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Disciple du Christ, un thème central de l’Evangile de Marc

Marc, son Evangile et les chrétiens de Rome

Marc n’est pas l’un des douze apôtres, qui ont suivi Jésus pendant son ministère terrestre. Il a écrit son
Evangile d’après les indications de Pierre, son père spirituel (1 Pierre 5.13) entre 64 et 67.

Il s’adresse à une Eglise à Rome, d’origine païenne surtout, socialement pauvre. Il encourage ces
chrétiens à garder un témoignage fidèle et courageux au Christ dans un temps de persécution et de
souffrances.

Le 19 juillet 64, Néron avait incendié Rome pour faire place nette et embellir la ville par de nouvelles
constructions. Il en avait accusé les chrétiens. Plusieurs centaines furent livrés aux bêtes ou transformés
en torches vivantes sur des croix. Paul et Pierre furent mis à mort dans les années suivantes.

Vivre en disciple du Christ, le suivre est un thème central, particulièrement brûlant dans ce contexte.
Marc le traite avec réalisme, sans en atténuer les difficultés et les risques.

Plan de l’Evangile de Marc

La première moitié de l’Evangile de Marc (1-8.26) raconte le ministère itinérant de Jésus en Galilée. Elle
souligne ses miracles, en particulier au bénéfice des gens.

La deuxième partie (8.27-16.8), sur la route vers Jérusalem, se concentre sur la formation des disciples,
avec l’annonce de la passion.

Au centre des 16 chapitres, Marc 8.27-38 est un point tournant du récit.

Jésus s’en alla, avec ses disciples, dans les villages de Césarée de Philippe, et il leur posa en chemin cette
question : Qui suis-je aux dires des hommes ?

Ils répondirent : Jean-Baptiste ; les autres, Elie, les autres, l’un des prophètes.Et vous, leur demanda-t-il,
qui dites-vous que je suis ? Pierre lui répondit : Tu es le Christ. Jésus leur recommanda sévèrement de ne
dire cela de lui à personne.
Alors il commença à leur apprendre qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté
par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite
trois jours après.

Il leur disait ces choses ouvertement. Et Pierre, l’ayant pris à part, se mit à le reprendre. Mais Jésus, se
retournant et regardant ses disciples, réprimanda Pierre, et dit : Arrière de moi, Satan ! car tu ne conçois
pas les choses de Dieu, tu n’as que des pensées humaines.

Puis, ayant appelé la foule avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce
à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra,
mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera.

Et que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? Que donnerait-il un homme en
échange de son âme ? Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération
adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura aussi honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son
Père, avec les saints anges.

Comprendre qui est le Christ et le but de sa venue sur terre

Pour la première fois, Jésus interroge ses disciples sur sa personne (8.27). Pierre confesse clairement la
dignité messianique du Seigneur (8.29). Le Christ annonce alors le but de sa venue sur terre – ses
souffrances sa mort et sa résurrection (Mc 8.31).

Il corrige la fausse compréhension de Pierre, (8.32-33). Il précise ce que signifie et à quoi conduit
l’engagement à le suivre (8.34-38).

Modèle « Annonce de la passion, incompréhension des disciples, précisions par Jésus » répété trois fois

Ce modèle « Annonce de la passion, incompréhension des disciples, précisions par Jésus » va se répéter
deux fois encore, c’est à dire trois fois dans les chapitres 8 à 10.
Au début de la section, (8.22-26) l’aveugle de Bethsaïda en Galilée est guéri en deux temps ; à la fin
(10.46-52), Bartimée de Jericho suit Jésus vers Jérusalem.

Deux symboles. Comme l’aveugle de Bethsaïda, les disciples ont les yeux ouverts sur la vérité, mais pas
entièrement. Il comprendront en partie seulement jusqu’à la résurrection. Bartimée, lui, représente le
disciple fidèle, aux yeux bien ouverts.

Au centre, trois annonces de plus en plus précises de la passion

– A Césarée de Philippe, 1e annonce de la passion (Mc 8.31), incompréhension de Pierre remis à sa place
par Jésus (8.32-33). Précisions de Jésus, être disciple (8.34-38)

– A Capernaüm, 2e annonce de la passion (9.31-32), manque de compréhension des disciples « qui est le
plus grand » (9.33-34), précisions de Jésus, être le dernier, le serviteur (9. 35-37)

Vers Jérusalem, près de Jericho, 3e annonce (10.33-34), manque de compréhension des disciples : «
avoir les meilleures places dans le royaume » (10. 35-36), précisions de Jésus, « servir et pas se faire
servir » comme les puissants de ce monde 10.42-45

Déclaré Christ, Messie, dans une région païenne

Jésus s’en alla, accompagné de ses disciples, et se rendit dans les villages autour de Césarée de Philippe
(v. 27)

La région de Césarée de Philippe ou Banias était païenne, avec un temple consacré au Dieu Pan. Elle
avait fait allégeance à l’empereur romain.

