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Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 20

AXE 2 : LE DÉFI DE LA CONSTRUCTION DE LA PAIX

Depuis le XVIIe siècle, les relations diplomatiques sont régies par le système d’équilibre des
puissances, défini lors des traités de paix de Westphalie (1648) qui mettent fin à la guerre de Trente
Ans. Ce système n’exclut pas la guerre. Au XXe siècle, la violence inégalée des guerres mondiales donne
naissance à une autre vision de la paix, fondée sur la notion de sécurité collective, aboutissant à la
création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1945.

Pourquoi et comment construire la paix entre États depuis le XVIIe siècle ?

Jalon 1/ Faire la paix par les traités : les traités de Westphalie (1648)

Contextualisation

• La guerre de Trente
Ans :
o Série de conflits armés
qui déchirent l’Europe entre
1618 et 1648.
o Due à l’affrontement
religieux entre catholiques et
protestants au sein des
possessions des Habsbourg,
notamment dans le Saint-
Empire-Romain-
Germanique : les Habsbourg,
qui détiennent le titre
impérial, se sentent menacés
par les princes protestants de
l’Empire.
o Dans ce conflit, les
Habsbourg s’opposent aux
puissances européennes
protestantes et à la France
qui, bien que catholique et
luttant contre les Protestants
sur son propre territoire,
cherche à limiter la puissance des Habsbourg.
• Les dates clés et principaux événements :
o 1618-1623 : un conflit limité à la Bohême et au Palatinat :
▪ 23 mai 1618 : défenestration de Prague : les représentants de l’empereur
germanique Ferdinand II (catholique) sont défenestrés par les représentants
des États de Bohême (protestants) : début d’une série de conflits dans
l’Empire.
▪ 8 novembre 1620 : victoire catholique de l’empereur à la Montagne Blanche.
o 1623-1635 : tentatives de restauration catholique et embrasement :
▪ 1625-1629 : intervention du Danemark aux côtés des armées protestantes.
▪ 6 juillet 1630 : Gustave II de Suède débarque en Allemagne pour soutenir les
Protestants.
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o 1635-1648 : Épuisement de la guerre et négociations :


▪ 19 mai 1635 : La France, catholique, entre en guerre contre l’Espagne,
également catholique, mais possession des Habsbourg.
▪ 1643 : début des négociations de paix.
▪ 1648 : Traités de Westphalie. Paix de Münster et d’Osnabrück mettant fin à la
guerre de Trente Ans.
• Principaux acteurs de ce conflit :
o Ferdinand II (1578-1637) : archiduc d’Autriche, puis empereur (1619-1637). Fervent
catholique, il est destitué par l’assemblée protestante de Bohême en 1618,
événement à l’origine de la guerre. Son fils et successeur Ferdinand III, battu par la
Suède et la France, doit signer les traités de Westphalie qui affaiblissent le Saint
Empire.
o Le cardinal de Richelieu (1585-1642) : premier ministre de Louis XIII, il engage la
France aux côtés des États protestants, afin de lutter contre les Habsbourg dont les
possessions menacent le royaume d’encerclement.
• Les négociations de paix sont complexes, dans la mesure où les revendications des différents
acteurs divergent sur de nombreux points :

Provinces-Unies (Pays-Bas) France Suède Princes protestants de


Le comte d’Avaux et Jean Salvius l’Empire
Abel Servien
Obtenir l’indépendance Affaiblir les Habsbourg Obtenir la Extension des libertés
face à l’Espagne Obtenir des territoires Poméranie religieuses
à l’Est de la France Restitution des biens
confisqués par l’empereur
Saint-Empire romain Papauté Espagne
germanique Nonce Contarini
Trautmannsdorff et Vomar
Lutter contre les princes Réconcilier les Lutter contre l’indépendance des Provinces-
protestants de l’Empire puissances catholiques Unies
Affaiblir la France et la Lutter contre le
Suède développement du
Protestantisme

1/ La paix de Westphalie : des négociations longues et complexes

Traitement de cette partie du jalon

• Les traités de Westphalie constituent la première négociation de l’histoire à l’échelle


