La Bête humaine est le roman des gares et celui de la pulsion de mort.
Roubaud, sous-chef de gare au Havre, a dû se rendre à Paris. Il attend sa femme, Séverine, au cinquième étage d’un immeuble de l’impasse d’Amsterdam d’où il contemple la gare Saint-Lazare. Au retour de la jeune femme, il apprend brutalement que le président Grandmorin, auquel il doit tout, abuse d’elle depuis son enfance. Fou de jalousie, il contraint Séverine à écrire au vieillard pour l’attirer dans l’express de six heures trente qui doit les ramener au Havre. C’est avec le couteau que vient de lui offrir sa femme qu’il tue le président. Mais Jacques Lantier, mécanicien de la Lison en visite chez sa tante Phasie à la Croix-de-Maufras, a eu la vision fulgurante du meurtre alors qu’il errait dans la campagne déserte pour échapper à sa propre pulsion criminelle : fils de Gervaise, il a hérité du sang gâté des Macquart et ne peut tenir une femme dans ses bras sans éprouver le désir de l’étrangler... Bientôt, le legs de la maison de la Croix-de-Maufras à Séverine attire les soupçons, mais on envisage une autre piste. Cabuche, un ouvrier carrier sans importance, constitue un suspect idéal pour le juge Denizet : Grandmorin ayant jadis violé son amie Louisette, il a proféré des menaces de mort contre le président. Quant au secrétaire général du ministère de la Justice, M. Camy-Lamotte, qui détient les preuves de la culpabilité des Roubaud, il préfère étouffer l’affaire pour ne pas éclabousser les Tuileries : Grandmorin, ancien magistrat, appartenait à l’élite impériale... Tout semble donc s’arranger au mieux pour les Roubaud. Jacques, cité comme témoin, a reconnu le sous-chef de gare mais il se tait : il a été subjugué par le regard implorant de Séverine. Introduit dans le ménage par Roubaud, il trouve momentanément la guérison dans l’amour de la jeune femme, comme si le meurtre dont elle est complice le préservait du passage à l’acte... Cependant, la mort rôde autour du couple : Flore, la fille de Phasie, amoureuse de Jacques, provoque le déraillement du train qui conduit les amants vers Paris. Accablée de remords, elle se suicide, laissant Jacques et Séverine indemnes. Séverine elle-même pousse ensuite Lantier au crime « raisonné » : Roubaud n’est-il pas devenu le seul obstacle à leur bonheur ? Mais, en lui avouant enfin le meurtre de Grandmorin, Séverine a réveillé l’envie de tuer qui sommeillait en Jacques : dans le guet-apens de la Croixde-Maufras, tendu pour Roubaud, c’est elle qu’il assassine. Tandis que la justice des hommes poursuit son oeuvre aveugle, une justice plus haute veille : trouvé en possession de la montre de Grandmorin qu’il a dérobée à Séverine, Cabuche, repris de justice au grand coeur, permet au juge de relier les deux affaires et d’arrêter Roubaud, accusé d’avoir deux fois armé son bras. Quant à Jacques, il semble devoir échapper à son crime guéri par le meurtre, il peut enfin jouir d’une liaison paisible avec la maîtresse de son « chauffeur s », Pecqueux, chargé d’alimenter la machine à vapeur. Mais, lorsque celui-ci apprend son infortune, il se jette sur le mécanicien alors que le train, transportant les troupes pour la guerre de 1870, est lancé à pleine vitesse. Les deux hommes, happés par le vide, roulent à l’abîme et le train fou poursuit la course absurde qui mène les hommes à la guerre et à la mort.