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27/02/2017 07'43
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Leila Melbouci
Enseignante Université Mouloud Mammeri Tizi-ouzou, Faculté des Sciences Économiques et des Sciences
de Gestion, (Algérie)
L’entreprise existe dans un environnement dont elle fait partie intégrante. Elle n’est 1
donc pas indépendante et ne suffit pas à elle-même. Par ailleurs, les activités de
l’entreprise se développent en interdépendance étroite avec l’environnement qui lui
impose des contraintes. Les structures internes de l’entreprise, en vue de faire face
aux incertitudes, s’adaptent aux types et aux conditions de l’environnement, qui
n’est ni statique, ni homogène. En Algérie, plusieurs tentatives d’adaptation
élaborées et mises en œuvre par le propriétaire de l’entreprise publique de
production ont été un échec. Ce constat nous a motivée pour essayer de déterminer
le niveau pertinent de l’environnement de cette entreprise et d’étudier sa nature.
Nous pensons que la principale raison de l’échec des stratégies d’adaptation est la
non prise en compte d’une variable primordiale, à savoir l’environnement.
consommés, ils restent d’actualité en Algérie qui n’a entamé sa transition vers
l’économie de marché qu’en 1990. Les entreprises algériennes ont augmenté leur
taille, diversifié leurs produits puis, elles se sont restructurées organiquement et à
partir de 1997, elles se sont recentrées sur leur métier de base. Ces actions étaient-
elles une réponse environnementale ? Quel est l’environnement pertinent de
l’entreprise algérienne ? Et quelle est sa nature ? La recherche des réponses à ces
questions doit se faire en passant par la définition de l’environnement et de ses
variantes. Ce point nous aidera à discuter le cas de l’entreprise algérienne.
qu’elle ne maîtrise pas. « Son objectif est de réduire cette incertitude ; par
conséquent, elle se doit d’analyser et de comprendre son environnement » (J.R.
Edighoffer 1996, p. 22). Pour analyser et comprendre celui de l’entreprise
algérienne, nous jugeons essentiel de passer par les définitions de l’environnement.
« L’environnement de l’entreprise est défini par rapport à tout ce qui est situé en 4
dehors : la technologie, la nature des produits, les clients et les concurrents, les
autres organisations, le climat politique et économique, etc. » R. De Bruecker
(1995, p. 26).
selon certaines formes précises assez stables et non plus au hasard et, sa
croissance est indispensable.
environnement turbulent : il est plus complexe, plus dynamique et plus incertain.
Dans cet environnement, les éléments interagissent de façon multiple. L’origine
de turbulence provient des organisations qui sont fortes et s’imposent par leur
comportement stratégique.
Bien avant, A.E. Emery et E.L. Trist (1965) ont distingué des types 9
d’environnement allant de très calmes à très perturbés. Pour eux, le plus complexe
est l’environnement turbulent où seule une politique d’institutionnalisation peut
permettre l’émergence d’une solution.
les conséquences des efforts des entreprises pour faire face aux conditions de 11
une double classification des facteurs physiques et sociaux pouvant influer sur le
fonctionnement de l’entreprise. Ils peuvent être classés selon leur origine, interne
ou externe. La taille et la technologie de l’entreprise sont des exemples de
l’environnement interne ; les caractéristiques socio-culturelles de l’environnement
de l’entreprise et les caractéristiques de la branche industrielle sont des exemples
de l’environnement externe. La turbulence entraînera des modifications dans
l’environnement qui auront un impact important sur l’entreprise. Elle modifie son
but, ses ressources et remet en cause ses capacités. Les transformations internes
ont engendré, à leur tour, une augmentation des turbulences.
doivent mettre en œuvre afin de réduire les menaces. Ceci ne peut se faire sans la
connaissance de l’environnement « spécifique » de l’entreprise. L’environnement
« spécifique » diffère de l’environnement général. Il est constitué des éléments en
réelle interaction avec l’entreprise. Selon M.E. Porter (1985), « l’entreprise est au
centre des forces concurrentielles (clients, fournisseurs, entrants potentiels et les
substituts possibles pour l’activité de l’entreprise) ». Dans ce cas, l’environnement
« spécifique » représente l’environnement pertinent. Ainsi, l’étude de la relation
entre l’entreprise algérienne et son environnement ne peut être appréciée sans la
détermination de son contexte pertinent. C’est ce que nous allons développer dans
le point suivant. C’est-à-dire que, nous allons tenter de définir l’environnement
pertinent.
dans le secteur. Un secteur d’activité ne se trouve pas dans le même état selon les
pays où l’on peut observer des différences au niveau de l’intensité de la
demande [2] . De ce point de vue, dans une perspective d’internationalisation de
son activité, l’entreprise ne peut se soustraire à l’analyse du méso-environnement
caractéristique du pays dans lequel elle envisage d’étendre son activité.