Jésus a été déclaré Christ, c’et à dire Messie, dans une région qui reconnaissait l’empereur romain
(César) comme Seigneur.

Ce qu’on pense de Jésus ?


En chemin, il interrogea ses disciples : Que disent les gens à mon sujet ? Qui suis-je d’après eux ?

Jésus s’intéresse à ce que pensent de lui les gens ordinaires. Ses disciples font partie du peuple, ils ont
des contacts directs et entendent les opinions diverses. Pas d’informations inconnues, Jésus connaît le
cœur et les pensées des gens. Mais cette question amènera la suivante, essentielle, adressée aux
disciples.

Et les disciples ?

Ils lui répondirent : Pour les uns, tu es Jean-Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, l’un des
prophètes. (v. 28)

Opinions populaires

Ces opinions populaires reprennent celles du ch. 6.14-15

Jean-Baptiste avait été tué par Hérode Antipas quelques mois auparavant. Le roi, impressionné par le
récit des miracles de Jésus, croyait que celui-ci était Jean-Baptiste, ressuscité. Le bruit s’était répandu
dans la population.

Elie : à cause de la prophétie de Malachie 3.23 (Bible du Semeur) ou 4.5 (Segond) « Voici, je vous envoie
Elie, le prophète«

L’un des prophètes ; une réponse vague, les gens n’ont pas d’idée précise.

Jésus apprécié à cause des miracles

Les gens avaient une bonne opinion de Jésus à cause de ses miracles. On le considérait comme un
homme bon, un envoyé de Dieu comme Jean-Baptiste ou un prophète du passé. Mais sans le
reconnaître comme une personne divine
. D’origine modeste, d’une famille connue, rien ne montrait qu’il était le Messie qui pourrait les délivrer
du pouvoir romain et établir un royaume terrestre florissant.

La véritable question

Alors il leur demanda :– Et vous, qui dites-vous que je suis ? (v. 29)

C’est la véritable question, Jésus veut entendre la réponse personnelle des disciples. Ils l’ont suivi, ils ont
vécu avec lui, ils le connaissent.

Messie guerrier ou personne divine malgré son abaissement sur terre

Les disciples sont juifs. Eux aussi sont hantés par l’idéal juif d’un Messie royal, guerrier et victorieux. En
même temps, ils ont vécu presque 3 ans avec Jésus, l’homme humble qui ne cherchait aucune forme de
pouvoir.

Jésus sait ce que pensent ses disciples. Il voudrait le leur faire dire ouvertement. En sont-ils restés à
l’opinion populaire qui classe Jésus parmi les hommes exceptionnels ou le perçoivent –ils comme une
personne divine malgré son abaissement sur terre ? Ont-ils perçu sa gloire divine à travers sa vie humble
?

Qu’avez-vous à dire de moi ? Êtes-vous capables de parler de moi aux autres.

Les disciples sont appelés à annoncer l’Evangile parmi les Juifs et les païens. A ce point du récit, Pierre,
porte-parole des autres a la bonne réponse : Tu es le Messie. Matthieu ajoute le fils de Dieu (Matthieu
16.16)

Attente du Messie au 1e siècle

Le Messie (Massiah en hébreu, Christos en grec) signifie oint d’huile pour être consacré à un service (le
prêtre, le prophète et le roi de l’Ancien Testament)
Au 1e siècle, au temps de Jésus l’attente du Messie était une notion forte et répandue. On la retrouve
dans des rouleaux de la Mer Morte un temps où le ciel et la terre obéiront au Messie de Dieu,
proclamant l’Evangile au pauvre, le guérison et même la résurrection des morts.

Le Messie sera un chef militaire, vainqueur des ennemis d’Israël qui seront livrés à l’épée à la venue du
Messie d’Aaron et d’Israël. D’après d’autres textes, l’empereur romain serait tué dans la bataille.

Le Messie de Pierre

Pierre a la bonne réponse, la seule juste. Jésus n’est pas seulement un prophète comme le pensent
beaucoup mais le Messie promis.

