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CAAA: chiffre d'affaires agro-alimentaire, CAT: ch. d'af. total, CP: capitaux propres, RN: résultat net. Eff.: effectif salarié.
CAT, CP, RN, effectifs, sont des données consolidées, pour l'ensemble des activités des groupes.
Source: Agropolis-Stratégies (t992), AGROOATA, Montpellier.
Produits N° 1 N° 2 N° 3 C3 Egranger
Source: Rastoin (t992), Cours d'économie agro-industrielle, ENSA-Montpellier, d'après Agra-Alimentation (1991).
l'OCDE ; une lecture par niveau de PNB par dial de biens et services, des systèmes pro- nique, électronique, chimie). Ainsi dans
tête est toujours possible à l'échelle mon- ductifs se sont structurés selon un modèle l'Europe des 12 , l'lAA est N° 1 avec 350 mil-
diale : le Brésil compte 20% de sa population qui converge dans tous les pays, et dont la liards d'ECU de chiffre d'affaires et 2,3 mil-
dans la tranche supérieure à 10000 USD per schématisation apparait bien dans ce que les lions d 'emplois en 19B9 , devant l'industrie
capita, avec des comportements de consom- spécialistes américains nomment «le dollar chimique (264 milliards d 'ECU , 1,7 millions
mation aux normes nord-américaines. Par ail- alimentaire» , ou en France la «chaîne alimen- d'emplois) et l'automobile (243 milliards
leurs la politique des «blocs économiques» taire» (cf. tableau 3). d 'ECU , 1,B millions d'emplois) (C.E ., 1992).
(C.E., Alena, Asean, Mercosur, etc ",) tend e) Ces chiffres montrent à l'évidence qu'au L'IAA mondiale , forte de 10 millions
à «fragmenter» ces zones , sein du système alimentaire l'industrie et la d'emplois et de plus de 350 000 entrepri-
grande distribution tendent à être économi- ses a réalisé , en 1990, un chiffre d'affaires
Les systèmes productifs agro- quement prépondérantes par rapport à (C.A.) d 'environ 1 BOO milliards USD (5). La
alimentaires l'activité agricole. C'est là toute la justifica- Communauté européenne avec 25% du
Face à cette demande agro-alimentaire qui tion d 'une approche en terme d 'économie C.A. mondial est leader, suivie des Etats-Unis
constitue, de loin, le premier marché mon- agro-alimentaire, de préférence à une vision (22%) et du Japon (12%). Le taux réel de
traditionnelle centrée sur l'agriculture. croissance de l'IAA européenne s'établit
L'industrie agro-alimentaire (IAA), qui peut pour les années BO à 2,1 % par an, le taux
(') Communauté européenne, Association de Libre être définie comme l'activité de transforma- mondial à environ 2,5%, inférieur d'un
Echange Nord Américaine, Association Economique du
Sud-Est Asiatique, Marché commun du cône Sud de tion des matières premières agricoles et bio- point à celui du PIB, ce qui confirme les ten-
l'Amérique latine. technologiques en produits alimentaires, dances relatives des différents secteurs: forte
(5) Les estimations sont particulièrement délicates dans constitue, en termes de chiffre d'affaires et progression pour les services et les indus-
ce domaine du fait de lacunes statistiques considérables. d'emploi, le premier secteur de l'industrie tries de haute technologie, relative stagna-
On considérera donc nos chiffres comme des ordres de
grandeur. Les données les plus précises et fiables con- mondiale , loin devant des industries consi- tion pour les industries «historiques» et
cernent l'OCDE. dérées comme «lourdes» (sidérurgie, méca- l'agriculture (cf. tableau 4) ,
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Tendances stratégiques
Les tendances lourdes de l'industrie alimen-
taire mondiale s'inscrivent dans la dynami-
2 que globale des systèmes agro-alimentaires
et dans celle, plus large, des espaces géo-
économiques , c'est à dire dans une subtile
4,3% 15,2% combinaison du marché et des réglementa-
TEXTILES CUIRS tions publiques nationales et supra-
nationales.
En matière de marché, il est probable que
les évolutions suivantes se confirmeront
dans les années à venir:
- hypersegmentation de la demande en
BIO-CARBURANTS
fonction de la multiplication des profils de
AGRO-CHIMIE 33 consommateurs (socio-styles), de la déstruc-
27 turation des repas conventionnels et de la
1 recherche accrue de services et d 'innova-
51 % SERVICES tion par les consommateurs;
15 RHF NONMARCH.
- concurrence croissant au niveau de
l'offre, avec recherche de compétitivité par
effet de taille ou différenciation de produits.
