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Comment Les Pays Émergents Se Sont-Ils Développés Économiquement - La Perspective de L'économie Politique - RIPC - 183 - 0011
Comment Les Pays Émergents Se Sont-Ils Développés Économiquement - La Perspective de L'économie Politique - RIPC - 183 - 0011
Jean-Louis Thiébault
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Jean-Louis THIÉBAULT
L’objectif de cet article est de proposer une perspective sur les différents
types de politique économique qui ont jalonné le processus de développe-
ment des pays qu’on appelle maintenant les « pays émergents ». Durant ces
dernières décennies, ces pays ont connu des transformations politiques et
économiques d’une ampleur exceptionnelle. Dans le domaine politique, la
transformation la plus remarquable a été le processus de transition de l’auto-
ritarisme vers la démocratie, même si cette tendance n’est pas universelle 1.
Le changement économique n’a pas été moins remarquable. Beaucoup de
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1. HAGGARD S., KAUFMAN R., The Political Economy of Democratic transitions, Princeton, Prin-
ceton University Press, 1995.
2. HAGGARD S., op. cit., 1990 ; HAGGARD S., KAUFMAN R., op. cit., 1995.
DOI: 10.3917/ripc.183.0011
12 Jean-Louis THIÉBAULT
3. KOHLI A., « State, Society, and Development », in KATZNELSON I., MILNER H., (eds), State
of the Discipline, New York, W.W. Norton, 2002 ; MIGDAL J.S., KOHLI A., SHUE V., (eds), State
Power and Social forces. Domination and tTransformation in the Third World, Cambridge, Cambridge
University Press, 1994.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 13
7. BOISSEAU DU ROCHER S., L’Asie du Sud-Est prise au piège, Paris, Perrin, 2009.
8. FONT M., Coffee, Contention and Change in the Making of Modern Brazil, Cambridge, Mass.,
Basil Blackwell, 1990.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 15
nes comme les Parsis, les Banyas, les Marwaris, les Jaïns ou les Chettiars
ont pris peu à peu l’ascendant économique sur les colonisateurs. On a
estimé qu’ils contrôlaient 70 % de l’économie indienne à la veille de
l’indépendance 9.
9. BOILLOT J.-J., L’économie de l’Inde, Paris, La Découverte, collection Repères, n°443, 2006.
10. GAÏDAR E., La chute de l’empire soviétique, Paris, Eyrolles, 2010 ; BROWN A., SHEVTSOVA
L., (eds), Gorbachev, Yeltsin and Puti, Washington DC, Carnegie Endowment for International Peace,
2001 ; McFAUL M., Russia’s Unfinished Revolution : Political Change From Gorbachev to Putin,
Ithaca, Cornell University Press, 2001 ; HOUGH J.F., Democratization and Revolution in the USSR,
Washington DC, Brookings Institution, 1997 ; Brown A., The Gorbachev factor, Oxford, Oxford Uni-
versity Press, 1996 ; DALLIN A., LAPIDUS G.W., (eds), The Soviet System : From Crisis to Collapse.
NY, Westview Press, 1995 ; RENMICK D., The Last Days of the Soviet Empire, NY, Viking, 1993.
16 Jean-Louis THIÉBAULT
grands principes du modèle stalinien de l’époque ont été adaptés aux tradi-
tions du communisme chinois et à la situation du pays. À ce modèle planiste
de type soviétique a succédé le modèle maoïste qui s’accentua à deux
reprises : pendant le Grand Bond en Avant 11 et pendant la Révolution
Culturelle 12. La Chine, sous l’influence de Mao Tse-toung, a radicalisé son
projet transformateur. La caractéristique fondamentale du modèle maoïste
a résidé dans la découverte par Mao Tse-toung que la création de la société
communiste ne dépendait pas d’un développement économique préalable,
mais de la volonté des hommes. En 1976, l’échec et la mort de Mao Tse-
toung ont mis fin à ce type de modèle de développement 13.
11. DOMENACH J.-L., Aux origines du Grand Bond en Avant. Le cas d’une province chinoise
(1956-1958), Paris, Éditions EHESS et Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1982.