Mais réponse insuffisante, orientée par l’attente du Messie courante à l’époque. Comme beaucoup
d’autres, les disciples aussi, Pierre a placé son espoir dans un Messie qui accomplira le programme
politico-militaire de libération attendu des Juifs.

Ne rien dire mais pourquoi ?

Il leur ordonna de ne le dire à personne (v.30) Jésus veut préparer ses disciples à une définition plus
exacte de ce qu’est véritablement le Messie.

Le Messie, oui, mais pas un Messie politique

Jésus est bien le Messie mais pas au sens politique. Aller dans ce sens politique risque de provoquer un
soulèvement populaire contre le pouvoir romain, donc une répression. Ses ennemis politiques et
religieux juifs auraient une bonne occasion de le faire mettre à mort avant le temps prévu par Dieu.

Il refusait qu’on le proclame roi des Juifs. Il avait déjà repoussé quelques tentatives. En attendant qu’il
aient compris le plan de Dieu, il leur interdit provisoirement d’en parler

Comprendre le rôle du Messie

Jésus veut faire comprendre exactement ce qu’est vraiment le rôle du Messie de Dieu.
Et il commença à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir, être rejeté par les
responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi ; il devait être mis à mort et
ressusciter trois jours après. Il leur dit tout cela très clairement. (v. 31-32)

Le tournant du récit : il commença à leur enseigner

L’annonce de la passion

Le fils de l’homme va souffrir,… être rejeté, …être mis à mort puis ressusciter.

Le fils de l’homme souffrant : une conception différente, qui corrige la compréhension insuffisante du
Messie triomphant de Pierre. « Le Messie que tu viens de confesser, toi, Pierre, n’est pas exactement ce
que je suis, je dois aussi souffrir et mourir ».

Liens entre Messie, Fils de l’homme, service et souffrance

Jésus cherche à donner une image exacte du Messie, alors à quoi se réfère-t-il pour faire cette
correction ? Et pour montrer que le Fils de l’homme doit souffrir, mourir puis ressusciter ?

Le lien entre Fils de l’homme, service et souffrance ressort de plusieurs textes clés de l’AT repris dans
l’Evangile.

Les textes d’Esaïe sur le serviteur de l’Eternel repris dans l’Evangile de Marc

Le premier poème du serviteur de l’Eternel, Mon élu en qui mon âme prend plaisir (Esaïe 42.1) est cité
par Dieu lui-même au baptême de Jésus, Tu es mon fils bien aimé, tu fais toute ma joie » (Marc 1.11)

Le serviteur d’Esaïe 42 qui établira la justice pour les nations (v.1), le droit, la vérité (v.3) et la justice sur
terre (v.4), c’est Jésus lui-même, venu pour servir (Marc 10.45)

Les souffrances du serviteur d’Esaïe 53.7-8 prennent tout leur sens dans les paroles de Jésus lors de la
Cène, mon sang versé pour beaucoup d’hommes (Marc 14.24)
Esaïe 52.13 annonce la glorification finale du Serviteur Mon Serviteur sera haut placé, très élevé,
grandement exalté (Esaie 52.13) et il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges (Marc 8.38)

Jésus, Fils de l’homme

Jésus choisit de se désigner par « Fils de l’homme » pour parler de lui-même et de sa mission sur terre.
Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Marc 10.45)

Un être humain soumis à la faiblesse

« Fils de l’homme » désigne habituellement l’être humain avec une connotation de faiblesse,
dépendance et mortalité. Qu’est ce que l’homme pour que tu en prennes soin et qu’est ce qu’un être
humain pour qu’à lui tu t’intéresses (Psaume 8.5). C’est l’opinion habituelle

Mais les miracles, l’annonce de la mort et de la résurrection ?

Mais est elle suffisante pour évaluer Jésus si on considère les miracles, les guérisons, les résurrections, la
domination sur les éléments naturels (la tempête apaisée), l’annonce de sa mort et de sa résurrection
pour le salut des êtres humains.

Un simple homme, même un homme idéal pourrait-il accomplir de tels miracles, avoir une telle
puissance ou faire de telles déclarations s’il n’est pas quelqu’un de particulier, au delà des normes
humaines ?