Dans le domaine des politiques économi-
8 ques , deux phénomènes majeurs devraient
s'affirmer:
AINA = 20 Mds F achatslagri - renforcement des contraintes d'ordre
20 Mds F achatsIIAA
environ 7 % des achats totaux réglementaire en vue de satisfaire de nou-
veaux courants «protectionnistes»: respect
de l'environnement et souci de la santé
Schéma 1 - Source: Rastoin (1992), d 'après INSEE, Comptes de la Nation (1992). humaine;
- consolidation des blocs commerciaux du
type C.E., Alena, Asean, Mercosur, etc ... ,
avec à l'intérieur de ces blocs la mise en
place de stimulants à la localisation d 'inves-
tissements créateurs d'emplois à différents
niveaux, national, régional, local, en rupture
avec les codes d'investissements restrictifs
des années 60 et 70. Simultanément, la con-
frontation entre blocs devrait se durcir.
Les stratégies en résultant du point de vue
des entreprises alimentaires sont simples et
contrastées. On peut les regrouper autour
de deux axes:
- la domination par la globalisation
- l'insertion élitiste (6).
La globalisation ou encore l 'effet de masse
consiste pour la firme à s'imposer face à ses
concurrents par le contrôle d 'une part de
marché significative sur des marchés eux-
mêmes de taille importante (plus de dix mil-
lions de consommateurs). Selon les diri-
geants des Très Grandes Firmes (TGF), cette
part de marché se situe au delà de 20%. Cet
objectif stratégique s'explique par plusieurs
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LE SYSTEME AGRO-ALIMENTAIRE
FRANCAIS EN 1990 VERS UNE NOUVELLE CARTE STRATEGIQUE
AGRO-ALIMENTAIRE
(0 ® <0
DUREIl QUOTIDIEN EVENEMENT
Style de vie
SANTE CULTIJRE
"BASIQUE"
PRODUIT
STANDARD
RAPIDE
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I"MAJORS
A.A. 1·\..\
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Schéma 2 - Source: Rastoln, cours d'économie agro-Industrtelle, ENSAM Schéma 3 - Source: Rastoln (1992).
(1992), d'aprês données Comptabtltté nationale, INSEE (1991).
considérations tenant aux coûts d'entrée plus de 6 milliards de F en publicité-médias dépenses de formation et de qualification du
dans la branche et à !'impératif du profit. Il en 1991 , soit un peu moins de 1 % du C.A. personnel et surtout cet investissement doit
en résulte des investissements matériels et sectoriel, avec des plafonds à 10% pour cer- être largement dimensionné pour être opé-
immatériels massifs et une rentabilisation tains produits au marketing très sophistiqué rationnel.
par de faibles marges unitaires combinées comme les sodas ou les céréales pour petits La poursuite de ce premier axe stratégique
à de très importants volumes. déjeuners. Un calcul simple montre que des par les TGF alimentaires s'est réalisé essen-
Aujourd'hui, 60 à 70% des ventes de C.A. de PME, de l'ordre de 50 à 500 millions tiellement par croissance externe: on a
!'industrie alimentaire se font à travers les de F. ne permettent pas de mobiliser les dénombré près de 2000 opérations de
circuits de la grande distribution, dont le cri- sommes nécessaires pour créer ou entrete- fusion/absorption/acquisitions entre 1987 et
tère essentiel d 'achat est le prix (pour une nir des marques au plan national et a for- 1991 au niveau des cent premières firmes
qualité minimale déterminée par de sévères tiori européen. Enfin, l'innovation techno- agro-alimentaires mondiales (Agrodata ,
cahiers des charges). Pour peser sur les prix, logique et !'innovation-produit sont deve- 1992). Ce processus conduit, au début des
face à une structure très oligopolistique 0, nues des impératifs pour se maintenir sur les années 90 à l'existence d 'un oligopole mon-
les industriels ne disposent que de deux marchés agro-alimentaires qui imposent aux dial constitué d'une centaine de groupes réa-
outils: l'écrasement des coûts pour préser- industriels des stratégies de qualité (maîtrise lisant chacun plus de 2 milliards USD de
ver les marges et la fidélisation du consom- de la technologie) et de différenciation de chiffre d'affaires, dont les caractéristiques
mateur par les marques. La première voie leurs produits . Cette innovation est égale- moyennes sont présentées dans le tableau
implique des unités industrielles de grande ment coûteuse: les plus grandes firmes con- 5_ Les stratégies de domination conduisent
taille (plusieurs centaines de millions de F. sacrent environ 3 % de leur C.A. à la R & D, les groupes les plus importants à constituer
d'investissement pour une sucrerie, une hui- soit, en 1990, plus de 5 milliards de F. pour des portefeuilles de produits de marque rela-
lerie , une usine de produits laitiers ultra- Nestlé, 5 milliards pour Ph . Morris-General tivement diversifiés, dont les meilleurs
frais , etc ... ). La seconde voie est celle de la Foods, près de 4 milliards pour Unilever. En exemples sont aux Etats-Unis Philip Morris,
communication grand public et de !'inno- France, la totalité du secteur lAA dépense- en Europe Nestlé, Unilever et BSN. L'alimen-
vation . Or le coût de la communication de rait moins de 5 milliards de F. en recherche taire constitue en bourse une valeur relati-
masse est particulièrement élevé: on estime et à peine 150 entreprises sur environ 4 000 vement sûre avec cependant des écarts sen-
à 15 millions de F. l'investissement publici- disposeraient de budgets propres de R & D, sibles de rentabilité entre les secteurs clas-
taire annuel à consentir pour lancer un nou- ce qui apparait préoccupant pour l'avenir. siques comme le sucre, la biscuiterie, les hui-
veau produit en France, à 50 millions de Le «coût du maintien dans les affaires», selon · les et les produits innovants comme l'ultra-
USD aux Etats-Unis. L'IAA française a investi l'expression de P. Drucker, est donc parti- frais laitier ou les boissons non alcoolisées.
