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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE
DES STRUCTURES DE PROFONDEUR
DE L’ALF

1. La dialectométrie (DM): buts, méthodes, pratique


et intérêt épistémologique
La dialectométrie – définie selon une formule établie il y a quelque
vingt ans («géographie linguistique + taxonomie numérique»: Goebl 1981,
349) – est issue d’un mariage heureux entre la géographie linguistique et
la taxonomie (ou classification) numérique. Il s’agit donc d’une méthode
quantitative qui sert à l’analyse et, partant, à la découverte de structures
profondes dans les données d’un atlas linguistique, qui, autrement, reste-
raient cachées à l’œil de l’observateur humain. Par cette finalité explora-
toire, elle se range parmi d’autres disciplines taxométriques telles la
psycho-, socio-, anthropo- ou économétrie – pour ne citer que quelques
exemples situés dans le halo des sciences du langage –, avec lesquelles elle
partage un grand nombre de prérequis empiriques, théoriques et métho-
diques. Elle entretient en outre des liens privilégiés avec la géographie
quantitative et d’autres disciplines engagées dans l’étude scientifique de
l’aménagement de l’espace par l’homme.
Il en résulte qu’en dernière analyse l’intérêt épistémologique de la
DM consiste avant tout à élargir nos connaissances sur les mécanismes de
la gestion linguistique de l’espace géographique par l’HOMO LOQUENS.
La valeur et l’importance de la DM pour les études romanes et aussi
pour la géographie linguistique, l’histoire, l’ethnographie, l’anthropologie,
la démographie, etc., ne sont plus à démontrer. Ceci n’empêche que la
pratique courante de la DM présuppose – du côté du chercheur intéressé
– une bonne maîtrise d’un certain nombre de méthodes taxométriques et
cartographiques, et aussi la disponibilité d’outils informatiques bien rodés.
Il ne faut cependant pas passer sous silence le fait tout autre qu’insi-
gnifiant que la DM – malgré son indéniable utilité pour beaucoup de phi-
lologies modernes (des études africaines à celles des langues baltiques, en
passant par les philologies germanique, anglaise, italienne et française(1) –

(1) Voir les indications bibliographiques dans Goebl 1992a, 433-434 et 1993b, 277-278.

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continue d’être regardée avec un certain scepticisme de la part de certains


linguistes, surtout de ceux qui voient dans le recours au traitement quan-
titatif de données foncièrement qualitatives, au premier abord, une dété-
rioration de l’essence intrinsèque de ces dernières. À part cela, la DM est
en butte aux mêmes malentendus et incompréhensions dont souffrent
aussi d’autres secteurs de la linguistique quantitative.

2. L’ALF: mine inépuisable de structures diatopiques de toute sorte


L’ALF – que malgré son âge je continue de considérer comme l’astre
central de la richissime nébuleuse des atlas linguistiques romans – permet
le dégagement de deux sortes de structures diatopiques:
1) de structures de superficie résultant d’analyses typisantes de cartes-
ALF isolées: la fameuse typisation de la carte 1 l’abeille de l’ALF, dres-
sée par Jules Gilliéron en 1918, en serait un exemple éloquent et univer-
sellement connu;
2) de structures de profondeur qui résultent de la superposition d’un
certain nombre d’analyses particularisantes. Citons, comme cas exemplaire de
ce genre d’analyses, la carte des frontières dialectales de la France, établie
par Arvid Rosenqvist en 1919 (et réimprimée en 1978 dans Berschin/Felix-
berger/Goebl, 261-266) et les planches établies par K. v. Ettmayer (1924).
Quant à la recherche des structures de profondeur, la DM permet de
pousser plus avant l’expérience globalisante et d’explorer ainsi un nombre
pratiquement illimité de structurations diatopiques latentes. Comme l’ALF
constitue, par l’ampleur de son réseau d’enquête (638 points) et la
richesse linguistique de son questionnaire (1421 questions pour la
série A), une source empirique de toute première importance, sa dialec-
tométrisation se révélait pratiquement «incontournable». Nous avons donc
décidé, dès avant 1997, de relever ce défi et de nous atteler à la tâche
«bénédictine» d’une dialectométrisation de l’ALF entier(2).

3. La dialectométrisation de l’ALF: prérequis techniques et informatiques


Tout d’abord, nous nous sommes procuré un exemplaire de l’ALF
dont il existe, depuis 1968, une bonne réimpression de l’édition originale
publiée entre 1902 et 1910. Il fallait ensuite le décomposer carte par carte

(2) Les travaux décrits dans cet article se sont déroulés dans le cadre de deux pro-
jets de recherche (no. 12414 et 13349) financés par l’organisme de recherche
autrichien «Fonds zur Förderung der wissenschaftlichen Forschung in Öster-
reich» (FWF) à Vienne.

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parce que le travail de typisation (de taxation, codage, etc.) exige la mise
à disposition des planches de l’ALF en tant que feuilles détachées. Ces
préparatifs n’ont d’ailleurs été appliqués qu’aux 1421 cartes de la série A
de l’ALF. Par la suite, nous avons fait imprimer, sur les 1421 planches
dégagées de l’ALF, un réseau multicolore de 18 «parcours d’épreuve»
pour assurer ainsi le transfert contrôlé des données de l’ALF sur des listes
appropriées.
Le travail de transfert – qui comprend la taxation (typisation, codage,
etc.) à proprement parler et l’enfournement consécutif des données taxées
dans l’ordinateur – a été confié à une équipe de jeunes romanistes préa-
lablement formée. Il va de soi que le travail de taxation s’est déroulé sui-
vant des consignes aussi précises que possible pour assurer ainsi l’homo-
généité des travaux taxatoires de nos jeunes collaborateurs(3).
Du côté informatique enfin, il fallait trouver un collaborateur ultra-
compétent à qui confier la confection d’un logiciel capable d’assurer la
saisie, le contrôle et le stockage des données-ALF taxées d’un côté, et
d’effectuer tous les calculs dialectométriques ainsi que leur visualisation
consécutive selon les standards cartographiques les plus récents de l’autre.
Heureusement ce collaborateur idéal s’est présenté en la personne de
M. Edgar Haimerl qui, entre 1990 et 1997, avait déjà réalisé l’informati-
sation complète de notre atlas linguistique ladin ALD-I. E. Haimerl a par
la suite initié un jeune romaniste salzbourgeois d’origine polonaise –
M. Slawomir Sobota – aux secrets de la cartographie assistée par ordina-
teur. Le programme mis au point par E. Haimerl et à l’aide duquel toutes
les cartes de cet article ont été préparées, s’appelle «Visual Dialecto-
metry» (VDM) alors que le logiciel cartographique utilisé par S. Sobota
pour la confection définitive des cartes est un produit industriel dénommé
«Map Info». Que MM. Haimerl et Sobota reçoivent ici l’expression de ma
reconnaissance sincère et profonde!
Les lecteurs intéressés pourront d’ailleurs consulter notre site internet
bilingue (allemand-anglais) http://ald.sbg.ac.at/dm où ils trouveront une
description détaillée de la démarche dialectométrique en général et des
différentes étapes de la dialectométrisation de l’ALF en particulier.

(3) À cet égard nous tenons à remercier chaleureusement Barbara Aigner, Irmgard
Dautermann, Hildegund Eder, Susanne Oleinek et Annette Schatzmann (toutes
de Salzbourg) pour leur collaboration compétente, efficace et tenace.
Nous incluons dans notre gratitude Mme Lily Ditz-Fuhrich (Salzbourg) qui,
une fois de plus, a bien voulu assurer le contrôle stylistique de notre texte
français.

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4. Brève description de la chaîne dialectométrique mise en œuvre


Précisons d’entrée de jeu que la dialectométrisation de l’ALF a été
faite exactement suivant les normes et méthodes dialectométriques
établies par nous il y a plus de vingt ans. C’est pourquoi les lecteurs de
la «Revue de linguistique romane» se reporteront utilement à nos contri-
butions respectives de 1981, 1983 et 1987. L’ensemble des méthodes
dialectométriques actuellement disponibles est agencé selon le modèle
d’une chaîne dont la figure 1 montre les différents maillons.

Chaîne dialectométrique

Figure 1: Diagramme des méthodes dialectométriques utilisées dans cet article.

De la source originale – c’est-à-dire de l’atlas linguistique à dialecto-


métriser – l’on passe, par le biais d’un métabolisme informationnel bien
défini (i. e. par la taxation ou codage des données originales), à la matrice
de données (comprenant N points d’enquête et p cartes de travail) qui,
elle, représente donc une sorte d’image, pour ne pas dire un modèle, des

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données originales. Rappelons le fait bien connu (mais souvent occulté


dans la pratique courante de la recherche) que les données originales d’un
atlas linguistique sont également le résultat d’un transfert d’informations
et ne doivent en aucune manière être confondues avec la réalité dialectale
à proprement parler.
Par la suite, la matrice de données doit être soumise à un traitement
exploratoire particulier. À cet effet il faut choisir un indice de similarité
ou de distance approprié, et calculer ensuite, suivant les besoins et les
finalités de l’analyse dialectométrique en cours, une matrice ou bien de
similarité ou bien de distance. Par définition les deux matrices sont tou-
jours symétriques: N points d’enquête fois N points d’enquête. Par le
dépouillement taxométrique des deux matrices mentionnées l’on finit par
dégager les structures de profondeur recherchées, d’abord de manière
numérique, et ensuite, par le biais d’une visualisation appropriée, aussi de
manière graphique.

4.1. Des données de l’ALF à la matrice de données


4.1.1. Traitement empirique et cartographique du réseau de l’ALF
Nous avons pris en considération l’ensemble des 638 points d’enquête
de l’ALF(4) tout en leur ajoutant trois points artificiels qui correspondent
à autant de langues standards qui, d’une façon d’ailleurs très inégale, ont
influé sur les dialectes galloromans:
P. 999: français standard; localisé en Ile-de-France, entre les points-
ALF 226 et 227;
P. 998: italien standard; localisé aux confins orientaux de la Provence,
entre les points-ALF 990 et 899;
P. 997: catalan standard; localisé au sud du Roussillon, entre les
points-ALF 796 et 798.
La dialectométrisation de l’ALF une fois accomplie, les résultats en
démontrent cependant que seul le français constitue, pour les données de
l’ALF, un agent géolinguistique important.
La polygonisation, comme dernière étape de la préparation cartogra-
phique du réseau de l’ALF, portait donc sur 641 points d’enquête. Elle a

(4) Étant donné que E. Edmont a fait deux enquêtes à Saint-Pol-sur-Ternoise


(= P.-ALF 284), sa ville natale, l’ALF dispose de 639 enquêtes faites dans
638 communes. Comme nous n’avons pris en compte que la première des deux
réponses enregistrées au P.-ALF 284, notre réseau-ALF n’a que 638 points
d’enquête.

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été faite suivant les principes dorénavant bien connus de la géométrie de


Delaunay-Voronoi (cf. Goebl 1981, 363-364; 1984 I, 90-92 et Okabe/Boots/
Sugihara 1992, passim). Ajoutons encore que, pour des raisons d’une
meilleure lisibilité cartographique du fond de la carte polygonale, les îles
situées le long de la côte atlantique et prises en considération dans le
réseau de l’ALF, ont été accolées directement à la masse continentale de
la France.

4.1.2. Taxation (codage, typisation, etc.) des cartes de l’ALF

Dans le souci d’obtenir une matrice de données aussi complète que


possible, nous avons écarté de l’analyse taxatoire des cartes-ALF trop
lacunaires, à savoir celles qui disposent de moins de 600 (sur 638)
réponses transcrites (et partant utilisables). La typisation à proprement
parler se faisait suivant des critères phonétiques, morpho-syntaxiques et
lexicaux. Évidemment, la taxation phonétique ne pouvait se faire qu’à
partir de cartes-ALF étymologiquement homogènes et à l’aide d’une grille
analytique précise. Ont été insérées dans cette grille non seulement les
catégories classiques de la phonétique historique (comme les positions
prétonique, tonique et posttonique des différents nexus vocaliques et
consonantiques, les syllabes libres et entravées, etc.) mais aussi un grand
nombre de nexus étymologiques d’usage fréquent (comme p. ex. -Ē´RE,
´ RE, -Ā
-Ā ´ TU, -Ĕ´LLU, Ĕ´ + Palatale, -Ā´ RIU, etc.). Pour plus ample
information voir notre site internet http://ald.sbg.ac.at/dm.
Les unités taxatoires émanant de l’analyse taxatoire s’appellent
«taxats». En matière de phonétique, les taxats correspondent le plus sou-
vent aux différents symboles de la transcription de l’ALF dont certains
ont d’ailleurs été réunis en groupe pour éviter ainsi un débordement de
la fragmentation interne du bilan taxatoire. Ce faisant, nous avons obéi au
principe du «lumping», opposé à celui du «splitting», fréquemment
observé en matière de taxonomie biologique.
Quant au lexique, la taxation visait à dégager des unités lexicales abs-
traites équivalant grosso modo aux étymons des formes-ALF respectives.
L’adjonction de suffixes, préfixes et infixes impliquait toujours l’établisse-
ment d’un nouveau taxat. Notre propos était de saisir ainsi la dynamique
de l’évolution lexicale de l’espace galloroman, tout en nous inspirant
vaguement de la tradition de recherche de l’onomasiologie («Wörter und
Sachen») et aussi de l’esprit analytique avec lequel les différents chapitres
du FEW ont été conçus.

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Il va de soi que le bilan taxatoire de chaque carte originale de l’ALF


est plus grand pour la phonétique que pour le lexique ou la morpho-syn-
taxe. Ceci s’explique par le fait que les données d’une carte-ALF étymo-
logiquement homogène peuvent être soumises à plusieurs taxations, por-
tant, p. ex., sur les multiples succédanés des nexus initiaux, intermédiaires
et finals de l’étymon respectif. C’est ainsi que 1117 cartes de travail d’ins-
piration phonétique ont été tirées de 247 cartes originales de l’ALF alors
que le même bilan s’avère plus équilibré pour le lexique: de 463 cartes
originales de l’ALF nous avons dégagé seulement 471 cartes de travail.
Vu la complexité du travail taxatoire et de la saisie électronique des
données taxées, nous n’avons pu prendre en considération que 626 cartes
originales de l’ALF, soit quelque 44% du total des 1421 planches de la
série A. Les 626 cartes-ALF analysées se répartissent d’une façon plus ou
moins régulière sur l’abscisse des 1421 cartes de l’ALF: voir la figure 2
qui montre en outre que de chaque carte originale de l’ALF il a été tiré
un nombre inégal de cartes de travail, allant de 1 à 10.

Figure 2: Diagramme du dépouillement taxatoire de l’ALF effectué à Salzbourg


entre 1997 et 2000.

Comme l’échantillonnage des 626 cartes-ALF dépouillées s’est fait en


fonction de l’ordre alphabétique des titres des 1421 cartes de l’ALF, l’on

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peut dire que notre choix a été opéré d’une façon quasiment aléatoire.
Le tableau synoptique suivant renseigne sur les effectifs des différentes
catégories linguistiques considérées dans cet article.

1 2 3 4
cartes - ALF cartes de travail taxats
Catégorie
linguistique décompte décompte décompte décompte
partiel intégral intégral intégral
1 Phonétique 247 ------ 1.117 12.023
2 vocalisme 242 ------ 612 8.657
3 consonantisme 227 ------ 505 3.366
4 Morpho-syntaxe 84 ------ 99 989
5 Lexique 463 ------ 471 7.031
Total ------ 626 1.687 20.043
Remarque: comme, d’une carte originale de l’ALF, il était possible de tirer
plusieurs cartes de travail appartenant en outre à plus d’une catégorie linguistique,
il est impossible de calculer le total de la colonne 2 du tableau précédent en addi-
tionnant les effectifs partiels des lignes 1-5.

En moyenne, nous avons tiré, de chaque carte originale de l’ALF,


2,69 cartes de travail (= 1687 : 626). Comme les 1687 cartes de travail
fournissent un effectif total de 20 043 taxats, chaque carte de travail dis-
pose en moyenne de 11,88 taxats (= 20 043 : 1687) dont les aires respec-
tives occupent en général 53,95 points du réseau-ALF (= 641 : 11,88).
Entre le nombre des cartes de travail et celui des taxats analysés sur
chaque carte de travail il existe d’ailleurs des relations mathématiques très
intéressantes: voir à ce sujet les figures 3-5.
Le nombre des cartes de travail décroît d’une manière plus ou moins
continue avec l’augmentation de la fragmentation interne des cartes de
travail. La figure 3 en offre l’exemple le plus éloquent: la courbe décline
harmonieusement entre le score maximal de 211 cartes de travail 3-nymes
(c’est-à-dire disposant de trois taxats) et le score minimal d’une seule
carte de travail 91-nyme. Pour la phonétique, la situation est très similaire:
voir la figure 4. La déclivité de la courbe s’inscrit entre 178 cartes de tra-
vail 3-nymes et une carte de travail 76-nyme, alors que les scores relatifs
au lexique révèlent une allure moins régulière: les valeurs maximales
(36 et 35 cartes de travail) correspondent aux cartes 5- et 10-nymes et la
valeur minimale (1) appartient à une carte de travail 91-nyme.

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Figure 3: Histogramme relatif à la relation entre le nombre des cartes de travail


et leur morcellement taxatoire interne.
Corpus total (1687 cartes de travail = 626 cartes originales de l’ALF).

Le morcellement taxatoire du lexique (de 1 à 91) dépasse largement


celui de la phonétique: de 2 à 76 en général; vocalisme: de 2 à 76 taxats/
cartes de travail; consonantisme: de 2 à 27 taxats/cartes de travail, en par-
ticulier. Les régularités visualisées sur les figures 3-5 reflètent d’ailleurs
certaines particularités du changement linguistique tel qu’il s’est déroulé
dans l’espace galloroman. Elles peuvent être modélisées du point de vue
mathématique comme résultantes d’une interaction complexe entre diffé-
rents processus de genèse et de dégénérescence d’unités linguistiques
diverses (cf. Altmann 1985 avec la déduction stochastique d’une «loi de
Goebl»).

4.2. De la matrice de données aux matrices de similarité et de distance


C’est par l’application d’un indice ou bien de similarité ou bien de
distance que l’on passe – le long de la chaîne dialectométrique (voir la
figure 1) – de la matrice de données à la matrice de similarité ou de dis-
tance. Comme la taxométrie moderne (cf. p. ex. Sneath/Sokal 1974, Bock
1974, Chandon/Pinson 1981, Bailey 1994 ou Gordon 1999) offre un grand

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nombre d’indices utilisables et que chacun d’entre eux répond à d’autres


besoins et finalités exploratoires, il est de toute première importance que
le dialectométricien règle son choix sur les nécessités de sa propre
démarche dialectométrique. Les deux indices de similarité utilisés dans le
cadre de cet article – l’«Indice Relatif d’Identité» (IRIjk) et l’«Indice Pon-
déré (avec le poids 1) d’Identité» (IPI(1)jk) – ont prouvé leur utilité dia-
lectologique plus d’une fois (cf. Goebl 1981, 357 s. et 1987, 702 s.). Alors
que l’IRIjk est une mesure isocratique qui ne privilégie numériquement
aucun des taxats de la matrice de données, l’IPI(1)jk en revanche, en tant
que mesure anisocratique, favorise numériquement surtout les taxats dia-
topiquement moins répandus et défavorise par contre les taxats de grande
diffusion spatiale. Cet indice répond à une philosophie très répandue
parmi les linguistes selon laquelle les traits linguistiques universellement
répandus ont une incidence classificatoire moindre que les traits linguis-
tiques rares. Le poids numérique des taxats de moindre diffusion aug-
mente avec la diminution du facteur de pondération dans la formule de
l’IPI(x)jk (cf. à ce sujet Goebl 1987, 70 s.). Les exemples présentés par
la suite ont été calculés avec le facteur de pondération maximal, à savoir

Figure 4: Histogramme relatif à la relation entre le nombre des cartes de travail


et leur morcellement taxatoire interne.
Phonétique (1117 cartes de travail = 247 cartes originales de l’ALF).

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x = 1. L’indice pondéré IPI(x)jk sert avant tout à l’exploration de paysages


dialectaux moins saillants ou d’importance secondaire, et à l’étude
d’enchevêtrements géolinguistiques à courte distance.

Figure 5: Histogramme relatif à la relation entre le nombre des cartes de travail


et leur morcellement taxatoire interne.
Lexique (471 cartes de travail = 463 cartes originales de l’ALF).

4.3. Les exigences statistiques et cartographiques de la mise en carte


Chacune des 24 cartes présentées dans cet article répond à des
conventions iconiques précises et bien rodées depuis longtemps. Le but
central des cartes est de transposer la variabilité numérique des diffé-
rentes distributions de similarité ou de distance en une variabilité ana-
logue d’un certain nombre de couleurs ordonnées suivant la logique de
l’arc-en-ciel (ou du spectre solaire). Or, la psychologie visuelle nous
enseigne que la sensibilité de l’œil humain est le mieux desservie par un
jeu différentiel de seulement 6 à 8 paliers chromatiques. La définition des
paliers chromatiques utilisés se fait à l’aide de deux algorithmes d’inter-
vallisation (MINMWMAX et MEDMW) élaborés il y a belle lurette: cf.
Goebl 1981, 365 s.; 1984 I, 93-97 et 1987, 79 s.). La même remarque vaut
pour les histogrammes qui, à l’aide de 2n colonnes verticales, visualisent
le rendement numérique de la distribution de fréquence mise en carte

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moyennant un algorithme d’intervallisation n-tuple (cf. Goebl 1981, 363


et 1984 I, 97-98).
Le linéament de la courbe gaussienne (ou normale) théorique, calculée
à partir de la moyenne arithmétique et de l’écart-type de la distribution
de fréquence (i. e. de similarité ou de distance) respective, permet en
outre d’en contrôler rapidement certaines propriétés mathématiques.

5. La mensuration de la distance linguistique entre les points contigus de


l’ALF (DM interponctuelle): voir la carte 1
5.1. Conventions graphiques et taxométriques
Il y a plus d’un siècle, le germaniste Carl Haag (1898) a démontré
que le tracement rationnel d’isoglosses combinées ne pouvait se faire qu’à
l’aide de la géométrie de Delaunay-Voronoi. Depuis la mise en place de
la cartographie assistée par ordinateur, il est facile d’en réaliser tous les
prérequis, tant théoriques que pratiques. La polygonisation du réseau de
l’ALF a abouti à la définition de 1792 côtés de polygone le long desquels
aura lieu le tracement – d’ailleurs entièrement imaginaire – des différents
tronçons d’isoglosse.
Rappelons encore trois choses:
1) que chaque tronçon d’isoglosse est défini en termes de distance
(dissemblance, dissimilarité, etc.) entre deux points d’atlas contigus (cf.
Goebl 1983, passim);
2) qu’il existe depuis 1953 (Lalanne) le terme heureux d’«interpoint»
pour désigner la position intermédiaire, et partant relationnelle, de chaque
côté du polygone entre deux points d’atlas contigus;
3) que la contiguïté des points de l’ALF a été définie au cours de la
triangulation du réseau de l’ALF, qui constitue la première étape du pro-
cessus de polygonisation. La triangulation a abouti à la géométrie dite «de
Delaunay».
Pour la visualisation des 1792 scores de distance interponctuels nous
avons choisi huit couleurs différentes dont la répartition incombe à l’algo-
rithme d’intervallisation MEDMW. Cet algorithme privilégie numéri-
quement les intervalles extrêmes (1-2 et 7-8) et confère ainsi, à la syntaxe
iconique du graphique entier, une allure plus accidentée. Rappelons aussi
que le profil polygonal de la carte 1 repose sur le jeu interférentiel de
1792 côtés de polygone disposant chacun d’une épaisseur et d’un coloriage
particulier qui varient en fonction de huit degrés linéaires et chromatiques
préalablement définis.

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Les plus grandes distances interponctuelles sont symbolisées par


l’apparition concomitante de la plus grande épaisseur linéaire du côté du
polygone et du coloriage en bleu foncé (évoquant psychologiquement la
«froideur» des relations interindividuelles) alors que le contraire est
visualisé par des côtés de polygone minces d’un côté et coloriés en rouge
de l’autre. Les intervalles 1-4 se situent, du point de vue numérique
(ou statistique), au-dessous de la moyenne arithmétique (x– = 18,12, voir
le seuil supérieur de l’intervalle 4) tout en correspondant iconiquement
aux couleurs «chaudes» alors que les intervalles 5-8 occupent l’espace
numérique situé au-dessus de la moyenne arithmétique et sont visualisés
par les couleurs «froides». L’indice de distance appliqué et mis en carte
par la suite est l’«Indice Relatif de Distance» (IRDjk). Il constitue le
complément numérique de l’IRIjk selon la formule suivante: IRIjk + IRDjk
= 100.

5.2. Interprétation de la carte 1


La carte 1 est sillonnée d’un vaste champ de cloisonnements inter-
ponctuels très intenses, intercalés entre les domaines d’Oc et d’Oïl et
s’étendant aussi en Suisse romande, Lorraine, Wallonie et Picardie. Les
scores interponctuels les plus importants se trouvent entre l’italien stan-
dard (P. 998) et les points-ALF provençaux voisins, aux environs de Bor-
deaux autour de l’îlot linguistique de la Petite Gavacherie (P. 635,
Andraut) et le long du pourtour du domaine francoprovençal (surtout
dans la région du Forez). Les cloisonnements minimaux (symbolisés
par les intervalles 1 et 2) par contre, se trouvent au centre du domaine
d’Oïl, en Languedoc et en Provence. Une comparaison de la carte 1 avec
des synthèses isoglottiques antérieures (voir p. ex. Rosenqvist 1919 et
Ettmayer 1924) s’impose. Fort de cette comparaison, le lecteur jugera lui-
même des progrès méthodiques et techniques accomplis en quelque
soixante-dix ans de recherches et aussi de la dimension de l’erreur com-
mise jadis par Gaston Paris (1888, 435) quand il affirmait: «Et comment,
je le demande, s’expliquerait cette étrange frontière qui de l’ouest à l’est
couperait la France en deux en passant par des points absolument for-
tuits? Cette muraille imaginaire, la science, aujourd’hui mieux armée, la
renverse, et nous apprend qu’il n’y a pas deux France, qu’aucune limite
réelle ne sépare les Français du Nord de ceux du Midi [...].». Il s’agit là
d’une prise de position typophobe classique née dans un climat épistémo-
logique peu enclin à la classification rationnelle de données géolinguis-
tiques et exacerbée en plus par certaines exaspérations géopolitiques uni-
taristes jaillies à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870-71.

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18 HANS GOEBL

La syntaxe iconique de la carte 1 nous montre en outre clairement


qu’il n’y a aucune délimitation plus ou moins linéaire au sein de la
Galloromania et que, de ce fait, la vieille métaphore de la «frontière»
linguistique est carrément inutilisable. Ce n’est que la métaphore de la
«zone» ou «bande» de transition qui tient debout devant l’évidence des
résultats classificatoires.
Soulignons aussi le fait quelque peu paradoxal que d’entiers paysages
dialectaux (comme le wallon, le limousin, l’auvergnat ou le francoproven-
çal) semblent s’estomper complètement dans le chassé-croisé des cloison-
nements épais (et bleus). Ceci ne les empêche d’ailleurs pas de réappa-
raître avec netteté au cours d’autres analyses dialectométriques, telle
la mensuration de la similarité et des paramètres caractéristiques ou
l’analyse dendrographique. Cette contradiction étrange s’explique par le
caractère foncièrement ambivalent du concept de «frontière»: toute fron-
tière marque d’un côté l’arrêt ou le ralentissement de communications
interponctuelles, mais aussi – bien que dans une mesure plus ou moins
limitée – la persistance de contacts et d’échanges de l’autre. L’effet ralen-
tisseur est saisi par la DM interponctuelle (i. e. relative aux distances ou
dissemblances entre deux points contigus d’un réseau interactif) alors que
l’effet communicatif constitue l’objet de la DM de similarité. Voir à ce
propos aussi les livres stimulants de Nordman 1998 et de Bromberger/
Morel 2001.
Mentionnons encore, avant de conclure ce paragraphe, un fait taxo-
métrique tout autre qu’insignifiant: des 205 120 scores de distance réper-
toriés dans la matrice de distance (selon IRDjk) respective, seulement un
pourcentage minime (i. e. 0,87 % = 1792 : 205 120) a été utilisé pour la
génération de la carte 1, alors que les visualisations présentées dans les
paragraphes 7 et 8 de cet article reposent sur l’effectif total de la même
matrice de distance (ou de similarité). Ceci prouve que l’importance
taxométrique de la DM interponctuelle est très limitée et qu’il est bon de
ne pas en surestimer la valeur exploratoire.

6. La mensuration de la similarité linguistique entre les 641 points-ALF

6.1. Conventions graphiques et taxométriques

Pour des raisons d’espace il est impossible de présenter la numérota-


tion des points d’enquête de l’ALF sur le fond des cartes de similarité. Mais
il est facile d’identifier les numéros des différents points ou polygones de
l’ALF en juxtaposant les cartes de cet article et une copie de la carte poly-

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 19

gonale muette de l’ALF pourvue de la numérotation complète, disponible


sur internet: http://ald.sbg.ac.at/dm/germ/Allgemein/ALF_Netz.pdf.
La visualisation des cartes 2-7 et 9-13 repose sur l’algorithme d’inter-
vallisation MINMWMAX pour 6, 8 et 10 paliers chromatiques différents.
Les indices de similarité utilisés sont l’IRIjk et l’IPI(1)jk (cartes 4-5); voir
aussi – à titre de comparaison – les cartes coloriées dans Goebl 2000.

6.2. Présentation de la carte 2: la francisation de l’espace galloroman


Le point de référence de la carte 2 est le point-ALF factice 999 qui
correspond au français standard (défini par la terminologie des titres des
cartes-ALF respectives). Le polygone relatif au P. 999 a été inséré à proxi-
mité des PP. 226 et 227. Le profil choroplèthe de la carte 1 – qui corres-
pond d’ailleurs de très près à celui établi à partir des autres points-ALF
situés en Ile-de-France: voir la figure 1 dans Goebl 2000, 224 – montre la
position géolinguistique du français par rapport à la Galloromania entière.
L’on discerne bien – en rouge – les zones de la plus forte pénétration du
français et aussi quelques provignements tentaculaires vers l’Ouest, le Sud,
l’Est et le Nord comme manifestations typiques de l’irradiation spatiale de
la langue de la Royauté et de la République françaises. Les plages poly-
gonales en bleu foncé (intervalle 1) constituent en quelque sorte les «anti-
podes» géotypologiques du français: il s’agit de neuf points-ALF équiva-
lant au catalan du Roussillon, au catalan standard, à l’italien standard et
à deux points du provençal maritime. L’ensemble des polygones rouges,
orange et jaunes recouvre grosso modo le domaine d’Oïl à l’exception
cependant du wallon et de quelques enclaves lorraines. À noter en outre
l’étendue et la structuration de la zone verte (intervalle 3) qui recouvre,
entre autres, le couloir rhodanien entre Lyon et Marseille, porte d’entrée
de nombreuses innovations septentrionales. Signalons aussi la silhouette
«crescenti-forme» de l’ensemble des polygones situés entre Bordeaux
et Clermont-Ferrand, et aussi la position détachée d’un polygone isolé
en jaune (intervalle 4) au sud de Bordeaux (P. 635, Andraut, Petite
Gavacherie). De ces deux particularités il sera encore question plus tard
(6.5. et 6.6.).
Ajoutons encore que toute carte de similarité peut être interprétée
aussi d’un point de vue communicatif et diffusionniste. Dans cette per-
spective, il s’agit de juger de l’impact communicatif et diffusionniste de
la dialecticité du point de référence (définie par l’ensemble des attributs
linguistiques respectifs répertoriés dans la matrice de données) sur le reste
du réseau de l’ALF (cf. Goebl 1981, 375 et 1984 I, 104-113).

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20 HANS GOEBL

6.3. Présentation des cartes 3 et 4: la position d’un parler wallon au sein


du réseau-ALF

Les cartes 3 et 4 servent à la démonstration de deux choses: 1) à la


présentation du profil choroplèthe d’un paysage linguistique périphérique
à l’aide de l’analyse des similarités, et 2) à la démonstration de l’incidence
de la pondération (carte 4). La carte 4 se distingue de la carte 3 par la
diminution des plages rouges et orange d’un côté (21 + 7 vs. 12 + 4)
et par l’augmentation des plages en bleu foncé et moyen (19 + 166 vs.
167 + 58) de l’autre. C’est ainsi que le profil choroplèthe de la carte 4
devient plus accidenté par rapport à celui de la carte 3. À noter que les
plages en couleurs «chaudes» embrassent, sur la carte 3, une bonne partie
du francoprovençal, alors que, sur la carte 4, la plupart en est répertoriée
en vert et ne dispose donc que de similarités situées au-dessous de la
moyenne arithmétique. À relever également la silhouette «crescenti-
forme» de la frange-nord du domaine d’Oc (en vert sur la carte 3 et en
bleu moyen sur la carte 4).

6.4. Présentation de la carte 5: la position d’un parler picard au sein du


réseau-ALF

Le contraste entre les cartes 4 et 5, calculées toutes les deux à l’aide


d’un indice de similarité pondéré, est relativement petit: la position des
plages «chaudes» (intervalles 6-4) d’un côté et des plages «froides» (inter-
valles 1-3) de l’autre est plus ou moins identique. Les différences entre les
deux cartes concernent surtout les intervalles 6 et 5 dont les polygones
délimitent le paysage linguistique picard de façon très compacte. Notons
encore l’étalement bien ordonné des six paliers chromatiques dans
l’espace, et aussi que le type iconique de la carte choroplèthe entière ne
changerait guère au cas où l’on déplacerait le point de référence à l’inté-
rieur de la zone «picarde» (= polygones rouges et orange).

6.5. Présentation des cartes 6-8: la position d’un parler francoprovençal au


sein du réseau-ALF

Le point de référence des cartes 6 et 7 correspond au P.-ALF 969,


L’Étivaz, situé au sud-est de Château d’Oex et à proximité directe de la
frontière linguistique entre le francoprovençal de la Suisse romande et des
parlers alémaniques de la Suisse allemande. Il s’agit donc d’un parler
galloroman en position périphérique. Le «francoprovençal» – c’est-à-dire
l’espace disposant du plus haut degré de typicité locale selon les attributs

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 21

linguistiques répertoriés dans le vecteur 969 de la matrice de données –


est bien marqué par l’ensemble des plages rouges et orange. Le pourtour
correspond parfaitement à la définition géolinguistique traditionnelle du
francoprovençal (cf. p. ex. Hasselrot 1966, Tuaillon 1972 ou Martin 1990).
Soulignons encore que la même zone apparaîtrait aussi à partir d’autres
points de référence situés dans la zone rouge et orange.
Remarquons aussi que l’ensemble des polygones rouges, orange et
jaunes crée une superficie cohérente qui s’étend de la Normandie et de
la Bretagne romane jusqu’en Vallée d’Aoste. La carte 7 en donne une
vision encore plus claire: le profil iconique y a été réalisé avec seulement
deux paliers chromatiques différents où les plages rouges symbolisent des
zones linguistiquement plus ou moins proches de la dialecticité du point
de référence alors que les plages bleues en signalent le contraire: à noter
les grandes enclaves bleues en Picardie, en Wallonie et en Lorraine!
Or, l’espace constitué par les polygones rouges rappelle de très près
l’étendue de l’ancienne «Provincia lugdunensis» (voir la carte 8) dont la
latinité – suivant une théorie chère aux francoprovençalistes depuis Bengt
Hasselrot (1966) et surtout Pierre Gardette (p. ex. 1967/74) – devrait
constituer le noyau historique du francoprovençal actuel. En effet, la
ressemblance des espaces rouges sur les cartes 7 et 8 plaide énergique-
ment en faveur de cette théorie. Rappelons que, du point de vue métho-
dique, le statut épistémologique de la carte 8 – tirée d’un atlas historique
(Motta 1995, 26) – est très haut et rejoint celui d’une carte dialectomé-
trique qui, elle, de par sa nature typologique et partant globale voire
généralisante, dépasse de loin celui d’une simple mise en carte d’un trait
linguistique isolé. Vu son rang épistémologique majeur, la carte des pro-
vinces romaines de la Gaule peut donc être comparée directement avec
une carte dialectométrique issue de la synopse quantitative de plus de
vingt mille aires linguistiques isolées dont chacune est le reflet d’un micro-
processus historique particulier.
En comparant les cartes 7 et 8 il ne faudrait surtout pas s’attendre à
une coincidence spatiale parfaite. Évidemment, la vieille mouvance lugdu-
naise, relayée plus tard par celle de Lutetia/Paris, a été élargie considéra-
blement tant vers le Nord que vers le Sud sans d’ailleurs se confondre
avec les latinités belges et germaines d’un côté et leurs pendants aquitains
et narbonnais de l’autre. De tout ceci il résulte que les fondements de la
fameuse tripartition de la Gaule (Aquitaine et Narbonnaise dans le Sud,
Lugdunaise au Centre, Belgique et Germanie dans le Nord) ressortent fort
bien de la structuration choroplèthe de la carte 7.

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22 HANS GOEBL

6.6. Présentation des cartes 9-12: la position d’un parler «crescentain» au


sein du réseau-ALF
Les cartes 9-12 servent à la discussion dialectométrique de deux
phénomènes très intéressants: 1) de la structuration spatiale de plusieurs
profils de similarité relatifs à un point-ALF du croissant, et 2) de l’inci-
dence de la catégorie linguistique du corpus utilisé (lexique vs. vocalisme
vs. consonantisme) sur les résultats dialectométriques.
La zone du croissant – dont l’historique a été magistralement décrit
par Guylaine Brun-Trigaud en 1990 – constitue, un peu à l’instar du franco-
provençal, une zone d’intersection complexe entre les latinités d’Oïl d’un
côté et les latinités d’Oc de l’autre. La métaphore géographique du «crois-
sant», relative à l’aspect cintré du tracé combiné de plusieurs isoglosses
entre les domaines d’Oïl et d’Oc au Nord du Massif Central, a été mise
en circulation en 1913 par Jules Ronjat (6-7). Le point-ALF 706 (Merlines,
Corrèze) se situe à proximité du secteur central du croissant. La carte 9
en montre le profil de similarité à l’aide de huit (et non plus de six) gra-
dins chromatiques pour mieux en faire ressortir les différents enchevêtre-
ments spatiaux. Le voisinage immédiat du point 706, défini par les plages
rouges (intervalle 8), orange (intervalle 7) et ocres (intervalle 6), recouvre
grosso modo l’occitan septentrional (limousin et auvergnat), mis à part
quelques provignements en ocre projetés vers le couloir rhodanien. L’en-
semble des polygones répertoriés dans les intervalles 8-5 (couleurs
«chaudes») forme un espace relativement cohérent qui s’inscrit tant dans
le Nord que dans le Sud de la Galloromania. Par rapport aux cartes 2-5
(toutes du meilleur «aloi» oïlique) il s’agit en effet d’une conjonction net-
tement hybride. La même hybridation ressort de la carte 10 qui repose
d’ailleurs uniquement sur le corpus lexical (471 cartes de travail). La seule
différence consiste dans une légère dérive, sur la carte 10, de la zone
«chaude» vers le Nord.
Les cartes 11 et 12 par contre montrent des situations moins ambi-
guës. La carte 11 qui repose sur des données exclusivement vocali-
ques (612 cartes de travail), montre un profil foncièrement «sudiste»: les
zones «chaudes» y recouvrent la totalité du domaine d’Oc. Ceci signifie
que la part vocalique des attributs linguistiques du vecteur matriciel du
P.-ALF 706 est d’origine carrément occitane. Tel n’est pas le cas pour la
carte 12 où le corpus est constitué de 505 cartes (de travail) uniquement
consonantiques. Le profil choroplèthe en est plutôt – mais non pas entiè-
rement – de type oïlique: la zone «chaude» s’étend jusqu’à la Manche,
mais évite les Pyrénées sans pour autant se détacher du littoral méditer-

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 23

ranéen de la Provence. Il en appert que la part consonantique des


attributs linguistiques du P.-ALF 706 est de provenance plutôt oïlique.
La conclusion qui se dégage de ces constellations changeantes est que
la nature profonde du croissant consiste en une imbrication complexe de
traits linguistiques d’origine occitane et oïlique qui, elle, varie en fonction
des différentes catégories grammaticales.

6.7. Présentation de la carte 13: la position de la Petite Gavacherie au sein


du réseau-ALF
Il est bien connu que le réseau de l’ALF comprend un point
d’enquête «allochtone», à savoir le P. 635, Andraut, qui fait partie de l’îlot
linguistique de la Petite Gavacherie (cf. Tourtoulon-Bringuier 1876, 567 s.;
Suchier 1888, 598; Ronjat 1930, 24-25). La Petite Gavacherie constitue une
colonie linguistique fondée au XVe siècle par des colons d’origine poite-
vine et saintongeaise. Or, à l’aide d’une carte de similarité finement arti-
culée il est possible d’examiner la question de l’origine (linguistique) des
fondateurs de la Petite Gavacherie du point de vue dialectométrique. La
carte 13 montre donc que les points-ALF disposant de la plus grande simi-
larité linguistique avec le point de référence 635 se trouvent dans le voisi-
nage immédiat: il s’agit des PP. 632, Alzac (IRI635,632 = 80,74) et 630, Saint-
Savin (IRI635,630 = 78,21), situés tous les deux dans la Gironde. Ceci signifie
que la dialecticité du P. 635, au moins telle qu’elle a été enregistrée dans
l’ALF, est dans une mouvance beaucoup plus saintongeaise que poitevine.
La carte 13 montre en outre que le «Hinterland» oïlique du point de
référence 635, défini par l’intervalle 9 avec 65 points-ALF, est très large
et que la dialecticité du P. 635 dispose ainsi d’un ancrage fort solide dans
la latinité d’Oïl entière. Ajoutons encore qu’une analyse dialectométrique
de la position du P. 635 faite selon les différentes catégories linguistiques,
montre que la substance phonétique de la dialecticité d’Andraut continue
d’être foncièrement oïlique, mais qu’une certaine occitanisation se mani-
feste déjà sur le plan du lexique, surtout par l’adoption de lexèmes d’ori-
gine gasconne ou gasconnisants.

7. Au-delà de la mensuration de la similarité: la synopse de paramètres


caractéristiques des 641 distributions de similarité

Chacune des 641 distributions de similarité stockées dans la matrice


de similarité (voir la figure 1) dispose, comme toute distribution de fré-
quence, de plusieurs paramètres statistiques aptes à la caractériser du

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24 HANS GOEBL

point de vue mathématique: minimum, moyenne arithmétique, médiane,


maximum, écart-type, coefficient d’asymétrie de Fisher, etc. Comme tous
ces paramètres accusent des variations spatiales bien ordonnées, il est indi-
qué de les réunir en synopse cartographique et d’en tirer des cartes cho-
roplèthes visualisées en bonne et due forme. En effet, les profils iconiques
qui s’y manifestent sont du plus haut intérêt dialectologique et dialecto-
métrique; ils permettent d’approfondir considérablement l’analyse typolo-
gique des données de l’ALF. Dans les paragraphes suivants nous présen-
terons la synopse des écarts-types (carte 14) et celle des coefficients
d’asymétrie de Fisher (cartes 15-20).

7.1. Présentation de la carte 14: la synopse des écarts-types (ET)

L’«écart-type» (all. «Standardabweichung», angl. «standard deviation»)


est un des paramètres classiques de la statistique descriptive. Il sert à la
mensuration du degré de dispersion des différents scores d’une distribu-
tion de fréquence par la saisie de l’écart entre ces derniers et la moyenne
arithmétique respective. En voici la formule en forme simplifiée (cf. Muller
1968, 54; Kreyszig 1968, 40 et Goebl 1984 I, 149):


La signification des symboles est la suivante:
ETj l’écart-type d’une distribution de similarité relative au point de
référence j
n l’ensemble des 640 scores d’une distribution de similarité (IRIjk);
ici: n = N – 1, pour N = 641
i l’indicatif (allant de 1 à 640) des n scores d’une distribution de
similarité
IRIjk un des 640 scores d’une distribution de similarité relative au point
de référence j
j l’indicatif d’un point de référence (allant de 1 à 641)
k l’indicatif d’un point comparé (allant de 1 à 641)
IRIj la moyenne arithmétique d’une distribution de similarité relative au
point de référence j

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 25

L’utilité dialectométrique de la synopse des écarts-types réside dans


sa capacité de détecter, au sein d’un réseau d’atlas donné, les zones de
transition entre différents macro-systèmes dialectaux à forte cohésion
interne. La carte 14 en fournit une application éloquente et iconiquement
très attrayante à la fois. Les domaines d’Oïl et d’Oc sont séparés entre
eux par de larges zones de transition, toutes coloriées de différentes
teintes de bleu, qui embrassent, grosso modo, la couronne septentrionale
de l’occitan avec le francoprovençal, et qui s’étendent de ce fait de
l’Atlantique aux Alpes. L’on distingue, sur la carte 14, deux noyaux
systémiques d’importance inégale: le noyau central ou oïlique, d’une part,
et le noyau secondaire languedocien, de l’autre, à côté duquel l’on devine
à grand-peine les restes d’une vieille agglomération provençale engloutie
(intervalle 4).
La structuration harmonieuse du profil choroplèthe est d’autant plus
étonnante qu’elle est le fruit de la synthèse quantitative (et partant en
quelque sorte «automatique») de plus de vingt mille microstructures spa-
tiales (ou aires) d’allure souvent très chaotique! Évidemment, le tracé
«crescenti-forme» des plages polygonales en bleu foncé couronnant le
domaine d’Oc vers le Nord, pourra contribuer à raviver le débat autour de
l’extension et des caractères du «croissant» (cf. Brun-Trigaud 1990, passim).

7.2. Présentation des cartes 15-20: la synopse des coefficients d’asymétrie


de Fisher (CAF)

Alors que l’écart-type constitue un indice pour la mesure du degré de


dispersion d’une distribution de similarité, le «coefficient d’asymétrie de
Fisher» (all. «Schiefe», angl. «skewness») sert à la mensuration d’une des
propriétés les plus saillantes de n’importe quelle distribution de fréquence,
à savoir de la symétrie. En comparant entre elles les silhouettes des his-
togrammes des cartes 2, 3, 6 et 9 l’on peut constater que leur symétrie est
très variable. Ceci est dû, entre autres, au fait que les 640 scores de simi-
larité sont répartis de façon inégale des deux côtés de la moyenne arith-
métique. Or, quand la majorité des scores d’une distribution de similarité
se situe au-dessus de la moyenne arithmétique, l’on peut dire, métaphori-
quement parlant, que cette distribution de similarité s’insère «bien» dans
les données de départ (c’est-à-dire dans les mailles du réseau de l’ALF)
et que, partant, ses capacités communicatives sont «bonnes». L’inverse est
vrai pour une distribution de similarité dont la plupart des scores se
concentrent au-dessous de la moyenne arithmétique. La considération
taxométrique du degré de symétrie (ou d’asymétrie) des 641 distributions

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26 HANS GOEBL

de similarités stockées dans notre matrice de similarité, et leur synopse


cartographique sont donc du plus haut intérêt dialectologique et aussi
dialectométrique.
Un des meilleurs indices pour la saisie de la symétrie d’une distribu-
tion de fréquence est le coefficient d’asymétrie de Fisher (CAF): pour la
formule cf. Goebl 1981, 394-401; 1982, 44-46 et 1984 I, 150-153. Le CAF
prend des valeurs négatives quand la distribution de similarité est asymé-
trique vers la droite (et accumule de ce fait les scores au-dessus de la
moyenne arithmétique), et des valeurs positives quand la distribution de
similarité penche vers la gauche (avec un surplus de scores de similarité
au-dessous de la moyenne arithmétique). Quand en revanche la distri-
bution de similarité est symétrique, le CAF adopte la valeur 0.
Le CAF est une des pièces fortes de la panoplie méthodique de la
dialectométrie. Ceci surtout à cause du fait qu’il revêt une grande impor-
tance exploratoire du point de vue diachronique. C’est que le CAF per-
met de revoir un problème crucial (et partant familier à tous les roma-
nistes) de la linguistique galloromane et de lui conférer une dimension
scientifique nouvelle. Il s’agit des modalités de la genèse du faciès géolin-
guistique de la Galloromania actuelle. À ce propos, l’on sait depuis long-
temps que le rôle directeur de Lugdunum/Lyon, vieille capitale politique
et culturelle des Gaules, a été éclipsé, dans la seconde moitié du premier
millénaire, par celui de Lutetia/Paris et que, de cette façon, l’espace
galloroman est devenu le théâtre d’un rayonnement linguistique intense
à partir de l’Ile-de-France, accompagné de provignements dans toutes les
directions et aussi, par contre-coup, d’actes de persévérance linguistique
plus ou moins marqués, d’où, entre autres, la genèse du francoprovençal
et du domaine d’Oc avec son articulation intérieure caractéristique.
Ce processus d’expansion, de conservation et de retrait constitue
donc, en dernière analyse, un changement linguistique à grande échelle
accompagné de multiples interactions et contacts linguistiques à plus ou
moins grande distance. Il est bien connu que l’analyse scriptologique des
textes oïliques, francoprovençaux et occitans du Moyen Âge permet de
saisir beaucoup d’aspects de ce drame bigarré et riche en facettes hété-
roclites.
Or, l’analyse dialectométrique du degré de symétrie des distributions
de similarité calculables pour un réseau de recherche donné, permet de
capter de plus près les effets interactifs à plus ou moins longue distance
qui sillonnent – tant dans le présent que, à plus forte raison, dans le passé
– le territoire examiné. Il est donc possible de discerner, par la considé-

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 27

ration comparative des scores de symétrie, les endroits à forte expansion


linguistique de ceux où se manifeste encore une certaine opposition face
à l’avancement entropique du «brassage (ou compromis) linguistique» (all.
«Sprachausgleich») général.
Regardons maintenant la carte 15! Elle a été dressée à l’aide de huit
paliers chromatiques pour mieux en faire ressortir les accidents du profil
iconique. Du point de vue linguistique, les couleurs bleues (bleu foncé et
bleu moyen) peuvent être associées aux épicentres du compromis linguis-
tique en progression qui – des Iles anglo-normandes jusqu’à la Lorraine,
la Franche-Comté, la Bourgogne et le Bourbonnais – affecte des zones où
la latinité centrale du domaine d’Oïl se frotte énergiquement aux latinités
périphériques tout en les refoulant à l’instar d’une force militaire victo-
rieuse. La même chose se passe aux pourtours du francoprovençal, ou
la vieille latinité lugdunaise se heurte au Nord contre la latinité franc-
comtoise et celle en provenance du Centre, alors qu’au Sud elle est aux
prises avec les latinités narbonnaise et alpine.
Quant aux couloirs jaunes et ocres qui sillonnent le domaine d’Oc, ils
représentent également, bien qu’à un degré mineur, des zones d’interac-
tion et d’échange. En ce qui concerne par contre les plages vertes de la
carte 16 (surface statistique lissée) ou les polygones verts répertoriés dans
la classe 4 sur la carte 15, ils constituent, pour les domaines d’Oïl et
francoprovençal, des zones «pacifiées» dans lesquelles le dynamisme du
brassage (ou compromis) linguistique à grande échelle a été ralenti après
avoir rejoint un certain taux d’enchevêtrements interrégionaux.
Étant donné que les cartes 15 et 16 représentent la synthèse de
20 043 aires linguistiques isolées dont chacune dispose d’une géographie et
d’une histoire particulière (cf. Christmann 1971), il en résulte, en dernière
analyse, un portrait global de la genèse bimillénaire du faciès géolin-
guistique de la Galloromania.
Comme les programmes VDM et Map Info permettent d’appliquer
encore d’autres techniques de visualisation, il est indiqué d’y recourir, sur-
tout pour mieux encore présenter les effets de l’expansion circulaire du
compromis linguistique au Nord et de la résistance ponctuelle de quelques
grands domaines dialectaux au Sud. Parmi ces techniques figure le calcul
de «surfaces statistiques lissées»: voir la carte 16.
Il s’agit d’une carte stéréographique, tridimensionnelle (en «3 D»),
issue de calculs de lissage qui présuppose la fiction que la variable étudiée
(en l’occurrence les scores-CAF) soit une grandeur à implantation spatiale

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28 HANS GOEBL

continue (à l’instar de la pression atmosphérique, de la pluie, de la


température, etc.). Malgré cette entorse faite à la logique discrète du
réseau-ALF, il en ressort une excellente vision d’ensemble de la stratifi-
cation diatopique des scores-CAF au sein de la Galloromania.

7.2.1. Présentation des cartes 17 et 18: l’incidence des catégories linguis-


tiques sur les résultats de l’analyse dialectométrique

L’exemple des cartes 9-12 nous a déjà démontré la manière dont les
résultats de l’analyse dialectométrique dépendent de l’appartenance caté-
gorielle (vocalisme, consonantisme, lexique, etc.) du corpus exploré. Les
cartes 17 et 18 en offrent un nouvel exemple très éloquent. Dans une
perspective cavalière, les profils choroplèthes des deux cartes correspon-
dent de très près à celui de la carte 15 (basée sur le corpus intégral). Le
Nord de la Galloromania est caractérisé par un rayonnement expansif
circulaire (voir avant tout les polygones en bleu) alors que le Sud montre
la persévérance de plusieurs noyaux (ou poches) de résistance (en rouge
et orange). Il y a cependant, entre les deux cartes, une différence très
importante: c’est la position divergente du francoprovençal. Du côté voca-
lique (carte 17) le francoprovençal occupe, face au domaine d’Oïl, une
position fortement détachée sans se confondre d’ailleurs complètement
avec le domaine d’Oc (voir à ce propos la courte barrière verte, formée
de cinq polygones enchaînés, au Sud du domaine francoprovençal).
Du côté consonantique en revanche (carte 18), la zone francopro-
vençale semble avoir participé pleinement au dynamisme expansif d’Oïl. Il
s’agit là d’une hybridation linguistique très intéressante qui avait déjà été
pressentie vaguement pas G. I. Ascoli en 1874 (74 s.).
Fort de la leçon des cartes 9-12 d’un côté et des cartes 17-18 de
l’autre, nous pouvons donc dire que l’hybridation catégorielle est une des
particularités saillantes du croissant et de la couronne-nord de l’occitan
d’un côté et du francoprovençal de l’autre.

7.2.2. Présentation des cartes 19 et 20: l’incidence de l’ampleur du réseau:


la France de l’Ouest face à la France de l’Est

Le programme VDM permet en outre de manipuler avec aisance des


corpus partiels comprenant seulement une partie des 641 points-ALF du
réseau intégral. De telles manipulations sont indiquées surtout lorsqu’il
s’agit d’étudier de plus près certains phénomènes découverts au cours de
l’analyse du corpus intégral. Or, les phénomènes d’expansion circulaire

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 29

et de résistance ponctuelle dégagés au cours de l’établissement de la


carte 15, méritent un examen approfondi. Il s’agit de voir la manière selon
laquelle les phénomènes de brassage et de résistance linguistiques se
déploient dans la seule moitié occidentale de la France, c’est-à-dire à
l’écart du poids des données de la moitié orientale de notre réseau, et
vice versa.
Comme le montrent les cartes 19 et 20, l’enjeu de cette expérience en
valait vraiment la peine. Sur la carte 19 les zones en bleu foncé (inter-
valles 1-2) se concentrent surtout dans la région des Marches tout en
représentant, une fois de plus, une agglomération oblongue et incurvée,
semblable à un croissant. Mais la zone bleue s’étale également le long
d’une bande allant de la Vendée jusque dans la Creuse qui, comme il est
bien connu, constituait, durant le Haut Moyen Âge, le théâtre d’une forte
poussée oïlique vers le Sud. À noter que la latinité limousine (voir les
polygones respectifs en rouge) constitue, au sein de la seule moitié occi-
dentale des données de l’ALF, un rempart de résistance comparable au
gascon et au catalan du Roussillon.
Sur la carte 20 les zones-charnières du brassage linguistique (inter-
valles 1-2) délimitent le francoprovençal vers le Nord et aussi vers le
Sud tout en sillonnant également la Franche-Comté, la Lorraine et
l’espace picardo-wallon. À noter la formation d’un petit noyau dur
en pleine Picardie (intervalle 5) qui fait écho à un phénomène déjà
vaguement amorcé sur la carte 15 (voir les polygones verts, intervalle 4).
En comparant les cartes 15 (France entière), 19 (France de l’Ouest)
et 20 (France de l’Est) et les divergences des profils choroplèthes respec-
tifs qui y figurent, l’on constate que le profil de la moitié orientale de
la carte 15 se différencie moins nettement de celui de la carte 20 que
ne le fait le profil de la moitié occidentale de la carte 15 de celui de la
carte 19. La raison en est que le poids de la variabilité géolinguistique
interne de la moitié orientale de la France dépasse celui de la moitié occi-
dentale. De là à dire que les épicentres de l’histoire linguistique de la
France se situent plutôt à l’est d’une ligne allant du Havre à Marseille, il
y a d’ailleurs loin.