européenne.
o Les parties prenantes sont nombreuses : Espagne, Provinces-Unies, France, Suède,
Saint-Empire Romain Germanique (princes et empereur, dont les intérêts divergent).
Au total, 16 États, 140 états et 38 villes composant le Saint Empire participent aux
négociations.
o Les questions à traiter sont lourdes de conséquences : paix religieuse, modifications
territoriales, structure et existence même du saint Empire.
• Les difficultés concrètes du dialogue sont nombreuses.
o Les souverains ne sont pas présents lors des négociations, qui se déroulent dans
différentes villes, ils sont représentés par des plénipotentiaires.
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o Toute conclusion officielle du traité doit donc d’abord passer par des messagers, qui
sillonnent l’Europe pendant des jours. Il faut ainsi 12 jours pour se rendre de Münster
à Paris, et un mois pour aller à Madrid.
o Les diplomates présents ne maîtrisent pas forcément les langues nécessaires, y
compris le latin, dont le caractère universel devrait favoriser les discussions.
• Le climat permanent de guerre rend les négociations complexes.
o Les soldats, bien que démobilisés, ne s’éloignent pas des champs de bataille. Devant
la longueur des négociations, et sans solde depuis la fin de la guerre, certains d’entre
eux pillent le territoire et rançonnent les habitants.
o Aussi, afin d’accélérer le processus, certains pays n’hésitent pas à couvrir de cadeaux
les négociateurs de la partie adversaire, à l’exemple de la France du cardinal Mazarin.

2/ Mettre en œuvre la paix dans une Europe en guerre

Traitement de cette partie du jalon

• Après la signature des traités, les difficultés de mise en œuvre de la paix sont nombreuses.
o Se pose d’abord la question de l’acceptation de celle-ci.
▪ La conclusion de la paix est ainsi publiée à travers l’Europe entière.
Concrètement, des crieurs parcourent les États concernés, et donne lecture
des traités. L’objectif est de diffuser la nouvelle le plus largement possible.
▪ La célébration favorise l’acceptation. De grands banquets sont ainsi
organisés. C’est le cas à Amsterdam, afin de célébrer l’indépendance des
Provinces-Unies, ou à Nuremberg, dans l’Empire, om l’héritier du trône de
Suède organise un immense banquet regroupant les anciens belligérants, afin
de sceller leur réconciliation.
o Une fois acceptée, la paix doit être maintenue.
▪ Les troupes sont licenciées selon un calendrier précis, et les places fortes
rendues à l’adversaire selon des modalités préalablement définies.
▪ Lorsqu’une ville change d’État et, par conséquent, subit l’occupation d’une
armée étrangère, les nouveaux maîtres usent de négociations afin de se faire
accepter au mieux, pour éviter une reprise des violences.

3/ Bilan : le système Westphalien : un système d’équilibre durable en Europe

Méthodologie de l’étude critique de document(s)

Titre : Le traité de Westphalie, faire la paix par un ensemble de traités

Consigne : À partir de l’analyse des documents et de vos connaissances, vous montrerez que les traités
de Westphalie favorisent la mise en œuvre d’un nouvel ordre européen et, à plus long terme, d’un
nouveau système international de règlement des conflits.

Document 1 :
« La paix de Westphalie a mis fin à la guerre de 30 ans en proposant des solutions aux problèmes liés à la religion et à
l'hégémonie, mais sans chercher à construire un système général d'obligations réciproques […] entre les États. Au final, le
système né de la paix de Westphalie n'a produit ni mécanisme consultatif, ni systèmes de conférences, ni base solide pour
une collaboration internationale régulière. […] Pourtant, Westphalie a le mérite d'avoir initié lent processus
d'institutionnalisation de l'ordre et de la stabilité du système international. Quatre institutions ont ainsi été graduellement
développées par les gouvernements européens à partir du milieu du XVIIe siècle : 1) un système d'équilibre des puissances
visant à éviter l'émergence d'un État hégémonique et à décourager les agressions ; 2) la codification des règles de
comportement par le développement du droit international ; 3) la tenue de conférences internationales régulières pour gérer
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les crises et les différends entre États ; 4) le développement de pratiques diplomatiques devant permettre aux États de
maintenir le contact entre eux pour accélérer faciliter les négociations en cas de conflit. »
Ronald HATTO, Le Maintien de la paix, l’ONU en action, Armand Colin, 2015.
Document 2 :
Conséquences territoriales Conséquences religieuses Conséquences impériales et allemandes
➢ La Suisse et les Provinces-Unies ➢ Restitutions des biens ➢ Les États allemands reçoivent la
obtiennent leurs ecclésiastiques confisqués suprématie territoriale : autorité
indépendances. durant le conflit. complète sur leur territoire,
➢ La France obtient les Trois- ➢ Extension des libertés possibilité de conclure des traités
Évêchés (Metz, Toul et Verdun), religieuses : les calvinistes avec des princes étrangers s’ils ne
Pignerol, une partie de l’Alsace. obtiennent les mêmes droits sont pas dirigés contre l’empereur
➢ La Suède reçoit la Poméranie que les luthériens et les ou le Saint Empire.
antérieure et une partie du catholiques. Les sujets sont de la ➢ Les princes, vassaux de l’empereur,
Mecklembourg. même religion que celle de leur restent investis par lui et soumis à sa
➢ Le Brandebourg reçoit la prince, mais qui n’est pas justice.
Poméranie orientale et forcément la même que celle de
l’archevêché de Magdebourg. l’empereur.
➢ La Bavière devient un électorat.
Fanny MAILLO-VIEL, Anne GASNIER, Michaël NAVARRO, Henri SIMONNEAU, Stéphane VAUTIER (Dir.) Histoire-Géographie, Géopolitique, et
Sciences Politiques, Hachette, Paris, 2020, p. 125.