12. MacFARQUHAR R., SCHOENHALS M., La dernière révolution de Mao. Histoire de la révolu-
tion culturelle, Paris, Gallimard, 2009.
13. DOMENACH J.-L., « La Chine ou les tribulations du totalitarisme », in GRAWITZ M. et
LECA J., (dir), Traité de science politique, Paris, PUF, 1985, tome 2.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 17
selon des clivages du centre contre les régions et des élites contre les mas-
ses. Il existait ainsi des tendances à la fragmentation politique, qui ont limité
la capacité de l’État brésilien à mobiliser les ressources internes pour le
développement économique et à laisser souvent le pays sous la dépendance
des acteurs et des ressources étrangers pour son développement. L’alliance
étroite entre l’État et le capital étranger a ainsi été une source importante à
la fois de force et de faiblesse pour le développement industriel du Brésil16.
Après la Seconde Guerre mondiale, ce type de stratégie autonome de
développement économique a fait l’objet d’un large consensus. Sous
l’influence de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique
latine), une émanation des Nations Unies créée en 1948 pour coordonner
le développement économique des pays d’Amérique latine, c’est l’ensem-
ble de ces pays qui ont mis en œuvre ce type de politique économique.
L’Argentin Raul Prebisch et le Brésilien Celso Furtado furent les deux plus
grands représentants de ce courant de pensée.
À partir des années 1960, les pays latino-américains ont été fortement
influencés par la volonté des États-Unis d’empêcher les révolutions com-
munistes, surtout à la suite de la révolution cubaine de 1969. Le résultat fut
la tentative, et l’échec dans la plupart des cas, d’une réforme économique
modérée, mise en œuvre par des gouvernements centristes, comme Arturo
Frondizi (président de 1958 à 1962 et renversé par les militaires en 1962) en
Argentine, Janio Quadros (président entre janvier et août 1961 et démis-
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22. STEPAN A., (ed), Democratizing Brazil : Problems of Transition and Consolidation., Oxford,
Oxford University Press, 1989 ; SACHS J.D., (ed), Developing Country Debt and the World Economy,
CHICAGO, CHICAGO UNIVERSITY PRESS ; NELSON J., (ed), Economic Crisis and Policy
Choice : The Politics of Adjustment in the Third world, Princeton, Princeton University Press, 1990 ;
HAGGARD S., KAUFMAN R., op. cit., 1995.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 21
ser des mesures d’austérité ont rencontré une forte opposition à l’intérieur
de l’armée, ainsi que des milieux d’affaires et des syndicats. Le gouverne-
ment n’a pas réussi à satisfaire les conditions posées par le programme avec
le FMI négocié à la fin de 1982 23.
En Argentine, les divisions à l’intérieur de l’armée ont été plus pronon-
cées. Une junte militaire a gouverné l’Argentine à partir du coup d’État du
24 mars 1976 et jusqu’au 10 décembre 1983. Le général Jorge Videla a
imposé une dictature militaire avec beaucoup de brutalité à l’égard des dif-
férentes oppositions. Mais il céda la présidence de la junte au général
Roberto Viola en mars 1981 à la suite de tensions au sein de la junte mili-
taire, insatisfaite de l’incapacité du général Videla de stabiliser la situation
économique. Le général Viola, partisan d’une ligne moins dure, déclencha
une ouverture partielle. Mais les déboires économiques et les perspectives
d’ouverture ont trop inquiété les dirigeants militaires, de telle façon que le
général Viola fut obligé de quitter son poste en décembre 1981. Il a été rem-
placé à la tête de la junte par le général Leopoldo Galtieri. Il a lui aussi été
obligé de démissionner en juin 1982, à la suite de l’échec de la guerre des
Malouines. Son remplaçant, le général Reynaldo Bignone, est resté à la tête
de la junte de juillet 1982 à décembre 1983. Particulièrement en raison de
la situation économique catastrophique, il reçut de la junte la charge de
mener la transition vers la démocratie et de restituer le pouvoir politique aux
civils24. Les faiblesses des gouvernements militaires ont donc souvent com-
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23. SKIDMORE T., The Politics of Military Rule in Brazil, 1964-1985, New York, Oxford University
Press, 1988 ; KOHLI A., op. cit., 2004.
