1939, la trajectoire de la Chine depuis soixante-dix ans est très similaire à celle du Japon
impérial à partir du début de l’ère Meiji jusqu’au début de la guerre du Pacifique.
En bref, en 1868 débutait au Japon l’ère Meiji, par laquelle le Japon commençait son entrée dans la modernité :
au terme de la guerre de Boshin, qui permit à l’empereur d’éliminer les vestiges du shogunat, le régime du passé,
le Japon fut désormais dirigé par un gouvernement impérial central fort qui engagea le rattrapage de l’Occident
à marche forcée, en abolissant les vieilles classes, en créant de nouvelles lois ; la Mission Iwakura introduisit le
Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau dans la culture japonaise. En 1905, le Japon était capable de bousculer
la Russie, en 1910 il colonisait la Corée et, en 1933, commençait son expansion en Chine et en Asie qui devait
l’amener à se heurter aux États-Unis.
La Chine a agi de manière similaire : en 1949, Mao proclamait la République populaire de Chine et Tchang Kai-chek
se repliait sur Taïwan. Après quarante ans de guerre civile, la Chine était unifiée à nouveau, sous un pouvoir cen-
tral fort qui entreprit de la moderniser – sur la base d’idées d’origine occidentale, le marxisme. En 1969, elle était
capable de tenir tête à l’Union soviétique dans le « conflit frontalier » de l’île Zhenbao. En 2012, elle a commencé
à multiplier les revendications et les démonstrations de force en mer de Chine.
Le Japon impérial, comme la République Populaire de Chine, représentent de vieux pays raffinés qui furent, il y
a deux siècles, humiliés par l’arrivée des Occidentaux en Asie. Ce choc historique a ancré chez ces pays un souci
exacerbé de la nécessité d’assurer leur indépendance par l’autonomie en matière de ressources et la puissance
militaire ; le tout assorti d’un désir de revanche.
Pour le Japon, archipel étroit sur lequel s’entassait une population pléthorique, le souci prioritaire était d’obtenir
de l’espace, de la terre. Cet espace fut gagné en 1931 par l’invasion de la Mandchourie et la création de l’état
fantoche du Mandchoukouo (Fig. 37).
La Chine, au contraire, et quoique très fortement peuplée, ne manque pas d’espace terrestre, mais maritime :
cernée par le Japon, la Corée et les États-Unis, elle se sent à l’étroit, rejetée dans les terres alors qu’elle est une
puissance commerciale. En outre, elle est dépendante de fournisseurs étrangers, et essentiellement lointains,
pour sa consommation d’hydrocarbures. C’est donc de l’espace maritime que la Chine a conquis depuis plusieurs
années, en envahissant purement et simplement la mer de Chine du sud, en prenant pied sur des récifs et en
s’en arrogeant la propriété exclusive, en violation du droit international, et en y construisant des bases avec
pistes d’aviation, batteries de missiles antiaériens et batteries de radars. Plusieurs de ces îles, aujourd’hui, sont de
véritables porte-avions fixés dans une zone sur laquelle la République Populaire revendique un contrôle exclusif,
comme s’il s’agissait de son propre territoire. Mais tout comme pour le Japon impérial le Mandchoukouo ne
fut qu’une base de départ pour d’autres mouvements expansionnistes en Asie, on peut penser que la mainmise
chinoise sur la mer de Chine du Sud n’est que la conquête d’un levier pour d’autres ambitions de puissance, en
acquérant un réservoir d’hydrocarbure lui permettant de soutenir des sanctions internationales à l’importation,
et en menaçant le trafic de routes maritimes commerciales de première importance (Fig. 38).

58
Fig. 37
L’expansionnisme
japonais en Mandchourie

Fig. 38 L’expansionnisme chinois


en mer de Chine du Sud

59
Tout comme entre l’Allemagne nazie et le côté ses propres buts stratégiques.
Japon, l’alliance fut plus objective qu’autre Encore une fois, au sein du parallèle his-
chose : deux puissances profitaient de pou- torique il faut noter une évolution géogra-
voir combattre simultanément un ennemi phique, laquelle peut être d’une certaine
commun, mais sans stratégie commune ni aide au moment de tenter une projection
concertation, chacun poursuivant de son prospective (Figs. 39 et 40).

Fig. 39 La jeune puissance américaine


profitant de la guerre britannique contre Napoléon pour attaquer le Canada

60
Fig. 40 La jeune puissance japonaise
profitant de la guerre britannique contre Hitler pour attaquer l’Asie du Sud

Le fait est que, tout comme à propos des Guam, de taille beaucoup plus réduite. Ces
tellurocraties l’on avait observé un déplace- alliés-vassaux des États-Unis sont à portée
ment vers l’est à chaque occurrence, on voit immédiate de frappe de la Chine comme
pour la puissance montante un déplace- les possessions britanniques l’étaient du Ja-
ment vers l’ouest. Et puisque le successeur pon en 1941 et le Canada des États-Unis
du Japon à ce titre est la Chine, le déplace- en 1812. Comme pour la tellurocratie, la
ment se poursuit. puissance montante est destinée à tomber
devant la thalassocratie, mais cela peut se
Aujourd’hui (Fig. 41) la thalassocratie amé- faire à un coût plus ou moins important, et
ricaine n’a guère d’empire en Asie, sauf à après des mouvements d’ampleur plus ou
considérer les Alliés chez lesquels elle a par- moins grande.
fois des bases implantées : Japon, Philip- Dans le premier cas, celui de la guerre de
pines, Corée du Sud, Taïwan, Australie, et 1812, l’on observe malgré tout un conflit
bien sûr à compter ses possessions comme assez limité, quoique long, avec des pertes

61
Fig. 41 La jeune puissance chinoise profitant de la guerre américaine contre Poutine pour attaquer l’Asie

relativement faibles et peu de mouvement, ne sortirait guère des limites de la mer de


et notamment peu de territoires perdus Chine, les combats seraient essentiellement
puis repris. maritimes et la guerre s’achèverait vraisem-
Dans le deuxième cas, celui de la guerre blablement sur un statu quo cependant fa-
du Pacifique, la durée est voisine, mais la vorable aux Américains, leur autorité étant
guerre fut beaucoup plus dévastatrice, avec réaffirmée tandis que le régime chinois au-
de lourdes pertes notamment dans la popu- rait à gérer intérieurement l’échec impérial,
lation civile, et avec conquête et reconquête ce qui pourrait déboucher sur une implosion
de territoires importants. politique ; l’on serait alors dans une prévi-
Le conflit à venir entre Chine et États-Unis sion proche de ce à quoi a mené, plus haut,
pourrait donc prendre l’une ou l’autre tour- le parallèle avec le conflit entre Romains et
nure : dans le meilleur des cas, le conflit Arvernes au IIe siècle avant notre ère.

62
Si le conflit prend plutôt la tournure de destruction partielle rendrait plus difficiles
la guerre du Pacifique, et notamment que à défendre les routes maritimes amenant
la Chine parvient à causer d’importants en Atlantique les renforts vers l’Europe,
dommages aux forces américaines pen- qui seraient harcelées par les sous-marins
dant les premières phases de combats (ce russes.
qui est possible, car les technologies de Par ailleurs, l’extension du territoire russe
cyberguerre et guerre spatiale favorisent jusqu’au Pacifique rend aussi possible une
l’agresseur) alors il faut s’attendre à ce que participation des navires russes à la guerre
les Chinois réussissent des premiers mouve- sur ce deuxième front, comme les récents et
ments de grande ampleur, et puissent s’em- futurs exercices conjoints dans la région avec
parer de Taïwan, de la Corée du Sud, des la Chine permettent de le laisser penser.
Philippines, du Vietnam, voire à ce que la
Chine pousse ses pions jusqu’à l’Australie Note sur un autre cas de conflit entre
et le Japon. Il y aura également du mouve- thalassocratie et jeune puissance :
ment du côté de l’Inde (cf. infra). l’expédition de Sicile athénienne
Il s’agirait alors vraisemblablement du pire
scénario possible pour l’Amérique sur ce Comme alliance de la puissance montante
front asiatique, obligeant les Américains avec la tellurocratie et contre la thalasso-
à engager des ressources colossales pour cratie, et ayant déjà mentionné l’opposition
regagner le terrain perdu, et rendant d’au- entre Sparte et Athènes comme l’archétype
tant plus compliquée la guerre en Europe de l’opposition entre thalassocratie et tel-
contre la Russie de Poutine – ce qui favo- lurocratie, je pourrais aussi mentionner le
riserait, donc, une mainmise de la Russie cas de la célèbre et désastreuse expédition
sur l’Europe telle que je l’envisageais dans de Sicile (415-413 av. J.-C.), menée par les
le « scénario médian » ; en effet, il faut te- Athéniens contre Syracuse en pleine guerre
nir compte du fait que puisque ces conflits du Péloponnèse (Fig. 42).
se dérouleront en même temps, les deux Alors qu’Athènes était en guerre contre
« fourchettes historionomiques » sont liées, Sparte, les Athéniens décidèrent de lancer
interdépendantes. Or, dans la mesure où une expédition en Sicile afin de mettre fin
60% des forces navales américaines sont à la montée en puissance de Syracuse, dont
dans le Pacifique, leur mobilisation voire l’alliée, la cité de Sélinonte, avait attaqué

63
Fig. 42 L’expédition d’Athènes vers la Sicile pour contrer la puissance montante de Syracuse, pendant la guerre
du Péloponnèse

Ségeste, alliée de Sparte. Les Athéniens donc pas possible que les États-Unis, qui
espéraient s’assurer ainsi définitivement constituent un tel type B, puissent subir un
l’empire des mers et contrôler la route du tel désastre contre la Chine que cela per-
blé vers Sparte. L’expédition fut un désastre mette à la Russie de Poutine de les vaincre
complet, toutes les forces athéniennes fu- totalement, possibilité que j’ai exclue dans
rent détruites, laissant par la suite Athènes la partie consacrée à la guerre en Europe,
démunie face à la Sparte de Lysandre, qui précisément en me basant sur les grands
la défit en -404. cycles.
Je pourrais donc tenir compte de cet
exemple pour établir mon cône des pos- Sur le théâtre indien
sibles, mais ce serait oublier qu’Athènes
n’appartenait pas à ce que j’ai appelé une Le conflit autour de la Chine ne concernera
civilisation de type B, et il ne me semble vraisemblablement pas que l’Est asiatique,

64
mais également le Sud, et en particulier le c’est environ 190 millions de personnes,
sous-continent indien, dont les États-Unis dont 100 millions de mâles, car le différen-
chercheront sans doute, contre la Chine, tiel hommes/femmes est très élevé. Ce qui
l’alliance de revers, en raison de la puis- signifie que la Chine peut perdre dix mil-
sance militaire et du poids démographique lions de jeunes hommes virtuellement sans
de l’Inde ; et cela à condition que la Chine conséquence démographique à long terme,
ne soit pas entrée d’elle-même en conflit puisque ces gens ne pourraient de toute fa-
avec son imposant voisin avant. çon pas se reproduire. Et ce nombre double
si l’on ajoute les 25-34 ans. Pour des esprits
En effet, au plan économique, l’Inde, dé- froids, cela s’appelle une opportunité dé-
sormais plus compétitive que la Chine, mographique : aucun pays n’a jamais pu se
devient chaque jour un concurrent plus vanter d’avoir vingt millions d’hommes à
dangereux, un véritable rival pour le titre perdre sans conséquence démographique.
d’atelier du monde. Il se prépare en outre Et si l’on songe que dans 30 ans ils ne se-
un événement démographique majeur : ront plus disponibles et que l’Inde aura
en 2022 l’Inde ravira à la Chine le titre de alors 400 millions d’habitants de plus que
pays le plus peuplé du monde, ce qui ôtera la Chine, soit 30% de plus, et un PIB alors
à l’Empire du Milieu un important élé- plus important que celui de la Chine, la fe-
ment de prestige qui est en même temps nêtre de tir apparaît bien étroite.
un avantage stratégique d’un point de vue
militaire. Il faut savoir ensuite que de nombreux élé-
ments de contexte font que les tensions per-
On peut ajouter à ceci que la Chine est au- sistent, un demi-siècle après la guerre sino-
jourd’hui dans une phase démographique indienne de 1962.
curieusement très favorable à la guerre,
contrairement à ce que l’on pense souvent. L’Inde présente donc plusieurs raisons
Car si la politique de l’enfant unique a en- d’être la première cible de la Chine, bien
gendré des familles resserrées où l’envoi à avant que celle-ci ne décide de s’en prendre
la guerre du fils serait naturellement plus à ses voisins en mer de Chine.
mal vécu que quand il y a plusieurs enfants, La première raison vient du caractère im-
on doit noter que les 15-24 ans en Chine, minent du dépassement démographique de

65
la Chine par l’Inde, et dans les années qui tue pour elle un défi prioritaire, et d’autant
suivront d’un dépassement économique ; plus prioritaire qu’elle se trouve entre elle
cela crée un sentiment d’urgence, et l’on et ses fournisseurs d’hydrocarbures. C’est
sait que l’émergence d’une nouvelle puis- d’ailleurs pour cela que, depuis des années,
sance face à une puissance installée est de la Chine s’efforce d’encercler l’Inde par
nature à dégénérer en ce genre de conflit. terre et par mer par la stratégie du « col-
La Chine, habituée à être, face aux USA, la lier de perles » et le développement d’une
puissance émergente, est pourtant déjà me- étroite collaboration avec le frère ennemi
nacée par une Inde émergente qui consti- de l’Inde, le Pakistan (Fig. 43).