Un autre éclairage dans Daniel 7

L’expression « Fils de l’homme » s’éclaire d’un autre aspect dans Daniel 7.13-14

Je regardai encore dans mes visions nocturnes : Sur les nuées du ciel, je vis venir quelqu’un semblable à
un fils d’homme. Il s’avança jusqu’au vieillard âgé de nombreux jours et on le fit approcher devant lui
.On lui donna la souveraineté, et la gloire et la royauté, et tous les peuples, toutes les nations, les
hommes de toutes les langues lui apportèrent leurs hommages. Sa souveraineté est éternelle, elle ne
passera jamais, et quant à son royaume, il ne sera jamais détruit

Jésus s’identifie à ce Fils de l’homme glorieux

L’expression « Fils de l’homme » a été reprise par Jésus. Pendant son procès devant le grand prêtre, il
s’identifie à ce fils d’homme glorieux

À partir de maintenant, vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir en
gloire sur les nuées du ciel. Matthieu 26.64

Dans cette vision, Jésus est le Christ, le Messie, désigné pour prendre la tête de la race humaine. Il est
l’homme parfait, agissant en faveur de tout le genre humain.

Des éclats de la gloire du Fils de l’homme céleste

Mais dès son passage sur la terre, Jésus a manifesté des éclats de la gloire du Fils de l’homme céleste. Le
Fils de l’homme a reçu la souveraineté du ciel (Daniel 7.14),

Jésus possède donc l’autorité sur la terre, en particulier celle de pardonner les péchés. Vous saurez que
le Fils de l’homme a, sur la terre, le pouvoir de pardonner les péchés. Marc 2.10

Conscient de réaliser le plan de Dieu

Le plan de Dieu prévu dès l’Ancien Testament s’imposait à Jésus. Il était conscient d’être là pour le
réaliser.

Quelques verbes du récit le montrent :

doit, il faut, il est nécessaire (grec, dei) Marc 8.31 (devait souffrir) Il est écrit, l’Ecriture Marc 9.12, 14.21,
27 Il est venu pour Marc 10.45
Le Nouveau Testament confirme l’Ancien. Jésus a bien accompli l’Ecriture.

Intervention intempestive de Pierre

Alors Pierre le prit à part et se mit à lui faire des reproches (v. 32) Venons en maintenant à Pierre et à
son intervention intempestive

Réaction contre l’idée de la souffrance et de la mort du Christ.

Pierre ne peut pas supporter la pensée de la mort de son maître. Il espère encore que Jésus va devenir
roi. Et Jésus annonce qu’en tant que Fils de l’homme, il va souffrir, mourir…

Pour lui ce n’est pas possible. Il ne comprend pas que le Messie puisse être traité ainsi. Il est bouleversé
par ce passage de la notoriété à la souffrance et à la mise à mort Il réprimande Jésus parce qu’il ne peut
concevoir que son maitre prenne un tel chemin de souffrance et de mort.

On peut le comprendre, vu les conceptions courantes à l’époque.

Etouffer l’erreur dans l’oeuf

Mais Jésus se retourna, regarda ses disciples et reprit Pierre sévèrement : – Arrière, «Satan » ! Éloigne-
toi de moi ! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu ; ce sont des pensées tout humaines. (v. 33)

Jésus se tourne maintenant vers le groupe des disciples. Eux aussi sans doute voyaient les choses
comme Pierre. Mais ils ne l’exprimaient pas ouvertement. Il fallait mettre les choses au point, étouffer
l’erreur dans l’œuf.

Le royaume de Dieu sans la croix = la tentation par Satan au désert

Pierre voulait dissuader Jésus d’aller à la croix.


C’est exactement la même tentation que celle soufflée par Satan au désert : que Jésus prenne un
raccourci, pour obtenir la gloire du royaume sans passer par la croix. C’est à dire qu’il choisisse
délibérément la révolte contre Dieu.

Et comme Jésus est vraiment homme, c’était une véritable tentation.

Même tentation, même réaction de Jésus

Cela fait deux tentations similaires, alors Jésus régit de la même façon et avec la même énergie.

A Pierre, « arrière, Satan (Marc 33), à l’autre, « va-t-en Satan » (Matthieu 4.10)

Il regarde Pierre et s’adresse bien à lui, mais derrière lui, il reconnaît les méthodes de l’autre. Tes
pensées ne sont pas celles de Dieu.

Les pensées de Dieu, son plan, ce sont les souffrances et la mort du Christ, annoncées par les prophètes
de l’Ancien Testament.

Une foi mal informée, incapable de relier Messie et mort

Ce passage de Marc souligne la faiblesse de la foi de Pierre, mal informée.

On peut confesser le Christ sans en tirer les conséquences pour soi-même. Comme beaucoup de Juifs,
Pierre n’arrive pas à mettre ensemble les deux idées Messie et mort. Ce fut la principale difficulté de la
prédication chrétienne au 1er siècle.