N.B. : Les éléments utiles à une dissertation sont surlignés.

Le premier document proposé à l'analyse est un extrait de l'ouvrage de Ronald Hatto, intitulé Le
Maintien de la paix, l'ONU en action, publié aux éditions Armand Colin en 2015. Quant au 2nd, il s'agit
d'un tableau réalisé en 2020 qui est extrait d’un manuel de terminale consacrée à la spécialité histoire,
géographie, géopolitique, sciences politiques.
Ces 2 documents sont relatifs aux traités de Westphalie, c’est-à-dire précisément de deux traités
signés le 24 octobre 1648, dans deux villes différentes, Osnabrück et Münster. Ces derniers mettent
un terme à la Guerre de Trente Ans, (1618 –1648) qui a vu s’opposer les puissances catholiques,
Espagne et Saint Empire romain germanique (SERG), à une coalition regroupant les états protestants
allemands, les Provinces-Unies et les pays scandinaves, soutenus financièrement puis ensuite rejoints
militairement à partir de 1635, par la France. Les traités de Westphalie constituent donc le résultat de
quatre années de négociations entre la plupart des États européens, afin de parvenir à la paix, notion
qui peut être définie comme à la fois un état (celui d'absence de guerre) et un idéal (vivre dans un
monde de concorde.)
À partir de ces documents, nous verrons en quoi ce type de modalité de paix favorise la mise en
ordre d’un nouvel ordre européen et constitue-t-il un modèle de résolution de conflit à même de
définir un nouveau système international ?

Les traités de Westphalie mettent en œuvre un nouvel ordre européen.

Le grand bénéficiaire est la France, qui gagne notamment la Haute-Alsace et les trois évêchés
lorrains–Metz, Toul et Verdun–, la Décapole sans Mulhouse, ainsi que Breisach et Pignerol. Ces gains
territoriaux permettent à la France de stabiliser ses frontières vers l’Est, et de continuer à regarder
dans cette direction. En outre, la menace des Habsbourg se fait moins pressante. La Suède est
également gagnante, en prenant le contrôle des bouches de l’Oder, avec la Poméranie occidentale, de
l’Elbe et de la Weser avec Brême et Verde, ainsi que les Provinces-Unies et la Suisse dont
l’indépendance est officiellement reconnue. L’origine de la vitalité économique de ces pays au XVIIIe
siècle est donc à rechercher dans la signature de ces traités.

Les Habsbourg (particulièrement la maison d’Autriche) et l’Empire allemand, en ressortent


globalement très affaiblis par la définition d’un nouveau statut politique, véritable constitution pour
les diverses principautés allemandes. Le SERG se trouve divisé en 350 entités indépendantes qui
peuvent mener une diplomatie indépendante (à condition qu’elle ne soit pas tournée contre
l’Empereur). Les états et les villes impériales renforcent donc leur souveraineté aux dépens de
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l’empereur et ce, dans tous les domaines (religieux et civil). Leur égalité est affirmée, chacun obtenant
un siège à la Diète, seule instance habilitée à voter les impôts, à déclarer la guerre ou à signer des
traités avec d’autres états.

Enfin, au plan religieux, est confirmé le principe hérité de la paix d’Augsbourg (1555): « Cujus
regio, ejus religio» (« Le territoire de celui-ci(i.e. le prince), sa religion »), qui peut être rendu par
l’expression « Telle est la religion du prince, telle sera celle du pays », c’est-à-dire que celui qui a le
pouvoir peut imposer sa religion à ses sujets. Chaque état peut donc gérer la question religieuse,
indépendamment de la papauté qui défend l’idée d’une Europe catholique. Ces traités marquent un
double échec des puissances catholiques (Espagne et SERG) et de la papauté, en réduisant à néant les
efforts de restauration d’une monarchie universelle catholique sur le modèle romain d’une part, et de
la contre-réforme d’autre-part.

Un nouvel ordre géopolitique européen ressort donc de ces traités qui entérinent la domination
de la France en Europe et vont perdurer jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Mieux encore, ils passent à la
postérité, définissant un mode de résolution des conflits : le modèle westphalien.