culièrement élevé dans l'agro-alimentaire, Il faut encore noter, du fait de l'hyperseg-
Cl En France, moins d 'une dizaine de grands groupes de l'ordre de 10% du C.A. pour les seuls mentation, qu 'au sein d'une famille de pro-
de distribution face à 4000 entreprises agro-alimentaires. investissements immatériels si l'on inclue les duits donnée, il peut exister des spécialités
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dynamiques: ainsi les «cookies» en biscui- reis: fromages, charcuterie , huiles, vins , Le défi à relever est considérable: il impli-
terie. Avec un C.A. cumulé de 598 milliards dérivés des céréales. Ces produits corres- que une véritable révolution culturelle tant
USD en 1990, les 100 premiers groupes de pondent en effet à une recherche, par le au niveau des chefs d'entreprises que des
l'agro-alimentaire représentaient 32 % du consommateur, de racines temporelles ou administrations et des gouvernements ,
secteur au plan mondial, ce qui constitue d'exotisme, dans un cadre festif convivial. compte-tenu du conservatisme générale-
globalement un taux de concentration Il est clair cependant que les conditions de ment observé chez les premiers et des déca-
modeste si on le compare à d 'autres indus- réussite de ces produits «authentiques» sur lages bureaucratiques chez les seconds.
tries (automobile , informatique) (8). Cepen- les marchés passent par une parfaite maîtrise Cependant ' l'enjeu, en termes de chiffre
dant, la structure est fortement oligopolis- de la qualité organoleptique, avec une dif- d'affaires et donc d 'emploi, d'activité éco-
tique sur certains marchés de la zone OCDE. férenciation identifiable par rapport aux nomique et de fiscalité peut se révéler déci-
Par ailleurs la croissance est sensiblement produits de masse, et un marketing très spé- sif, notamment en raison des problèmes
plus rapide pour les firmes de tête que pour cifique. Ces conditions conduisent à une posés par le développement économique au
l'ensemble du secteur:. En conséquence, le sélection naturelle des entreprises capables sein des espaces ruraux.
groupe des 100 -si l'écart actuel entre son d'adopter une stratégie d'insertion élitiste:
taux de croissance et celui de l'ensemble du il ne peut s'agir que d 'entreprises de taille
secteur de l'lAA (de l'ordre de 3 à 4 points modeste pour des raisons d'image et de Conclusion
par an) se maintient- devrait représenter à technologie, ce qui constitue une chance Vers une nouvelle carte
l'horizon 2000 près de la moitié du C.A. pour les PME. Mais ces PME devront dispo-
mondial. ser d'équipements technologiques aux nor- strategique agro-alimentaire
Le second axe stratégique qui s'offre aux mes sanitaires européennes et mobiliser des Les structures des marchés agro-alimentaires
entreprises alimentaires, l'insertion élitiste, compétences élevées notamment en marke-
subissent de multiples fractures et se recom-
a parfois été appelé de façon imagée mais ting (stratégie de marque). posent selon une dynamique lourde qui
impropre «stratégie de niche» . Malheureusement le niveau de qualification comporte 3 leviers fondamentaux:
Il consiste à rechercher un positionnement du personnel et la conformité des équipe- - l'espace,
quasi-monopolistique sur des marchés ment sont souvent inadéquats dans les PME. - les sociétés humaines,
nécessairement étroits en volume, mais per- La formation et la modernisation constituent - les firmes.
mettant de dégager de fortes marges unitai- dès lors une priorité dans le secteur. De Du point de vue de l'espace, la polarisation
res par des prix élevés. même que le développement des recher- de la planète autour de grands blocs écono-.
Il nous semble qu'il existe, à côté des pro- ches académiques et des études en vue du
duits de luxe traditionnels (champagne, conseil sur ce type d 'entreprises, travaux qui
caviar, etc .. .), des opportunités de «ré- restent encore lacunaires aussi bien en (8) En France les 10 premières entreprises réalisaient, en
invention» de produits alimentaires cultu- Europe qu'en Amérique du Nord. 1990,42 % du C.A . du secteur agro-alimentaire.
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