Une conception humaine seulement du Messie ?

Un Messie politique qui ne souffre ni ne meurt. Un Messie qui procure à ses disciples la grandeur, la
richesse, les premières places dans un royaume terrestre.
Pour un Juif et peut-être pour beaucoup d’hommes, les deux concepts “ Messie ” et “ souffrance ” sont
incompatibles. Le Messie que Pierre et beaucoup de Juifs attendent ne règle donc pas le problème du
péché.

Jésus à la mode ou vrai Jésus ?

Homme exemplaire, conducteur spirituel, prophète même, cela peut susciter un certain intérêt, des
réaction polies, mais sans grandes conséquences.

Certains se souviennent peut-être du Jésus des médias des années 1960-70, le Jésus Superstar, le Jésus
hippie chanté par Johnny Halliday, qui a failli provoquer son excommunication.

Entré dans les Eglises par la petite porte ?

Même si ce Jésus-là, au faite de la gloire mondaine, n’a pas eu un accès direct dans les Églises, il y est
peut-être tout de même entré par la petite porte avec le Jésus, « copain », le Jésus « qui répond à tous
les pourquoi » de certains chants aujourd’hui passés de mode.

Un Jésus facile, accessible, sans épaisseur, sans mystère… et peu divin. Et aujourd’hui, certains cantiques
ne reflètent-ils pas une théologie, c’est à dire une doctrine seulement sentimentale…

Accueillir le Christ divin ? Pas sans le Saint-Esprit

Fils de Dieu, Dieu lui-même, 3e personne de la Trinité, de la même nature que le Père, mort sur la croix
et ressuscité pour le péché des hommes, cela risque de provoquer l’incompréhension, la moquerie, le
refus, parfois l’hostilité.

A moins que le Saint-Esprit n’ait conduit la personne à être bien disposée et prête à entendre.

Quels critères d’engagement ?

Et si nous présentons Jésus le mieux possible, quels critères peuvent pousser quelqu’un à s’engager
envers lui ? La crainte de l’enfer, la disparition immédiate de tous les problèmes ?
Cela peut marcher jusqu’à un certain point… jusqu’au moment où, comme l’explique la Parabole du
Semeur de Matthieu 13, la 2e sorte de semence, la Parole acceptée avec joie, périt faute de racines. La
3e est étouffée par les épines, c’est à dire les soucis et les richesses, les facilités du monde.

Comme le dit Spurgeon :

La conversion légaliste craint l’enfer, la conversion évangélique craint le péché…La repentance qui
conduit au salut est produite par le Saint Esprit, non par la peur. La vraie conversion craint, non d’être
puni en enfer mais de déplaire à Dieu parce qu’on l’aime et qu’on lui fait confiance

Comment vivre en disciple du Christ, pourquoi et à quels risques ?

Voici comment répond Jésus à la question des critères d’engagement. Lui même nous dit comment être
son disciple, pourquoi, à quels risques ?

Là-dessus, Jésus appela la foule ainsi que ses disciples et leur dit :Si quelqu’un veut me suivre, qu’il
renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. En effet, celui qui est préoccupé de
sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile, la sauvera. (v. 34-35)

Pour un juif, « suivre » un maître, c’était appartenir à son groupe, écouter ses leçons, le servir.

Un engagement total lancé à tous

Ici, il ne s’agit pas de conseils à une élite qui voudrait se perfectionner. C’est l’appel à un engagement
fort, profond, total, lancé à tous, et pas seulement aux disciples.

Vivre en disciple du Christ : renoncer à soi, porter sa croix

Renoncer à soi : ni un effort sur soi, ni la négation de soi, ni l’abandon des désirs. C’est placer la volonté
de Dieu avant ses intérêts personnels.
« Porter sa croix » un engagement volontaire à risque mortel, pas une récrimination contre les difficultés
de la vie

Dans le langage courant, porter sa croix a perdu son sens et sa valeur d’origine. Porter sa croix, était un
moyen romain d’exécution. Le rebelle politique qui portait sa croix jusqu’au lieu du supplice montrait
qu’on n’échappe pas à la justice impériale. L’expression galvaudée sert à se plaindre des difficultés
générales de la vie. Mais ce n’est pas porter sa croix.

Porter sa croix est un engagement volontaire, quoi qu’il en coûte, en faveur de Jésus et de l’Evangile. La
croix, c’est tous les points dans lesquels la volonté de Dieu et la mienne entrent en conflit.