24. LEVITSKY S., MURILLO M.V., (eds), Argentine Democracy : The Politics of Institutional
Weakness, University Park, Pennsylvania State University Press, 2005.
25. HARTLYN J., MORLEY S., (eds), Latin American Political Economy : Financial Crisis and Poli-
tical Change, Boulder, Col. Westview Press, 1986 ; HAGGARD S., KAUFMAN R., op. cit., 1995.
26. SUBRAMANIAN A., India’s Turn. Understanding the Economic Transformation, New Delhi,
Oxford University Press, 2008.
22 Jean-Louis THIÉBAULT
Les pays de l’Asie de l’Est et du Sud-Est ont suivi un autre type de dévelop-
pement basé sur une stratégie d’exportation. Ce sont d’abord quatre pays,
considérés comme les pays nouvellement industrialisés (« newly industria-
lizing countries », NIC) (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong)
qui ont convergé vers un chemin de croissance basé sur l’exportation des
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30. BOUTEILLER É., FOURQUIN M., Le développement économique de l’Asie orientale, Paris, Éd
La Découverte, collection Repères, 2001.
31. JOHNSON C., MITI and the Japanese Miracle. The Growth of Industrial Policy, 1925-1975, Stan-
ford, Ca, Stanford University Press, 1982.
32. EVANS P., Embedded Autonomy : State and Industrial Transformation, Princeton UP, 1995 ;
HAGGARD S., op. cit., 1990 ; WADE R., Governing the Market : Economic Theory and the Role of
Government in East Asian Industrialization, Princeton UP, 1990 ; AMSDEN A., Asia’s Next Giant :
South Korea and Late Industrialization, Oxford UP, 1989 ; WOO-CUMINGS M., The Developmental
State, Cornell UP, 1999 ; KOHLI A., op. cit., 2004.
33. BOISSEAU DU ROCHER S., op. cit., 2009.
24 Jean-Louis THIÉBAULT
38. CHENG T., HAGGARD S., (eds), Political Change in Taiwan, Boulder, Col. Lynne Rienner,
1991 ; AMSDEN A., op. cit., 1985, 78-106.
39. BOISSEAU DU ROCHER S., op. cit., 2009.
26 Jean-Louis THIÉBAULT
40. DOMENACH J.-L., Où va la Chine ?, Paris , Fayard, 2002 ; DOMENACH J.-L., op. cit., 1985,
tome 2.
41. BÉJA J.-P., HUCHET J.-F., « Vingt-cinq ans de réforme en Chine : révolution économique, con-
servatisme politique », in Esprit, février 2004.
42. ZHAO S., « Deng Xiaoping’s Southern Tour : Elite Politics in Post-Tiananmen China », in Asian
Survey, vol. 33, n°8, 1993, p. 739-756.
43. BÉJA J.-P., « Crise sociale endémique et renforcement de la dictature en Chine populaire », in
Esprit, décembre 2001.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 27
50. POP-ELECHES G., From Economic Crisis to Reform. IMF Programs in Latin America and Eas-
tern Europe, Princeton, Princeton University Press, 2009 ; VREELAND J., The IMF and economic
development, Cambridge, Cambridge University Press ; REMMER K., « The Politics of Neo-Liberal
Economic Reform in South America, 1989-1994 », in Studies in Comparative International Develop-
ment, vol. 33, n°2, 1998, p. 3-29.
51. HAGGARD S., KAUFMANN R., (eds), The Politics of Economic Adjustment : International
Constraints, Distributive Conflicts and the State, Princeton, Princeton University Press, 1992, avec des
articles de Barbara Stallings, Miles Kahler, Peter Evans, John Waterbury, Joan Nelson.
52. GUIDOTTI P., POWELL A., « The Dollarization Debate in Argentina and Latin America », Wor-
king paper, april 2002.
53. TREISMAN D., « Stabilization Tactics in Latin America. Menem, Cardoso, and the Politics of Low
Inflation », in Comparative Politics, vol. 32, n°4, 2004, p. 399-419.
30 Jean-Louis THIÉBAULT
son retard par rapport à l’Asie et au monde industrialisé, tandis que la pau-
vreté demeurait. Malgré de profondes réformes, la croissance n’a pas suivi.
