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Le 4 octobre 2013
Chers vous,
l'heure « syndicale » a eu le mérite de clarifier les positions, avec certes parfois l'hyperbole de la rhétorique (je m'en
couvre le chef de cendres en déchiquetant mes vêtements, en bon latiniste!).
Un mot de Romain m'amène à quelques précisions : j'en extraits deux points centraux :
– l'angle « clinique » et « thérapeutique » que j'adopte joue beaucoup trop sur la culpabilisation
– le degré de liberté que je propose d'explorer est très réduit, nous sommes sous les pressions de l'Institution.
Ces critiques font débat, y compris dans les associations de cliniciens – la critique féroce du « DSM 5 », dernier
avatar de la Bible psy, en est un des derniers épisodes-.
Je souhaite éclaircir les théories, les « visions du monde » qui s'affrontent depuis... fort longtemps. Le conflit a
émergé le plus clairement, me semble-t-il (il est plus touffu chez les Philosophes antiques... si ça vous dit je suis
intarissable là dessus, totalement excité par la chose...), en plein XVIIème siècle, dans l'opposition vivace entre
Jésuites et Jansénistes.
Pour simplifier sans trop dire d'âneries -mais cela reste caricatural... pour sourire, relisez Les Provinciales de
Pascal...- voici un tableau comparatif:
Jansénistes Jésuites
- prédestination - libre-arbitre
- injonction de suivre une Loi universelle et impérative
- possibilité de négocier « cas par cas », en relativisant
(« casuistique »)
- pensée « tragique » : « j'obéis à la Loi, même si - pensée optimiste, opportuniste, individuelle
potentiellement je suis damné depuis l'origine du
Temps »
Mais... quand la crise vient, quand l'échec est patent, alors on tombe à bras raccourcis sur le maillon qui se défend
le moins.
La position que j'ai prise dans mon courriel et à la réunion est évidemment JÉSUITE : position volontariste, pas
forcément réaliste (certains points des Jansénistes sont justes, et... quand je lis Racine*, sublime janséniste, je
pleure ! )
Bien sûr nous sommes souvent liés et contraints pas la structure, mais ce sur quoi j'insiste (la qualité d'accueil, la
Passion envers sa discipline, l'enthousiasme pour le Savoir, la joie d'échanger, la jubilation de polémiquer,
l'hédonisme de l'argumentation...) ne dépend que de nous. Et si nous sommes parfois « gris » -d'accord, j'ai
exagéré, cela dit si on nous filmait ce serait difficile de nous prendre comme symboles du plaisir de
communiquer...-, nous avons le pouvoir de reprendre la main.
Cela implique aussi, sans doute, de disposer d'un espace-temps pour canaliser « ce qui ne va pas » (au lieu de le
diluer au quotidien !) : les Institution médicales disposent parfois d'une « supervision » -je vous ai déjà envoyé un
texte là dessus...-, et certains Lycées/Collèges ont expérimenté des « arbres à palabres » pour s'épancher et trouver
ses réponses protocolaires. Je fantasme sur la salle située sous la Salle des Profs – quelle symbolique yeahhhh!-
transformée en lieu d'écoute...
Bref, tout ceci me semble possible, à la condition que vous sentiez assez, avec effroi, « le vent du boulet », le poids
de la tristesse, le souffle des cendres.
Pour ma part, tous mes « palpeurs » sont au rouge, de même qu'un patient, par mille petits détails anodins, induit
une « inquiétante étrangeté » et donc des décisions thérapeutiques de cheval.
Jean-Pierre Bénat