Fig. 43 La stratégie chinoise du collier de perles sécurisant l’approvisionnement en hydrocarbures


et encerclant l’Inde

66
La deuxième raison est que dans la pers- clin à penser que les hostilités en Asie de-
pective de sa confrontation avec les États- vraient démarrer par ce conflit entre Chine
Unis (à un terme de plus en plus court), la et Inde nous ramène au parallèle avec le
Chine peut considérer qu’elle doit au préa- Japon impérial : l’Inde sera-t-elle la « Chine
lable se débarrasser d’un rival puissant qui de la Chine » ?
pourrait devenir allié des USA et la frapper
dans le dos. C’est ce que représente l’Inde, Il faut en effet se souvenir que c’est du côté
dont les États-Unis cherchent à se rappro- de la Chine que se trouvent les origines
cher depuis des années. Dans cette optique, du volet Pacifique de la Seconde Guerre
la Chine pourrait recherche un conflit lo- mondiale. Revenons un peu en arrière : en
calisé afin de modifier de fait le tracé des 1894-1895 se tint la première guerre sino-
frontières à son avantage, en repoussant la japonaise, par laquelle l’Empire du Japon,
frontière indienne au pied de l’Himalaya, en pleine modernisation depuis le début de
et non sur sa crête, transformant ainsi la l’ère Meiji (1868) contraignit l’empire de
plus haute chaîne montagneuse du monde Chine, dont le développement économique
en grande muraille pour le flanc Sud de était plus en retard, à lui céder plusieurs
la Chine, transformant ainsi l’Ouest de la îles, dont Taïwan, et la suzeraineté sur la
Chine en forteresse.  Corée. Le Japon fut cependant empêché
par la pression occidentale et russe d’obte-
Enfin, l’Inde n’étant pas formellement al- nir toutes les concessions territoriales qu’il
liée des États-Unis, la Chine pourrait s’en souhaitait.
prendre à elle sans craindre une interven- Ce n’est qu’à partir des années 1930, et spé-
tion américaine immédiate, et cela fait des cifiquement de 1937, que l’expansionnisme
Indiens la cible idéale d’un test militaire japonais se déchaîna en Chine, avec à la clef
permettant de détourner l’attention de la un bilan humain de plus de 20 000 000 de
population, par un engagement nationa- morts. Comme chacun sait, cette guerre,
liste, des difficultés économiques que ren- que les Japonais prévoyaient courte à l’ori-
contre le pays depuis ses cahots boursiers gine, espérant placer des gouvernements
de l’été 2015. vassaux sans avoir à occuper et adminis-
trer eux-mêmes des territoires aussi vastes,
La dernière raison pour laquelle je suis en- s’enlisa dura huit ans et se termina par la

67
défaite japonaise dans la Seconde Guerre ment de l’Inde et qui, aujourd’hui, est pra-
mondiale. tiquement devenu un vassal de la Chine,
Entre-temps, l’invasion chinoise avait, tenant un peu le rôle de la Corée entre
pour une bonne part, provoqué l’embra- Chine et Japon jadis.
sement de l’Asie. En effet, les agissements Aujourd’hui, le gouvernement chinois
du Japon contre la Chine entraînaient une pourrait être tenté de reprendre une esca-
forte réprobation internationale, notam- lade militaire avec l’Inde pour les raisons et
ment des États-Unis, du Royaume-Uni et les buts invoqués ci-dessus, et sur le modèle
des Pays-Bas, présents dans la région par de ce que fit le Japon, sans avoir forcément
leurs colonies et possessions, qui instaurè- la maîtrise des événements, qui pourraient
rent un embargo général sur le pétrole et dégénérer : l’Inde comme la Chine sont
les matières premières afin de contraindre des puissances nucléaires, ainsi que le Pa-
le Japon à cesser son agression et à négocier kistan. La menace sur l’Inde serait lourde :
la fin du conflit. Refusant de se soumettre, l’alliance sino-pakistanaise encercle tout le
le Japon préféra tenter sa chance dans Nord de l’Inde et exposerait le pays à une
l’agression générale, avec Pearl Harbor et attaque tous azimuts (Fig. 44).
l’attaque des possessions britanniques et
néerlandaises en Asie, profitant de ce que Nul ne sait jusqu’où pourrait aller un
les puissances européennes étaient paraly- conflit, surtout si les Chinois sont prêts à
sées par la guerre contre l’Allemagne et les recourir à la même brutalité que les Japo-
succès germaniques. nais jadis contre eux. Dans tous les cas, il
susciterait une forte réprobation internatio-
La Chine, depuis l’instauration de la Ré- nale, en particulier des États-Unis qui ne
publique populaire en 1949, suit une tra- manqueraient sans doute pas de soutenir
jectoire similaire. La première guerre si- l’Inde. Des sanctions économiques seraient
no-indienne, en 1962, a permis à la Chine à prévoir, qui pourraient achever d’ébran-
de faire reculer sa frontière, quoiqu’elle ait ler l’économie chinoise et pousser les di-
été bridée dans son avancée par la pression rigeants chinois à des aventures en mer
soviétique et américaine. À partir de cette de Chine, développement d’autant plus
date, elle a renforcé sa coopération avec le probable si dans le même temps la Russie
Pakistan, État créé en 1947 par détache- de Poutine pousse ses pions en Europe et

68
Fig. 44 L’encerclement du nord de l’Inde par l’alliance sino-pakistanaise

occupe l’attention de l’OTAN. On serait à l’impérialiste revanchard, aujourd’hui


alors dans un schéma de guerre mondiale Vladimir Poutine, nous pouvons proposer
tout à fait similaire à celle de 1940. une projection pour l’apogée de l’avancée
chinoise et l’issue de la guerre, qui devrait
Morphologie de la guerre en Asie voir l’empire chinois des Hans démembré,
et le Tibet et le Xinjiang ouïghour devenus
Au total, et en considérant comme pro- indépendants, comme jadis la Corée pour
bable, vu la similitude entre les deux cas, le Japon (Fig. 46). Ce recul de la puissance
la réalisation d’un scénario à la japonaise chinoise se fera au profit de l’empire améri-
(Fig. 45) pour cette nouvelle occurrence de cain et de ses alliés, comme nous le verrons
la guerre contre une jeune puissance alliée plus loin.

69
Fig. 45
Les conséquences
territoriales de
l’expansionnisme
japonais

Fig. 46
Estimation des
conséquences
territoriales
de l’expansionnisme
chinois

70
III – Guerre au Moyen-Orient

Comme pour l’Europe et l’Asie, nous lisation B excédée recourt à la solution mi-
pouvons commencer par nous tourner litaire et écrase les fanatiques dans le sang,
vers les grands cycles pour nous faire une à plusieurs reprises.
première idée des conflits qui attendent le 13) Confirmation de la domination du
Moyen-Orient. Celui-ci étant la terre his- modèle de B, C est balayée comme puis-
torique de l’islam, c’est naturellement le sance politique.
cycle C qu’il faut consulter. Revoyons-en
les étapes 9 à 12 : Ce schéma implique une guerre globale
9) Radicalisation des défenseurs d’une de l’islamisme contre l’Occident, qui est
conception politico-religieuse de l’État, déjà en cours depuis des décennies, mais
émergence de groupes violents et montée n’a vraisemblablement pas atteint son pa-
en puissance face à la présence de B. roxysme tout en suivant un crescendo si-
10) Une tentative policière et mesurée de milaire à celui qui se tint entre le judaïsme
régler le problème échoue : le mouvement mosaïque et les Gréco-Romains.
gagne en ampleur et se fait de plus en plus
menaçant, de plus en plus violent. La dias- En effet, et pour rappel, l’islam actuel est
pora de C dans les terres de A et B suscite pleinement comparable au judaïsme mo-
la méfiance et l’hostilité des populations saïque qui disparut au Ier-IIe siècle de notre
locales par son mode de vie distinct, sa vo- ère avec l’apparition du judaïsme rabbi-
lonté de ne pas s’intégrer et son esprit re- nique, qui est la religion juive dans sa pra-
vendicatif. tique et son esprit actuels.
11) Les fanatiques de C enveniment la si-
tuation en pratiquant le terrorisme, pour Son prophète, Mahomet, est un person-
provoquer une guerre pensée comme es- nage tout à fait comparable à Moïse ou
chatologique, dans une logique religieuse. Abraham : un chef de tribu, prophète et
12) Devant la montée des provocations, chef de guerre (les passages sont connus où
qui atteignent un degré intolérable, la civi- Mahomet égorge des juifs ou appelle à tuer

71
les infidèles, mais les appels au meurtre, au passant par une conception formaliste et
massacre et au rapt des femmes de Moïse, nationale de la religion, l’islam ne diffère
moins connus, sont très nombreux), ayant guère qu’en surface du judaïsme mosaïque.
vécu et connu une révélation dans le désert, Il est donc intéressant de savoir et de com-
développé un culte avec ses rites et ses obli- prendre comment le judaïsme mosaïque,
gations très formelles, culte marqué par une acception très littérale de l’Ancien Testa-
forme de racialisme (peuple élu mosaïque, ment, avec tous les problèmes d’intégration
Coran incréé en langue arabe). Les escha- au monde gréco-romain que cela pouvait
tologies mosaïque et islamique sont sem- poser, s’est confronté et a été vaincu par la
blables : il est question du peuple saint en civilisation de type B antique, Rome, afin
guerre contre le monde entier (Gog et Ma- d’envisager comment l’islam poursuivra
gog) à la fin des temps. Pour les juifs, il est sa confrontation à la civilisation de type B
question de deux messies successifs envoyés moderne, l’Amérique.
par Dieu : le fils de Joseph (ou d’Ephraïm),
messie-chef de guerre qui vaincra les enne- Au premier siècle avant notre ère – premier
mis d’Israël, puis le fils de David, qui éta- siècle de notre ère, le judaïsme avait dans
blira son règne bienheureux sur le monde, le monde gréco-romain une place très sem-
à la tête d’Israël. Pour l’islam, il en va de blable à celle de l’islam dans le monde mo-
même : d’abord le Mahdi, chef de guerre derne : la population juive était essentiel-
qui vaincra les ennemis de l’islam, qui doit lement massée en Orient, soit en Égypte,
porter le même nom que Mahomet et son Syrie et, bien sûr, en Judée (que l’empereur
père le même nom que celui de Mahomet, Hadrien renommerait « Palestine » après
Abdullah, et consiste donc en une sorte de avoir chassé les juifs en 135), mais des com-
réplique de Mahomet, tout comme le pre- munautés juives existaient dans la plupart
mier messie juif est un « fils de Joseph » ; en- des grandes cités d’Anatolie, en Grèce et
suite le messie, qui se trouve être Issa/Jésus, jusqu’à Rome. Si la plupart des juifs éta-
et établira le règne équitable d’Allah sur le blis loin des territoires « historiques » du ju-
monde, triomphe de l’islam. daïsme (Judée, Égypte, Syrie) étaient bien
intégrés à la culture gréco-romaine tolé-
Bref depuis la personnalité de son prophète rante, aux mœurs libres, les juifs d’Orient
jusqu’à sa vision de la fin du monde en n’aimaient pas les Grecs et les Romains.

72
Les Grecs les avaient colonisés sous les sou- même manière, par exemple, que les mi-
verains hellénistiques, et avaient profané lices de Moqtada Al-Sadr en Irak se sont
le Temple, provoquant la révolte de Judas surnommées « armée du Mahdi » et que
Macchabée. Les Romains avaient établi l’État islamique s’est récemment proclamé
leur suzeraineté sur l’Orient et placé à la califat.
tête des juifs Hérode, un monarque « pro- Les problèmes commencèrent vraiment
occidental » dirions-nous aujourd’hui, qui quand le mégalomane Caligula prétendit
vivait à la grecque. Hérode était particu- profaner le Temple en y installant sa statue.
lièrement détesté, au nom de la religion, Suétone note dans la Vie de Claude qu’en
des pharisiens, de la même manière que les 41 l’empereur chassa les juifs de Rome
Frères musulmans ont détesté tous les diri- (affirmation corroborée par les Actes des
geants arabes vivant à l’occidentale, comme Apôtres 18, 2) à cause des troubles qu’ils
les mollahs ont détesté le Shah d’Iran. Les provoquaient, sous l’impulsion de « Chres-
juifs « intégristes », nationalistes, rêvaient tus », c’est-à-dire un messie local.
d’indépendance, d’Israël libéré des Grecs et C’est à partir de ce moment que les conflits
des Romains, sur un mode eschatologique ; de grande ampleur apparaissent, avec la sé-
Grecs et Romains s’identifiaient à Gog et dition de Césarée, puis le soulèvement de
Magog, et ces hommes religieux atten- la Judée en 66 et le soulèvement quasi uni-
daient l’arrivée d’un messie, chef militaire, versel des juifs de l’Empire en 115-117 (Fig.
qui libérerait leur terre et ferait triompher 47). Ces deux derniers conflits furent les
Israël. Les plus radicaux de ces intégristes, plus terribles : le premier toucha essentiel-
les Zélotes, étaient carrément des terroristes lement le monde juif originel, c’est-à-dire
fanatiques s’attaquant régulièrement aux la Judée et ses alentours, tandis que le se-
Romains. cond fut une tragédie à l’échelle du monde
hellénistique : la guerre de Kitos, 115-117,
C’est pourquoi l’on vit à l’époque se multi- doit son nom à Quietus, général romain et
plier les messies. Chaque chef d’une révolte l’un des plus grands massacreurs de juifs
juive, Éléazar, Judas le Galiléen, fondateur de l’Histoire. Entre la guerre de Kitos et la
de la secte des Zélotes, Siméon de Cyrène Première guerre judéo-romaine, l’impact
et de Shimon Bar Kokhba était désigné sur la population juive mondiale fut, pro-
comme messie par ses hommes. De la portionnellement, comparable à celui de

73
Fig. 47 Les zones de conflit entre Juifs et Gréco-romains dans l’Antiquité

la Shoah. La particularité de la guerre de laissé une marque plus importante dans la


Kitos est qu’elle fut une révolte simultanée mémoire collective, peut-être parce que son
des juifs sur une aire géographique consi- issue fut définitive : la révolte à Jérusalem
dérable entre Chypte, l’Égypte et la Cyré- de Bar Kokhba déboucha sur l’expulsion
naïque (actuel est de la Libye). Les popu- des juifs de Judée par Hadrien, le pouvoir
lations juives massacrèrent les populations romain étant définitivement excédé par le
locales et détruisirent les temples païens, problème juif.
avant que la répression romaine ne remette Pour ce qui est de l’islam dans le monde
de l’ordre dans les provinces touchées. moderne, nous voyons déjà, depuis plu-
Le dernier conflit, plus bref, a pourtant sieurs années, au Moyen-Orient comme