Le méso-environnement met en exergue les interrelations entre les chaînes
transactionnelles : des modifications peuvent entraîner des transformations dans
d’autres secteurs tout en obligeant les entreprises qui y opèrent à adapter leur
comportement [3] .
structures ne sont pas de simples caractéristiques posées ex-ante, ce sont des sous-
ensembles d’un système regroupant plusieurs agents en fonction des relations
technologiques contraignantes ou de structures propres. Ces dernières conduisent
des stratégies qui deviennent cause et effet des stratégies, selon la séquence :
stratégie – structures – stratégies. Au début des années 1980, certains auteurs
(J.M. Chevalier) se proclament de la nouvelle « économie industrielle » et une
nouvelle méso-analyse se singularise par les nouvelles tendances :
Il faut retenir, à travers cette vision de l’environnement, que ce ne sont pas les effets 20
Sur cette optique, l’environnement de l’entreprise est donc l’ensemble des éléments 21
en fonction de (1) : T = f (C ; D) 29
en fonction de (2) : I = f (C ; D)
en fonction de (3) : T = f (I ; D)
en fonction de (4) : I = f (T) confirmé par (2) ??> T = I
T) (5)
Par rapport aux différents points cités plus haut sur l’environnement, la relation qui 32
ce, depuis sa création jusqu’à 1990. Elle choisissait ses clients et pratiquait souvent
la discrimination pour répondre à une demande de plus en plus forte puisqu’elle
jouissait d’un monopole quasi-absolu dans les domaines de la production, de
l’importation et de la distribution des biens et services relevant de sa nomenclature.
plutôt, quel est son environnement pertinent ? Parce que la maîtrise de celui-ci
passe par la proximité de l’environnement pertinent et par sa connaissance.
Donc, il faut tenter d’aller plus en détail pour répondre à ces interrogations, quitte à 35
La relation de ces entreprises avec les autres agents économiques était déterminée 38
par l’État. Il est aussi le propriétaire des autres agents économiques (banques,
administration, marché). Dans cette vue des choses, l’analyse méso-
environnementale ne peut trouver sa place pour étudier les entreprises algériennes.
Cette analyse procède à une étude sectorielle de la concurrence afin de déterminer
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L'entreprise algérienne face à quel genre d'environnement ? 27/02/2017 07'43
Un autre jugement qui montre l’absence, durant la période 1963-1990, d’un méso- 39
Algérie, la propriété privée ne doit pas constituer la base des rapports d’exploitation
entre le propriétaire privé et les travailleurs » proclament les rédacteurs de la lettre
dite Charte nationale. Dans le domaine industriel, le secteur privé national
n’intervient donc que dans la sphère des activités qui relève de la petite entreprise
et qui porte le dernier stade de la transformation industrielle.
Les épargnants algériens sont obligés d’investir dans la transformation finale des 43
Les liens unissant le secteur d’État et le secteur privé sont les effets d’une 44
l’environnement ont été mis en place mais sans une réelle création d’un
environnement concurrentiel (L. Melbouci, 2007, a). Le code des investissements
de 1993 offre plusieurs avantages au secteur privé, le nombre des institutions d’aide
à la création et au développement des petites et moyennes entreprises privées se
multiplie sans pouvoir déclencher les forces concurrentielles.
Durant la période de l’économie planifiée, l’État alloue aux entreprises créées les 46
par un système juridique. Ces opérations ne prennent pas compte des variables
plutôt universelles (coûts, temps, pouvoir de négociation…). Pour acquérir des
ressources, l’entreprise algérienne a vécu plusieurs étapes. Chaque étape était un
ensemble de décrets et de lois régissant les relations de l’entreprise avec l’extérieur.
Nous distinguons deux périodes :
La première période allant de 1963 à 1970, où l’État opère un contrôle limité sur 50
Ainsi l’entreprise bénéficiaire d’AGI doit être domiciliée auprès d’une banque 51
nationale et doit obtenir l’accord de celle-ci, avant toute exécution, pour les contrats
qu’elle aurait signés avec ses fournisseurs étrangers. Les délais moyens pour
obtenir l’exécution d’une opération d’importation sont de dix-huit à vingt-quatre
mois. Selon S. Goumeziane (1994, p. 56), « ce délai ne prend en compte que la
période finale depuis la formulation du besoin d’importation à la réception du bien
ou service ».
En plus de la BCA qui fait aussi office d’institut d’émission, la loi de finances 54
L’étude faite jusqu’à présent donne déjà une idée de l’environnement pertinent de 56
l’entreprise publique de production. Mais pour argumenter nos résultats sur cette
détermination, nous reprenons les définitions citées plus haut en commentant
chaque définition pour l’entreprise publique algérienne.
activité. Pour l’entreprise publique de production, cette définition est valable. Est-
ce le cas pour les autres niveaux ?