En Inde, le système économique mis en place par Nehru et Indira Gandhi
a, lui aussi, connu des difficultés. En juin 1991, l’Inde découvrait qu’elle
n’avait presque plus de réserves de changes. La consommation augmentait,
l’investissement aussi, mais le secteur public restait gros consommateur de
subventions, et la dette s’est envolée. L’accélération de la croissance ne
pouvait pas se faire avec une dérive budgétaire de plus en plus incontrôlée,
et l’ouverture commerciale était trop faible 54. Le gouvernement a décidé de
suivre les préceptes que lui soufflait le FMI. Le véritable décollage s’est
alors produit. Les élections législatives de mai 1991 ont ramené au pouvoir
le parti du Congrès, mais avec un gouvernement minoritaire, conduit par
Narasimha Rao. Celui-ci a confié le ministère des finances à un économiste
réputé, Manmohan Singh, avec pour objectif d’arrêter la crise et d’entre-
prendre toutes les réformes nécessaires à la sortie de la crise des paiements
et au rétablissement de la croissance. Celui-ci décidait rapidement de sup-
primer les contrôles administratifs, de libéraliser le commerce, de limiter le
domaine du secteur public de dix-huit industries à trois (défense, transport
ferroviaire et énergie nucléaire), de privatiser, d’ouvrir la porte aux entrepri-
ses multinationales, d’abaisser les barrières douanières. Le gouvernement a
créé douze « zones économiques spéciales », à fiscalité réduite selon le
modèle chinois, dont l’une à Bangalore, qui est devenue une Silicon Valley
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57. ÄSLUND A., How Russia Became a Market Economy, Washington DC, Brookings Institution
Press, 1995.
58. KATEB A., Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRICs changent le monde ?, Paris,
Ellipses, 2011.
32 Jean-Louis THIÉBAULT
mateurs 59. Les classes moyennes naissantes ont été « décimées » dans de
nombreux pays. En Amérique latine, on parle encore de la décennie 1980
comme de la « décennie perdue », avec une perte du revenu par habitant
allant jusqu’à 30 % dans certains pays. Le consensus autour de ces politi-
ques s’est terminé avec les échecs économiques et politiques de Carlos Sali-
nas de Gortari (président de 1988 à 1994) au Mexique, de Carlos Menem
(président de 1989 à 1999) en Argentine, et d’Alberto Fujimori (président
de 1990 à 2000) au Pérou. Malgré l’effet récessif associé à la plupart des
mesures du « consensus de Washington », ce paradigme n’a pourtant pas
été abandonné. Bien au contraire, à la fin des années 1980 et au début des
années 1990, la transition vers l’économie de marché des anciennes démo-
craties populaires de l’Europe de l’Est et des anciennes républiques de l’URSS
allait permettre aux organisations financières internationales d’étendre leur
champ d’action à une nouvelle zone « émergente ».
La politique de libéralisation financière a dirigé une masse considérable
de capitaux vers les pays émergents d’Asie, d’Amérique Latine et d’Europe
de l’Est. Les flux de capitaux privés vers les pays émergents ont ainsi connu
un spectaculaire accroissement dans la première moitié des années 1990.
Une part importante de ces flux était constituée d’investissements directs
étrangers (IDE). Mais la dynamique relativement stable des flux d’IDE ne
reflète pas la volatilité de tous les flux de capitaux dirigés vers les pays
émergents. La caractéristique la plus marquante de la libéralisation finan-
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multipliées dans les pays émergents à la fin des années 1990 et au début
des années 2000 (Mexique, 1995 ; Asie de l’Est et du Sud-Est 1997-1998 ;
Brésil 1999 ; Argentine 2002) 62.
On a assisté à une contagion en chaîne. La crise s’est étendue à beaucoup
de pays émergents, qui ont connu des difficultés économiques et financières
croissantes. Les capitaux qui avaient été massivement investis dans ces pays
émergents les ont quittés. Ce flux financier a eu pour effet de dégonfler les
bourses des pays émergents. De tels retournements soudains des flux de
capitaux privés sont intervenus dans beaucoup de pays émergents. Ces capi-
taux privés étaient des capitaux placés à court terme, ce qui signifiait qu’ils
étaient prêts à fuir les pays instables. On parlait ainsi d’« économie-casino ».