74
en Occident, là où des communautés mu- grand schéma du cycle C permet d’avan-
sulmanes sont présentes, se reproduire à la cer trois prévisions :
fois des tensions sociales similaires à celles
qui existaient entre les communautés juives D’abord, la confrontation n’a pas atteint en-
de l’Antiquité et les Gréco-Romains, et les core son paroxysme, puisque nous n’avons
comportements les plus violents : les guerres pas observé de violences de l’ampleur de
sur le sol d’origine de l’islam, et partout les
celle de la guerre de Kitos, aussi nous pou-
actes de terrorisme (Fig. 48). vons supposer que de nouveaux degrés de
violence restent à franchir, qui pourraient
Le fait que ces actes, par nature, corres- culminer dans une forme d’épuration
pondent déjà à ce que l’on a vu se produire ethnique anti-musulmane à l’échelle de
durant des décennies dans le monde an- l’Europe, mêlant opérations de police, po-
tique rend difficile de faire des prédictions groms, déportations. Un tel événement au-
événementielles : il s’agit plutôt d’un mou- rait une ampleur comparable à ce que fut
vement global impliquant des éruptions la guerre de Kitos dans le monde antique.
locales un peu aléatoires. Cependant, le Il pourrait résulter d’une vague d’attentats

Fig. 48 Les principales zones de confrontation entre islamistes et Occidentaux dans le monde moderne

75
particulièrement atroces venant à bout de idée plus précise des probables événements,
la patience des populations européennes. il nous faut rechercher d’autres parallèles
Il pourrait aussi coïncider avec une victoire historiques, des schémas plus réduits d’un
initiale russe telle que nous l’avons envisa- ordre de grandeur. Mes réflexions m’ont
gée, et une hégémonie russe sur l’Europe, permis d’en identifier deux  : le plus im-
qui donnerait localement le pouvoir à des portant est dans le parallèle géopolitique
partis poutinistes européens qui sont géné- entre l’islamisme actuel et le communisme
ralement, par ailleurs, fortement hostiles à du XXe siècle, et le deuxième, complémen-
l’islam. taire, consiste en une extension du schéma
Ensuite, la guerre au Moyen-Orient devrait de l’impérialiste revanchard.
prendre une ampleur supérieure à ce qu’elle
est déjà, avec un véritable embrasement. Enseignements d’un parallèle
Cela pourrait consister en un déchaîne- islamisme/communisme
ment des conflits régionaux, notamment
entre l’Arabie saoudite et l’Iran, à la faveur L’islamisme, et plus spécifiquement son
de la distraction américaine par la double versant djihadiste dans nos sociétés, n’est
guerre contre la Chine et la Russie ; l’écla- pas seulement un phénomène religieux,
tement d’un conflit entre Turquie et Rus- mais aussi politique : l’islamisme radical
sie, dans le double cadre de l’agression russe fournit à des marginaux et des délinquants
contre l’OTAN et des ambitions contraires en quête de sens une idéologie de révolte
en Syrie, pourrait constituer un autre front. clef en main comme, jadis, l’anarchisme
Enfin, le problème posé par l’islam radical au temps de la bande à Bonnot ou le
devrait encore durer quelques décennies, marxisme-léninisme au temps de la bande
si la durée de confrontation est similaire à à Baader.
ce qu’elle fut entre judaïsme et Gréco-Ro- Il faut comprendre combien le djihadisme,
mains. plus profondément et systématiquement,
Ces éléments de prospective que l’on peut est au monde musulman ce qu’a été le bol-
retirer du grand cycle nous offrent donc les chevisme au monde chrétien : une hérésie
grandes lignes de la guerre à venir concer- millénariste débouchant sur un mouve-
nant l’islam en général et le Moyen-Orient ment politique internationaliste violent.
en particulier. Mais pour nous faire une Dans ses origines, son développement, son

76
éclosion, le mouvement a suivi la même tra- scission qui eut raison de cette Première
jectoire que le bolchevisme. Internationale, par laquelle les anarcho-
socialiste antiautoritaires, opposés à l’idée
Le bolchevisme de dictature, même temporaire, pour at-
L’anarcho-socialisme, au XIXe siècle, se dé- teindre le but de l’anarchie, rompent avec
veloppa sur l’idée rousseauiste que puisque le courant marxiste.
l’homme est naturellement bon, et que la Notons qu’à l’époque, l’anarcho-socialisme
société organisée, fondée sur la propriété, avait déjà trouvé à s’exprimer de manière
le corrompt, (l’appropriation individuelle violente : avec la Commune de Paris en
remplaçant le péché originel dans la vision 1871, puis avec l’action terroriste de Svobo-
de Rousseau), alors il suffirait de supprimer da à Saint-Pétersbourg en 1879. À la même
la propriété pour que l’homme revienne époque était rédigée l’Internationale, chant
à son état antérieur et que le mal dispa- révolutionnaire aux paroles éminemment
raisse ; aussi bien les idées de Rousseau millénaristes, appelant à la naissance d’un
apparaissent-elles encore chez Proudhon « genre humain transfiguré » après la « lutte
disant :  « la propriété, c’est le vol » (quoiqu’il finale ». Il faut réaliser à quel point ces idées
soit revenu plus tard sur cette affirmation). tiennent du mysticisme eschatologique,
Le courant anarcho-socialiste, au XIXe et sont présentes dans toutes les religions
siècle, porta beaucoup de controverses qui disposent de prophéties sur la fin du
entre différents courants, mais c’est dans monde : il y est toujours question d’une
ce terreau qu’apparut le marxisme, concep- grande guerre terminale dont l’issue met-
tion spécifique de l’anarchisme qui propo- tra fin au Mal et verra le Bien triompher
sait d’atteindre ces buts de la disparition définitivement, et une humanité nouvelle
de l’État et de la propriété, et l’avènement se lever.
de la société autogérée, en passant par une
étape de dictature du prolétariat. Les bases L’organisation bolchévique
de cette pensée sont jetées dans le Manifeste Friedrich Engels, compagnon et héritier in-
du Parti communiste, publié en 1848, et elle tellectuel de Marx, pousse à la fondation,
prend sa première forme organique avec la en 1889, d’une Internationale Ouvrière, ou
création de l’Association Internationale des IIe Internationale, cette fois-ci entièrement
Travailleurs, en 1864. En 1872 eut lieu une structurée autour des idées marxistes, et

77
qui devait associer les différents mouve- qui financerait et armerait partout la révo-
ments ouvriers nationaux. lution : on le voit particulièrement à l’œuvre
En Russie, le parti affilié à cette Interna- durant la guerre d’Espagne, soutenant les
tionale ouvrière était le Parti ouvrier social- Républicains et armant les Brigades in-
démocrate de Russie, fondé en 1898, et qui ternationales, composées de dizaines de
fut rapidement rejoint par Vladimir Ilitch milliers de combattants issus d’une cin-
Oulianov, dit Lénine. Ce parti connut en quantaine de pays. La peur du bolchevisme
1903 une scission entre bolcheviks (majo- devait faire naître, en réaction, le fascisme,
ritaires) et menchéviks (minoritaires) ; les et les deux devaient se confronter dans la
premiers ayant parmi leurs dirigeants Lé- guerre la plus meurtrière qu’ait connue
nine, qui avait publié en 1902 Que faire ? l’Europe. Le Komintern devait être dissous
ouvrage dans lequel il proposait sa vision de en 1943 par Staline, et remplacé en 1947
l’organisation du combat révolutionnaire. par le Kominform. Mais la fin de l’orga-
Appliquant ses doctrines, Lénine devait nisation ne signifiait pas la fin du mouve-
arriver au pouvoir en Russie par le coup ment, puisque les mêmes idées et méthodes
d’État de novembre 1917 (Octobre rouge) devaient survivre durant les années de
et mettre en place le régime totalitaire de plomb, et ne s’éteindre qu’avec la fin du
terreur que l’on sait, et la propriété serait rêve communiste en 1989.
abolie dans le « communisme de guerre ».
C’est à partir de là que le bolchevisme es- Le djihadisme
saimerait : en 1919, Lénine fonde la IIIe In- L’influence du prêche d’Abdelwahhab
ternationale, l’Internationale communiste, L’origine du djihadisme actuel se trouve
et en 1920 apparaît le Parti communiste dans la doctrine formulée par Mohammed
français (Section Française de l’Internatio- Ben Abdelwahhab au XVIIIe siècle et por-
nale communiste), en 1920-1921 le Parti tant une vision de l’islam dénoncée par ses
communiste chinois. Le Parti communiste contemporains comme par son propre frère,
d’Allemagne, fondé début 1919 et ayant rigoriste, littéraliste, et censée refléter l’état
provoqué la révolte spartakiste, fut rapide- originel de la religion musulmane. Selon
ment placé sous contrôle du Komintern. Abdelwahhab, l’abaissement du monde ara-
Le Komintern devenait une organisation bo-musulman face au monde occidental
révolutionnaire terroriste internationale, dont il était témoin (et qui devait se mani-

78
fester de manière éclatante quelques années politiques, d’association, de république que
après sa mort, avec l’invasion de l’Égypte les salafistes regardent comme produits de
par les forces de Bonaparte) était causé par l’influence occidentale. Cependant, force
l’oubli de l’islam traditionnel par les popula-est de constater la proximité idéologique des
tions musulmanes, et la perversion des élites. deux mouvements, le second constituant
Au-delà du pur wahhabisme, impliquant un développement du premier et poursui-
une autorité de la dynastie saoudienne avec vant le même but quitte à admettre, pour
laquelle Abdelwahhab s’était allié, c’est à la l’atteindre, d’employer des moyens parais-
source de tout le mouvement salafiste de sant contraires (tout comme le marxisme
l’époque moderne qu’on trouve ce prédica- et sa dictature du prolétariat poursuivaient
teur, même si, aujourd’hui, le wahhabisme le but de l’anarchie). La proximité idéolo-
saoudien est simplement un courant spéci- gique semble particulièrement visible dans
fique du salafisme. Le salafisme, donc, est la doctrine du maître-penseur des Frères
une volonté de retour à la pureté de l’islam musulmans, Sayyid Qutb (mort en 1966),
originel, l’islam des ancêtres (salaf), ce re- selon lequel la plupart des musulmans ne
tour étant supposé régler tous les problèmes l’étaient pas vraiment, faute de connaître
et permettre, notamment, de se débarrasser leur doctrine, et un retour au véritable islam
de l’influence occidentale infectant les élites.
était nécessaire ; le nassérisme, trop marqué
par l’influence occidentale, devait être com-
L’organisation du mouvement islamiste battu ; un retour au véritable islam serait la
Au début du XX e
siècle, le mouvement is- réponse à tous les problèmes des pays musul-
lamiste accouche par l’Égyptien Hassan mans – où l’on retrouve les préoccupations
El-Banna de l’association des Frères musul- d’Abdelwahhab. 
mans, fondée en 1928 afin de promouvoir En 1954, l’association sunnite des Frères
l’instauration d’un État islamique appli- musulmans devait entrer en relation étroite
quant la charia, et de défendre cette concep- avec le mouvement iranien chiite des Fe-
tion d’un point de vue panislamiste, donc dayin de l’islam de Navvab Safavi, respon-
international. sable de plusieurs assassinats politiques en
Aujourd’hui, salafistes et Frères musul- Iran et qui prônait l’application de la cha-
mans sont concurrents, ces derniers, pour ria. Ce rapprochement devait importer en
agir, ayant intégré les concepts de partis Iran chiite l’idée de révolution islamique et

79
la doctrine de Qutb. En 1955, Safavi ayant musulmans sunnites devaient, paradoxa-
été exécuté, c’est Khomeini qui prend la tête lement, être atteints d’abord en Iran avec
du mouvement. À la fin des années 1970 est la Révolution islamique de 1979, date ou-
fondé le djihad islamique égyptien, issu des vrant la période d’essaimage de l’islamisme
Frères musulmans, ayant pour but l’instau- et de la mise en place d’une internationale
ration du califat et de la loi islamique dans djihadiste : la même année, la Grande mos-
le pays, et qui devait organiser l’assassinat de quée de la Mecque est prise par des dji-
Sadate en 1981. hadistes. En 1982 apparaît le Hezbollah,
soutenu par l’Iran ; en 1987 le Hamas, sou-
L’éclosion du djihadisme tenu par l’Iran et les Frères musulmans ; en
Les objectifs révolutionnaires des Frères 1987 aussi Al-Qaïda, engagée notamment

Le couple poutinisme-islamisme, héritier des frères ennemis fascisme-bolchévisme


On retrouve aujourd’hui dans le couple poutinisme-islamisme l’équivalent de ce qu’était, dans le monde d’il y a 80 ans,
le couple fascisme-blochévisme.
Il s’agit en effet, comme pour son aîné, d’un couple d’idéologies antiaméricaines, antilibérales, anticapitalistes, et tentant
de proposer une vision du monde alternative à la façon dont il est en train de se construire. Mais par ailleurs, les deux
visions s’opposent radicalement dans le projet qu’elles portent.
Le poutinisme, comme son aîné le fascisme, est nationaliste, se réclame à la fois d’un nouvel ordre social et d’un retour
à des valeurs traditionnelles, à des structures de pouvoir hiérarchisées et donnant une sorte de colonne vertébrale à la
société, contre la société ouverte occidentale considérée comme « décadente ».
L’islamisme, ou djihadisme, à l’image de son aîné bolchévique, ou communiste, est internationaliste et veut imposer un
nouvel ordre social radicalement nouveau en considérant la doctrine islamique comme révolutionnaire.
Entre eux et comme leurs aînés, ces deux mouvement contestataires de l’ordre mondial capitaliste, libre-échangiste et
sous égide américaine, se haïssent profondément : la montée du poutinisme en Europe est continuellement alimentée
par la crainte et la haine de l’islam – il n’est que de lire ce qu’il se dit sur les réseaux sociaux, sur lesquels Poutine est
présenté en rempart de la civilisation occidentale chrétienne contre l’islam. Combien de fois, aussi, lit-on que, certes,
Poutine n’est pas l’idéal, mais que nous avons besoin de lui dans la lutte contre le djihadisme mondial – reproduisant
ce faisant l’argumentaire, assez peu inspiré, qui voulait qu’Hitler, au moins, ferait un excellent rempart contre le bolché-
visme et les « hordes asiatiques ».
De son côté, le djihadisme déteste le poutinisme, mais d’une façon différente : pour le djihadisme, au fond, il n’y a guère
de différence entre Russie et Amérique : ce sont tous des « croisés », de la même façon que pour les bolchéviques démo-
craties capitalistes et régimes fascistes n’étaient jamais que diverses expression de l’ordre bourgeois qu’il fallait détruire.