Ces traités représentent un moment important dans la définition du droit international et un


tournant diplomatique.

Ronald Hatto explique ainsi que quatre grands principes ont été instaurés par les traités de
Westphalie : « 1) un système d'équilibre des puissances visant à éviter l'émergence d'un État
hégémonique et à décourager les agressions ; 2) la codification des règles de comportement par le
développement du droit international ; 3) la tenue de conférences internationales régulières pour gérer
les crises et les différends entre États ; 4) le développement de pratiques diplomatiques devant
permettre aux États de maintenir le contact entre eux pour accélérer faciliter les négociations en cas
de conflit. »

Au plan diplomatique, ils instaurent le principe fondamental de la souveraineté territoriale,


intérieure (chaque État dispose de l’autorité exclusive sur son territoire et ne peut s’immiscer dans les
affaires internes d’un autre État, y compris et surtout au plan religieux) et extérieure (aucune autorité
n’est reconnue au-dessus d’un État). Cela entraîne une règle d’égalité et d’indépendance : chaque État,
aussi petit soit-il, voit son intégrité territoriale garantie, et peut nouer les alliances qu’il désire sauf à
rechercher la suprématie.

Par ailleurs, les États se voient désormais bornés par des frontières précises, qui peuvent être
représentées sur la carte sous la forme d’une ligne nette, séparant clairement l’espace en deux, et
excluant les superpositions oules ambiguïtés des zones de transition (marges, franges, fronts).

Au niveau géopolitique, un troisième principe est recherché : celui de l’équilibre des


puissances, impliquant le rejet de l’hégémonie. Les clauses des traités doivent former le socle d’un
nouvel ordre européen passant par le maintien du statu quo et l’apaisement religieux, afin d’atteindre
le « repos de la chrétienté ». Le pivot en est la garantie et le contrôle international des équilibres dans
le SERG. Le projet d’unité impériale et chrétienne fait donc place à un système d’états indépendants
et juridiquement égaux, amenés à coopérer dans le souci commun de préserver la paix.

Enfin, ces traités marquent en effet une volonté nouvelle de réguler les conflits et d’imposer
une paix collective, en réglant d’un coup et par la négociation, des problèmes en suspens depuis parfois
fort longtemps. Les horreurs de la guerre (plus de six millions de morts en Allemagne, des régions
entières dévastées, pillées et désertées comme Magdebourg, le Palatinat, la Saxe ou la Lorraine, des
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migrations de grande ampleur et des exactions en tout genre, dont des actes de cannibalisme,
ponctuels mais avérés), semblent avoir marqué durablement les esprits des contemporains et
expliquent la recherche de nouvelles garanties pour maintenir la paix. Les clauses des traités se
trouvent ainsi définies et garanties de manière collective. Il s’agit donc là de la première des grandes
conférences internationales entre puissances rivales dont le principe s’est imposé jusqu’à nos jours.

Le modèle politique mis en œuvre avec les traités de Westphalie, se trouve au fondement aussi
bien de l’Etat moderne que du nouveau système européen. Premier traité signé par un aussi grand
nombre de puissances, il fonde un nouveau droit international public reposant sur la recherche d’une
paix durable. En privilégiant la voie d’une diplomatie affinée, Il marque le souci d’éviter la guerre, en
neutralisant l’Europe centrale, en évitant les conflits religieux internationaux et en imposant des
limites à la loi du plus fort, avec pour objectif d’établir un ordre continental, ensuite étendu au monde
entier, durable et soumis à des règles intangibles. C’est ce qui fonde le concept « d’ordre westphalien
» régulièrement utilisé de nos jours par les politologues et les dirigeants (ainsi Emmanuel Macron le
27 août 2018). Reposant sur les concepts de relations multilatérales, conduites de manière civilisée
par des états indépendants, souverains et égaux en droit, et « l’ordre westphalien » est censé favoriser
la stabilité et la mise à l’écart de la guerre, ou du moins son encadrement et sa mise sous contrôle.
Pour autant, l’usage du concept doit rester prudent, tant au vu de l’évolution des réalités
étatiques et diplomatiques depuis près de quatre siècles, que de l’évaluation de son efficience. Etape
majeure dans la volonté d’imposer les traités comme élément régulateur dans une logique de
coopération entre états, cet ordre westphalien se trouve aujourd’hui remis en cause dans un contexte
de mondialisation, par l’essor des échanges, la porosité des frontières, l’apparition d’hyperpuissances
ou l’affaiblissement régalien des états au profil d’entités supranationales. Au point de fonder ce que
l’on nomme depuis les années 1970, un monde « post-westphalien ».