Jésus au jardin de Gethsémané : « Pas ma volonté mais la tienne« .

Notre conflit n’est pas aussi sévère. Jésus s’adresse à des disciples qui le suivent déjà, mais sans bien
savoir encore où les conduira leur engagement. Il attire leur attention sur le fait que leur maître va être
rejeté. Pour rester fidèles à leur engagement, ils devront dangereusement se compromettre, peut-être
jusqu’à la mort.

Suivre Jésus, c’est trouver un autre centre à sa propre vie, ne plus être soi-même sa raison d’être.

Si un homme parvenait à posséder le monde entier, à quoi cela lui servirait-il, s’il perd sa vie ? Et que
peut-on donner pour racheter sa vie ? Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles au milieu des
hommes de ce temps, qui sont infidèles à Dieu et qui transgressent sa Loi, le Fils de l’homme, à son tour,
aura honte de lui quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. (v. 36-38)

Perdre ou gagner, pour qui, pour quoi

Ni ascèse, ni détachement de soi. Perdre ou gagner est lié au fait de suivre Jésus. « A cause de moi et de
l’Evangile ».

Sauver sa vie ou la perdre : toujours un enjeu réel de tout temps et dans de plus en plus de pays.
Sauver sa vie en reniant le Christ en temps de persécution, mais perdre son éternité avec Dieu parce
qu’on a eu honte de Jésus et de ses paroles.

Perdre sa vie, c’est la risquer pour rester fidèle au Christ, mais la gagner quand il viendra en gloire.

Miser sur le pouvoir, la richesse, ses propres intérêts, c’est s‘imaginer sauver sa vie Renoncer à des
avantages incompatibles avec la vie chrétienne, ce n’est pas la perdre, mais la sauver nous dit Jésus

Choisir l’honneur et non la honte devant le Fils de l’homme glorieux.

Deux écueils : une mentalité matérialiste

Ce texte nous rend attentif à deux écueils. Le premier est relativement évident, c’est préférer le monde
à Jésus, tomber dans une mentalité purement matérialiste sans se rendre compte qu’elle n’a pas
d’avenir et qu’elle offense Dieu.

L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu

Une compréhension superficielle du plan de Dieu

Une autre, plus subtile, c’est de se contenter d’une compréhension seulement partiellement juste de la
personne de Jésus et du plan de Dieu pour nous.

Connaître Dieu en Jésus Christ

Une raison d’être de notre vie, c’est apprendre à connaître Dieu, dans la personne de son Fils Jésus-
Christ, à approfondir notre relation avec lui. Et ainsi participer au grand chœur universel d’Éphésiens 1
qui célèbre sa gloire.

C. Streng
LES DISCIPLES DANS L’EVANGILE DE MARC

Commentaire

Présentation négative des disciples

La liturgie du dimanche ne peut pas faire autrement que de proposer des textes courts, des extraits de
tel ou tel livre biblique. Inconvénient : nous avons de la peine à voir l’ensemble du message que l’auteur
veut proposer à son lecteur. Par exemple, nous apercevons de temps en temps les difficultés de foi des
disciples dans l’Evangile de Marc. Or c’est tout au long du texte qu’elles apparaissent. Si l’auteur insiste
tellement sur ce point, c’est bien qu’il a un message à faire passer. C’est ce que nous allons essayer de
découvrir.

Il serait bon que le lecteur ait sous les yeux les textes proposés dans le précédent article. Nous avons mis
en caractères italiques l’appel des premiers disciples et leur envoi en mission à la fin de l’évangile. Ce
sont pratiquement les seuls moments où les disciples sont présentés sous un jour favorable : ils
acceptent sans hésiter de suivre Jésus (Mc, 1, 16-20) ; ils obéissent à l’ordre du Christ ressuscité d’aller
prêcher l’Evangile dans le monde entier (Mc 16, 20). C’est seulement à la fin, sans que le texte le dise
expressément, qu’ils comprennent et ils accèdent à la foi, puisqu’ils acceptent d’aller porter la Bonne
Nouvelle.

Entre les deux moments, il y a un long chemin de ténèbres où, sans cesse, il sera dit qu’ils ne
comprennent pas et n’ont pas la foi, même si Jésus les associe à son œuvre en les envoyant en mission
(Mc 6, 6-13) ou en les faisant participer à la multiplication des pains (Mc 6, 35-44 ; 8, 1-10).

Est-ce donc que Jésus se serait trompé en choisissant ses disciples ? Ne serait-ce pas plutôt un procédé
utilisé par Marc pour délivrer un message à ses lecteurs ?