80
en Afghanistan contre les Soviétiques ; en chiisme est devenu la principale ligne de
1992 le Groupe Islamique armé en Algérie, force au Moyen-Orient sur les théâtres de
etc. Jusqu’au Front Al-Nosra et l’État isla- guerre : en Syrie, en Irak et au Yémen. De
mique depuis le début de la guerre en Syrie. plus, les régimes chiites sont, depuis des
Tous ces groupes sont financés par l’Arabie années, alliés de Moscou, et les récents évé-
saoudite sunnite et/ou la République isla- nements au Moyen-Orient les ont un peu
mique d’Iran chiite. Le fait que la bête ait plus poussés dans l’orbite poutinienne. De
deux têtes ne doit pas faire oublier que le fait, il semble bien que la République isla-
djihadisme touche autant les deux confes- mique d’Iran, alliée à la Russie et hostile à
sions de l’islam. ses voisins sunnites, se trouve plutôt dans le
Aujourd’hui, le djihadisme en est au stade rôle de l’Italie fasciste que de l’Union sovié-
où était rendu le bolchevisme mondial entre tique. L’Iran, avec le soutien de l’Irak chiite,
1930 et 1990, celui de l’assujettissement de profitera vraisemblablement du fait que les
plusieurs pays à un régime appliquant les Américains aient fort à faire avec la Rus-
idéaux du mouvement, et à l’expansion du sie et la Chine pour poursuivre son propre
terrorisme révolutionnaire à l’échelle glo- agenda géopolitique contre l’Arabie saou-
bale. En réaction, nous voyons apparaître dite : en effet il se trouve que les grandes
en Europe ce que j’ai d’ores et déjà évoqué zones pétrolifères d’Arabie saoudite sont
sous le nom de poutinisme. Ainsi l’antago- majoritairement peuplées de musulmans
nisme poutinisme/islamisme fait-il écho à chiites ; c’est aussi le cas du Yémen (Fig. 49).
l’antagonisme fascisme/communisme. Il L’Iran, armé par la Russie, tenterait donc
paraît donc logique que cela débouche sur de vaincre une Arabie saoudite notoire-
une confrontation. ment médiocre sur le plan militaire, en
dépit de budgets de défense imposants,
Vu les conditions géopolitiques actuelles, afin de mettre la main à la fois sur les hy-
il semble que cette confrontation devrait drocarbures et sur leur voie d’achemine-
plutôt avoir lieu entre l’islamisme sunnite ment, la mer d’Oman, ce qui permettrait
et le poutinisme. En effet, depuis la fin des à l’axe russo-chiite d’affirmer son emprise
années 1990, et surtout 2001, le terrorisme sur l’Europe en contrôlant l’essentiel de
sunnite a largement pris le pas sur le terro- son approvisionnement en énergies fossiles
risme chiite. En outre, le clivage sunnisme/ (Fig. 50).

81
Fig. 49 Sunnisme, chiisme et régions pétrolifères au Moyen-Orient

82
Fig. 50 Les prétentions hégémoniques iraniennes au Moyen-Orient

83
De la difficulté de discerner certains rôles historionomiques
Dans les occurrences modernes de l’impérialisme revanchard, il existe deux autres entités participant à l’affron-
tement entre la thalassocratie et la tellurocratie :
• La thalassocratie trouve toujours à s’allier avec un partenaire continental puissant afin de prendre à revers et
épuiser la tellurocratie, et ce même si cet allié est de circonstance, fortement éloigné des valeurs thalassocra-
tiques et a pu partager une complicité temporaire avec la tellurocratie.
Ainsi de la Russie autocratique, plus proche du régime impérial napoléonien que du parlementarisme britan-
nique, qui fut alliée de Napoléon après le traité de Tilsit avant que de lui redevenir hostile en refusant le Blocus
continental contre l’Angleterre, ce qui poussa l’Empereur à se lancer dans la désastreuse invasion de 1812, où fut
détruite la Grande Armée.
Ainsi de l’URSS stalinienne, partageant avec l’Allemagne nazie un régime totalitaire à l’opposé des valeurs bri-
tanniques et américaines, et qui fut alliée et complice d’Hitler par le Pacte germano-soviétique, avant que l’Alle-
magne ne l’envahisse à son tour et ne s’épuise sur ce Front de l’Est.
• De son côté, la tellurocratie, avant le début des hostilités, se trouve généralement un allié proche après lui
avoir été hostile ; cet allié est plutôt une puissance de deuxième ordre, relativement subordonné à la tellu-
rocratie, et qui doit rapidement demander son aide, étant incapable par elle-même de mener ses opérations
contre la thalassocratie, pour laquelle cet allié faible est un utile bas-ventre mou de l’ennemi.
Ainsi de l’Espagne qui, après avoir été hostile à la France durant les guerres révolutionnaires, s’y attache comme
alliée lors du Traité de San Idelfonso en 1796. Allié utile envoyant ses escadres au combat avec les navires français,
les deux flottes furent détruites ensemble à Trafalgar et Napoléon dut occuper le pays lorsque celui-ci fut gagné
par l’instabilité et le pouvoir de Manuel Godoy, garant de l’alliance, renversé. Le soulèvement populaire devait
distraire de nombreuses troupes françaises durant plusieurs années, et permettre aux armées britanniques de
reprendre pied sur le continent via le Portugal.
Ainsi de l’Italie fasciste de Mussolini qui, d’abord hostile au IIIe Reich, notamment en raison de l’Anschluss qui
portait la puissance allemande jusqu’à la frontière italienne, finit par s’allier avec Hitler après avoir été rejetée par
les démocraties en raison de ses agissements en Ethiopie. Par la suite, les échecs italiens en Grèce devaient retar-
der le calendrier allemand d’invasion de la Russie, et l’Italie servir de tête de pont aux Alliés. Hitler envahit l’Italie
en 1943 à la suite du renversement de Mussolini et créa l’état fantoche de la République sociale Italienne dans la
moitié nord de l’Italie, où l’armée allemande fut occupée à repousser la progression alliée.
L’identification a priori de ce genre de « seconds rôles » dans un schéma est moins évidente que pour les entités
principales. Aussi, après avoir admis que ces « seconds rôles » devraient être représentés dans la nouvelle occur-
rence, et réduit le choix possible à deux candidats, l’Iran et la Turquie, m’a-t-il été difficile de me prononcer sur qui
aurait quel rôle. En effet, l’on a pu voir, après l’affaire du Su 24 russe abattu en novembre 2015 par l’aviation turque,
une Turquie défendant son pré-carré avant de paraître chercher à nouveau l’alliance russe tandis que ses rapports

84
avec les Occidentaux se détérioraient sur fond de crise migratoire et de répression du coup d’État de juillet 2016.
En définitive, cependant, je pense que l’Iran est bien l’Italie fasciste de Poutine, et que la Turquie, et derrière elle
le monde musulman sunnite, sera son URSS : cela correspond mieux au fait que l’internationalisme islamiste
que prétend combattre le poutinisme, aujourd’hui, est essentiellement sunnite, et par ailleurs à la configuration
de la guerre en Syrie, que j’ai déjà comparé avec la guerre d’Espagne : en Espagne, l’Italie fasciste combattait au
côté de l’Allemagne nazie pour la cause nationaliste, et contre les Républicains espagnols appuyés par l’Union
soviétique et les Brigades Internationales ; en Syrie, l’Iran et son Hezbollah libanais chiite combattent au côté de
la Russie poutinienne pour sauver le régime d’Assad contre les rebelles syriens, islamistes ou non, l’État Islamique
et une Turquie d’abord complaisante avec les djihadiste avant d’envahir la Syrie à l’automne 2016. Enfin, la Turquie
est généralement bien mieux classée, pour ce qui est de sa puissance militaire, que l’Iran, et son réchauffement
des relations avec Moscou n’est pas comparable avec l’alliance existant entre Iran et Russie depuis des années
maintenant, tout en étant comparable à l’attitude de l’URSS envers l’Allemagne nazie à la fin des années 1930.
Enfin, l’identification de l’Iran au rôle qui fut celui de l’Espagne pour Napoléon et l’Italie pour Hitler montre une
certaine logique dans le déplacement géographique (Fig. 51).

Fig. 51 Les impérialistes revanchards modernes et leur principal allié

85
Le rôle de l’URSS, terre du bolchevisme, nites, le plus proche des frontières russes,
face au champion allemand du fascisme, et se tient entre la Russie et son allié sy-
doit donc être tenu par un pays sunnite, ou rien, notamment son précieux port mé-
une coalition de pays sunnites. La confi- diterranéen de Tartous, auquel la marine
guration de la guerre en Syrie permet de russe de mer Noire ne peut accéder que
deviner à quoi ressemblerait cette coali- par les détroits tenus par les Turcs. Enfin,
tion, et quel en serait le fer de lance  : les la Turquie a un triple motif idéologique
rebelles syriens, souvent islamistes, sont d’être l’ennemi sunnite par excellence de
soutenus par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Russie : elle en est l’ennemie stratégique
la Turquie, dont on a même relevé la com- de long terme, la rivalité remontant à l’Em-
plaisance envers l’État islamique. Ajoutons pire ottoman ; elle en est l’ennemie en tant
à cela qu’après le putsch manqué de juillet que persécutrice historique des Arméniens,
2016, Erdogan a renforcé son contrôle sur alliés de la Russie ; elle en est, enfin, l’en-
l’armée et le pays en se livrant à de véri- nemie, en ce que Moscou se perçoit depuis
tables purges, moins sanglantes que celles des siècles comme la Troisième Rome, fille
de Staline, mais poursuivant le même but : de Constantinople – aujourd’hui Istanbul –
son pouvoir et celui de son parti, l’AKP (le et que le rêve de reprendre la métropole est
« Parti de la Justice et du Développement »), au cœur du rêve impérial russe depuis des
héritier du « Parti de la Prospérité » et du siècles.
« Parti de la Vertu » tous deux dissous en
1998 et 2001 en raison de leur positionne- Tout porte donc à croire que la Turquie tien-
ment islamiste considéré comme contraire dra face à la Russie poutiniste, avec le sou-
à la constitution turque. Constitution tien saoudien, le rôle historionomique qui
turque qu’Erdogan s’efforce aujourd’hui de fut celui de l’URSS face à l’Allemagne nazie.
modifier dans le sens de ses idées, qui sont Pour l’heure, Vladimir Poutine s’efforce de
et demeurent celles des Frères musulmans, se concilier Erdogan comme Hitler s’est ef-
comme l’a notamment montré son soutien forcé, dans un premier temps, de s’entendre
à Mohamed Morsi, président islamiste élu avec Staline pour avoir les mains libres à
d’Égypte et qui a été renversé par le général l’Ouest – tout en conservant à l’esprit la par-
Sissi. faite conscience de ce que l’URSS restait un
De surcroît, la Turquie est, de ces pays sun- objectif. Mais lorsque la Russie aura envahi

86
l’Europe, et dans l’hypothèse où, comme des États-Unis capable de résister à la Russie
Napoléon et Hitler, Poutine aura remporté dans cette moitié de l’Europe et de la me-
des succès initiaux de grande ampleur lui nacer sur son flanc Sud, et disposant de la
permettant d’établir son hégémonie sur une deuxième armée de terre et de la deuxième
grande partie de l’Europe, il se retournera flotte aérienne de l’OTAN (Fig. 52).
logiquement vers la Turquie, dernier allié

Fig. 52 Après les succès initiaux russes, la Turquie encerclée par les forces de l’axe russo-iranien

87
La Russie, dans cette entreprise, pourrait de communistes que de gaullistes.
peut-être même compter sur le soutien de la
Grèce, qui partage sa foi orthodoxe et une Naturellement, un tel calcul n’est pas sans
hostilité continue avec la Turquie durant conséquence néfastes avec lesquelles il faut
l’histoire récente, et de la même façon que s’accommoder dans un second temps, et
la Grande armée qui envahit la Russie em- comme la victoire alliée en 1945 signifia
portait des troupes venues de tous les pays aussi l’instauration de l’Empire soviétique,
vassaux ou alliés contraints de la France, et la guerre à venir pourrait accoucher, outre
qu’aux côtés de la Wehrmacht se battirent de la victoire américaine, de la constitution
non seulement des Italiens, mais des Hon- d’un empire musulman sunnite qui pour-
grois, des Roumains… rait rapidement devenir hostile. Et dans la
mesure où nous avons d’une part pointé le
Et de la même manière que les Anglo- rôle central de la Turquie dans cette guerre
américains s’allièrent à l’URSS commu- russo-iranienne contre le monde sunnite,
niste pour vaincre le fascisme considéré et d’autre part évoqué le fait que la Rus-
comme danger prioritaire, il est vraisem- sie serait vraisemblablement démembrée à
blable que les Occidentaux chercheront l’issue de la guerre, comme toutes les puis-
à utiliser l’islamisme comme masse de sances parcourant la trajectoire désastreuse
manœuvres afin de vaincre la Russie pou- de l’impérialisme revanchard, c’est encore
tiniste – ce qui d’une part serait dans la sur l’extension de ce parallèle que nous pou-
continuité de la stratégie américaine en vons nous appuyer pour envisager le mode
Afghanistan dans les années 1980, et de d’installation d’un empire sunnite panturc
la vieille alliance entre l’Amérique et les mêlant ottomanisme et doctrine des Frères
pays sunnites, Arabie saoudite et Turquie musulmans, à l’image actuelle d’Erdogan.
notamment, et d’autre part correspond En effet, tout comme la France et la Prusse
bien à ce que l’on voit actuellement en Sy- avaient été rivales dans la lutte pour la suze-
rie, où il est souvent difficile de distinguer raineté sur l’Allemagne, tout comme l’Al-
les islamistes des rebelles que financent et lemagne et la Russie ont été rivales pour
arment les Occidentaux, tout comme les la suzeraineté sur les pays slaves d’Europe
Américains fournissaient armes et soutien de l’Est, la Russie et la Turquie sont rivales
à la résistance française, composée autant pour la suzeraineté sur le monde turc. Du-

88
rant les XVIIe-XVIIIe siècles, la France a entre la Russie et l’Allemagne. La domina-
veillé à la désunion de l’Allemagne pour tion allemande culmina avec le nazisme,
garantir sa domination, domination qui a dont la défaite en 1945 permit à la Russie
culminé sous Napoléon et n’a cessé qu’avec de réaliser un empire slave avec la domina-
sa chute, laissant le champ libre à la Prusse tion de l’URSS sur le Pacte de Varsovie (et
pour réaliser l’unité allemande au XIXe brièvement la Yougoslavie jusqu’en 1948)
siècle (Fig. 53). (Fig. 54).