Jalon 2/ Faire la paix par la sécurité collective : les actions de l’ONU sous les mandats de Kofi
Annan (1997-2006)

Contextualisation

• La Sécurité collective est un système de sécurité parmi d’autres, comme le principe de


l’équilibre des puissances qui avait marqué le système international au XIXème siècle ou celui
de la dissuasion nucléaire qui lui avait marqué les relations internationales durant la guerre
froide. Elle repose sur la perception d’une indivisibilité et d’une solidarité de la paix entre Etats.
Autrement dit, il est possible de définir la sécurité collective comme « la sécurité de tous, par
tous et pour tous ». Sa mise en œuvre suppose alors un ensemble articulé de principes,
d’institutions et de mécanismes.
• La 1ère expérience de sécurité collective est un échec puisqu’il s’agit à l’origine du système qui
a été institutionnalisé au lendemain de la Grande Guerre par la Société des Nations (SDN). Le
Pacte de la SDN est adopté le 28 avril 1919 mais ses moyens se révèlent dès les années 30’
insuffisants pour assurer à ses membres la protection et garantir la paix internationale.
• Le système de sécurité collective a ensuite été repris en 1945 par l’Organisation des Nations
unies (ONU) dont les principes sont établis par la Charte de San Francisco le 26 juin 1945.
o Le chapitre VII de la Charte donne ainsi la légalité aux interventions militaires dans le
monde tout en attribuant un rôle prépondérant aux principales puissances
victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, qui sont membres permanents du
Conseil de sécurité.
Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 26

o Cependant la guerre froide a bloqué le fonctionnement normal du conseil de sécurité


par l’utilisation du droit de véto, occasionnant le recours à des mesures extérieures
aux Nations Unies par des systèmes régionaux de sécurité (OTAN entre autres).
o Il faut attendre l’après-guerre froide pour que le conseil de sécurité retrouve une
certaine activité.
• Kofi Annan :
o Kofi Annan est né en 1938, au Ghana, alors colonisé par le Royaume-Uni. Il étudie
l’économie aux États-Unis, puis gagne la Suisse en 1962, où il débute sa carrière au
sein de l’Organisation Mondiale de la Santé, agence de l’ONU.
o Par la suite, il se rapproche progressivement du secrétariat général, occupant
différents postes administratifs, et même des opérations de maintien de la paix sous
son prédécesseur Boutros Boutros-Ghali.
o Il est élu secrétaire général de l’ONU en 1996, devenant le septième secrétaire
général de l’organisation internationale. Il commence son mandat le 1er janvier 1997,
en étant le premier secrétaire général à avoir exercé quasiment toute sa carrière à
l’ONU.
• Kofi Annan prend la tête du conseil de sécurité alors que l’ONU est en perte de vitesse, avec
néanmoins une diversification de ses missions :
o Aucune des grandes opérations de l’ONU de la première moitié des années 1990 n'a
été un plein succès et l’institution souffre de la méfiance des Etats-Unis qui lui en
contestent le pouvoir (on leur doit l’éviction de Boutros Boutros-Ghali) et le
financement.
o Pourtant, depuis la fin de la guerre froide, l’ONU a vu son rôle se renouveler et se
diversifier :
▪ Traditionnellement, les actions de l’ONU visaient à assurer la sécurité
collective et se définissaient par des opérations de maintien de la paix dite
de « première génération », qui consistaient à s’interposer entre les
belligérants avec leur consentement afin d’observer et de garantir un cesser
le feu.
▪ Des opérations dites de « deuxième génération » ont été ensuite conçues,
afin de répondre à l’essor des conflits interétatiques. Ces opérations reposent
toujours sur le consentement des parties, mais visent désormais à rétablir la
paix : démobilisation des combattants, rapatriement de réfugiés,
reconstruction économique, remise en fonctionnement du système
judiciaire, réforme de l’armée et de la police, soutien à la société civile.
Notion de « consolidation de la paix. »

Traitement du jalon

• Après une période de repli entre 1995 et 1999, le recours au maintien de la paix par les États
membres de l'ONU a été revitalisé par Kofi Annan et a connu une évolution qualitative (plus
de fonctions) et quantitative (plus de personnel et plus de missions).
• Sous Kofi Annan, on constate une explosion des opérations de maintien de la paix dans des
conflits internes au pays concerné ce qui s'explique par différentes raisons :
o L'augmentation du nombre de guerres civiles durant cette période, particulièrement
sur le continent africain.
o Le changement de considération par la communauté internationale du rapport entre
la souveraineté intrinsèque d'un État et l'intervention extérieure. Kofi Annan est en
effet l'artisan de « la responsabilité de protéger » et affirme dès 1998 que l'ONU est
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légitime à intervenir dans un État si ce dernier est incapable de protéger sa


population.
• Cependant, la géographie des opérations de maintien de la paix témoigne également des
limites de l'ONU : aucune opération de paix menées au Moyen-Orient où l’ONU est court-
circuitée par l’unilatéralisme américain.