Comme les places financières étaient de plus en plus connectées financière-
ment, l’effondrement d’une économie se propageait très vite. C’était l’« effet
domino » que seule une intervention financière massive des institutions
financières internationales a pu permettre d’enrayer. Mais cette intervention
n’a eu lieu que lorsque les risques de contagion régionale et les menaces sur
les finances mondiales ont été jugés suffisamment importants pour justifier
l’apport massif de capitaux.
Ces crises ont donc été particulièrement violentes. Crise financière au
début, la tourmente est devenue boursière avant de devenir économique. La
panique a atteint l’ensemble des secteurs et des pays en Asie et en Amérique
latine. D’économique, la crise est ensuite devenue sociale et politique. Les
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62. PEMPEL T.J., (ed), The Politics of the Asian Economic Crisis, Ithaca, Cornell UP, 1999 ;
HAGGARD S., The Political Economy of the Asian financial Crisis, Washington DC, Institute for Inter-
national Economics, 2000 ; HAGGARD S., « The Politics of the Asian Financial Crisis », in Journal of
Democracy, vol. 11, n°2, 2000 ; HAGGARD S., « Politics, Institutions, and Globalization : The After-
math of the Asian Financial Crisis », in The American Asian Review, vol. 19, n°2, 2001 ;
HAGGARD S., JONGRYN M., « The Political Economy of the Korean Financial Crisis », in Review of
International Political Economy, vol. 7, n°2, 2001.
63. KATEB A., op. cit., 2011.
34 Jean-Louis THIÉBAULT
64. World Bank, « The East Asian Miracle : Economic Growth and Public Policy », in A World Bank
Policy Research Report, september 1993.
65. SACHS J., « IMF Orthodoxy isn’t what Southeast Asia Needs », in International Herald Tribune,
november 4, 1997 ; STIGLITZ J., « Entretien avec Pascal Riché », in Libération, 25 juin 1999 ;
THUROW L., « La crise financière asiatique : un regard américain », in Esprit, mai 1998, p 9-28 ;
GOLDSTEIN M., The Asian Financial Crisis, Washington DC, Institute for International Economics,
1998 ; KRUGMAN P., « The Myth of Asia’s Miracle », in Foreign Affairs, november 1994.
66. ZLOTOWSKI Y., « L’économie et la société russes après le choc d’août 1998 : rupture ou
enlisement ? », in Les Études du CERI, n°51, 1999 ; ZLOTOWSKI Y., « La crise des paiements en Rus-
sie, expression d’un consensus social ? », in Les Études du CERI, n°43, 1998.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 35
67. FELDSTEIN M., « Argentina’s Fall : Lessons From the Latest Financial Crisis », in Foreign
Affairs, march-april 2002 ; HAUSMANN R., « A Way out for Argentina : The Currency Board Cannot
Survive Much Longer », in Financial Times, october 30, 2001 ; SGARD J., « Le principal, l’agent et
l’évaluateur : comment expliquer l’échec du FMI en Argentine ? », in Critique Internationale, n°27,
2005. Voir aussi : LEVITSKY S., MURILLO M.V., op. cit., 2005.
68. AKYÜZ Y., BORATAV K., « The Making of the Turkey Financial Crisis », Paper prepared for a
conference on « Financialization of the Global Economy », PERI, University of Massachussetts,
decembeR 7-9, 2001, Amherst, Mass.)
69. KATEB A., op. cit., 2011.
70. Voir les thèses de STIGLITZ J.., Contre la mondialisation et la libéralisation incontrôlée des mar-
chés de capitaux, dans La grande désillusion, Paris, Le Livre de Poche, septembre 2003. Voir aussi
HIBOU B., « Banque mondiale : les méfaits du catéchisme économique. L’exemple de l’Afrique
subsaharienne », in Esprit, août-septembre 1998, p 98-140 ; SCHMID L., « L’Algérie et le Fonds
monétaire international », in Esprit, août-septembre 1998, p. 141-144 ; CORDET-DUPOUY A.,
FALCOZ V., « La Banque mondiale et les changements à l’Est », in Esprit, août-septembre 1998,
p. 145-157 ; LANDAU J.-P., « Premières leçons de la crise asiatique », in Esprit, août-septembre 1998,
p. 158-171 ; KISSINGER H., « Le FMI a fait plus de mal que de bien », in Le Monde, 15 octobre 1998 ;
STERN B., « Le FMI, pompier arrosé », in Le Monde, 11-12 octobre 1998.