Durant le XIXe et début du XXe siècle, Durant les XVIIIe-XXe siècles, la domina-
les peuples slaves du Sud furent dominés tion russe de l’espace turc centrasiatique
par l’Autriche-Hongrie, alliée de l’Empire au Nord du Caucase et de l’Iran, et la res-
allemand nouvellement constitué par la tauration de l’Iran lui-même ont interdit
Prusse. La Pologne avait disparu, partagée à l’influence ottomane de s’étendre aux

Fig. 53 La construction de l’Empire allemand après l’abaissement de la France napoléonienne

89
Fig. 54 La construction de l’empire soviétique après la défaite de l’Allemagne hitlérienne

anciennes contrées turco-mongoles. Si le la défaite russe dans la Grande guerre à


même schéma se reproduit, l’on peut s’at- venir, comme celle de l’Iran et celle de la
tendre à ce que l’influence russe dans ces Chine, videront de tous rivaux régionaux et
régions culmine avec une forme de réan- de tout prétendant à l’hégémonie l’espace
nexion des anciennes républiques sovié- turc d’Asie centrale, courant du Caucase
tiques et une vassalisation de l’Iran à la jusqu’à l’Himalaya. La seule puissance qui
puissance russe – qui est bien ce que nous demeurera debout dans la région, et plus
avons déjà envisagé. Suivant la même idée, encore fera partie du camp des vainqueurs

90
tout en ayant une forte proximité cultu- s’étendra sur l’ensemble du Moyen-Orient
relle, ethnique et religieuse avec les popu- sunnite, de la même manière que l’URSS
lations de cet espace, sera la Turquie, qui était un empire à la fois slave et commu-
aura le champ libre à la constitution d’un niste (Fig. 55).
grand empire panturc s’étendant du Bos-
phore aux confins du Tibet et de la Mon- En revanche, on peut mettre en doute le
golie. Et puisqu’il sera également sunnite, fait que l’Iran puisse tomber entièrement
son influence, si ce n’est sa suzeraineté, aux mains de cet empire, puisque, revêtant

91
Fig. 55 La construction de l’empire panturc après l’effondrement de la Russie poutinienne

le rôle de l’Espagne du temps de Napoléon coalition sunnite conduite par un pays


et de l’Italie fasciste, ce pays sera vraisem- dirigée selon l’idéologie des Frères musul-
blablement le ventre mou qui subira les mans. Mais une Turquie victorieuse pour-
premiers débarquements américains via rait aussi, comme l’URSS de Staline avec le
l’océan Indien afin d’ouvrir un autre front coup de Prague, orchestrer un coup d’État
contre la Russie  ; la part du territoire en- pour ramener la confrérie au pouvoir d’où
vahie par les États-Unis devrait demeurer l’a chassée Sissi.
indépendante, avec un régime proaméri-
cain. Le sort de l’Égypte serait douteux : le Ce grand empire panturc sunnite aura la
régime de Sissi, s’il survit, n’aurait que peu particularité de représenter le cœur de l’île-
de raisons de tomber dans l’orbite d’une monde, la thalassocratie ayant étendu de

92
plus en plus profondément son contrôle sur et de porter ainsi un coup décisif aux ca-
ses rivages au cours des trois occurrences : pacités britanniques à communiquer avec
en battant la France, puis l’Allemagne, puis l’Empire, spécifiquement les Indes.
la Russie à l’Ouest et au Nord, et en battant
le Japon, puis la Chine à l’Est. Les mouvements géographiques de l’expan-
sion russe étant voisins de ceux que furent
les directions de l’expansion napoléonienne
Extension du schéma de l’impéria- puis hitlérienne, ce qui s’explique par le fait
lisme revanchard  : vers une inter- que le théâtre stratégique général demeure
vention russe en Méditerranée ? l’Europe et son pourtour, et donc que les
positions stratégiques ne varient pas d’une
Outre l’Europe, un autre théâtre de guerre occurrence à l’autre, les vecteurs d’interven-
est commun à l’épopée napoléonienne et tion étant simplement modifiés d’un cas à
à la Seconde Guerre mondiale : l’Afrique l’autre par la place géographique différente
du Nord et le Proche-Orient. En effet, Na- de la France, de l’Allemagne et de la Rus-
poléon, alors en tant qu’agent de la France sie, il paraît donc logique d’envisager que la
révolutionnaire dont son régime serait la Russie poutinienne, à son tour, cherche à
continuation, et comme Hitler, furent accroître son emprise sur la Méditerranée.
conduits à lancer des opérations dans le Et cela notamment pour obtenir la capacité
Sud-Est méditerranéen, à chaque fois dans de couper les lignes de ravitaillement euro-
un but stratégique dirigé contre la thalas- péennes en hydrocarbures, en lançant une
socratie. intervention du même genre, dont la nature
reste à déterminer, en Méditerranée, plutôt
La campagne de Napoléon en Égypte avait occidentale, vu le sens de déplacement lors
pour but de couper la route des Indes à des précédentes occurrences, et peut-être
l’Angleterre et d’affaiblir ainsi sa puissance sous des motifs antiterroristes (Fig. 56).
commerciale. La guerre du Désert menée
par l’Afrikakorps de Rommel, après avoir Ce serait donc une nouvelle intervention en
secouru les Italiens en difficulté, avait pour terre d’islam, à intégrer comme guerre pé-
objectif stratégique de rejeter les Britan- riphérique des principaux conflits affectant
niques hors d’Égypte, de s’emparer de Suez le Moyen-Orient.

93
Fig. 56 Zone d’intervention russe en Méditerrannée, projetée d’après les précédents de la France révolutionnaire
et de l’Allemagne hitlérienne

94
IV – Le rôle de l’Amérique
et l’issue de la guerre

Comme il a déjà été dit, le grand cycle « B » son contrôle jusqu’au Rhin et aux Alpes,
applicable à l’Amérique montre que l’on et de financer la poursuite de sa guerre par
doit s’attendre à une victoire finale et totale le pillage de l’Europe, notamment l’Alle-
de l’Amérique dans les conflits à venir sur magne.
les trois grands théâtres de ces prochaines
années  : l’Europe, l’Asie et le Moyen- Sur le théâtre asiatique, il s’agirait de succès
Orient. chinois permettant à la République Popu-
laire de Chine de mettre rapidement hors-
Il nous reste donc à voir selon quelles mo- jeu les principaux alliés américains dans
dalités l’Amérique remportera cette guerre, la région et d’occuper ses petits voisins,
et quel sera le monde qui émergera de cette contraignant ainsi les Américains à une
série de conflits rapprochés voire simulta- douloureuse reconquête du terrain perdu,
nés, notamment en faisant la synthèse de comme en Europe.
ce que nous avons dit pour chacun des trois
théâtres. Sur le théâtre Moyen-Oriental, il s’agirait
d’une Russie renforcée par ses succès euro-
Tout d’abord, rappelons que notre « four- péens et attaquant la Turquie avec l’appui
chette historionomique » se situe quelque de pays européens, la Grèce notamment, et
part entre le pire scénario et le moins mau- de son allié iranien ; cependant que de son
vais scénario sur chacun des trois théâtres : côté, l’Iran attaquerait l’Arabie saoudite et
Pour le théâtre européen, et exception faite parviendrait à s’emparer de ses principaux
du scénario de guerre nucléaire totale, le gisements pétroliers ainsi que du Sud de
pire scénario que nous avons évoqué est la péninsule arabique. À son apogée, l’axe
celui de grands succès initiaux de la Rus- russo-chinois contrôlerait donc l’essentiel
sie de Poutine lui permettant d’étendre de l’Europe et de l’Asie (Fig. 57).

95
Fig. 57 Apogée de l’axe sino-russe, estimation haute

On a constaté par ailleurs que le fait que Ainsi, dans le cas du moins mauvais scé-
le pire scénario se déroule sur un théâtre nario du côté de la Russie poutinienne, à
accroît les chances de voir les pires situa- savoir une invasion des pays baltes suivie
tions se développer sur les autres, puisque d’une mobilisation efficace de l’OTAN
les revers de l’Amérique et de ses alliés les et d’une incapacité russe à remporter des
affaibliront tout en enhardissant leurs en- succès d’ampleur contre le dispositif allié,
nemis. Inversement, l’échec précoce dans il sera également plus aisé pour l’Amérique
les entreprises sur un certain théâtre est de consacrer des forces à contrer la Chine
de nature à limiter les capacités des autres en Asie, et les combats pourraient alors se
agresseurs sur les autres théâtres. limiter à une guerre maritime ainsi, éven-

96
tuellement, qu’à des combats terrestres du pas de beaucoup les frontières actuelles de
côté d’une Inde devenue alliée de revers des la Russie et de la Chine (Fig. 58).
États-Unis. Dans une telle configuration, Dans tous les cas, il faut noter que d’éven-
l’Iran pourrait préférer ne pas se lancer tuelles propositions de paix chinoises et
dans une aventure militaire, et la Turquie russes, que ce soit à la suite de revers ini-
pourrait combattre la Russie au côté de tiaux leur faisant craindre la riposte amé-
l’OTAN, sans subir d’invasion. À son apo- ricaine ou après des succès initiaux leur
gée, l’axe russo-chinois ne dépasserait donc faisant croire que l’Amérique acceptera le

Fig. 58 Apogée de l’axe sino-russe, estimation basse

97
Pourquoi les Américains n’accepteront que la victoire totale.
Il faut avoir conscience de ce que les États-Unis d’Amérique font partie de ces quelques nations de l’Histoire qui
ne conçoivent tout simplement pas la multipolarité. Rome était l’une d’entre elles.
En effet pour les États-Unis, comme jadis pour Rome, il n’y a que deux possibilités acceptables : être seul, ou
être le maître. Être seul fut la première doctrine géopolitique américaine, la doctrine Monroe, établie en 1823,
qui voulait interdire toute intervention européenne sur le continent américain, qui serait considérée comme une
agression par la jeune puissance. La contrepartie de cette doctrine géopolitique était que les États-Unis demeu-
reraient neutres vis-à-vis de l’Europe et se garderaient d’intervenir dans ses propres affaires.
Mais durant la deuxième moitié du XIXe siècle s’épanouit la « première mondialisation » qui fit apparaître clai-
rement à l’Amérique ce fait qu’elle ne pourrait pas demeurer ainsi seule, isolée entre ses deux océans. Vint donc
le « Corollaire Roosevelt » à la doctrine Monroe, qui fit pratiquement dire à celle-ci l’inverse de ce qu’elle disait
jusqu’à présent : désormais les États-Unis s’estimeraient fondés à intervenir hors d’Amérique partout où leurs
intérêts seraient menacés. Ne pouvant être seule, l’Amérique devait être hégémonique. Par le discours de Roo-
sevelt, en 1904, les USA s’autoproclamaient gendarmes du monde. A aucun moment de son histoire, depuis son
indépendance, l’Amérique ne s’est perçue comme une nation parmi d’autres.
Cette mentalité, précisément, vient de l’Indépendance : pour le peuple américain, connaître à nouveau la dépen-
dance envers une puissance étrangère serait quelque chose d’équivalent à la mort et, en définitive, le seul moyen
de n’être dépendant de personne, faute d’être isolé de tous, est d’être un suzerain universel.
Telle est donc la ligne directrice, le principe des principes de la politique internationale américaine. Tous les autres
principes, les idéaux sont subordonnés à celui-ci. C’est pour cette raison que l’Amérique a soutenu des dictatures
durant la Guerre froide. C’est pour cette raison que les États-Unis n’accepteront pas d’éventuelles propositions
de paix proposées par la Russie ou la Chine qui auraient remporté quelques succès initiaux et souhaiteraient les
consolider.

fait accompli, ne seront pas acceptées : les Dans le moins mauvais scénario, celles-ci
Américains n’accepteront, comme l’Angle- seraient essentiellement des batailles aux
terre face à Napoléon ou les Anglo-améri- frontières des pays agresseurs, et sur le terri-
cains face à Hitler, que la victoire totale. toire des pays envahis.
En revanche, les deux scenarii n’implique-
raient pas exactement le même type d’opé- Dans le pire scénario, en revanche, les opé-
rations américaines de reprise du terrain rations seraient plus mouvementées.
perdu et de contre-attaque. L’Inde serait appelée à jouer un grand rôle

98
dans le dos de la Chine tandis que les États- avec l’aide de l’Inde. Avec l’aide d’Israël et
Unis devront se battre pour le contrôle de de la Turquie, l’Iran devrait rapidement être
l’Ouest du Pacifique, non seulement contre mis en difficulté et nécessitera un soutien
la marine chinoise, mais aussi contre la russe. Une fois l’Iran tombé et le Moyen-
marine russe. En Europe, ce qui restera de Orient à nouveau sous contrôle turco-amé-
l’OTAN devra procéder à une reconquête ricain, la progression pourra se faire vers
du territoire perdu. Les Américains débar- le nord via le Kazakhstan ; les Américains
queront leur matériel et leurs hommes vrai- pourraient alors également débarquer en
semblablement en France et en Espagne, Sibérie. La Chine sera ainsi menacée par le
afin de garder un balcon sur la Méditerra- Nord et par l’Ouest (Fig. 59).
née, et afin de reconquérir l’Europe à la fois
par le nord, soit l’Allemagne, et par le sud, À l’issue de la guerre, l’empire russe comme
soit l’Italie. l’empire chinois seront démembrés, et leurs
pays d’origine eux-mêmes. Comme il a été
Dans le même temps, une cible prioritaire dit précédemment, la Chine devrait être
des États-Unis sera la Péninsule arabique amputée du Tibet et du Xinjiang de po-
dont l’Amérique ne saurait laisser le contrôle pulation ouïghour, population turcophone
à l’Iran, d’une part parce que l’Arabie saou- qui devrait rapidement entrer dans l’orbite
dite est une alliée de longue date, d’autre de l’empire panturc constitué à la faveur
part parce que laisser l’Iran prendre le Yé- de la pénétration militaire turque dans les
men lui permettrait de contrôler la mer régions turcophones dans le cadre de l’in-
Rouge, et donc de couper les communica- vasion de la Russie. Celle-ci devrait être
tions et le ravitaillement américain vers la ramassée sur les terres d’origines du peu-
Turquie et Israël. plement russe, vers l’Europe, tandis que
les vainqueurs démembreront son territoire
En outre, l’Iran pourra faire office de bas- asiatique afin d’empêcher sa réémergence.
ventre mou, comme l’Espagne contre Na-
poléon et l’Italie contre Hitler : les Améri- Pourraient ainsi être créées des républiques
cains procéderont donc vraisemblablement indépendantes qui sont actuellement sujets
à un débarquement en Iran via l’océan In- de la Fédération de Russie : la République
dien, qui devrait rester sous leur contrôle de Krasnoiarsk et la République de Sakha.