Synthèse de l’axe

I/ FAIRE LA PAIX PAR L’ÉQUILIBRE DES PUISSANCE : LA MISE EN ŒUVRE DU SYSTÈME WESTPHALIEN
AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

A/ Les traités de Westphalie : une nouvelle conception de la paix

• Reprise des éléments essentiels du jalon sur le traité de Westphalie.

B/ Le système westphalien : un système d’équilibre durable en Europe

• Après 1648, les guerres se poursuivent en Europe.


o Elles sont principalement à l'initiative de la France de Louis XIV, qui cherche à
renverser à son profit l'équilibre hérité des traités de Westphalie. Il s'agit de la guerre
de Hollande, entre 1672 et 1678, puis de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, entre 1688
1697, et enfin de la guerre de Succession d’Espagne achevée en 1713.
o Par la suite, la Grande Bretagne sert d'arbitre entre les grandes puissances
continentales, et confirme sa suprématie à l'occasion de la guerre de 7 ans entre 1756
et 1763.
• Pour autant, les modalités mises en œuvre à l'occasion des traités de Westphalie ne sont pas
remises en cause par ces conflits. En effet, les guerres entre États s’achèvent par des congrès
de paix et la signature de traités démontre la volonté de négocier à égalité et de ne pas
rompre l'équilibre des puissances. Par exemple, la guerre de succession d'Espagne est conclue
en 1713 par le traité d'Utrecht signé entre la Grande-Bretagne, la France et l'Espagne. Il se
donne pour objectif de « stabiliser la paix et la tranquillité de la chrétienté par un juste équilibre
des puissances. » Il s'inscrit donc dans une logique westphalienne.
• La Révolution française et les conquêtes de l'empire napoléonien provoquent une rupture :
o Les guerres de la révolution introduisent un nouveau type de conflit où combat une
armée de citoyens défendant des valeurs universelles portées par une nation.
o Les conquêtes de l'empire aboutissent à une hégémonie française sur l'Europe,
remettant complètement en cause l'équilibre des puissances voulu après 1648.
• Cependant, le congrès de Vienne en 1815, qui met un terme à la période révolutionnaire et
impériale, tente de rétablir le système westphalien.
o Selon le modèle du congrès de paix inauguré en 1648, il réunit autour d'une table les
représentants des principales puissances européennes.
o En choisissant de rétablir quasiment la situation territoriale d'avant 1792, le congrès
cherche à rétablir l'équilibre des puissances rompu par la Révolution et par l'Empire.

Après 1815, L'Europe connaît une période de paix relative entre États. Le modèle
westphalien élaboré en 1648 basée sur l'équilibre des puissances obtenu par une
discussion entre états semble porter ses fruits. Cependant, la montée des nationalismes,
à l'origine de la Première Guerre mondiale, vient questionner ce modèle au début du 20e
siècle.
Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 28

II/ LE XXe SIÈCLE : LES TENTATIVES D’INSTAURATION DE LA PAIX PAR LA SÉCURITÉ COLLECTIVE

A/ La Société des Nations : un échec de la paix par la sécurité collective

1/ La Première Guerre mondiale, prise de conscience de la nécessité d’une sécurité


collective

• Le règlement de la première guerre mondiale semble s'opérer selon un modèle westphalien.


En effet, un ensemble de traités, signés à l'issue de conférences, viennent régler les questions
territoriales entre États :
o Traité de Versailles, entre la France et l’Allemagne.
o Traité de Saint-Germain-en-Laye et Trianon, qui démembre l’ancien Empire
d’Autriche-Hongrie.
o Traité de Sèvres, qui règle le sort de l’Empire ottoman.
• Cependant, ces traités sont rapidement contestés, aussi bien parmi les vainqueurs que les
vaincus. Une partie de l’opinion publique allemande dénonce le caractère inique du traité de
Versailles, l’Italie s’estime lésée par les modestes gains territoriaux, et des troubles éclatent
dans l’Empire Ottoman.

Si les modalités du règlement sont bien « westphalien », avec un congrès réunissant


des États, le principe du maintien de l’équilibre des puissances n’est pas vraiment
respecté, avec des vainqueurs cherchant à pousser loin leur avantage.

• L'importance des pertes humaines et des destructions matérielles de la guerre provoque


néanmoins un choc moral qui explique la volonté d'empêcher définitivement toute guerre
future, imposant l'idée d'un système multilatéral de sécurité collective.