Pour l’entreprise algérienne, elle ouvrait dans une structure monopolistique (non- 64
En réalité, cette logique a non seulement été intériorisée par les entreprises 67
De plus, l’entreprise est tenue d’adresser chaque année un rapport d’activité aussi 68
Pour répondre, il est essentiel de puiser dans la littérature (point I) les critères d’un 69
création a géré toute une branche comportant des produits très diversifiés et
utilisant des technologies complètement différentes les unes des autres. Ces
éléments ont engendré la complexité des entreprises. Pour M. Marchesnay (1993),
un système deviendra complexe quand le nombre d’acteurs est important et quand
les relations entre ces acteurs sont fortes et interactives. C’est le cas pour les
entreprises algériennes. En effet, la multiplicité des organes constitutifs de
l’environnement de l’entreprise s’explique par des textes et réglementations qui en
résulte (voir figure N° 2).
Les cadres dirigeants ont manifestement des difficultés à se situer face aux 71
informations alors qu’un système planifié se base sur la maîtrise des informations
économiques et des moyens statistiques solides. Ce manque d’information est dû à
l’absence du contrôle de l’exécution du plan au niveau macro-économique et à son
inefficacité au niveau sectoriel. Le manque d’information a poussé l’Algérie, durant
la période 80 à utiliser un type de crédit jugé par le premier ministre français
« d’inutile et dangereux ». Il s’agit de crédits bilatéraux d’origine publique et
destinés à la promotion des exportations, à la conquête de nouveaux marchés et
l’élimination des concurrents. Ils sont inutiles, si le pays prêteur est le fournisseur
naturel de l’emprunteur ou si sa devise est rare parce que dans les deux cas, les
emprunteurs ne songeront pas à l’utiliser sur des marchés tiers. Ils sont dangereux,
si le pays prêteur entend en accordant des crédits, détourner vers lui des courants
commerciaux qui auraient normalement une autre orientation.
Conclusion
algérienne ainsi que sa nature et ce, depuis sa création en 1963 jusqu’à 2007.
Pendant la période du socialisme, l’entreprise algérienne représente le dernier
niveau de la ligne hiérarchique. Elle subit un contrôle de plusieurs organes. Le
système de contrôle hiérarchique est composé du centre au sommet de la pyramide.
C’est le premier niveau de décision en matière législative, exécutive et judiciaire. Il
est représenté par les institutions de directions de l’État, de ses appareils et de ses
assemblées. Après 1977, s’ajoutent à ces organes, l’assemblée populaire nationale
(APN) puis le Bureau politique du FLN et son comité central ; jusqu’aux réformes
de la fin des années 1980. Le pouvoir judiciaire est placé sous la dépendance étroite
du pouvoir exécutif. Le deuxième niveau de décision est représenté par les
administrations centrales de l’État, essentiellement les ministères fonctionnels et
les ministères de tutelle, ainsi que la banque centrale. Ces administrations mettent
en œuvre les objectifs arrêtés au plan politique par le centre et ainsi elles
centralisent l’information, normalisent la gestion et contrôlent a priori et a
posteriori l’ensemble des opérations d’investissement et d’exploitation. Le
troisième niveau de décision est constitué par les entreprises et les banques. Les
mutations causées par les réformes économiques, déclenchées en 1990, pour
l’instauration d’une économie de marché si elles ont changé les formes, le fond,
quant à lui, est resté presque le même. Ces mouvements n’ont eu pour effet que
l’accentuation de la turbulence de l’environnement pertinent de l’entreprise
algérienne parce que, et avec les séquelles du colonialisme, il était déjà incertain,
complexe et dynamique ; autrement dit, turbulent. Ce n’est qu’avec cette précision
qu’il serait intéressant d’étudier la relation liant l’entreprise algérienne à son
environnement.
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* Décret présidentiel N° 80-242 du 4 octobre 1980 portant sur la restructuration des sociétés
nationales.
* Loi 88-01 du 12 janvier 1988 portant sur l’autonomie des entreprises publiques.
• Circulaire ministérielle portant sur les textes relatifs à la privatisation partielle des entreprises
publiques. 24 février 1996.
1967.
[1] Ces turbulences ont fait leur apparition d’un point de vue conceptuel dans les années soixante avec
A.E. Emery et E.L. Trist (1965) et S. Terreberry (1968). Par la suite, elles furent popularisées par des
auteurs tels que P. Drucker (1969) ou A. Toffler (1981). Ils les qualifieront de « défis majeurs ».
[2] « Ces différences font apparaître comme l’a montré R. Vernon, un cycle international des produits et
des services qui se trouveront à maturité ou en déclin dans certaines régions du monde, alors qu’ils ne
sont qu’à un stade de démarrage ou de croissance dans l’autre ».
[3] La diminution de la natalité influence à court terme le secteur des vêtements ; le développement de la
restauration hors foyer a conduit les entreprises de la distribution alimentaire à s’adapter à cette
nouvelle donnée.