99
La côte pacifique, occupée par les États- l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre
Unis, pourrait demeurer un dominion mondiale ; a contrario, l’empire panturc
américain. sunnite nouvellement constitué devrait être
assez hostile à l’ordre américain, et il pour-
J’ignore quels pourraient être les gains ter- rait s’ouvrir avec ce bloc une sorte de nou-
ritoriaux de l’Inde, mais pour ce pays, le velle guerre froide, quoique le rapport soit
plus important sera de voir l’abaissement naturellement moins équilibré que jadis
de la Chine qui fera d’elle le nouveau grand entre l’Amérique et l’URSS. En particulier,
émergent en Asie, face à un empire pan- si le territoire de l’Arabie saoudite passe la
turc-sunnite de deux à trois cents millions guerre en restant sous contrôle américain,
d’habitants (Fig. 60). on voit mal comment un empire utilisant
Au terme de la guerre, donc, l’empire amé- l’islam sunnite comme idéologie fédéra-
ricain devrait être considérablement étendu trice pourra tolérer que la Mecque soit sous
et renforcé, intégrant les ennemis défaits contrôle américain, ce qui devrait générer
comme alliés, tout comme le Japon et des tensions permanentes (Fig. 61).

Fig. 59 Les principaux mouvements stratégiques alliés du début de la contre-attaque à la victoire finale

100
Fig. 60 Les nouvelles frontières asiatiques après la défaite de la Russie poutinienne
et de la République Populaire de Chine

101
102
Fig. 61
Représentation
approximative
de l’empire américain
au lendemain de la
guerre contre l’axe
russo-chinois et
opposition avec
le nouvel empire panturc

103
Conclusion : vers l’État mondial
sous égide américaine

On entend souvent dire que nous nous di- grande puissance, arbitrant éventuellement
rigeons vers un monde multipolaire, que entre ses camarades de jeu.
l’hégémonie mondiale américaine n’aurait
été qu’une parenthèse, comme avant elle Un système supranational
l’hégémonie de l’Empire britannique, à la se met en place
charnière des XIXe et XXe siècles, lequel
perdit son statut face à la montée de l’Alle- Pour « l’empire américain », les choses sont
magne et des États-Unis, puis de la Russie. bien différentes. Dès le début, l’Amérique a
agi avec l’intention de créer des règles pour,
C’est oublier que la domination américaine, non pas seulement arbitrer les conflits et
instaurée après 1918 et, surtout, après 1945, gérer l’ordre mondial au jour le jour, mais
est d’une tout autre nature que celle de bâtir un ordre commun. Cela s’est traduit
l’Empire britannique. Ce dernier était un par une série d’institutions internationales :
empire colonial, le domaine impérial d’une la Banque mondiale, le Fonds monétaire
nation qui se concevait avant tout comme international (FMI), l’Organisation mon-
l’une des nations de l’Europe qui jouaient diale du commerce (OMC), et bien sûr
un jeu de puissances depuis des siècles, et l’Organisation des Nations Unies (ONU),
cherchait son propre salut dans la profon- embryon de parlement mondial, et toutes
deur stratégique d’un empire maritime et ses émanations.
la promotion d’un équilibre des puissances L’Amérique est aussi devenue le gendarme
sur le continent qui lui faisait face. À au- du monde, via l’OTAN notamment, et
cun moment l’hégémonie britannique ne finance les dépenses que cela implique
se percevait comme un dépassement de grâce au statut du dollar comme monnaie
l’ordre national européen et de ces rivali- de réserve et l’abandon, sous Nixon, de la
tés traditionnelles : l’Angleterre était la plus convertibilité en or. Il ne s’agit pas, comme

104
pour son aînée britannique, d’être la plus du royaume, qui s’imposa notamment par
grande des puissances et de s’y mainte- sa garantie d’impartialité et de compé-
nir en jouant la division des autres, mais tence, en comparaison des justices seigneu-
d’organiser un gouvernement commun riales locales moins formées, rigoureuses et
des affaires du monde en associant toutes souvent corrompues. Ils développèrent éga-
les puissances au sein d’un système supra- lement des cours aptes à juger les seigneurs
national. Cependant l’Amérique utilise ce eux-mêmes.
système supranational relativement à sens
unique, puisqu’il lui permet d’imposer Mais la grande étape fut franchie avec la
son autorité aux autres nations en lui as- mise en place d’instances représentatives de
sociant une autorité collective dépassant la l’ensemble du corps social : clergé, noblesse,
souveraineté nationale, mais refuse de voir bourgeoisie, qui permirent à la monarchie
contestée sa propre souveraineté. de coiffer soudain tout l’ordre féodal. Ce
fut fait en Angleterre en 1295 avec le Par-
La même méthode que les rois lement modèle, en France en 1302 avec les
européens états généraux, en Espagne en 1476 avec les
Cortes de Madrigal, en Allemagne avec le
Force est de constater que, ce faisant, non Reichstag de 1495, en Russie avec le Zems-
seulement l’Amérique agit de manière tout ki Sobor de 1549. À chaque fois, la création
à fait différente de la politique impériale de ces assemblées permet la création d’une
britannique, mais de manière exactement force armée de police générale, financée par
semblable à la manière dont les rois eu- un impôt permanent, c’est-à-dire la mise en
ropéens ont bâti leur pouvoir et dépassé place d’un État régalien, début de la fin de
la féodalité en construisant les États mo- la féodalité.
dernes.
Les rois ne se contentèrent pas de devenir Après 1945, c’est ce qu’ont fait les États-Unis
les plus puissants seigneurs de l’ordre féo- à l’échelle mondiale : créer une assemblée,
dal, ce qui aurait correspondu à ce que fit l’ONU, et tout un chapelet d’instances
l’Empire britannique, mais firent en sorte permettant de coiffer l’ordre international
de dépasser cet ordre féodal. Pour ce faire, traditionnel. Les accords de Bretton Woods
ils bâtirent un système judiciaire à l’échelle ont constitué, fondamentalement, la mise

105
en place d’un impôt mondial, qui consiste une fois l’appareil d’État bâti et l’ordre
dans le privilège du dollar, permettant aux féodal dépassé, à multiplier les législations
États-Unis de financer leur armée, qui sert dans tous les domaines, notamment éco-
de police mondiale, assurant la sécurité des nomiques, on voit le FMI servir d’outil de
voies de communication et attrapant régu- redistribution vers les États en difficulté. Il
lièrement les bandits-dictateurs, ou sanc- est vraisemblable que, dans les décennies à
tionnant les « États-voyous ». venir, l’OMC deviendra une organisation
de plus en plus dirigiste. Dans l’actualité,
La marche vers l’État universel on peut citer les controverses autour du
traité de libre-échange transatlantique ou
À l’heure actuelle, les États-Unis sont ce que son pendant transpacifique.
n’a jamais été l’Angleterre : le monarque à
la tête d’un État mondial. Pour l’heure, cet Et c’est bien là le danger pour l’avenir : un
État est essentiellement régalien, quoi que, État ne s’arrête pas de croître à son appari-
de plus en plus, ses missions se multiplient. tion ; il a au contraire sa logique propre et
Ainsi, tout comme les rois commencèrent, tend vers l’absolutisme. C’est en définitive

Mondialisation, mondialisme et État mondial : échos antiques


D’aucun, ceux qui dénoncent continûment le « mondialisme », y voient généralement un complot des élites
internationales contre les nations.
Ce n’est pas le cas : c’est simplement la marche normale du pouvoir, vers l’État universel dont parlait l’historien et
théoricien de l’Histoire Arnold J. Toynbee. Rome fut un tel État universel. Dans ce cas-là, il y a effectivement tou-
jours une idéologie qui accompagne cette marche du pouvoir, mais l’émergence de cette idéologie elle-même est
également la marche normale des choses : telles sociétés produisent telles idées qui portent la création de telles
institutions qui poussent à la mutation en telle société, etc. Et il est constant, au plan de l’histoire longue, que
l’on va vers des entités étatiques toujours plus importantes par fusion des plus petites : il n’y a aucune raison de
penser que les modernes nations sont moins destinées à se fondre dans des entités supérieures que ne l’étaient
avant telles les cité-état de l’Antiquité.
Aujourd’hui, on parle de « mondialisme », on affirme qu’il est bon d’être « citoyen du monde », mais déjà dans
l’Antiquité, les stoïciens affirmaient « la Cité du sage, c’est le monde », et c’est cette philosophie qui anima l’inté-
gration du monde romain dans un unique empire sous un unique souverain.

106
ce que fit Rome, l’emprise de l’État mondial lecture des relations périmée depuis trente
romain devenant de plus en plus prégnant ans ; ce sont de grands feudataires, des vas-
et pesant. Mais, contrairement à la marche saux récalcitrants du monarque. Comme
de la construction de l’État monarchique les grands feudataires des monarchies
dans les nations européennes, le bout du d’avant-hier, ceux-ci admettent difficile-
chemin ne vit pas l’instauration d’un parle- ment la progression du pouvoir royal, et
mentarisme libéral, mais un effondrement recherchent un retour en arrière qui ne
global. À terme, c’est ce qui nous attend. viendra pas mais promet une guerre civile
mondiale – comme la résistance féodale à
En tous les cas, cette différence radicale de la construction de l’État royal déboucha en
nature avec l’Empire britannique interdit Angleterre sur la guerre des Deux Roses,
de conclure que l’hégémonie américaine en France sur les guerres de religion et la
doit disparaître dans les décennies à venir. Fronde, etc. Cette guerre civile mondiale,
Dans ce système, la Chine et la Russie ne c’est celle que nous avons tenté de décrire
sont pas des rivaux, ce qui relève d’une dans ce livre.

107
Chronologie

109
Les guerres à venir : date de
déclenchement et chronologie

Pour tenter une synthèse de tout ce qui a lement difficile, et la chronologie qui suit
été dit précédemment, je voudrais propo- comporte donc une part d’arbitraire, sans
ser une chronologie pour le conflit à venir, laquelle l’exercice ne pourrait simplement
rassemblant ses différents théâtres. Ainsi, le pas être effectué. En particulier, si l’on peut
lecteur pourra sans doute mieux appréhen- parier que durant les quelques années de
der la « morphologie » de ce conflit. guerre, des technologies actuellement en
développement progresseront fortement
Il ne s’agit pas, bien évidemment, de faire dans le domaine militaire et marqueront
là une prévision exacte, mais seulement le conflit de leur empreinte – je pense aux
d’avoir une idée générale de la trame de armements robotiques et équipements mé-
ce conflit : quant à la date approximative, canisés d’infanterie de type exosquelettes,
l’ordre et le mode de déclenchement des aux nouvelles armes de type canon électro-
hostilités, la durée du conflit, le rythme magnétique, ou laser – il est impossible de
des opérations. Dans la réalité les faits qui dire exactement quand et comment. Dans
seront observés, évidemment, pourront le même ordre d’idée, il est bien difficile
montrer par rapport à la description que je de dire si des armes nucléaires seront, oui
vais proposer une variation similaire à celle ou non, employées, et à quelle échelle. J’ai
observée, par exemple, entre l’occurrence expliqué plus haut pour quelles raisons je
napoléonienne et l’occurrence hitlérienne pense que ce ne sera pas le cas, mais je ne
de « l’impérialisme revanchard », pour ce puis être affirmatif sur ce point  ; la seule
qui est du théâtre européen. L’important chose certaine est que la guerre à venir en
étant que tout ce qui figurera dans cette Europe sera à la Guerre froide ce que les
chronologie est à l’intérieur de ce que j’ai guerres napoléoniennes furent à la guerre
appelé jusqu’ici le «  cône des possibles  ». de Sept Ans, et ce que la Seconde Guerre
Toute prévision plus précise est, naturel- mondiale fut à la Première, ce qui implique

110
de grands changements dans l’utilisation dont la Révolution n’eut lieu qu’en 1789, et
des armes et la pensée militaire, d’une ma- non au lendemain de la guerre de Sept Ans,
nière qui dépasse la simple évolution tech- en 1763. Or, si il y a bien, en Allemagne,
nologique – ainsi a-t-on déjà vu, en Crimée, comme en France en Russie, une quaran-
Vladimir Poutine changer drastiquement taine d’années entre l’établissement du pre-
la doctrine d’emploi de l’arme nucléaire, mier empire et la défaite humiliante dans
désormais employée comme arme de cou- la première guerre (France  : 1715-1763,
verture pour une action offensive, en l’oc- Allemagne 1870-1918, Russie 1945-1991)
currence une occupation et une annexion, la différence de durée entre occurrence
et non plus comme arme défensive de dis- française et allemande se concentre dans
suasion contre une éventuelle attaque. la deuxième moitié du schéma, entre la dé-
faite humiliante et la guerre impérialiste :
Avant de débuter cette chronologie, posons en France 1763-1805, soit 42 ans, en Alle-
simplement une réflexion pour que le lecteur magne 1918-1940, soit 22 ans. La durée su-
comprenne notre choix quant à sa date. périeure du schéma en France semble bien
D’abord, il y a le raisonnement purement due au décalage entre la défaite humiliante
historionomique, fondé sur les schémas et la chute du régime. La durée « classique »
historiques, leur rythme et leur durée. Le est plutôt autour de 70 ans : si l’on fait la
schéma de l’impérialisme revanchard, de la moyenne avec les durées observées pour la
fondation du Premier Empire au début de Macédoine de Persée, 51 ans (222 à 171
la guerre finale, a duré 90 ans pour ce qui avant J.-C.) et la Carthage d’Hannibal, 89
est de l’occurrence napoléonienne (1715- ans (307 à 218 av. J.-C.) on obtient une du-
1805, environ). Il a duré 70 ans pour l’Al- rée de 75 ans. Et le développement du sché-
lemagne hitlérienne (1870-1940 environ). ma, en Russie, semble donc devoir être plus
Cela fait une moyenne de 80 ans, mais ce proche du modèle allemand. En prenant
que nous observons de la Russie est plus 1945 comme point de départ, cela donne
proche de l’occurrence allemande  : la dé- l’année 2015, et nous observons évidem-
faite dans la guerre froide a aussitôt entraîné ment que les mouvements n’ont pas com-
l’effondrement du régime, en 1991, comme mencé, même si l’on en a vu les prémices
pour l’Allemagne qui connut une révolu- avec l’Ukraine et la Syrie. On peut donc
tion en 1918, et contrairement à la France conclure que l’ordre de grandeur donné par