8. La dialectométrie dendrographique: voir les cartes 21-24


Ce type de DM se sert – du point de vue mathématique – de la
«classification ascendante hiérarchique» (CAH). On entend par là un
certain nombre de processus taxométriques bien rodés depuis plusieurs
décennies qui génèrent, par voie statistique, des hiérarchies arborescentes

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30 HANS GOEBL

de classes disjonctives. L’expression iconique (ou cartographique) directe


en est l’arbre généalogique. Or, il est bien connu que la métaphore
de l’arbre généalogique a été très souvent utilisée, en matière de linguis-
tique, pour la description de relations de filiation et de parenté interdia-
lectales ou interlinguales, et que la tradition en remonte au XIXe siècle
(Schleicher 1863). Plus tard, des classifications dendrographiques ont fait
leur apparition aussi en matière de lexicostatistique et de glottochrono-
logie: pour plus ample information cf. les ouvrages très stimulants de
Hoenigswald/Wiener 1987 et de Dyen/Kruskal/Black 1992 ainsi que nos
remarques respectives publiées en 1991, 1992c et 1993c.
Pour une bonne intelligence des cartes 21-24 il faut connaître – au
moins dans les grandes lignes – le principe taxométrique des algorithmes
utilisés («Complete Linkage» et la méthode de Ward). Ces algorithmes
sont décrits dans tous les manuels modernes de taxométrie: pour «Com-
plete Linkage» cf. Sneath/Sokal 1973, 216 s.; Bock 1974, 382 s.; Chan-
don/Pinson 1981, 106 s.; pour la méthode «de Ward» cf. Bock 1974, 407 s.
et Chandon/Pinson 1981, 123-124. Les deux algorithmes régissent un
processus de fusions (ou d’agglomérations) qui comprend N – 1 étapes
différentes. Il y a donc, pour N = 641, 640 fusions (ou agglomérations)
différentes auxquelles correspondent autant de bifurcations (ou embran-
chements) binaires de la hiérarchie arborescente. Le processus agglomé-
ratif commence par considérer les maxima des scores de similarité (ou les
minima des scores de distance) emmagasinés dans la matrice de similarité
(N2), et en fusionner – suivant des critères inhérents à l’algorithme
respectif – ceux qui se différencient le moins. Après chaque fusion, l’algo-
rithme arborescent génère une nouvelle matrice de similarité ((N – x)
(N – x)) avec des dimensions toujours réduites, avant de reprendre son
activité agglomératrice. En procédant ainsi, l’algorithme prend en compte
les hétérogénéités tant «intra-group» (i. e. à l’intérieur des différents
groupes ou classes d’objets) que «inter-group» (i. e. entre les différents
groupes) qui, toutes les deux, augmentent au fur et à mesure que le
processus d’agglomération s’approche de la racine de l’arbre: voir à
ce propos, en bas des cartes 21 et 23, la ligne fléchée avec la légende
«distance linguistique (hétérogénéité intra-group)».
La taxométrie moderne dispose d’un grand nombre de tels algo-
rithmes agglomératifs. Évidemment, leur valeur classificatoire et leur utili-
sation heuristique dépendent des présuppositions théoriques et empiriques
du classificateur. Des algorithmes «passe-partout» ou «bons à tout faire»
n’existent pas. En tant que dialectométricien nous avons dû procéder
comme tous les autres taxométriciens empiriques: expérimenter un certain

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 31

nombre d’algorithmes dendrographiques dans des conditions taxomé-


triques diversifiées, construire les arbres respectifs et en apprécier l’utilité
géolinguistique. Au cours de ces expériences, l’algorithme «Complete
Linkage» et celui proposé par Ward se sont avérés très utiles. Les calculs
nécessaires ont été exécutés à l’aide du logiciel VDM (développé par
Edgar Haimerl) qui permet en outre, rapidement et à peu de frais, la spa-
tialisation de la structure ramifiée des arborescences calculées, et le colo-
riage consécutif tant des «dendrèmes» de l’arbre que des «chorèmes»(5)
de la spatialisation y ayant trait. Nous réitérons ici l’expression de notre
profonde gratitude à l’adresse de M. Haimerl.
Les cartes 21 et 23 constituent des représentations simplifiées des
arbres originaux qui, eux, disposent évidemment de 641 feuilles terminales.
Aux 11 branches classificatoires (ou dendrèmes) de l’arbre de la carte 21
correspondent autant d’agrégations spatiales cohérentes (ou chorèmes) de
la carte 22. Sur les cartes 23 et 24 par contre, l’on ne discerne que neuf
dendrèmes d’un côté et neuf chorèmes de l’autre. À la différence des
cartes 1-7 et 9-20 le coloriage des cartes 21-24 ne reflète que des faits
qualitatifs et n’a donc aucune importance quantitative. Ce qui surprend au
premier coup d’œil c’est l’étonnante cohésion spatiale des chorèmes des
cartes 22 et 24. À cette cohésion territoriale ne font défaut que quelques
rejetons détachés des chorèmes 2 et 6 sur la carte 22 et du chorème 2 sur
la carte 24.
L’interprétation linguistique des cartes peut se faire de deux manières:
1) du point de vue diachronique, et 2) du point de vue synchronique.

8.1. Interprétation diachronique des cartes 21-24


Il s’agit d’une application de la pensée lexicostatistique qui veut que
la richesse phénoménologique observable dans une région donnée, se soit
développée, au cours du temps, à partir d’une phase initiale une et non
diversifiée. Pour problématique que soit une telle théorie pour la Roma-
nia à l’heure de l’implantation de la langue latine, elle connaît de nom-
breux partisans parmi les linguistes romans. L’interprétation diachronique
de nos cartes consistera dans une suite de 640 scénarios de fragmentations
successives – d’ordre évidemment théorique – dont nous ne signalons ici
que quelques-unes à titre d’exemple. Toutes les fragmentations (ou bifur-

(5) Nous avons emprunté le terme de «chorème» à R. Brunet (1987, 190 et 211)
et forgé nous-même, sur son modèle, le terme de «dendrème» (dérivé du grec
ancien dendron «arbre») en 1998 (296).

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32 HANS GOEBL

cations) se feront dans le sens de la flèche «distance diachronique


(fragmentation diatopique)» (en haut sur les cartes 21 et 23).
Pour la carte 21 (algorithme Complete Linkage):
Scénario 1 (voir la ligne verticale bleue):
branche A: dendrème/chorème 1 (= italo-catalan)
branche B: dendrèmes/chorèmes 2-11 (= galloroman)
Scénario 2 (voir la ligne verticale verte):
branche C: dendrèmes/chorèmes 2-5 (= occitan du Sud)
branche D: dendrèmes/chorèmes 6-11 (= domaine d’Oïl avec la cou-
ronne-nord de l’occitan et le francoprovençal)
Scénario 3 (voir la ligne verticale rouge):
branche E: dendrème/chorème 2 (= provençal alpin oriental)
branche F: dendrèmes/chorèmes 3-5 (= occitan du Sud)
branche G: dendrème/chorème 6 (= couronne-nord de l’occitan)
branche H: dendrème/chorème 7 (= francoprovençal)
branche I: dendrèmes/chorèmes 8-11 (= domaine d’Oïl).
Pour la carte 23 (algorithme de Ward):
Scénario 1 (voir la ligne verticale bleue):
branche A: dendrèmes/chorèmes 1-4 (= domaine d’Oc)
branche B: dendrèmes/chorèmes 5-9 (= domaine d’Oïl)
Scénario 2 (voir la ligne verticale verte):
branche C: dendrèmes/chorèmes 1-4 (= domaine d’Oc)
branche D: dendrème/chorème 5 (= francoprovençal)
branche E: dendrèmes/chorèmes 6-9 (= domaine d’Oïl)
Scénario 3 (voir la ligne verticale rouge):
branche F: dendrèmes/chorèmes 1-2 (= limousin, auvergnat, provençal)
branche G: dendrème/chorème 3 (= languedocien)
branche H: dendrème/chorème 4 (= gascon)
branche I: dendrème/chorème 5 (= francoprovençal)
branche J: dendrèmes/chorèmes 6-7 (= domaine d’Oïl oriental)
branche K: dendrèmes/chorèmes 8-9 (= domaine d’Oïl central et occi-
dental).
Dans la lignée de la pensée lexicostatistique, il est d’ailleurs possible
d’associer, aux frontières des différents chorèmes des cartes 22 et 24, un
âge plus ou moins important. C’est ainsi que, sur la carte 24, la frontière
entre les chorèmes 1-4 d’un côté et 5-6 de l’autre est la plus ancienne. La
même chose vaut pour l’âge théorique des chorèmes et des espaces dia-
lectaux respectifs. C’est ainsi que, dans la perspective avec laquelle la DM
dendrographique (allant de pair, en l’occurrence, avec la lexicostatistique)

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 33

regarde les cartes 23 et 24, la genèse du francoprovençal (dendrème/


chorème 5, branche H) est antérieure à celle du picardo-wallon (den-
drème/chorème 6) et aussi à celle du languedocien (dendrème/chorème 3)
ou du gascon (dendrème/chorème 4). La raison en est que la bifurcation
où pend le francoprovençal, est plus proche de la racine de l’arbre que
celle de laquelle dépendent le languedocien et le gascon: nous conseillons
vivement aux lecteurs d’analyser à ce propos attentivement la structure
ramifiée complexe de la carte 23.
Alors que la glottochronologie tente de conférer des datations abso-
lues aux différents points de bifurcation, la lexicostatistique se contente de
proposer des datations relatives. En matière de DM dendrographique, il
est également préférable de s’en tenir aux datations relatives et de ne sur-
tout pas en exagérer la portée heuristique. Malgré l’apparente plausibilité
de la majorité des bifurcations des arbres dialectométriques présentés
dans cet article, il faut néanmoins rester prudent et ne pas oublier le
caractère foncièrement fictif de la structure arborescente et aussi l’âge
réel des données brutes (= ALF: exploré entre 1897 et 1901!!). Toujours
est-il qu’à la richesse statistique souvent déroutante des méthodes den-
drographiques modernes correspond une multiplicité iconique non moins
troublante des arbres généalogiques qui en dérivent.
À côté des arbres des cartes 21 et 23, nous avons expérimenté, au
cours de nos analyses dialectométriques, un grand nombre d’autres algo-
rithmes arborescents. Fort de ces expériences nous pouvons donc affirmer
– et ceci aussi en vue de rassurer le lecteur non averti – que les structures
dendrographiques que nous avons étudiées, se ressemblent beaucoup si
bien qu’il est possible d’entrevoir une structuration ramifiée «moyenne».

8.2. Interprétation synchronique des cartes 21-24


Le but principal d’une telle interprétation est de saisir les liens de
proximité linguistique dans l’espace et de les cartographier par la suite.
Prenons, à titre d’exemple, l’affiliation changeante de l’espace francopro-
vençal et de la couronne-nord de l’occitan (croissant, limousin, auvergnat).
Sur les cartes 21 et 22, ces deux espaces (ou macro-chorèmes) s’agrègent
– selon la logique de l’algorithme hiérarchique ascendant «Complete
Linkage» – aux macro-dendrèmes oïliques (branche D sur la carte 21) tout
en occupant deux des trois branches supérieures (G et H sur la carte 21),
alors que, sur la carte 23 (établie suivant l’algorithme de Ward), la cou-
ronne-nord de l’occitan est incorporée aux autres branches de l’occitan
(ramification F sur la carte 23) d’un côté, et l’espace francoprovençal
(dendrème/chorème 5, ramification I) aux branches d’Oïl de l’autre. Mais
les deux groupements occupent toujours, dans le cadre de leurs affiliations

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34 HANS GOEBL

dans les arbres respectifs, des positions périphériques tout en gardant


d’ailleurs leur remarquable cohérence interne. Ceci n’exclut pas certaines
modifications mineures de leur étendue chorématique: c’est ainsi que le
chorème francoprovençal (no. 7 sur la carte 22) est légèrement plus grand
que celui de la carte 24 (chorème 5) alors que le contraire est vrai
pour la couronne-nord de l’occitan: étendue plus réduite sur la carte 22
(chorème 6) par rapport à la carte 24 (chorème 2).
Évidemment, il serait souhaitable de pousser plus avant l’analyse et la
spatialisation successive des dendrèmes de nos deux arbres – chose aisé-
ment réalisable devant l’écran de l’ordinateur et à l’aide de l’admirable
logiciel VDM – mais irréalisable dans le cadre de cet article. Soulignons
encore que l’étonnante cohérence spatiale des macro-dendro-/chorèmes
des cartes 21-24 vaut également pour des analyses plus fines, c’est-à-dire
faites à l’intérieur des macro-chorèmes visualisés sur les cartes 21-24.

9. Épilogue
Nous concluons avec une brève remarque d’ordre purement pratique
(9.1.) et une autre plus longue et d’inspiration épistémologique (9.2.)
9.1. Les 24 cartes que nous venons de présenter n’ont fait qu’effleurer
la richesse des résultats et méthodes dialectométriques actuellement dispo-
nibles sur le système informaticien VDM à Salzbourg. Les lecteurs, désireux
de recevoir un CD-ROM avec le logiciel VDM et la totalité des calculs
dialectométriques effectués jusqu’à aujourd’hui et à partir de la matrice de
données relative à l’ALF, pourront l’obtenir sur simple demande.
9.2. Le verdict de la «non-existence des dialectes» – prononcé, il y a belle
lurette, par Paul Meyer, Gaston Paris, Jules Gilliéron et d’autres linguistes,
d’abord contre Graziadio Isaia Ascoli (au cours de la fameuse querelle sur le
«franco-provenzale» éclatée, en 1875, entre P. Meyer et G. I. Ascoli)(6) et
ensuite contre tous ceux qui osaient grouper leurs données dialectales en enti-
tés spatiales majeures tout en dépassant le niveau de l’innocente et simpliste
«géographie des traits linguistiques isolés»(7) – a pesé lourdement sur le déve-
loppement méthodique ultérieur du traitement de données géolinguistiques
brutes en matière de dialectologie française. Les séquelles de cette
consigne fallacieuse étaient encore sensibles du temps de Jean Séguy.

(6) Voir surtout Meyer 1875, Ascoli 1876 (réplique à Meyer 1875) et Paris 1888.
(7) Pour l’historique de cette querelle cf. les bilans critiques contemporains d’Adolf
Horning (1893) et de Louis Gauchat (1903) ainsi que nos analyses méthodiques
rétrospectives de 1986, 1990 (version allemande) et 1995 (version italienne). La
paternité de la consigne de «faire la géographie non des dialectes, mais des
traits linguistiques» revient à G. Paris (1881, 606).

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 35

De nos jours, cette querelle entre le parti des «typophobes» – comme


P. Meyer et G. Paris – et celui des «typophiles» se trouve résolue en
faveur des derniers. Ceci concerne non seulement la dialectologie fran-
çaise (ou romane), mais aussi beaucoup d’autres sciences tant humaines
que naturelles, qui toutes sont aux prises avec l’observation, la mensu-
ration et le traitement classificatoire consécutif d’un grand nombre de
phénomènes empiriques apparemment changeants et primesautiers.
Tant la classification elle-même(8) que les techniques de la classifica-
tion numérique de grandes quantités de données empiriques sont de nos
jours universellement reconnues et ont fourni d’innombrables exemples de
leur grande utilité et fécondité scientifiques. Quant au développement de
la pensée classificatoire dans les seules sciences humaines, l’on peut
d’ailleurs constater que pratiquement toutes ont été hantées de tentatives
ou incertitudes typophobes de toute sorte(9). En dernière analyse il s’agit
là d’un épiphénomène de la fameuse «Querelle des Universaux» du
Moyen Âge (cf. Stegmüller 1956/57).
L’exemple des sciences naturelles, méthodiquement plus mûres en la
matière que les sciences humaines (y compris aussi les branches de la lin-
guistique), et l’essor de l’informatique accompagné de la diffusion rapide
d’un jeu bien assorti de logiciels puissants pour la classification numérique
et l’analyse des données, ont fini par saper, dans le dernier quart du
XXe siècle, les ultimes bastions de la pensée anticlassificatoire et typo-
phobe. L’«existence» – au sens platonicien du mot – est désormais recon-
nue non seulement aux dialectes mais à tous les agrégats cognitifs
(cf. Rosch/Llloyd 1978), qu’ils soient le résultat ou bien de processus
cognitifs humains (ou naturels) ou bien de procédés taxométriques artifi-
ciels, destinés à la «reconnaissance de structures» (all. «Mustererkennung»,
angl. «pattern recognition»), tels qu’ils ont été présentés dans cet article.
Université de Salzbourg. Hans GOEBL
Slawomir SOBOTA*
Blaustein (Bade-Wurtemberg). Edgar HAIMERL**

(8) Citons, à titre d’exemple, les ouvrages synthétiques de Broadfield 1946, Centre
National [...] 1963, Rosch/Lloyd 1978, Parrochia 1991, Bailey 1994, Gordon 1999
et Moriconi 2000.
(9) Voir à ce sujet les contributions d’Altmann/Lehfeldt 1973 (pour la linguistique),
Needham 1975 (pour l’anthropologie), Mahmood/Armstrong 1992 (pour l’eth-
nologie), Dos Santos 2001 (pour la géographie humaine) et Sériot 1999 (pour
le structuralisme «eurasiste» de N. S. Troubetzkoy, etc.)
* Pour la cartographie assistée par l’ordinateur.
** Pour la programmation du logiciel VDM.

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36 HANS GOEBL

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40 HANS GOEBL

Carte 1: Carte à interpoints en fonction discriminatoire (isoglosses quantitatives).


Corpus: 1687 cartes de travail.
Nombre des paliers d’épaisseur variable des segments de polygone: 8.
Algorithme d’intervallisation: MEDMW. Voir aussi le chapitre 5.2.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 41

Carte 2: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI999,k)


relative au point de référence factice 999 (français standard).
Corpus: 1687 cartes de travail. Voir aussi le chapitre 6.2.

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42 HANS GOEBL

Carte 3: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI193,k)


relative au point-ALF 193 (Dolhain, Wallonie).
Corpus: 1687 cartes de travail. Voir aussi le chapitre 6.3.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 43

Carte 4: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IPI(1)193,k)


relative au point-ALF 193 (Dolhain, Wallonie).
Corpus: 1687 cartes de travail. Voir aussi le chapitre 6.3.

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44 HANS GOEBL

Carte 5: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IPI(1)287,k)


relative au point-ALF 287 (Teneur, Pas-de-Calais).
Corpus: 1687 cartes de travail. Voir aussi le chapitre 6.4.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 45

Carte 6: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI969,k)


relative au point-ALF 969 (L’Étivaz, canton de Vaud).
Corpus: 1687 cartes de travail. Algorithme d’intervallisation: MINMWMAX 6-tuple.
Voir aussi la carte 7 et le chapitre 6.5.

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46 HANS GOEBL

Carte 7: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI969,k)


relative au point-ALF 969 (L’Étivaz, canton de Vaud). Corpus: 1687 cartes de travail.
Algorithme d’intervallisation: MINMWMAX 2-tuple.
Voir aussi la carte 6 et le chapitre 6.5.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 47

Carte 8: Répartition des provinces romaines de la Gaule


au début du 2e siècle après Jésus-Christ au sein du réseau de l’ALF
(d’après Motta 1995, 26).

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48 HANS GOEBL

Carte 9: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI706,k)


relative au point-ALF 706 (Merlines, Corrèze). Corpus: 1687 cartes de travail.
Voir aussi les cartes 10-12 et le chapitre 6.6.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 49

Carte 10: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI706,k)


relative au point-ALF 706 (Merlines, Corrèze). Corpus: 471 cartes de travail (lexique).
Voir aussi les cartes 9, 10-12 et le chapitre 6.6.

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50 HANS GOEBL

Carte 11: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI706,k)


relative au point-ALF 706 (Merlines, Corrèze).
Corpus: 612 cartes de travail (vocalisme).
Voir aussi les cartes 9-10, 12 et le chapitre 6.6.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 51

Carte 12: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI706,k)


relative au point-ALF 706 (Merlines, Corrèze).
Corpus: 505 cartes de travail (consonantisme).
Voir aussi les cartes 9-11 et le chapitre 6.6.

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52 HANS GOEBL

Carte 13: Carte choroplèthe de la distribution de similarité (IRI635,k)


relative au point-ALF 635 (Andraut, Gironde). Corpus: 1687 cartes de travail.
Voir aussi le chapitre 6.7.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 53

Carte 14: Carte choroplèthe de la synopse de 641 écarts-types (ET).


Corpus: 1687 cartes de travail. Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi le chapitre 7.1.

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54 HANS GOEBL

Carte 15: Carte choroplèthe de la synopse de 641 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Corpus: 1687 cartes de travail. Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi le chapitre 7.2.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 55

Carte 16: Surface statistique lissée de la synopse


de 641 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Mêmes données que dans la carte 15.
Point de vue de l’observateur: à partir du Nord-Ouest (225°).
Angle d’élévation de l’observateur: 45°. Corpus: 1687 cartes de travail.
Voir aussi les cartes 15, 17-18 et le chapitre 7.2.

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56 HANS GOEBL

Carte 17: Carte choroplèthe de la synopse de 641 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Corpus: 612 cartes de travail (vocalisme). Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi les cartes 15-16, 18 et le chapitre 7.2.1.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 57

Carte 18: Carte choroplèthe de la synopse de 641 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Corpus: 505 cartes de travail (consonantisme). Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi les cartes 15-17 et le chapitre 7.2.1.

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58 HANS GOEBL

Carte 19: Carte choroplèthe de la synopse de 318 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Corpus: 1687 cartes de travail. Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi les cartes 15, 20 et le chapitre 7.2.2.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 59

Carte 20: Carte choroplèthe de la synopse de 390 coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF).
Corpus: 1687 cartes de travail. Indice de similarité: IRIjk.
Voir aussi les cartes 15, 19 et le chapitre 7.2.2.

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60 HANS GOEBL

Carte 21: Classification dendrographique des vecteurs matriciels de 641 points-ALF.


Algorithme agglomératif: Complete Linkage. Indice de similarité: IRIjk.
Corpus: 1687 cartes de travail. Nombre des dendrèmes coloriés: 11.
Voir aussi la spatialisation de la carte 22 et le chapitre 8.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 61

Carte 22: Spatialisation des données de la carte 21.


Voir aussi l’arbre de la carte 21 et le chapitre 8.

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62 HANS GOEBL

Carte 23: Classification dendrographique des vecteurs matriciels de 641 points-ALF.


Algorithme agglomératif: méthode de Ward. Indice de similarité: IRIjk.
Corpus: 1687 cartes de travail. Nombre des dendrèmes coloriés: 9.
Voir aussi la spatialisation de la carte 24 et le chapitre 8.

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ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES STRUCTURES DE PROFONDEUR DE L’ALF 63

Carte 24: Spatialisation des données de la carte 23.


Voir aussi l’arbre de la carte 23 et le chapitre 8.

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES

Dans un petit article paru dans la revue de l’Université de Tokyo


(Language, Information, Text, 8, 2001, 45-48), j’ai relevé quelques fautes
qui se sont glissées dans le tome III de la Vie des Pères éditée par F. Lecoy
(Paris, SATF, 1999). En lisant et relisant le texte, je me suis aperçu d’après
une numérotation curieuse et des rimes étranges qu’il y avait au moins
deux vers sautés. Le premier cas se trouve dans Pères67L, autour du
vers 21694. Je cite le passage en reproduisant la numérotation de l’édition:
Une em prist et si l’a mengie, 21692
mout fenelesse et entoskie.
Ses cors en enfla maintenant
grant piece et ne pooit morir. 21696
Comme on peut le constater, le mot maintenant ne rime avec rien et
la numérotation indique qu’il devrait y avoir une ligne entre le vers 21692
et le vers 21696.
Le deuxième cas curieux se lit dans Pères57L, autour du vers 28848,
que je cite en respectant la ponctuation de l’édition:
Assez avoit temptacions, 28844
de sa char movoit li cions
de cel pechié; de la luxure
avoit sovent si grant ardure
qu’i ne savoit conseil de s’ame, [c]
Une nuit ensi li avint
que cil pechié si cort le tint
que par tout fu si esmeüz, 28852
On voit que la ligne qui finit avec s’ame ne rime avec rien et que
la virgule qui la termine semble indiquer que la phrase doit encore
continuer. Le glossaire s.v. refuis corrobore cette impression puisqu’il
nous apprend qu’au sens de «refuge, recours» le mot est employé au
vers 28849.
Pour résoudre ces deux énigmes, j’ai vérifié les microfilms des manus-
crits qui servaient de base à l’édition. Ainsi, j’ai pu constater qu’après le

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66 TAKESHI MATSUMURA

vers 21694 (... maintenant) le texte imprimé a oublié une ligne Et fu sus
ses piés en estant qu’on lit dans le manuscrit B (BNF, fr. 1039, base de la
2e série), et qu’après le vers 28848 (... s’ame) on devait lire Ses refuis iert
a Nostre Dame d’après le manuscrit A (BNF, fr. 1546, base de la 3e série);
le glossaire qui enregistre le s.m. refuis renvoyait à ce vers. Ce sont
naturellement deux fautes évidentes qui n’auront échappé à personne,
mais elles ne peuvent pas être corrigées tant qu’on ne consulte pas les
manuscrits.
Ces deux vers manquants et d’autres endroits qui me semblaient
étranges m’ont poussé à collationner l’édition procurée par F. Lecoy et les
cinq manuscrits qu’il a utilisés. Bien que mon examen rapide porte seule-
ment sur la 2e série des contes (Pères43-50 et 64-74, publiée au tome III,
p. 1-255), le résultat ne manque pas d’inquiéter, car le texte imprimé n’est
pas toujours tout à fait fidèle aux manuscrits qu’il est censé reproduire.
Il y a plusieurs types d’écarts par rapport aux manuscrits. Je prendrai
arbitrairement comme exemple Pères65L Mère, un court conte de moins
de 300 vers (v. 20528-20821, p. 43-52 du t. III). L’édition est fondée sur B
(f. 173b-175d). Le conte étant absent de C (BNF fr. 23111), F. Lecoy
l’a contrôlé par trois autres manuscrits: u (BNF, fr. 2094, f. 68a-71a), A
(f. 133a-134c) et S (Arsenal, 3641, f. 135c-137c).
On s’aperçoit tout d’abord qu’un certain nombre de mots sont mal
lus sur le manuscrit de base ou mal imprimés dans l’édition. Certes il y a
des cas faciles à corriger. Par exemple, escrîés qu’on lit en 20559 est bien
sûr à lire escrïés. De même, l’imparfait l’aportait du vers 20585 n’est
qu’une faute d’impression pour l’aportoit. Il n’en va pas autrement pour
la forme moderne du parfait fut qui apparaît en 20638 et 20690; on lit fu
dans le manuscrit comme on peut s’y attendre. Quant à Notre Dame de
20719, il fallait développer l’abréviation en Nostre Dame comme au vers
20722. À côté de ces quatre fautes assez évidentes, on a d’autres cas qui
sont moins aisés à repérer si l’on ne consulte pas le manuscrit de base.
D’abord, au vers 20534 l’édition donne gaagnoient mais là on doit lire
gaaignoient si l’on veut reproduire la graphie du manuscrit. Ensuite, la
forme trouvast de 20550 est en fait à lire trovast. La lecture de none en
20594 est aussi à corriger en nonne. Il en va de même pour le vers 20636
où la curieuse graphie larecchin est une faute d’impression pour larrechin;
cette dernière graphie est d’ailleurs bien imprimée dans le glossaire.
Quant à la lecture de papelardie en 20664, elle est à remplacer par papa-
lardie. L’adjectif blanche qu’on rencontre au vers 20765 est également à
corriger en blance. Par ailleurs, la consonne finale –z semble troubler par-

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 67

fois l’éditeur ou son imprimeur, car au vers 20766 on doit lire serganz à la
place de sergans et au vers 20820 nous est à lire nouz. Deux autres confu-
sions concernant une consonne finale se rencontrent au vers 20771, où doux
est une faute pour dous et au vers 20783, où en est à lire em. On voit
ailleurs que les formes modernes ne supplantent pas toujours les formes
anciennes, car au vers 20774 on doit lire Dieu au lieu de Deu. En ce qui
concerne le vers 20809, le problème est plus délicat. Là Jhesuscris serait à
lire Jhesucris si F. Lecoy se conformait à sa façon de développer l’abrévia-
tion qu’on trouve en 20819, mais la forme écrite en toutes lettres qu’on ren-
contre dans B étant Jesuscris (au vers 24699, encore que l’édition modifie
cette forme), on peut se demander si l’ensemble du texte n’est pas à revoir
de ce point de vue. On peut relever enfin deux fautes dans les leçons reje-
tées: dans l’apparat de 20691, la leçon rejetée loyal est à lire loial et dans
l’apparat de 20812, on doit lire la et non le. Au total, on a dix-neuf coquilles
sur l’ensemble de 294 vers, soit une erreur toutes les quinze lignes.
Un autre cas de figure est la correction que l’éditeur a introduite
implicitement en transcrivant son manuscrit de base. Au vers 20563 (A
ouvrer son pain gaaigna), le manuscrit donne en fait Et au début du vers.
F. Lecoy l’a supprimé sans doute pour donner un vers exact. C’est une
intervention justifiée, d’autant plus que les autres témoins uAS n’ont pas
la conjonction et. Seulement, il aurait dû signaler la modification qu’il a
apportée au texte et citer le témoignage des manuscrits de contrôle. Le
même souci de la versification a amené F. Lecoy à introduire deux autres
corrections tacites. La forme effreee avec trois e qu’on lit au vers 20667 est
surprenante puisque les copistes répugnent en général à aligner trois e. En
effet, il s’agit d’une modification due à l’éditeur, parce qu’on lit effree
dans B (et aussi dans uS). Si l’on veut corriger pour donner un octosyl-
labe, il vaudrait mieux imprimer effraee à l’instar de A ou du vers 20672
tout en précisant que c’est le résultat d’une correction. Par ailleurs, au
vers 20753 (Mais la mere de Dieu pour rien) la préposition de n’est pas
dans B; cette faute est partagée par A. La préposition de qu’on lit dans u
a été ajoutée par l’éditeur pour satisfaire les exigences du mètre. Il aurait
dû le préciser dans l’apparat. On pourrait signaler aussi que pour ce vers
S donne une leçon un peu différente: La mere Deu por nule rien. Ainsi,
on a trois cas d’intervention implicite. Pourquoi F. Lecoy s’est-il abstenu
de préciser les modifications? A-t-il considéré ces cas comme relevant du
type aise pour aaise qu’il a noté dans l’apparat du vers 19508 et partant
comme indignes de faire l’objet d’une annotation?
Après les corrections tacites, examinons maintenant celles qui se font
explicitement. Dans le conte Pères65L, on en a au total vingt-huit, dont

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68 TAKESHI MATSUMURA

trois (en 20577, 20628-29 et 20762) sont effectuées sans faire état des
autres témoins (l’éditeur, sûr de l’évidence des erreurs de B, aurait jugé
inutile de renvoyer aux autres manuscrits) et dont les vingt-cinq autres le
sont avec mention des sources. Mais, même si les modifications sont intro-
duites clairement, elles ne manquent pas de poser des problèmes. Ils sont
de deux ordres. D’abord, quand F. Lecoy signale la source de ses correc-
tions en énumérant les sigles des manuscrits, contrairement à la tradition,
les leçons adoptées ne correspondent pas toujours à celle du premier
manuscrit cité; d’ailleurs il n’expliquait pas dans son introduction com-
ment il avait procédé dans ces cas. On est ainsi obligé de contrôler chaque
cas pour savoir d’où vient la leçon qu’on a sous les yeux. Par exemple, au
vers 20561 (Si qu’a morir li escouvint) la leçon de B (li couvint) est rem-
placée, selon l’apparat, par li escouvint de uAS. Or si l’on se reporte à ces
derniers, on voit que escouvint vient de A et non de u qui donne Si que
morir li escovint (graphie et construction différentes) et que S n’utilise pas
le même verbe: li en covint. Ainsi, l’apparat devrait être écrit plutôt
comme il suit: li couvint]Au. De son côté, au vers 20579 la leçon de B
(femelete; attestation à ajouter au TL) est remplacée par femete d’après
uAS si l’on en croit l’apparat. Mais la forme femete provient du seul S
(bien que cette lecture ne soit pas très sûre sur le microfilm) car uA don-
nent famete. Puisqu’il s’agit d’un mot rarement attesté (cf. TL, Gdf), on
aurait aimé que l’édition distinguât bien les formes. Quant au vers 20648,
la leçon corrigée cel provient non pas de u qui donne ce mais de A bien
que l’apparat se réfère à uA. Les lexicographes qui voudraient préciser la
date et la géographie des attestations doivent donc être vigilants quand ils
citent ces trois corrections.
Un autre problème est que les leçons corrigées ne reproduisent pas
toujours ce que les manuscrits nous transmettent. F. Lecoy modifie leurs
témoignages à son gré, et probablement pour se conformer aux habitudes
graphiques de son manuscrit de base. Ainsi, les lecteurs attentifs aux gra-
phies seront obligés de contrôler chaque cas pour ne pas accepter telles
quelles des formes qui peuvent n’être attestées dans aucun témoin. On en
a plusieurs exemples. Au vers 20539, la leçon de B (tendre) est corrigée en
entendre d’après uAS si l’on suit l’indication de l’apparat. Or si l’on jette
un coup d’œil sur les manuscrits évoqués, on s’aperçoit qu’ils donnent tous
entandre et non entendre. Il faut en conclure que l’éditeur s’est inspiré de
la variante entandre pour imprimer entendre à cet endroit. De même,
quand F. Lecoy introduit Oés au vers 20618 (Lor bien fait. Oés quel mer-
veille!), il modifie la consonne finale de la leçon oez donnée par uAS
(l’apparat de 20618 est d’ailleurs à lire: fait ces q. m. au lieu de fait ces

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 69

m. puisqu’on a quel dans B). Le troisième exemple se trouve au vers


20677. Là la leçon de B (Si grans dolours) est corrigée en S. g. ardours
d’après uAS, si l’on en croit l’apparat. Or cette forme ardours ne se lit
nulle part, parce qu’on lit ardeur dans uA et ardor dans S. La forme toute
que l’éditeur a introduite au vers 20705 est aussi une modification, puis-
qu’on lit tote dans uS, sources de la correction. Il en va de même pour le
vers 20715, où la leçon de B (en fust entailliés) est remplacée par au fust
atachiés d’après uA. En fait u donne au fust esstachiez et A, en fust ata-
chiez. Ainsi la forme donnée est-elle une conjecture fondée à la fois sur la
préposition au de u et sur le participe passé atachiez de A. Le même phé-
nomène se constate au vers 20765. Quand l’éditeur a substitué à me ren-
drai de B la leçon m’enserrerai d’après uS, il aurait dû signaler que cette
forme ne correspond ni à m’anserreray de u ni à m’ensarrera de S. Citons
le septième et dernier exemple qu’on rencontre dans le conte de Mère. Au
vers 20812, l’éditeur introduit d’après uA la leçon Lo qu’il la sierve à la
place de Lor qui le [lire la, voir ci-dessus] siervent. Mais la forme du verbe
qu’on trouve dans uA est serve et non sierve. Ainsi, avant de prendre la
leçon adoptée comme une forme attestée effectivement dans un ou des
témoins, les lecteurs doivent toujours se reporter aux manuscrits. Sinon, ils
risquent fort d’enregistrer des reconstructions de l’éditeur.

À côté de ces deux problèmes que posent les corrections, il faut


signaler que l’apparat n’est pas toujours exact comme on l’a vu à propos
du vers 20561. Il faut examiner les manuscrits pour voir si les témoins
cités donnent vraiment les leçons qui leur sont attribuées. À part le vers
20561, j’ai trouvé cinq cas où il faut corriger les indications sur les manus-
crits de contrôle. D’abord au vers 20569, l’apparat signale que la correc-
tion de ravoit en avoit provient de uAS. Or si l’on examine ces derniers,
on voit que A donne ot et non avoit. La correction est donc fondée sur
uS, à moins que l’éditeur ait voulu dire que A aussi utilise le verbe avoir
au lieu de ravoir (dans ce cas, il aurait dû citer entre parenthèses la forme
ot comme il le fait ailleurs). Il en va de même pour le vers 20576 (Si con
ele tient son enfant). F. Lecoy dit dans l’apparat qu’il a remplacé la leçon
de B (Ensi con ele tint) par celle qu’il a trouvée dans uAS. En fait il n’y
a que S (Si con elle tient) qui donne cette leçon corrigée, parce qu’on lit
Ensi con ele tient dans u et Ensi com el tient dans A; même si le verbe
est au présent, la locution conjonctive est celle qu’on trouve dans B. En
enregistrant uA, l’éditeur aurait dû signaler leurs divergences par rapport
à la leçon qu’il a adoptée. Le troisième exemple se trouve au vers 20641.
Son apparat dit que la leçon de B (Et par) est corrigée en Par la rue tout
contreval d’après uAS. Certes, aucun des trois manuscrits n’a la conjonc-

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70 TAKESHI MATSUMURA

tion et au début, mais seul S a la préposition par (écrite en abrégé), alors


que u commence le vers par por (écrit en toutes lettres) et que A donne
une leçon un peu différente: Parmi l. r. c. Il faudrait donc préciser que la
leçon corrigée provient plutôt de Su et que u donne por au lieu de par. On
a un autre cas de figure dans l’apparat de 20720. F. Lecoy y signale que la
leçon corrigée grant provient de AS. Or si l’on consulte u, on voit que lui
aussi donne grant. On ne voit pas pourquoi son sigle a été omis dans l’ap-
parat. Le dernier exemple se trouve au vers 20817. Là, la leçon de B (de
ces liiens) est remplacée par de ce liien d’après AS si l’on en croit l’appa-
rat. Mais si A donne bien de ce lien, S se sert d’un autre démonstratif: de
cest lien. Il vaudrait donc mieux dire que la leçon corrigée provient de A.
Ainsi, si je compte bien, sur les vingt-cinq corrections que l’éditeur a
introduites à son manuscrit de base en mentionnant ses sources, on a
quinze cas (ou seize si l’on inclut le vers 20691 où la leçon rejetée est
erronée) qui ont besoin d’une amélioration. La proportion n’est-elle pas
un peu inquiétante?
En ce qui concerne l’apparat, on pourrait ajouter encore un autre
point qui distingue l’édition de F. Lecoy de celles qui nous sont familières.
En lisant le texte imprimé, on a l’impression que le manuscrit de base est
écrit sans accidents, car aucun repentir n’est signalé. Or si l’on se reporte
au manuscrit, on voit que comme tout le monde le copiste commet des
fautes et qu’il les corrige quand il s’en aperçoit. Par exemple, au vers
20550 ors est exponctué entre il et trovast (et non trouvast, v. ci-dessus).
De même, f (ou s?) est exponctué avant aidier au vers 20663. Par ailleurs,
au vers 20761 saisie est biffé entre avés et servie. Il arrive aussi que le
copiste ne signale pas la faute qu’il a commise. Ainsi, après 20652 B
répète le vers 20649 sans doute parce que les vers 20648 et 20652 se
ressemblent trop. Mais F. Lecoy passe sous silence cette inadvertance.
Quant aux variantes, elles sont délibérément exclues comme l’indique
F. Lecoy dans son introduction (p. XI). Mais on peut se demander si leur
relevé est vraiment «sans grand profit», car on trouve des cas intéressants,
dont au moins deux n’ont pas échappé à la vigilance de Gdf. En effet, Gdf
qui a bien dépouillé S, manuscrit de l’Est contenant des graphies particu-
lières, enregistre en 4, 140c s.v. freschet le passage suivant: D’erbe frochette
bien novelle. Sa citation, qui est exacte, correspond au vers 20584 (D’erbe
verde fresce et nouviele) de l’édition bien qu’elle ne soit pas enregistrée
comme variante; quant à uA, ils donnent D’e. vert f. et bien n. Certes la
forme de S n’est pas passée dans le FEW 15, 2, 174b afr. mfr. freschet
(13e-15e s.), mais on aurait aimé que l’éditeur la signalât dans l’apparat.

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 71

Dans l’état actuel, son édition ne nous permet pas de vérifier l’attestation
que Gdf a tirée de S. Un autre passage que Gdf a cité d’après le même
manuscrit se trouve en 1, 310a s.v. aorous adj. au sens de «vénéré». Dans
cet article on n’a que cette attestation et celle-ci est passée ensuite dans
le FEW 24, 177a s.v. ADORARE: afr. aorous adj. «vénéré» (hap. 13e s.);
il y est fait allusion aussi dans le FEW 25, 898b note 9. Avant de l’enre-
gistrer, le FEW aurait dû vérifier si le mot a bien ce sens dans le passage.
Or il correspond au vers 20797 de l’édition:
Nostre Dame de cuer ama,
tant le siervi et honnera
qu’ele le fist si grassieus,
si amé et si eüreus 20797
que pour saint honme le tenoient
cil qui son estre connissoient.
On voit ainsi que cette attestation est à ranger dans le FEW 25, 887b s.v.
AUGURIUM, sans doute comme relevant de afr. mfr. eüros/heureux «béni»
(13e-15e s.). Quant aux autres témoins, u donne anvïous à cet endroit tandis
que les vers 20796-97 manquent dans A. Si F. Lecoy avait recueilli la variante
graphique de S, il aurait facilité la tâche de ceux qui veulent contrôler la cita-
tion que Gdf a enregistrée comme hapax et que le FEW mentionne dans
deux endroits sans remettre en cause l’interprétation de sa source.
Parmi les autres variantes, il y en a qui pourraient intéresser les lexi-
cographes. Prenons comme exemple les vers 20760-64. Ils font partie du
discours que le fils qui vient d’être sauvé par la Vierge tient à sa mère. Le
passage est imprimé dans l’édition comme il suit:
Ensi si m’a rendu la vie 20760
cele que vouz avés servie,
si la servés dusqu’en la fin,
et je vouz jur et vouz destin
que je de cuer le servirai:
Bien que F. Lecoy ne signale aucune variante pour cette phrase, elle
fait l’objet de modifications importantes dans A et S. Voici ce qu’ils nous
transmettent:
A, f. 134b S, f. 137a
Mes cele m’a rendu la vie Ensi que m’a randu la vie
Que vous avez toz jors servie. Cele que vos avez servie,
Or la servez du cuer tout dis Certes je me juge et destin
Et je meïsme m’establis Que je de bon cuer et de fin
Que je de cuer la serviré. La douce dame servira

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72 TAKESHI MATSUMURA

L’emploi pronominal de establir soi «décider» qu’on lit dans A n’est


pas enregistré dans le TL et mériterait d’être signalé. D’autre part, l’at-
testation de destiner soi, qui se retrouve dans u (je me juge et me destin)
au passage correspondant au vers 20763, serait digne d’être relevée
puisque le TL 2, 1771, 33 n’en connaît qu’un seul exemple.
Même s’il ne s’agit pas d’emplois si rares, on peut trouver parmi les
variantes des cas intéressants. Ainsi, l’attestation de la forme degaiber
qu’on lit dans S à la place de destourner du vers 20617 serait à ajouter au
DEAF G 18, 21. D’autre part, les vers 20620-21 (Et li musars si quiert le
sot; Ensi boivent a un escot) sont remplacés dans S par Et li muez si q.
lou sort; E. b. en .i. concort. Cette attestation de concort serait à ajouter à
Gdf 2, 222b. De son côté, la leçon de S (ou fust chaveliez) pour au fust
atachiés de 20715 (cf. ci-dessus) pourrait être ajoutée au TL 2, 373. Il en
va de même pour la leçon de A (ravoiera) qui correspond à avoiera du
vers 20814; on pourrait la ranger dans le TL 8, 359. Même les variantes
graphiques peuvent contenir des cas dignes d’intérêt. Par exemple, le s.m.
samedi de 20630 est écrit semadi dans u et sambadi dans S. Ces attes-
tations seraient à ajouter au FEW 11, 2a s.v. SABBATUM qui enre-
gistre semadi (Orl. Nevers, St-Quentin) et sambadi (bourg. 14e s.); cf. aussi
GdfC 10, 623b. Ainsi les variantes ne sont-elles pas si insignifiantes que
le laisserait croire la déclaration de F. Lecoy. Pour les autres cas trouvés
dans Pères65L, j’en donnerai des exemples ci-dessous en appendice.
Sans doute, les remarques que j’ai faites jusqu’ici sembleraient trop
futiles aux yeux des lecteurs et l’édition en question ne paraîtrait pas plus
mauvaise que d’autres productions. Mais si l’on examine d’autres contes, on
s’apercevra que les types d’imperfections que j’ai présentés à partir du seul
conte de Mère se retrouvent ailleurs et qu’il y a même des cas plus graves.
Ainsi, on peut citer comme fautes de lecture ou d’impression les cas
suivants. D’abord, la forme étrange aamance qu’on lit dans Pères46L, au
vers 25775 est en fait à lire amaance (à cet endroit C f. 129d donne
esmaiance, u f. 115b, esmeance et A f. 106d, ameance; le passage manque
dans S qui s’arrête au vers 25603, voir ci-dessous). Le glossaire qui range
l’entrée aamance après alumer (p. 347b) doit être aussi corrigé. L’ordre
moderne de pronoms personnels qu’on trouve dans bien te l’os dire du
vers 25806 (dans le même Pères46L) est également une faute d’impres-
sion, puisque B donne le t’os, leçon qu’on lit aussi dans C f. 130a, u f. 115d
et A f. 107a. Il ne faudrait donc pas citer le texte de l’édition comme un
témoignage précoce de l’ordre te + le. Par ailleurs, les deux vers faux
qu’on rencontre à la p. 236 ont chacun huit syllabes dans le manuscrit.

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 73

Il s’agit du vers 26781 (Cil li respondi: «Biau sire chiers,) et du vers 26793
(– Par foi, dist cil, je ne voi) de Pères50L. Pour le premier cas, au lieu de
respondi il fallait imprimer respont qu’on lit dans B (ou corriger en Cil
respondi d’après la leçon de C f. 136c, u f. 126a et A f. 112a) et pour le
second, je est à remplacer par mie (leçon partagée par C f. 136d, u f. 126a
et A f. 112b) en suivant la leçon du manuscrit. À la même p. 236, le
curieux s qu’on a dans je ne soies decheüs du vers 26811 n’est pas dans le
manuscrit, où l’on a soie comme on peut s’y attendre.
À la même page, on a un cas de correction implicite. C’est la forme
vorrai qu’on lit au vers 26806 et qui est écrite en fait vorra dans B.
Comme la première personne est nécessaire dans le contexte (C f. 136d et
A f. 112b donnent respectivement vodrai et voudré tandis qu’on lit voudra
dans u f. 126b), F. Lecoy a modifié la terminaison mais sans avertir les lec-
teurs de son intervention. Un autre cas de correction implicite se trouve
à la page suivante. Il s’agit du vers 26815: Grans biens vous em poroit
venir. Cette leçon ne correspond pas tout à fait à B qui donne: Grans
biens em poroit bien venir. L’éditeur qui a considéré comme fautive la
répétition du mot bien a amélioré le texte en s’inspirant apparemment de
C f. 136d, u f. 126b et A f. 112b qui offrent une meilleure leçon: Granz
biens vos en porroit venir. Une indication dans l’apparat aurait été néces-
saire pour signaler la correction. Même pour un mot rare, on a une modi-
fication tacite apportée au manuscrit de base. En lisant Runge moustier et
ricouars au vers 25397 de Pères45L, personne n’imaginerait que B n’a pas
le mot ricouars, que le glossaire a d’ailleurs renoncé à traduire. Mais si
l’on consulte le manuscrit, on voit que le copiste répète le mot papelars
qui se trouvait à la fin du vers précédent et que l’éditeur a emprunté
cette leçon précieuse en s’inspirant de CS. En effet, on lit ricouarz dans
C f. 154d et ricoairt dans S f. 167c tandis que u f. 111c donne recounart et
que A f. 105c qui a supprimé la fin du conte n’a pas de passage corres-
pondant. Il faudrait donc préciser dans quels manuscrits se trouve le mot
et l’on pourrait signaler que Gdf 7, 187c l’a cité, justement d’après C et S
(son indication «Ars. 425» doit être lue «Ars. 3641»), avec un point d’inter-
rogation au lieu de définition.
Le cas de changements introduits implicitement dans les leçons
d’autres manuscrits peut être illustré par les vers 26134-39 de Pères47L.
Ces six vers manquant dans B, l’éditeur les a suppléés d’après C f. 132b
et u f. 119a-b. Or son texte imprimé contient à chaque ligne une ou deux
retouches de F. Lecoy. Citons le passage d’après l’édition, et pour montrer
le travail de l’éditeur, je mets en italiques les mots modifiés et donne les
leçons de C et éventuellement de u.

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74 TAKESHI MATSUMURA

De li pieça mais ne parlé, mes ds Cu


dont je me sai mout mauvais gré. donc ds C, malvés ds C
Pour ce me plaist et siet a m’ame Por ds C, plest ds Cu
que je vous die de ma dame vos ds Cu
un biau miracle assés briement assez ds Cu
que j’ai apris nouvelement. novelement ds C, novellemant ds u
On pourrait se demander si tant de modifications étaient nécessaires
et s’il fallait vraiment forger un texte graphiquement homogène.
Quant au manque de précision dans l’apparat, il se trouve par
exemple à la p. 199 (Pères46L). En bas, on lit «La fin du conte mq dans
S» sans indication du vers auquel cette note se rapporte. Comme elle est
mise après la leçon rejetée du vers 25595, les lecteurs s’imagineraient sans
doute que S s’interrompt au vers 25595. Or Gdf 1, 229a s.v. aloé cite
d’après S les vers 25599-600. Si l’on consulte le manuscrit, on voit que Gdf
n’a pas inventé ce passage même s’il donne au mot un sens erroné et que
c’est à partir du vers 25604 que S n’a pas le texte. Il faudrait par consé-
quent ajouter l’indication du vers dans la note en question.
En ce qui concerne les variantes, bien que l’introduction nie leur
richesse, quelques indications qu’on lit dans le glossaire laissent penser
que F. Lecoy n’était pas si négatif à leur égard, du moins jusqu’à une
certaine période de préparation. En effet, les articles amoncelee, gaïtel
et regrinast renvoient aux variantes qui ne sont pas enregistrées dans
l’apparat et l’entrée promonnose du glossaire du tome II se réfère aux
variantes de Pères44/46 qui ne sont pas relevées non plus dans l’apparat
du tome III. Pour satisfaire la curiosité que le glossaire aurait sans doute
éveillée, je donne les passages en question avec les variantes des manus-
crits de contrôle. D’abord, le mot amoncelee que le glossaire qualifie de
«? texte douteux» se lit dans Pères69L, au vers 23078:
et servés Dieu et Nostre Dame,
qui est la clartés et la genme
tres prescieuse amoncelee: 23078
la est toute douçours trouvee.

Si C f. 149d donne la même leçon que B, on lit p. enmielee dans u f.


87c et p. et enmiellee dans S f. 152b tandis que A f. 144b n’a pas les vers
23078-79. On pourrait ajouter la variante de uS (enmiel(l)ee) au glossaire
s.v. enmielee qui en cite un exemple au sens de «qui a la saveur du miel»,
attesté au vers 25757 de Pères46L, encore que la leçon de 25757 est
empruntée à u f. 115b (l’apparat renvoie à CuA mais C f. 129d donne

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 75

amielee [leçon citée par Gdf 1, 265c, d’où FEW 6, 1, 651a] et A f. 106d
enmiellee).
Quant au mot gaïtel à propos duquel le glossaire indique qu’il se
trouve en «24356 var.» au sens de «bourse, tirelire (?)», il est dans une des
variantes correspondant au vers 24356 de Pères72L:
Pour avoir boursses et atraire
deniers dedens lor rigotiaus 24356
estoient fier et desloiaus.

À la place de rigotiaus, C f. 123b donne ganteriax (leçon relevée par


Gdf 4, 219c, d’où DEAF G 128), u f. 100c garitiaus tandis que S f. 160d
modifie le vers en Et mettre dedanz lor gaitiax et que A f. 150c offre une
leçon isolée: Deniers a fere leur aviax. Ainsi, la leçon de S (gaitiax) est
à ajouter au DEAF G 61 qui n’en connaît qu’un seul exemple tiré de
AvocasR et celle de u (garitiaus) pourrait être rangée dans le FEW 17,
526b; cf. aussi DEAF G 266, 39.
Le mot regrinast que le glossaire qualifie de «texte douteux» se lit
dans Pères66L, au vers 21071:
Trop malement cil se deçoit
qui adiés se vieut revengier,
ançois vorroit vis erragier
tex i a qu’il ne se vengast
et qu’il touz jours ne regrinast. 21071
[B a qu’i au lieu de qu’il au vers 21071]

Pour ce passage, C f. 119c donne restrivast, u f. 73c regrevast, A f. 135d


rechignast et S f. 139a regroignaist. Les mots ici attestés sont intéressants.
On peut ajouter l’attestation de B (regrinier) au DEAF G 1401 puisqu’elle
est antérieure à celle de JPreisLiègeB pour l’emploi intransitif. Celle de C
(restriver) est précieuse puisque le verbe manque au TL et qu’il n’est enre-
gistré dans Gdf 7, 132a qu’avec un exemple postérieur. La leçon de u
(regrever) est à mettre dans le DEAF G 1365, 23 qui n’a pas d’exemple
de l’emploi absolu. L’attestation de A (rechignier), assez banale, est à ajou-
ter au TL 8, 417, tandis que celle de S (regroignier) mérite d’être rangée
dans le DEAF G 1447 puisqu’on n’en connaît pas beaucoup d’exemples.
Avant de terminer, disons un mot sur un autre terme obscur. Dans le
glossaire du tome II s.v. promonnose, F. Lecoy s’est référé à Gdf 6, 269 qui
avait recueilli deux exemples du mot dans Pères44 et Pères46 et il a noté
que «les mss hésitent là aussi entre pourmoneus et poumoneus». Certes le

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76 TAKESHI MATSUMURA

glossaire du tome III a deux entrées ponmoneuse «27217, cf. pormeneuse»


et pormeneus «25684, cf. ponmoneuse et promonose [lire promonnose] au
glossaire du tome II», mais l’apparat de ces deux vers passe sous silence
les hésitations des manuscrits. Voici le vers 25684, qui se trouve dans
Pères46L:
li cors est ors et pormeneus, 25684
li cors est vieus et perecheus,

Ce texte est basé sur B. Dans le passage correspondant, u f. 114c a


une leçon identique, tandis que C f. 129b donne ponmoneus et qu’on lit
pormeneurs <: pereceus> dans A f. 106c.
Quant au vers 27217, il est dans Pères44L. Comme B ne transmet pas
ce conte, l’édition est fondée sur C:
tant que de bien se metent hors
por la char et laide et honteuse,
plaine d’ordure et ponmoneuse, 27217
plaine de feu et de brasier.
Pour ce passage, A f. 103c donne pomeneuse et u f. 56a pormoneuse,
tandis que S f. 127c lui substitue un mot différent: vermeleuse. La leçon de
S peut être ajoutée au TL 10, 297, 33.
Ces quelques exemples que j’ai pris à partir des indications de l’édi-
teur lui-même auraient montré que les variantes ont un intérêt indéniable
pour tous ceux qui s’intéressent à l’ancien français.
Comme on l’aura constaté, l’édition de la Vie des Pères publiée par
F. Lecoy semble avoir besoin d’être revue et corrigée. Est-ce un acte ico-
noclaste de toucher à l’œuvre du vénéré maître de philologie? Mais le
texte du 13e siècle et les manuscrits qui nous l’ont transmis mériteraient
d’être traités avec un peu plus de soin, d’autant qu’il s’agit d’une belle
réussite littéraire. En fait, c’est rendre hommage à la mémoire de F. Lecoy
que de proposer une version amendée de son édition et d’inciter les éru-
dits à publier des éditions critiques des contes les plus intéressants. Si l’on
laissait l’édition dans l’état où elle est, il est à craindre que les linguistes
et les lexicographes ne puissent pas utiliser la Vie des Pères avec toute la
sécurité nécessaire. Et ce serait vraiment dommage(*).