2/ La création de la SDN

• Dès janvier 1918, le président des Etats-Unis W. Wilson fait connaître ses « 14 points », un
ensemble de principes redéfinissant les fondements des relations internationales dans le but
d'assurer une paix durable. Plusieurs principes sont mis en avant dans cette déclaration, dont
la création d’une « association générale des nations » capable de garantir les conditions de
la « paix du monde. »
• Le 10 janvier 1920 est fondée la Société des Nations pour garantir la sécurité collective, c'est
à dire un système international dans lequel les Etats s'engagent mutuellement à garantir la
sécurité mondiale.
• Siégeant à Genève, la Société des nations comprend plusieurs institutions :
o L'Assemblée : elle se réunit une fois par an et compte 48 membres en 1920.
o Le Conseil : il est composé de neuf membres dont cinq permanents (France, Royaume-
Uni, Italie, Etats-Unis et Japon.) Les Etats-Unis quittent la SDN en raison du refus du
Sénat américain de ratifier le traité de Versailles. Les Etats-Unis sont remplacés par la
Chine au conseil permanent. Quatre pays membre élus pour trois ans complètent ce
conseil.

3/ La SDN à l'épreuve des relations internationales

• La SDN parvient à régler de nombreuses crises internationales. Elle fait organiser des
plébiscites pour satisfaire les aspirations des populations dans les zones frontalières
contestées (Vilnius en 1922, Sarre en 1935.) L'Allemagne est même admise à la SDN en 1929 à
la suite des accords signés par les ministres des Affaires étrangères français (A. Briand) et
allemand (G. Stresemann), adhésion interprétée comme une garantie de paix.
Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 29

• Toutefois, la SDN montre rapidement son impuissance.


o Dépourvue de force armée, elle dépend des grandes puissances, attachées au
pacifisme ou à l'esprit de revanche, pour faire appliquer ses solutions.
o La SDN ne peut prévenir ni empêcher la conquête japonaise du nord de la Chine (1931-
1933), l'invasion italienne de l'Ethiopie (1935-1936) ou la remilitarisation de la
Rhénanie par l'Allemagne nazie (1936.) Ces trois Etats quittent la SDN au cours des
années 1930.

B/ L’ONU, nouvelle tentative de mise en œuvre de la notion de sécurité collective

1/ Une organisation née de la Seconde Guerre mondiale

• La naissance de l’ONU est rendue nécessaire par la violence de la guerre.


o Le bilan humain de la guerre est effroyable, avec près de 60 millions de morts dont
50% sont des civils. De plus, des millions de personnes ont été déplacées et les
déportés rentrent traumatisés.
o Au coût humain s'ajoute le coût matériel, du fait de destruction de villes, des réseaux
et des industries par les combats et les bombardements. Les capacités industrielles et
agricoles de l'Europe sont fortement diminuées, particulièrement à l'Est, et les
économies nationales sont dans un état catastrophique.
o Nouvel équilibre des puissances : le déclin de l'Europe contraste avec la prééminence
de deux nouvelles puissances, les Etats-Unis et l'URSS. Ce sont ces deux puissances qui
règlent le sort des vaincus.
• L'influence des États-Unis est à nouveau décisive. Le président américain Roosevelt reprend
dès 1942 le projet d'une organisation mondiale fondée sur la bonne volonté des nations afin
de garantir la paix, la liberté et le développement. Il veut lui donner une efficacité que n'avait
pas la SDN en y incluant toutes les grandes puissances, y compris l'URSS.
• Ainsi, la genèse de l'ONU est marquée par plusieurs étapes :
o La Charte de l'Atlantique adoptée par Roosevelt et Churchill le 14 août 1941.
o La conférence de Dumbarton Oaks en août-octobre 1944.
o Le 26 juin 1945, les représentants de 51 Etats signent à San Francisco la charte des
Nations unies qui fonde l'Organisation des Nations unies. Elle fait du maintien de la
paix le but premier de l'ONU.