111
l’historionomie pour le début de la guerre À côté, la Russie fait figure de nain géo-
est de quelques années, et très vraisembla- politique  : moins de 150 millions d’ha-
blement avant 2020 (année donnée par la bitants, moins de 3% du PIB mondial.
moyenne des schémas). Depuis 2013, le ralentissement de la crois-
sance russe et la chute des prix des hydro-
On peut compléter cette estimation en la carbures, Vladimir Poutine a compris que
confrontant aux données géopolitiques ob- la Russie ne deviendrait pas une grande
servables. puissance économique comme la Chine.
En Europe, il n’y a guère que deux puis- Il a vraisemblablement compris aussi que,
sances capables de déclencher une guerre : si la Chine pouvait faire un très bon allié
l’Amérique, et la Russie. de circonstances, et de grand poids, elle a
Les pays ne déclenchent des guerres, a for- son propre agenda stratégique dans lequel
tiori si elles risquent d’être nucléaires, que la Russie n’est qu’une périphérie de l’Em-
dès lors qu’ils poursuivent des objectifs pire du Milieu. Par ailleurs, contrairement
stratégiques fondamentaux, voire vitaux, à l’Europe, la Chine est unie sous un seul
et que ces objectifs ne peuvent pas être at- gouvernement de fer, et n’hésiterait pas à
teints par d’autres moyens. employer les mêmes méthodes brutales que
Ces objectifs sont simples : pour les USA, le Kremlin pour atteindre ses objectifs.
il s’agit de garder la mainmise sur l’Europe, Une attitude russe raisonnable serait de
car selon la doctrine Brzezinski l’Amé- constater, comme les pays européens
rique ne peut être vraiment hégémonique d’après-guerre, que le temps de leurs am-
sur l’ensemble du globe que si elle contrôle bitions rivales globales était révolu, coincés
l’Europe – et la nécessité de l’hégémonie qu’ils étaient entre deux géants soviétique
est un principe directeur de la vision straté- et américain, et que la coopération était la
gique américaine. Pour l’Amérique, donc, condition de l’autonomie. Mais les élites
l’objectif est le maintien d’un statu quo en russes n’en sont pas encore là, et la Russie
Europe. cherche encore à jouer un rôle de premier
plan, à obtenir une position hégémonique,
Actuellement, le bloc occidental représente malgré l’évidente supériorité des deux
plus de 820 millions d’habitants, et près de géants que sont les États-Unis et la Chine,
la moitié du PIB mondial. au niveau desquels elle n’est pas.

112
L’espoir de Poutine et des eurasistes réside plus simple et moins aléatoire.
dans la conquête de l’Europe, qui connaît Aujourd’hui, en Russie, le discours média-
des tensions politiques internes, et à l’in- tique est celui de l’exaltation nationaliste et
térieur de laquelle il a pu, pendant quinze de la citadelle assiégée, situation qui, en cas
ans, mettre sur pied une cinquième co- de troubles conduirait plus vraisemblable-
lonne. Elle semble donc une proie à la ment à l’aventure militaire extérieure qu’à
portée de la Russie.   Le but du Kremlin la tentative de réforme.
est de créer, en s’emparant de l’Europe, un Un calcul que le Kremlin a sans doute
bloc de 700 millions d’âmes, et combiner déjà fait, puisqu’à ce moment-là, vers
la première économie du monde, celle de 2020, le programme de réarmement russe
l’Union européenne, avec les capacités mi- sera achevé.
litaires russes, essentiellement nucléaires.
Ainsi, ce bloc eurasien aurait une écono- Par ailleurs, en 2017 se tiendront deux élec-
mie d’un volume plus important que celle tions majeures dans les pays les plus impor-
des États-Unis (ou plutôt équivalent, car il tants de l’Union européenne  : la France,
est peu vraisemblable que le Royaume-Uni avec ses élections présidentielle et législative
en ferait partie). Cela permettrait à la Rus-en mai-juin, et l’Allemagne, avec ses élec-
sie, après avoir réduit, croit-il, la puissance
tions en septembre qui pourraient porter au
américaine, de reprendre le dessus sur la pouvoir un autre chancelier, plus conciliant
Chine et d’offrir finalement à la Russie un avec la Russie qu’Angela Merkel. Vladimir
triomphe semblable à celui que connurent Poutine peut espérer tirer de ces élections
les États-Unis en 1991. une position de la Russie plus confortable
Des intérêts stratégiques simples, donc, en Europe, avec des gouvernements qui
mais radicalement antagoniques et, dans seraient complaisants envers Moscou, qui
chaque cas, perçus comme quasi-vitaux, pourrait continuer à mener sa politique de
de ceux dont on est prêt à risquer très gros subversion de l’Union européenne. L’at-
pour les préserver. tente d’avoir les résultats de ces élections
avant de tenter une aventure militaire
Ni les uns ni les autres n’ont intérêt à dé- contre l’OTAN tend à montrer qu’il n’y
clencher une guerre tant qu’ils peuvent aura pas de mouvement de ce genre avant
penser atteindre leur objectif de manière la fin de l’année 2017.

113
En outre, en 2018, doit se tenir la coupe du lorussie est annexée par la Russie.
monde de football en Russie, un événement
de prestige que Vladimir Poutine ne serait DÉCEMBRE 2017, Asie du Sud : Alors que
vraisemblablement pas enclin à sacrifier, l’Inde est en proie à l’instabilité en raison
puisqu’il devrait lui permettre d’améliorer des difficultés économiques, un nouvel
encore son image auprès des Européens, et incident de frontière avec le Pakistan
de renforcer son influence en Europe, avant entraîne une forte riposte indienne, le
de se lancer dans une guerre pour laquelle gouvernement espérant canaliser par le
il a besoin d’Occidentaux divisés. Cela re- nationalisme la grogne populaire.
pousse logiquement le début des grandes
manœuvres, donc de la première, l’invasion JANVIER 2018, Asie du Sud : L’escalade
des pays baltes, à l’automne 2018. C’est militaire indo-pakistanaise se poursuit,
pourquoi j’ai retenu cette date, attendu que les deux pays massent leurs troupes à
la Chine devrait emboîter le pas à la Rus- la frontière.
sie par opportunisme géopolitique, suivant
la logique de son expansionnisme de jeune
FÉVRIER 2018, Asie du Sud : La guerre
puissance, qui a été décrit plus haut.
éclate entre l’Inde et le Pakistan. L’Inde
envahit le Cachemire. La communauté
internationale s’inquiète d’une guerre
Voici donc la chronologie pos- nucléaire. La Chine masse ses troupes à
sible des événements de la guerre la frontière.
à venir :
MARS 2018, Asie du Sud : Prétextant
des violations de son territoire au Ca-
MAI 2017, Afrique du Nord : La Russie chemire et un incident entre les troupes
lance une opération militaire en Libye, indiennes et l’APL, la Chine entre en
afin d’y favoriser l’émergence d’un ré- guerre contre l’Inde, envahit l’Arunachal
gime prorusse et affermir son influence Pradesh et les pentes sud de l’Himalaya.
sur l’Égypte.
JUILLET 2018, Asie du Sud : L’Inde n’ayant
NOVEMBRE 2017, Europe de l’Est : La Bié- pas osé employer son arme nucléaire

114
après l’entrée en guerre de la Chine, les DÉBUT AVRIL 2019, Europe de l’Est : per-
Chinois prennent New Delhi et s’instal- cée russe de Chelm et de Jaroslaw, via
lent sur la vallée du Gange. L’ONU de- l’Ukraine.
meure sans réaction en raison du blo-
cage conjoint de la Chine et de la Russie MI-AVRIL 2019, Europe de l’Est : Les
au Conseil de Sécurité. Russes prennent Cracovie et remontent
vers Lodz, prennent Lublin et avancent
AOÛT 2018, Asie du Sud : Le gouver- sur Varsovie. Menacées d’encerclement,
nement central indien se rend et les les forces de l’OTAN se replient partiel-
Chinois tentent de mettre en place un lement sur Varsovie.
régime fantoche dans les territoires
occupés, mais les États indiens non oc- FIN AVRIL 2019, Europe de l’Est : Les
cupés refusent de le reconnaître et re- Russes ont pris Lodz et bloquent les
fusent la reddition, soutenus matérielle- renforts de l’OTAN sur la route de Var-
ment par les États-Unis. sovie depuis l’Allemagne. Les Russes
poursuivent leur avancée vers Gdansk,
menacée d’être prise en tenaille avec
OCTOBRE 2018, Europe de l’Est : La Rus-
les forces russes attaquant depuis Kali-
sie envahit les pays baltes. L’OTAN lance
ningrad. Les Russes sont aux portes du
la mobilisation de la force de réaction
sud de Varsovie.
en Pologne.
DÉBUT MAI 2019, Europe de l’Est : Les
DÉCEMBRE 2018 - FÉVRIER 2019, Europe : Russes s’emparent de Gdansk et cou-
Vaste cyberoffensive russe sur l’Europe, pent la retraite des forces de l’OTAN
conduisant à la dégradation de nom- massées dans le Nord-Est polonais. Les
breuses infrastructures, notamment en forces de l’OTAN sont encerclées à Var-
Allemagne et en Pologne. sovie.

MARS 2019, Europe de l’Est : Début des MI-MAI 2019, Europe de l’Est : Les
combats OTAN/Russie devant l’enclave forces russes en provenance de l’Est
de Kaliningrad et le corridor de Suwalki. resserrent l’étau sur Varsovie. Les forces

115
russes de contournement coupent la remberg et Francfort.
retraite otanienne et avancent sur Poz-
nan et Wroclaw. DÉBUT AOÛT 2019, océan Indien : De-
vant les exactions chinoises en Inde, les
FIN MAI 2019, Europe de l’Est : Les États-Unis décident de couper la route
forces otaniennes sont assiégées dans des hydrocarbures du Moyen-Orient
Varsovie. Les poches otaniennes dans le vers la Chine et contrôlent strictement
quart Nord-Est polonais sont réduites le trafic dans l’océan Indien.
les unes après les autres. Une partie des
forces russes se redéploie dans l’Ouest MI-AOÛT 2019, Europe de l’Ouest : Les
polonais. Russes arrivent sur la mégalopole euro-
péenne : Francfort, Cologne, Bonn, Dus-
DÉBUT JUIN 2019, Europe de l’Est : Poz- seldorf sont prises. L’Allemagne n’est
nan et Wroclaw sont prises, la route de plus en état de combattre. L’OTAN se
Berlin est ouverte. bat sur le Rhin.

FIN JUIN 2019, Europe Centrale : Les FIN AOÛT 2019, Europe de l’Ouest :
Russes sont aux portes de Berlin et de Munich et Stuttgart sont prises. Stras-
Dresde. bourg est menacée. La France, qui a
perdu l’essentiel de son matériel lourd
MI-JUILLET 2019, Europe Centrale : Ber- en Allemagne et ne voit pas arriver les
lin, Dresde et Leipzig tombent, Prague renforts américains promis, l’Amérique
est menacée. cherchant à nettoyer l’Atlantique Nord
Océan Atlantique : Les renforts amé- de la présence sous-marine russe, me-
ricains peinent à arriver en Europe à nace d’une guerre nucléaire en cas d’in-
cause du harcèlement des sous-marins trusion sur son sol.
russes en Atlantique Nord.
SEPTEMBRE 2019, Europe de l’Ouest : La
FIN JUILLET 2019, Europe Centrale : Pra- France accepte une paix séparée pour
gue se rend. Les Russes arrivent à Ham- éviter une guerre nucléaire et proclame
bourg et Hanovre, avancent vers Nu- sa neutralité. Les renforts terrestres de

116
l’OTAN ne pouvant plus être achemi- ments chinois à Kyushu. Une flotte
nés par le nord français, les Pays-Bas chinoise arrive devant Singapour. La Ma-
tombent et les Russes entrent dans laisie et les Philippines font allégeance à
Bruxelles. la Chine.
Moyen-Orient : L’Iran envahit le Qatar,
OCTOBRE 2019, Europe : L’Italie, la Grèce, les Émirats arabes unis et le Sultanat
la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie quit- d’Oman. Les navires américains dans
tent l’OTAN et concluent la paix avec l’océan Indien lancent des frappes pour
Moscou. L’Espagne, le Royaume-Uni, tenter de ralentir l’avancée iranienne.
le Portugal demeurent dans l’Alliance,
soutenus par les États-Unis. AVRIL 2020, Proche-Orient : Israël re-
pousse le Hezbollah et la Syrie. En dépit
NOVEMBRE 2019, Europe du Nord : Les
des frappes américaines, l’Iran parvient
Russes envahissent la Norvège.
jusqu’au Yémen et menace le trafic ma-
Est Asiatique : La flotte chinoise at-
ritime en mer Rouge.
taque la flotte japonaise. Les Chinois
Est Asiatique : Débarquements chinois
débarquent à Okinawa. L’armée chinoise
sur Honshu. Un assaut maritime est re-
se masse à la frontière vietnamienne.
poussé sur Guam.
Moyen-Orient : L’Iran attaque l’Arabie
Saoudite. Proche-Orient : La Turquie refuse de
quitter l’OTAN, malgré les proposi-
FÉVRIER 2020, Moyen-Orient : L’Iran tions russes de rejoindre l’OTSC. Vla-
s’empare des champs pétrolifères de dimir Poutine, inquiet de la fiabilité de
l’Est saoudien. Le Hezbollah et la Syrie la neutralité turque, craignant une fer-
attaquent Israël, soutenus par l’Irak et meture des détroits entre mer Noire et
l’Iran. Méditerranée, décide de se préparer à
Est Asiatique : Guerre de missiles entre attaquer la Turquie. Il se rapproche de
la Chine et le Japon. Les Sino-Coréens la Grèce dans la perspective d’une croi-
du Nord s’emparent de Séoul. sade orthodoxe contre la « Turquie néo-
ottomane » et la reprise d’Istanbul/
MARS 2020, Est Asiatique : Débarque- Constantinople.