Tokyo. Takeshi MATSUMURA

(*) Je remercie Madame May Plouzeau et Monsieur Gilles Roques des remarques
qu’ils ont faites en lisant mon tapuscrit.

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SUR LE TEXTE DE LA VIE DES PÈRES 77

Appendice
Pour souligner que les variantes sont plus nombreuses que l’édition le laisserait
croire, j’en présente ici quelques choix dont je n’ai pas parlé ci-dessus, tout en me
limitant à Pères65.
A qui abrège souvent le texte n’a ni le vers 20531 ni le vers 20533; il en va de
même pour les vers 20551-53, 20555, 20686-87, 20782-83; – au vers 20535 à la place
de se garissoient, A donne se chevissoient; – au vers 20537 (Si envïex et si divers) on
lit Si anemis et si despers dans u; – la leçon de A qui correspond au vers 20546 (se
peloient au dés, leçon corrigée) est se desnuoit as dez; – on lit au vers 20549 (Ne
remanoit a efforcier) Ne remenoit a aforcier dans S et Ne demoroit que aforcier dans
u; – la leçon de u pour le vers 20553 (... s’estoit pris) est s’estoit mis; – au vers 20554,
les variantes graphiques de u (cope geule), de A (coupe gueule) et de S (cope goule)
pour coupe gheule mériteraient d’être relevées, cf. DEAF G 960, 46 qui cite ce pas-
sage d’après B; – au vers 20557, à em prison du texte correspond a juïse dans uAS;
la leçon de B est donc isolée; – pour le vers 20562 (Sa mere veve demoura), on lit
Sa fame v. dans A, La feme v. dans S, et La vove fame d. dans u; là aussi B donne
une leçon isolée; – la leçon de u pour le vers 20565 (honneroit) est aoroit; – pour le
vers 20567 (Ele manoit jouste une eglise) on a E. demoroit lez u. dans S; – on lit pour
le vers 20580 (Que n’en voloit son cuer mouvoir) Qu’el n’en v. oster son cuer dans
A et Q. ne veloit oster son cuer dans u; – à la place de aprestee en 20593, on lit espre-
tee dans u; – en 20594, on lit sonoit dans S à la place de venoit; – pour le vers 20598
(Et l’erbe fresce...) on a E. l’e. vert dans A; – au vers 20599, la leçon de B (Ja puiz...)
est isolée puisqu’on lit Ja mes dans uA et Je mais dans S; – on lit aise dans S au lieu
de joie au vers 20601; – au vers 20606 (Qui le sevent amer...) A donne Q. l. s. servir;
– dans u on lit savoit à la place de sentoit au vers 20607; – Au vers 20609 (... a son
avis [mettre une virgule au lieu de point]) on a a s. devis dans uS et a s. deviz dans
A; la leçon de B est donc isolée et la variante a son devis/deviz «selon son souhait»
(attestation à ajouter au TL 2, 1873, 20) semble préférable dans le contexte; – au
vers 20615 (Que li mauvais si ont envie) correspond Les mauvés ont toz jorz e. dans
A; – pour le vers 20623 (Et li musars...) on a Et li mauvais dans uS et Et le mauvés
dans A; ici aussi B donne une leçon isolée; – les vers 20627-28 (La boine feme se
tint bien Et servi...) deviennent La preudefame se t. b. A servir dans A; – au vers
20644, on lit en la rue dans u, enmi la rue dans A et et grant huee dans S à la place
de par le rue; – les vers 20651-52 (Une vielle court erraument Qui entra dedenz le
moustier) sont remplacés par U. v. tout maintenant L’encontra d. l. m. dans A; – à la
place de l’interjection Ahi du vers 20655, u donne Aï et on lit Haï dans S; cf. DEAF
H 27; – le vers 20656 (... neenz dolereuse) se lit lasse d. dans uA et feme d. dans S;
– uA donnent meseüreuse au lieu de maleüreuse au vers 20657; l’attestation de
meseüreuse serait à ajouter au FEW 25, 889a; – au vers 20659 (Ton seul enfant...),
on lit T. chier e. dans A; – les vers 20663-64 (Aussi conme aidier te deüst. Or i pert
ta papelardie [lire papalardie, voir ci-dessus]) sont remplacés par Ausi con se Dex te
deüst Oïr par ta popelardie dans u; – au vers 20670, on lit Mere con mere dans A au
lieu de Mere que mere; – à la place de cela en 20673, on a mena dans u; – les vers
20682-82 (Douce dame de maïsté, Dame, qui par vostre bonté) se lisent Dame que por
vostre bonté Estes en si grant digneté dans u; – au vers 20691 on a douce dans uS à
la place de roial, leçon corrigée d’après A; – S donne florit au lieu de s’esmut au vers
20692; – à la fin des vers 20694-95 humelité et virginité sont intervertis dans S; – le

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78 TAKESHI MATSUMURA

vers 20697 (Pour l’oudour qu’an la flour trouva) se lit Por la doçour que il trova
dans S; – au vers 20705, on lit Du desconfort ou elle estoit dans A au lieu de Toute
desconfortee estoit; – les vers 20709-10 (Onques a vouz ne failli nus Qui vouz apie-
last de boin cuer) se lisent Ert mon enfant ensi perdus? Ce ne porroit estre a nul fuer
dans A; – au vers 20725, on lit garda dans S à la place de sauva; – le vers 20730
(I fist apertes...) se lit Fist molt apertes dans S et A donne aparoir au lieu de apertes;
– au vers 20733, à la place de desbandés on a toz bandez dans S; – l’adjectif clere de
20735 est remplacé par chiere dans uS; – le substantif clarté de 20737 est remplacé
par biauté dans A; – on lit ramena dans u au lieu de i amena au vers 20746; de son
côté, dans S les vers 20746-47 (Que Nostre Dame i amena. Sa mere a li tantost tira:)
sont intervertis et se lisent Sa mere maintenant tira Qui Nostre Dame amena; – au
vers 20748 («Biele mere, laissiés, laissiés), le 1er laissiés est remplacé par dit il dans
u et dist il dans S; – l’impératif vous rapaiés de 20749 est remplacé par vos apaiez
dans u et vos repariez dans S; – le vers 20751 (Mes lieus appareilliés ert ja) se lit Et
m. l. estoit livrez ja dans S; – au vers 20759, mis estoie est remplacé par me metoie
dans S; – le vers 20765 (Em blanche [lire blance, voir ci-dessus] ordre m’enserrerai
[voir ci-dessus sur cette dernière forme]) se lit En ordre blanc... dans u et Ne ja ne
m’en restrainderé dans A; – le début de 20768 (Conme je vueil) se lit Con ore v. dans
u, Con je or v. dans A et Comme or v. dans S; – le vers 20769 (Pour rien je ne voeil
plus atendre) est remplacé dans A par En abaïe me veil rendre; – au vers 20770 (Je
m’en vois, venés aprés moi), le début se lit G’i vois or v. dans A et on a avec dans
uAS à la place de aprés; la leçon aprés qu’on ne trouve que dans B est-elle défen-
dable? On peut se poser la question si l’on tient compte du vers 20778 qui décrit le
mouvement de la mère et de son fils (Ensi s’en va aveuc son fil); – les vers 20773-
74 (Devant l’autel a estendu Son cors en grasces Deu [lire Dieu, voir ci-dessus] ren-
dant) sont construits différemment dans A: D. l’a. ou e. Fu son c. en g. r. et, dans u,
on lit au vers 20774 c. en crois g. r.; – au vers 20783, S donne besoigne procura au
lieu de besoigne en [lire em, voir ci-dessus] pourtraita; – on lit retorna dans S à la
place de repaira au vers 20788; – le verbe se maintint de 20792 est remplacé par se
contint dans u; – Au vers 20793 (Par son boin sens prestres devint), A donne Que li
vallez p. d.; – le vers 20799 (Cil qui son estre connissoient) se lit Tuit cil q. bien lo c.
dans u; – le vers 20801 (Sainz hom fu et de boine vie) est remplacé par Nostre Dame
n’oblia mie dans A, qui supprime les deux vers suivants et transforme le vers 20804
(La bonté que faite li ot) en Pour l’amour que fete li ot; – au vers 20805, uAS don-
nent la locution adverbiale longue piece à la place de boine pieche; la leçon de B est
donc isolée et la variante longue piece est à ajouter au TL 7, 910, 20 qui n’en cite
que deux exemples; – au vers 20815, à la place de un Ave maria, on lit son A. m.
dans uA; – au vers 20818 (Dont cil enfes fu delivrés), cil de B ne se retrouve
pas ailleurs puisque uAS donnent l’article li; dans le même vers 20818, delivrés est
remplacé par deliez dans S.

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA

1. Problemi di definizione
La designazione “dialettologia sociologica” copre un arco di tema-
tiche che non si presentano unitarie né sistematicamente sviluppate. Si ha
l’impressione che una forma di unitarietà e sistematicità possa essere indi-
viduata sul piano metodologico piuttosto che su quello dei contenuti di
ricerca. Ciò rende difficilmente delineabile un quadro coerente ed inte-
grato dei risultati raggiunti. Sensibile appare anche la differenza tra gli
ambienti scientifici europei, in cui si riflettono diverse situazioni storiche
di rapporto tra lingua nazionale e dialetti o parlate locali, ed inoltre tra-
dizioni di studio della variazione e concezioni della sociologia con una
fisionomia propria. Infatti, una diversa strutturazione dei modelli della
variazione e dei modelli sociologici e una diversa visione del loro rapporto
interattivo permette di riconoscere indirizzi distinti, sviluppatisi su prece-
denti tradizioni di dialettologia.
Il discrimine più netto sembra dividere le tradizioni dei paesi di lin-
gua romanza e quelle dei paesi di lingua tedesca dalle tradizioni dei paesi
anglosassoni, come Inghilterra e Stati Uniti. La convergenza teorico-meto-
dologica della ricerca sulla variazione nei paesi di lingua romanza e di lin-
gua tedesca si giustifica con condizioni storico-culturali comuni, pur nella
divaricazione di sviluppi (si veda Dittmar & Schlieben-Lange 1982a: 8;
Cadiot & Dittmar 1989a: 16). Una certa affinità di condizioni politiche e
sociolinguistiche accomuna Italia e Germania, per la loro tarda unifica-
zione in uno stato nazionale e la sensibile frammentazione culturale e lin-
guistica (cfr. Grassi 1980: 145, che richiama anche una opinione di Schlie-
ben-Lange al riguardo). Più in particolare, il tipo di transizione dalla
dialettologia alla sociolinguistica che si è verificato nei vari paesi europei
contribuisce a far luce anche sulle loro tradizioni dialettologiche e socio-
linguistiche (cfr. Dittmar & Schlieben-Lange 1982a).

2. Modelli della dialettologia sociologica


Queste analisi sembrano di grande interesse anche per la compren-
sione delle linee di formazione di una dialettologia sociologica e dei suoi

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80 ROSANNA SORNICOLA

sviluppi in atto. I lavori ora menzionati mostrano come in paesi quali l’Ita-
lia, la Romania e, in modo alquanto diverso, la Spagna, la forza di una tra-
dizione dialettologica e un forte radicamento della ricerca storica, abbiano
preparato la strada per una sociolinguistica con una spiccata consapevo-
lezza critica. In particolare, per quanto riguarda l’Italia, questa situazione
ha creato le premesse per un continuo interscambio di problemi e metodi
tra dialettologia e sociolinguistica; inoltre, buona parte della tradizione
dialettologica italiana è stata orientata – ben prima dello sviluppo di una
sociolinguistica – in senso sociale (si veda qui più avanti). In Francia,
l’interesse per la sociolinguistica è stato piuttosto sospinto dalla radicata
tradizione sociologica durkheimiana e dalla sensibile influenza del pen-
siero marxista (cfr. Kremnitz 1982: 15), mentre in Germania l’interesse per
la dimensione sociale della variazione ha avuto un fondamento etico-poli-
tico, con una funzione di “critica della società”: sono stati infatti
i problemi dell’ineguaglianza di opportunità nelle istituzioni scolastiche,
i problemi di acquisizione di lingue seconde da parte degli immigrati e dei
loro bambini ad agire da elemento propulsivo, che ha poi trovato un
terreno fertile in una tradizione linguistica orientata in senso pragmatico
(cfr. Cadiot & Dittmar 1989, specialmente 9-14). Anche in Germania
dunque gli studi di dialettologia sociale sono stati fortemente contigui a
quelli sociolinguistici, e come questi si sono indirizzati sia verso i problemi
del rapporto lingua - dialetto (in particolare in contesto scolastico: cfr.
Ammon 1989 e relativa bibliografia) che verso la dimensione pragmatica
della comunicazione (si veda Mattheier 1980).

Molto illuminante è il quadro che Corrado Grassi ha tracciato degli


orientamenti e sviluppi divergenti della dialettologia in Europa. È possi-
bile identificare tradizioni dialettologiche distinte rispetto alla continuità o
discontinuità con l’impostazione di Gilliéron, secondo cui “compito della
geografia linguistica... era di trovare i principali fondamenti del cambia-
mento linguistico e le sue cause di geografia linguistica” (Grassi 1980:
146). Ad una tradizione francese evolutasi nel senso di una “cartografia
linguistica”, Grassi oppone una tradizione italiana influenzata da Jaberg e
da Terracini, per esemplificare la quale si può assumere il trattamento di
un problema come la s finale libera nei patois francoprovenzali del Pie-
monte. Gli studi di Jaberg e di Terracini al riguardo mostrano un rilevante
cambiamento di ottica: compito della geografia linguistica non è “la deter-
minazione di confini, ma la ricerca di fenomeni di biologia linguistica in
un punto o in un territorio, che sono soggetti all’influenza di un sistema
dominante (herrschenden)” (Grassi 1980: 149). Rispetto alla cartografia
linguistica si ha qui un ribaltamento del presupposto di partenza: non si

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 81

ricerca più l’espansione di un fenomeno sul territorio, o l’origine e le


direttrici di avanzamento delle innovazioni, ma si assume un dialetto
come obiettivo e si cerca di studiare come esso si difenda e mantenga la
sua identità. Questa problematica, ampiamente studiata da Terracini, si è
tradotta in quella dell’unitarietà del punto e delle forze sociali e culturali
che vi si contrastano, conducendo la geografia linguistica italiana molto
più vicino alla sociolinguistica rispetto alla geografia cartografica (cfr.
Grassi 1980: 149-150).
Accanto a queste ragioni specificamente legate alla storia della ricerca
dialettologica in Italia, si deve sottolineare la peculiarità della condizione
storico-culturale italiana. Come osservava Cortelazzo, delineando il pro-
gramma per una dialettologia sociologica italiana, “il lungo e complesso
rapporto tra lingua e dialetto, questa nostrana manifestazione diglottica,
che rende tanto frequente da noi il bilinguismo attivo” ricapitola le varie
dimensioni della ricerca sociolinguistica (Cortelazzo 1970: 29; per una
prima ampia discussione dei problemi della dialettologia sociologica, si
veda inoltre Cortelazzo 1969: 138-162). Quanto ciò sia vero si può vedere
dalla ricchezza di sviluppi in cui si è articolato il tema generale del rap-
porto lingua – dialetto: oltre alla vasta problematica del rapporto lingua –
dialetto in contesto scolastico (per cui si veda un panorama bibliografico
in Grassi, Sobrero, Telmon 1997), la ricerca italiana ha coperto il conti-
nuum che unisce i due poli estremi della parlata locale e della lingua
nazionale standard o sub-standard. Di particolare interesse sono state aree
di indagine che nel contesto della ricerca europeo sembrano caratteristica-
mente italiane, come quella relativa all’italiano regionale e, ancor più,
all’italiano popolare (per una panoramica dei problemi relativi all’italiano
regionale, si vedano i lavori in Cortelazzo e Mioni 1990; Telmon 1993; per
l’italiano popolare si veda Cortelazzo 1968; Berruto 1987: 105-138).
Nei paesi anglosassoni il passaggio dalla dialettologia alla sociolin-
guistica è avvenuto in modo forse più discontinuo rispetto all’Europa
continentale. Sociolinguisti come Trudgill e Milroy, pur sottolineando l’in-
teresse scambievole delle due discipline, muovono alla dialettologia alcune
obiezioni, che sono significative per comprendere quale dialettologia
venga assunta come punto di partenza – o comunque di confronto – con
la sociolinguistica. Sia Trudgill (1983, cap. 2) che Milroy (1980: 5) hanno
in mente impostazioni di atlanti come la Survey of English Dialects (SED)
e il Linguistic Atlas of New England. Si tratta di una dialettologia geo-
grafica che procede attraverso la determinazione di isoglosse, una dialet-
tologia con uno “strong historical bias”, che si occupa di un “oldest kind
of traditional vernacular which is best found in rural areas amongst the

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82 ROSANNA SORNICOLA

farming community” (Trudgill 1983: 33)(1). Risulta quindi unilaterale la


conclusione che la dialettologia avrebbe da imparare da alcuni lavori di
sociolinguistica “an increased emphasis on on-going linguistic changes and
synchronic facts” (pur senza che ciò implichi un abbandono dei suoi inte-
ressi per i processi storici e le varietà conservative), “an increased acknow-
ledgement that fine attention to detail and a very open-minded approach
are helpful when dealing with unfamiliar varieties”; essa potrebbe inoltre
incorporare nella sua metodologia “some recognition of the fact that even
older rural dialect speakers cannot be relied upon on all occasions to
produce the vernacular” e potrebbe prestare maggiore attenzione “to
the heterogeneity of speech communities and the variability of speech”
(Trudgill 1983: 51).
Che queste critiche vadano interpretate come il segnale di una par-
zialità culturalmente orientata lo conferma il fatto che esse si ritrovano
anche in Milroy, secondo cui “in general, the methods of traditional dia-
lectology are not designed to deal with the fact that the same speaker
may use several different pronounciations, or that different speakers in the
same area may use a very wide range of different pronounciations” (Mil-
roy 1980: 4). Mostrano una analoga unilaterale comprensione del passato
le affermazioni che, pur avendo la SED considerato fattori sociali come
età, sesso, e contesto situazionale, non sia stata esaminata la loro interre-
lazione sistematica con la lingua e che “in general dialctologists do not
concern themselves with the interplay between social and linguistic beha-
viour which is the main interest of the sociolinguist” (Milroy 1980: 5).
L’impatto della sociolinguistica anglosassone sui paesi dell’Europa
continentale merita qualche osservazione. Per il panorama italiano, a
prima vista si potrebbe sostenere che una dialettologia sociologica sia la
proiezione dello studio della variazione linguistica dallo spazio alla comu-
nità/società, uno sviluppo che sarebbe stato influenzato da un più generale
movimento nelle scienze del linguaggio verso la considerazione della
dimensione “sociale” dei fatti linguistici. In effetti, il rapido emergere di
modelli sociolinguistici nord-americani, negli anni ‘60, sembra aver avuto
un’influenza non trascurabile in tal senso, forse più accentuata in Italia,
dove peraltro ha prodotto ricerche interessanti (cfr. Mioni 1976; Mioni

(1) Trudgill (1983: 33) riconosce che “this narrowly historical emphasis [is] found
in some (but, it must be stressed, not all) dialectological studies”, ma ciò non
gli impedisce di articolare il suo discorso sui rapporti tra dialettologia e lin-
guistica come se gli studi citati fossero rappresentativi della dialettologia tout
court.

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 83

1982; Mioni & Trumper 1977), che in Francia o Germania (per il contesto
scientifico tedesco si veda Cadiot & Dittmar 1989: 16, secondo cui “les
règles variables, les grammaires de variétés et l’analyse formelle de la
conversation étaient considérées par les chercheurs de R.D.A. comme des
instruments de description positivistes, réifiés, détachés de la pratique”;
per un punto di vista critico francese si veda Marcellesi & Gardin 1974:
143-155). Questa influenza è visibile non solo nella costituzione di un
ambito disciplinare “sociolinguistico”, ma anche nella ricaduta su ricerche
più squisitamente dialettologiche.
Tuttavia, la tesi di un’influenza determinante dei modelli sociolin-
guistici anglosassoni sul costituirsi di una dialettologia sociologica è pre-
sumibilmente affrettata. Quantomeno, essa dovrebbe essere riformulata
rispetto ad alcune questioni storiche e metodologiche non secondarie,
riconducibili alla particolare interazione che, sin dalla sua nascita, la dia-
lettologia ha avuto con discipline come geografia, storia, sociologia. Alcuni
di questi problemi sono visibili ancora nelle ricerche odierne e nella
controversa definizione di questa branca della dialettologia.
Una contrapposizione netta tra metodi della dialettologia e metodi
della sociolinguistica sarebbe difficilmente sostenibile. Nella riflessione
dialettologica degli ultimi decenni del XIX secolo era già presente la sen-
sibilità per la variazione sociale. Hagen (1988b: 408) ha richiamato l’at-
tenzione sul lavoro di Löwe concernente la mescolanza dialettale nell’area
di Magdeburgo e Koerner (1995: 122) ha ricordato le considerazioni di
Philipp Wegener, sempre per l’area di Magdeburgo, sul contatto regolare
tra lavoratori rurali e lavoratori urbani:
In der Magdeburger Gegend gehen die ländlichen Arbeiter in grosser
Zahl in die Städte, um hier als Maurer, Handlanger oder in den Fabri-
ken zu arbeiten. Die gemeinsame Arbeit bringt diese in steten Verkehr
mit den städtischen Arbeitern; der niederdeutsche ländliche Arbeiter
lässt sich durchweg von der städtischen Vulgärsprache beeinflussen, und
zwar um so mehr, je grösser der Abstand derselben von der ländlichen
Mundart ist und je höher die Schätzung der städtische Vorzüge (Wege-
ner 1901: 1478).

Sembrano convincenti le considerazioni di Koerner al riguardo: “I believe...


that in observations like these we may discern an awareness of the ‘socio-
logy of language’ avant lettre, and I am sure that many other such state-
ments could be founded in the early work of dialectologists... No doubt
the actual contact in these linguistic investigations with speakers of diffe-
rent varieties of language in differing socio-economic settings fostered
such awareness, to the extent that it becomes at times difficult to distin-

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84 ROSANNA SORNICOLA

guish sharply between dialectology and sociolinguistics in the work of


these scholars, especially in areas of research that are now being called
‘urban dialectology’” (Koerner 1995: 122).
Tuttavia il punto decisivo sembra che cosa si debba intendere con
“dimensione sociale”, un problema che, prima ancora di segnare la storia
della dialettologia, ha attraversato la storia della sociologia.

3. Costrutti della dialettologia sociologica

Se il tentativo di definire una dialettologia sociologica mostra il carat-


tere ibrido e problematico di quest’area di ricerca, l’esame dei costrutti
sociologici, di volta in volta impiegati nelle varie tradizioni, conferma che
la metodologia si è evoluta in maniera discontinua sia rispetto alla dialet-
tologia classica che rispetto alle correnti di pensiero sociologico. Un tale
esame lascia anche intravedere limiti e questioni ancora aperte che la sto-
ria degli studi e il loro stato attuale portano con sé. Termini quali comu-
nità, gruppo, classe sono usati in maniera tutt’altro che unitaria e il loro
impiego permette di riconoscere impostazioni teoriche e operazioni meto-
dologiche diverse. Specialmente problematici appaiono i rapporti tra
costrutti geografici e costrutti sociologici e tra questi ultimi e costrutti
propriamente linguistici (si veda § 6.2 e 6.3.).

3.1. Il concetto di ‘punto’


3.1.1. Il comune nella tradizione dialettologica francese

La concezione del “punto” dialettologico lascia trasparire la com-


plessa interazione tra rappresentazioni dello spazio e rappresentazioni
sociali. In alcuni lavori classici della dialettologia francese lo spazio all’in-
terno del quale lo studioso doveva indagare “la parlata comune” veniva
preliminarmente delimitato ricorrendo alla nozione geografico-amminis-
trativa di “comune”. Come osservava Albert Dauzat, nell’esporre la meto-
dologia di raccolta dei dati: “La commune est en principe l’unité linguis-
tique: mais lorsqu’une même commune comportera plusieurs grosses
agglomérations, il sera indispensable de les visiter toutes; de même dans
les montagnes, où les communes sont très dispersées et n’ont qu’une unité
linguistique relative, on explorera les principaux hameaux” (Dauzat 1906:
269). L’idea di “monografie comunali” per i dialetti caratterizza forte-
mente la tradizione francese sin dal programma di Gaston Paris che ogni
comune potesse avere la sua monografia descrittiva, “tracée avec toute la
rigueur d’observation qu’exigent les sciences naturelles” (Paris 1888), un

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 85

programma a cui si sarebbero ispirati nel volgere di pochi anni i lavori su


singole località di Gilliéron, Rousselot, Dauzat, Gauchat(2).
Tuttavia, il concetto amministrativo di comune veniva assunto in
questi lavori come un punto di partenza metodologico, criticamente cor-
relato – soprattutto negli studi più maturi – con la variazione linguistica.
Come osservava Thomas, “il ne faut pas que l’emploi en linguistique du
vocabulaire de la géographie administrative puisse donner le change sur
l’état de choses réel. Comme il est à peu près impossible de se passer de
termes géographiques d’une compréhension plus ou moins étendue, autant
vaut faire appel à l’ancienne nomenclature, qui a pour elle la consécration
d’un usage plusieurs fois séculaire, qu’à celle que nous devons à la Révo-
lution. Mais il n’y a aucun lien nécessaire entre les variétés du patois
et les anciennes divisions territoriales, civiles ou religieuses...” (Thomas
1897: x). Analogamente, Rousselot dichiarava che “l’accord que l’on
observe sur certains points entre les limites de la géographie administra-
tive et celles de la phonétique n’a rien de constant, trahissant par là une
origine tout artificielle” (Rousselot 1896: 348-349).

3.2. Problematicità della definizione di punto


La consapevolezza della non coincidenza tra rappresentazioni geo-
grafiche e confini della variazione linguistica ha trovato, in sede storica,
una interessante espressione nel dibattito sulla non omogeneità linguistica
del punto dell’inchiesta dialettologica (si vedano al riguardo le interessanti
osservazioni di Grassi 1980: 150). Lo sviluppo di tale consapevolezza è
proceduto di pari passo con l’emancipazione da modelli naturalistici sia
della geografia che della scienza linguistica della variazione e del cambia-
mento e con l’emergere di concezioni storicistiche di entrambe le disci-
pline. Questa transizione è stata sinteticamente ben descritta da Benve-
nuto Terracini, secondo cui
Alla fine del secolo scorso il problema [di definire l’unità e la varietà
di una singola parlata] non esisteva: l’unità di un punto minimo era

(2) Tra le monografie di questi studiosi si possono riscontrare delle più sottili dif-
ferenze metodologiche relative alla delimitazione areale. Nell’introduzione al
suo studio su Vionnaz Gilliéron ritiene di dover giustificare perché, pur avendo
egli raccolto i suoi dati solo a Torgon, uno dei villaggi del comune di cui Vion-
naz è il centro principale, la sua monografia possa essere intitolata “patois de
la commune de Vionnaz”: egli aveva constatato una sola differenza importante
tra la parlata di questa località e quella degli altri villaggi amministrativamente
legati (Gilliéron 1880: I). Dauzat invece incentra il suo studio su Vinzelles, vil-
laggio che fa parte del comune di Bansat, su tre dei nuclei del centro ammi-
nistrativo (Dauzat 1897: 1).

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86 ROSANNA SORNICOLA

posta a priori come l’atomo indivisibile di cui il metodo comparativo


non poteva fare a meno e davanti a cui si arrestava anche la critica
demolitrice più accanita di ogni entità o sotto-entità dialettale, come
nel famoso discorso di Gaston Paris sui “Parlers de France”. Ma tosto
con l’Abbé Rousselot e con Louis Gauchat è incominciata la scompo-
sizione dell’atomo e la scoperta delle varietà delle sue componenti, spe-
cialmente in campo fonetico. La ricerca si è estesa in questo senso
tanto che è lecito domandarci oggi se sia possibile restituire in qualche
modo unità a quel fascio di elementi eterogenei ed oscillanti che si
incontrano in un dato luogo, esattamente come noi concepiamo l’ideale
unitario che stringe la struttura tanto più complessa di una lingua
nazionale (Terracini 1959: 326).
In effetti, il rapporto tra unità e varietà è un problema chiave di una dia-
lettologia sociologica. Ad una più antica concezione che considerava otti-
misticamente tracciabile il discrimine tra “lingua comune” e linguaggio
individuale (ancora riflessa nelle posizioni di Gaston Paris e nei primi
lavori di Gilliéron), subentrano più sfaccettate visioni, in cui predomina
l’analisi della variazione fonetica.
Nel suo studio su scier nella Gallia romana Gilliéron sostiene che “la
réflexion et les faits s’accordent pour détruire cette fausse unité linguis-
tique dénommée patois, cette conception d’une commune ou même d’un
groupe qui serait resté le depositaire fidèle d’un patrimoine latin... Aucune
recherche de dialectologie ne partira de cette unité artificielle, impure et
suspecte” (Gilliéron et Mongin 1905: 27).
Rousselot, dal canto suo, distingue tra fenomeni consolidati, per i
quali non c’è variazione in uno stesso villaggio, e fenomeni la cui evolu-
zione è ancora in atto; questi ultimi mostrerebbero differenze all’interno
del punto, mentre una loro regolarità sarebbe da ritrovare nella stessa
generazione di parlanti (cfr. Rousselot 1896: 162).

3.3. Uno studio pionieristico di dialettologia sociale agli inizi del ‘900: la
ricerca di Gauchat a Charmey
Per certi versi affine è la suddivisione, effettuata da Gauchat a Char-
mey, tra fenomeni di variazione fonetica “auxquelles tous les habitants
participent” e fenomeni per cui si ha una “grande diversité de formes” che
prefigurano “des articulations naissantes”: queste sarebbero in rapporto a
generazioni diverse di parlanti (cfr. Gauchat 1905: 196). A Gauchat si deve
una prima formulazione matura del problema di studiare l’unità della par-
lata di un solo villaggio, al fine di sapere “en quelle mesure la langue de
l’individu se subordonne à la langue interindividuelle, au patois” (Gauchat
1905: 176), problema al cui esame è dedicata la monografia su Charmey.

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 87

I fini ultimi del programma di ricerca dello studioso svizzero mos-


trano il profondo radicamento della dialettologia romanza dell’epoca
all’interno di paradigmi teorici della linguistica generale in via di defini-
zione: “Ainsi... on parviendra à préciser un peu les notions que nous avons
sur la part de l’individu dans la marche de la parole humaine” (Gauchat
1905: 176). È evidente quanto tale programma fosse influenzato dai ter-
mini del dibattito neogrammaticale, con la sua enfasi sul ruolo dell’indivi-
duo nei processi di variazione e cambiamento. Peraltro, i risultati raggiunti
sono interpretati da Gauchat in chiave anti-individuale: “J’ai étudié, d’une
façon sommaire, environ 50 langues individuelles et je n’y ai rien trouvé
d’individuel” (Gauchat 1905: 231). L’idea di fondo è che una lingua
contenga in sé, nella stessa composizione fonica, i principi della sua varia-
zione interna e della sua evoluzione (cfr. Gauchat 1905: 230), il che fa sì
che le tendenze che si conformano a questi principi si ripetano “forcément
dans la prononciation de plusieurs”, finendo col trionfare (Gauchat 1905:
207). Se da un lato Gauchat sostiene che le leggi fonetiche abbracciano
più generazioni, egli riconosce al gruppo generazionale un potere esplica-
tivo: “Nos matériaux nous obligent à chercher les motifs immédiats d’une
loi phonétique à l’intérieur d’une génération” (Gauchat 1905: 230). I bam-
bini e i giovani generalizzerebbero ciò che è latente ed irregolare nei
genitori, un processo che avverrebbe in maniera inconsapevole ed indi-
pendente nei parlanti che sospingono l’innovazione, dal momento che i
fenomeni che si generalizzano sono radicati nella struttura interna della
parlata.
Ben noto è il quadro dei cambiamenti fonetici di ł in y e di ı in h,
descritti per Charmey, all’inizio del XX secolo. Tali cambiamenti furono
osservati da Gauchat nella loro distribuzione generazionale: nella gene-
razione I (90-60 anni) occorrevano ł e ı in tutti i contesti, nella genera-
zione II (60-30) si verificava competizione di ł e y e alcuni contesti di
occorrenza di ı cominciavano ad essere invasi da h (ho ‘ces’, ha ‘cette’,
ma raramente ho = ‘tu’ in posizione interrogativa); infine nella genera-
zione III (al di sotto dei 30 anni) si affermava la variante y e la spiran-
tizzazione di ı si estendeva frequentemente alle forme del pronome di
seconda persona singolare in posizione interrogativa.
Questa impostazione teorico-metodologica, chiaramente influenzata
dalle concezioni neogrammaticali sull’importanza dell’avvicendamento gene-
razionale per il cambiamento linguistico, è stata ripresa in alcuni moderni
lavori di sociolinguistica, che attribuiscono importanza decisiva al gruppo di
età come fattore di cambiamento (per un primo riconoscimento del carat-
tere pionieristico del lavoro di Gauchat si veda Weinreich, Labov e Herzog

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88 ROSANNA SORNICOLA

1968; Labov 1966: 16 Cfr. inoltre Koerner 1995; Wüest 1997). Ad ogni modo,
Gauchat considerava lo sviluppo dei processi in questione in maniera critica
e, tra i fattori esterni, non escludeva il ricorso all’imitazione incosciente.

3.4. Il concetto di ‘comunità’ nella scuola zurighese e in Terracini


Ma è soprattutto nel confronto delle diverse posizioni di Gauchat e
della scuola svizzera di Jaberg e Jud, affini a quelle terraciniane, che si
può cogliere appieno l’entità della posta in gioco nel dibattito su unità e
diversità di una parlata dialettale. Formulazioni apparentemente simili,
come quella di Gauchat, secondo cui “l’unité du patois de Charmey, après
un examen plus attentif, est nulle” (Gauchat 1905: 222), e quella di Jaberg
e Jud, secondo i quali “die lautliche Einheit einer Dorfmundart ist ein
Mythus” (cfr. Terracini 1959: 338) sono in rapporto a concezioni comples-
sive assai diverse. Per Gauchat il problema del rapporto tra variazione
individuale e unitarietà della parlata si risolve privilegiando le tendenze
che agiscono attraverso le generazioni, tendenze che possono scavalcare i
singoli patois, ritrovandosi in più villaggi di una stessa area (Gauchat 1905:
226). Da questa impostazione consegue che il tentativo di stabilire tipi
dialettali sia spesso illusorio (Gauchat 1905: 227). È questa una conclu-
sione che, pur aperta a una lezione come quella di Schuchardt, risente
ancora di visioni positivistiche, il che si può vedere anche in base ad altri
indizi. Per Gauchat variazione e cambiamento sono spinti avanti da fattori
naturalistici (cfr. Gauchat 1905: 207). Ciò è congruente con il fatto che egli
mostri un più spiccato interesse per i fenomeni fonetici. In particolare, i
fenomeni di polimorfismo morfofonologico sono analiticamente studiati
nelle loro cause “endogene”, come il ruolo della posizione di un elemento
nella frase o i fattori prosodici, secondo una impostazione ampiamente
usata nella metodologia neogrammaticale.
Il ricorso al costrutto “comunità” (Sprachgemeinschaft) caratterizza le
tradizioni dialettologiche zurighesi e torinesi rispetto a quelle complessi-
vamente definibili come francesi che, come si è visto, hanno fatto piuttosto
ricorso al concetto geografico e amministrativo di “comune”. Questa dif-
ferenza sembra di qualche interesse per comprendere lo sviluppo di una
dialettologia sociologica e le sue articolazioni interne. In Jaberg e Jud, in
Terracini, si può cogliere l’adesione a modelli caratteristici della sociolo-
gia tedesca, come quelli che – sulla scia di Tönnies – differenziano una
Gemeinschaft da una Gesellschaft o, in maniera più dinamica – sulla scia
di Weber – una Vergemeinschaftung da una Vergesellschaftung. Per Tönnies
la comunità è la sede delle relazioni concepite come “vita reale ed orga-
nica” in cui si esprimono la spontaneità ed il movimento stesso della vita:

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 89

suoi esempi tipici sono infatti le comunità di sangue e di parentela, di


luogo o di vicinato e amicali o spirituali. La società riguarda invece una
“formazione ideale e meccanica”, è “un puro coesistere di persone indi-
pendenti l’una dall’altra” (Tönnies 1887: 45-47 passim). È interessante, del
resto, che Tönnies indicasse la base della comprensione e della concordia,
così come della conoscenza intima e dell’affetto reciproco che scaturiscono
dalla partecipazione di ognuno alla vita degli altri all’interno della comu-
nità, proprio nella lingua comune (cfr. Tönnies 1887: 62-63). Infatti la lin-
gua è “il vero organo della comprensione”, che esprime un accordo
vivente fra gli uomini, traducendo affettivamente ed oggettivamente sen-
timenti, costumi, fedi comuni (per questa formulazione riassuntiva si veda
Busino 1978: 698-699).
Negli studiosi zurighesi l’atomismo naturalistico della variazione è
superato da una concezione propriamente storica. Questo punto di vista
è ben espresso nella definizione di “parlata” di cui Jaberg si avvale, in cui
la consapevolezza del parlante gioca un ruolo primario: “j’entends par par-
ler le langage d’un groupe de parlants, p. ex. d’une commune ou même
d’un hameau, ayant conscience de certaines particularités linguistiques qui
le distinguent du parler d’un groupe voisin” (Jaberg 1920: 210). Una “com-
munauté linguistique” è caratterizzata da un patrimonio di mezzi linguis-
tici (che può essere raccolto, per quanto riguarda il lessico, in un diziona-
rio); essa può essere di ampiezza variabile tra una intera nazione e un
piccolo gruppo di individui parlanti (Jaberg 1924: 223-224). Ma è nei sin-
goli studi di geografia linguistica diacronica di Jud o nel bell’affresco che
Jaberg presenta della storia linguistica e culturale della Svizzera romanda
che si dispiegano al meglio la concezione “culturologica” della comunità
linguistica e il suo legame con correnti di pensiero storicistico tedesco.
Delineando i momenti di sviluppo di una identità storica e culturale com-
plessa (“Die Schweiz als eigenes staatliches Gebilde war ursprünglich
deutsch; als Lebens- und Kulturraum und als Teil einer grossen staatlichen
Organisation war sie romanisch, bevor sie deutsch wurde” (Jaberg 1936-
37: 1), egli sostiene che il Canton Ticino, che considera parte necessaria
della Svizzera, sia “ein Faktor in der gesamtschweizerischen Politik und im
gesamtschweizerischen Geistesleben, der zu Gesicht der Schweiz gehört,
der ihre Originalität ganz wesentlich mitbestimmt” (Jaberg 1936-37: 15).
Per quanto il sentimento dell’identità e la memoria storica definiscano
una comunità linguistica, non esistono comunità chiuse: “es gibt... ebenso-
wenig hermetisch abgeschlossene Sprachgeimenschaften, wie es hermetisch
abgeschlossene Kulturgemeinschaften gibt. Kulturgüter und Sprachgüter
wandern von Volk zu Volk” (Jaberg 1921: 35).

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90 ROSANNA SORNICOLA

Per Terracini il concetto di “comunità” non è solo uno strumento des-


crittivo, ma anche un potente fattore interpretativo delle dinamiche
interne al punto dell’inchiesta. Lo studioso piemontese, come i due roma-
nisti svizzeri, ritiene che ciò che definisce l’unitarietà di un dialetto non
sia la somma di caratteristiche omogenee, ma un atteggiamento dei par-
lanti. Interessante in questo senso è il suo ricorso alla coppia terminolo-
gica “unità” vs “uniformità”: “L’unità di un punto linguistico minimo non
è semplicemente uniformità d’uso, ma deve piuttosto considerarsi come il
risultato di un perpetuo equilibrio che interviene fra gli atteggiamenti par-
ticolari di chi sta alla testa o alla retroguardia del movimento linguistico
di quel punto e l’azione della massa livellatrice” (Terracini 1959: 333, [cor-
sivo mio]). Egli sottolinea ripetutamente il ruolo dell’“innegabile senti-
mento unitario che lega i parlanti di una stessa comunità” nella costitu-
zione dell’unità di una parlata locale. Nel magistrale studio sui sistemi
pronominali nella valle di Susa e nelle valli di Lanzo questo fattore è
posto in stretto rapporto con la dinamica dei processi analogici che sot-
tendono la formazione dei paradigmi morfologici: “il sottil gioco analogico
entro cui ciascun parlante intesse il sistema morfologico di una parlata
deve essere considerato dallo storico del linguaggio in funzione del senti-
mento che lega quel parlante alla propria comunità, sentimento che si fa
più forte – esclusivista ed espansionista ad un tempo – nelle epoche di
predominio, si allenta invece quando la comunità soggiace ad un centro di
maggior prestigio” (Terracini 1937: 323).
In definitiva, il ricorso al “sentimento della comunità” giustifica gli
atteggiamenti di identità e di prestigio che rendono conto del manteni-
mento o dell’adattamento di forme. Questa concezione organicistica è in
parte dettata dall’esperienza di lavoro “sul campo”: “Chi abbia presente
il modo con cui gli abitatori di un villaggio sogliono effettivamente
conversare fuori dalle pareti domestiche, giovani e vecchi, uomini e donne,
in piazza, alla fontana, all’osteria, attraverso dialoghi, richiami a botta e
risposta non certo privi di una certa combattività umoristica, concepisce la
parlata locale come il prodotto di una perpetua gara di collaborazione fra
i parlanti, stretti da una grande familiarità di rapporti” (Terracini 1959:
329). E tuttavia altri indizi fanno pensare che la concezione comunitaria
di Terracini sia stata influenzata da un intreccio di matrici culturali e
scientifiche, in cui si incontrano un ideale di lingua unitaria, forse non
privo di venature romantiche(3), e tradizioni dialettologiche, come quelle

(3) Si vedano, ad esempio, le considerazioni in Terracini 1959: 329 e 333 sul


concetto di “permeabilità”.

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 91

francesi, in cui erano stati elaborati concetti quali “vitalità” (caratteristi-


camente gillieroniano), “coscienza collettiva”, “stato di disgregazione di un
dialetto” (cfr. Dauzat 1922: 129-130).

3.5. La speech community della tradizione americana e il concetto di


‘densità di comunicazione’
L’assunzione del modello descrittivo e/o interpretativo storicistico
della comunità linguistica da parte di Jaberg, Jud e Terracini costituisce
una linea di frattura rispetto ad una tradizione di studio nordamericana,
profondamente segnata dal pensiero di Bloomfield. Questi definisce la
speech community come “a group of people who interact by means of
speech” e aggiunge che “all the so-called higher activities of man – our
specifically human activities – spring from the close adjustement among
individuals which we call society, and this adjustment, in turn, is based
upon language; the speech community, therefore, is the most important
kind of social group” (Bloomfield 1933: 42).
Si può dimostrare che la concezione della comunità linguistica di
Bloomfield, in particolare la sua idea dell’importanza della “densità di
comunicazione” (“the most important differences of speech within a com-
munity are due to differences in density of communication” [Bloomfield
1933: 46]) abbia influenzato in maniera decisiva lo sviluppo di modelli
della sociolinguistica come quelli laboviani (per un’analisi dei costrutti uti-
lizzati da Labov, si veda Milroy 1980: 13-14) e il più recente modello
metodologico del social network. Per quanto riguarda quest’ultimo, il
concetto di “rete comunicativa”, elaborato in psicologia sociale (cfr.
Kretch, Crutchfield & Ballachey 1970: 551-556) viene articolato in termini
della polarizzazione “rete ad alta” vs “a bassa densità”: “relatively dense
networks are generally considered to function effectively as norm enfor-
cement mechanisms, and are characteristic of those sociographic units
which we defined... as communities” (Milroy 1980: 50). La definizione di
“densità” (“a network is said to be relatively dense if a large number of
the persons to whom ego is linked are also linked to each other” [Milroy
1980: 50]) sembra far ricorso ad un principio che era stato così descritto
da Bloomfield:
Imagine a huge chart with a dot for every speaker in the community,
and imagine that every time any speaker uttered a sentence, an arrow
were drawn into the chart pointing from his dot to the dot represen-
ting each one of his hearers. At the end of a given period of time, say
seventy years, this chart would show us the density of communication
within the community. Some speakers would turn out to have been in

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92 ROSANNA SORNICOLA

close communication: there would be many arrows from one to the


other, and there would be many series of arrows connecting them by
way of one, two, or three intermediate speakers. At the other extreme
there would be widely separated speakers who had never heard each
other speak and were connected only by long chains of arrows through
many intermediate speakers” (Bloomfield 1933: 46-47).

In questa rappresentazione positivistica (che ha un immediato riflesso nella


formula di densità elaborata da Milroy) il concetto di comunità evidente-
mente è risolto in quello di gruppo che contrae relazioni locali attraverso
interazioni “faccia a faccia”. Tale concezione è presente anche in Gumperz,
che definisce una speech community come “any human aggregate characte-
rized by regular and frequent interaction by means of shared body of ver-
bal signs and set off from similar aggregates by significant differences in
language usage” (Gumperz 1971b:114). Hymes, al pari del primo Labov,
definisce il concetto in termini di un gruppo di individui che condividono
regole di condotta e regole di interazione (cfr. Hymes 1974: 54). Come si
vede, siamo lontani da quella definizione in termini di “sentimento” del
parlante, che caratterizzava le posizioni degli studiosi zurighesi e di Terracini.

3.6. Comunità, gruppo, milieu, rete sociale, classe


Quale che sia la matrice teorica di riferimento, in alcuni studi di dia-
lettologia sociale il termine “comunità” è stato assunto come punto di par-
tenza non problematizzato in alcuni studi definibili di “dialettologia
sociale”. Tuttavia in linguistica come in sociologia non sussistono prove
sperimentali a largo spettro della validità di tale costrutto. È interessante
che in sociologia, per definire la comunità, si sia assegnata una certa
importanza proprio al concetto di comunità linguistica, concetto – come
si è visto – per niente uniforme. Come osserva Giovanni Busino, assu-
mendo quale punto di partenza una definizione che riecheggia quella di
Gumperz, il concetto sociologico “è certamente... interessante perché pone
l’accento sul consenso all’interno della comunità. Nondimeno le sue varia-
zioni consapevoli ed inconsapevoli, consce ed inconsce, non possono non
rinviare al problema del contatto tra comunità, alle questioni d’interpene-
trazione. Il che rende assai difficile stabilire quali siano le differenze signi-
ficative di una comunità nell’uso della lingua, e problematica l’utilizza-
zione di un siffatto punto di vista topico per la fondazione del rapporto
comunitario e per la definizione rigorosa del concetto di comunità”
(Busino 1978: 698-699).
Il ricorso a “comunità” invece che a “società” riflette un’articolazione
maggiore, manifesta anche nel netto orientamento della dialettologia, sino

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 93

ad epoca relativamente recente, verso le realtà rurali piuttosto di quelle


urbane. Già Dauzat esprimeva chiaramente l’idea che la variazione lin-
guistica aumenti in funzione della differenziazione sociale, caratteristica
delle grandi città, mentre nelle aree rurali la distinzione di classe sociale
non sarebbe tale da provocare una “separazione di lingua” in coloro che
vi abitano tutto l’anno (Dauzat 1922: 128). Non di rado questa assunzione
è stata data per scontata in sociolinguistica, in modo forse aprioristico. Si
può ricordare, ad esempio, come in base ad essa Gumperz (1971: special-
mente 105-107 passim) abbia determinato diversi tipi di comunità.
Anche Terracini (1959: 326) considera che il punto di un’inchiesta dia-
lettologica sia “una unità più semplice, ma ad un tempo più nettamente
definibile” rispetto alla unità più complessa di una lingua nazionale; si
tratta infatti di una unità “rappresentante un complesso linguistico che il
più delle volte lotta semplicemente fra l’essere e il non essere”. Tuttavia
Terracini aveva ben presente una più generale visione dei tipi di comunità,
che si differenzia nettamente dalla discussione statunitense che si sarebbe
sviluppata di lì a poco. Le idee di fondo terraciniane al riguardo si possono
cogliere, ad esempio, nella descrizione di un “centro linguistico minimo”,
caratterizzato da “un individualismo tanto spiccato verso l’esterno quanto
indifferenziato all’interno, sia per la semplicissima struttura economica e
sociale della comunità rustica senza stratificazioni notevoli, sia per il pre-
valere di una mentalità popolare estremamente docile all’uso linguistico
senza velleità di distinzioni individuali” (Terracini 1959: 326-327)(4).
In altri studi è il termine “gruppo” ad essere chiamato in causa. Si
può notare che esso ha avuto una gamma assai ampia di utilizzazioni.
Negli studi di dialettologia francese della fine del secolo scorso ricorre
come sinonimo di abitanti di un comune (cfr. Thomas 1897: vi). Altrove
compare nell’accezione più specifica di ‘gruppo sociale’ o di ‘gruppo pro-
fessionale’, spesso all’origine di argots di mestieri caratteristici (cfr. Dau-
zat 1922: 128-129). In lavori più recenti, influenzati dalla sociolinguistica
anglosassone, esso ha il significato normale in psicologia sociale e socio-
logia (per cui si veda Krutch, Crutchfield & Ballachey 1970: 234ss; per
l’impiego del concetto di “gruppo” in dialettologia, si veda Grassi,
Sobrero, Telmon 1997: 194-195).
La consapevolezza di una differenziazione linguistica rispetto a gruppi
di età o di sesso era già presente nella dialettologia classica (si veda Rous-

(4) Sul problema del rapporto città - campagna si veda Grassi 1982; Bierbach 1982;
Ruffino e D’Agostino 1993; Grassi, Sobrero, Telmon 1997: 219-227.

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94 ROSANNA SORNICOLA

selot 1896: 162-163 e 167-171, Gauchat 1905, Dauzat 1922: 130). In ambito
italiano si possono ricordare gli studi di Terracini e l’inchiesta di Grassi a
Tricarico (cfr. Terracini 1959: 335-336; Grassi 1980: 149). Sul piano lingui-
stico il costrutto gruppo è servito sia nei più tradizionali lavori sul lessico
dei mestieri, sia in indagini recenti che esaminano la variazione in termini
di rete sociale (si veda Grassi, Sobrero, Telmon 1997: 214 e ss.). Questa
ampia e flessibile gamma di utilizzazioni si può giustificare con il carattere
più empirico e in un certo senso pre-teorico della nozione.
Accanto al concetto di ‘gruppo’, la dialettologia francese ha spesso
fatto ricorso a quello di ‘milieu’: “le langage tend d’abord à se différen-
cier en raison des milieux sociaux, du genre de vie, des professions” (Dau-
zat 1922: 128); “l’action du milieu tend... à niveler les innovations indivi-
duelles, en éliminant toutes celles qui ne rentrent pas dans les tendances
générales du groupe” (Dauzat 1927: 128).
Particolare importanza nella storia della dialettologia ha rivestito un
gruppo primario come la famiglia, che almeno sin da Rousselot 1896 è stato
riconosciuto quale fattore fondamentale di variazione: “d’une famille à
l’autre, le langage varie... Ceci tient d’abord à la formation d’habitudes fami-
liales, pour le langage comme pour certains usages: telles innovations lancées
par un membre ont plu dans la famille, se sont conservées plus ou moins
longtemps, sans sortir parfois de la maison” (Dauzat 1922: 129). Per Dauzat
(1927: 177), nonostante sia stato poco usato perché richiede un notevole
dispendio di tempo, il procedimento di scelta di più soggetti all’interno di
una famiglia, seguito da Rousselot, è prezioso, in quanto permette di cogliere
sul vivo “il processo di unificazione della lingua”. La famiglia costituisce
infatti la prima tappa di un’inchiesta, mentre l’agglomerazione la seconda.
L’applicazione dello strumento di analisi della rete sociale a centri
non urbani, di tipo tradizionale richiede una serie di precisazioni. Secondo
Sobrero, “le scelte linguistiche sono strettamente collegate alla posizione
nelle reti sociali della comunità, soprattutto nei paesi tradizionali a strut-
tura sociale coesa... il repertorio, in questi casi, è più ricco verso il polo
dialettale che verso il polo della lingua nazionale (nella cui direzione si
arresta all’altezza della varietà regionale di italiano)” (Grassi, Sobrero, Tel-
mon 1997: 217). Sobrero ritiene inoltre che “la rete sociale, allo stato
attuale, è uno strumento di analisi utilissimo per comunità piccole e
ancora ben coese, come molti paesi e alcune piccole città; è invece ancora
di difficile applicazione in realtà più complesse e articolate, come quelle
delle città di medie dimensioni. Nelle grandi città e nelle metropoli è
utilizzabile vantaggiosamente in riferimento a sezioni ben delimitate del

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 95

tessuto sociale (e dell’area urbana), e a fenomeni specifici, come ad esem-


pio le bande giovanili e i club di vario tipo” (Grassi, Sobrero, Telmon
1997: 219). Sarebbero riconoscibili le seguenti casistiche: “Chi appartiene
al cluster più interno risulta particolarmente competente e propenso
all’uso del dialetto in una molteplicità di situazioni; nelle sue produzioni
linguistiche il dialetto mostra la vitalità maggiore, tanto nel senso di ‘mag-
gior uso’ e di maggiore ricchezza lessicale, e maggiore saldezza delle
regole morfosintattiche, quanto nel senso di ‘capacità reattiva a innova-
zioni provenienti da altri codici’. Chi si colloca nella fascia periferica
mostra un comportamento più ricco di alternanze di codice e di produ-
zioni mistilingui. I parlanti extra-rete, infine, hanno un ventaglio di
comportamenti più vario, ma in generale esibiscono frequenti alternanze,
che coinvolgono i codici ‘alti’ del repertorio. La loro competenza dialet-
tale è inferiore a quella dei parlanti in-rete e periferici, e la loro disponi-
bilità ad accettare innovazioni e trasformazioni della struttura dialettale è
maggiore” (Grassi, Sobrero, Telmon 1997: 217).
Altri costrutti, come classe, mostrano impieghi in contesti culturali e
ideologici sensibilmente diversi. Un uso generico si può vedere in Dauzat,
che stabilisce una correlazione tra profondità della differenza di classe e
nettezza della differenza linguistica (Dauzat 1922: 128). Nella sociolingui-
stica inglese e statunitense la classe è un costrutto mutuato dai modelli
sociologici americani (cfr. Labov 1966: 207ss.; Milroy 1980: 13; Trudgill
1995: 34-47), mentre – come si è già ricordato – la sociolinguistica fran-
cese è stata aperta ad influenze marxiste (per un esame delle teorie
marxiste sulla lingua come fenomeno di classe si veda Marcellesi e Gardin
1974: 34-87).
Sembra importante, ad ogni modo, tener presente che ogni società ha
situazioni specifiche, che rendono difficile ipotizzare strumenti analitici
universali. La divisione di classe in Inghilterra è diversa da quella statu-
nitense, ed entrambe differiscono dalla stratificazione di classe italiana (si
veda Sylos Labini 1978).