2/ Principes et fonctionnement de l'ONU

• La Charte des Nations unies établit les principales institutions de l'ONU : l'Assemblée générale,
le Conseil de sécurité, la Cour internationale de justice et le Secrétariat général.
o L'Assemblée générale est un organe de délibération où chacun des Etats membres
dispose d'une voix. L'organisation repose donc sur le principe de l'égalité souveraine
de tous les Etats membres.
o L'ONU est représentée par un Secrétaire général des Nations unies. Elu pour 5 ans,
rééligible, il exécute les décisions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.
o Le Conseil de Sécurité : restreint à 11 membres, dont 5 permanents (Etats-Unis, URSS,
Chine, Royaume-Uni et France), il peut entreprendre, contrairement à la SDN, des
actions militaires contre les Etats qui attenteraient à la sécurité et à la paix
internationales.
• L'ONU dispose ainsi d'une force armée d'interposition fournie par les Etats : les Casques
bleus. Cette innovation doit permettre d'éviter les drames de l'Entre-deux-guerres et tout
nouveau conflit mondial.
Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 30

3/ L'ONU, de l'espoir à l'impuissance

• L'ONU demeure une organisation d'États. Ces derniers n'abandonnent pas leur souveraineté,
garanti par la charte. L'action de l'ONU repose donc sur l'entente entre ces États, en particulier
les grandes puissances membres permanents du Conseil de sécurité, qui y disposent d'un droit
de veto.
• L'ONU mène rapidement de multiples actions dans le monde. En 1947, elle élabore et fait
appliquer un plan de partage de la Palestine entre les communautés juive et arabe. En 1950,
l'ONU intervient en Corée pour repousser l'offensive nord-coréenne. En 1956-1957, les
Casques bleus mènent une opération de maintien de la paix, après la crise du canal de Suez.
• Cependant, dès les années 50, la guerre froide gêne le fonctionnement du Conseil de
sécurité. La bipolarité est-ouest empêche de mettre en œuvre des opérations de maintien de
la paix, qui supposent l'accord des parties prenantes au conflit, ce qui arrive très rarement.

III/ LA PAIX PAR LA SÉCURITÉ COLLECTIVE FACE À LA COMPLEXIFICATION DES CONFLITS DEPUIS 1991

A/ La fin de la guerre froide ou le renouveau du principe de sécurité collective

1/ L’activité de l’ONU dans les années 1990

• La fin de la guerre froide provoque le déblocage de l'ONU. En effet, avec la disparition de


l'URSS en 1991, les situations de blocage deviennent plus rares au Conseil de sécurité. Dès lors,
celui-ci peut davantage avoir recours à des résolutions au titre du chapitre VII de la Charte
(action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression.)
• Les guerres des années 1990 manifestent bien cette nouvelle capacité d'action et
d'application du droit international. Ainsi, la coalition internationale menée par les États-Unis
lors de la guerre du Golfe en 1990-1991 agit contre l'Irak sous mandat de l'ONU et à la suite
de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité.

2/ Limites et échecs des politiques onusiennes : l’exemple des mandats de Kofi


Annan (1997-2006)

• Reprise des éléments essentiels du jalon sur les mandats de Kofi Annan.

B/ Vers une nouvelle forme de gouvernance de l’ONU face à un monde devenu plus instable
et plus complexe

1/ L’ONU face à la complexification des conflits

• La mise en œuvre de la paix selon le modèle de la sécurité collective est menacée par de
nouveaux types de danger.
o La multiplication des guerres intraétatiques comme celle de l'ex-Yougoslavie entre
1991 et 1999 échappent à la logique de l'ONU fondée sur une conception classique
des relations internationales, celle des relations entre états.
o L'ONU manque de moyens d'actions face à la menace transnationale que représente
le terrorisme.
• L'influence de l'ONU il est également mise en péril par la politique interventionniste de
certains États. Ce fut notamment le cas en 2003 lorsque les États-Unis se lancent dans une
guerre contre l'Irak sans l'accord du Conseil de sécurité et contre l'avis de certains de leurs
alliés. Cet épisode a révélé l'impuissance de l'ONU face à l’unilatéralisme américain.
Spécialité HGGSP – Terminale – Thème 2 31

2/ La nécessaire réforme de l’ONU

• L'ONU dépend de la volonté des États et notamment des grandes puissances.


o Sa capacité d'action est contrainte par l'obligation de respecter la souveraineté des
États.
o Elle reste dépendante de l'accord des membres permanents du Conseil de sécurité de
l'ONU, le droit de veto pouvant bloquer toute initiative d'envergure. D'ailleurs, la
récente dégradation des relations entre les États-Unis et la Chine pourrait à nouveau
aboutir à une situation de blocage comme à l'époque de la guerre froide.
• La réforme du système onusien paraît donc indispensable à certains.
o Elle n'a pas pu aboutir à ce jour car le fait que l'ONU devienne une organisation
supranationale suppose un abandon de la souveraineté des États.
o De nombreux observateurs estiment qu’il faudrait élargir le Conseil de sécurité à de
nouveaux États comme l'Inde, l'Allemagne ou le Japon.
o Dans les 2 cas cela nécessiterait que les membres du Conseil de sécurité renoncent
une partie de leur puissance.

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