117
MAI 2020, Asie du Sud : Les Chinois les Turcs.
s’installent en Indonésie. Océanie : Débarquements chinois dans
le nord de l’Australie.
JUIN 2020, Caucase : La Russie envahit
la Géorgie. SEPTEMBRE 2020, Afrique du Nord : Les
forces navales américaines bombardent
JUILLET 2020, Caucase : La Russie attaque les forces russes en Libye, renforcées en
la Turquie sans déclaration de guerre, ra- Méditerranée via Gibraltar.
pidement rejointe par la Grèce, et l’Ar-
ménie. L’Azerbaïdjan est menacé d’inva- OCTOBRE 2020, Europe Orientale : En
sion par la Russie s’il attaquait l’Arménie Turquie, l’avancée grecque et russe est
pour secourir son allié turc. arrêtée devant Bursa. Un débarquement
grec sur Izmir est repoussé. L’entrée en
AOÛT 2020, Europe Orientale : Débar- guerre de l’Iran et de l’Irak permet une
quement gréco-russe permettant de nouvelle poussée à l’est, et l’armée turque
prendre le contrôle du détroit des Dar- doit céder du terrain sur la côte Nord.
danelles. Un débarquement russe à l’est Est Asiatique : La Chine assiège Tokyo
d’Istanbul permet d’encercler la ville et progresse le long des côtes austra-
tandis que les forces russes et grecques liennes.
approchent par la rive ouest du détroit,
enfermant dans un étau un cinquième de DÉCEMBRE 2020, Proche-Orient : Dé-
la population turque. barquement américain et opérations
Caucase : Dans l’Est montagneux de la aéronavales au Yémen et dans le Sul-
Turquie, l’assaut russe depuis l’Arménie tanat d’Oman. Les aviations jorda-
et la Géorgie est bloqué par une forte nienne et israélienne prennent part à
résistance turque. des opérations contre l’Irak et l’Iran.
Proche-Orient : L’armée syrienne tente Les troupes turques pénètrent dans le
de profiter de la mobilisation de l’ar- nord de la Syrie. Les rébellions sunnites
mée turque sur ses frontières nord pour se raniment en Irak et en Syrie.
reprendre le territoire perdu lors de la Méditerranée : Les forces maritimes
guerre de Syrie, mais est repoussée par américaines en Méditerranée s’empa-

118
rent de la Crète et menacent la Grèce. MAI 2021, Moyen-Orient : Les Ira-
Les navires de la flotte russe en Mé- no-Irakiens sont repoussés jusqu’au
diterranée sont coulés ou se replient Koweït. Les Américains progressent sur
vers la mer Noire. la rive nord du golfe Persique et arri-
vent devant Bushehr.
JANVIER 2021, Europe Orientale : L’ar-
mée russe pénètre en Grèce pour s’as- JUIN 2021, Moyen-Orient : La Russie en-
surer de son maintien dans le camp voie des troupes en Iran pour contenir
russe. la progression américaine.
Afrique du Nord : Débarquements Asie du Sud : Les forces indo-améri-
américains en Libye. caines envahissent le sud du Pakistan
par l’est et l’ouest.
FÉVRIER 2021, Moyen-Orient : L’Iran est
JUILLET 2021, Caucase : La Turquie, ra-
chassé d’Oman et des Émirats arabes
vitaillée par les Américains depuis le
unis.
début de l’année, lance une série de
contre-offensives sur le front nord et
MARS 2021, Moyen-Orient : Débarque-
est.
ment américain dans le sud de l’Iran.
Asie du Sud-Est : Les Chinois sont re- SEPTEMBRE 2021, Europe Orientale : Les
jetés hors d’Australie. L’Inde débarque têtes de pont russes sur le front turc de
au Sri Lanka. la mer Noire sont repoussées par l’ar-
mée turque ; les Grecs sont repoussés
AVRIL 2021, Est Asiatique : Les frappes vers la mer.
américaines brisent le siège chinois de Mer de Chine du Sud : L’armée chinoise
Tokyo, des débarquements américains est repoussée hors du Japon. Les Amé-
rétablissent des têtes de pont dans ricains envahissent avec une grande
l’archipel nippon. Sur ce théâtre sont partie de leur flotte asiatique la mer
testées à grande échelle les nouvelles de Chine du Sud, et détruisent les unes
armes américaines : infanterie roboti- après les autres les installations mili-
sée, armures robotisées de combat. taires chinoises des Spratleys.

119
NOVEMBRE 2021, Europe Orientale : Les AVRIL 2021, Europe du Sud : Les Amé-
Turcs reprennent la rive sud du détroit ricains et les Italiens débarquent en
des Dardanelles et assiègent à leur tour Grèce.
les forces russes assiégeant Istanbul par Europe Orientale : Les Turcs parvien-
l’est. nent à briser l’encerclement par l’est
Asie du Sud : Les forces indo-améri- d’Istanbul et font prisonnier les troupes
caines s’emparent de Karachi et d’Hyde- de siège russes. Les ponts sur le Bos-
rabad. phore ayant été détruits, les forces
turques emploient l’autoroute souter-
DÉCEMBRE 2021, Europe Orientale : La raine pour se déverser sur la rive Ouest
Turquie, sous la couverture de la flotte et la moitié européenne d’Istanbul, tou-
américaine qui contrôle la mer Égée, jours assiégée.
Asie du Sud-Est : Débarquement améri-
s’empare de toutes les îles de l’est de la
cain au Vietnâm, provoquant un soulè-
mer Égée.
vement général antichinois dans le pays.
Les Philippines rejettent la suzeraineté
JANVIER 2021, Europe de l’Ouest : La
chinoise et repassent sous allégeance
France, qui a reconstitué une partie de
américaine.
son matériel, et l’Italie entrent à nou-
veau en guerre contre la Russie au côté MAI 2021, Moyen-Orient : Bagdad
des Alliés. Les Américains, qui avaient tombe aux mains des Américains et de
massé des forces en Grande-Bretagne leurs alliés saoudiens, avec l’appui d’Is-
en prévision d’un débarquement dans raël.
les Pays-Bas, transfèrent ces troupes en Caucase : La Turquie lance une offen-
France. sive pour libérer son territoire occupé
à l’Est.
MARS 2021, l’Europe de l’Ouest : Lan- Est Asiatique : Débarquement nippo-
cement d’une offensive alliée depuis le américain en Corée.
nord de la France, via la Belgique.
Asie du Sud : Les Indo-Américains arri- JUILLET 2021, Europe de l’Ouest : La Bel-
vent devant Lahore. gique et les Pays-Bas sont libérés. Ayant

120
nettoyé la mer du Nord de la présence quie s’empare de Mossoul.
russe, les Américains débarquent avec
les Britanniques en Norvège. MARS 2022, Moyen-Orient : Les Turcs
prennent Kirkouk. La coalition américa-
SEPTEMBRE 2021, Europe de l’Ouest : Les no-arabe arrive à Bagdad.
forces alliées progressent dans le nord
de l’Allemagne. L’armée française lance AVRIL 2022, Europe Centrale : Les Alliés
une autre offensive par le Rhin. lancent une offensive en Europe. Les
Europe Orientale : Les Turcs bousculent forces américaines et italiennes libèrent
les forces assiégeant Istanbul par l’ouest la Bulgarie. La Roumanie rejoint les Al-
et reprennent pleinement le contrôle liés et déclare la guerre à la Russie. Les
du Bosphore et des Dardanelles. escadres américaines et turques de Mé-
Est Asiatique : Les Américains et les Ja- diterranée pénètrent en mer Noire.
ponais libèrent Séoul à l’aide des forces Moyen-Orient : Turcs et Américains
coréennes libres. lancent une grande offensive conjointe
en Iran-Irak : les Américains percent
NOVEMBRE 2021, Europe Orientale : Les dans le désert du Lut, les Turcs descen-
Russes se retirent de la Grèce, perdue. dent vers Tabriz depuis le sud de l’Ar-
ménie et attaquent Bagdad par le nord.
DÉCEMBRE 2021, Europe de l’Ouest : Les
Alliés parviennent en Allemagne à une MAI 2022, Asie Centrale : Les Turcs
ligne Hambourg-Hanovre. prennent Tabriz.
Caucase : En Turquie, les Russes sont re-
poussés jusqu’à la frontière géorgienne. JUIN 2022, Europe Centrale : Les Alliés
Des colonnes turques pénètrent en Ar- reprennent Berlin et Prague.
ménie, prise à revers par l’Azerbaïdjan Europe du Nord : La Norvège est libé-
qui entre en guerre. La Turquie poursuit rée des Russes.
les forces iraniennes en retraite dans le Est Asiatique : Les Alliés en Asie pren-
nord de l’Irak. nent Pyongyang et avancent vers la
frontière chinoise.
JANVIER 2022, Moyen-Orient : La Tur- Les forces indiennes libres lancent une

121
double offensive sur New Delhi et Cal- DÉCEMBRE 2022, Moyen-Orient : Les
cutta. Les troupes chinoises reculent. Américains sont arrêtés devant Qom.
Asie du Sud-Est : Américains et Vietna-
JUILLET 2022, Europe Orientale : Débar- miens lancent une offensive dans le sud
quement turc en Crimée. Les troupes de la Chine.
russes en Géorgie, harcelées par les par-
tisans géorgiens, sont repoussées par JANVIER 2023, Europe de l’Est : Les Alliés
les Turcs et les Azéris. La ligne de front reprennent leur avancée en Europe, et
s’établit sur le Caucase. doublent l’offensive en Pologne d’une
Moyen-Orient : Les Turcs et leurs al- offensive en Ukraine.
liés azéris descendent vers Téhéran. Les Moyen-Orient : L’étau turco-américain
Américains arrivent devant Ispahan. se resserre sur Qom et Téhéran.
Asie du Sud : L’armée indienne re-
AOÛT 2022, Europe de l’Est : L’offen- passe le Gange et repousse les troupes
sive alliée en Europe atteint une ligne chinoises dans l’Himalaya.
Gdansk-Varsovie. La coalition indo-américaine s’empare
de Lahore.
SEPTEMBRE 2022, Europe Orientale : La
Crimée est prise par les Turcs. Seule de- MARS 2023, Europe de l’Est : Les Alliés
meure russe Sébastopol, assiégée. atteignent la frontière biélorusse et se
Moyen-Orient : L’armée turque est ar- positionnent devant Kaliningrad. Kiev
rêtée devant Téhéran, renforcée par des est libérée.
troupes russes. Asie Centrale : Les Turcs et les Azéris
débarquent au Turkménistan sur les ar-
OCTOBRE 2022, Asie du Sud-Est : Les rières des Russo-Iraniens.
Chinois sont chassés du Viêtnam.
AVRIL 2023, Europe de l’Est : Les Alliés
NOVEMBRE 2022, Europe de l’Est : Les pénètrent en Lituanie et envahissent la
troupes alliées sont bousculées en Po- Biélorussie.
logne par une contre-offensive russe. Moyen-Orient : Téhéran et Qom tom-
Les Américains prennent Ispahan. bent. Le régime iranien s’effondre. Le

122
Turkménistan se rallie à la Turquie, qui SEPTEMBRE 2023, Sibérie Orientale :
envahit la moitié Nord de l’Iran. Les Américains descendent la côte pa-
cifique russe, vers Vladivostok et la
MAI 2023, Europe de l’Est : Les Alliés ar- Mandchourie.
rivent devant Minsk. Le dispositif russe Est Asiatique : Débarquement allié à
dans les pays baltes s’effondre. Taïwan.
Asie Centrale : Les troupes turques
massées au Turkménistan font mouve- OCTOBRE 2023, Europe de l’Est : Les Al-
ment vers le nord. liés arrivent devant Smolensk.
Asie Centrale : Les Turcs pénètrent
JUIN 2023, Asie Centrale : L’armée dans le Kazakhstan et envahissent les
turque envahit l’Ouzbékistan. plaines du Nord du Caucase.

JUILLET 2023 : Les États-Unis emploient NOVEMBRE 2023, Russie : Vladimir Pou-
les nouvelles armes qu’ils ont dévelop- tine est renversé par un coup d’État mi-
pées pour frapper les principaux sites litaire. La Russie capitule.
d’armes nucléaires russes sans employer Asie Centrale : La Turquie déclare la
d’armes nucléaires. Ces frappes combi- guerre à la Chine et envahit le Xinjiang
nées avec le nouveau stade de dévelop- depuis le Kazakhstan.
pement du bouclier antimissile rompent
la parité nucléaire. DÉCEMBRE 2023, Est Asiatique : L’offen-
Des frappes sont également réalisées en sive américano-vietnamienne atteint
Chine, dont le potentiel nucléaire est Hong-Kong.
pratiquement anéanti.
Asie du Sud : L’armée indienne arrive JANVIER 2024, Chine : La Chine capitule.
devant Islamabad. Le Pakistan capitule. Victoire alliée.

AOÛT 2023, Sibérie Orientale : Les DURANT L’ANNÉE 2024 : La Russie et la


Américains débarquent en Sibérie et Chine sont démembrées, la Turquie
dans le Kamtchatka. forme la Confédération panturque.

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Cartographie :
© Philippe Fabry

Mise en page :
Violaine Bariller, l’Autre Page, Dordogne

Reproduit et achevé d'imprimer sur les


presses de l'imprimerie Laballery
à Clamecy au mois de janvier 2017
Dépôt Légal : janvier 2017
Numéro d’imprimeur : 701028

© Jean-Cyrille Godefroy 2017


www.editionsjcgodefroy.fr

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