4. L’interfaccia tra sociologia e storia: migrazioni, storia sociale ed economica


Un punto particolarmente delicato per la teoria e la metodologia di
una dialettologia sociologica riguarda l’entità del coinvolgimento della
dimensione propriamente storica o, se si vuole, di “storia esterna”, nella
ricerca dei fattori esplicativi di variazione e cambiamento. Come osservava
Terracini, la stessa distinzione di “storia interna” e “storia esterna” di una
lingua tradisce il carattere astorico del metodo della linguistica diacronica:

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96 ROSANNA SORNICOLA

Indizio di questa astoricità, a designare le tappe dello sviluppo linguis-


tico, sorse il termine di “storia interna” di una lingua, mentre si riservò
quello di “storia esterna” per indicare tutte quelle notizie di carattere
politico, sociale e culturale, che possono chiarire gli influssi che una lin-
gua abbia subìto od esercitato nelle varie sue fasi, e soprattutto il modo
della sua formazione, espansione e dissoluzione, notizie di storia
esterna, perché, in origine almeno, esse erano date a puro complemento
di quella che si riteneva la maggiore e vera storia linguistica; ma sia
pure come complementari, queste notizie denotavano un non mai
spento sentimento del fine storico della linguistica e il bisogno sempre
più crescente di ricondurre la linguistica storica alla storia: cioè agli
uomini e alle loro vicende (Terracini 1935-36: 178)

Se non si può che essere d’accordo con Coseriu, il quale definisce un dia-
letto, al pari di qualunque sistema linguistico, come “ein vollständiges
Gefüge von sprachlichen Traditionen” (Coseriu 1980: 47), sussiste il pro-
blema di caratterizzare tali tradizioni rispetto a circostanze che non siano
esclusivamente linguistiche, un problema che pone le stesse difficoltà epis-
temologiche ed empiriche discusse da Vàrvaro (1972-73) per la contro-
versa categoria di “storia della lingua”.
Queste difficoltà sono rivisitabili nel quadro di una più generale
svolta, che ha caratterizzato anche altre scienze umane tra XIX e XX
secolo, da concezioni storiche – spesso con una marcata dimensione posi-
tivistica – a concezioni di una storia “sincronica”, come quelle che contem-
perano modelli e metodi storici con modelli e metodi sociologici. La
convergenza tra storia e sociologia, che tanta rilevanza ha avuto nella sto-
riografia novecentesca, ha ancora molto da offrire in dialettologia, come
del resto in altri ambiti della ricerca linguistica. Quest’ottica sposta in una
dimensione propriamente storica concezioni più statiche e in un certo
senso “pre-storiche” come quelle relative al sostrato (per una discussione
del ricorso a modelli storici in dialettologia, si veda Sobrero 1979).
Una storia che faccia ricorso a modelli e metodi sociologici si può
effettivamente applicare allo studio dei dialetti, se si estende a questi un
obiettivo assegnabile allo studio storico della lingua: “Da un punto di vista
sociolinguistico il compito della storico della lingua è [...] l’identificazione
e descrizione di situazioni di coesistenza complementare, identificando e
descrivendo nei limiti del possibile il nesso di covariazione fra realizza-
zioni linguistiche e condizioni socio-culturali; successivamente gli compete
di stabilire le condizioni socio-culturali che trasformano la complemen-
tarità in competizione, mettendo in moto il processo di integrazione in
uno standard unitario, processo che a sua volta va individuato nella sua
meccanica linguistica” (Vàrvaro 1972-73: 517).

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 97

Obiettivi come questi, trasferiti in dialettologia (che spesso ha come


dominio ambiti di aggregazione “locali” o “regionali”), si attagliano forse
di più ad una visione storica di processi “a grandi dimensioni”, ricostrui-
bili su periodi cronologici di una certa ampiezza e per aree definibili in
base a condizioni geografiche e storiche più o meno condivise, che non ai
microcosmi con cui spesso il dialettologo si confronta, dove la formazione
di una “parlata comune”, seppure avviene, mostra in maniera più perce-
pibile all’osservazione la trama delle differenze o non integrazioni. Un
esempio di applicazione di un programma socio-storico macro-dimensio-
nale è fornito da Vàrvaro nella sua storia linguistica della Sicilia, in cui
storia linguistica e storia politica e sociale dell’isola vengono seguite per
interpretare il processo complessivo che conduce alla formazione del
“siciliano” (Vàrvaro 1981). D’altra parte, uno studio come quello sulle
desinenze in -s di seconda persona del verbo nell’area Lausberg mostra
l’applicazione di un’ottica socio-storica ad un singolo fenomeno: la conclu-
sione che non si tratti di sopravvivenze, e quindi di fenomeni conservativi
imputabili al preteso isolamento dell’area, è costruita infatti in base ad un
ragionamento che tiene presenti coordinate di geografia storica e storia
demografica dell’area (cfr. Vàrvaro 1983).
Certo, lo storico di professione, pur guardando con grande interesse
al contributo di una dialettologia socio-storica quale chiave per la com-
prensione di fenomeni demografici come i movimenti di popolazione, o di
dinamiche culturali, può mantenere un giusto distacco rispetto a conclu-
sioni semplicistiche o affrettate. Rimangono esemplari le analisi di Lucien
Febvre, che nel 1906, discutendo il contributo della geografia linguistica
per gli studi storici, osservava: “Il était plus facile dans ces dernières
années d’apprécier le vif intérêt que pourrait présenter, pour l’étude de
certaines questions particulières, la collaboration de l’histoire et de la dia-
lectologie – que de réaliser cette collaboration même” (Febvre 1906: 147).
Febvre segnalava in quella sede come felici eccezioni il lavoro di Paul
Passy sugli articoli nella valle pirenaica d’Ossau e il lavoro di Gilliéron e
Mongin su scier nella galloromania del sud e dell’est. Di quest’ultimo, in
particolare, veniva ricordato il trattamento del grosso problema “de l’ac-
tion des faits sociaux sur le langage” (Febvre 1906: 157), e se ne sottoli-
neava la complessiva novità e fecondità metodologica, anche per lo sto-
rico. Per quanto riguarda lo studio di Passy, Febvre riconosceva che i dati
linguistici in esso contenuti fornivano degli elementi di soluzione per un
problema di “invasione di popolazione”. Tuttavia, pur consentendo i dati
dialettologici di impostare il problema correttamente e di approssimare
una soluzione, secondo Febvre toccava allo storico, in ultima analisi, il

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98 ROSANNA SORNICOLA

compito “d’achever et de confirmer ce que l’étude des faits linguistiques


a déjà commencé” (Febvre 1906: 149). Per lo studioso francese in sede
metodologica era particolarmente interessante che “à des hypothèses lin-
guistiques l’auteur ajoute des hypothèses historiques”. La sua conclusione
era però lapidariamente scettica: “d’une somme d’hypothèses ne saurait
résulter une certitude” (Febvre 1906: 149-150).
Quale che sia la risposta (se ce ne è una) a questi problemi, una dia-
lettologia che si proponga l’esame di fenomeni di variazione e cambia-
mento nel loro contesto sociale non può che essere profondamente “sto-
rica”. Essa ha la possibilità di ricoprire l’intero arco di concezioni relative
alla “storia”. La “micro-storia” o “storia evenemenziale” è ben rappresen-
tata dalle indagini tradizionali sui lessici di particolari gruppi di mestieri,
come pescatori, marinai, contadini, e dall’applicazione della metodologia
“Wörter und Sachen”. Essa è rappresentata anche dall’analisi di micro-sis-
temi lessicali in rapporto a realtà socio-storiche rilevanti. Così, ad esem-
pio, l’analisi della coppia di lessemi siciliani cappeddi - coppuli, metonimie
per, rispettivamente, ‘signori (nobili o borghesi)’ e ‘operai o contadini’, dis-
copre divisioni sociali ancora oggi tipiche dei piccoli centri della Sicilia,
ma radicate in più antiche fratture di classe (cfr. Riolo 2000). D’altra
parte, la raccolta di testi di singoli parlanti, classica in studi dialettologici
di taglio etnografico, mostra tutta la ricchezza del ricorso al parlante come
“fonte” storica (per il concetto di parlante come “fonte” storica, si veda
Iannaccaro 1995).
Ma anche la storia di lunga durata può fare la sua comparsa in dia-
lettologia. Il caso più noto (e forse più controverso) è quello di fenomeni
imputabili al sostrato (si pensi ai caratteri dei dialetti gallo-italiani che
Ascoli riconduceva al sostrato celtico). Meno palesi, ma non per questo
meno rilevanti, sono quelle che potremmo considerare caratteristiche
sociolinguistiche favorite da condizioni geografiche. Valga come esempio il
pronunciato ibridismo dialettale di molte isole del Mediterraneo, come le
Pelagie, le isole Pontine, le isole del Golfo di Napoli, scenario per millenni
di correnti di popolazione legate allo sfruttamento di risorse agricole o
minerarie, alle attività della pesca, non di rado a carattere stagionale, o a
veri e propri spostamenti demografici (per le Pelagie si veda Ruffino
1977; per Ustica Ruffino 1992a; per le isole del golfo di Napoli, Sornicola
in stampa).
Certo, problemi come quelli delle migrazioni di popolazione sono un
laboratorio privilegiato per una dialettologia “socio-storica”, come dimos-
trano gli studi sulle colonie gallo-italiche siciliane, sia in chiave di analisi

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 99

dei possibili focolai di migrazione (si veda un quadro storico del problema
in Vàrvaro 1981) che in quella delle dinamiche sociolinguistiche delle
odierne parlate (cfr. Tropea 1966; Tropea 1970; Tropea 1974).

5. La correlazione tra fatti linguistici e fatti sociali: un problema controverso


Se la natura storica di una dialettologia sociologica si può considerare
fondata, bisogna però approfondire quale possa essere la portata e la
stessa natura della correlazione tra fatti linguistici e fatti sociali. Si tratta
di un problema che ha attraversato anche la breve storia della sociolin-
guistica, rimanendo spesso a livello di formulazione di rilevanza metodo-
logica piuttosto che teorica. Gli studi classici di sociolinguistica “correla-
zionale” o quantitativa statunitense (cfr. Dittmar 1988) hanno tradizional-
mente presentato un quadro di rapporti tra fatti sociali e fatti linguistici
concepiti come immediati e persino oggettivamente misurabili. Il modello
metodologico della correlazione di variabili indipendenti (quelle sociali
come classe, età, sesso) e dipendenti (quelle linguistiche) implica a livello
teorico che i fattori sociali menzionati siano importanti “concause” di
variazione e cambiamento linguistico, sia pure definite in senso probabi-
listico. Ci si può tuttavia chiedere se tali fattori non siano da intendere in
senso descrittivo piuttosto che esplicativo. In effetti, alcune tendenze
recenti della sociolinguistica, come una spiccata ripresa di interesse per la
sociolinguistica “interpretativa”, mostrano un ridimensionamento della
considerazione dei fattori sociali di variazione e cambiamento in senso
correlazionale (cfr. Berruto 1995: 29-32; Como 1999).
L’interesse per la molteplicità di aspetti delle dinamiche di inte-
razione linguistica di gruppi primari sembra riassegnare all’indagine micro-
sociolinguistica una sua centralità, con tutto ciò che questo significa sul
piano di obiettivi e metodologia, più orientati su impostazioni “ermeneu-
tiche” dei testi prodotti dai parlanti e dei loro contesti situazionali. Questi
sviluppi sembrano del tutto congeniali alla vocazione naturale della dia-
lettologia romanza, le cui radici teorico-metodologiche mostrano, almeno
a partire dalle posizioni della scuola zurighese e di quella torinese, uno
spiccato orientamento ermeneutico. Come in sociolinguistica, anche in dia-
lettologia rimane tuttavia il problema di fondo di articolare un quadro più
chiaro dell’incidenza dei fattori sociali che determinano la differenza lin-
guistica. Se le indagini classiche su microcosmi “che oscillano tra l’essere
e il non essere” non possono costituire il banco di prova decisivo per una
riflessione su questo tema, è verosimilmente il livello di ricerca relativo ad
aree urbane o regionali quello da cui ci si possono attendere i contributi
più significativi.

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100 ROSANNA SORNICOLA

Non è del tutto incontrovertibile, ad ogni modo, che compito prima-


rio di una dialettologia sociologica sia mettere a punto modelli che stabi-
liscano correlazioni tra dinamiche sociali e dinamiche linguistiche. Le
monografie classiche di dialettologia sono piene di descrizioni di diffe-
renze tra “gruppi” all’interno di una località, senza che questo configuri
una vera e propria dialettologia sociologica. Ci si può chiedere inoltre se
i tentativi di correlazione, in situazioni come quelle del mondo romanzo,
possano andare al di là di quadri che ricostruiscono macro-interazioni tra
livelli di lingua più o meno standard e livelli dialettali. Per un esame della
riflessione contemporanea sul rapporto tra fattori sociali e fattori lin-
guistici è assai interessante l’esame del piano metodologico dell’Atlante
Linguistico Siciliano, che contiene una ricca parte variazionale, per cui
Ruffino delinea la seguente ipotesi di partenza:
A un più elevato coefficiente di mobilità socioeconomica corrisponderà,
nei vari centri di rilevamento, un più alto grado di mobilità linguistica
con una più marcata presenza di tratti italiani o italianeggianti e un
più evidente indebolimento del siciliano; conseguentemente, i centri
stagnanti o recessivi si caratterizzeranno per una maggiore resistenza
del siciliano e per una minore mobilità linguistica. In formulazione sin-
tetica: dinamismo socioeconomico = dinamismo linguistico / stagnazione
socioeconomica = stagnazione linguistica (Ruffino e D’Agostino 1994:
207)

Una impostazione teorica simile è condivisa da Sobrero, secondo cui “l’arti-


colazione sociale di una comunità è un elemento importantissimo per capire
il funzionamento del suo repertorio linguistico (e quindi anche la posizione
e l’uso del dialetto all’interno del suo repertorio). A una differenziazione
sociale molto marcata corrisponde una differenziazione linguistica altret-
tanto rilevante; a cambiamenti nella struttura sociale corrispondono – anche
se spesso con tempi sfalsati – cambiamenti nella consistenza e nella strut-
tura del repertorio” (Grassi, Sobrero, Telmon 1997: 186).
Ipotesi come queste sono attraenti, ma solo i risultati di un ampio
numero di case studies potranno confermarle o invalidarle. Nel frattempo,
non sembra infondato osservare che le relazioni di corrispondenza deli-
neate assegnano un ruolo centrale alla dimensione sociale o socioecono-
mica, mettendo forse in secondo piano fattori quali gli atteggiamenti di
attaccamento vs allontanamento dalla cultura locale, il tipo di tessuto
sociale con relazioni comunitarie strette o disgregate, e così via.
Nel piano di ricerca dell’Atlante Linguistico Siciliano tali fattori
dovrebbero essere recuperati nell’impianto della parte “variazionale”. Per
il progetto di questa sezione D’Agostino ha fatto ricorso al modello di

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 101

“rete”, valutato positivamente nelle sue applicazioni irlandesi; infatti,


“concentrare l’attenzione sulla quantità e intensità dei contatti che costi-
tuiscono il network di un singolo individuo permette [...] di spiegare
aspetti importanti del suo comportamento linguistico, quali il grado
di adesione alle norme e ai valori del suo gruppo, che altri indicatori
(come età, sesso, istruzione, classe sociale) non riuscirebbero a cogliere”
(D’Agostino 1996: 39). Sempre D’Agostino, giustamente rileva che
“ponendosi nell’ottica della comunità non si può che constatare l’inade-
guatezza del modello laboviano centrato sul prestigio e sulla volontà di
ascesa sociale, laddove ciò che appare evidente è la persistenza di norme
non standard e il loro forte significato sociale; da qui la centralità delle
nozioni di loyalty, solidarity, identity, territoriality attorno a cui è costruito
tutto il lavoro di Milroy” (D’Agostino 1996: 39).
In verità, fattori come fedeltà e solidarietà linguistiche tra i parlanti
di una comunità sono stati al centro della riflessione terraciniana, ed
hanno costituito – insieme al “sentimento della tradizione” e del prestigio
culturale – una componente del concetto di “vitalità” di un dialetto (cfr.
Terracini 1959: 320-322 passim). Dall’azione congiunta di questi fattori può
risultare una notevole complessità delle dinamiche di influenza tra i vari
centri di una regione, come dimostrano i lavori classici di Terracini (1937)
sulle valli di Lanzo e le ricerche di Tropea sulle colonie gallo-italiche di
Sicilia. Le conclusioni sulla vitalità delle parlate di Novara di Sicilia,
Aidone e Nicosia a cui giunge lo studioso siciliano sono assai interessanti
anche in sede metodologica:
Ci troviamo... di fronte a tre diversi stadi del caratteristico processo di
ibridizzazione causato dalla simbiosi di tipi alloglotti. La diversa vitalità
di queste tre parlate gallo-italiche si spiega agevolmente quando si ten-
gano presenti le diverse condizioni storiche e ambientali in cui esse
sono venute nel corso dei secoli a trovarsi. Così il relativo prestigio di
cui gode ancora il galloitalico di Nicosia, almeno nella valutazione istin-
tiva che ne fanno i nicosiani stessi, in confronto all’atteggiamento total-
mente negativo e rinunciatario degli aidonesi nei riguardi del loro ‘ver-
nacolo’, è una diretta conseguenza del fatto che Nicosia e Aidone si
sono sempre trovate, e si trovano tuttora, su due piani ‘storici’ radical-
mente diversi. Nicosia, centro di gran lunga più importante, città libera
sin dalle origini, poi capoluogo di mandamento, ha sempre avuto un’an-
tica nobiltà e una ricca borghesia; essa, inoltre, ha saputo mantenere il
culto delle sue tradizioni e un fiero orgoglio municipale, che la porta
perciò a ‘valorizzare’ anche la propria parlata, contrapponendola in
qualche modo ai dialetti siciliani, anche galloitalici, dell’area circostante.
Aidone, invece, che in origine fu borgo feudale, è e si sente centro pic-
colo, di scarso prestigio, di povera economia, dipendente per più versi
da altri centri più notevoli: di qui la scarsa considerazione in cui è

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102 ROSANNA SORNICOLA

tenuto il gallo-italico nella stessa coscienza degli aidonesi, e le condi-


zioni di diverso e più avanzato bilinguismo che abbiamo sottolineato
nelle pagine precedenti. Al novarese, infine, un relativo prestigio e una
indiscussa vitalità dovettero derivare, in passato, dal suo relativo isola-
mento, condizionato dalla posizione geografica in zona particolarmente
montuosa e di difficile accesso, e inoltre dalla circostanza che la città
era di una notevole consistenza demografica, e circondata, e in un certo
senso protetta, dalla corona dei minori insediamenti galloitalici dei
villaggi circostanti (Fondachelli, Fantina, S. Basilio, ecc.), che ad essa
facevano capo e la riconoscevano come centro principale e capoluogo
(Tropea 1966: 48).

Analisi siffatte mostrano una estrema e giusta cautela nel ricorso al


concetto di prestigio, concetto utile a condizione che non sia utilizzato
indiscriminatamente, per qualunque situazione.

6. Il rapporto tra diatopia, diastratia e diafasia nello studio della variazione

Mentre il rapporto tra spazio, diacronia e cambiamento linguistico è


stato scandagliato con i metodi tradizionali della geografia linguistica (se
ne veda una trattazione sintetica in Grassi, Sobrero, Telmon 1997: 62-63,
61-68), non si è affrontato il rapporto tra spazio, società e differenza lin-
guistica con strumenti altrettanto chiaramente definiti. La stessa relazione
teorica tra le dimensioni della variazione, diatopica (nello spazio), dias-
tratica (attraverso gli strati sociali) e diafasica (nelle modalità di espres-
sione, a seconda delle condizioni comunicative) non è affatto scontata.
Non è neppure scontato, del resto, il rapporto tra una diatopia, riconside-
rata alla luce delle variazioni diastratiche e diafasiche che essa può conte-
nere, e la dimensione diacronica.

6.1. Il modello di Coseriu


Coseriu, che parla di “diatopia”, “diastratia”, “diafasia”, mutuando i
primi due termini dal romanista norvegese Leiv Flydal, e coniando il terzo
(cfr. Coseriu 1980: 50), ritiene che ad ognuno di essi corrisponda un tipo
di sistema di isoglosse unitario: unità “sintopiche”, denominabili “dialetti”,
unità “sinstratiche” o “Sprachniveaus” (come “lingua alta”, “lingua della
classe media”, “lingua popolare”), unità “sinfatiche” o “Sprachstile” (come
“lingua familiare”, “lingua solenne”, ma anche lingue di gruppi di sesso o
di età). Egli aggiunge che l’omogeneità di ognuna di queste unità non
implica quella delle altre due: in ogni unità sintopica ci sono di regola dif-
ferenze diastratiche e diafasiche (di livello e di stile); in ogni livello ci pos-
sono essere differenze diatopiche e diafasiche e in ogni stile differenze

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 103

diatopiche e diastratiche. Si tratta in effetti di relazioni le cui unità “sich


gegenseitig überlagern und die meistens zahlreiche gemeinsame Elemente
aufweisen” (Coseriu 1981: 26).
Coseriu ritiene che non sarebbe opportuno denominare incondizio-
natamente “dialetti” tutte le unità di variazione, parlare cioè di “dialetti
sociali” o “stilistici”, accanto a quelli geografici. Solo i dialetti geografica-
mente determinati, infatti, si possono considerare dei veri e propri sistemi,
mentre i livelli diastratici e gli stili sono solo dei sistemi parziali. Inoltre,
il rapporto tra dialetto, livello e stile è orientato necessariamente nella
direzione
Dialetto → Livello → Stile
Non vale tuttavia il contrario, un dialetto cioè può funzionare come
livello e un livello come stile, ma non viceversa (Coseriu 1980: 50).
Questa discussione ha un taglio logico e analitico che ha il merito di
porre sul tappeto il problema teorico del rapporto tra le diverse dimen-
sioni della variazione. Resta da vedere però se si possa definire in questi
termini un orizzonte sufficientemente ampio per ulteriore ricerca empirica,
tanto più che si fa ricorso ad un concetto, come quello di ‘isoglossa’, la cui
validità è opinabile.

6.2. Lo spazio in dialettologia sociologica


Osservazioni interessanti vengono da dialettologi che si sono riacco-
stati al problema dello spazio sulla base di esperienze sociolinguistiche.
D’Agostino ha richiamato l’attenzione su recenti orientamenti della socio-
logia “spazialisti”, come quelli di Luhmann e di Giddens, uno studioso,
quest’ultimo, che ritiene fondamentale studiare “come le relazioni sociali
siano organizzate nel tempo e nello spazio in pratiche sociali regolari”
(D’Agostino 1996: 35). Questa impostazione ha un notevole interesse per
conoscere le specificità sociali e culturali di un territorio e potervi quindi
intervenire con politiche mirate, secondo una vera e propria “ecologia”
territoriale (cfr. Ruffino e D’Agostino 1994: 213).
L’analisi di D’Agostino prende l’avvio da un interessante discorso cri-
tico sulla marginalizzazione del concetto di spazio nelle discipline linguis-
tiche, dopo la grande stagione della geografia linguistica classica:
Il lento declino della geografia linguistica, e la sua incapacità di offrire
accettabili chiavi di lettura dei nuovi assetti linguistici e territoriali, è
stato accompagnato, infatti, dalla diffusione più o meno consapevole
delle idee di “modernità” come delocalizzazione e defisicizzazione pro-

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104 ROSANNA SORNICOLA

gressiva dell’ambiente, all’interno della quale non trova più posto


quell’idea di spazio come “principio vitale del sistema linguistico” che
ha animato alcune delle più feconde teorie del linguaggio degli ultimi
due secoli (D’Agostino 1996: 37).

D’Agostino considera in maniera assai critica “la mancata individuazione


dei nessi inscindibili fra diatopia e diastratia”, che avrebbe avuto ripercus-
sioni negative sia sulla geografia linguistica che sulla sociolinguistica
(D’Agostino 1996: 37). Se questa osservazione sembra colpire un aspetto
cruciale, meno convincente appare l’idea che “l’inutilizzabilità di nozioni
classiche della geografia linguistica quali quella di ‘isolamento’ di un’area
o di un punto, e la difficoltà di sostituire ad esse nuove categorie di ana-
lisi, è stata causa, e a un tempo risultato, della separazione netta tra socio-
linguistica e dialettologia dall’altra” (D’Agostino 1996: 37). Questa sembra,
in effetti, una spiegazione troppo unilaterale: la transizione dalla dialetto-
logia alla sociolinguistica è stata un processo molto più complesso, in cui
sono entrati in gioco altri fattori storico-culturali. Inoltre, per quanto
controversa possa essere la nozione di “isolamento” in senso geografico,
non sembra affatto certo che si tratti di una nozione inutilizzabile per com-
prendere situazioni del passato e persino del presente: il fatto è che come
molti concetti spaziali, anche questo deve essere inteso storicamente.
Una seconda difficoltà riguarda il ruolo centrale assegnato, in posi-
zioni come quelle di D’Agostino, allo “spazio”(5). In effetti, gli sviluppi
della geografia mostrano la lunga strada che gli studiosi di questa disci-
plina hanno percorso durante il ‘900 verso impostazioni che, sia pure nella
loro diversità, convergono in non pochi casi su punti di vista “ermeneu-
tici”, che tentano di coniugare esperienze dello spazio oggettive e sogget-
tive. Provenendo da una formazione in cui si sono a lungo interrogati sulle
rappresentazioni dello spazio, i geografi sono stati i primi a indicarne tutti
i possibili limiti, segnalando che lo spazio di per sé è privo di significato.
Come osserva Unwin,
Although the comparatively recent discovery of ‘space’ by social scien-
tists might appear to offer geographers a specific niche, this is but an
illusion. No discipline can claim space as its own, not only because all
human existence experiences space, but also because that experience is
mediated through an experience of time. Space by itself is meaning-
less... people create their own environments, and we can have no know-
ledge of environments separate from their human construction. It is
this construction that makes places (Unwin 1992: 210).

(5) Per una visione critica dell’assolutizzazione di modelli spaziali, si veda anche
Como 1999.

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 105

Anche la riflessione teorico-metodologica della geografia, dunque, conferma


in maniera indipendente la necessità di interpretare lo spazio storica-
mente. Una delle implicazioni che si possono trarre in chiave dialettolo-
gica è che non soltanto la nozione di “punto” debba essere ripensata come
sede di dinamiche linguistiche sincroniche e diacroniche caratterizzate da
rilevanza storica, ma che ciò valga anche per aree più vaste.
Un esempio che sembra particolarmente significativo è fornito dalla
situazione campana. Come è noto, l’influenza del napoletano è stata ed è
tuttora molto pervasiva sulla regione e su regioni limitrofe, come la Luca-
nia. Tuttavia quest’influenza è, almeno per quanto si può vedere oggi, più
debole nella zona flegrea (in particolare, Pozzuoli e le isole di Procida
e di Ischia), un’area a pochi chilometri a nord di Napoli che mostra
la conservazione di numerosi tratti locali non napoletani: la contiguità
geografica è qui irrilevante in confronto ad una situazione storica di
lungo periodo, in cui quest’area è stata centrifuga rispetto a Napoli (cfr.
Sornicola 1999).
Bisogna riconoscere che il problema di come interagiscano tra di loro
le quattro dimensioni della variazione rimane aperto sia a livello teorico
che metodologico. Non si tratta solo di rappresentarsi delle relazioni come
in una sequenza di scatole cinesi: ogni punto contiene strati, ogni strato
variazioni diafasiche. Il modello “delle scatole cinesi” fa ricorso ad un pro-
cedimento di idealizzazione che considera “sintopica” o “sinstratica” la
dimensione entro cui si determina la variazione. Questo procedimento può
essere utile per descrivere in maniera chiara alcuni fenomeni di varia-
zione, ma non può cogliere dinamiche più complesse in cui esistono
correlazioni multiple tra punti, strati e stili.
Un modello semplificato siffatto dovrebbe poi pur sempre affrontare
il problema dei limiti o della controllabilità dei dialetti sociali e degli stili.
Come osserva Vàrvaro (1972-73: 515), “lo sfumare di un ‘social dialect’ in
un altro è del tutto analogo a quello di un dialetto geografico in un altro
e all’antico scetticismo dei dialettologi risponde adesso lo scetticismo dei
sociolinguisti, al naufragio dell’incrociarsi caotico delle isoglosse quello del
mutare imprevedibile delle variabili”. Il riconoscimento che “la scelta fra
più alternative linguistiche è governata da motivazioni situazionali e
psicologiche” (ibidem) rende certo più complesso incrociare motivazioni di
questo tipo con l’analisi spaziale.
In effetti, l’applicazione di tecniche sociolinguistiche allo studio della
distribuzione areale di fenomeni non sembra essere andata sinora al di
là di una cartografazione di risultati di difficile interpretazione. L’analisi
delle transizioni condotta da Chambers e Trudgill (1980, cap. 8) in Gran

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106 ROSANNA SORNICOLA

Bretagna per lo studio areale della variabile (Λ) mostra alcuni limiti di
una impostazione variazionistica applicata su vasta scala geografica. I
punti selezionati su un’area britannica, che lungo un asse nord - sud
abbraccia tutta l’isola, sono stati studiati intervistando in ognuno i parlanti
secondo le tradizionali tecniche sociolinguistiche. Il risultato è un gra-

diente di aumento delle varianti del tipo [ ] e di decremento delle
varianti del tipo [Λ], man mano che si procede da sud verso nord. Questo
risultato diatopico è in un certo senso scontato, ed è lecito chiedersi se
esso veramente coniughi diatopia, diastratia e diafasia. Infatti, la dimen-
sione diastratica e quella diafasica sono inevitabilmente sacrificate e van-
taggio di quella diatopica. Come in ogni impianto metodologico in cui si
deve studiare l’effetto congiunto di più fattori, è forse inevitabile privile-
giare di volta in volta un fattore rispetto ai rimanenti.

6.3. Gli Atlanti variazionali


Queste difficoltà sono state ben presenti a chi, a partire dagli anni
‘80, ha predisposto progetti di Atlanti linguistici, specialmente Atlanti
regionali. Nel progetto del NADIR, pur dichiarando che un moderno
Atlante deve rappresentare variazione diastratica e diafasica, Sobrero sos-
tiene che i temi centrali della sociolinguistica, dell’analisi conversazionale
e della pragmalinguistica non hanno mai avuto in geografia linguistica né
elaborazione critica né sviluppo metodologico. Egli riconosce però che
“l’assenza di una riflessione critica [...] è ampiamente comprensibile, per-
ché non sono pochi e non sono semplici i problemi posti dall’inserimento
nella rappresentazione cartografica della variazione sociolinguistica e prag-
malinguistica” (Sobrero, Romanello, Tempesta 1991: 9-10). Tuttavia, gli
Atlanti con un impianto più moderno, come il NADIR e l’Atlante Lin-
guistico Siciliano (ALS), prevedono sezioni che rendano conto della varia-
zione diastratica e diafasica. Per l’ALS è stata predisposta una struttura-
zione per reti plurime. La rete di base comprende una rete “caratterizzata
in senso linguistico-etnografico”, con punti in cui il dialetto è presumibil-
mente più arcaico, una rete marinara e peschereccia e una rete variazio-
nale, con punti dotati di maggiore dinamicità socioeconomica e quindi,
secondo le ipotesi formulate, anche sociolinguistica (cfr. Ruffino e
D’Agostino 1994: 207-208)(6). Nell’impianto dell’ALS sono punti della rete

(6) Ruffino e D’Agostino aggiungono però che è sembrato opportuno “includere


in rete anche alcuni punti fortemente “stagnanti” o “recessivi” i quali... potreb-
bero fornire interessanti riferimenti qualitativi, quasi un misuratore dell’asse
della variazione su un piano precipuamente diatopico” (1994: 208).

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 107

variazionale tutti i nove capoluoghi della regione ed inoltre molti comuni


con più di 30.000 abitanti. Ciò ha comportato una lunga e meditata rifles-
sione critica su un problema che negli ultimi due decenni è emerso come
centrale per una dialettologia sociologica, ovvero quello dei fini e della
struttura di un atlante urbano (cfr. Ruffino 1992b). L’analisi della città,
che si è posta come momento chiave nel passaggio dalla dialettologia alla
sociolinguistica, diventa dunque un laboratorio dove la dialettologia può
tornare a commisurarsi, in un nuovo contesto, con problemi teorici e
metodologici ben noti alla dialettologia delle aree rurali e delle piccole
comunità, e nello stesso tempo confrontarsi con nuove questioni caratte-
ristiche dello studio della dimensione città in quanto tale (cfr. Sobrero
1979; Klein 1989; D’Agostino 1995a, 1995b; Franceschini 2001).
Quali che siano eventuali dubbi su particolari ipotesi di partenza e
procedure seguite, in questi Atlanti regionali moderni è stato compiuto
un duplice tentativo, che sembra comunque rilevante in sede teorica e
metodologica: contemperare la tradizionale analisi degli strati arcaici del
dialetto con quella del continuum che dal dialetto va verso la lingua
(sub-)standard; coniugare l’analisi macro-variazionale con quella micro-
variazionale. Quest’ultimo tentativo sembra il più difficile: una dimensione
come quella diafasica ha una natura che richiede forse necessariamente
uno studio micro-linguistico (cfr. Sornicola 1993; Sornicola 1999). Si pone,
in effetti, un problema più generale: è possibile usare a livello macro- le
stesse tecniche e proporsi gli stessi obiettivi del livello micro-?

7. La metodologia della dialettologia sociologica


Se il panorama degli studi riconducibili alla controversa etichetta di
“dialettologia sociologica” è assai variegato e non facilmente delimitabile,
più promettente – ai fini della ricerca di caratteristiche unitarie – sembra
l’esame della metodologia impiegata nelle diverse tradizioni. In questo
senso una dialettologia sociologica si potrebbe definire come una dialet-
tologia che mette al centro del suo interesse gli individui parlanti e le
condizioni concrete (quindi storiche) della loro produzione e compren-
sione del testo.
Questa impostazione di fondo comporta una serie di scelte metodo-
logiche tra di loro collegate, che si potrebbero ricondurre ad una più com-
plessiva attenzione per i fenomeni di parole. La consapevolezza teorica
della centralità dei fatti di parole sembra contraddistinguere gli ambienti
linguistici svizzeri tra le due guerre. Il carattere di parole dei dati raccolti
dai parlanti intervistati per l’inchiesta dialettale è esplicitamente sottoli-

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108 ROSANNA SORNICOLA

neato da Jaberg (si veda Jaberg 1924: 226; per una interessante discussione
storica del punto di vista dello studioso zurighese, cfr. Giannoni 1995:
18-20), ma è ribadito anche nella riflessione svizzera di linguistica gene-
rale, come nella recensione al Cours di Saussure fatta dallo stesso Jaberg
(cfr. Jaberg 1916) e nel ripensamento critico del pensiero saussuriano
effettuato da Sechehaye a metà anni ‘40:
Il est évident... que le dialectologue scrupuleux, au cours de ses
enquêtes, se rendra compte qu’il n’atteint l’état de langue qu’il veut
enregistrer qu’a travers la parole de ses témoins avec ce qu’elle peut
contenir de personnel ou de fortuit. Il est impossible de questionner les
gens et d’enregistrer les réponses obtenues avec critique sans devenir
à la longue un spécialiste de la parole (Sechehaye 1942: 21).

Nell’impostazione dell’AIS questo importante punto di vista si traduce in


tutta una serie di cautele e raccomandazioni metodologiche, relative alle
fluttuazioni e oscillazioni delle risposte ottenute dai parlanti (cfr. Jaberg
e Jud 1928:193ss.; Giannoni 1995: 11), all’influenza delle caratteristiche
culturali e psicologiche, come pure a quelle “temperamentali” degli inter-
vistati (cfr. Jaberg e Jud 1928:190ss; 193ss.).
Pur forse con una minore elaborazione delle ragioni teoriche, anche
la tradizione francese di dialettologia tra le due guerre mostra una note-
vole raffinatezza nella metodologia di lavoro sul campo, in cui si può
ravvisare una consapevolezza matura di idee che a torto si crederebbero
proposte e sviluppate solo dalla più “moderna” sociolinguistica, come la
necessità del ricorso ad una pluralità di parlanti nel punto dell’inchiesta,
la problematicità della scelta degli intervistati, l’attenzione alle condizioni
psicologiche in cui l’intervista è effettuata, la priorità dell’utilizzazione di
dati di parlato spontaneo rispetto a quelli ottenibili con tecniche di ques-
tionario, l’esistenza di differenze nel parlato che, con terminologia oggi
consueta, si definirebbero “diafasiche” o “diamesiche”.
Vale la pena esaminare ciascuno di questi punti in dettaglio, non solo
per l’interesse metodologico che essi conservano, intatto ancora oggi, ma
anche perché ciò può contribuire ad una visione storica dei principi di una
“dialettologia sociologica” permettendo forse di delineare un quadro più
complesso dei rapporti tra dialettologia e sociolinguistica.

7.1. Il requisito del ricorso ad una pluralità di parlanti per l’inchiesta

Una chiara consapevolezza della opportunità di intervistare una plu-


ralità di parlanti per località emerge dall’esame degli studi di dialettologia
francese. Come osserva Dauzat (1927: 166), “il est prudent de ne pas s’en

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 109

tenir à un seul sujet, pour ne pas s’exposer à donner une valeur générale
à des singularités personnelles”. Se è assolutamente necessario ricorrere
ad un minimo di due parlanti, provenienti da famiglie diverse, è molto
opportuno, nei limiti del possibile, moltiplicare il numero degli intervistati,
scegliendone diversi all’interno della stessa famiglia, secondo la metodo-
logia che era stata seguita da Rousselot a Cellefrouin (Dauzat 1927: 177).
Per Gardette (1941: 8), è il ricorso preferenziale al metodo della conver-
sazione diretta (cfr. 7.3.) a rendere quasi obbligatorio servirsi di numerosi
testimoni. Nel suo studio sulla geografia fonetica del Forez egli dichiara di
aver utilizzato da tre a cinque parlanti per località, in linea di massima
tante donne quanti uomini di età diversa. Per alcune località, tuttavia, egli
sottolinea di aver utilizzato un maggior numero di testimoni, anche più di
una dozzina.

7.2. Le condizioni di inchiesta

Molto ricca sembra anche la riflessione sulle condizioni di inchiesta,


sia quelle relative all’intervistatore che quelle relative all’intervistato. Si
sostiene l’indispensabilità di vivere almeno un anno nella località prescelta
(cfr. Dauzat 1906: 267-268), anche perché le inchieste rapide presentano
numerosi rischi. In effetti, “il faut un certain temps pour prendre contact,
s’habituer au milieu, surtout inspirer confiance aux paysans, qui sont, en
général, particulièrement méfiants”. Inoltre, “les renseignements sur les
antécédents individuels (degré d’instruction, séjours au dehors, etc.) et
familiaux (père et mère indigènes ou non, jeunes ou âgés, ayant élevé ou
non l’enfant...), si importants pour la linguistique, ne peuvent être obtenus
que peu à peu, en usant de discrétion et de diplomatie” (Dauzat 1927:
177-178). Duraffour (1932: xv) ricorda che l’esperienza e la conoscenza
pratica dei “parlers” studiati risalgono ai primi anni della sua infanzia,
trascorsi in “milieux patoisants”.
Assai interessante è anche la finezza di osservazioni antropologiche,
che rivendicano la necessità di procedere secondo una metodologia che
oggi definiremmo “dell’osservatore partecipante”. Sia Dauzat che Duraf-
four ricordano gli insegnamenti di Gilliéron al riguardo. Il dialettologo “se
logera chez des paysans, dont il partagera la vie...; il les suivra aux
champs, dans la grange, dans la basse-cour. Il vivra au milieu d’eux, non
en ‘Monsieur’, mais en ami, pour leur inspirer confiance et les rendre
familiers; il s’intéressera à leurs travaux, à leurs récoltes” (Dauzat 1906:
266). Egli si farà, dunque “avec eux paysan” (Duraffour 1932: xvi). Il pro-
blema dell’estraneità, fondamentale in qualunque ricerca sul campo, è

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110 ROSANNA SORNICOLA

posto in maniera molto lucida: il dialettologo “ne sera plus l’étranger”: a


questo fine egli dovrà saper parlare sufficientemente il patois per ispirare
confidenza, dovrà conoscere il contadino e i suoi costumi, dovrà sapere
come abordarlo e come farlo parlare senza urtarlo, dovrà avere dei rap-
porti all’interno del paese (cfr. Dauzat 1906: 270; sull’importanza della
conoscenza della psicologia contadina cfr. inoltre Dauzat 1922: 8-9).

7.3. La tecnica di intervista


Sempre gli studi francesi mostrano una notevole attenzione al pro-
blema della tecnica di intervista. I termini in cui si articola la discussione
non sembrano in rapporto solo a consumate esperienze di lavoro sul
campo: vi traspare in effetti anche la ricchezza della riflessione psicologica
francese (cfr. Sornicola 2001). Nelle raccomandazioni di Dauzat sulla rac-
colta dei dati nelle inchieste dialettologiche viene posto con estrema chia-
rezza il tema dell’importanza di ottenere risposte spontanee, un risultato
difficile, continuamente minacciato da tutta una gamma di possibili tra-
bocchetti psicologici, da cui si è messi in guardia (cfr. Dauzat 1906: 260ss.).
L’avvicinarsi ai livelli spontanei, del “franc parler”, è giustamente col-
legato al tipo di intervista, tramite questionario ovvero raccolta di parlato
spontaneo. Il questionario, soprattutto se applicato senza la consapevo-
lezza delle specificità psicologiche e culturali del mondo dell’intervistato,
può condurre a risultati erronei, inconcludenti o estremamente parziali.
Esso dà luogo spesso ad una traduzione in cui si determinano interferenze
con la lingua nazionale o standard, che sono da evitare, come è da evi-
tare l’affaticamento dell’intervistato con domande che sono lontanissime
dalla sua sensibilità e intelligenza (cfr. Dauzat 1927: 175ss.).
Il questionario è inoltre da evitare per le rilevazioni sulla sintassi,
perché “le mécanisme de la phrase est chose si délicate qu’il se brise, dès
que le paysan essaie de le manier avec réflexion” (Dauzat 1906: 264; cfr.
inoltre p. 270). Come regola generale, ad ogni modo, “il ne faut pas faire
traduire le paysan, ni le soumettre au pied levé à un interrogatoire: il faut
l’observer, l’écouter dans son milieu” (Dauzat 1906: 265). Naturalmente
ciò implica armarsi di pazienza, ma ne vale la pena, specialmente per
quanto riguarda la rilevazione della morfologia verbale: “ne valait-il pas
mieux attendre des jours, parfois des semaines, et avoir la forme exacte,
cueillie au vol d’une phrase spontanée?” (Dauzat 1906: 262). Una tecnica
operativamente assai utile è quella di abbandonare l’intervistato a se
stesso, riducendo l’intervento dell’intervistatore al minimo (cfr. Duraffour
1932: xvii e xix). Gardette (1941: 6-7) dichiara di aver usato, in maniera

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SULLA DIALETTOLOGIA SOCIOLOGICA 111

limitata e come espediente veloce in casi eccezionali, la tecnica della tra-


duzione (“come dite: un cavallo, una vacca?”). Ma egli è convinto che la
metodologia centrale della ricerca non possa che essere la conversazione
diretta, con o senza piano prestabilito. Questa tecnica “est évidemment la
seule qui permette de relever le vrai patois, tel que le paysan le pense et
le parle; c’est la seule qui permette d’éviter ce patois de seconde zone, fait
de français patoisé, dont l’ALF contient malheuresement trop d’exemples”
(Gardette 1941: 7). Sul versante dell’attenzione ai fenomeni che oggi si
definirebbero di “registro”, Dauzat (1906: 257) raccomandava di cercare di
raccogliere le differenze tra pronuncia “négligée” e “réfléchie”. Bisogna
osservare, inoltre, che nell’esame dei problemi relativi alla scelta della tec-
nica di inchiesta si avverte ripetutamente la consapevolezza che questa
non possa non essere correlata alla dimensione dell’indagine. Il ricorso al
parlato spontaneo prodotto nel suo contesto naturale è un procedimento
inapplicabile per una inchiesta su vasta scala (si veda Dauzat 1922: 10-11,
che discute la questione a proposito dell’ALF).

7.4. Il problema metodologico del continuum lingua standard - dialetto


Anche la consapevolezza della complessità del rapporto tra lingua e
dialetto è un patrimonio della tradizione dialettologica classica. Come
notava Duraffour (1932: xvii): “il y a, les dialectologues le savent et les
paysans mieux qu’eux encore, infiniment de degrés dans la qualité du
patois: à l’une des deux extrémités, il y a celui du vrai terrien qui ‘vit’ ses
paroles; à l’autre celui du ‘clerc’ qui ‘traduit’ le patois, en le traduisant du
français”. E Dauzat (1906: 269) ricorda le istruzioni che Gilliéron aveva
dato ad Edmont: “dans le patois-type et les ‘sondages’, on aura interrogé
des individus de tout âge et de tout sexe, les plus âgés pour avoir le patois
le plus pur et le plus archaïque, les plus jeunes pour observer l’action
exercée par le français depuis un demi-siècle. Dans l’exploration commune
par commune, on choisira ses sujets, suivant qu’on s’occupera plus spécia-
lement d’établir la phonétique ou la sémantique des parlers indigènes, ou
d’étudier l’action désorganisatrice du français”.

Alla fine di questo esame ci si può chiedere se si possa davvero deli-


mitare un’area della “dialettologia sociologica” distinta da dialettologia e
da sociolinguistica. Si ha l’impressione che una tale operazione sia legitti-
mata solo in base a interpretazioni provvisorie della storia delle ricerche

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112 ROSANNA SORNICOLA

sulla variazione linguistica. Se, come sostiene Corrado Grassi, “i dialetto-


logi non ignorano che l’atto linguistico più semplice è stato formato
sempre in una concreta situazione sociale e da parte di uomini viventi”
(Grassi 1980: 157), bisogna riconoscere che una dialettologia sociologica
ha una ragion d’essere solo in quanto rifluisce nell’ambito delle scienze
della variazione linguistica. Queste implicano un circolo della conoscenza
che collega più scienze umane. Dalla dialettologia alla sociolinguistica e
di nuovo alla dialettologia. Dalla storia alla sociologia e di nuovo alla
storia, una storia arricchita dall’apporto critico di nuove metodologie.
Università di Napoli “Federico II”. Rosanna SORNICOLA

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SUR LE SYSTÈME LATIN
DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS
(TOPONYMIE DE LA GAULE)(1)

1. La typologie des noms de lieux d’origine latine en France selon Vincent


Le manuel de toponymie française le plus sûr (Vincent 1937) propose
une typologie des noms de localités françaises assignés aux «Romains»
(«Romains» tout court est le titre de la section IIF [113 sqq.]), i.e., du
point de vue linguistique, au latin de l’Antiquité. Vincent répartit ces for-
mations en quatre classes: (a) «Dérivés»; (b) «Noms communs, adjectifs,
etc.»; (c) «La religion»; (d) «Noms de peuples barbares».
1.1. Ces classes semblent intuitivement satisfaisantes dans ce sens que
le lecteur de Vincent, s’il est tant soit peu familier de la toponymie fran-
çaise, reconnaît des ensembles qui lui paraissent pertinents. La classifica-
tion de Vincent nous servira donc de commode point de départ.
1.2. On peut toutefois facilement se rendre compte que les classes de
Vincent sont constituées à partir de critères hétérogènes. L’auteur emploie
tantôt certaines propriétés morpholexicales des toponymes («dérivés»),
tantôt certaines propriétés syntaxiques-catégorielles des étymons des topo-
nymes («noms communs, adjectifs, etc.», «noms [propres] de peuples») ou
encore fait jouer l’appartenance des toponymes et des étymons à un
champ noématique ou à un secteur de référence («La religion»). Il est
facile aussi de s’apercevoir que les critères adoptés ne sont pas exploités
de manière entièrement cohérente: aux dérivés devraient s’opposer les
simples et les composés; à «noms communs, adjectifs, etc.» (= délexicaux)
devraient s’opposer dé-anthroponymiques, détoponymiques, etc., et pas
seulement les «noms de peuples barbares»; à «religion» devrait s’opposer
«agriculture», «artisanat», etc. La classification n’échappe pas en outre à
certaines contradictions puisque la catégorie grammaticale des adjectifs
n’apparaît que sous (b) pour couvrir un petit nombre d’adjectifs qualifi-
catifs et d’adjectifs numéraux, alors que l’énorme masse des dérivés cités

(1) Nos remerciements s’adressent à Eva Buchi (Nancy) et Yan Greub (Neuchâtel)
pour leurs remarques sur une première version de cet article.

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120 JEAN-PIERRE CHAMBON

sous (a) sont tous étymologiquement des adjectifs. En outre, des dérivés
(en -IA et en -ICA) figurent sous (d), comme l’indique Vincent lui-même
[129], mais, selon l’auteur [128], Vimenet et Vimenières, classés sous (b),
seraient aussi des dérivés toponymiques (de VIMEN). L’application faite par
l’auteur de ses propres critères conduit à une contradiction ou du moins
à des chevauchements (v. encore ci-dessous § 2.2.).
1.3. Plus étonnant, un grand nombre de formations latines se trouvent
classées au chapitre «Gaulois». Il s’agit, en premier lieu, des noms dérivés
avec le suffixe -ACU ou autres suffixes d’origine gauloise: il suffit de
reprendre la longue liste des bases anthroponymiques fournie par Vincent
pour constater que ces bases sont toutes en -us (c’est-à-dire de forme
latine) et que presque toutes sont pourvues d’une référence à Schulze ou
au CIL; l’appartenance de ces bases au stock anthroponymique latin est
donc assurée. C’est également sous «Gaulois» qu’on trouve les «noms de
peuples, de peuplades, devenus noms de localités» [108-113]. Vincent
indique lui-même, pourtant, que ces changements de dénomination se sont
effectués «au IVe siècle». Les noms en -ACU sont donc à ramener à la
première classe de noms latins de Vincent («Dérivés»); quant aux noms de
peuples devenus noms de localités, ils devraient constituer chez l’auteur
une cinquième classe (d’).
1.4. On constate donc que, pour plusieurs raisons, il est impossible de
souscrire complètement à la typologie de Vincent, quelque satisfaisante
qu’elle puisse paraître à une première lecture.

2. Pour une relecture de Vincent


Il ne paraît cependant pas difficile de remanier les classes du topo-
nymiste belge afin d’aboutir à une typologie plus satisfaisante.
2.1. On doit d’abord constater que les membres de la classe (a)
«Dérivés» (en -ANU, -ACU, etc.) trouvent leur cohérence dans le fait d’être
formés sur des noms propres de personne du stock latin (quelle que soit
leur origine, gauloise, étrusque, grecque ou latine): bizarrement, Vincent ne
procède pas explicitement à cette généralisation qui ressort pourtant clai-
rement de toutes ses analyses. On peut se proposer alors d’appliquer aux
formations toponymiques latines le critère typologique-diachronique le
plus simple et le plus général possible (et, par conséquent, le moins
contestable possible), qui nous semble être le suivant: un nom propre
repose soit sur une unité du lexique (délexicaux), soit sur un autre nom
propre – nous proposons de parler de ‘dé-onymiques’ –, soit sur un
énoncé (cas des délocutifs). Dans la strate qui nous intéresse, les topo-

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LE SYSTÈME LATIN DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS 121

nymes délexicaux formant la classe (b) s’opposent alors aux toponymes


dé-onymiques, lesquels se répartissent eux-mêmes entre toponymes
dé-anthroponymiques (a), déthéonymiques (c) et dé-ethniques (d, d’), (d)
et (d’) pouvant être sous-catégorisés d’après le sens des bases.
2.2. Il convient ici d’apporter une légère retouche à la classification
de Vincent en réajustant quelques-unes de ces analyses. Sous «La religion»
(c), Vincent distingue deux sous-classes étiquetées «Lieux du culte» et
«Noms de dieux» [128]: dans la première sous-classe [§ 299], la base des
toponymes (leur centre syntaxique) est un nom commun (déterminé, le
cas échéant, par un nom de dieu); dans la seconde [§ 300], la base est
généralement un nom de dieu seul, parfois aussi un nom commun déter-
miné par un nom de dieu. Il convient par conséquent de reverser sous (b)
ceux des toponymes classés sous «La religion» dont la base est un nom
commun.
2.3. Il s’avère donc possible de remodeler à peu de frais, du point de
vue formationnel et d’après le point de départ de la translation toponymi-
que, la typologie de Vincent pour aboutir aux classes terminales suivantes
de toponymes latins: (a) dé-anthroponymes; (b) délexicaux; (c) déthéo-
nymes; (d) dé-ethniques (noms de peuples barbares); (d’) dé-ethniques
(noms de peuples de Gaule).
2.4. Établies du point de vue de la nature des bases translatées, ces
classes de noms de lieux possèdent pour la plupart certaines autres pro-
priétés formelles typiques qui contribuent à leur cohérence interne et leur
confèrent une physionomie particulière. Les bases de (a) sont des adjec-
tifs (accordés à un substantif ellipsé; Muret 1930, 83) et les suffixes appar-
tiennent à une liste spécifique (-ANU, -ANICU, -ACU, etc.; zéro dans le cas
des gentilices adjectivaux en -ius). Les bases de (b) sont (presque) tou-
jours des noms communs(2) ou bien des adjectifs numéraux; il s’agit typi-
quement de formations asuffixales dans le sens où les dérivés qui se trou-
vent engagés dans la toponymie sont, en principe, préformés et préstockés
dans le lexique (même s’ils ne sont pas toujours attestés par les textes
et/ou par les langues romanes) et non construits ad hoc – situation
qui offre un vif contraste avec celle qui prévaut à l’intérieur de la caté-
gorie (a). Les déthéonymes (c) se rapportent à des tours latins particu-
liers: AD VENERIS (> Vendres), AD MERCURIUM (> Mercoire), avec ellipse
de aedes ou de templum (Muret 1930, 63). Les dé-ethniques formés sur

(2) À la seule exception, dans le corpus de Vincent, de Alba [120], adjectif


substantivé.

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122 JEAN-PIERRE CHAMBON

des noms de peuples barbares (d) sont souvent combinés avec des suffixes
spécifiques (-IA, -ICA, -ISCA) ou construits au génitif. Les dé-ethniques
formés sur des noms de peuples gaulois (d’) se sont très tôt figés sous des
formes invariables (< accusatif ou ablatif; Vincent 1937, 108). Il serait
à peine exagéré de dire que chacune des classes possède sa grammaire
particulière.

3. Classes de toponymes et classes de référents: une hypothèse

Il est bien connu que certaines de ces classes de noms de lieux latins
peuvent être associées, au moins typiquement, à des classes de référents.
3.1. On sait depuis longtemps, en particulier, que les toponymes les
plus nombreux et les plus caractéristiques créés durant l’époque romaine,
les dé-anthroponymes, dénotent une classe de référents bien constituée
aux plans économique et juridique: les établissements agricoles indivi-
duellement appropriés (on peut, de ce point de vue, parler de toponymes
prédiaux). Cette association massive entre une classe toponymique et une
classe économico-juridique de denotata possède un caractère systématique
et officiel et renvoie aux conditions extra-linguistiques de la dénomina-
tion, à savoir aux pratiques administratives de l’Empire: «les propriétés
romaines étaient enregistrées au cadastre sous un nom officiel qui était
ordinairement celui du premier possesseur» (Muret 1930, 83). La catégo-
risation toponymique concourt par là à la catégorisation officielle des
référents et les dé-anthroponymiques latins apparaissent de la sorte
comme des noms à valeur institutionnelle structurante.
3.2. Par voie de conséquence, on peut former l’hypothèse selon
laquelle, à l’intérieur du même système de dénomination toponymique,
toutes les autres classes de noms de localités (délexicaux, déthéonymiques,
dé-ethniques) se trouvaient affectées aux dénominations non-prédiales. À
propos de l’Arvernie gallo-romaine, G. Fournier, après avoir rappelé que
«chaque établissement [agricole] portait un nom, formé en général sur un
nom de personne et avait par conséquent une base familiale», indique que
«de ces établissements purement agricoles, il faut distinguer les localités
semi-urbaines, stations thermales, bourgades routières, marchés, centres
industriels, dont certaines au moins paraissent avoir eu le rang de vici»
(Fournier 1962, 85, 87-8).
3.3. Cette dichotomie des référents («établissements») nous conduit,
en quelque sorte par quatrième proportionnelle, à préciser notre hypo-
thèse sous la forme suivante. Alors que les toponymes de la classe (a)

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LE SYSTÈME LATIN DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS 123

réfèrent à des établissements agricoles individuellement appropriés


(villae), ceux des autres classes réfèrent à des établissements à vocation
non agricole, mais secondaire ou tertiaire, et assumant des fonctions de
type public et/ou collectif dépassant le cadre unifamilial. Les noms de
cette classe d’établissement échapperaient, par définition, au système
cadastral de dénomination dé-anthroponymique. La superclasse complé-
mentaire de (a) correspondrait ainsi soit au niveau extra- ou supraprédial
(chefs-lieux de cités, agglomérations secondaires, stations routières, etc.) –
on la notera alors B –, soit au niveau infraprédial, qui ne nous concerne
pas directement ici: dénominations de simples lieux-dits (loci) ne dénotant
pas des localités ni même, en principe, des habitats ou établissements per-
manents. Notre hypothèse se base sur l’assomption qu’à l’intérieur d’une
synchronie donnée, il y a des chances que l’onymique (toponymie ou
anthroponymie) ne forme pas un pur stock d’étiquettes, mais constitue
aussi, d’une manière ou d’une autre, un système d’étiquetage.