Message à ses premiers lecteurs


Marc semble dire à la communauté chrétienne de Rome qui va lire son texte : « vous avez accepté de
suivre Jésus, d’être ses disciples. Gardez-vous d’être comme ceux de l’Evangile » :

- croyez que Jésus est plus fort que toutes les forces du mal. C’est par sa mort et sa résurrection qu’il est
vainqueur (la tempête apaisée et la marche sur la mer en sont le symbole) ;

- ce ne sont pas les aliments ou les choses extérieures qui rendent impurs mais le mal qui sort du cœur
de l’homme (discussion sur le pur et l’impur) ;

- n’en restez pas à l’aspect matériel des choses pour comprendre les miracles de Jésus (les deux récits de
multiplication des pains) ;

- ne faites pas comme Pierre qui croit que Jésus est le Messie mais qui n’accepte pas que ce Messie
souffre et meure (il se fait traiter de satan, c’est-à-dire de tentateur) ;

- ne soyez pas comme les disciples qui ne comprennent ni n’acceptent l’annonce de son arrestation, de
sa mort et de sa résurrection trois jours après ;

- ne cherchez pas à savoir qui, parmi vous, est le plus grand : c’est celui qui se fait le serviteur de tous, à
l’image de Jésus lui-même ;

- acceptez que des gens qui ne font pas partie officiellement de votre groupe témoigne de Jésus en
chassant le démon en son nom ;

- Au cœur de l’épreuve, tenez bon, restez fidèles, contrairement aux disciples qui ont fui (l’Eglise de
Rome subissait alors la persécution de Néron) ;

- Accueillez la parole de ceux qui le disent vivant aujourd’hui parce qu’ils l’ont rencontré au cœur de leur
vie.
Tout au long de l’Evangile, de vrais disciples

En marge des disciples reconnus comme tels mais à qui Jésus reproche leur manque de foi, apparaissent
tout au long de l’Evangile des personnages présentés comme ayant une foi capable de surmonter
l’impossible, mais qu’on ne voit qu’une fois. Retenons-en quelques uns :

- Les quatre anonymes (Mc 2, 2-5) qui font passer un paralysé par le toit de la maison. Jésus voit leur foi.

- Le possédé de Gérasa (Mc 5, 1-20) que Jésus délivre, qui veut rester avec lui et qui va proclamer
partout ce que Jésus lui a fait.

- Jaïre dont Jésus ressuscite la fille, en lui demandant seulement d’avoir la foi, et la femme atteinte
d’hémorragie que Jésus guérit, en disant : « Fille, ta foi t’a sauvée… » (Mc 5, 21-43).

- La femme de Tyr (Mc 7, 24-30) demandant la guérison de sa fille, en disant que les petits chiens
mangent les miettes qui tombent de la table des enfants ; Jésus la félicite de sa grande foi.

- Bartimée l’aveugle de Jéricho (Mc 10, 46-52), qui brave les rebuffades de la foule pour crier sa
confiance en Jésus ; même formule : « Va, ta foi t’a sauvé ».

- La femme de Béthanie (Mc 14, 3-9) qui lui verse de l’huile parfumée sur la tête ; Jésus la félicite : «
D’avance, elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement ».

- Et surtout le centurion qui, juste après la mort de Jésus, (Mc 15, 39) déclare : « Vraiment cet homme
était Fils de Dieu », répondant ainsi à la question qui court tout au long du texte : « Quel est donc cet
homme ? ».

Ces personnages sont autant de lumières qui balisent le chemin du croyant.


Le vrai disciple selon Marc, aujourd’hui comme hier ?

Quand il est arrivé à la fin de l’Evangile de Marc, le lecteur qui veut être disciple de Jésus est invité, pour
ainsi dire, à refaire le parcours, à relever tout ce que les disciples ont raté, à voir quels pièges il doit
éviter. Il est aussi invité à repérer ces lumières semées tout au long du chemin.

Dans l’histoire de tous ces personnages, il y a toujours un obstacle apparemment insurmontable, de la


foule qui empêche les quatre anonymes de passer, au centurion qui proclame Jésus Fils de Dieu alors
qu’il vient de mourir, en passant par Bartimée qu’on veut faire taire ou la femme de Béthanie qu’on
accuse de gaspillage.