36 Jean-Louis THIÉBAULT
71. Meredith Jung-en Woo, Neoliberalism and Institutional Reform in East Asia, NY, Palgrave-Mac-
millan, 2007, 304 p)
72. MacINTYRE A., « Political Institutions and the Economic Crisis in Thailand and Indonesia », in
PEMPEL T.J., (ed), Politics of the Asian Economic Crisis, Ithaca, Cornelle University Press, 1999.
73. SGARD J., op. cit., 2005.
Comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ? 37
période protectionniste, que pendant les années 1990, période pourtant très
riche en réformes. La théorie postulait qu’il fallait réformer pour relancer la
croissance. Les réformes ont été faites et les résultats ont été décevants 74.
En revanche, la Chine n’a pas suivi les politiques néo-libérales. La Chine
a introduit des réformes économiques durant les années 1980, mais sa stra-
tégie de réforme a été particulière 75. Deng Xiaoping a tenté de mettre en
œuvre des réformes économiques sans réformes politiques. À la fin des
années 1980, la stratégie chinoise de réforme économique sans réforme poli-
tique a bien fonctionné. Le succès économique de l’expérience de réforme de
l’économie chinoise est surprenant parce que les institutions politiques
communistes sont habituellement considérées comme rigides et hostiles à
l’innovation. Pourtant, Deng Xiaoping a décidé de garder les règles du jeu
et d’adopter une stratégie politique de la réforme économique 76.
Les particularités du système chinois expliquaient la stratégie suivie. En
Chine, l’autorité politique et économique était décentralisée et faiblement
institutionnalisée. Le modèle stalinisme d’économie centralement planifiée
n’était pas profondément enraciné en Chine. Le contrôle central sur la vie
économique n’a jamais été très étendu et efficace. Le parti et l’administra-
tion étaient favorables à la réforme économique 77.
En Chine, la particularité la plus importante du système chinois a été le
pragmatisme affiché sur la voie de la réforme à partir de 1979. La Chine a
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acquis. Mais les réformes en Chine n’ont pas été sans pièges. De manière
spécifique, le gouvernement chinois a été lent à construire les institutions du
marché.
En effet, les politiques de réforme économique sont intervenues à travers
les mêmes institutions administratives autoritaires qui existaient en Chine
depuis les années 1950. La trajectoire des réformes économiques chinoises
a été établie par décision consensuelle. Des éléments de concurrence ont été
introduits graduellement et ajoutés par la planification centrale, en prolon-
geant la période de transition de l’économie planifiée à l’économie de mar-
ché. Le dynamisme de la croissance du secteur non étatique a mis une
pression concurrentielle sur les entreprises publiques et les fonctionnaires
gouvernementaux responsables pour elles. La « réforme économique de style
chinois » (comprenant un système de contractualisation particulière, un sys-
tème de double trajectoire combinant le marché et le plan, la décentralisation
aux gouvernements locaux, la décollectivisation agricole, la stimulation du
secteur non public et des zones spéciales pour l’investissement étranger) a été
une formule gagnante. La notion trop simple que les administrations com-
munistes étaient tellement liées à la planification centrale qu’elles blo-
quaient toutes les tentatives de changement était donc fausse 79.
Parmi les pays émergents, le Brésil et l’Inde étaient les mieux placés
pour s’en sortir, peut-être parce que ces deux pays ne sont pas de grands
pays exportateurs. Au Brésil, le gouvernement a, pendant un certain temps,
à la fin de l’année 2008, cru que la croissance de l’économie brésilienne
était indépendante du soubresaut financier déclenché dans les pays occiden-
taux. Mais, en mars 2009, la croissance du produit intérieur brut a chuté. La
production industrielle a fortement baissé. Les licenciements se sont multi-
pliés. La pauvreté a augmenté. En quelques mois, l’effondrement du système
financier international a déséquilibré la balance des paiements brésilienne.
Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a présenté, le 29 mars
2010 à Brasilia, un ambitieux plan d’investissements de 660 milliards d’euros
sur six ans, essentiellement financé sur fonds publics, mais aussi privés. Les
grands travaux d’infrastructures de ce « Programme d’accélération de la
croissance » (PAC) étaient destinés à moderniser le pays et à soutenir des
perspectives économiques déjà prometteuses. Au début de son second man-
dat, en janvier 2007, le président Lula avait lancé le premier volet du pro-
gramme, doté de 100 milliards d’euros sur 2007-2010. Les grandes lignes
du deuxième programme définissaient plusieurs secteurs prioritaires, comme
l’énergie (en raison de la découverte de réserves de pétrole dans les profon-
deurs de l’Océan Atlantique), l’habitat et les transports (pour l’accueil de la
Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques d’été de 2016).
Le deuxième programme était prévu pour s’étaler de 2011 à 2014, soit
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revers de cette croissance est qu’elle a été peu partagée. L’« Inde brillante »
(« Shining India ») s’est développée à côté de l’Inde traditionnelle, pay-
sanne et pauvre : 35 % du 1.1 milliard d’Indiens vivent avec moins d’un
dollar par jour, 24 % sont touchés par la malnutrition. Le Parti du Congrès,
revenu au pouvoir en mai 2004 avec les gauches comme alliés, entendait
s’occuper en priorité des oubliés de la croissance. Mais le pari n’était pas
simple. Les goulets d’étranglement sont nombreux : dépendance énergéti-
que, retard criant des infrastructures de transports (routes, ports, aéroports),
mais aussi inefficacité du système de formation, malgré les efforts qui y
sont consacrés. Ces dernières années, la croissance annuelle indienne attei-
gnait en moyenne 8,2 %. C’est notamment le ralentissement de la crois-
sance du commerce extérieur, faute d’infrastructures suffisantes, qui
inquiète New Delhi. Dans un État fédéral comme l’Inde, les projets doivent
obtenir l’aval du gouvernement régional, central et parfois des investisseurs
privés. Une lourdeur administrative qui allonge souvent les délais 83. La
structure fédérale multiplie les lieux de décision, freine toujours, paralyse
trop souvent. L’appel aux investissements étrangers s’accommode mal d’une
politique qui demeure partiellement protectionniste (dans le commerce par
exemple) et nationaliste.
Toutefois, le gouvernement indien a été capable de prendre rapidement
toute une série de mesures de relance au début de la crise économique et
financière. Le gouvernement indien a lancé plusieurs plans de relance de
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44 Jean-Louis THIÉBAULT
leur étaient propres, pour surmonter la crise. Les gouvernements de ces pays
ont su utiliser les armes budgétaires et monétaires au bon moment. Le sti-
mulus budgétaire de la Chine a été le plus spectaculaire, mais beaucoup de
gouvernements des pays émergents ont aussi été capables de baisser les taux
d’intérêt et d’augmenter les dépenses. L’activisme des gouvernements per-
mettait d’expliquer pourquoi les grandes économies émergentes solvables
ont pu se redresser rapidement. C’est pourquoi certains ont parlé d’un retour
de l’État.
En effet, l’État a continué à jouer un rôle important en matière financière
et en matière économique. D’abord, dans les pays émergents, l’État joue un
rôle dans la canalisation de l’épargne nationale et dans l’orientation de cette
épargne vers le financement à long terme de l’économie. L’État et les col-
lectivités locales restent directement actionnaires des plus grandes banques.
En Chine, les quatre grandes banques publiques (Industrial and Commercial
Bank of China, Agricultural Bank of China, Bank of China, China Construc-
tion Bank) détiennent la moitié des actifs bancaires du pays et collectent
plus de la moitié des dépôts bancaires des entreprises et des ménages. Ces
grandes banques entretiennent des relations privilégiées avec les autorités
politiques. À côté d’un secteur bancaire dominé par l’État, l’intervention de
l’État en matière industrielle est le second pilier du modèle économique en
place dans les pays émergents. La priorité des gouvernements des pays
émergents est de faire apparaître des champions nationaux, ayant une taille
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