4. Essai de vérification

On se propose d’esquisser la vérification de l’hypothèse qui vient


d’être formulée.
4.1. Celle-ci trouve une confirmation immédiate en ce qui concerne:
– la classe (c), noms de sanctuaires, établissements à vocation collective
et de caractère public (revenus au fisc, ainsi que leurs terres, quand le
christianisme devient la religion officielle de l’État romain); – la classe (d),
noms d’établissement de lètes et de déditices qu’on sait avoir été installés
sur des terres du fisc qui «étaient enlevées du cadastre, diminuant d’au-
tant l’impôt de la cité» (Kerneis 1998, 110-2); – la classe (d’), noms des
chefs-lieux de cités, espaces dont le caractère public est évident.
4.2. Une autre classe, qu’il convient d’ajouter à celles issues de
Vincent, permet une vérification simple: il s’agit des déhydronymes (e). Si
Vincent traite ce type de formations hors stratification diachronique
[15 sqq.], il est en effet hors de doute qu’on y trouve des noms remontant
indiscutablement au latin de l’Antiquité. Or, on se rappelle que, selon le
droit romain, les cours d’eaux relèvent de la propriété publique et que,
d’autre part, Grenier (1934, 267-8) a fait observer que les toponymes
déhydronymiques s’attachaient à des stations routières et/ou à des vici,
c’est-à-dire à des localités de nature éminemment publique/collective.
4.3. En ce qui concerne les délexicaux (b), la situation est, à première
vue, moins nette puisqu’on ne peut exclure – tout au contraire! – que

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124 JEAN-PIERRE CHAMBON

certains toponymes d’origine délexicale de la toponymie majeure actuelle


soient issus de la promotion post-antique de simples noms de loci en
noms de localités. L’examen du matériel rassemblé par Vincent [120-8]
n’en demeure pas moins suggestif(3).
4.3.1. On constate en effet que le sens lexical de la grande majorité
des étymons posés par Vincent permet d’en rapporter avec vraisemblance
une large majorité à des dénominations s’étant appliquées – à des agglo-
mérations secondaires à vocation collective/publique: les issues de VICUS
«bourgade» [127-8] qui forment, soulignons-le, la série de loin la plus
nombreuse; – à des stations thermales(4); – à des sanctuaires(5); – à des éta-
blissements à fonctions collectives diverses, surtout commerciales ou indus-
trielles(6); – à l’organisation du réseau viaire et au cursus publicus(7); – au
découpage politico-administratif du territoire(8); – à des sites de la défense

(3) Bien entendu, nous ne considérons ici ce matériel qu’en tant qu’échantillon
représentatif des formations latines de l’Antiquité particulièrement sûres (cf.
Vincent 1937, § 284), sans nous cacher toutefois qu’aux critères explicites adop-
tés par Vincent (critères philologique, lexical, phonétique) s’ajoute peut-être,
dans une certaine mesure, un critère caché touchant aux référents (typiquement
romains) qui pourrait risquer d’introduire un biais dans notre raisonnement.
Nous ne cherchons donc pas à valider ou à discuter les étymologies de Vincent.
Nous écartons néanmoins les toponymes qui ne réfèrent pas à une localité de
la Gaule (deux noms corses [123]), les issues de LIMOSUS (qui ne répondent pas
aux critères retenus par Vincent, § 284) et les formations avec SINE (qui
ne répondent pas non plus à ces critères), sauf SINE MURO. Nous reclassons
Convenae [123] parmi les dé-ethniques.
(4) Issues de AQUAE «eaux (spécialement sources minérales, thermales)» [121] et
CALDARIA «chaudière» [121].
(5) Issues de FANUM «temple» [123, 128], LUCUS «bois sacré» [124], SACRARIUM
«sanctuaire» [126] et TEMPLUM «temple» [128].
(6) Issues de FORUM «place publique, marché» [124], CIRCUS «cirque» [122], CAN-
NABA «échoppe» [121], FIGLINAS, -IS «ateliers de potiers» [123-4], IMBRICES
«tuiles» [124] et *VITRINA «verrerie», généralement au pluriel [128] (étymologie
discutée).
(7) Issues de CONFURCUM «carrefour» [123], COMPENDIUM «raccourci» [122], *EXI-
TORIUM «sortie» [123], FLEXUS «tournant» [124]; LEUCA «lieue» [124], MILLIA-
RIUM «pierre miliaire» [125], QUARTUS/-A «quatrième [borne]» [125], QUINTUS
«cinquième [borne]» [125], SEXTA «sixième [borne]» [125], SEPTIMA «septième
[borne]» [126], OCTAVUS «huitième [borne]» [126], DUODECIMUS/-A «douzième
[borne]» [126], PETRA FICTA «pierre fichée» [123]; PONS «pont» [126], NAVICELLA
«petit bateau» (avec la valeur de «bac de passage d’eau»), [125], TRAJECTUS
«passage (d’un cours d’eau)» [126]; MUTATIO «relais de poste» [125], PABULUM
«fourrage» [126], STABULUM «écurie, relais; hôtellerie» et TABERNA «taverne,
hôtellerie».
(8) Issues de FINIS «limite, frontière» [123], LIMES «limite» [124] et META «colonne»
(Vincent) ou «borne» [125].

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LE SYSTÈME LATIN DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS 125

publique(9); – à des dépôts du fisc(10); – aux travaux et monuments


publics(11). Cet ensemble, qui regroupe 44 types délexicaux sur les 57 posés
par Vincent, paraît particulièrement congruent à la seconde classe de réfé-
rents de Fournier (ci-dessus § 3.2.): «localités semi-urbaines, stations ther-
males, bourgades routières, marchés, centres industriels, dont certaines au
moins paraissent avoir eu le rang de vici». Les vici peuvent apparaître
comme le type achevé de cette classe de référents: de même les issues de
ce mot méritent d’être regardées, de par leur nombre, comme le type de
toute la classe toponymique(12).
En outre, les matériaux de Vincent, bien qu’ils ne cherchent pas à
renseigner systématiquement sur le statut et les fonctions des localités à
la haute époque, permettent de faire sur les référents de certains exem-
plaires de ces types délexicaux, des remarques concrètes qui étayent le
caractère public/collectif des localités désignées: – trois représentants de
AQUIS se sont appliqués à des chefs-lieux de cités, qui ont porté des noms
administratifs officiels(13); – il en va de même de deux issues de FORUM(14);
– une issue de LUCUS donne également lieu à un nom administratif pour
désigner une agglomération secondaire assimilable à une capitale(15); – le
nom de Tropaeum Augusti/La Turbie est motivé par un «monument érigé
par Auguste en 7 av.»; – Phóssai Mariánai/Fos-sur-Mer, «canal creusé par
Marius», est mentionné comme portus au 4e siècle et on y perçoit encore
le tonlieu en 716; – une issue de CASTELLUM (Cassel) apparaît avec la
dénomination administrative officielle Castello Menapiorum dans la Table
de Peutinger; – ad Duodecimum/Delme est une station routière mention-
née dans la Table de Peutinger; – il en va de même de Tabernis/Saverne,

(9) Issues de CASTELLUM «château-fort» [121], CASTRUM «château-fort» [122],


MUROCINCTUS «entouré d’un mur» [125] et SINE MURO «[fortification] sans
mur».
(10) Issues de HORREUM «grenier» [124].
(11) Issues de AQUAEDUCTUS «aqueduc, conduit, canal» [121], FOSSA «fosse, fossé,
canal» [124] et TROPAEUM «trophée» [127].
(12) V. une récente synthèse par Paunier (in: Petit/Mangin 1994, 283-6). Citons une
définition du vicus, due à un archéologue: «habitat structuré en nébuleuse avec
au cœur une zone pour les éléments publics nécessaires pour la vie collective
des paysans de cette région» (G. Chouquer, cité dans Mangin et al. 1986, 125
n. 4).
(13) Aquae Sextiae Salluviorum (qualifiée de colonia, «thermes romains»), Aquis
Convenarum (Bagnères-de-Bigorre), Aquis Tarbellicis (Dax).
(14) Foro Segustavarum / Feurs (devenu, à l’époque carolingienne, le chef-lieu d’une
vicairie [ager]) et Forum Julii / Forum Julii Octanavorum colonia (Fréjus).
(15) Lucus Augusti (Luc-en-Diois); cf. Tassaux, in: Petit/Mangin 1994, 201 et n. 11.

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126 JEAN-PIERRE CHAMBON

de Ponte Dubris/Pontoux et, dans l’Itinéraire d’Antonin de Ponte Scaldis/


Escaupont (noms composés sur PONS); – CONFLUENTES est connu comme
une dénomination de stations routières antiques (cf. aussi les issues de
CONDATE); – de même FANUM, FLEXUM, FINES, HORREA et TRAJECTUS; –
Quartes (dont le nom remonte à QUARTA) est, selon la Notitia dignitatum,
le lieu de résidence du préfet de la flotte sur la Sambre; – Octavum/Saint-
Symphorien-d’Ozon est qualifié de vicus au 6e siècle; – Semur-en-Auxois
(dont le nom remonte à SINE MURO) est attesté comme castrum ca 575; –
Compiègne (dont le nom remonte à COMPENDIUM) est, aux 6e et 7e siècles,
une villa du fisc royal (palatium); – Pierrefitte-sur-Aire (dont le nom
remonte à PETRA FICTA) est une résidence impériale (palatium) en 827; –
Oytier (dont le nom remonte à OCTAVU) est le centre éponyme d’une
vicairie (ager) carolingienne.
Ainsi, pour 21 des 44 types délexicaux ci-dessus, on possède des
indices directs, plus ou moins manifestes, du caractère collectif/public d’un
des référents au moins.
4.3.2. Pour certains des neuf types restants, ce sont les référents seuls
qui donnent lieu à des observations: – ALBA «blanche» [120] se trouve
dans Alba Helvorum (Plin.), nom officiel d’un chef-lieu de cité, et dans
Albaugoústa (Ptol.), autre nom officiel; – Monte Seleuco [125] est le nom
d’une station routière dans l’Itinéraire d’Antonin; – INTER AMNES «entre
les deux cours d’eau» [120] est attesté comme dénomination de stations
routières antiques; – un des représentants de LUTOSUS, -A [125], Lezoux,
désigne un vicus qui fut une très importante localité de potiers durant le
Haut-Empire.
Au total, donc, on a des indices (lexicaux ou référentiels) d’une déno-
tation collective/publique pour 48 types délexicaux sur les 57 de Vincent.
4.3.3. A contrario, la promotion d’un nom de locus à un nom de loca-
lité est constatable en ce qui concerne VIVARIOS (> Viviers, Ardèche)
[120], localité d’origine obscure qui a tendu à concurrencer victorieuse-
ment Alba à la fin de l’Antiquité. De même, la signification des étymons
de cinq autres types conduit à considérer qu’ils ont référé originellement
à un élément caractéristique d’une exploitation domaniale(16) et sont par
conséquent des noms de loci promus. On remarque au passage qu’en s’en

(16) *ARMENTARIA «lieu où se trouve, où est logé le gros bétail» [121], ATTEGIA
«cabane» [121], COLUMBARIUM «colombier» [122], *VINICELLA «petite vigne» (ou
VINI CELLA «cellier à vin»?) [128] et VIMINETUM «oseraie» [128] (cf. aussi,
d’ailleurs, le sens de l’étymon de Viviers).

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LE SYSTÈME LATIN DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS 127

tenant à la documentation de Vincent, des représentants de deux de ces


six types montrent des indices d’un caractère public: Athies (Somme) est
dit in villa regia au 6e siècle et Colmar est un fisc carolingien.
4.3.4. Trois types seulement, dont les représentants sont d’ailleurs peu
nombreux, demeurent en zone grise(17).
4.3.5. Les observations ci-dessus concernant les délexicaux d’origine
latine ne constituent qu’une micro-expérience. Elles ne sauraient rempla-
cer des investigations menées sur un corpus plus large et impliquant une
confrontation systématique avec les données que l’histoire et l’archéologie
fournissent sur les référents. Elles paraissent toutefois suffisantes pour
laisser croire que, de façon au moins tendancielle, les noms latins délexi-
caux de localités ont été appliqués à des référents possédant un caractère
collectif/public.
4.3.6. Un corollaire de notre hypothèse voudrait que les noms de
lieux délexicaux en -ACU qui ont fait couler, on le sait, beaucoup
d’encre(18), et les déhydronymiques en -ACU(19) aient possédé à l’origine
une dénotation collective/publique.

5. Conclusion: une proposition de recherche

La réanalyse de la classification des toponymes d’origine latine éta-


blie par Vincent et le réexamen rapide, à titre expérimental, de ses maté-
riaux permettent donc, pensons-nous, de soutenir, à titre de modèle de
référence à valeur heuristique, que les formes linguistiques des toponymes
latins forment en Gaule un système de catégorisation des référents, même
si ce système demeure sans doute assez lâche et général.
5.1. Dans le principe, les toponymes prédiaux de formation dé-anthro-
ponymique (a) – ou, mieux, désormais (A) – s’opposent par les traits
[+ agricole], [+ privé], [- collectif], [- urbain], à toutes les autres forma-
tions (B) possédant au moins un des traits [- agricole], [- privé], [+ col-
lectif], [+ urbain]. Les axes motivationnels sur lesquels s’établit cette
opposition macrosystématique relèvent respectivement de l’instance écono-

(17) AGELLUM > Agel [120], CATARACTA «chute d’eau» [122] > la Caratte, Chalette
[122], FRETUM «détroit» > Fretus (ancien nom de Saint-Rémy-de-Provence)
[124].
(18) À leur sujet, la position raisonnable de Vincent (1937, § 200) est toujours
d’actualité.
(19) Mulon 1985.

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128 JEAN-PIERRE CHAMBON

mique, de l’instance juridique, de l’orientation fonctionnelle prédominante


et de la morphologie de l’habitat. La classe (A), qui forme la classe la plus
nombreuse de très loin, constitue pour ainsi dire la base de l’ensemble.

5.2. Il est possible d’affiner ces résultats en les présentant sous la


forme d’un tableau où les noms des traits seront choisis de manière à
faire apparaître la classe fondamentale (A) comme la classe de référence
marquée (on trouvera seulement des ‘+’ dans les cases qui lui sont
réservées).
5.2.1. On obtient alors le tableau suivant.
établ. propr. ss fonct. ss caractère
agricole privée collective urb.
A (a) dé-anthr. + + + +
(d) dé-ethniques (barbares) + - + +

B
{ (b)
(c)
(e)
(d’)
délexicaux
déthéonymes
déhydronymes
dé-ethniques (indigènes)
-
-
-
-
+/-
-
-
-
-
-
-
-
+/-
+
+/-
-

5.2.2. Ce tableau fait apparaître, outre l’opposition dichotomique


dominante (A vs B), le fait que, rapportées aux caractéristiques perti-
nentes de leurs référents, les classes de toponymes s’organisent de manière
à peu près scalaire entre les pôles antagonistes que constituent les noms
d’exploitations agricoles privées, d’une part, les noms de villes chefs-lieux
de cité, de l’autre. Au plus près du premier pôle se trouvent les dénomi-
nations d’établissements de lètes et de déditices (noms de villae); au plus
près du second, les déhydronymes s’appliquant typiquement à des vici ou
à des stations routières.

5.2.3. On insistera sur le fait que le tableau ci-dessus conserve un


caractère entièrement linguistique: les traits pertinents des classes de réfé-
rents ont été en effet élicités du seul point de vue des classes de topo-
nymes, lesquelles ont été préalablement formées sur des critères purement
linguistiques. Il n’en est que plus remarquable que les deux pôles structu-
rants qui se dégagent sur une telle base coïncident avec les deux pôles qui
sont usuellement reconnus du point de vue, entièrement extra-linguistique,
de l’histoire et de la structure du peuplement.

5.3. Ancré sur une opposition binaire fondamentale à base ‘terrienne’,


le système des dénominations latines de localités tendrait donc aussi à
réfléchir dans ses propres catégories internes la structure hiérarchique des

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LE SYSTÈME LATIN DE DÉNOMINATION DES LOCALITÉS 129

localités. Cette organisation, qui confère à tous les noms de localités trans-
parents une connotation institutionnelle, serait à articuler, en particulier,
sur l’opposition public/privé, fondamentale dans le droit et les pratiques
organisatives de Rome. Une hypothèse du genre de celle que nous for-
mulons ne serait pas, du reste, en contradiction avec ce que l’anthropony-
mie latine nous fait connaître de la portée socio-classificatoire des noms
de personne romains et de leur «caractère étatico-juridique» (Heinzel-
mann 1976, 14-5).
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV). Jean-Pierre CHAMBON

Références bibliographiques
Fournier (G.), 1962. Le Peuplement rural en Basse Auvergne durant le Haut Moyen
Âge, Paris.
Grenier (A.), 1934. Manuel d’archéologie gallo-romaine, 2e partie: L’archéologie du
sol, 2 vol., Paris.
Kerneis (S.), 1998. Les Celtiques. Servitude et grandeur des auxiliaires bretons dans
l’Empire romain, Clermont-Ferrand.
Heinzelmann (M.), 1976. Bischofsherrschaft in Gallien. Zur Kontinuität römischer
Führungsschichten vom 4. bis zum 7. Jahrhundert, Munich.
Mangin (M.) / Jacquet (B.) / Jacob (J.-P.), dir., 1986. Les Agglomérations secondaires
en Franche-Comté romaine, Paris.
Mulon (M.), 1985. «Suffixe -acum et hydronymie», in: P. Fabre (éd.), Les Suffixes en
onomastique. Actes du colloque de Montpellier (mai 1983), Montpellier, 165-177.
Muret (E.), 1930. Les Noms de lieu dans les langues romanes, Paris.
Petit (J.-M.) / Mangin (M.), dir., 1994. Les Agglomérations secondaires. La Gaule
Belgique, les Germanies et l’Occident romain. Actes du colloque de Bliesbruck-
Reinheim/Bitche, Paris.
Vincent (A.), 1937. Toponymie de la France, Bruxelles.

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SOURCES LITTÉRAIRES
DES CURIOSITEZ FRANÇOISES
D’ANTOINE OUDIN

Plusieurs expressions citées par des dictionnaires français contempo-


rains remontent à une première attestation dans les Curiositez françoises
(1640) d’Antoine Oudin(1). En plus de fournir un inventaire raisonné de
plus de huit mille unités phraséologiques – inventaire dont l’influence
s’étendra sur les dictionnaires de Furetière, de l’Académie et leurs suc-
cesseurs, ainsi que sur les recueils aux visées moins élevées, comme le
Dictionnaire comique de Ph. J. Leroux et le Dictionnaire des Halles
(1696) –, A. Oudin continue à intriguer les chercheurs qui tentent d’éta-
blir ses liens avec d’autres entreprises lexicographiques du XVIe et de la
première moitié du XVIIe siècle. La recherche des sources dont A. Oudin
se serait servi pour former sa collection de phraséologismes burlesques et
«populaires» représente un intérêt qui dépasse les limites d’une simple
curiosité philologique. Elle peut permettre d’entrevoir la méthode de
constitution du dictionnaire phraséologique orienté vers un marché plutôt
que vers un milieu académique.
En 1989, M. Pfister(2) soulevait la question des sources italiennes des
dictionnaires d’A. Oudin. Il a parlé également de quelques sources qu’on
pourrait dépister en suivant les notes du FEW. Sans vouloir nier toute
influence des dictionnaires anciens, auxquels le FEW fait surtout réfé-
rence, ainsi que des œuvres littéraires du XVIe siècle sur la constitution
du corpus phraséologique d’Oudin, nous nous sommes proposé d’examiner
la possibilité de liens entre celui-ci et les œuvres littéraires
de son temps. En effet, la littérature comique de la première moitié du
XVIIe siècle contient une concentration élevée de phraséologismes.
Dans un premier temps nous avons pu établir l’existence d’un lien
très étroit entre les Curiositez françoises et la Comédie des proverbes

(1) Oudin, Antoine, Curiositez françoises, pour supplement aux Dictionnaires, Paris:
Sommaville, 1640; réimpr. Genève: Slatkine, 1971.
(2) Pfister, Max, «L’importance d’Antoine Oudin», dans Lingua francesa nel
seicento, Bari: Adriatica / Paris: Nizet, 1989; pp. 81-103.

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132 MICHAEL KRAMER

(1633)(3), pièce comique dont le texte se compose de locutions, clichés,


proverbes et autres constructions fixes de la parole. En dépouillant ce
texte, nous avons essayé d’en extraire tout élément ayant des apparences
d’une expression idiomatique ou d’un cliché, que nous avons essayé de
retrouver par la suite dans le recueil d’A. Oudin. Le bilan de la compa-
raison et du calcul qui ont succédé au dépouillement du texte révèle que,
de 8377 unités recueillies au total par A. Oudin, répétitions et variantes
comprises, 508 reproduisent textuellement les expressions correspondantes
de la comédie, parfois même des expressions longues de plus de dix mots,
comme dans les exemples suivants:

Comédie des proverbes Curiositez françoises


III/3/70 En tiens-tu, petit bonnet? en Tiens tu petit bonnet «es tu touché, es tu
attrappé» 527
II/5/58 n’attendons pas la pluie n’attendons pas la Pluye «sortons de bonne
heure du danger» 433
III/7/97 tu viens de Vaugirard, ta tu viens de Vaugirard ta gibeciere sent
gibecière sent le lard le lard 561
III/3/71 vous pouvez bien manger vous pouuez manger vostre Potage à l’huile,
vostre potage à l’huile: il n’y a il n’y a point de chair pour vous «vous
point de chair pour vous n’aurez pas ce que vous desirez, vous
n’espouserez pas cette personne là.
«vulg.» 445
II/3/49 Voilà Monsieur venu, *voila Monsieur venu trempez luy sa Soupe
trempez-luy sa soupe! «à vn impatient qui veut estre seruy
dés qu’il est entré» 514

- 510 autres reprennent une expression respective de la comédie très fidè-


lement, à l’exception d’une forme verbale (infinitif chez Oudin, forme
personnelle dans la comédie) ou d’une forme de nom (p. ex., masculin ou
singulier génériques chez Oudin, féminin ou pluriel dans la comédie):

Comédie des proverbes Curiositez françoises


III/4/77 nous les traicterons en ie vous traitteray en Chien courtaut «ie vous
chiens courtaux traitteray rigoureusement: ie vous battray
bien» 100
III/5/78 Je ne sçay à quelle sausse il ne sçait à quel Saulse manger ce poisson
manger ce poisson «il ne sçait de quelle façon souffrir cet
affaire» 498

(3) Comédie des proverbes (La), dans Ancien Théâtre François, p.p. M. Viollet Le
Duc et A. de Montaiglon, Paris: Jannet, 1856; t. IX, pp. 5-98. Les chiffres
accompagnant les citations renvoient au numéro de l’acte, de la scène et de la
page de cette édition.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 133

I/3/19 ils vont du pied comme il va du Pied comme vn chat maigre «il
des chats maigres chemine fort bien» 419
I/4/20 cela t’a passé en oreille passer en Oreilles d’asne «ne pas demeurer
d’asne en la memoire» 382

- 304 expressions du recueil d’Oudin correspondent à des expressions


similaires de la comédie, mais soit un mot est remplacé par un synonyme,
soit les membres sont intervertis, etc.:
Comédie des proverbes Curiositez françoises
II/2/40 j’en devins si echauffé s’Eschauffer dans son harnois «se mettre
dans mon harnois en colere» 191
II/2/41 qui se fait brebis, le loup qui se fait Beste le loup le mange «qu’il ne
le mange faut pas tout souffrir auec lascheté» 40

Enfin, 146 correspondances se caractérisent par une proximité sémantique


assez claire, mais l’écart formel est très sensible, p. ex.:

Comédie des proverbes Curiositez françoises


I/3/19 Pour trop gratter il en cuit trop gratter cuit, trop parler nuit 257
aux ongles

Les paires de ce type n’ont pas été incluses dans le compte des corres-
pondances probantes.
En additionnant les nombres des trois premières classes, on obtient
1322 (!) expressions des Curiositez, soit plus de 15,7 %, remontant à la
Comédie des proverbes(4), dont 1018 (12,1 %) sont des reproductions
textuelles identiques ou presque identiques.
À titre de comparaison, il sera bon d’examiner les Explications
morales d’aucuns proverbes communs en la langue françoyse, qui consti-
tuent la troisième annexe au Thresor de la langue françoyse de J. Nicot(5).
Elles contiennent 115 expressions, dont 90 se retrouvent chez Oudin. De
ces 90 unités, seulement 55 ne sont pas représentées dans la Comédie des
proverbes.

(4) Pour plus de détails sur la démarche et pour plus d’exemples, v. notre article
«La Comédie des proverbes du comte de Cramail et les Curiositez françoises
d’A. Oudin: un lien privilégié», Papers on French Seventeenth Century Litera-
ture, 2000, 53, 489-499. Toutefois, les bilans numériques présentés ici sont plus
à jour, reflétant nos trouvailles plus récentes.
(5) Nicot, Jean, Thresor de langue françoyse, tant ancienne que moderne, Paris:
David Douceur, 1606; réimpr. Paris: Le Temps, 1978.

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134 MICHAEL KRAMER

Quant aux 35 unités partagées par la Comédie des proverbes, les


Curiositez et les Explications morales, les exemples suivants reflètent bien
la qualité de la corrélation existant entre Oudin, la Comédie et Nicot:

Nicot Curiositez françoises Comédie des proverbes


Il ne craint ni les rez *il ne se soucie ny des je ne me souciois ny des
ni les tondus 19a Raiz ny des tondus 468 rez ni des tondus I/7/34
Qui parle du loup en quand on parle du loup Quand on parle du loup on
void la queuë 22b on en voit la queüe 310 en voit la queue II/3/46
Estre au nid il croit avoir trouvé trouver la pie au nid
de la pie 22b la pie au nid 416 I/1 15

Les segments que nous avons soulignés démontrent une proximité


nettement plus étroite entre Oudin et la Comédie des proverbes qu’entre
Oudin et Nicot. Pour les expressions qui ne sont pas attestées par la
Comédie, Oudin et Nicot en citent, dans la majorité des cas, des variantes
différentes.
D’autre part, le dictionnaire de Cotgrave (1611)(6) contient des locu-
tions et des proverbes aussi bien que des mots individuels. 297 expressions
de Cotgrave correspondent, littéralement, approximativement ou vague-
ment, à certains segments du corpus réuni «Comédie des proverbes-Curio-
sitez». Seulement, comme dans le cas de Nicot, les co-occurrences ne sont
pas convaincantes (nous soulignons les mots-vedettes chez Cotgrave):
Oudin 1640 Cotgrave 1611
il a trouué Chaussure à son pied 90 ils ont rencontré chaussure à leur pied
c’est le pere tout Craché 135 c’est luy tout craché
ie ne vous veux pas souffrir toutes vos souffrir à un enfant toutes ses dadées
Dadées 146
ils accordent bien leurs Vielles 572 ils accordent tres bien leurs vielles
ensemble
en vn Tourne main 543 dans vn tourne-main
ie sçay de quel Bois il se chauffe 45 ie cognois bien de quel bois il se chauffe
qui fait la faute la Boit 45 qui a fait la faulte, si la boive
demeurer Camus 71 il fut rendu bien camus
il n’y a point de trou qu’il n’y trouue avoir à chaque trou une cheville | à
vne Cheuille 96 chaque trou vne cheville

(6) Cotgrave, Randle, A Dictionarie of French and English Tongues, London:


A. Islip, 1611. Les pages n’étant pas numérotées, les mots soulignés renvoient
aux mots-clés de Cotgrave.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 135

battre en chien Courtaud 133 fouëtter qn en chien courtaut


à bon Entendeur peu de paroles 186 à bon entendeur ne faut qu’une parole
il n’y Entend que le haut Allemand il n’en entend que le haut Alleman
186
les belles paroles n’Escorchent pas douce parole n’escorche langue | beau
la langue 192 parler n’escorche langue
Famille d’Archambault, plus il y a pis la famille d’Archambaud plus y en a &
il vaut 214 pis vaut
vn chien est bien fort sur son Fumier chien sur son fumier est hardi
240
ie te le Garde bonne 246 il la luy garda bonne
vouloir tirer de l’Huile d’vn mur 275 tirer de l’huile d’un mur
à Lauer la teste d’vn asne on n’y perd à laver la teste d’un asne on ne perd que
que la lexiue 299 le temps & la lessive
il en a eu depuis Miserere iusques à tu auras miserere iusques a vitulos
vitulos 349
il ne voit pas plus loin que son Nez il ne regarde plus loing que le bout de
370 son nez
il a plus grands Yeux que grand’ pance les yeux plus grands que la panse s.v. oeil
376
les Battus payent l’amende 35 le batu paye l’amende
ne sçauoir [sic] quel Bois faire fleche il ne sçait plus de quel bois faire flesches
45
il est sçauant iusqu’aux dents, il a il est clerc iusques aux dents, il a mangé
mangé son Breuiaire 62 son breviaire
il m’en souuient aussi peu que de ma il m’en souvient autant que de ma
premiere Chemise 92 premiere chemise
autant pour le Brodeur 64 autant pour le bordeur
qui trop Embrasse mal estreint 178 trop embrasser, & peu estraigner
Rouge au soir & blanc au matin, c’est le rouge soir & blanc matin font resjouïr
la iournée du pelerin 488 le pelerin
vn Iarnac «vn coutelas ou espée large» Iarnat (sic!) «A ruffian, swaggerer
278 swashbuckler, blasphemous or
foule-mouthed huffesnuffe.»

Les disparités entre Cotgrave et Oudin sont encore plus manifestes


lorsqu’on étend la comparaison sur la Comédie des proverbes:
Comédie des proverbes Curiositez françoises Cotgrave
J’ay fait comme les bons il fait comme les bons bonne beste s’eschauffe en
chevaux, je me suis echauffé Cheuaux, il s’eschauffe en mangeant
en mangeant mangeant 95

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136 MICHAEL KRAMER

on ne sçauroit faire boire On ne sçauroit faire boire on ne fait boire à l’asne


un asne s’il n’a soif vn Asne s’il n’a soif 19 quand il ne veut
cet avaleur de charrettes Aualleur de charettes mangeur de charrettes
ferrées {charrette ferrées 22 ferrées
desferrée}
un clou chasse l’autre vn Clou chasse l’autre 106 vn clou sert à pousser
l’autre
c’est la devise de M. de la Deuise de Monsieur de chascun a son tour
Guise, chacun {a} son tour Guise, chacun a son tour
162
Le diable est bien aux le Diable est aux vaches le diable sera bien aux
vaches 164 vaches
Voilà le goust de la noix, le Goust de la noix 253 en cela est/gist le goust de
ce plantement-là la noix
selon la jambe le bas, selon la Iambe le bas 278 selon la iambe le coup / le
pied / la saignée
maille à maille fait Maille à maille se fait maille à maille on fait
le haubergeon le haubergeon 314 les haubergeons

Il est clair qu’Oudin «préfère» les formes de la Comédie des pro-


verbes à celles de Cotgrave. En plus, il n’est point certain qu’Oudin ait eu
accès au Dictionarie de Cotgrave, imprimé en Angleterre, en anglais et à
l’usage des Anglais. Tout cela amène à écarter les deux dictionnaires sus-
mentionnés.
Aussi impressionnant que le lien avec la Comédie puisse paraître, il
ne fait que multiplier les questions entourant la «cuisine» d’Antoine
Oudin. Tout d’abord, restent 85 % des Curiositez qui ne remontent pas à
la Comédie des proverbes. Quelles sont leurs sources?
En examinant la structure des Curiositez françoises, on peut présumer
que, probablement, c’était un projet conçu depuis quelque temps, que les
matériaux s’accumulaient graduellement jusqu’à un certain moment M.
Avant M, les entrées sont bien réparties selon les mots-clés, les répétitions
sont munies de renvois aux entrées classées sous un mot-clé plus haut
d’après l’alphabet. Après M, les répétitions se transforment en véritables
doublets: plusieurs locutions sont citées à des endroits différents, parfois
sous une forme légèrement distincte, et parfois même avec des définitions
différentes. Quelques exemples:
dormir sa Grasse matinée «tard, toute la matinée» 256
Dormir la grasse matinée «dormir tard, dormir iusques
à prés de Midy» 170
Riche comme vn Iuif «fort riche» 481

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 137

il est riche comme vn Iuif «fort riche» 290


il est gay comme Perrot «fort gaillard, fort resioüy».
vulg. 411
Gay comme Perrot «gaillard» 248

Apparemment, Oudin et ses collaborateurs ont arrêté, depuis ce


moment M, d’harmoniser le recueil. Celui-ci continue à recevoir des
ajouts, même durant l’impression: après le mot Fin, Oudin produira une
Addition de 356 entrées sur 31 pages. Cependant, le recueil ne semble
avoir jamais été revu ou révisé par ses compilateurs: dans l’Addition, on
trouve, par exemple, l’entrée Enfariné «yure» (ivre), p. 602, tandis qu’à la
p. 63 on a déjà vu un Enfariné «yure».

Les Curiositez d’A. Oudin paraissent la même année que sa Gram-


maire françoise. Les deux privilèges datent du 4 juillet 1639, et les livres
sortent des presses respectivement le 30 janvier et le 3 février 1640. Il n’y
a pas de doute qu’Oudin aurait été incapable de travailler sur les deux
projets simultanément, à moins d’avoir une bonne partie de travail faite,
ou presque. Or, la Grammaire de 1640 fut précédée de celle de 1632. Les
différences entre les deux éditions ne sont pas nombreuses: p. ex., la
nouvelle édition contient une liste de locutions verbales. Pour le reste, la
nouvelle édition est pratiquement identique à l’ancienne. Cependant,
la préface de la Grammaire de 1640 contient un renvoi aux Curiositez
françoises, absent de l’édition de 1632.

L’idée même d’un recueil phraséologique spécifiquement burlesque a


pu venir à Oudin suite à la parution d’une série d’œuvres burlesques et
comiques créées dans la même veine que la Comédie des proverbes. Parmi
les ouvrages de ce genre en vogue dans les années 30, on ne peut pas ne
pas citer L’Histoire comique de Francion, roman attribué à Charles Sorel,
malgré mainte protestation de la part de ce dernier. Paru d’abord en 1623,
puis en 1626 et 1633 chez Pierre Billaine, ce roman a joui d’une popula-
rité étendue et scandaleuse et devait bientôt traverser les frontières,
d’abord en français, plus tard en traduction.

Or, une lecture même superficielle de certains textes burlesques de la


même période crée l’impression d’une ambiance langagière fort familière
pour quiconque a jamais lu la Comédie des proverbes ou consulté Les
Curiositez. En décidant d’approfondir tant soit peu la recherche, on
s’apercevra que la majorité des façons de dire fixes de Sorel trouvent leur
explication chez Oudin.

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138 MICHAEL KRAMER

Nous avons conduit une étude du lexique burlesque des livres I à VII
du Francion, examinant d’abord les expressions annotées déjà, d’ailleurs
sans renvois à Oudin, par l’éditeur moderne(7) du roman, pour trouver
parmi celles-ci
– quatre qui ne se retrouvent ni dans la Comédie des proverbes ni dans
les Curiositez,
traîner la noblesse 104
pas d’âne 408 n199c
être frisé à la Borelise 270
être outu en quille de bisque 270
– six qui se retrouvent dans la Comédie, mais pas chez Oudin,
sergent et son records (subalterne) 113
est animal indecrotabile 193 n137
faire la nique 261
ravi comme un pourceau qui pisse dans du son 270
vessie de pourceau pleine de sang 419 n247
par mananda 286

– 68 que le Francion et Oudin ont en commun, mais que la Comédie ne


contient pas:
Curiositez françoises Francion
la Cour des Aides 6; 129 aller à la cour des Aydes 353
il en est amoureux comme vn coquin plus amoureux de vous qu’vn gueux de
de sa besace 12 sa besace 270
Escorcher l’Anguille par la queüe 13 escorcher une anguille par la queue 197
Escorcher les anguilles par la queuë
192
Donner des Assignations 20 donner une assignation 360
vous me la Baillez belle 26 vous nous la baillez belle 125
aller en Bauiere 35 aller en Bauiere sacrer l’Empereur 118
ie sçay de quel Bois il se chauffe 45 de quel bois elle se chauffe 95
au Royaume des aueugles les Borgnes en la contrée des aveugles les borgnes
sont Rois 49 sont des Roys 257
il est au haut Bout 57 | tenir envier le haut bout 251
le Hault du paué 267
se donner Carriere 73 | donner se donner carrière 394
Carriere à ses esprits 73

(7) Sorel, Charles, Histoire comique de Francion. (Livres I à VII), p.p. Yves
Giraud, Paris: Garnier-Flammarion, 1979.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 139

donner de la Casse à vn soldat 74 donner de la casse 131


estre en Castille 75 castille 354
Charger ou charger de bois 84 charger en Diable et demi 362
en Diable & demy; comme trente
mille diables 164
se Chatoüiller pour se faire rire 87 se chatouiller pour se faire rire 56
il a Chié dans ma malle 101 chier dans la malle de qn 117
disner ou soupper par coeur 108 soupper par coeur 97
en bonne Conche 115 je m’estois veü bien en conche 249
de celuy qui se Couche de plat 125 ce qui se couche de plat 119
pour le faire Court 132 pour vous le faire court 199
mettre à Couuert 134 mettre à couvert 360
estre Cruche ou auoir l’esprit cruche faits de cruche 96
140
il ne faut point Dire qu’il disoit 166 il ne faut pas dire 199
Enfiler la Venelle 183; 563 enfiler la venelle 252
Espouser vne potence ou vne rouë espouser vn gibet 96
199
se faire Fort 230 ie me fais fort 110
il a mangé ses cerises ou ses guignes, mettre en ses goguettes 269
il en est à ses Gogues 252
à toute Reste 479 à toute reste 253
il mord à la Grappe 255 | Mordre qu’il mordist à la grappe 238 n174
à la grappe 356
vn Gros Chrestien 260 Gros Chrestien 96
Mot de Gueule 262; 356 mots de gueule 241
ioüer de la Harpe 266 joüer de la harpe 160
faire Hau le gigot 267 faire haut le gigot 353 n353
les Levriers du bourreau 302 levriers du bourreau 116
vn Maistre singe 320 un Maistre Singe 162
faire boüillir sa Marmitte 332 faire boüillir sa marmite 108
ioüer des Maschoires 335 se mit incontinent à iouër des machoires
114
Nez d’as de treffle 368; 550 nez en trèfle 271
il est bien de son Païs 389 il est bien de son pays 126 n76
Parler Phoebus 394 parler Phoebus 405 n184
vn Pet de boulanger qui porte pet de masson / boulanger 351
son bren 413
vn Pet de maçon, qui porte
son mortier 413
vn Plumet 433 plumet 107
chanter Poüilles 446 chanter poüille 98

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140 MICHAEL KRAMER

vn Poullet 447 un poulet 243


se tenir sur son Quant à moy 461 se mettre sur son quant à moi 160
Raquedenare ou bien raquedenaze 468 raquedenace 174
manger des Regardeaux 472 ne nous nourrir que de regardeaux 169
bailler les Seaux 501 bailler les seaux 224
vn Tire-laine 535 tire-soye 108
Vin de singe 574 vin de singe 269
faire le Braue 60 se faire brave de qn 362
la Coquille luy demange 119 à qui la coquille demangeoit beaucoup
124
vne Lippée 306 gagner sa lippée 104
vn Poullet 447 un poulet 256
Grisons «vne certaine compagnie de Grisons 108
filous ou voleurs vestus de gris» 259
les Rougets «certains filous vestus Rougets 108
de rouge» 488
Morguer «faire rude mine à quelqu’vn:(8) morguer 261
le brauer en luy faisant mauuaise
mine» 356
vn gros Buffle 66 être aussi buffle que pas un 266
Foüailler «fesser. Item, faire l’acte foüailler 349
charnel» 231
Cheual «ignorant, grossier, lourdaut» la plus part des Seigneurs sont plus
93 chevaux que leurs chevaux mesmes 270
vn Cocq à l’asne 107 un coq à l’asne 271

– et 22 qui figurent tant dans le Francion, que dans la Comédie et les


Curiositez:
Curiositez françoises Francion
il cherche Chape cheute 82 chercher la chappe cheute 76
Debagouler 148 desbagouler 195
de mesme Estoffe 201 quelques autres de pareille estoffe 250
se ietter sur la Fripperie d’vne se jetta sur ma fripperie 348
personne 237
homme de Paille 386 homme de paille 209

(8) Il est à noter que Y. Giraud, dans le glossaire de son édition du Francion,
donne cette définition du même verbe, tirée de Furetière: «Faire rude mine à
quelqu’un». On peut se demander si Oudin n’a pas été une des sources de
Furetière.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 141

demeurer Camus 71 rendre Camus 161


il me Gratte où il me demange 257 chatouiller au lieu où il leur
démangeoit 193
qui se fait Beste le loup le mange 40 qui se fait brebis le loup le mange 156
il est bon à ioüer au Breland, Un az caché sous le pourpoint 407 n199
il a vn ase dans son pourpoint 61
vous estes bien loing de vostre je fus bien loing de mon compte 168
Compte 114 être loin de son compte 73
Estonné comme vn fondeur plus penaud qu’un fondeur de cloches
de cloches 202 349
il feroit de la Fausse-monnoye pour a promis de faire de la fausse monnoie
luy 215 95
Ferrer la mule 218 ne ferroit point la mule 176
porter ou payer la folle Enchere 180 payer la folle enchère 348
payer ou porter la Folle enchere 229
Gens du Bourg l’Abbé, qui ne ne demander qu’amour et simplesse 353
demandent qu’amour & simplesse 249
payer en Monnoye de singe, monnoye de singe 162 n18
en gambades 352
les enfans en vont à la Moustarde les enfants en vont à la moutarde
364 428 n302
il craint la Touche 540 touche 353
vn amoureux Transy 549 transie d’amour 109
prendre au Trebuchet 550 prendre au tresbucher 126
faire vn Trou à la nuit 554 faire vn trou à la nuict 103

De surcroît, en relisant l’ensemble du texte, nous avons trouvé dans le


Francion d’autres expressions, non annotées par l’éditeur moderne:

– sept, propres à ce roman seulement


faictes m’en la raison 205
mis en besogne 204
il prendroit l’espée 206
suivre le trac des autres 254
elle a passé par les armes 266 n201
fretin-fretailler 271
veritez de la Cour 271

– une dont une variante se retrouve dans la Comédie des proverbes:


plus d’appas que la Normandie n’a de pommes 270

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142 MICHAEL KRAMER

– 26 qui réunissent le Francion et les Curiositez, à l’exclusion de la Comédie:

Curiositez françoises Francion

Aduiser 4 il luy étoit avis 56


donner des Assignations 20 donner l’assignation 68
Il en iuge comme vn Aueugle ils jugent des affaires d’Estat, comme un
des couleurs 23 aveugle des couleurs 256
Bains de Valentin 26 53
faire le Capable 71 faisant extremement le capable 256
se Chatoüiller pour se faire rire 87 se chatouilloit pour se faire rire 56
auoir la Clef des champs 105 avois la clef des champs 67
s’Esuanoüir 205 sa frayeur s’esvanouist 56
le plus Fort est fait 230 le plus fort 54
il a la Teigne cela se dit à vn inciuil il n’ostoit non plus chapeau, que s’il eust
qui n’oste point son chapeau, qui eu la tigne 251
ne saluë personne. vulg. 523
Trencher du Prince, du grand, du trancher des Nobles 252
Gentilhomme, du braue, du Poete,
&c. faire le Prince, le Seigneur,
& ainsi des autres. 551
Avoir la vogue ou estre en Vogue 577 nostre compagnie perdit un peu de sa
vogue 253
estre ou se mesler du Mestier 343 elle estoit du mestier 192
Mettre peine 345 mettre peine 56
battre comme Plastre 430 m’a battu comme plastre 204
Prendre la botte 450 il prit la botte 206
conter des Sornettes 511 il ne nous contoit que des sornettes 183
vne Suiuante 517 leurs gentils hommes suivants 257
ce n’est rien au Prix de cela ils n’estoient rien au prix de moi 261
«en comparaison» 456
Singeries 507 singerie 266
Trauerser «tourmenter. Item, il m’avoit traversé en mes jeunes amours
empescher, destourner» 550 267
Dire bien «estre bien seant, auoir bien disante 269
bonne grace. vulg.» 166 estimer son bien dire 270
vn Coup de chapeau 128 plusieurs coups de chapeau 270
discours à Perte de veuë 412 des discours à perte de veuë 271
A qui en Auez vous 23 celuy à qui il en avoit 271

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 143

Sept P. sous vn P. poüille, pulces, Pedant, peine, peur, punition, prison,


punaises, pauureté, patience, petite pauvreté, petite portion, poux, puces, et
portion, que les escoliers endurent punaises, avec encore bien d’autres, pour
sous vn Pedant. vulg. 385 chercher lesquelles il faudroit avoir un
Dictionnaire, et bien du loisir 169

– 13 qui sont partagées par les trois sources:

Curiositez françoises Francion


il a Beau dire 36 avoit beau ... 57
il a Beau faire 36
venir à Bout 57 venir à bout 54, 288
se Mettre en peine d’vne chose 345 mettre en peine 66
tout son Saoul 497 tout leur saoul 67
battre Dos & ventre 170 en la battant dos et ventre 288
ie iettay mon Bonnet par dessus je jettay mon bonnet par dessus
les moulins 49 les moulins 265
il a bien eu sa Reuenche 479 avoir sa revanche 266 n199
faire la Rencherie(9) 475 vous qui faictes des rencheris 266 n201
hacher menu comme Chair dechiqueter plus menu que chair
à pastez 78 à pastez 349
il y a Presse 454 il y a presse 269
Rire à gorge desployée 482 il chanta à gorge desployée 271
rire à gorge Desployée 159

Il n’est pas garanti que toutes les expressions burlesques aient été extrai-
tes par ce procédé, car, d’une part, Oudin acceptait même des mots indi-
viduels et des locutions grammaticales, et, d’autre part, le Francion, à la
différence de la Comédie des proverbes, n’avait pas pour but d’étaler les
prouesses phraséologiques de son auteur. Par conséquent, les phraséo-
logismes s’y trouvent dilués dans la masse du texte.

Pour compléter l’image obtenue, nous avons confronté les Curiositez


à une autre œuvre de Sorel, le Berger extravagant (1627)(10). Comme dans
le cas du Francion, les listes présentées ci-dessous ne prétendent pas à
l’exhaustivité. Nous en avons tiré, néanmoins,

(9) Oudin a ici le féminin, comme la Comédie des proverbes.


(10) Sorel, Charles, Le Berger extravagant, Paris: 1627; intr. à la réimpression:
H. Béchade, réimpr. Genève: Slatkine, 1972.

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144 MICHAEL KRAMER

– 11 expressions qui ne se retrouvent ni chez Oudin ni dans la Comédie


il faut que le bon Pasteur tonde ses brebis,
& non pas qu’il les escorche 47 / 114
Despens reseruez, & pour cause 70 / 204
ranger sous ses loix 72 / 213
il faisoit plus de grimasses qu’vn chat
qui a auallé de la moustarde 144 / 501
aussi propre qu’vn fiancé de village 167 / 591
faire l’Androgine 170 / 602
les Deesses du feu de la Saint Jean 182 / 653
ieu de Corbillons 217 / 788
mon grand pere se seruit de toy en
premieres nopces 224 / 817
quoy ce chapeau sera-t-il donc, Monsieur,
de fine laine 224 / 818
ventre affamé n’a point d’oreilles 361 / 397

et 6 qui se retrouvent dans la Comédie, et non chez Oudin:


l’homme a bien proposé, & Dieu
a bien disposé 42 / 95
cela ne leur dura non plus qu’vne fraize
en la gueule d’vne truye 116 / 386
On rappelle les Muses esgarées ainsi que
les auettes au son du chaudron 142 / 490
patience passe science 361 / 397
ie ne sçaurois auancer vn pied l’vn
deuant l’autre 371 / 438
il me semble que ie porte vne tour 371 / 438

– 53 unités qui se retrouvent chez Oudin, mais non dans la Comédie,

Curiositez françoises Berger extravagant


En Bailler à garder 26 donner à garder 495 / 34
Ie vous Baise les mains 27 ie baise les mains à la musique pour
auiourd’huy 226 / 827
il est beau garçon 36 il se rendist si beau garçon 343 / 323
de ce Biais là 42 d’vn mesme biais 746 / 788
porter le Bonnet verd 49 ceux qui font cession portent le bonnet
vert 39 / 84
faire l’Escole buissonniere 66 faire l’Escole buissonniere 356 / 377
se donner Carrière 73 se donner carrière 453 / 775

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 145

donner Carrière à ses esprits 73 donner carrière à ses esprits 453 / 775
auoir des Chambres à loüer, ou des tous ses maistres auoient des chambres à
chambres vuides dans le cerueau 78 loüer dans la teste 332 / 280
il seroit bon dans vne Cheneuiere pour espouuantail de cheneuiere 153
seruir d’espouuantail aux oiseaux 92
donner la cotte verte 124 se donnent la cotte verte 194 / 700
Coucher sur la dure 125 Coucher sur la dure 148 / 516
coucher sur la Dure 174
à tous coups 127 à tous coups 488 / 7
tout d’vn coup 127 tout d’vn coup 493 / 26
estre sur les Dents 151 ils [les moutons] tomboient sur les dents
260 / 960
il ne fera que de l’Eau toute claire & luy au contraire n’ayant fait que de
175 l’eau toute claire 326 / 256
tomber à l’Enuers, qui se dit pour les faire tomber à l’enuers 01 / 716
d’vne femme 188
il a bonne Façon 207 sa façon ne luy estoit pas desagreable
542 / 223
au Fait & au prendre 213 au Fait & au prendre 355 / 371
731 / 726
il est Feste à sa paroisse on y s’il a feste à sa paroisse, que ne
carrillonne 220 carrillonnez vous à son clocher 77 / 232
on Carrillonnera à vostre Paroisse 594
de haute fustaye 241 [Hamadryades] de haute fustaye 197 / 711
Gaster le mestier 247 vous auez tout gasté le mystere 169 / 601
où sommes nous Logez 306 en estes-vous là logé? 74 / 219
en estes vous là Logé 306
i’en suis là Logé 306
viure de mesnage 342 viure de mesnage 230 / 841
prendre au Mot 359 prendre au mot 452 / 762
il ne le vouloit pas Nourrir 373 Ne voulant nourrir mon cher Musidore
443 / 726
ombrageux 378 ombrageux 678 / 525
porter Ombre 379 faire ombre 678 / 525
remuer les escus à la Pelle 406 à quoy me sert d’auoir tant d’escus que
ie les remue à la pelle 361 / 396
Pesle-mesle 413 pesle-mesle 232 / 851
le prendre au Pié de la lettre 419 prendre au pied de la lettre 533 / 188
pilier de cabaret ou tauerne 424 pilier de cabaret 340 / 314
se piquer de bien dire 426 ie ne me picque pas de ioüer bien
du luth 226 / 827
se picquer au ieu 426 ie suis picque sur le ieu 262

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146 MICHAEL KRAMER

il m’a dit Pis que pendre 426 pis que pendre 442 / 719
nier tout à Plat 430 ie le renuoyai tout à plat 205 / 744
dire tout à Plat 430
de poinct en poinct 435 de poinct en poinct 227 / 830
faire le pot à deux anses 444 entrez en danse, faites le pot à deux
anses 196 / 709
si tu estois Prescheur tu ne il ne vouloit parler que de boire 130 / 444
prescherois que de boire 453
voyons par où l’on le pendra 453 voicy par où ie te pens 225 / 821
vne femme Publique 459 aussi publique que les carrefours 399 / 548
à la Ronde 486 à la ronde 454 / 768
Roy de la feue 488 Royaume de la feue ou des petites
escoles 348 / 343
faire Rubis sur l’ongle 489 faire rubis sur l’ongle 117 / 391
il n’est Saulse que d’appetit 498 il n’est saulse que d’appetit 361 / 397
en Taille douce 519 il n’est propre qu’à enluminer de la taille
douce 534 / 190
à Corps perdu 598 il se ietta dedans à corps perdu 199 / 711
à corps Perdu 409

– 24 unités communes au Berger extravagant, à la Comédie des proverbes


et à Oudin

Curiositez françoises Berger extravagant


Aualleur de charettes ferrées 22 ie mangerois de charrettes ferrées
361 / 397
se mettre sur le bon bout 56 se mettre sur le bon bout 227 / 829
mes boyaux crient vengeance 59 mes boyaux crioient vengeance 418 / 624
donner vne Cassade 74 donner vne cassade 468 / 824
le grand chemin de l’hospital 91 chemin de l’hospital 230 / 841
vous estes bien loing de vostre vous estes bien loin de vostre conte
Compte 114 46 / 112
loin de son compte 211 / 768
espousseter 199 espousteray 356 / 376
I’y perds mon Latin 299 [les médecins] y perdirent leur latin
202 / 732
les Mains sont faites deuant les mains ont été faites deuant
les cousteaux 317 les cousteaux 218 / 793
par monts & par vaux 354 par monts & par vaux 503 / 66
vn Pas de clerc 397 vn pas de clerc 245 / 900
il m’a Planté là 429 planté là pour reuerdir 213 / 777

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 147

tout à Point 434 tout à point 248 / 913


ie ne sçay Quoy 466 il auoit ie ne sçay quoy 202 / 730
faire vne Raffle de cinq 467 vne raffle de cinq 118 / 397
donner vne Raffle de cinq 467
Rayez cela de dessus vos papiers 470 rayez cela de vostre compte 380 / 472
Rompre la teste 486 auoir la teste rompue 462 / 800
Rouge au soir & blanc au matin, rouge au soir, blanc au matin,
c’est la iournée du pelerin 488 c’est la iournée du pèlerin 40 / 86
Seruiteur tres-humble 505 seruiteur très humble à cette maison là
226 / 827
Tout de bon 545 tout à bon 172 / 611
quel bon Vent vous meine 564 quel bon vent vous a amenez 362 / 400
Visage de bois 576 tu trouueras visage de bois 169 / 599
vn Visage 576 visages de bonne humeur 226 / 826

Les listes présentées ci-dessus se résument comme suit: 209 entrées


(2,49 %) des Curiositez sont partagées aussi par les deux romans de Sorel,
et 148 parmi elles (1,77 %) ne sont propres qu’à Sorel et Oudin, à
l’exclusion de la Comédie des proverbes. Ce pourcentage n’est pas élevé.
Certainement, si quelqu’un prenait la peine de dépouiller avec minutie les
deux textes de Sorel, la proportion pourrait s’élever jusqu’à 5 % ou plus,
qui s’ajouteraient aux 15 % déjà expliqués grâce à la Comédie des
proverbes.
Certes, la preuve la plus claire de l’influence de Sorel sur Oudin,
sinon même de sa participation personnelle aux Curiositez, avait déjà été
apportée par Émile Roy. Il s’agit de la référence directe à la première
scène du Francion (p. 53, éd. cit.), faite s.v. Bains de Valentin chez Oudin
(v. supra):
Bains de Valentin voyez le sujet de cecy dans Francion, c’estoit vn vieillard qui
s’alla baigner de nuit dans le fossé d’vn Chasteau pour se rendre
habille à coucher auec sa femme, qui fut pendant cela desbauchée
par vn autre. 26

Il convient de rappeler ici que Sorel a été, quoique brièvement, secré-


taire du comte de Cramail, à qui on attribue la Comédie de proverbes, et
que Pierre Billaine, avant d’imprimer la Grammaire françoise d’A. Oudin
en 1632, avait été le premier imprimeur du Francion. On trouvera alors
que le cercle personnel, englobant le comte de Cramail (et ses possibles
co-auteurs), Charles Sorel (secrétaire et probablement collaborateur du
précédent) et Antoine Oudin (lexicographe polyglotte, secrétaire inter-

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148 MICHAEL KRAMER

prète du roi), P. Billaine et Antoine de Sommaville (libraires-imprimeurs)


se resserre trop pour ne pas être remarqué.
À la différence des romans comiques de Sorel, où les quolibets sont
dosés suivant les besoins du sujet et ainsi éparpillés à travers le texte à
raison, en moyenne, de un par page, une autre pièce de théâtre, Les
Ramonneurs (11), constitue un précurseur de la Comédie des proverbes.
Composée aux environs de 1622 et provenant, selon A. Gill, de la féconde
plume d’A. Hardy, cette comédie burlesque contient, d’après nos calculs,
environ 360 expressions idiomatiques ou clichés, dont elle partage environ
70 avec les Curiositez françoises et la Comédie des proverbes et 127, que
nous citons ci-dessous, avec les Curiositez seulement:

Curiositez françoises Les Ramonneurs (12)


Affronter «tromper» 5 ainsi... le pratiquent les bons affronteurs 5
venir d’Aguet «auec ruse & subtilité. qn vient ici d’aguet 122
vulg.» 6
Allant «vn finet, vn rusé» 8 Quel allant ! 83
Il a tousiours quelque Arriere-boutique j’ai encore certain bout de finesse en
«quelque malice ou subtilité pour mon arriére boutique 137
la fin. Item, vn dernier effort» 18
Aualler vn bras «couper» 22 il faut que je t’avalle un bras 93
commander à baguette «absolument tu commanderas à b. 62
& imperieusement» 26
Battre froid «parler auec froideur, Hé sainte Nitouche, tant tu le bas froid...
respondre froidement» 34 8
elle ne faillira pas par le Bec [voila en bonne foy un franc bec, et] si
«elle ne manquera pas de paroles» 37 elle manque par là, je ne me fieray
jamais en beste 86
c’est vne bonne Beste «vn rusé, Que fait ma bonne beste de soeur ? 31
vn finet, vn malicieux. Le reste est, une des principales cotteries de ma
c’est dommage qu’elle n’a du laict, bonne beste de fille 146
vulg.» 41
mis au Blanc «denué de toute chose» une chambriere vous vole et met au
43 blanc 37
tomber en leurs griffes, pour estre mise
au blanc 127

(11) Les Ramonneurs. Comédie anonyme en prose, p.p. Austin Gill, Paris: Marcel
Didier, 1957.
(12) A. Gill a trouvé des parallèles chez Oudin pour la plupart (170) de ces occur-
rences. Nous en avons trouvé 21 supplémentaires.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 149

toucher au Blanc «rencontrer bien, les secrets qui font donner un amoureux
deuiner vne chose» 43 dans le blanc de ses desirs 26
Boire d’autant «boire l’vn à l’autre, boire d’a. 61
& beaucoup» 44
à quoy cela est-il Bon «pourquoy à quoi est bon cela 114
faites-vous cela» 47
il s’est tiré d’vn grand Bourbier attendu le bourbier d’où la subtilité de
«d’vn grand danger ou mauuais ses inventions ... me tire 124
affaire» 54
faire danser vn Bransle de sortie branle de sortie 81
«faire sortir ou chasser d’vn lieu» 59
où la chevre est liée, il faut qu’elle où la chevre est liée il faut qu’elle
Broute «il faut auoir patience, broute 37
s’accommoder & viure où l’on est
marié ou attaché» 64
habillé comme vn Brusleur de maisons me voir en cet equipage de brusleur de
«qui a mauuaise mine, qui a mine maisons 64, 126
de desesperé. vulg.» 66
Butter à vne chose «poursuiure, mes desseins butent au mariage 38
pretendre, auoir dessein» 67
Canarder vn homme «le tirer de loing qu’on me les tire comme Canards 34
auec vne harquebuse ou mousquet» 71 nous tirerons ces rustres comme Canards
56
il a des Carolus «il est riche, il a force avez vous point un Carolus dans vos
argent. vulg.» 73 chausses ? 4
estre en Ceruelle «en inquietude, ne la tenez plus en cervelle 147
en doute» 77
c’est vn bon Chaland «vn bon quelle chalande ! 147
compagnon, vn finet. vulg.» 78
Charger d’appointement «idem. chargeons d’appointement 56
[battre]» 84
il iure comme vn Chartier il jure comme un chartier embourbé 52
«quelques vns y adioustent embourbé.
i. il iure excessivement» 85
iamais bon Cheual ne deuint rosse jamais b. c. ne devint rosse 118
«iamais homme de bonne nature ne
deuint lasche» 95
cét habit vous est fait comme de Cire la voila faite sur vous comme de cire 68
«il vous sied bien, il vous ioint bien
au corps. vulg.» 105
Compter sans son hoste «resoudre Tu comptes sans ton hôte 106
vne chose seul, ou se l’imaginer, sans
auoir la volonté ou consentement
des autres» 115

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150 MICHAEL KRAMER

la Coquille luy demange «elle a des ta coquille ne laisse pas de baailler


ressentimens de nature. Elle est en attendant la marée 8
aage d’estre mariée. vulg.» 119
faire des Coruées «du trauail ou cette corvée au service de la valeur du
du chemin en vain» 123 monde 6
Courir fortune ou hazard «estre elle court fortune d’estre enfilée chaque
en danger» 131 moment 111; 133
la Courte «mot enfantin, i. le membre» ma courte 121
132
le Courtaud «le membre viril» 133 votre Courtaut s’est donc debridé 101
ils cherchent leur Curée «se dit des quel besoin est-il de ... leur servir
Sergens qui cherchent à prendre de curée 155
quelque chose. vulg.» 145
flatter le Dé «ne pas faire vne chose que sert de flatter le Dé? 151
auec resolution; ne pas dire ou faire
librement. vulg.» 147
belle Deffaitte, par ironie «mauuaise une defaite malicieuse 156
excuse. vulg.» 148
en voulez vous Descoudre «voulez jeûner son ventre toute la semaine pour
vous faire comme les autres, voulez en decoudre le Dimanche 36
vous boire, manger, ioüer,
&c. vulg.» 154
venir au Dessus d’vn affaire «arriuer sans venir audessus de leurs pretentions
à la fin, la surmonter» 161 136
Doubler le pas «marcher viste» 171 doublons le pas 15; 61
vne Duppe «celuy qui trompe, & celuy 7, 38, 147
qui se laisse tromper» 173
Endormeur de mulots «vn qui donne quelle endormeuse de Mulots 22
de belles paroles. vulg.» 181
à l’Enfourner se font les pains cornus 44
«les fautes se font d’ordinaire au
commencement» 184
l’Ennemy «le Diable. vulg.» 185 ce Capitaine qui est un vray ennemy 20
c’est vn Ennemy «vn fascheux homme, [ce Capitaine qui est un vray ennemy 20]
vn meschant. vulg.» 185
n’y allez qu’à bons Enseignes et ne veut point choquer qu’à bonnes
«qu’auec asseurance, & consideration» enseignes 100
186
Entrelarder ses discours «les mesler. petits contes entrelardez de qques airs 96
Metaph.» 187
Escorcher le Renard «rendre gorge» couché par terre, avec le Renard qu’il
192 vient d’ecorcher 90
perdre l’Escrime «ne pouuoir remedier j’y perdray mes Escrimes 93
à vne chose. Item, ne comprendre pas,
ne pouuoir venir à bout» 193

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 151

pousser le temps auec l’Espaule pousser le tems à l’epaule 156


«attendre auec patience» 195
chausser les Esperons «poursuiure» de peur que je ne luy chausse
197 des Eperons 35
tirer son Espingle du jeu «sortir d’vn tu as retiré notre Epingle du jeu 145
affaire sans encourir de dommage»
198
Esplucher vne chose «la considerer j’éplucherai la contenance du rustre 10
par le menu» 198
de son Estoc «de son propre: de soy de mon Estoc 158
mesme» 201
Faire conte, cas, estime, estat faites Etat d’avoir ... mille affronts sur
«estimer» 209 les mains 37, 75
Faire foy «tesmoigner» 212 les papiers en feront foy 115
c’est mon Fait «cela m’accommode, il y a de l’heur en ton fait 122
cela m’est propre» 212
Fendre le vent «courir viste. vulg.» la paillarde a fendu le vent 91
217
Filer doux «parler doucement, la Canaille file doux 35
s’excuser, s’humilier» 224 Filons doux 114
Fleute d’Allemand «vn grand verre. j’aimerois mieux celui [un concert]
vulg.» 227 des flutes d’Alleman 63
du Flux «interiection, pour donner autrement flus 78
à entendre que l’on n’accorde pas
ce qu’vn autre dit. vulg.» 228
esprit Friand «subtil» 236 petite friande 146
il n’est pas marchand qui tousiours il n’est pas marchand qui ne pert
Gaigne «que l’on ne peut pas et ne gagne 37
tousiours gaigner» 243
Garce à chiens «putain infame» 245 une garce à chiens fessée depuis 3 jrs 128
se coupper la Gorge «se battre, le suborneur se coupe la gorge avec moy
s’entretuër» 252 154
Graisser les mains ou la patte si vous ne graissez les mains jusques à
«corrompre par presens» 255 des Bedeaux 37
qui ont ravy ma soeur, en te graissant
la gueule et les mains 91
fort en Gueule «grand parleur» 262 fort en gueule 87
il n’a pas besoin de grand hyuer ce petit tendron de Ramonneuse qui
«il est foible, il est necessiteux; il n’a n’a pas besoin de fort Hyver 87
pas besoin de grande incommodité,
ou de grande despense. vulg.» 272
ie n’en Iette pas ma part aux chiens un Espion d’Amour ... me fait la mine de
«i’y pretends quelque chose, i’en veux n’en quitter pas sa part aux chiens 10
auoir ma bonne part» 280

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152 MICHAEL KRAMER

nous ioüerons beau Ieu «nous serons 121


bien de l’execution» 281
Ioüer de son reste «hazarder tout. il faut jouer de son reste 82
Se desesperer» 286 une telle femme que moy joue de son
reste 106
il est Iuré de son mestier «habile Dame Bonne merite d’estre jurée
homme» 291 du mestier 25
il iure comme vn Chartier «quelques uns jurer comme un charretier embourbé 52
y adioustent embourbé» 85
vieille Lampe de conuent «vieille vielle lampe d’Ecurie 54
putain de Moines. vulg.» 294
Leuer des estoffes «les prendre ou je leveray les esguillettes de ta vilaine
achepter chez le Marchand» 301 peau 9
prendre le Lievre au son du tambour cela s’apelle ... prendre les Lievres au son
«faire vne chose impossible; ou bien, du Tambour 44
faire bien du bruit pour faire
connoistre nostre dessein» 305
vne Lippée «vn bon repas» 306 mon vilain voudra ses lipées franches 37
vne Louue «vne femme tres-luxurieuse, louve 54
vne grande putain» 311 cette louve insatiable 130
partir de la Main «commencer sa a celle fin que tu partes de la main 62
course, aller viste» 318
ne pouuoir Mais d’vne chose «n’en voilà de tristes nouvelles à mes dents
estre pas coulpable» 318 qui ne peuvent mais de la folie 5
tel porte la peine de sa folie qui n’en
peut mais 44
Maistre Aliborum «vn homme qui les autres ne sçavent donc rien, et vous
se mesle de toutes choses» 319 estes un Maître Aliborum 102
Matoiserie «ruse, finesse» 337 66
faire le Mauuais «bien du bruit, & peu adieu, mauvais 35
de mal» 337 ... pour voir si ce mauvais nous estropiera
comme elle le dit 113
descouurir la Meche «descouurir sa mesche est decouverte 10
la malice ou finesse. vulg.» 338
des Mieux «extremement bien» 347 des mieux 67, 78
vn Morgant «vn qui fait bien du bruit, ce Morgant le Geant de frere aproche 27
vn qui fait le mauuais» 356
vn Muguet «vn mignon de Dames, certain Muguet qui fait le beau fils 32
vn qui fait le beau» 364
petite Oye d’habit «des jarretieres, ce ... service te vaut un habit neuf,
des esguillettes, vn cordon de chappeau, accompagné de sa petite oye 58
&c.» 385
hazarder le Pacquet «hazarder je hasarderay le paquet 53
vne affaire. vulg.» 386

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 153

se tirer ou sortir hors du Pair «sortir le mariage tire son honneur du pair 100
hors de l’embarras, hors du danger,
hors du dommage» 389
c’est vn bon Pelerin «vn finet, voicy mon pelerin 17
vn malicieux» 406 pour avoir de certaines nouvelles de ma
pellerine 100
à corps Perdu «desesperément; auec l’huis de Bonne entrebaillé m’invite
toute sorte de violence» 409 d’y entrer à corps perdu 70
à Corps perdu «de toute sa force,
auec violence» 598
tirer Pied ou aile «tirer quelque chose [dont] la gueuse importune tire toûjours
d’vne personne qui nous doit» 420 cuisse ou aisle 140
le Pigeon est au colombier [il] fait le meilleur pigeon de son
«il est attrappé, il est pris» 423 coulombier 140
Pilier de bordel «vn putassier» 424 vous connaissez ... ce vieux pillier
de bordel 131
vne Pimbesche «vne malicieuse» 424 la petite pimbeche de soeur n’a pas tant
mal fait 92
il n’y a que la premiere Pinte de il n’y a rien que la premiére pinte chere
chere «que le commencement qui fait 20
de la peine. vulg.» 425
Pisseuse «iniure qui se dit à vne fille dire trois mots à l’aureille de cette
.i. vne femelle» 427 pisseuse 20
il y a laissé des Plumes «il y a fait que cette vieille Dupe n’y laisse encore
beaucoup de despenses» 433 ses plumes 107
Plumer la poule «viure chez s’il reste poule à plumer par tout où
les païsans» 433 nous passerons, je veux que l’on me
tonde 31
à Poinct nommé «iustement à temps» ..., qui reussit à point nommé 61
435 ce Monsieur Philippes favorise
tes desseins de son absence comme à
point nommé 122
arrouser le Porte-mors «boire, sus, arrouse le portemors 79
moüiller la bouche» 440
vn Poullet «vn petit mot de lettre que chargée d’un poulet 42
l’on enuoye à vne Maistresse, &c.» 447 où est le poulet que tu lui viens
d’aporter ? 54
le Principal «de l’argent. Item, parlons du principal 238
du vin» 455
à Pur & à plein «entièrement, une vingtaine de vieux Ecus ...
librement» 460 vous liberent à pur et à plein 130
à la Queüe git le venin «à la fin est à la queüe git le venin 114
le mal, ou la difficulté» 463
vn escu en fera la Raison «pour vne piéce de dix sols en fera la raison 74
vn escu nous en serons quittes» 468

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154 MICHAEL KRAMER

c’est le Refrain de la ballade «l’issuë voila le contrepoison et le refrein


ou la fin; ce que d’ordinaire il dit de la balade 23
lors qu’il demande quelque chose,
c’est où tend tout son discours» 471
faire ioüer vn Ressort «employer faire jouer le ressort de mes ruses 119
quelque moyen ou inuention» 479
le Reste de mon escu, rien qui vaille où estes vous, reste de mon Ecu ? 121
«cecy se dit en voyant arriuer quelque
bon compagnon» 479
vn Sac à vin «vn yurogne» 492 90
Saigner du nez «ne pas tenir ce que 72
l’on a promis. Item, n’auoir point
de fermeté, ou de courage. vulg.» 493
sainte Mitouche ou Nitouche s. Nitouche 8
«vne femme qui fait la discrette
ou retenuë» 495
à la Sourdine «idem [secrettement]» quelque joly message à la sourdine 42
515 boire un coup à la sourdine 81
faire la Succrée «la modeste, Mademoiselle la sucrée 74
la retenuë» 516
Taxer vne personne «la diffamer, telle consequence ne taxe que l’Imposture
la charger de quelque vice» 523 de ces flateurs 18
vn ieune Tendron «vne jeune fille» ce petit tendron de Ramonneuse 87
525
vous ne Tenez rien «vous n’aurez pas 31, 56, 90, 147
ce que vous pretendez» 527
faire vn Tour de ville «auoir le foüet en danger de faire ... le tour de Ville 114
par les carrefours» 543
venir à la Trauerse «s’opposer comme un éclair à la traverse 24~
à vn affaire» 550 nous luy jetterons quelques paroles
à la traverse 40~
Tripes & boudins «tout entierement» Les sergens se donnent au Diable trippes
552 et Boudins 29
des Triqueniques «des sottises» 552 Ramonneur de Tricquenique 82
vne Vache à laict «vne personne dont une vache à lait qui la nourrit ... six mois
on tire longtemps du proffit» 559 l’année 106
faire le bon Valet «apres auoir gardons d’y tomber nous mesmes
manqué en quelque chose, estre en faisant les bons valets 109
assidu au seruice, se rendre officieux
outre l’ordinaire» 560
enfiler la Venelle «fuir. vulg.» 563 enfilons la venelle 34

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 155

Voir vne femme «coucher auec elle» - Et vous a veüe ? - Ouy, mais des yeux
578 seulement 38
je ne vous la sçaurois faire voir 149
Mlle Madelon ne se voit plus que
d’un mary 150
Vuider d’affaire «expedier, sortir despeschons de vuider d’affaires 102
d’affaire» 582
c’est grand Cas «c’est vne estrange cas étrange 162
chose» 595

Le lecteur aura remarqué par ailleurs les disparités formelles entre


certaines locutions de Sorel et leurs correspondances chez Oudin. Il est
naturel que, tandis que Sorel joue avec les expressions, Oudin essaie de
les normaliser, lorsqu’il a le loisir de le faire. C’est de moins en moins le
cas au fil du temps, car, pressé de publier son recueil, Oudin finit par s’ap-
proprier plus de mille entrées de la Comédie des proverbes presque sans
les modifier.
En plus des variations formelles des expressions, la dimension impo-
sante des romans semble compliquer la tâche de l’emprunteur, qui devrait
consacrer plusieurs semaines à dépouiller des centaines de pages de texte
suivi. Peut-être, était-ce bien le procédé d’Oudin au départ.
Les ensembles de locutions, cités ci-dessus, se recoupent. Certaines
locutions semblent voyager d’un texte à l’autre. Telle la locution à corps
perdu qu’on trouve dans le Berger extravagant et dans les Ramonneurs. Le
sort de cette locution chez Oudin semble appuyer notre hypothèse.
D’abord, la locution aurait pu être extraite des Ramonneurs, munie d’une
définition par Oudin et placée s.v. corps. Une autre fois on la tire du Ber-
ger, et elle se retrouve chez Oudin avec une nouvelle définition s.v. perdre.
Il semble que personne n’a pris le soin de réduire ces deux entrées, faute
de temps, de patience ou d’application.
L’importance des sources littéraires dans l’établissement du corpus
des Curiositez devient plus évidente, lorsqu’on se rappelle la tâche qu’Ou-
din s’était donnée. Bien que sa biographie contienne plus de pages
blanches que de lignes écrites, on peut voir, d’après certains indices indi-
rects, que, dès le début des années 30, Oudin entretient des rapports rela-
tivement étroits avec un certain nombre d’étrangers. Il dédie sa Gram-
maire de 1632 «aux comtes André et Raphael de Lesno, fils du palatin de
Bels», et celle de 1640, ainsi que les Curiositez, au comte de Waldeck.
L’édition de 1632 de sa Grammaire est précédée d’une lettre d’apprécia-
tion signée par un gentilhomme allemand Iona Chromander. Dans la dédi-

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156 MICHAEL KRAMER

cace des Curiositez il parle d’un emploi dont le comte de Waldeck l’ho-
nore et de son espoir de continuer ses services.
Il est plausible que, suite aux parutions du Francion et de la Comé-
die des proverbes, les patrons étrangers d’A. Oudin aient voulu les lire.
Cela donna à Oudin l’idée de faire un supplément aux dictionnaires exis-
tants dans lequel il expliquerait à ses lecteurs les expressions idiomatiques
et les situations de leur emploi. Il réalise ainsi ses projets de lexicographe,
tout en rendant un service à ses mécènes. Le meilleur procédé pour
constituer un dictionnaire de ce genre consiste à puiser le lexique direc-
tement dans les ouvrages que ses patrons voudraient lire de toute
manière. Ainsi, par exemple, en dépouillant le volumineux Berger extrava-
gant, Oudin a gagné du temps par rapport à la constitution laborieuse, par
lui-même, d’un fichier lexicographique indépendant.
L’interprétation des faits et des chiffres présentés ci-dessus se réduit
alors à une alternative: ou bien A. Oudin s’est servi directement des
ouvrages susmentionnés, ou bien A. Oudin et les auteurs de ces ouvrages
ont utilisé les mêmes sources. Les affinités frappantes et un nombre de
fautes communes semblent permettre de trancher en faveur de l’emprunt
direct à la Comédie des proverbes. La séquence chronologique «1633
(Comédie des proverbes) - 1639-40 (Curiositez françoises)» va dans le
même sens. On pourrait, semble-t-il, appliquer le même raisonnement à
Sorel et aux Ramonneurs.
Au total, le nombre de locutions réunies dans les œuvres examinées
s’élève à quelque 2000. On aurait beau prétendre que, grâce à la mode du
temps et à une mémoire entraînée par le système scolaire, les soi-disant
«proverbes», souvent les mêmes, se trouvaient dans tous ces textes
presque simultanément et à l’improviste, sous le coup de l’inspiration. Si
tel était le cas, chacun des auteurs devrait posséder une mémoire active
d’ordinateur qui lui permît de sortir la bonne expression au bon endroit.
On admettra plutôt l’existence de «cahiers de quolibets», regroupés par
thèmes: querelle, argot, compliments, bonne chère, ivrognerie, galanteries,
flirt, rodomontades, obscénités, jeu de paume, jeux de cartes, cupidité, pau-
vreté, richesse, etc. D’ailleurs, cela s’accorde bien avec le fait que tout
intellectuel de l’époque tenait un «cahier de lieux communs» qu’il pouvait
utiliser pour embellir ou pour appuyer d’autorités ses écrits ou harangues;
même le cardinal de Richelieu semble en avoir eu un(13).

(13) Mousnier, Roland, L’homme rouge, ou la Vie du cardinal de Richelieu, Paris:


Robert Laffont, 1992; p. 473.

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SOURCES LITTÉRAIRES DES CURIOSITEZ FRANÇOISES 157

Ainsi, le problème des sources d’Oudin rencontre celui des sources


du comte de Cramail, de Sorel, etc. Les auteurs de l’époque lisaient, pre-
naient des notes, «empruntaient» (volaient) des bons mots et de belles
idées. La circulation des manuscrits dans les coteries était largement pra-
tiquée et précédait, sinon remplaçait, la publication typographique. Les
contemporains d’A. Oudin évoluaient dans une ambiance de l’inédit, dont
aujourd’hui il ne nous reste que des traces en pointillés.
Probablement, dans une des coteries, on a essayé, pendant quelque
temps, de produire des ouvrages faits entièrement de soi-disant «pro-
verbes». Dans le Francion et dans le Berger extravagant, Sorel parle
de telles pièces. Les essais de ce genre devaient se lire à haute voix et
circuler à l’intérieur d’un milieu, en s’ajoutant aux jeux et aux ballets de
proverbes, et en accumulant les écots d’autres participants. Paru anony-
mement en 1633, le petit chef-d’œuvre phraséologique de la Comédie des
proverbes couronnait ainsi des années d’essais inédits.
Les renseignements biographiques sur Oudin sont trop pauvres pour
qu’on puisse savoir s’il a appartenu à la même coterie que Sorel ou s’il
n’a eu accès qu’aux ébauches, «cahiers» ou imprimés de cette coterie.
Quoi qu’il en soit, grâce à Oudin nous possédons le premier glossaire
assez complet des œuvres burlesques. L’exploitation de la Comédie des
proverbes, de Sorel, des Ramonneurs – ou de leurs sources – lui a fourni
à peu près 20 % de son inventaire phraséologique. Cela explique la
sensation de déjà-vu lexico-phraséologique qu’on éprouve en lisant, à
peu d’intervalle, plusieurs ouvrages de l’époque.
Restent pourtant, parmi les Curiositez, plus de 6000 locutions qui ne
semblent pas être représentées dans les œuvres littéraires examinées ici,
ce qui, en mettant davantage en évidence les mérites d’Antoine Oudin,
constitue un autre défi pour le chercheur. Restent également des centaines
d’expressions, éparpillées à travers les œuvres d’auteurs burlesques,
qu’Oudin n’a pas recueillies. Cela peut signifier que le vrai macro-recueil,
primitif, inédit et plus complet, du lexique burlesque, éparpillé dans les
cahiers manuscrits, qu’on le baptise «proto-Oudin» ou «Cahiers du comte
de Cramail», n’a toujours pas été trouvé.
Michael KRAMER

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NOUVEAU REGARD
SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE»(*)

Le texte de 105 octosyllabes conservé à la Biblioteca Medicea Lau-


renziana de Florence (LXIV, cod. 35) et généralement connu comme
«Fragment [d’un roman] d’Alexandre» a été l’objet d’études nombreuses
et de plusieurs éditions de référence dont celles de Paul Meyer, 1886,
Alfred Foulet, 1949, F. F. Minetti, 1977, Mölk-Holtus, 1999. La nôtre se jus-
tifie non tant d’éclaircissements philologiques nouveaux que de méthodes
de lecture, textuelle et historique, appliquées précédemment à divers
poèmes narratifs médiévaux (Lafont, 1998b, 366, n. 4). Le Catalogus codi-
cum latinorum Bibliothecæ Mediceæ Laurentianæ, édité en 1775 sous les
auspices de Pierre Léopold de Toscane, avait déjà bien cerné le problème
de cette insertion: «Notandum inter paginas 115 & 116 quæ ad supplen-
dam lacunam vacuæ supererant, fuisse æque antiqua manu interposita
Gallica quædam carmina in laudem Alexandri Magni, quæ inc.
Dit Salomon ad primier pas
Quant de son libre mot
Lo clas est vanitatum vanitas...»
Pour Mölk-Holtus, 1999, 584-590, le copiste du Quinte Curce avait
effectivement laissé une lacune à la fin du binio 113-116. Son texte est
coupé à la deuxième ligne de 115rb, et une main moderne (probablement
du XVIe siècle) a ajouté en marge: «Hic deficiunt ut in aliis codicibus.».
Sur cette même page, à la ligne 7, se lit le premier vers du texte roman.
On le retrouve en tête de la copie sur deux colonnes qui occupe 115v;
cette copie est elle-même accompagnée à 116r d’une suite sur une colonne
de toute la largeur de la page, d’une autre main et interrompue sur la
lettrine V (où MH voient l’abréviation de vacat).
L’hypothèse des récents éditeurs est que le copiste a effectivement
commencé son travail à 115rb, et, s’apercevant que son encre bavait par

(*) Nous remercions pour l’aide apportée à divers moments de cette recherche nos
collègues Geneviève Brunel-Lobrichon, Jean-Pierre Chambon, Jean Chocheyras,
Peter Ernst, Georg Kremnitz, Lucia Lazzerini, Gaston Tuaillon et M. Claude
Husson, ainsi que Gilles Roques pour avoir encouragé l’élargissement de ce qui
n’était d’abord qu’une «note».

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160 ROBERT LAFONT

un défaut du support, a recommencé à 115v. Elle nous paraît peu vrai-


semblable. Cette ligne isolée est d’une écriture négligée qui fait plus pen-
ser à la main B qu’à la main A. Et l’on se demande pourquoi une copie
aurait été commencée maladroitement sur une page déjà partiellement
occupée pour reprendre si soigneusement sur la totalité d’une page vierge.
Nous y voyons plutôt un appel de texte.
La page 115v a été en effet rigoureusement réglée et les deux
colonnes distribuées sur deux mêmes largeurs. À 116r, tout change: l’écri-
ture est beaucoup plus maladroite, le réglage insuffisant ne contrôle pas
l’horizontalité des lignes, les ratures sont nombreuses. MH ont de plus
relevé des différences calligraphiques: jambe de r prolongée sous la ligne
chez B (aussi dans la ligne isolée sur 115rb, autant qu’on puisse en juger
sous la bavure), y présentant une jambe moins oblique, a traîné sur la
ligne et opérant des liaisons.
Quant au motif de la lacune et de son remplissage, il a été bien vu
au XVIe siècle: «ut in aliis codicibus». Mölk-Holtus, 586, confirment: «die
Curtius- Hs., der wie allen anderen die beiden ersten Bücher fehlen, nichts
über Alexanders Kindheit bietet».
Ce qui nous conduit à la conclusion que ces feuillets, qui auraient dû
concerner la naissance et l’enfance d’Alexandre, sont restés blancs, aucun
témoignage manuscrit ne permettant de les compléter, jusqu’à ce qu’un
copiste ait eu l’idée d’en emprunter la matière à un texte poétique roman.
Cette opération est, comme le remarquent les mêmes MH, 585, «kultur-
geschichtlich von hoher Bedeutung». Donnons lui toute sa portée: la tra-
dition littéraire médiévale se substitue là à l’historien antique. La vérité
change de source.
La critique textuelle du Fragment doit donc considérer trois objets: le
manuscrit d’insertion de Quinte Curce, le texte inséré et le manuscrit
inconnu, remontant à AlexO, sur lequel il est copié.
Sur le premier objet, on sera d’accord avec Mölk-Holtus et leurs garants
(584, n. 10): il s’agit d’un manuscrit de main française, probablement du
IXe siècle, à rapprocher des autres exemplaires, le Vossianus Latinus Q 20
(Tours), le Bernensis 451 (Ferrières) et le Parisinus Latinus 5716 (Auxerre).
Le problème naît s’il s’agit d’expliquer le passage à la Laurenziana.
La théorie défendue par les deux philologues allemands est que ce
manuscrit est passé par un scriptorium franco-provençal, a été mis en
vente à Lyon, place commerçante de tels objets, où il aurait été acheté par
Cosme de Médicis. De l’aveu des auteurs, ce n’est qu’une hypothèse, et
«der Weg von dort (Lyon) nach Florenz lässt sich nicht präzisieren».

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 161

Hypothèse qui nous paraît tout entière contrainte par le préjugé, sur
lequel nous allons avoir à revenir, repris comme par réflexe à ce niveau
de démonstration, d’une localisation en Gaule sud-orientale de tout ce qui
touche à AlexFl, y compris le livre où son fragment a été glissé.
En acceptant que le Curtius ait été réalisé dans la zone ligérienne, il
serait plus simple et plus naturel de supposer sa circulation à l’intérieur
du réseau bénédictin, avec ou non escale, jusqu’en Toscane, où il y a une
très grande abbaye qui peut, bien avant la bibliothèque médicéenne, lui
servir d’accueil, Vallombrosa.
Rien ne s’oppose à ce qu’AlexFl ait pris le même chemin, et que la
rencontre ait eu lieu là. À émettre une hypothèse, nous choisirons celle
qui raccourcit le plus le chemin suivi par les objets textuels, tant du point
de vue des dates que des motifs de parcours, celle qui en somme connecte
le mieux AlexFl, AlexO et LXIV, 35.
Sur ce chemin, nous rencontrons un personnage et traversons des cir-
constances qui nous ont déjà aidé à situer la rédaction première du poème
de Girart de Roussillon (Lafont, 1995, 255-261). Le cadet de la maison de
Melgueil, Pons, filleul du cardinal légat Rainier, pape sous le nom de
Pascal II, a été oblat à Vallombrosa. Devenu abbé de Cluny à 21 ans et
consacré par l’archevêque Guy de Vienne, qui sera Calixte II, on le voit
dans les premières années de sa charge (entre 1114 et 1116) fréquenter à
la fois Saint-Martial de Limoges et Saint-Benoît-de-Polirone, l’abbaye
impériale de Pavie. En relation avec le temps et le lieu de sa formation,
il y a la savante comtesse de Toscane, Mathilde, dite de Canossa, respon-
sable de l’édition des Pandectes et grande protectrice de Vallombrosa,
enterrée en 1115 à Saint-Benoît-de-Polirone.
«Cantent la a Pavie et a Mergui», dit d’elle-même la chanson de
Girart. Que Pons ait été commanditaire de ce poème clunisien d’idéologie
impériale (avant qu’il ne fût versé à la cause de Vézelay et des Capétiens,
Lafont, 1995) ne peut que nous suggérer de placer aussi dans sa mou-
vance cléricale et politique, sinon directement la composition d’AlexO, du
moins la circulation qui mène de lui à AlexFl.
Sans doute faut-il faire un sort au v. 31 de cet AlexFl: qu’anz fud de
ling d’enperatour. Cette distorsion d’histoire, faisant d’Alexandre un empe-
reur par la naissance, pouvait servir la cause d’Henri V, dans la période
où se prépare la signature avec Calixte II du concordat de Worms (1122).
Ainsi l’insertion dans le Quinte Curce des 105 vers, réunissant les
trois objets, mais aussi Cluny, la cause impériale, Saint-Martial et la

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162 ROBERT LAFONT

Toscane, cesse d’être un hasard opaque à l’analyse et s’intègre à l’histoire


littéraire comme à l’histoire des pouvoirs européens(1).

AlexFl: le texte.
Cette hypothèse soutenue, il faut à sa lumière lire le texte, restitué tel
qu’il a échoué dans la Bibliothèque des Médicis, on ne sait à quelle
époque, sauvé par son insertion latine, cependant que son entier et son
modèle, AlexO, se perdait.
115va
Dit Salomon al primier pas
quant de son libre mot lo clas:
«Est vanitatu(m) vanitas
et universa vanitas.»
5 Poyst lou me fay m’enfirmitas,
toylle-s’en otiositas
solaz nos faz’antiquitas
que tot non sie vanitas.
En pargamen no’l vid escrit
10 ne p(er) parabla non fu dit
del temps novel ne de l’antic,
nuls hom vidist un rey tan ric
chi p(er) batalle & p(er) estric
tant rey fesist mat ne mendic
I5 ne tanta terra cu(n)quesist
ne tan duc nobli occisist
cu(m) Alexander Magnus fist`
qui fud de Grecia natiz.
Rey furent fort & mul podent
20 & de pecunia manent,
rey furent sapi & prudent,
& exaltat sor tota gent,
mas non i ab un plus valent
d’echest du(n) faz l’alevament.
25 Contar vos ey pleneyrament
de l’Alexandre
115Vb
mandament.
Dicunt alquant estrobatour
que’l reys fud filz d’encantatour.
Mentent fellon losengetour,
30 mal’en credreyz nec un de lour,
qu’anz fud de ling d’enperatour

(1) Foulet, 1949, 5 a entrevu cette intégration, parlant d’un «Alberic’s ‘secular’ turn
of mind».

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 163

& filz al rey Macedonor.


Philipppus ab ses pare non,
meyllor vasal non vid ainz hom.
35 Echel ten Gretia la region
e’ls porz de mar en aveyron.
Filz fud Amint’al rey baron
qui al rey Xerse(n) ab tal tenzon.
Et prist moylier dun vos say dir
40 qual pot sub cel genzor iausir.
Sor Alexandre al rey d’Epir,
qui hanc no degnet d’estor fugir,
ne ad enperadur servir,
Olimpias donna gentil,
45 dun Alexandre genuit.
Reys Alexander quant fud naz
p(er) granz ensignes fud mostraz,
crollet la terra de toz laz,
toneyres fud & tempestaz,
50 lo sol p(er)det sas claritaz,
p(er) pauc no fud toz obscuraz.
Ianget lo cels sas qualitaz,
que reys est forz en terra naz.
En tal forma
116r
fud naz lo reys
55 non i fud naz emfes anceys.
Mays ab virtud de dies treys
que altre emfes de quatro meys.
Si’l toca res chi micha peys
tal regart fay cu(m) leu qui est preys.
60 Saur a lo peyl cu(m) de peysson,
tot cresp cu(m) coma de leon,
l’un uyl ab glauc cu(m) de dracon,
& l’altre neyr cu(m) de falcon.
De la figura en aviron
65 beyn resemplet fil de baron.
Clar ab lo vult beyn figurad,
saur lo cabeyl recercelad,
plen lo collet & colorad,
ample lo peyz & aformad,
70 lo bu subtil non trob delcad,
lo corps d’aval beyn enforcad,
lo poyn e’l braz avigurad,
fer lo talent & apensad.
Mels vay & cort de l’an primeyr
75 que altre emfes del soyientreyr.
Eylay o vey franc cavalleyr,

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164 ROBERT LAFONT

son corps p(re)sente volunteyr.


A fol omen ne ad escueyr
no deyne fayr regart semgleyr.
80 Aisi’s conten en magesteyr
cu(m) trestot teyne ja l’empeyr.
Magestres ab beyn affactaz
de totas arz beyn enseynaz
qui’l duystrunt beyn de dignitaz,
85 & de conseyl & de bontaz,
de sapientia & d’onestaz,
de fayr’ estorn & prodeltaz.
L’uns l’enseyned beyn parv mischin
de grec sermon & de latin,
90 & lettra fayr’en pargamin,
& en ebrey & en ermin
& fayr’a seyr & a matin
agayt encu(n)tre son vicin.
Et l’altre doyst d’escud cubrir
95 & de ss’espaa grant ferir,
& de sa lanci’ en loyn iausir,
e senz fayllenti’ altet ferir.
Li terz ley leyre & playt cabir,
e dreyt del tort a discernir.
100 Li quarz lo duyst corda toccar,
& rotta & leyra clar sonar,
& en toz tons corda temprar,
p(er) se medips cant ad levar.
Li quinz des terra misurar
105 cu(m) ad de cel entrobe mar.
V

REMARQUES - Pour les corrections, Mölk-Holtus hésitent entre la main A,


la main B, et une troisième main. Il nous paraît exclu que pour une copie hâtive et
interrompue, on ait eu recours à un superviseur. Le plus probable nous semble être
que les corrections sont de B. - V. 1, avant le texte, une tache; 12, à nuls, s a été
ajouté en correction à l’étroit. - 18, à natiz la forme de z final est vraiment proche
de t. - 22, à sur le u a été refermé en o. - 22-23, rature en milieu de ligne après gent
pour effacer un M lettrine, repris en corps normal. - 31 - quunz: u corrigé en a - 38,
tenzun, u corrigé en o. - 41 - fur corrigé en sor par rature partielle. - 52, sal, l corrigé
en s. - 58, chi micha peys: caractères plus petits et mal alignés. - 60 - peyson, un s
ajouté. - 61, après tot, esquisse de trait vertical; après cresp, un point de fin de vers
par erreur. - 70, à non, un trait parasite à o (fait croire à a ); - 74, primer, y ajouté
au-dessus de la ligne sur e (pourrait être primyer ). - 75- lu soyientieyr jusqu’à MH,
qui corrigent i en r (cf. Commentaire). - 76, u corrigé en o. - 80, aysionten: s ajouté
entre i et o et c en dessus. - 94, dust, y ajouté au-dessus et u corrigé en o. - 95,
ssesspaa, le deuxième s est mis entre les deux poins d’annulation. - 98, tez, z corrigé
en r et z large ajouté; à playt, y rajouté. - 99, discerniz, z corrigé en r. - 105, large
rature entre de et cel pour recouvrir un entrobe anticipé.

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 165

AlexO: sa postérité, sa situation générique et historique.


Il est intéressant de noter que nous avons d’un Alexandre qui pour-
rait être AlexO une mention dans le fameux ensenhamen de Guerau de
Cabrera. On sait que dans cette pièce le troubadour catalan reproche par
jeu à un jongleur nommé Cabra d’ignorer un nombre important de
poèmes narratifs. Il lui dit en particulier dans le cinquantième tercet:
ni del bon rei
no’n ’sabs que’s fei
d’Alexandri fil Filipon.

Si nous adoptons pour la datation de cette pièce (Lafont, 2001) la


fourchette proposée par son éditeur A. Pirot, soit 1150-1165, nous sommes
en droit de penser que, vers ce milieu du XIIe siècle, cet AlexO a été déjà
largement diffusé, avec tout ce qui est du bagage d’un joglar contador.
AlexO, nous l’avons dit, est disparu et inconnaissable. Mais il a deux
postérités arrivées jusqu’à nous, en transparence desquelles il est permis
de voir quelque chose de lui. Rappelons rapidement les données de cette
intertextualité.
La première est francique occidentale. Sa rédaction d’origine a été
fixée à 1120-1130 par Ehrismann (1922, repris par Hofer, 1949). Elle com-
porte trois états manuscrits: un texte de Vorau, que nous codons AlexVo,
et un texte de Strasbourg, du XIIe siècle, AlexS, détruit pendant la guerre
de 1870, enfin un texte de Bâle, du XVe. Les deux derniers remontent à
un état commun x (Foulet, 7).
AlexVo, dans ses deux cents premiers vers, suit de très près AlexFl,
ce qui permet «triangulairement» d’assurer la filiation AlexO-AlexFl et de
prendre AlexVo lui-même comme une traduction d’AlexO.
Cette traduction est signée dans le corps du texte: iz… der Pfaffe
Lambret (AlexVo, v. 4) et der gûte phaffe Lampret (ibid. v. 1530). On
donne traditionnellement à cet auteur le nom de «curé Lamprecht». On a
de lui un autre texte, une légende de Tobie, où l’on reconnaît ses procédés
de composition (E. Schröder, d’après Foulet, 1976, 8, n. 22). Dans ce même
poème, un excursus engage à le placer près de Trèves (Wis, 1990, 129).
Sur AlexO, si l’on se fie à AlexFl, Lamprecht, tout fidèle traducteur
qu’il soit, procède à divers bourrages, en particulier par citations bibliques.
L’un d’eux est important, car il marque une sorte de retrait dans l’adhé-
sion au héros. Entre les vers 61 et 70 l’auteur clérical allemand refuse à
Alexandre le rang de plus haut guerrier du monde, parce qu’il était païen;
le titre revient plutôt à Salomon (Foulet, 1976, 5).

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166 ROBERT LAFONT

On ne peut manquer de rapprocher cette intervention germanique


sur un texte roman d’une autre qui a lieu concurremment de l’autre côté
du domaine: le Rolanslied du curé Konrad. Konrad vit à la cour de Bruns-
wick, auprès de Mathilde d’Angleterre, fille d’Éléonore d’Aquitaine et
d’Henri II Plantagenêt, qui a épousé en 1168 le duc Henri le Lion. Deux
thèmes épiques de traitement aquitano-normand passent ainsi, au même
moment et sous la plume de deux clercs séculiers, au domaine allemand,
de part et d’autre de l’espace impérial. L’idéologie carolingienne, anti-
capétienne de la cour normande, si apparente dans le texte d’Oxford
(Lafont, 1991b, I-315-321), trouve là deux autres lieux.
Cela nous permet de mettre sur la même ligne symbolique les deux
héros «d’Empire» que sont Charles le Grand et Alexandre (Alexander
Magnus dans AlexFl), à la fois rois et empereurs.
Carles li reis nostre emperere magne

dit le texte d’Oxford. Et AlexFl, issu du modèle AlexO de Lamprecht:


qu’anz fud de lign d’enperatour
et filz al rey Macedonor.

Et si Lamprecht marque une réserve à l’égard du héros antique,


celle-ci ne fait que rehausser la gloire de Charles, qui a vaincu les
«Païens».
La deuxième postérité est d’oïl et plus complexe. Elle est faite
d’abord d’un poème anonyme en décasyllabes, longtemps dit poitevin
(Naudeau, 1994), dont on a deux manuscrits, l’un et l’autre enchaînés à
une suite en dodécasyllabes, attribuée dans le texte même à Lambert le
Tort de Châteaudun. L’un est à l’Arsenal, l’autre à Venise: nous codons
AlexArs 1, AlexVen1 et AlexArs2 et AlexVen2 (La Du, 1937, XI-XVI).
Une refonte d’ensemble est dans le manuscrit BNF 789, «Alexandre
de Paris», que nous codons AlexP. Il est fait de quatre branches: l’une
reprend AlexArs1 et AlexVen1 en dodécasyllabes (Foulet, 1949), la
deuxième, d’un certain Eustache, est faite pour l’essentiel de l’épisode du
«Fuerre de Gadres» (Armstrong-Foulet, 1942), la troisième reprend Lam-
bert le Tort et le poursuit (Foulet, 1976); la quatrième, due à Alexandre
de Bernay et Pierre de Saint-Cloud, parachève l’histoire du roi macédo-
nien (Edwards-Foulet, 1955).
Du point de vue qui nous occupe ici, de l’éclairage d’AlexO par sa
postérité, l’élément essentiel de la chaîne est AlexArs / AlexVen, groupant
l’œuvre anonyme en décasyllabes et celle de Lambert le Tort, référée au
«témoin» d’AlexO, qu’est AlexFl. Elle aboutit aux résultats suivants:

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 167

1 - Il y a concordance du témoin et de l’œuvre d’oïl sur l’étendue des


105 vers du premier. Cette concordance nous conduit jusqu’à l’éducation
du héros, où finit AlexFl. Il paraît donc évident qu’AlexArs1, AlexVen1,
AlexVo et AlexS remontent à un état textuel voisin d’AlexO, dont AlexFl
donnerait une image plus fidèle. La critique en a tiré la conclusion de la
confusion d’AlexO et d’AlexFl, appelés en bonne unanimité du nom de
l’auteur d’O attesté par Lamprecht, «Alexandre d’Albéric». Nous serons
plus prudent et réserverons l’hypothèse d’une distance entre AlexFl et
AlexO, sur laquelle nous aurons à réfléchir.
2 - Entre cette adolescence du héros et l’épisode de Nicolas de
Césarée, la concordance se poursuit tant bien que mal entre la tradition
d’oïl, sous la forme AlexArs1 et AlexVen1, et la germanique. Cela va
jusqu’à la prise de Tyr et aux préliminaires de la bataille décisive (Issus)
entre le Macédonien et Darius.
La question est alors posée des dimensions que pouvait avoir AlexO.
Pour Meyer (II, 131/132), l’œuvre dite d’Albéric devait s’arrêter là où finit
AlexArs1, c’est-à-dire à la fin des décasyllabes anciens, en contenu jusqu’à
l’épisode de Nicolas de Césarée. L’argument principal est que Lamprecht
suit, après cette fin, avec beaucoup plus de fidélité, comme si le texte
roman venait à lui manquer, les textes latins de référence: Epitome de
Valerius, lettre d’Alexandre à Aristote, Iter ad Paradisum.
Hofer argumente fortement pour une poursuite jusqu’à la mort de
Darius et même au-delà jusqu’à la conquête de l’Inde (1949, 470). Son
argument principal est que l’auteur allemand, qui a clairement dit au
début de son poème qu’il traduit un certain Elberîch, poète en roman,
atteste ce même garant (Alberîchen) au moment où il va passer au récit
de la bataille décisive et confirme cette garantie en fin de poème, sur le
thème, habituel à la chanson de geste, de la véracité du témoignage (de
maister Albrîch).
Pour nous le fait principal est, non dans le texte de Lamprecht, mais
à l’articulation d’AlexVen1 et d’AlexVen2. C’est le remplacement de texte
authentifiant:
Ceste ystoire n’est mie d’Auberin li canoine (AlexVen2, 9)(2)

Nous ne partageons pas l’incertitude de Foulet (199, 3, n. 9): «This


may or may not to be a reference to Alberic». La substitution suffixale

(2) Ce vers ainsi que la laisse suivante, ci-dessous citée, manque à AlexArs2.

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168 ROBERT LAFONT

(-in/-ich) fait partie de l’oïlisation du nom et nous ne voyons pas qui


d’autre pourrait être nommé, d’un nom tellement proche, pour un argu-
ment d’auteur aussi essentiel.
D’Albéric/Auberin, Lambert se souviendra au moins une fois:
Por ce qu’il ere sages e vit en la lecion,
de l’enfance Al’x comence un sermon,
et tot primerement parla de Salamon.
Per lo segle qu’est vans commence un accion
Dels signes que il vit per lo fil Felipon (AlexVen2., 887-91).

Mais il a désormais une autre autorité latine et bien particulière, qu’il


appelle geste ou ystoire, et dont il dit tirer sa chançon:
Traite est de geste tote ceste chançon.
L’ystoire fut trovee droit en un dromon,
de la terre d’Egypte l’aporterent noon.
Un clers la fist c’om apelle Symon.
Contrescrit la par tal entention
Que ice sacent tuit civaler e baron,
ja nus n’est ja esprovez enz en sa maison.
Honors conoistre n’est de proèce non;
ja des recreanz n’oirez bone chançon (AlexVen2., 10-19).

Sur la réalité de cette transmission romanesque, et sur l’existence


ou non du clerc Simon, nous ne nous étendrons pas. L’essentiel est de
mesurer l’importance de cette substitution de source, qui fait d’un simple
décalque de modèle, qu’était le texte décasyllabique, une «chanson de
geste» dans toute l’acception du terme, qui allègue précisément sa «geste»,
et s’inscrit dans l’éducation de l’honnête chevalier, comme toute «bonne
chanson», en exaltant de vrais héros(3). Le passage au dodécasyllabe, qu’on
appellera à partir de là alexandrin, accompagne ce déplacement typo-
logique.
Nous ne savons donc pas jusqu’où allait AlexO, mais nous savons où
Lambert l’a arrêté à son usage.
Une interrogation demeure sur cet auteur même. Nous avons vu que
le curé germanique que nous appelons Lamprecht se nomme lui-même
Lambret ou Lampret.
Or, entre Lambert et Lambret, il y a identité d’étymologie germa-
nique (Land-brehth), et la différence graphique d’une métathèse banale.

(3) Cf. à l’inverse, à propos de l’«anti-héros», Sainte Foi: lor noms non conven en
canczun / fo(r)s quant en fabla de cuczun, v. 573-4).

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 169

On peut attribuer au hasard le fait que deux auteurs quasi homonynes, de


deux domaines linguistiques différents mais d’une même culture cléricale,
se soient donné la tâche de traduire/continuer un même Alexandre. On ne
manquera pas pourtant de remarquer que le nom d’auteur, dans l’usage
médiéval, n’est pas un intitulé, mais se trouve toujours pris au tissu du
texte. On suggérera donc que Lambert soit un effet d’écho ou d’intertex-
tualité de Lambret. Cet écho, Jacob Grimm en 1835 le voyait de Lambert
à Lamprecht, et concluait que «Lamprecht est simplement la forme alle-
mande de Lambert… et non point le nom du poète allemand, lequel
aurait gardé l’anonyme» (Meyer, II, 73). Hypothèse rejetée par Weissmann
et Meyer lui-même (ibid.)
Considérant l’antériorité probable de Lamprecht par rapport à Lam-
bert(4), on peut imaginer l’écho inverse, au moment où un poète de langue
d’oïl va prendre ses libertés avec le texte qui précisément relie Albrîch-
Auberin à Lambret l’Allemand. Dans ce cas, li Tors pourrait bien être la
désignation de cette distorsion dans la tradition textuelle.

Alexandre et l’aventure de l’écriture cléricalo-épique.

À ce point d’une mise en situation intertextuelle de notre texte de


base, AlexFl, il nous paraît important de préciser les contours d’un pro-
blème qui a un aspect formel (métrique et strophique), un aspect linguis-
tique (langue d’oc / langue d’oïl) et un aspect générique (chanson de
geste / roman), et qui a occupé le débat philologique (Roncaglia, 1963,
50-52 et discussion): celui de la dualité des systèmes poétiques narratifs
aux origines de la littérature romane. Nous le ferons avec les acquis de
notre propre recherche:
1 - Les textes narratifs romans de haute date (mis à part les épaves
antérieures: Sainte Eulalie, Saint Léger, Passion de Clermont, et réservé
pour l’instant l’examen d’AlexFl), ne nous autorisent certainement pas à
poser et parcourir, comme on le fait le plus souvent, des espaces géogra-
phiques et historiques larges et vagues: domaine d’oc, domaine d’oïl,
domaine franco-provençal. Ils appartiennent à deux foyers précis de créa-
tion: l’un aquitain, marqué par la présence forte de Saint-Martial de
Limoges et de Conques, l’autre normand ou anglo-normand. L’un et
l’autre se connectent, dans l’aventure des Chemins de Saint-Jacques, entre

(4) Lamprecht semble dire qu’il a recueilli l’Alexandre de la bouche même


d’Elbrîch: alsus hôrt ich maister sagen (AlexS, 18).

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170 ROBERT LAFONT

eux et sur l’espace de la «Frontière navarraise». Ils sont tous deux inté-
rieurs à la «culture de Cluny».
2 - L’entrée dans cette création est constituée essentiellement par
trois textes: le Boecis, écrit en laisses brèves ou très brèves, rimées, et dans
une forme limousine d’occitan archaïque, très probablement du Xe siècle;
la Vie de Saint Alexis, texte normand continental, de la fin du XIe siècle,
en strophes de cinq décasyllabes assonancés; la Chanson de Sainte Foi, de
la même période, liée au pèlerinage de Conques, écrite en laisses inégales,
courtes mais moins courtes que celles du Boecis, dans une langue occitane
composite à forts traits méridionaux (Lafont, 1991a, I, 26-34) et en vers
octosyllabiques rimés.
3 - Trois textes épiques, clairement normands de langue et tous trois
datables du XIe siècle: le Gormont et Isembard, lié aux intérêts de Saint-
Riquier en Picardie, à thème britannique insulaire (Lafont, 1991a, II,
12-46); le Willame, manuscrit de Londres, dont l’action se déroule en
Septimanie, à thème narbonnais et que nous pensons lié à l’abbaye de
Fontfroide (ibid., II, 15-42); le Roland du manuscrit d’Oxford, manifeste-
ment dépendant du déplacement de la traversée des Pyrénées, du Somport
à Roncevaux, organisé par Pierre d’Andouque, évêque de Roda, puis de
Pampelune et homme de Conques (Lafont, 1991a., I, 275-321). Le Willame
a longtemps été soupçonné de recouvrir un texte occitan, à moins qu’on
ne suppose une mode précoce de l’épopée d’oïl en pays d’oc. Nous pen-
sons avoir démontré que sous le Roland d’Oxford, il y a un doublon
épique de Sainte Foi, ce «Roland occitan» dont on suit la trace par les
citations qui en sont faites jusqu’à ce qu’on découvre sa forme tardive, le
Ronsasvals du manuscrit d’Apt (Lafont, 1991a, II, 187-189).
4 - L’intérêt principal de cette mise en perspective est de voir, dans
la symbiose bien attestée depuis le début du XIe siècle des milieux cluni-
siens et féodaux aquitain et normand, le modèle de la laisse en octosyl-
labes aller de Sainte Foi à Gormond et Isembart, le décasyllabe joindre
Boecis à Saint Alexis, mais, concurremment, l’écriture aquitaine se spécia-
liser dans la rime et la normande dans l’assonance. Le passage de Sainte
Foi (et de son doublon) au Roland signifie ainsi l’adoption de la laisse
aquitaine et le maintien de l’assonance normande. Cela a pu se faire, selon
nous, à Tudèle, sous Rotrou du Perche, vers 1120. La décision du poète de
prendre pour «geste» celle de Turoldus, probablement lui aussi normand
de Tudèle (Lafont, ibid., I, 269-274), est ainsi la préfiguration de celle de
Lambert, de prendre le texte de Simon comme autre geste. On remarque
que dans ce jeu d’échanges, il manque la strophe rimée, qui devrait être

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 171

aquitaine. Celle-ci existe bien, mais elle est lyrique, et basée sur un
système pluri-rimique. C’est la strophe des troubadours, ou «faiseurs de
tropes».
5 - L’origine de la laisse comme de la strophe lyrique est dans le
trope (ou séquence). Le texte de Sainte Foi donne à voir comment la
mélodie ecclésiastique, qui est de distique, passe au texte narratif roman
et sert de support à une danse cérémonielle, que le texte lui-même appelle
tresca, en l’occurrence mesurée sur les dimensions du déambulatoire et
des collatéraux de l’église de Conques, architecture mère de toutes les
églises du Chemin (Lafont, 1991a, I, 66-80). La clef de ce transfert est
dans l’enchaînement des laisses, par le jeu de rappels verbaux, ou
«valences», qui vont caractériser le style de la chanson de geste, en une
«période» qui en comporte onze, unité à la fois de contenu, de parcours
et de rhétorique, elle-même articulée en deux propositions de 6 et
5 laisses, à leur tour découpables en «syntagmes» (la terminologie est de
C. Segre, 1970). Dans le passage du sacré à l’épique, l’occasion de la tresca
disparaît en principe. Mais la construction périodique, toujours présente,
et la thématique christique aussi bien du Willame que du Roland font
penser qu’une «cérémonie épique» a pu exister (Lafont, 1991a, I, 241-246,
II, 59-67). Elle a cessé avec la récitation spectaculaire par le joglar conta-
dor, probablement autour de 1150. Mais le terme de tresque poursuit son
erre, avec la composition périodique, pour désigner la chanson de geste
elle-même: Treske ci dit Gaimar de Troie (Geoffroy Gaimar cité par
Roncaglia, 1963, 51).
6 - Un chevalier limousin, Gregorius Bechada, est l’auteur probable
d’une Chanson d’Antioche, récit de la première croisade en Orient à la
gloire des seigneurs aquitains et normands, composée vers 1130. Il connaît
et cite le Roland dans sa forme occitane, mais inaugure la laisse en dodé-
casyllabes, beaucoup plus longue qu’on n’en avait l’habitude. Pour assurer
cette longueur divers procédés sont trouvés, dont un plaquage de suffixes
d’oïl, c’est-à-dire normands, à la rime (Lafont, 1991a, II, 114).
7 - La mélodie de cette chanson, le vers dodécasyllabe, la rime
oïlisée, la période undécimale et les citations du Roland passeront en 1210
à Guilhem de Tudèle, poète recruté par le parti catholique pour compo-
ser une chanson de la Croisade albigeoise (Lafont, 1994 et 1991a, II, 221-
232). Ils iront de là jusqu’à Guilhem Anelier, Toulousain auteur à la fin
du siècle d’une chanson de la Guerre civile de Navarre (Lafont, 1995b).
C’est sur ce fond d’une évolution bien repérable que s’inscrit la
tradition textuelle d’Alexandre. AlexFl révèle un AlexO en octosyllabes

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172 ROBERT LAFONT

rimés, du niveau donc de Sainte Foi. Il est suivi d’une réfection en déca-
syllabes et en laisses encore relativement brèves, sur le modèle du Roland
d’Oxford: AlexArs1/AlexVen1. Vient enfin une reprise par Lambert le
Tort: AlexArs2/AlexVen2 en dodécasyllabes assonancés et en laisses très
allongées. Le seul exemple antérieur que nous possédions, et du dodéca-
syllabe et de la laisse longue, est bien la Chanson occitane d’Antioche.
Ajoutons trois remarques formelles sur l’articulation d’AlexO (sous
son témoin AlexFl) avec AlexArs1/AlexVen1.
1 - Alors que dans le Roland d’Oxford, l’assonance normande ne
cède pas à la rime, l’Alexandre décasyllabique est rimé. Son auteur trouve
peut-être quelque embarras à le faire, discernable au redoublement du
terme rime par le terme leoine:
Chançon voil faire per rime et per lioine (v. 1, Foulet, 1949, 61).