Le vrai disciple jette toute sa vie entre les mains de Jésus. Il ne s’agit plus d’adhérer à une doctrine, mais,
comme Bartimée, d’abandonner toute protection humaine, de quitter tout pour mettre ses pas dans
celui qui, seul, nous fait voir, c’est-à-dire croire. C’est accepter d’entrer dans un monde où les
hiérarchies sont renversées (l’enfant présenté comme modèle). C’est tourner le dos à un Messie
glorieux et donner sa foi à l’homme pendu à la croix.

En définitive, la prière du vrai croyant, du vrai disciple, n’est-elle pas celle du père du jeune possédé (Mc
9, 24) : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » ?

Joseph CHESSERON

II.4. THEMES THEOLOGIQUES

Les deux pôles d’intérêt de l’évangile de Marc sont : la question qui est Jésus et l’identité du disciple.

Qui est Jésus ?

Jésus est le Christ (Messie), mais pas selon les attentes et les perspectives humaines de prestige et de
succès. Même la confession de Pierre à Césarée de Philippe est incomplète. La vraie connaissance de la
dignité messianique de Jésus inclut le mystère de son humiliation et de la Croix suivi de la Résurrection.
Jésus est le Fils de Dieu, mais cette dignité est révélée deux fois par le Père dans un contexte
d’humiliation qui sert de prélude à la Croix : au baptême (Mc 1, 11) et à la transfiguration (Mc 9, 7). Il est
reconnu comme tel par un homme, le centurion aux pieds de la Croix et par l’effet de sa mort (Mc 15,
39).
Jésus utilise lui-même le titre énigmatique de « Fils de l’homme », se référant au contexte glorieux de
Dn 7, 13-14, mais en ne le reliant outre qu’avec les thèmes du pouvoir de sa passion (Mc 8, 31-33 ; 9, 30-
32 ; 10, 32-33). Gloire et souffrance, et cette dernière comme voie qui conduit à la victoire, s’unissent
pour résumer la carrière du Fils de l’homme. C’est cela le mystère de Jésus. Le Messie souffrant et
humilié forme une unité théologique indissociable et très originale, lorsqu’elle est confrontée avec les
attentes du judaïsme. Cette nouvelle présentation de la foi en Jésus avait pour but d’encourager la
communauté perplexe et épouvantée devant la persécution et la souffrance. En effet, l’évangéliste
enseigne qu’il est impossible de comprendre qui est Jésus, si on ne s’engage pas à le suivre sur le chemin
de la croix qui porte à la résurrection.

L’identité du disciple

Qui est le vrai disciple de Jésus ? C’est celui qui reproduit l’œuvre de son sauveur ; c’est celui qui
abandonne tout pour suivre Jésus (Mc 1, 18 ; 2, 14 ; 6, 1 ; 10, 21), reste avec lui (Mc 3, 14), pour se
consacrer au royaume sans restrictions (10, 17-31), se conformer à la passion (10, 35-45) et prendre la
croix à la suite de Jésus (8, 34). Ce sont là les exigences demandées aux disciples et la condition sine qua
non pour participer à la gloire de Jésus.

Pour être disciple de Jésus, il faut être appelé : « Jésus en établit douze pour être avec lui et les envoyer
prêcher ». La première finalité de l’appel n’est pas d’adhérer à des idées, mais d’être avec Jésus. La
compréhension de l’évangile, qui n’est pas une idéologie, ne peut se faire que sur cette base. Il y a donc
une dimension de communion de vie Maitre avec les Douze. De fait, la demande d’une servante à Pierre
reprendra cet élément : « Toi aussi, tu étais avec le Nazaréen, avec Jésus ! » (14, 67).

Les Douze, appelés ici « apôtres » (6, 30-34), c’est-à-dire « envoyés », sont allés en mission et reviennent
vers Jésus et racontent tout ce qu’ils ont fait et enseigné. Jésus est donc le maitre par excellence, mais
les Douze peuvent enseigner dans la mesure où ils sont envoyés par leur maitre. Marc ne passe pas sous
silence le fait que les Douze et les disciples ont eu de la difficulté à comprendre l’enseignement de Jésus.
On le voit, en effet, poser des questions sur l’interprétation des paraboles (4, 10-12) et, loin de la foule,
demander des explications à leur maitre. Sur le chemin, Jésus interrogera les Douze sur son identité (8,
28). La réponse de Pierre - « Tu es le Messie » (8, 29) – aurait pu signifier la fin de l’aveuglement des
disciples. En fait, à l’image de l’aveugle de Bethasaïde qui ne voit d’abord qu’imparfaitement, la
compréhension des disciples demandera à être davantage éclairée.

Le secret messianique

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