Il ne s’agit évidemment pas de «rimes léonines», mais d’un surplus à


l’assonance: la rime suffisante (Foulet, 1949, 61, n. 1). De là, la rime pas-
sera à toute la dérivation d’oïl, et affectera le dodécasyllabe. Lambert le
Tort use des mêmes termes: per rime et per leoine.
2 - Mise à part la dernière laisse, de 28 vers et la 40 d’AlexArs1 (41
d’AlexVen1) de 17, tout l’Alexandre décasyllabique met en rime unitaire
entre huit et onze vers, avec préférence évidente pour le chiffre dix. Nous
laissons à faire sur ce texte le travail que nous faisons plus loin sur
AlexFl, mais il nous paraît bien probable qu’un «nettoyage» textuel per-
mettrait de conclure à un modèle ou de 8 ou de 10. Ce qui servirait de
preuve supplémentaire au fait qu’AlexO soit en strophes et non en laisses.
Entre lui et AlexArs1 ou AlexVen1 l’élargissement est un fait double:
passage de l’octosyllabe au décasyllabe, ajout d’un ou deux distiques à la
strophe.
3 - Nous aurons à insérer AlexFl dans le modèle périodique. Remar-
quons qu’AlexVen1 a 77 laisses ou strophes, si AlexArs1 n’en a que 76
(c’est ce compte que retient Foulet pour reconstituer l’archétype). Une
étude, que nous ne donnons pas ici pour ne pas alourdir l’exposé, nous a
prouvé que périodes, propositions et syntagmes y sont parfaitement recon-
naissables. Donnons simplement à titre d’échantillon la «valence» de type
bien connu (inversion des termes permettant le changement de rime)
entre les strophes XXII et XXIII, c’est-à-dire entre la deuxième et la troi-
sième période: Si la fusez el pré sor la marine... / Si lai fusez sor la marine
el pré...

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 173

«Elberîch von Bisenzun»

Si l’on se fie à Lamprecht, l’auteur d’AlexO est Elberîch von


Bisenzun:
Elberîch von Bisenzun
der râhte uns diz liet zû,
der hetiz in walischen gerihtit.
Ih hân is uns in dûtischen berihtet. (AlexS, 13-16)
Dâ geschieth sich daz volcwic.
Sus saget uns maister Albrîch
und der gûte phaffe Lampret.
Diz liet ist wâr unde rehth. (AlexVo, 1528-32)

On le retrouve comme Alberîch (AlexVo, 19), maister Alberîchen


(ibid., 1220), maister Albrîch (ibid., 1529), Ælberich (AlexS, 19), meister
Ælberîch (ibid., 33), Mais il n’est qu’une fois von Bisenzun. C’est peu,
mais ce peu a beaucoup exercé la sagacité des critiques. Ils en ont perdu
de vue Auberin li canoine. Or maister paraît bien désigner un dignitaire
ecclésiastique, savant latiniste(5).
Le nom d’Albericus / Albaricus apparaît assez souvent dans le monde
clunisien. M.-Th. Morlet le donne pour les IXe et Xe siècles à Cluny,
Bourges, Saint-Chaffre, Savigny, Poitiers, Avignon, Jumièges, Marseille. MH
(583, n. 3) insistent sur sa fréquence à Saint-Martin de Savigny dans la
seconde moitié du XIe siècle. Il y eut un Albericus, archevêque de Reims,
qui d’après la Chronique de Bernard Itier passa en 1212 par Saint-
Martial, venant de Moissac. L’anthroponyme Albaric est encore aujour-
d’hui très présent en zone ex-wisigothique (Septimanie).
La langue de ce premier auteur est dite «walischen / walhisken». On
entend: «romane», sans qu’on puisse préciser davantage, ce qui nous ouvre
les trois domaines: d’oc, d’oïl et franco-provençal, l’italien n’existant pas
encore en écriture littéraire.
Quant à Bisenzun, il ne fait pas de doute pour Kinzel qu’il s’agisse
de Besançon. Pour des raisons linguistiques, Paul Meyer propose Brian-
çon, ou Pisançon près de Gap, ou Pizançon près de Romans. Ronjat prend
parti pour la troisième solution, Appel présente le texte comme «proven-
çal» dans sa Provenzalische Chrestomathie, A. Henry en cite deux laisses
dans sa Chrestomathie de la littérature en ancien français en mettant

(5) L’auteur de la première partie de la Chanson de la croisade albigeoise se


dit lui-même maestre Guilhem. Il était très probablement chanoine de Saint-
Antonin en Rouergue (Lafont, 1991a, II, 205-20).

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174 ROBERT LAFONT

«franco-provençal» entre guillemets et un point d’interrogation après


«Pisançon».
Flechtner choisit le domaine franco-provençal, accent mis sur Lyon.
L’embarras règne. La thèse du franco-provençal se banalise, au point
d’être reprise sans réexamen critique dans le Dictionnaire des lettres fran-
çaises, le Moyen âge, rééd., Paris, 1992. On lit chez MH, 582: «Die linguis-
tische Beurteilung des erhaltenen Fragments erlaubt seine Zuweisung
ins frankoprovenzalische, an das provenzalische grenzende Sprachgebiet».
Contre elle, un spécialiste reconnu du domaine, G. Tuaillon, avait dû réagir
en 1970.
Nous aurons à discuter ces points de vue. Préalablement, faisons
quelques remarques de méthode:
1 - Étant donné la mobilité connue du monde monastique, en parti-
culier clunisien, la localisation de Bisenzun, origine d’Alberîch, ne dit rien
du lieu où il a écrit, ni de la langue qu’il a employée.
2 - La localisation du toponyme Bisenzun dans le «sud-est de la
France» (Flutre), occitan ou franco-provençal, semble obéir à un simple
préjugé, qui a son origine, comme une «redescente», dans le Besançon de
Kinzel. La région présente certes plusieurs Pisançon. Mais a-t-on bien
cherché ailleurs? On quitte Besançon pour descendre au sud, sans jamais
un regard à l’ouest.
3 - Pisançon fait la difficulté du P initial pour lequel on est obligé
d’attester une confusion germanique de sourde et de sonore. De plus,
le Pizançon près de Romans a pour forme ancienne Pisancianum, MH,
583, viennent de le démontrer. Le suffixe aussi fait difficulté.
4 - Enfin, peut-on vraiment se fier au témoignage de Lamprecht, qui
peut avoir recueilli ou même inventé une localisation qui lui paraissait
significative? En définitive, la piste jusqu’à ce jour suivie pour la localisa-
tion de notre auteur et de sa langue paraît bien incertaine. Ce pourrait
être une simple impasse.
Il en est une autre, dont on s’étonne que personne ne l’ait poursui-
vie: celle de «Byzance». Elle avait été présentée par Giusto Grion (1872)
en préface à une édition de l’ancienne traduction italienne du De preliis.
Il est vrai, d’une façon maladroite, et mêlée à une hypothèse creuse sur
Lambert le Tort. Une exécution féroce par Meyer (ibid., XIII-XIV) a
coupé la voie jusqu’à ce jour
Il suffit pourtant de remarquer que Bisenzun pourrait être la simple
transcription de µ˘˙¿ÓÙÈÔÓ et l’on peut se demander si le nom donné ou

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 175

recueilli par Lamprecht pour son auctoritas n’est pas un «montage» réfé-
rentiel. Un vers déjà cité de Lambert, s’il faut le prendre au pied de la
lettre, fait d’Auberin un témoin oculaire, bien que canoine, des prodiges
qui accompagnèrent la naissance d’Alexandre: dels signes que il vit per le
fil Felipon. N’y aurait-il pas dans la tradition que Lamprecht recueille ou
invente une haplologie de l’auteur médiéval et de l’écrivain grec Callis-
thènes, à qui a été attribuée la Vie d’Alexandre, faux du IIe siècle, dont
l’influence est évidente et sur le AlexFl et sur lui-même? Callisthènes, il
est vrai, était d’Olynthe en Chalcidique, mais le Pseudo-Callisthènes est
bien un texte byzantin.

Et, pensons-y, s’il s’agit de cette authentification que l’auteur de la


chanson cherche dans la geste ou histoire (AlexVo: sus saget uns maister
Albrîch… diz liet ist wâr unde rehth) (Alex Vo, 1528-32), un ancien vaut
mieux qu’un moderne:

Le fait est qu’un anonyme allemand connu par un manuscrit du


XVe siècle (édité par Reuss, Stricker Daniel, Z.fr.d.A., 3, 433, et signalé
par Kinzel, 390) parle d’un von Bisenze maister Albrîch dans des termes
qu’on doit citer, parce qu’ils font du poète roman une autre garantie de
textualité et l’inscrivent dans une littérature destinée aux «honnêtes gens»,
et parce que revient le terme de maister:
Wer gern alles daz vernympt
Daz guten luten wol gezimpt
Der wirt es selten one mutt
Untz er der werck ain tail getut
Wer aber den worten ist gehafz
Der ist ze den wercken dicke lafz
Von bisenze maister albrich
Der brachte ain rede an mich
Ufz walscher zungen
Die hon ich des bezwungen
Daz man si in tiutschen verniempt
Wann kurtzwyle gezymet
Nieman der enschelte mich
Log er mir so luge ach ich
Sunst hebt sich difz mare
Hie will der strickhere
Mitt worten ziehen sin kunst.

Les itinéraires de la vie clunisienne n’auraient-ils pas porté un Albe-


ricus en terre germanique, où il aurait répandu sa leçon poétique, authen-
tifiée de source grecque?

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176 ROBERT LAFONT

En définitive, pour situer Albéric, personnage textuel tout comme


Lambert, il vaut peut-être mieux se fier à son insertion littéraire et à
l’analyse de sa langue qu’à l’interprétation «réaliste» d’une indication de
Lamprecht.

La langue d’AlexFl et celle d’AlexO


Le problème de la langue d’un texte médiéval, selon une linguistique
du texte stricte, revient à établir dans la transmission manuscrite deux
strates, l’une de départ, l’autre d’arrivée, et à reconnaître, comme faire se
peut, entre les deux, la trace d’interventions déviantes.
Ici, la strate de départ, AlexO, doit être supposée double: latine et
romane.
Les conditions de naissance du trope, aussi bien que la pesée du
texte latin de référence qui «avère» le texte laissent la trace d’une épais-
seur de latinité. On la reconnaît bien ici au fait que, dans la première
laisse, le lat. vanitas donne la rime, à laquelle obéissent enfirmitas, otio-
sitas, antiquitas, et vanitas de v. 8, à la place des formes romanes corres-
pondantes, dont il y a cependant présence avec l’e- de enfirmitas. On a de
plus des emprunts textuels au latin: Alexander magnus (17), Alexander
(46), Philippus (33), genuit (45), Olimpias (44), et l’accusatif, grec passé par le
latin Xerse(n) (38). Le(s) scribe(s) a/ont en tête le lat., langue qui lui/leur
est littérairement plus familière que le roman: de là sub (40), nec un (30),
est (53) ou des transparences au lat.: sapi (21) de *sapius (nesapius
attesté), parabla (10) de parabola, parv (88) de paruu-, ad levar (103), la
finale de duystr-unt (84), < duxerunt, la sourde de delcad (70) < delicatu,
la restitution de ipsu- dans medips (103), fait cependant assez fréquent en
occitan médiéval (Naudeau, 1994, 453-453). On ne sait naturellement pas
à quel stade de la transmission le lat. transparaît. Mais la forme dicunt
(27) semble bien, vu sa place et son importance, un latinisme primitif.
À porter au crédit du latin l’hiatus de otïositas (6) sapïentia (86).
L’exception: Gretia la region (35) est en roman, on la retrouve telle quelle
dans Boecis (54): e si’l tramét e Grecia la regio et dans Cabra juglar de
Guerau de Cabrera: si fors non eis de ta reion (33).
La finale atone -ia, passée de lat. en roman est devenue monosylla-
bique, d’où Grecia (35) et les élisions où le i est traité en /y/: fayllenti’
(97), sapïentia et (86). Contrairement à Meyer nous n’y voyons pas du
franco-provençal (II, 86) et nous ne nous résolvons pas aux barbarismes
Grecïa (18) et pecunïa (20) (ibid, I, 112) et jugeons là le vers faux (il est
d’ailleurs surnuméraire, cf. infra, Métrique et composition).

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 177

On inscrira encore au chapitre des latinismes le génitif pluriel en -or


< -orum: Macedonor (32). Il est fautif (pour Macedonum), mais c’est le
signe le plus clair de l’impression du «livre latin» (cf. infra, Commentaire)
sur la narration romane: cf. gent paganor du Willame, Geste Francor du
Roland.
Le second élément de la strate primitive, c’est-à-dire la langue
romane qui se dégage là du latin, se détermine à la statistique. Sur les
quelque 550 morphèmes qui constituent le texte, 46 ne peuvent être dits
d’emblée, à cause d’un trait, ni latins ni occitans. Encore faut-il tenir
compte des récurrences: fu(d) onze fois, ab sept fois. On est très en des-
sous des 10 %. On ne peut donc qu’adhérer à l’opinion de Tuaillon, 1970,
qui dit le texte «provençal», à l’exception de ce qu’il appelle des «salis-
sures», et que nous appellerons des déviances.
Mais de quel occitan s’agit-il? Quand on analyse les textes littéraires
occitans médiévaux, qu’il s’agisse de lyrique ou de narrative, il ne faut pas
s’étonner de rencontrer des mélanges interdialectaux. Qu’on attribue cette
mixture aux auteurs ou aux manuscrits, on doit reconnaître l’existence de
compositions variables qui combinent une vue générale sur le domaine
avec la reconnaissance de quelques variétés fondamentales le structurant.
En ce qui concerne Sainte Foi, nous avons mis en évidence le rapport de
ses propres choix linguistiques et du réseau des chemins de Saint Jacques
(Lafont, 1991b, 27-34). Nous allons retrouver dans AlexFl cette «langue
des chemins».
Tuaillon écrit (476): «L’initiale de cabeyl permet de croire que le
texte original était rédigé en koiné provençale, franchement méridionale».
Ajoutons comme preuves encantatour (28), enforcad (71), cavalleyr (76),
cabir (98). Mais réservons pour l’instant ce qui se cache derrière iausir
(40, 96) et ianget (52)
On peut préciser: occitan du sud-ouest à cause du traitement -ct- > -
yt-: playt (98), dreyt (99), escrit (9), dit (10), agayt (93) et de -gn-/-ng- > -
yn: poyn (72), loyn (96). Ce trait fait une contradiction aréologique avec
-ariu > -eyr (trait de Velay-Vivarais-Auvergne, Ronjat, I, 199): pleneyra-
ment (25), primeyr (74) et primier (1), cavalleyr (76), volunteyr (77),
escueyr (78), semgleyr (79), magesteyr (80), et empeyr < imperiu- (81), ei
pour ai < *aio dans contar vos ey (25). C’est la même contradiction que
nous trouvons dans Sainte Foi, où on lit obreir (333), obreira (106, 383).
Quant à la forme seyr (92), elle ne peut guère s’expliquer que comme une
extension abusive de cet -eyr, comme sans doute neyr (63). Neir n’est
attesté que sporadiquement en haut-niçois et auvergnat (Ronjat, I, 228).

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178 ROBERT LAFONT

Le suffixe -eyr donne sa rime à une laisse. Il en est de même à VIII


pour -eys issu de oc. commun -es, treys (56), meys (57), peys (58) formes
contrôlées par la rime avec reys (54) et anceys (55). Ce fait phonétique a
été l’occasion d’exercer sur le texte un double préjugé.
Le premier géographique. Il a fallu absolument l’inscrire dans une
zone de Sud-est de la Gallo-Romania (en «descente» du préjugé pilote
«Besançon-Pisançon»). Meyer (II, 81-82) cerne une zone dauphinoise. On
passe ainsi sous silence que cette évolution est aussi limousine dès une
haute date (Ronjat, I, 366).
Le second est de méthode. On cherche péniblement sur le terrain ce
qui est évident dans les textes. La forme suffixale -eis est familière aux
manuscrits des troubadours. Mais surtout on la trouve dans la Chanson
d’Antioche occitane, comme un procédé facilitant la rime (Lafont, 1991b,
II, 116), comme c’est le cas ici. Elle est certainement d’origine limousine,
mais a une existence propre dans la langue littéraire, où elle se plaque à
d’autres identifications dialectales. On la retrouvera aux laisses 17 et 70
d’AlexArs1, où elle fait preuve d’occitanité textuelle sous-jacente. On peut
y inscrire credreyz (30), malgré la difficulté de -z final.
Tous ces traits composent une aire comprise entre Limousin et
Septimanie. C’est l’aire de la langue de Sainte Foi et de la Chanson
d’Antioche, l’aire de la descente vers le sud, sur les chemins de Saint-
Jacques, du métier «d’Aquitaine», à une époque encore archaïque.
L’archaïsme est discernable aux traits phonétiques qu’AlexFl partage
avec le Boecis et Sainte Foi: non diphtongaison de e ouvert accentué: mels
(74), comme de o ouvert accentué: uyl (62, pour *oyll, cf. pòyst), conser-
vation du groupe -dr-: credreyz (cf. ridre, considrar dans Sainte Foi) et sur-
tout traitement d du -t final: escud (94) et toute la laisse X. La forme de
3e personne du prétérit accuse le trait: enseyned (88), mais on trouve aussi
degnet (42), crollet (48), perdet (50), ianget (52), resemplet (65).
Autre archaïsme (graphique) du niveau de Sainte Foi: yl pour noter
la palatalisation de l: conseyl (85) et de ll: cabeyl (67); yn pour noter ce
qui sera nh: poyn (72), loyn (96).
Peyl (60) fait problème. Il a été donné jusqu’à ce jour comme < pilu-,
mais la diphtongaison de ei < î nous arrête. Il serait plus logique d’aligner
la forme sur cabeyl et d’y voir le lat. pelle-. La palatalisation du -ll-
devenu final, que Grafström (1958, 148) récuse pour les chartes langue-
dociennes, est largement attestée, en particulier pour la finale -el, dans les
textes des troubadours: novelh, auzelh, sembelh chez Jaufré Rudel (manus-

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 179

crit C) rimant avec bruelh, acuelh, espelh. Mais l’article masculin et l’ac-
cord masculin aussi comme le sémantisme de cresp s’y opposent. Nous
avouons notre embarras sur ce point où le sens est si difficile (influence
de cabeyl dans un écho formel? cf. infra, Commentaire).
Cet inventaire des formes nous écarterait, somme toute, catégorique-
ment des Alpes si nous ne devions tenir compte de la chute du -d- inter-
vocalique: espaa (95), escueyr (78), caractéristique d’une large zone médi-
terranéenne-alpine (Ronjat, I, 82), qui comprend tout le Dauphiné occitan
(formes maisnaa, civaa données par Meyer II, 89 d’après le censier de
Montelier, près de Valence, XIe siècle). Mais l’isoglosse traverse le Rhône
et englobe le Vivarais et une part du Velay, où escueyr, d’après ce qui a été
dit du suffixe -ariu, n’a donc rien qui étonne. On admettra donc la pré-
sence de cette dimension orientale de la mouvance linguistique aquitaine.
Des deux strates de départ, passons à la strate d’arrivée. C’est le tos-
can, et l’on s’étonne que nos prédécesseurs n’aient fait aucun sort à sa
présence pourtant évidente. Elle est graphique: notation par ch de /k/
devant voyelle palatale: chi (13, 58), echest (24), echel (35) mischin (88)
jusqu’à l’excès de micha (58); phonético-graphique avec la géminée après
voyelle brève latine: toccar (100), rotta (101); phonétique avec le maintien
de la sourde dans le suffixe -atore- à la laisse IV (estrobatour, encantatour,
losengetour(6), enperatour; la sonore est conservée à enperadur, 43); de pur
emprunt avec quatro (57) où nous ne voyons pas la nécessité d’invoquer
le franco-provençal (Tuaillon, 1970, 469 «semble bien être la forme
constante du franco-provençal», Minetti, 1977, 26 «il connotato più espli-
citamente francoprov.») et misurar (104); d’emprunt latent dans vicin (93).
Mais vicin peut être aussi bien influencé par lat. vicinu- que par it. vicino.
Il peut arriver ainsi qu’un latinisme de départ rencontre un tosca-
nisme d’arrivée, mais aussi, à l’arrivée, que le copiste toscan ait du latin
dans la tête. C’est ainsi que nous interprétons la bizarre et récurrente
forme ab, qui recouvre syllabiquement l’oc. ac (qui serait ag à l’étape de
Sainte Foi). Elle subit la double influence de habuit et de ebbe (MH, 597,
proposent: racine a- contaminée par une terminaison personnelle de saup,
receub). Un fait similaire est, à notre avis, le recouvrement de *fon par
fu(d), tout au long du texte. Le toscan fu est présent à 10 (mais peut-être
par effet d’économie devant un d- subséquent). Partout ailleurs un -d a
été ajouté, qui pourrait bien être, par maladresse, une référence au -d
archaïque occitan de enseyned.

(6) Le traitement au > o dans lo- confirme la toscanisation.

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180 ROBERT LAFONT

La référence au toscan explique encore, croyons-nous, trois énigmes


linguistiques du texte. La première, à l’évidence: la graphie ci-, parallèle
systémiquement à ch- est dans l’emprunt lancia (96), normalement élidée
en lanci’. Nul besoin de faire intervenir le franco-provençal (Minetti, 1977,
21, après Meyer, II, 65, fait référence au Glossaire de Marguerite d’Oingt,
éd. Duraffour-Gardette-Durdilly, Paris, 1965).
Cette graphie a pu intervenir dans la notation d’un nord-oc. chausir,
chamget, mais là un embarras scriptique a dû jouer, et le i de iausir (40,
96) et ianget (52) est tout ce qui reste de la toscanisation de la forme(7).
Nous ne voyons pas d’autre explication possible: les explications phoné-
tiques échouent (Tuaillon, 464: «confusion entre sourde et sonore»?). Nous
inscrirons donc un trait nordoc. (limousin?) de plus dans la composition
interdialectale.
Pour nobli (16), on peut essayer l’explication par les pluriels adjecti-
vaux en i du sud-toulousain ou bas-limousin (Ronjat, II, 33; Grafström,
1968, 62-64), mais il s’agit toujours d’un cas sujet (le nos tenem per pagadi
donné par Ronjat est suspect d’attraction syntaxique). Il nous paraît plus
naturel de penser que le copiste, gêné par le singulier tant rey, tanta terra,
à valeur plurielle, ait mécaniquement pluralisé *noble selon ses habitudes
toscanes.
En définitive, on expliquera la langue du texte par un occitan litté-
raire complexe reçu en Toscane par deux copistes qui en avaient une
connaissance approximative et se laissaient tenter par leur parler et par
les graphies en train de s’installer dans leur région.
Nous voici maintenant confronté à un «entre deux» de difficultés
linguistiques: déviances qui ont pu intervenir à tel ou tel moment de la
tradition manuscrite, ou à l’arrivée même.
Tout un groupe concerne une visible influence du français d’oïl.
C’est un -e atone final qui prend la place d’un -a: toylle (6), sie (8)
batalle (13), presente (77), deyne (79), teyne (81), et d’un -es pour -as:
emfes (55, 75), dies (56). On trouve cette substitution aussi en prétonique:
losengetour (29).
C’est une graphie ou pour un o qui est donc en train de devenir /u/;
l’embarras est signifié par enperadur (43). Ces graphies semblent prouver

(7) Heyse avait d’abord lu jausir, janget, puis crut mieux lire: causir, canjet. Meyer
le suivit d’abord dans son édition, puis se corrigea en note (I, 338).

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 181

qu’au niveau de l’oralisation du texte, le copiste, en fuyant sa prononciation


toscane, se rabattait sur une prononciation française dont il devait avoir
quelque connaissance. Nous plaçons donc ces francismes du côté de l’arrivée.
D’une autre sorte sont les francismes morphologiques. Ils proviennent
d’une connaissance véritable de la langue. Par exemple l’article, cas-sujet
masc. sing. li (98, 100, 104). On remarque qu’il forme un système d’entrée
récurrente dans les sous-unités de XIV et XV.
Une autre plage textuelle est occupée par les formes verbales sub-
jonctives: vidist (12), fesist (14), cu(n)quesist (15), occisist (16), fist (17). On
voit bien la dynamique de l’emprunt: vidist et fesist recouvrent oc vezés et
fezés, dans les six vers de la laisse-strophe. Ils développent en dehors
d’elle, en vers et assonances surnuméraires, d’autres formes de recouvre-
ment, dont la dernière, fist, qui corrige l’antérieur fesist, syllabiquement ne
peut plus recouvrir de l’occitan. Un scribe francisant s’est là laissé entraî-
ner à allonger la laisse (cf. infra, Métrique et composition) pour changer
de langue pilote(8). Ajoutons que natiz (18), simple assonance, semble bien
être fr. *natifs, plutôt qu’oc. *nadius.
Recouvrement formel un peu plus loin: furent (19, 21) pour foron, et
francisme pur et simple mentent (29). Toutes ces formes françaises ont le
même avantage que certaines formes italiennes: elles font écho à du latin:
vidisset, fecisset, quæsi(vi)sset, occidisset, fuerunt. Français et latin coexis-
tent chez le scribe en conscience subliminaire. On retrouvera le même
double glissement avec duystrunt < *doxerunt (84, forme française et dési-
nence latine significative) et doyst < *doxit (94, 100).
On ne peut naturellement dire à quel niveau de la tradition l’intrus
français s’est glissé dans le texte, et si c’est dans le manuscrit copié ou
dans la copie. On aimerait pouvoir distinguer les deux mains par les
emprunts. Pour ce qui est du français, remarquons que c’est sous la pre-
mière qu’apparaissent la plage subjonctive, la graphie -tour, les francismes
natiz et toneyres (49), le possessif cas sujet ses (33), donc l’influence la
plus visible.
Il faut réfléchir spécialement sur dit (1), forme française qui peut recou-
vrir le présent occitan ditz ou le prétérit dis. On a remarqué estric (13),

(8) Meyer, II, 83, s’entête sans résultat bien net à chercher là du franco-provençal:
«Ce qu’il y a lieu de chercher c’est jusqu’où s’étend vers le sud l’emploi des
formes en ist que nous offre Alexandre. Le défaut de documents ayant une
date certaine m’empêche de pousser cette recherche bien loin. Il me semble
pourtant que les formes en question ont régné jusque dans le Dauphiné.»

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182 ROBERT LAFONT

forme qui se trouve aussi dans Girart de Roussillon (à la fois dans O, dit
de «langue mêlée» et dans P, authentiquement occitan, Lafont, 1996b). Si
l’on avait la forme plus normale estrit < anfrk *strid (cf. MH, 609), il n’y
aurait pas rime. On a là un cas de confusion de c- et de -t final qui nous
donne la clef, en sens inverse, de mot, pour prétérit moc, et de dic, pré-
térit analogique moins classique que dis, support de l’oc moderne diguèt.
La même interprétation vaut pour pot (40). En langue moderne, le traite-
ment -t de -c final couvre une vaste zone entre Gévaudan-Rouergue et
Aquitaine garonnaise (Ronjat, I, 283). Nous restons là dans la composition
déjà reconnue de cet occitan littéraire.
Faut-il en sortir pour ces problèmes résiduels que font lou (5), pare
(33), leyre (98), le e- initial de echest (24); echel (35), et beyn (65, 66, 71,
82, 83, 88), divers faits auxquels s’accroche encore la thèse franco-proven-
çale? On ne peut les lui soustraire absolument. Il est bien possible que
dans la traversée de l’Aquitaine à la Toscane, le manuscrit de l’Alexandre
ait subi quelque influence franco-provençale ou que la copie de ses pre-
mières laisses l’ait rencontrée en Toscane.
Cependant, examinons les cas un par un, sans négliger les effets de
contextualité.
Le franco-provençal pare (Tuaillon, 1970, 472, Minetti, 1977, 24) est
bien attesté. Mais c’est un témoin fragile devant un texte où trois fois un
y sauté a été rajouté en correction (une fois après a: pla(y)t); l’hypothèse
*pa(y)re ne peut être éliminée.
Les formes echest, echel sont suspectes à cause de la graphie ch où se
révèle le toscanisme: un copiste qui disait questo et quello peut avoir un
doute sur l’identité de la voyelle prétonique.
Leyre est attesté franco-provençal dans les Comptes consulaires de
Grenoble (Tuaillon,1970, 472). Mais dans notre texte, à trois vers de dis-
tance, on trouve leyra (101) pour lira. Un effet d’écho est probable. Le
copiste B peut avoir traité deux fois en ey un i français, dans deux dis-
tiques initiés précisément par le francisme morphologique li. Le frs. *lire
est ici probable.
Lou reste une énigme. Il y a d’abord un problème de lecture: les édi-
teurs ont proposé, d’après Meyer (1886, I, 10-11) poys l’oum chay in/en
enfirmitas (Heyse), pauc l’oum fay en enfirmitas (Rochat), poyst l’oume
esmaya enfirmitas (Hoffmann), poyst l’oume fayni’enfirmitas (Bartsch),
Meyer lui-même ne reculant pas devant la réfection du texte: poyst l’omne
fraynt enfirmitas. Si on veut garder celui-ci, on pourrait admettre une gra-

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 183

phie française, qui nous renvoie aux rimes de la strophe IV, et trouver là
le pronom neutre lo < illud, d’occitan oriental (Provence), qui se justifie-
rait de l’enclise no’l (9) dans le texte même. Mais le sens est difficile. Par
contre le lat. locum facere offre un sens satisfaisant: «donner lieu, occa-
sion», solution retenue par Foulet. Ce serait donc la forme *lou obtenue
par écrasement du c latin entre vélaires et conservation de l’atone finale,
qu’on suppose pour l’un et l’autre domaine, français et franco-provençal
(Minetti, 1977, 19, qui cite H. Stimm). Mais c’est une forme supposée à un
niveau d’extrême archaïsme. Elle instaure de plus une double pertinence
de ou sous la même main: /ow/ et /u/. Ne vaut-il pas mieux se résoudre à
une bévue du scribe, et corriger en loc occitan, audace bien en retrait sur
celle de nos prédécesseurs?
Le seul point résistant qui subsiste est beyn: «la forme la plus ordi-
naire dans les textes d’ancien franco-provençal». Admettons-le. Remar-
quons quand même que la forme n’existe que sous la seconde main, elle
est spécifique du scribe B.
En définitive, rien ne paraît susceptible d’infirmer catégoriquement le
résultat de notre analyse: un texte aquitain, d’occitan littéraire composite,
AlexO, est entré en dialogue avec le toscan naturel de scribes peu
compétents sur cette langue d’origine, et ce dialogue a été traversé prin-
cipalement, peut-être non uniquement par une influence française pour
aboutir à la complexité d’AlexFl.

L’occitan littéraire sous-jacent: l’Alexandre décasyllabique


Il est une autre façon de prendre la langue du texte: la saisir dans ses
dérivations. Y a-t-il dans AlexArs1 et AlexVen1 quelques traces de la langue
du texte imité, qui l’identifieraient?
Pour cette strate décasyllabique, l’opinion d’une version poitevine a
prévalu jusqu’à l’intervention récente d’O. Naudeau (1994).
De celui-ci citons une double conclusion. D’abord une invalidation du
poitevin à l’intérieur de l’oïl: «On peut résolument écarter la possibilité
d’une origine poitevine de l’Alexandre décasyllabique; la grande majorité
des traits prosodiques, phonétiques et lexicologiques montrent que la
langue du poème appartient au Nord de la France, peut-être à la région
picarde, mais sans exclure tout à fait la Normandie orientale.»
Ensuite la suspicion d’occitanité: «L’occitan, lorsqu’il surgit dans le
texte, généralement à la rime, indique une parenté étroite sinon certaine
avec les parlers du Sud-Est méridional.» (Naudeau, 1994, 458). Ce second

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184 ROBERT LAFONT

point se nuance: «Plusieurs constantes apparaissent au niveau des deux


rédactions conservées, montrant que l’histoire de la transmission manus-
crite du poème est liée de façon intime aux régions du Sud-Est méridio-
nal et à leurs dialectes… Il est évident qu’il y a eu au moins un copiste
provençal. Le plus probable, à notre avis, serait qu’il y en a eu deux, à en
juger par la disparité entre les traits relevés: les uns portent la marque de
l’occitan du nord, d’autres se localisent avec un certain degré de certitude
dans la région franco-provençale; d’autres encore sont analogues à ceux
qu’on observe dans les textes de langue ‘mêlée’» (ibid., 459).
Il conviendrait de revoir plusieurs points de cette démonstration.
Il semble bien que les faits occitans y soient à la fois reconnus et mal
utilisés. La forme proclitique n’ est bien typiquement d’oc et, si on la
trouve dans Girart de Roussillon, ce n’est pas une raison pour la dire aussi
franco-provençale. Il n’est pas nécessaire non plus de dire tinaus wallon
ou vosgien, alors que ce n’est qu’un cas particulier de limousinisme.
Limousinisme à la rime: c’est pour nous la clef du problème. Ce qui
est passé dans l’Alexandre décasyllabique, c’est un procédé attesté dès le
Fragment d’Antioche, d’obtenir la rime non seulement à partir de suffixes
d’oïl, mais aussi à partir de ces deux traits limousins que sont -eis pour
-és et -aus pour -als. Ce dernier est justement signalé par Naudeau comme
caractéristique de la Chanson occitane de la croisade. Nous attesterons
aussi une laisse qui voyage dans le corpus rolandien (manuscrits C, V7,
P, L) et se confirme occitane dans le Ronsasvals: celle que nous identifions
comme limousine et relions à Saint-Martial (Lafont, 1989).
Citons donc la laisse XV du texte décasyllabique: elle s’inscrit tout
entière sur une textualité occitane limousine, repérable au système rimique:
Par les degrez s’en monta li vasaus,
Dedesoz lui monta danz Bucifaus;
Fers fu li sire e fers fu li chivaus(9).
Permé la sale tresvola come faus,
Despecce tables et brisa eschamaus.
Tuit li plusor fuient a lor ostaus,
ce lor est vis cent anz dura ciz maus.
Li reis Felis dist a ses seneschaus
qu’il lo defendent ot fuz e ot tinaus(10). (Foulet, 1949, 69)

(9) Correction d’après AlexVen.


(10) Les tinaus renvoient à l’utilisation comme arme du tinel des porteurs d’eau, que
fait Rainouard dans le Willame, une épopée normande transparente à l’occitan.

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 185

Dans la laisse XII du texte d’AlexVen1, toutes les rimes sont en -als,
sauf l’irréductible enclaus (v. 114), français enclos, qui atteste ainsi la strate
-aus d’occitanité limousine.
De façon générale, la référence souvent faite au Girart de Roussillon
comme test de franco-provençalité nous reconduit à ce que nous avons
déjà proposé pour deux épopées françaises: ce même Girart et Fierabras
(Lafont, 1996, 1998). Le texte primitif est bien occitan. Il a été oïlisé (ici
oïlisé et décasyllabisé), très souvent à partir des rimes-pilotes occitanes
conservées.
Prenons un autre exemple, sur une correspondance claire de
l’Alexandre décasyllabique et d’AlexFl, pour suivre ce travail du poète
second, qui réaménage sans le modifier le texte d’une laisse, introduit
dans les vers les deux syllabes qui lui manquent et conserve la rime, un
-az immédiatement transposée en un -ez d’oïl:
Quand Al’x, li fils Felips, fu nez
per molt granz signes fu li jors demostrez:
li ceus mua totes ses calitez,
soleil e luna perdirent lor clartez,
por poi ne fu li jors toz oscurez,
crolla la terre e se mut de tot lez,
e plusors los fu molt espaventez
de cel enfant qui si fu demostrez (AlexArs1, v. 9 sq)

Métrique et composition: à la recherche d’AlexO


AlexFl est écrit en octosyllabes coupés 4 / 4. Un exemple de 3 / 5 (toylle
s’en otïositas, 6). De très nombreux cas d’enjambement à la coupe (2, 3,
4, 8, 10, 15, 16, 17, 26, 35, 45, 46, 47, 48, 77, 93, 95, 101, 104), aucun
exemple d’atone hors compte (coupe dite «épique»), par contre des
élisions ou synérèses à cette place (7, 13, 21, 38, 41, 64, 86, 90, 96, 97, 98).
Trois vers qui ne sont justes qu’au prix d’une accentuation latino-romane
fautive (18, 20, 54: Grecïa, pecunïa, formà).
À remarquer que deux fois l’accent du cas sujet enfes < infans, est
déplacé en enfés pour éviter l’atone à la coupe (57, 75). À remarquer
aussi le maintien de l’accent à sa place dans les emprunts au latin: vanitá-
tum (3), Alexánder (17, 46). Les accentuations vanitás, enfirmitás, otiositás,
antiquitás remontent au latin lui-même (on admet l’influence de l’accusatif
vanitáte(m) dès l’époque classique).
Les vers sont groupés en laisses rimées à l’exception seulement de II,
V et VI. En prenant le texte tel qu’il nous a été légué, MH, 603, accep-

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186 ROBERT LAFONT

tent pour elles l’assonance. Pour V, il s’agit d’une unique exception à la


rime, hom, -m valant pour *-n. Pour VI, d’un mot latin et d’un vers sus-
pect (cf. infra). Seul gentil contredit vraiment la rime.
Or il nous paraît exclu qu’un même texte admette rime et assonance.
Considérant que la rime est la règle dans AlexFl et la rime imparfaite ou
assonance l’exception, nous inscrirons AlexO dans la tradition aquitaine
de la rime et attribuerons cette licence qu’est l’assonance à une déviation
de la tradition manuscrite.
La forme de laisses d’octosyllabes rimés est, nous l’avons dit, celle
de la chanson de Sainte Foi, ce qui l’inscrit fortement dans le «métier
d’Aquitaine».
L’insertion se prouve à un autre fait: la période undécimale. Bien
qu’il soit hasardeux d’opérer sur un texte fragmentaire aussi court, nous
ne pouvons manquer de remarquer que les onze premières laisses de ce
début forment à l’évidence une unité de contenu: enfance et adolescence
du roi jusqu’à son passage sous des maîtres.
Les articulations internes sont claires. Première proposition: le pre-
mier syntagme va à la fin de III pour l’annonce de la récitation (même
annonce à la même place dans Sainte Foi: eu la vos cantarei en dons).
L’ouverture du second syntagme est à dicunt, qui répond à l’incipit dit. Ce
syntagme est consacré à l’origine et à la naissance d’Alexandre.
Seconde proposition: troisième syntagme, cimenté sur VII et VIII par
fud naz, et clôturé sur IX par l’ouverture à la destinée noble et militaire
(beyn resemplet fil de baron), ouverture reprise par le portrait du «cheva-
lier» en X et XI.
Cette composition, nous l’avons interprétée, en ce qui concerne Sainte
Foi elle-même, répétons-le, comme le parcours dansé, dit tresca, des colla-
téraux et du déambulatoire de l’abbatiale de Conques (Lafont, 1991b, I,
62-79). Même s’il semble difficile qu’un texte d’histoire soit l’objet d’une
interprétation dansée, qui ressortit à la cérémonie cultuelle, le premier
vers donne une indication: dit Salomon al primier pas. On interprète géné-
ralement pas comme «passage». Rien n’est moins sûr (Meyer, II, 1, «au
premier pas» autorise l’indécision). On peut aussi, avec Levy, VI, 112,
prendre l’expression comme simplement métaphorique: «gleich an
Anfang».
Nous rappelons pourtant que la tresca prend son élan sur un appui
de mélodie sacrée, et que le double pas, un pas à gauche, un pas à droite,
dit «branle double» se moule dans la mélodie de distique. C’est en ce sens

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 187

que le texte narratif, comme le texte lyrique, est un trope. Or AlexFl com-
mence bien par une citation sacrée en forme de distique latin, sous lequel
il est permis de voir une mélodie probable et un double pas dansé pos-
sible. Le modèle «aquitain» serait là complet. Nous en acceptons la sug-
gestion. Mais, dans ce cas, croyons-nous, il faudrait faire passer les vers
de Salomon en première position, car la tresca, si tresca il y a, naît dans
l’emprunt au latin. Rien ne s’y oppose:
Est vanitatum vanitas
et universa vanitas,
dit Salomon al primier pas...

Comme pour bien d’autres textes narratifs de cette époque (la Chan-
son de Roland elle-même), nous nous trouvons sinon devant un texte à
danser, du moins devant un trope dansable.
Cette suggestion se complète et se nuance d’une remarque impor-
tante. Sur onze laisses, huit sont de six vers. Les sept autres excèdent de
peu ce chiffre: une d’un vers, cinq de deux, une de quatre. De plus les
trois dernières laisses, qui font partie de la première proposition d’une
période tronquée et constituent ainsi une plage textuelle isolable, sont
bien de six vers, et présentent une structure à l’identique bien apparente:
une unité de contenu de quatre vers (deux distiques) et une autre de deux
(un distique). Dans les laisses XIV et XV, la distribution se fait selon la
définition de quatre maîtres (magestres): deux ont quatre vers, deux en ont
deux. Dans la laisse XIII, comme un seul maître est concerné, le dernier
distique lui donne une deuxième fonction, dont on voit mal comment elle
s’accorde à la principale (cf. infra, Commentaire). Il y a là toute apparence
d’un modèle tout formel de composition.
Sur ce point, MH argumentent fortement (pp. 617-618) pour supposer
la mention dans le texte complet de six ou sept maîtres qui l’inséreraient
dans le modèle du cursus studium médiéval (trivium + quadrivium), ce qui
ne présenterait rien que de normal chez un auteur clérical. Ils citent, sui-
vant Mackert, le chapitre «De vera nobilitate» de la Disciplina clericalis
de Petrus Alfonsi, qui assimile, selon Aristote, les septem artes à septem
probitates dans l’éducation du chef. Nous en sommes d’accord, et ajoutons
qu’AlexVen1 (Foulet, 64), parle bien de sept maîtres:
De tote Grece eslit les set mellors.

Mais nous faisons en outre remarquer que si les deux maîtres man-
quants avaient droit à une laisse chacun, comme le grammaticus, la
proposition de six laisses s’en trouverait formellement remplie.

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188 ROBERT LAFONT

Si la seconde période se trouve ainsi par hypothèse dessinée dans une


composition 6 + 5 de laisses «régulières» de trois distiques, – exactement de
deux + un –, la question est posée d’une régularité présente aussi dans la
première. Question qui devient: la suppression de deux vers dans les sept
laisses «irrégulières» groupées dans cette première période est-elle possible,
et, si elle l’est, améliore-t-elle le texte au point de devenir probable?
On ne peut manquer de remarquer, à ce point du questionnement,
que les laisses d’AlexFl, variation de la rime mise à part, ressemblent aux
strophes que l’art lyrique a tiré du trope. Et l’on pensera immédiatement
au modèle mélodique bien connu des musicologues: une mélodie de dis-
tique répétée une fois + un distique développant la mélodie. La laisse
d’AlexO serait ainsi structurellement semblable (musicalement comme
pour la métrique) à la strophe de Jaufré Rudel, faite des mêmes octosyl-
labes, opposant par le contenu le troisième distique aux deux autres:
No sap chantar qui so non di
ni vers trobar qui motz no fa
ni conoys de rima quo’s va
si razons non enten en si.
Pero mos chans comens’aissi,
quon plus l’auziretz, mais valra.

Nous ranimons du même coup la grande question de l’origine stro-


phique de la laisse narrative, ouverte par la phrase d’A. Monteverdi: «tous
les textes qui nous sont parvenus des âges les plus anciens nous montrent
que le poème narratif en France est né strophique», reprise et prolongée
par l’opinon d’A. Roncaglia (1963, 48-49) sur notre Fragment. Mais nous
la traitons suivant les résultats d’une étude d’ensemble exposée ci-dessus,
selon laquelle AlexO nous présente l’élément manquant dans le jeu
d’échanges aquitano-normands: la strophe narrative monorime.
Un problème technique qui nous a ailleurs occupé, est alors soulevé,
celui de l’adéquation de la laisse et du distique. Dans la chanson de saint
et dans la chanson de geste, la laisse impaire oblige à un système com-
plexe de vocalises et de «tressage» (c’est sans doute le sens de tresca)
périodique pour obéir à la mélodie de distique, et éventuellement (certai-
nement pour Sainte Foi) soutenir le pas de danse (Lafont, 1991a, I, 72-79).
L’Alexandre, comme Saint Alexis, présente un modèle plus simple, où
chant et métrique coïncident dans «l’art du distique».
Tentons de ramener les quinze strophes d’AlexFl à des sixains rimés.
D’emblée, nous trouvons la clef strophique de la première laisse, si
difficile pour le sens (cf. infra, Commentaire). Si l’on met à part les vers 5

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 189

et 6, une opposition claire apparaît entre les deux distiques initiaux consa-
crés à l’énonciation liminaire de l’Ecclésiaste dans son texte latin, sur la
vanité de toutes choses au monde et l’exception revendiquée (que tot non
sie...). À notre avis, les commentateurs et traducteurs n’ont pas accordé
assez d’attention à l’invraisemblance d’un poème célébrant un héros de
toutes vertus en illustration d’un texte biblique frappant par avance sa
gloire de vanité. Cette mise en garde faite aux grandeurs du monde, à la
Bossuet, n’est pas possible selon la thématique même du poème. Foulet
(1949, 5) est plus sévère que nous: «too often scholars have been misled
by the initial four lines into jumping at once to the conclusion that
Alberic’s intent is to preach a sermon on the vanity of all earthly pursuits
and illustrate it by the emptiness of a conqueror’s life.» Par contre, il
suffit de prendre antiquitas au sens banal d’Antiquité classique, attesté par
les textes de référence, pour que tout soit en place: la vérité générale
énoncée par Salomon et le témoignage des historiens sur l’exception
Alexandre.
Que Lamprecht ne débute pas directement par le texte biblique en
latin, qu’il le traduise en germanique quand il le cite, qu’il adopte les deux
vers que nous pensons interpolés dans cette strophe I, cela prouve
qu’entre AlexO, c’est-à-dire «Albericus», et lui, le trope, et donc la tresca
ont été perdus. On est passé du «métier d’Aquitaine» à quelque chose
d’autre: la narration s’est formellement «laïcisée» en glissant dans un autre
domaine linguistique.
Il semble aussi que le translateur germanique ait eu un texte de six
vers où le troisième distique, celui que nous retenons, avait été remplacé
par le second, que nous excluons. Ce second distique précédent tenait lieu
pour lui de celui que précisément nous retenons. Un «créneau» textuel
s’établit: le «je» y devient, pour une leçon de morale, un er qui renvoie à
Salomon lui-même, avec l’accord d’Alberîch:
daz hete Salemon wol virsûht
dar umbe swar in sîn mût;
er ne wolte niht langer sitzen,
er screip von grôzen witzen,
wande des mannes mûzecheit
ze deme lîbe noh ze der sêle niht versteit.
dar ane gedâhte Alberîch.
den selben gedanc hân ich. (AlexVo, 35-42)

Le «nettoyage» de la laisse-strophe II se fait commodément par la


suppression des deux derniers distiques. Elle a l’avantage d’éliminer for-
mellement trois formes verbales en -ist qui contredisent la rime, ainsi que

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190 ROBERT LAFONT

le natiz final et le vers 18, faux à moins d’admettre le barbarisme Grecïa


(Minetti). Elle a l’inconvénient d’économiser à cet endroit la nomination
d’Alexandre, mais ne la rend que plus formellement remarquable en la
renvoyant au vers 26, en clôture du syntagme. Elle esquive la difficulté
que fait au sens (outre la difficulté linguistique déjà vue) duc nobli:
qu’ajoute à la gloire du noble Alexandre d’avoir tué de nobles gens?
Dans la laisse-strophe III, il est exclu d’éliminer le dernier distique,
qui clôt le syntagme, au lieu formel où nous trouvons dans Sainte Foi son
équivalent: eu la vos cantarei en dons. Nous restaurons l’unité des deux
premiers distiques en éliminant 20 (vers faux, à moins d’accepter pecunïa)
et 21, pour mettre en évidence les correspondances fortes podent-valent et
exaltat-alevament qui structurent l’unité sémantico-rhétorique.
La laisse VI s’achève par une citation latine dun Alexandre genuit,
référence érudite inutile: Orose, III, 11, 2: «qui Olympiadem huius Alexan-
dri Epirotæ sororem uxorem duxit, ex qua Alexandrum Magnum genuit»
(Meyer, II, 94; MH, 611). Son élimination économise une exception à la
rime.
Dans la laisse VII, le vers final n’ajoute rien au sens, il n’est qu’une
explicitation plate du premier. On éliminerait volontiers le vers 52, avant-
dernier, s’il n’était pas reproduit dans le texte en décasyllabes: li ceus mua
totes ses calitez, cf. supra). Par contre, le vers 49 n’est pas reproduit. C’est
certainement lui qui est en trop.
La laisse X gagne beaucoup en cohérence à l’abandon des vers finaux
72 et 73: le 72 parce qu’il contredit le sens descendant d’une description
du physique d’Alexandre; la référence au texte du Roland d’Oxford, qui
reprend la description du héros dans les mêmes termes, mais en ordre
ascendant, confirme cette interprétation (cf. infra, Commentaire), le 73
parce qu’il ajoute une note morale à une strophe consacrée, sans lui, au
physique seul.
À la laisse XI, les vers 80-81 ont l’avantage d’annoncer avec mages-
teyr le thème de la proposition suivante. Les vers 78-79 ne sont pas sans
intérêt, faisant un ensemble logique oppositionnel avec 76-77. Les vers
douteux sont 74-75. Il font retour à la première enfance du héros, alors
que l’auteur est déjà passé à son adolescence (cf. infra, Commentaire,
laisse X). Ils contiennent de plus l’énigme cacographique soyientreyr.
Nous en arrivons ainsi à proposer un «texte premier», AlexO, en sa
forme reconstruite. Nous ne nous dissimulons pas le caractère hypothé-
tique d’une telle opération. Du moins notre hypothèse offre l’intérêt de

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 191

réintroduire une épave amorphe dans une architecture de genre, par


ailleurs attestée, et de sauvegarder une certaine cohérence discursive. Elle
sauvegarde la rime, sauf pour v. 34 hom, où l’on peut admettre une
évolution -m final > -n, qui est celle de presque tout l’occitan moderne,
et pour v. 44, gentil.
I
Dit Salomon al primier pas
quant de son libre mot lo clas:
«Est vanitatum vanitas
et universa vanitas»,
5 poyst lou me fay m’enfirmitas,
toylle s’en otiositas.
Solaz nos faz’antiquitas
que tot non sie vanitas.

II
En pargamen no’l vid escrit,
10 ne per parabla non fu dit
del temps novel ne de l’antic
nuls hom vidist un rey tan ric
chi per batalle e per estric
tant rey fesist mat ne mendic,
15 ne tanta terra cunquesist
ne tan duc nobli occisist
cum Alexander magnus fist,
qui fud de Grecia natiz.

III
Rey furent fort et mul podent
20 et de pecunia manent,
rey furent sapi et prudent,
et exaltat sor tota gent,
mas non i ab un plus valent
d’echest dun faz l’alevament.
25 Contar vos ey pleneyrament
de l’Alexandre mandament.

IV
Dicunt alquant estrobatour
que’l reys fud filz d’encantatour.
Mentent fellon losengetour,
30 mal en credreyz nec un de lour,
qu’anz fud de ling d’enperatour
e filz al rey Macedonor.

V
Philippus ab ses pare non.
Meyllor vasal non vid ainz hom.

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192 ROBERT LAFONT

35 Echel ten Gretia la region


e’ls porz de mar en aveyron
Fils fud Amint’ al rey baron
qui al rey Xersen ab tal tenzon.

VI
Et prist moylier dun vos say dir
40 qual pot sub cel genzor jausir,
sor Alexandre al rey d’Epir,
qui hanc no degnet d’estor fugir
ne ad enperadur servir:
Olimpias, donna gentil,
45 dun Alexandre genuit.

VII
Reys Alexander quant fud naz
per granz ensignes fud mostraz:
crollet la terra de toz laz,
toneyres fud et tempestaz,
50 lo sol perdet sas claritaz,
per pauc no fud toz obscuraz,
jangèt lo cèls sas qualitaz
que reys es fòrz en terra naz.

VIII
En tal forma fud naz lo reys,
55 non i fud naz emfes anceys.
Mays ab virtud de dies treys
que altre emfes de quatro meys.
Si’l toca res chi micha peys,
tal regart fay cum leu qui est preys.

IX
60 Saur ab lo peyl cum de peysson,
tot cresp cum coma de leon,
l’un uyl ab glauc cum de dracon,
et l’altre neyr cum de falcon;
de la figura en aviron
65 beyn resemplet fil de baron.

X
Clar ab lo vult, beyn figurad,
saur lo cabeyl recercelad,
plen lo collet et colorad,
ample lo peyz et aformad,
70 lo bu subtil, non trob delcad,
lo corps d’aval beyn enforcad,
lo poyn e’l braz avigurad,
fèr lo talent et apensad.

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 193

XI
Mèls vay et cort de l’an primeyr
75 que altre emfes del soyientieyr.
Eylay o vey franc cavalleyr,
son corps presente volunteyr.
A fol omen ne ad escueyr
no deyne fayr regart semgleyr.
80 Aisí’s conten en magesteyr
cum trestot teyne ja l’empeyr.

XII
Magestres ab beyn affactaz,
de totas arz beyn enseynaz,
qui’l duystrunt beyn de dignitaz
85 et de conseyl et de bontaz,
de sapientia et d’onestaz,
de fayr estorn et prodeltaz.

XIII
L’uns l’enseyned beyn parv mischin
de grec sermon et de latin
90 et lettra fayr en pargamin
et en ebrey et en ermin
et fayr a seyr et a matin
agayt encuntre son vicin.

XIV
Et l’altre’l duyst d’escud cubrir
95 et de ss’esspaa grant ferir
et de sa lanci’ en loyn jausir
et senz fayllenti’ altet ferir;
li terz ley leyre et playt cabir
e’l dreyt del tort a discernir.

XV
100 Li quarz lo duyst corda toccar
et rotta et leyra clar sonar
et en toz tons corda temprar,
per se medips cant adlevar,
li quinz des terra misurar
cum ad de cel entrobe mar.

Commentaire et traduction
Strophe I - Notre analyse du texte l’insère dans le «métier d’Aqui-
taine» des auteurs de vies de saint, de chansons de geste et de chansons
d’histoire. Dans toute cette production le poème roman fonde sa «véra-

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194 ROBERT LAFONT

cité» sur un texte latin, invoqué de façon liminaire dans Sainte Foi, v. 2:
del vell temps un libre latin et qui devient geste et ystoire chez Lambert.
Ici, le livre attesté n’est pas l’ensemble des historiens où le poète puise sa
connaissance de la vie d’Alexandre, mais l’Ecclésiaste. La raison en est le
trope liturgique qui lui fournit, comme nous le pensons d’après la citation
même (texte biblique syntaxiquement quelque peu modifié, comme le
remarquent MH, 605), la mélodie de sa «chanson».
Mot lo clas: moc, prétérit selon notre proposition de lecture, corres-
pond à la traduction de Meyer: «quand il fit résonner la voix de son
livre». Mais nous comprenons le verbe comme intransitif (cf. Bernart de
Ventadorn: si d’ins del cor no mou lo chans), et donc clas comme un cas
sujet: «quand a résonné...» Clas est pris par Foulet pour «glas funèbre»,
par MH (ibid.) pour un son en général, «Schall, Lärm». Pour nous, il s’agit
bien d’une sonnerie de cloches, celle qui appelle à une cérémonie. Nous
relions l’interprétation à pas, non «passage» («Stelle»), mais «pas dansé».
Alors que pour MH, la métaphore est du type liber sonat (une référence
est trouvée dans l’Epitome rei militaris de Végèce), pour nous elle se relie
à la tresca qui chante-danse un texte de Salomon, et commence sur l’appel
carillonné des exécutants.
Poyst lou me fay... vanitas: suivant ce qui était déjà indiqué par Lam-
precht, ce distique peut être interprété comme un précepte de moralité en
liaison avec la règle bénédictine, la première personne étant prise en
généralité: MH, 606 et trad. 618: «Da mir meine Hinfälligkeit den rechten
Platz zuweist, entferne sich die Untätigkeit» (on remarque la précision
ajoutée au texte, «den rechten…»; la liaison n’est pas pour autant trouvée
avec le distique final.
Foulet et Spitzer voient dans solaz la «consolation». Il faut alors
penser que la fréquentation ou lecture des anciens apporte son tempé-
rament à la vanité du monde. De même chez Minetti: «Faccia, anzi, da
solacio la frequentazione degli antichi, in modo che non tutto sia inanità.»
L’adverbe «anzi» ajouté au texte répond à un «almeno» précédent: «poi
che la mia infermità mi concede spazio inoperoso, se ne tolga, almeno,
l’accidia». L’interprétation s’appuie sur Ecclésiaste, XXXIII, 29: «multam
enim malitiam docuit otiositas»».
MH, 607, empruntent à une étude de U. Schöning la suggestion de
«vieillesse personnelle», le grand âge (qui était celui du «sage Salomon»
selon la tradition) apporte les consolations de l’étude tranquille. C’est le
«iucunda est senectus» du dialogue de Cicéron Cato maior de senectute
que notre auteur devait connaître (cf. aussi Romania 118, 578).

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 195

Rien en tout cela de définitivement convaincant. Nous avons exposé


comment l’élimination du troisième distique donne par contre à la strophe
ainsi restituée en régularité sa clarté de sens et justifie le poème lui-
même. En conséquence, nous sommes conduit à voir là une intervention
corrective, émanant du milieu clérical, et rappelant la règle morale qui
oppose aux vanités du monde, non la gloire d’un Alexandre, mais le tra-
vail, compensation à la faiblesse humaine. Le seul prix de l’interprétation
est de pousser pòyst, «puisque», vers le sens de «dans la mesure où».
On a le choix pour enfirmitas entre l’infirmité de la condition humaine et
la faiblesse particulière d’un individu. C’est bien ainsi, semble-t-il que
comprenait Lamprecht, qui ne connaissait que la correction.
Au v. 7, Meyer (I, 11) corrige à tort faz en fay.
«Est vanitatum vanitas / et universa vanitas» /, c’est ce qu’a dit Salo-
mon, au premier pas, / quand a battu l’appel de son livre. [Autant que mon
infirmité me le permet, / que l’oisiveté soit chassée.] Que l’Antiquité nous
apporte ce réconfort! que tout ne soit vanité.
II - Nous avons proposé la suppression des deux distiques finaux, qui
nous permet de ramener la strophe à sa rime sous réserve de la neutrali-
sation t/c en finale, d’économiser la platitude du vers final et l’incongruité
de tan duc nobli occisist, comme de latéraliser l’intrusion du français. Il
nous semble important par contre que ce roi (v. 12) ait fait quinauds tant
d’autres rois (v. 14).
Au v. 9, vid a d’abord été compris comme une troisième personne,
Meyer (I, 12) rétablit la première.
Ric s’oppose à mendic. Mat paraît bien emprunté au jeu d’échecs.
L’opposition de temps novel et d’antic justifie notre interprétation précé-
dente d’antiquitas.
Per batalle et per estric n’est pas une simple redondance: il y a
affrontement collectif et rencontre des rois qui se mesurent. On a dit que
tan(t), tanta a valeur plurielle (MH renvoient à Levy, 8, 42 sq).
Je n’ai pas vu écrit sur parchemin / ni ne fut dit oralement / que, dans
les temps modernes comme dans les antiques, / on ait vu un roi aussi somp-
tueux / qui, en bataille et en affrontement, / ait fait mat et pauvres hères /
autant de rois, [ni ne conquît autant de terres, ni ne tuât autant de nobles
ducs, / que ne le fit Alexandre le grand /, qui était natif de Grèce].
III - On élimine 20 et 21, la richesse matérielle et les qualités de
l’esprit n’ayant rien à faire dans une strophe dédiée à la puissance et la

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196 ROBERT LAFONT

gloire royales. Exaltat et alevament reprennent exaltatum et elevatum du


modèle latin (MH, 609). Mandament désigne l’exercice du commande-
ment. Pour la première personne qui recouvre, derrière celle du jongleur
récitant, celle de l’auteur (cf. Sainte Foi et Lafont, 1991b, I, 67). Si l’on
exclut le vers 17, on constate que le nom du héros a été retardé jusqu’au
sommet narratif de la fin du premier syntagme.
Il y a eu des rois forts et très puissants [et abondants en ressources, /
il y eut des rois sages et avisés] et élevés au-dessus de tous les hommes, /
mais il n’y en eut aucun de plus vaillant / que celui que je célèbre. Je vous
conterai sans rien omettre / quel fut le pouvoir d’Alexandre.
IV - Estrobatour a fait couler beaucoup d’encre. Le mot est un
hapax. Mölk (1998, 990 sq, 1999, 610) a proposé d’y voir *exturbatores,
formé sur un *ex-turbare devenu *estrobar par métathèse. Il nous paraît
cependant difficile que ce bizarre lexème ne soit pas en système avec
losengetour, dans la même strophe, selon un vocabulaire courtois qui se
met en place entre Guilhem IX et Marcabru.
Le plus probable est un jeu verbal, d’ailleurs savoureux, à l’initiative
de l’auteur. L’un des effets du préfixe ex- en roman est le «défaire»:
es-folhar, «effeuiller», es-grunar, «égrener», es-pampar, «épamprer». Les
estrobatour gâtent le métier de troubadour. La trouvaille lexicale est de
plus en contiguïté phonétique avec estropar, «envelopper» et l’italien
stroppiare, «contrefaire».
Losengetour a le sens de «médisant, calomniateur» que Marcabru
établit à ce moment-là, ou peu après. Mal doit être l’élision de mala,
équivalent d’afr. mar (MH, 611): cf. «Mar en crerez Marsilie» du Roland.
La dénonciation des interprétations déviantes de la tradition fait par-
tie des topoi de l’exorde de la chanson de geste (Roncaglia, 1963, 42-43).
Elle a ici une raison spécifique, qui pousse l’auteur à prendre parti contre
l’un de ses textes de référence, Julius Valerius, d’accord avec Orose (MH,
610). Elle est dans lign d’enperatour D’après le premier, qui reprend le
pseudo-Callisthène, c’est le dernier en date des Pharaons, appelé Necta-
nebus, doté de pouvoirs magiques, qui serait le vrai père du Macédonien.
Mais Alexandre doit apparaître légitimé par la naissance, tout comme
l’Empereur dynastique carolingien, même s’il n’est que roi de Macédoine.
Notre auteur est dans la cause aquitano-normande contre l’usurpation
capétienne, comme tous ceux qui sont à l’origine de l’épopée (c. Lafont,
1991a, I, 316 sq., II, 126). De là le ton de menace qu’il adopte: mal’en
credreyz et l’épithète de «félons».

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 197

Dans le texte décasyllabique, Nectanebus est un des maîtres


d’Alexandre. Le poète reprend la dénonciation du faux en paternité
sur un ton moins polémique:
Par le reaume o desient la gent
Que Alix. ert sis filz veirement;
Plusor o distrent, mas il ne fu nient:
Li reis Felis l’engendra veirement. (AlexArs, 62-65)

Certains «étroubadours» nous disent / que le roi était le fils d’un


enchanteur. / Ces félons calomniateurs mentent. / Vous ne croirez aucun
d’eux pour votre malheur, / car il était de lignée impériale / et fils du roi
des Macédoniens.

V - Vassal désignant Philippe, comme baron désignant Amyntas ont


le sens habituel et féodal de «guerrier respectant les lois de l’honneur».
Meyer corrige rey, qui lui paraît une anticipation du vers suivant, en ric.
On rappelle que de mar est obligatoire après portz pour ne pas créer
de confusion avec les ports des Pyrénées: touche d’intertextualité rolan-
dienne. Pour aveyron, mis à la place de aviron (64), MH pensent à une
influence de vibrare. Mais pour -eyr- à la place de -ir-, nous renvoyons à
leyre et leyra, il est vrai sous la deuxième main (cf. supra, La langue).
Amint: il y a confusion entre Amyntas Ier et Amyntas III, le père de
Philippe (MH, 611).
Son père avait pour nom Philippe, / on ne vit jamais seigneur plus
loyal que lui. / C’était lui qui possédait le pays de Grèce, / et tous les ports
de mer des environs. / Il était fils d’Amyntas, le noble roi / qui eut un tel
conflit avec Xerxès.

VI - Il est bien possible que vos soit une erreur du scribe pour non:
«je ne sais dire qui...» C’est la solution que notre traduction adopte. Pour
le conserver MH (618), font de la subordonnée une interrogative: «wer
hat unter dem Himmel jemals eine schönere erblicken können?»
Qual est compris par Foulet comme l’adjectif au cas régime, com-
plément de jausir: «Il épousa une femme de qui je peux vous dire qu’elle
était telle qu’il ne pouvait en choisir une plus belle sous le ciel.» Sans se
prononcer sur la forme du cas, MH en font un pronom sujet: «wer hat…».
Cette solution nous paraît préférable, reproduisant un cliché de style
épique et prenant chausir, comme au v. 96, dans le sens habituel de «voir».
Dans ce cas nous expliquons le cas-régime qual comme un objet par
contiguïté de dir.

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198 ROBERT LAFONT

Nous lisons pot comme le prétérit poc (cf. mot, 1), à qui nous
donnons comme à lat. potuit une valeur de conditionnel passé.
Le vers 43, qui termine la strophe elle-même, prend tout son sens en
liaison avec 31: la lignée d’Alexandre n’est pas subordonnée à une autre
impériale (pas plus que l’Empereur d’Occident, dans l’idéologie carolin-
gienne, à celui d’Orient ou à celui d’Espagne). Les deux derniers vers
ajoutent le nom d’Olympias, mais contredisent la rime par l’assonance. Le
dernier reproduit de plus mécaniquement Orose, comme nous l’avons dit.
Il prit épouse dont je ne saurais dire / qui en aurait pu voir de plus
belle sous le ciel, / la sœur du roi d’Épire Alexandre, / qui ne daigna jamais
fuir un combat, ni servir un empereur, Olympias, gentilfemme, [dont il
engendra Alexandre].

VII - Les prodiges qui saluent la naissance d’Alexandre sont les


mêmes que ceux qui accompagnent la mort du Christ dans l’Évangile et
celle de Roland dans la Chanson de geste. Ils sont empruntés à Julius
Valerius et à l’Historia de preliis, ainsi qu’à Orose, mais aussi à l’Apoca-
lypse de Jean (MH, 612, discussion sur ces sources). L’intention de l’au-
teur est claire: mettre le signe du sacré sur cet événement, et par écho sur
la fonction impériale qu’il incarne avant la lettre. Qualitaz s’interprète
comme la transparence et la luminosité.
Le roi Alexandre à sa naissance / fut signalé par de grands prodiges. /
La terre trembla de toutes parts, [il y eut tonnerre et tempête]; le soleil
perdit sa lumière, / il s’en fallut de peu que tout ne fût obscurci. / Le ciel
changea ses apparences [car un puissant roi était né sur terre].

VIII - Forma porte non sur les conditions de la naissance, mais sur
la personne de l’enfant. Res a été compris comme «chose»: Meyer: «si rien
le touche qui lui pèse un brin». Foulet: «si quelque chose lui arrive qui lui
déplaise tant soit peu». MH: «wenn ihn etwas berührt, was ihm unange-
nehmen ist». Mais res en occitan, spécialement dans une phrase négative
ou hypothétique peut être une personne (cf. e tantost illi li fes jurar qu’a
res non ho disses, S. Douc., Levy, VIII, 224, et R. M. Medina Granda,
«Sobre res ‘ser, persona, criatura’ en provenzal antiguo», Verba, 19, 275-
311): solution qui nous paraît préférable. Peut être la personne comme la
chose. On note la synérèse qui-est à 59.
Le roi naquit doué de telles qualités / qu’aucun enfant ne le fut aupa-
ravant. / Il avait plus de vigueur à trois jours / qu’un autre enfant de quatre
mois. / Si quelqu’un le touche qui lui fait le moindre ombrage, / il lui lance
un regard de lion prisonnier.

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 199

IX - Il y a deux portraits d’Alexandre enchaînés dans le texte: un


portrait du héros à sa naissance, portrait inquiétant de bestialité (vers 60-
63) et un portrait du héros adolescent, à la strophe X, les vers 64-65 assu-
rant le glissement d’une tonalité vers l’autre (dans ce cas, les prétérits ab
et resemplet ne sont pas sur la même plan).

Pour résoudre l’énigme du vers 60, on a le choix entre plusieurs solu-


tions

Si l’on prend peyl pour «poil», ce que fait Lamprecht (strûb unde rôt
xas ime sîn hâr / nâh eineme viske getân / den man in dem mere nach
vâhen), on peut placer sous saur la brillance et non la couleur (à moins
qu’on ne songe au hareng saur! «die rötliche, goldschillernde Farbe der so
bereiteten Fische», Wis, 1990, 130), et l’on doit suppléer «écailles» en
parallélisme avec peyl. C’est la solution de Foulet: «ses cheveux blonds
brillaient comme les écailles d’un poisson» (1949, 30).

Ou l’on entend par peysson autre chose qu’un poisson. Kinzel pro-
posait déjà la «loutre», appelée en allemand Fischotter et Wis (131 et 135,
n. 15) cite un tarif de douane de 1240 à Romans où la loutre, vendue pour
sa peau, est dans les «pisces marini». L’argument est repris par MH (613),
qui traduisent en définitive: «er hatte ein strahlendes Behaarung wie ein
Fisch». Une autre solution, philologiquement un peu plus coûteuse, mais
entrevue par Meyer (1886, II, 250, cité par Wis, 131): accuser un copiste
d’une erreur aux limites de la sottise, erreur à placer au niveau de la
modification de la strophe I, puisque Lamprecht en est victime, et lire
teysson, «blaireau» (pour taisson, ay prétonique > ey, cf. eylay, 76).

En définitive, l’haplologie, pour maladroite qu’elle soit, est-elle insou-


tenable, jouant sur la complexité sémantique de saur? «Il eut le cheveu
blond, d’une brillance de poisson».

Une autre difficulté est que notre auteur ait deux fois parlé de la
chevelure d’Alexandre, avec des adjectifs équivalents comme cresp et
recercelad (67). Une solution sémantique est que peyl ne désigne pas les
cheveux mais le poil sur le corps. Alexandre serait né velu, ce en quoi il
ne différerait pas d’Esau selon la Genèse; «rufus erat et totus in morem
pellis hispidus» (MH, 613). La réfection du manuscrit de Bâle écrit: ich
sag iuch für wâr / als ein lüewe um die brust gehâr (cité par Wis, 134).
Cette solution a pour elle que ce trait déviant et effrayant est lié, dans la
sous-unité des deux premiers distiques, à la couleur différente des deux
yeux, qui évoque deux bêtes cruelles, trait pris à l’Epitome et repris par

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200 ROBERT LAFONT

Lamprecht (Wis, ibid.). Alexandre est un enfant monstrueux, sauf que son
visage, décrit dans le troisième distique, en opposition aux deux autres
selon le procédé d’opposition formelle déjà signalé, est d’humanité supé-
rieure.
Mais la reprise peyl-cabeyl peut très bien se justifier rhétoriquement,
comme une relance ou reprise de style épique.
Nous pensons que dracon, par latinisme, peut désigner un serpent.
Il avait le poil blond clair, et comme d’un poisson, / tout crépu comme
d’un lion, / un œil glauque, comme de reptile / et l’autre noir comme de
faucon. / Mais du tour de sa personne, il ressembla bien à un fils de baron.

X - Nous pensons que figura fait une articulation sémantique avec


vult, et formelle avec beyn figurad, sur laquelle l’auteur passe de l’enfance
à l’adolescence (et formellement du troisième au quatrième syntagme de
la période). Car l’enfant ne peut avoir le visage d’un baron, mais
l’annoncer en le devant à sa race. Pour les raisons énoncées plus haut,
nous arrêtons la strophe à enforcad, qui désigne précisément la «fourche»
du cavalier.
Bu est pour buc. Talent désigne normalement le désir. Le sémantisme,
dans ce distique surnuméraire est peu clair.
Roncaglia a très heureusement rapproché cette laisse de la descrip-
tion de Baligant dans le Roland oxonien, et remarqué que l’ordre des
traits y est rigoureusement inversé (Roncaglia, 1963, 38):
La forcheure ad assez grant li ber,
graisles les flancs et larges les costez,
gros ad le pis, belement est mollet,
lees les espalles e le vis ad mult cler,
fier le visage, le chef recerceled... (3157-3161)
AlexO est ainsi placé en amont d’une tradition textuelle épique. Pour
nous, en effet, le Baligant d’Oxford est une insertion dans le texte d’un
«Roncevaux», donc d’une rédaction plus tardive que celle d’AlexO aussi
(Lafont, 1991b, I, 256-259).
Il eut le visage clair, bien dessiné; / blonde la chevelure et bouclée, / le
cou plein et coloré, /la poitrine large et bien faite, / le buste mince, mais non
trop délicat, / le corps plus bas bien enfourché, [le poing et le bras vigou-
reux, / le tempérament fier et avisé.]

XI - Soyientieyr tient du grimoire. Visiblement, le scribe ne compre-


nait pas ce qu’il copiait. D’où les reconstitutions hasardeuses de Rochat:

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 201

«que altre enfes, s’oy (à ce que j’entends dire) del an tyer», et de


G. Paris: «Soyien tieyr» (soyien: forme de suen). MH (614) défendent leur
lecture en -treyr en rapprochant le mot d’afr. soantre, soentre (ce qu’avait
déjà vu Meyer, I, 1), et aoc. seguentre, segrentre, soentre, préposition et
adverbe, «à la suite, après».
Il nous semble, pour notre part, que primeyr appelle secundariu-, que
nous romaniserons dans la langue d’AlexO en *segondeyr. g a été pris
pour yi et le suffixe malmené.
Eylay: la fermeture de ai prétonique en ei est un trait aussi bien
nordoc. que de l’Est du domaine (Ronjat, I, 301). Nous pouvons le mettre
du côté du Vivarais-Velay comme -eyr, mais aussi le dire limousin.
Fol désigne, comme dans tout le vocabulaire courtois, celui qui
contrevient à la droiture et au code moral.
Magestreyr est magistrariu- et nomme le temps passé sous des
maîtres, magestres (82) immédiatement introduits à XII. Nous sommes
sur l’articulation de deux périodes.
Empeyr est imperiu-: latinisme de sens, «commandement», mais qui
renvoie au souci de référence à l’Empire.
[Il marche et court dès sa première année / mieux qu’un autre
enfant à sa deuxième.] Là où il voit un franc chevalier, / il lui offre son
corps volontiers. / Mais à l’homme déraisonnable et à l’écuyer / il ne daigne
accorder un seul regard. Ainsi se conduit-il en temps d’apprentissage, /
comme s’il détenait déjà le pouvoir suprême.

XII - Arz < artes renvoie aux disciplines médiévales d’enseignement.


Mais ces maîtres, eux-mêmes issus de la meilleure éducation (affactaz)
sont aussi des maîtres de morale pour qui se destine aux armes. Signifi-
cativement, l’enseignement scolaire est mêlé à l’éducation que le jeune
chevalier recevait dans la «mesnie». Prodeltaz est formé sur prod- grâce à
la terminaison de fezeltaz, umiltaz, etc.
Il eut des maîtres bien formés, / savants en tous arts, / qui lui appri-
rent très bien la noblesse d’âme, / la mesure et la bonté, / la sagesse et
l’honnêteté, / à escrimer et à faire prouesse.

XIII - On remarque que les langues apprises sont celles que pouvait
recommander un clerc médiéval: le grec, le latin au prix d’un anachro-
nisme, et l’hébreu, puis l’arménien, effectivement langue d’une liturgie
chrétienne, avec laquelle les Européens ont été affrontés pour la première
fois dans la première croisade.

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202 ROBERT LAFONT

Les deux vers finaux, qui complètent la strophe, concernent, non sans
quelque naïveté, la prudence nécessaire dans la compétition féodale, en
particulier le souci que donnent au souverain ses grands vassaux.
L’un lui enseigna, encore tout petit, / à parler grec et latin, / et à écrire
sur parchemin / en hébreu et en arménien, / et à se tenir sur ses gardes, soir
et matin, / à l’égard de son voisin.

XIV - Pour Foulet, MH et Minetti grant est adverbe: «à frapper de


grands coups d’épée», «mit seinem Schwert grosse Schläge auszuführen»,
«a colpir grande con la spada». Solution que nous adoptons: il s’agit de la
frappe de taille. Altet, diminutif désigne le niveau de mi-corps que l’arme
doit atteindre. Minetti: «graduando con esattezza l’alzo.» MH: «ohne (sein
Ziel) zu verfehlen, hoch zu treffen».
L’autre lui enseigna à se couvrir de l’écu / et à frapper large de son
épée, / et à viser de loin avec sa lance / et à frapper sans erreur à mi-hau-
teur. / Le troisième à lire les textes de loi et à comprendre les litiges, / et à
discerner le légal de l’illégal.

XV - Per se medips est repris par Lamprecht: «von ime selben heven
daz gesanc». MH (615) renvoient à per se cantare de Gui d’Arezzo, ce qui
signifie chanter sans le secours d’un maître de chœur, donc en se donnant
à soi-même le ton (levar cant) et probablement en déchiffrant une parti-
tion. Adlevar, latinisme de graphie, se retrouve en une forme plus normale
chez Uc Catola, alevaz (ibid. 616).
Le dernier vers est corrompu. Nous sommes au moment où le
deuxième scribe va abandonner. Appel et Meyer adoptent la correction de
Heyse: cum ad de cel entro la mar. Meyer refuse entro que que proposait
Bartsch. Ad ne s’explique ni par l’occitan, ni par l’italien, ni par le fran-
çais. À notre avis il est une reprise du ad, déjà déviant, de adlevar. Le b
de entrobe doit être parasite, et e nécessaire pour la mesure du vers,
représenter en.
Le quatrième lui apprit à pincer la corde, / à jouer clair de rote et lyre,
/ et à accorder sur tous les tons, / à entonner le chant à voix unique. / Le
cinquième lui donna à mesurer la terre / autant qu’il y en a du ciel jusqu’en
mer.
V: la lettrine est interprétée par MH comme vacat, désignant la
lacune. Nous y voyons plutôt l’initiale de la laisse suivante, sur laquelle le
scribe a abandonné son travail.
Robert LAFONT

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 203

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206 ROBERT LAFONT

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NOUVEAU REGARD SUR LE «FRAGMENT D’ALEXANDRE» 207

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LA TERRE EST UN GLOBE

IV 2 Et pour ce fu li mondes en tel globosité, forme de pelote, criez reonz.

Cette phrase, extraite de la cosmologie contenue dans l’Introductoire


d’astronomie (IntrAstrD(1), que l’on date de ca. 1270), reflète la concep-
tion médiévale de la forme du monde: la terre était considérée comme
un globe. Cette constatation va à l’encontre de ce que l’homme cultivé
d’aujourd’hui croit savoir du Moyen Âge: pour lui, nos ancêtres médié-
vaux auraient considéré la terre comme un disque.
Depuis 75 ans, et surtout dans les deux dernières décennies, nombre
d’articles ont paru pour rectifier cette vue moderne de la cosmologie
médiévale(2). En ce qui concerne l’ancien français, c’est un article de Jill
Tattersall qui résume et analyse les attestations concernant la forme de la
terre(3). Mais le succès de ces tentatives est resté modeste. Dans notre
société du tournant du vingtième siècle, l’opinion selon laquelle les
Anciens se représentaient une terre plate reste solidement ancrée.
Un livre scolaire allemand (pour lycées) de 1998 est explicite: «Durch
das Werk des Geografen Kosmas wird die alttestamentarische Vorstellung
von der Erde als Scheibe wieder für Jahrhunderte zur Lehrmeinung» [Par

(1) Les sigles employés sont ceux du DEAF.


(2) Pour une liste détaillée, v. Rudolf Simek, «Die Form der Erde im Mittelalter
und die Erfinder der Scheibengestalt», in: Mittelalter und Moderne. Entdeckung
und Rekonstruktion der mittelalterlichen Welt, Kongreßakten des 6. Symposiums
des Mediävistenverbandes in Bayreuth 1995, p.p. Peter Segl, Sigmaringen 1997,
139-147; cf. aussi Reinhard Krüger, «Kosmologisches Wissen, das Konzept des
Universums und die Kugelgestalt der Erde bei Ramon Llull (1232-1316)», in:
Zeitschrift für Katalanistik 11 (1998) 33-78, et id. «Ein Mythos der Moderne:
Die Erdscheibentheorie im Mittelalter und die Verfälschung des ‘Hexaemeron’
des Basilius von Caesarea durch Bernard de Montfaucon (1706)», in: Mittel-
lateinisches Jahrbuch 36/1, 3-29.
(3) Jill Tattersall, «Sphere or Disc? Allusions to the shape of the Earth in some
twelfth-century and thirteenth-century vernacular French Works», in: The
Modern Language Review 76 (1981) 31-46.

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210 STEPHEN DÖRR

l’œuvre du géographe Kosmas, l’idée exprimée dans l’Ancien Testament


que la terre est un disque, redevient pour des siècles une vérité doctri-
nale](4).
Également dans le dtv-Atlas zur Astronomie, livre de chevet de toute
personne qui s’intéresse à l’astronomie en Allemagne, on lit «Ausserdem
wurde die Erde längere Zeit wieder als Scheibe angesehen. Erst im 15. Jh.
begann eine neue Phase, nachdem um 1150 zunächst das Handbuch des
Ptolemäus aus dem Arabischen oder Griechischen ins Lateinische über-
setzt wurde» [En outre, pendant très longtemps, la terre fut considérée de
nouveau comme un disque. Ce n’est qu’au 15e s. que commença une nou-
velle ère après qu’a été traduit en latin, vers 1150, à partir de l’arabe ou
du grec, le Manuel de Ptolémée](5).
Dans un spot publicitaire du mois de novembre 1999, une agence de
publicité compare son savoir-faire aux connaissances de Galilée qui aurait
abrogé le concept de la terre plate(6).
Il ne paraît donc pas superflu de reprendre ici les faits historiques: il
n’y a aucune preuve pour la conception de la terre comme un corps plat
dans les textes du moyen âge occidental, mais beaucoup d’attestations
pour sa rotondité.
Pour souligner cette constatation, nous voulons enrichir la liste des
attestations en ancien français, donnée par Jill Tattersall:
ca. 1247 ImMondeOct2S° BN fr.2174 f°40v°a: Dex forma tout roont le
monde Comme une pelote roonde. Le ciel roont de toutes pars, Qui entor
la terre est espars Entierement sans entrevalle, Tint autresi comme la
challe De l’uef entor l’aubun se donne; f°41r°a: On porroit aler environ
La terre, beste ou eve ou hon (lire La terre ou eve, beste ou hon), Sus et
jus quel part qu’il voudroit Ausi comme une mousche iroit Entor une
pomme roonde... (s’ensuit une longue description);
ca. 1268 PAbernLumH1 12525ss.: Mes il n’entendit issi pas Ke ceo fut ore
le liu plus bas, Einz est le liu, verraiment, Ki plus loinz est del firmament.
C’est le liu en la tere milewein K’est del firmament plus lointein, Dunt cel

(4) Impulse Physik 2, Geschichte + Physik, Stuttgart, Ernst Klett Verlag 1998, 24;
pour Kosmas, v. ci-dessous.
(5) dtv-Atlas zur Astronomie, hg. von Joachim Ritter, 71983, 15.
(6) Pour un grand nombre d’autres exemples, v. Jeffrey Burton Russell, Inventing
the flat earth: Columbus and modern historians, Westport, 21997, chapitre 3:
«Flattening the globe», 27ss.

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LA TERRE EST UN GLOBE 211

liu est environé De tute part de tere, en verité, Sycum ymaginer poez Par
une pumme, si garde en pernez: Si li midliu de la pumme querez, U les
pepins sunt, le truverez; Par meimes la reisun e meimes l’afere Est enfer
en midliu la tere, Ke c’est le plus bas liu ke seit Dunt seint Gregoire issi
l’entendeit. Dunt, pur ceo ke c’est dedenz la tere Desuz est dit pur cele
afere, Ke tute la tere a la runde L’avirone de tut le munde. Dunt de la
plus foreine rundesce Geke al midliu u plus destrece Treis mile e deus
cens liwes i unt E cinkante od tut i sunt C’est pruvé en la clergie Ke l’en
apele astronomie;
ca. 1270 IntrAstrD IV 2: Et por ce fu li mondes en tel globosité, forme de
pelote, criez reonz que ce est la forme qui plus apartient a parfection quar
en reondesce n’a ne fin ne commencement;
ca. 1280 JMeunAbB 167: (Jésus parle) Se je ay fam, je ne le te diray pas,
car li mondes et la rondesce de la terre est moie et la plenté de lui;
fin 13e s. PlacTimT 52ss.; 134: Cascuns des elemens est reons et tous li
mondes est reons (...) et pour ce fit le createur tout reont et aussi sont les
elemens touz reondz;
ca. 1355 PelAmeS 8937: Mon ange plus haut me mena Et sus le ciel haut
me monstra... Terre et enfer dedens enclos Ne me sembloient pas Que
une boule (var. pomme, bille) petite;
ca. 1368 OresmeSphèreMy 4: Le monde est tout ront aussi comme une
pelote... Premierement est la terre toute masseise et ronde, non pas par-
faitement, car il y a montaignes et valees, mais toutesvoies tent elle a ron-
desce, et qui seroit ou ciel et la regarderoit, elle sambleroit toute ronde.
Et pour ce, l’eclipse de la lune appert en rondesce, laquelle eclipse est
causee de l’ombre de la terre, si comme il apparra aprés. Ne je ne me
vueil plus arrester a prouver que la terre est ronde;
1374 OresmePolM 290b: Il voult dire que aussi comme Dieu tient la
monarchie ou ciel, Cesar la tenoit en terre. Et semblablement fu de plu-
sieurs autres. Et en signe de ce, l’ymage imperial tient une espere aussi
comme une pomme(7).

(7) Pour une liste des globes (Reichsapfel) qui nous sont parvenus, cf. Percy Ernst
Schramm, Sphaira, Globus, Reichsapfel, Stuttgart 1958, 186-187; pour les illus-
trations v. les tables à la fin du volume. Quelques remarques nous semblent
à corriger, p. ex. p. 178: «Wir haben den Vorgang plausibel zu machen versucht,
wieso die von den antiken Geographen gewonnene, jedoch nicht von allen
anerkannte Einsicht, die Erde habe Kugelgestalt, wieder verloren gegangen ist».

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212 STEPHEN DÖRR

Récapitulons les malentendus qui sont responsables de la légende


moderne concernant le disque terrestre au Moyen Âge(8).
1. Les sentences de deux auteurs de l’antiquité tardive qui avaient
rejeté, pour des raisons théologiques, le concept de la terre-globe.
Le nom le plus cité est celui de Kosmas Indikopleustes(9). Dans sa
Topographie Chrétienne, rédigée au début du 6e s., il rejeta la terre-
globe et conçut une image du monde en forme de disque ou de tra-
pèze. Ce texte, rédigé en grec, était inconnu au moyen âge occiden-
tal. Il était impossible d’en consulter des extraits avant 1663, la
première édition date de 1706. – Le deuxième auteur, qui doit ser-
vir d’autorité pour la terre-disque, est Firmianus Lactantius [Lac-
tance] (ca. 250-325)(10). Son œuvre était au moyen âge avant tout uti-
lisée pour discuter la question des antipodes.
2. L’interprétation erronée de la discussion médiévale concernant la
question des antipodes.
La question des antipodes, c’est-à-dire des hommes vivant de
l’autre côté du globe, occupait les savants médiévaux. Ce n’est
qu’au 19e et au 20e s. qu’on confondit la réfutation des antipodes
de la part de l’Église – qui se basait sur l’autorité d’Augustin –
avec la question de la forme de la terre. L’opinion qu’il n’y avait
pas d’hommes de l’autre côté gagnait alors en logique, si l’on
considérait la terre comme un disque.
3. Les mappemondes médiévales semblent représenter un disque.
Les mappemondes médiévales, appelées ‘cartes T-O’, montrent la
terre en forme de cercle dans lequel sont inscrits les trois conti-
nents connus de part et d’autre des branches d’un T. Comme ce
cercle n’est souvent pas parfait, mais tend à être une ellipse ou un
ovale, on a interprété ces mappemondes comme preuves d’une
forme ovale de la terre, ce qui méconnaît le fait qu’il s’agit d’une
simple projection.
4. Le problème du lt. orbis.
Les textes moyen latins utilisaient orbis pour décrire la forme de
la terre. Ce mot possédait en latin classique surtout le sens de

(8) V. à ce sujet Rudolf Simek (n. 2), 141ss.


(9) Pour des informations supplémemtaires et des renvois bibliographiques, v. LexMa 5,
1457.
(10) Pour des renseignements biographiques, cf. LexMa 5, 1606.

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LA TERRE EST UN GLOBE 213

«cercle» et de «disque» (ThesLL 92, 907); en mlt. orbis a entre


autres le sens de «monde» (Latham 324b, cf. orbicularis «sphé-
rique», et. frm. orbe «globe, sphère» RobP2). Les humanistes – tout
en se référant au latin classique – traduisaient orbis par «disque».

Pourquoi cette erreur subsiste-t-elle?


Jeffrey Burton Russell donne une réponse quelque peu crue, peu flat-
teuse pour nous, mais bien convaincante: «We are so convinced that
medieval people must have been ignorant enough to think the world flat
that when the evidence is thrown in front of us we avoid it... Thus our
worldview is based more upon what we think happened than what really
happened... The terror of meaninglessness, or falling off the edge of know-
ledge, is greater than the imagined fear of falling off the edge of
the earth. And so we prefer to belief a familiar error than to search,
unceasingly, the darkness(11).

Heidelberg. Stephen DÖRR

(11) V. n. 6, 76-77.

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SUR LES MOTS LATINS HÉRITÉS
SEULEMENT EN ROUMAIN

L’existence d’une catégorie de mots latins maintenus seulement en


roumain a été signalée par Sextil Puşcariu dans son discours de réception
à l’Académie Roumaine (Locul limbii române între limbile romanice,
Bucarest, 1920; La place de la langue roumaine parmi les langues romanes,
dans «Études de linguistique roumaine», Cluj-Bucarest, 1937, pp. 34-36).
Il a rédigé une liste de 227 mots de ce type, analysée et diminuée par
Al. Rosetti, Istoria limbii române, Bucarest, vol. I, 1986 (première édition
1938), pp. 173-180, qui arrive à 95 unités. À son tour, I. Fischer, dans ILR,
vol. II, pp. 116-122, a éliminé de la liste de Rosetti certains étymons consi-
dérés trop hasardés et il y en a ajouté quelques autres. Son inventaire
compte 107 mots latins non représentés dans les autres langues romanes.
Ultérieurement, leur nombre s’est réduit par les contributions de
Victoria Popovici et par celles de J. Pensado. La première énumère dans
l’article Cuvintele latine pâstrate numai în românâ - probleme de etimo-
logie, SCL XXXIX, no. 2, 1988, pp. 157-162, des correspondants du
domaine linguistique gallo-roman des mots roumains suivants considérés
jusqu’alors comme hérités seulement en roumain: scoare «scorie de fer»
(< lat. scoria ), stâmpâra «(s)’apaiser» (< lat. *extemperare), (în)junghia
«poignarder» (< lat. iugulare), putred «pourri» (< lat. putridus),
(sub)suoarâ «aisselle» (< lat. subala), urî «haïr» (lat. < horrire), (rég.)
voame «vomir» (< lat. vomere). Ces correspondants ont été trouvés après
l’investigation du FEW. J. Pensado dans Concordancias léxicas entre el
gallego y el rumano, RRL XXXV, no. 4-6, 1990, pp. 353-357, présente des
mots galiciens qui proviennent des mêmes étymons que les mots roumains
ajutor «aide, appui» (< lat. adiutorium), cântec «chant, chanson» (< lat.
canticum), leşina «s’évanouir» (< lat. *laesionare), ferice «heureux» (< lat.
felix), lingurâ «cuillère» (< lat. li(n)gula), secret «secret» (< lat. secretus),
considérés jusqu’alors la “propriété” exclusive de la langue roumaine.
Un examen attentif des dictionnaires nous dévoile aussi d’autres
situations similaires. En voilà quelques exemples:
AQUALIS > apare, douteux, attesté une seule fois chez Dosoftei, au
XVIIe siècle sous la forme de pluriel apârile «les eaux, tout se qui est

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216 AURORA PEŢAN

eau», dans le Dumnezeiasca Liturghie 1679, 217, éd. N. A. Ursu, Iaşi,


1980: venişu în Cana Galileei ş’ai blagoslovitu apârile şi apa în vinu
ai premenit. La forme de singulier a été reconstituée par Hasdeu,
EMR, p. 1294, qui a considéré pourtant que “elle dérive directement
de apâ par le suffixe -are (= lat. -alis), c’est-à-dire apare (= aqualis)”.
Entre parenthèses sont donnés les équivalents latins, et non les éty-
mons, comme on a pu le croire par erreur. Graur, Corr. 572a, le
considère lui aussi comme une formation roumaine. Rosetti ILR,
p. 175, même s’il l’inclut dans la liste des mots hérités, le soupçonne
d’être savant parce qu’il est attesté une seule fois. DA, REW3 527a,
ILR, p. 117, TDRG2 optent pour la solution de l’héritage.
Il a des successeurs en trent. occ. aivàl m. “acquedotto”, v. piem.
aywà f. “corsia del Tanaro nelle rapide, corrente, filone del fiume”,
lad. anaun. acal m. “canaletto per l’irrigazione”, umbr. mérid.-or.
ssakk wále m. “acquidoccio”, LEI 3, col. 595-596; engad. aual “rus-
cello, canalle”, DRG 1, p. 526, sursilv. ual, occit. aigal “corso d’acqua,
canale”, EWG 1, p. 6.

AUGMENTARE > ar. amintu «gagner», REW3 783, DDA, p. 147, ILR,
p. 117, Rosetti, ILR, p. 175.
Descendants en cal. ammentare “supplire, accrescere, aggiungere,
conettere, attacare”, Alessio, Conc., p. 16; LEI 3, 2281.

CREATIO > crâciun «Noël», ar. ~, megl. crâtsun, étymologie controversée,


attribué récemment au substrat; absent du REW3, ILR, p. 117, DDA,
p. 384, Capidan, Megl., p. 80.
Descendants certains: sard. kriaθòne m. “piccolo piombo”,
DES 2, Appendice, 606 et le v. esp. criazón, DCECH, p. 242. Cf. aussi
CDER 2524.

FELIX > ferice, REW3 3236.


Il a été déjà signalé en galicien (v. plus haut), mais on l’a trouvé
aussi au sud de l’Italie: filice sera “buona sera”, DTC I, 5, p. 302.

FERMENTARE > frâmânta «pétrir», ar. frimintu, megl. frimint; absent du


REW3, ILR, p. 117, Rosetti, ILR, p.178, DDA, p. 563, Capidan, Megl.,
p. 30. Étymologie incertaine, acceptée seulement par quelques-uns (le
DA propose lat. fragmentare).
Continuateurs certains: engad. fermantar, surselv. fermentar
“gären, in Gärung versetzen” (enregistré aussi avec la forme méta-
thétique framantar), DRG 75, p. 212.

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SUR LES MOTS LATINS HÉRITÉS SEULEMENT EN ROUMAIN 217

*FOLLIOLUS > fuior «tortis», ar. ful’ior, megl. ful’or; REW3 3421, DDA,
p. 563, Capidan, Megl., p. 131.
Aussi en Italie méridionale: cal. folleru “baco de seta”, follaru
“bozollo”, DTC I, 5, p. 307. Cf. Lozovan, Unité, p. 130. Pourtant,
Alessio, Conc., p. 14, n. 39, propose pour les mots calabrais et pour
l’irp. fuòddolo “bozzolo” le sufixe –ULUS, pas –OLUS.
GALGULUS > grangur «loriot», megl. gaigur; ar. gangur adj. «vert foncé,
vert-noir; vert-jaune»; REW3 3647, ILR, p. 117, Rosetti, ILR, p. 178
(maintenu aussi en alb. gargull, gargëll, Vâtâşescu, Voc. 213).
Aussi au sud de l’Italie: cal. sept. gràvulu, gràdulu “rigogolo”, cf.
sic., cal. gàjulu et d’autres formes chez Alessio, Conc., 29, cf. Rosetti,
loc. cit., Pellegrini, Ricerche, p. 145 şi 222.
INCALESCERE > (anc.) încâri «chauffer»; REW3 4339, ILR, p. 117,
Rosetti, ILR, p. 178.
Considéré aussi comme l’étymon du logud. inkalèskere “rincru-
dire, diventar cronico” (di mali e di malattie), DES 1, p. 622, avec un
certain doute, à cause de la possibilité d’un emprunt en sarde de
l’esp. calecer “ponerse caliente”. Pourtant, le roumain et le sarde sont
les seules langues qui attestent la forme avec in-.
LANGUIDUS > lânced «languissant», ar. lândzit; REW3 4890, ILR, p. 117,
Rosetti, ILR, p. 179, DDA, p. 747.
Continué aussi par le sard. lambidu (Nuoro) “chi brama di
mangiare” (ALIT 933: lámpidu “goloso”) DES 2, p. 6.
LANGUOR > lângoare «langueur», ar. ~, megl. lângoari; REW3 4891,
ILR, p. 117, Rosetti, ILR, p. 179, DDA, p. 747, Capidan, Megl., p. 165.
De nombreux successeurs dans plusieurs aires romanes: fr. lan-
gueur, f. “abattement physique ou moral prolongé”, v. pr. langor, v. fr.
(gesir en) langor, FEW 5, p. 163, BW, p. 360; v. it. langore, v. gen.
langor “debolezza”, AGI 15, p. 65, cf. aussi v. trev. slangurir “lan-
guire”, AGI 16, p. 325; galic. langrear “morir de miseria” Romania 6,
74 (FEW l.c.). L’esp. languor, l’it. languore sont des emprunts.
ORDINARE > roum., ar., megl. urdina «venir souvent voir, visiter quel-
qu’un»; REW3 6090, ILR, p. 117, absent chez Rosetti, DDA, p. 1240,
Capidan, Megl., pp. 317-318.
Présent en sarde, en camp. vulg. ordinare, -ai; odrinai “ordinare,
regolare”, DES 2, p. 191. DTC I, 8, p. 118 atteste l’adjectif ordinati
“specie di funghi che crescono a fila”. Emprunté dans les autres
langues romanes: it. ordinare, v. fr. ordener, n. fr. ordonner, prov., cat.
ordenar.

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218 AURORA PEŢAN

*RETELLA > reţea «réseau»; REW3 7255a.


Enregistré par DTC, I, 10, p. 199: ritedda, riteda, “base di legno,
di forma rettangolare, su cui si lavora il cacio fresco per metterlo
nelle fiscelle e per colare il siero”; riteda “arnese di legno, a forma di
lucerna, che si pone sotto il colatoio, cioè il grande recipiente di
terracotta dal fondo forato (giorra), che serve per fare il bucato”.
Cf. aussi Lozovan, Unité, p. 129.
De la liste de I. Fischer, restent 83 unités après l’élimination des mots
ci-dessus et de ceux signalés par Popovici et Pensado. Parmi celles-ci on
compte beaucoup de mots à étymologie controversée (ex. buiestru
“amble”, legâna “bercer”, lepâda “jeter, avorter”, mare “grand”, mire
“fiancé, marié”, etc.). Même Fischer en considère comme «suspectes» ou
ayant des difficultés pas moins de 13. En plus, 37 de ces 83 mots (presque
la moitié!) représentent des reconstructions, quelques-unes difficilement
argumentables (ex. *disglabro, *disuelo, *ligino, etc.).
Il en résulte que cette catégorie des mots hérités seulement en rou-
main n’est pas du tout stable et définitive. L’inventaire diminue naturelle-
ment, au fur et à mesure que les instruments de travail utilisés permettent
l’accès aux aires dialectales moins connues, pour que finalement ne reste
qu’un petit nombre de mots qui puissent réellement être hérités seulement
en roumain. Chacun de ceux-ci représente un cas intéressant, mais il est
peu probable qu’ils forment un système cohérent et sur leur base on ne
peut pas formuler de conclusions ni caractériser la langue roumaine.
D’ailleurs, chaque langue romane a un nombre de mots hérités pour les-
quels elle détient le titre d’exclusivité, et pour décider si le roumain en a
vraiment le plus nombreux inventaire, on doit examiner la situation dans
toutes les autres langues romanes. La liste reste ouverte, et les futures
recherches confirmeront très probablement l’existence, dans les autres
aires romanes, d’autres mots actuellement considérés comme hérités
seulement en roumain.
Bucarest. Aurora PEŢAN

Abréviations
Alessio, Conc. = G. Alessio, Concordanze lessicali tra i dialetti rumeni e quelli cala-
bresi, “Annali della Facoltà di Lettere e Filosifia dell’Università di Bari”, I,
1954, p. 3-53.

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SUR LES MOTS LATINS HÉRITÉS SEULEMENT EN ROUMAIN 219

BW = O. Bloch, W. von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française,


Paris, 199410.
Capidan, Megl. = Th. Capidan, Meglenoromânii, Bucarest, vol. III, Dicţionar megleno-
român, Bucarest, s.a.
CDER = Al. Cioranesco, Diccionario etimológico rumano, Tenerife, 1958-1961.
DA = Dicţionarul limbii române, I, 1, A-B, Bucarest, 1913.
DCECH = J. Corominas, J. A. Pascual, Diccionario crítico etimológico castellano e
hispánico, Madrid, 1992.
DDA = T. Papahagi, Dicţionarul dialectului aromân, Bucarest, 1974.
DES = M. L. Wagner, Dizionario etimologico sardo, I-III, Cagliari, 1989.
DRG = R. de Planta, Fl. Melcher (coord.), Dicziunari rumantsch-grischun, Cuoira,
1939 et suiv.
DTC = G. Rohlfs, Dizionario delle tre Calabrie, Halle - Milano, 1936.
EMR = B. P. Hasdeu, Etymologicum Magnum Romaniae, I-III, ed. Gr. Brâncuş,
Bucarest, 1972-1976.
EWG = J. Kramer, Etymologisches Wörterbuch des Gadertalischen (Dolomiten-
ladinisch), Köln, 1971-1975.
Graur, Corr. = Al. Graur, Corrections roumaines au REW3, BL V, 1937, pp. 80-124.
ILR = I. Coteanu et alii, Istoria limbii române, vol. II, Bucarest, 1969.
Lozovan, Unité = E. Lozovan, Unité et dislocation de la Romania orientale, “Orbis”,
III, 1954, 1, pp. 123-137.
Mihâescu, Rom. = H. Mihâescu, La romanité dans le sud-est de l’Europe, Bucarest,
1993.
Pellegrini, Ricerche = G. B. Pellegrini, Ricerche linguistiche balcanico-danubiane,
Roma, 1992.
Rosetti, ILR = Al. Rosetti, Istoria limbii române, Bucarest, 1986.
RRL = Revue roumaine de linguistique, Bucarest, 1956 et suiv.
SCL = Studii şi cercetâri lingvistice, Bucarest, 1950 et suiv.
TDRG2 = H. Tiktin, Rumänisch-Deutsches Wörterbuch, 2. Überarbeitete und ergänzte
Auflage von Paul Miron, Wiesbaden, 1986-1989.
Vâtâşescu, Voc. = Câtâlina Vâtâşescu, Vocabularul de origine latinâ din limba
albanezâ în comparaţie cu româna, Bucarest, 1997.

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SUR LES MOTS LATINS HÉRITÉS SEULEMENT EN ROUMAIN 221

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LA STRUCTURATION DU LEXIQUE
DANS LE VOCABULARIUM DE PAPIAS

0-1 Papias, dont tous les indices portent à admettre qu’il était origi-
naire de Lombardie, était un clerc qui enseignait les arts du trivium
durant la première moitié du XIe siècle, sans doute dans le Nord de l’Ita-
lie(1). Il est l’auteur du Vocabularium ou Elementarium (ou encore Lexi-
cum)(2), datable de 1053(3), dédié à ses deux fils(4), complété dans plusieurs
manuscrits par un De Grammatica, sorte d’abrégé de Priscien(5). Le Voca-
bularium, qui est le résultat de la synthèse de données tirées d’une série
d’ouvrages encyclopédiques, lexicographiques ou grammaticaux d’époques
antérieures, et particulièrement des Etymologiae d’Isidore(6), des glossaires

(1) Sur la personne de Papias, cf. Goetz 1923 (I), § 49: De Glossariorum latinorum
origine et fatis, 175; Realencyclopädie, XIII: 1455 (Goetz); Manitius 1965: 717-
718; Rossebastiano Bart 1986: 113. L’origine du nom de l’auteur est discutée: il
nous semble plausible qu’il soit lié à la ville de Pavie (cf. Enciclopedia italiana,
XXVI, 253).
(2) Dans les catalogues des mss, les titres les plus fréquents sont Vocabularium
(B.N. Lat. 8844, Lat. 11531, Lat. 13030) et Elementarium (Lat. 9341, Lat. 14744,
Arsenal 1225). Dans les mss l’incipit prend généralement la forme suivante:
Incipit elementarium doctrine erudimentum. Les éditions du XVe siècle ont pour
titre: Vocabularium ou Papias vocabulista. Lexicum est employé dans l’article
de l’Enciclopedia.
(3) Cf. Goetz 1923: 175; Rossebastiano Bart 1986: 113 indique au contraire la date
de 1041 pour la parution de l’ouvrage; Manitius 1965: 718 fixe à 1040 le début
du travail de dépouillement des sources.
(4) Voir dans l’édition de 1476 les premiers mots du prologue: Filii utiq; charis-
simi… Dans les mss consultés, nous lisons: Fili uterq: karissime.
(5) Quelques mss parisiens (B.N. Lat. 9341, Lat. 14744, Arsenal 1225) donnent à la
suite du dictionnaire le Liber papie de grammatica., dont le prologue com-
mence par ces mots: Petiste a me carissimi ex arte grammatice uobis competentes
regulas dari aut componi… (in Lat. 14744, fo 228 r°).
(6) Nous utiliserons l’édition des Etymologiae en cours de publication aux Belles
Lettres, pour les livres IX, XII, XVII, XIX déjà parus, et pour les autres,
l’édition Migne, P. L., LXXXII, 9-728. L’imitation est étroite mais le plus
souvent sélective (dans le livre XII par exemple une partie seulement des
articles sur balaena, basiliscus, bibiones, etc., se retrouve chez Papias, qui puise
des compléments d’information à d’autres sources).

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222 SYLVIANE LAZARD

de Placidus et d’Ansileube(7), et des Institutiones de Priscien(8), semble


orienté vers deux objectifs(9): d’une part rendre plus accessible la matière
des ouvrages de l’Antiquité, latins ou grecs, et des Écritures, grâce à des
commentaires sur le référent ou sur le sens de mots rares et savants (c’est
la fonction encyclopédique du Vocabularium), et d’autre part donner au
consultant, apprenant d’une langue seconde(10), une meilleure connaissance
des structures du lexique de la langue latine, en vue d’un usage actif ou
passif (c’est la fonction linguistique du Vocabularium). Le Vocabularium
se présente comme une somme considérable d’informations (l’ouvrage
dans l’édition consultée comporte 381 pages, in folio sur deux colonnes),
constituée de notices classées selon un ordre alphabétique presque rigou-
reux(11), concernant des mots (noms propres et appellatifs) latins pour la
plupart, mais également grecs(12) et hébreux. Ce trésor de connaissances,

(7) Parmi les glossaires (Goetz 1894 (V) et Lindsay 1926 (I)), ceux de Placidus et
d’Ansileube (qu’on désigne aussi du nom de Liber glossarum) apparaissent
comme les plus proches de notre auteur, à la fois pour la sélection des vocables
et pour la formulation des définitions; (pour la lettre B, voir respectivement in
Goetz 1894: 8-9, 49-51 et in Lindsay (I): 77-88); d’ailleurs Papias lui-même, à
la fin du Prologus, dans la liste de ses sources, cite parmi les grammairiens et
lexicographes, outre Isidore, Priscien et Bède, le nom de Placidus (Placitus).
Par contre d’autres glossaires des recueils de Goetz et de Lindsay, tels que
Amploniana (Goetz 1894: 259-337), Abstrusa (Goetz 1889 (IV): 3-198 et Lind-
say (III): 1-90), Abauus (Goetz 1889: 301-403 et Lindsay (II): 29-121), etc., et
particulièrement celui qui porte le titre de Liber glossarum (Goetz 1894: 159-
255, à distinguer du recueil homonyme publié par Lindsay) ont peu de rapport
avec le texte de Papias, autant par la sélection des mots que par la rédaction
des notices.
(8) Cf. in Keil 1855 (II) et 1859 (III), Institutionum grammaticarum libri XVIII.
Dans le prologue à son abrégé grammatical, Papias déclare ouvertement vou-
loir transmettre, en le simplifiant, le modèle de Priscien: ipsius igitur prisciani
dispositionem summamque sequens quam breuius potero opus uestrae eruditio-
nis componam (Della Casa 1981: 40).
(9) Cette double finalité est également mise en évidence in Della Casa 1981: 36.
(10) Rossebastiano Bart 1986: 113 insiste sur le fait que les ouvrages de ce type
furent progressivement destinés, avec l’essor des langues vulgaires, à l’acquisi-
tion du système par des non latinophones.
(11) C’est aussi l’avis de Rossebastiano Bart 1986: 114, qui le qualifie de assai
(«très») rigoroso per quei tempi. Papias lui-même, dans le § 2 du Prologus pré-
cise: totus hic liber per alphabetum non solum in primis partium litteris:uerum
etiam in secundis & tertiis litteris…interdum ordinabili litterarum dispositione
compositus erit.
(12) En ce qui concerne la présentation des mots grecs, l’édition incunable que nous
suivons diffère des mss consultés: en effet dans cette édition (qui suit sans doute
l’un des mss italiens) un grand nombre de mots grecs sont présentés dans les
deux alphabets, alors que dans les mss parisiens, l’alphabet grec est limité à

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 223

même s’il ne fait que réorganiser le contenu d’une série d’ouvrages anté-
rieurs(13) dont il sélectionne les données en fonction de critères qui lui
sont propres, connut une diffusion remarquable pendant les siècles qui sui-
virent son élaboration (il en existe des dizaines de mss en France, en Alle-
magne, en Italie(14), dont 18 pour les seules bibliothèques parisiennes(15)),
et l’ouvrage fit l’objet de quatre éditions en Italie avant 1500: celle que
nous avons utilisée remonte à 1476(16).
0-2 Le contenu des notices est très variable, et schématiquement nous
en distinguerons quatre types principaux: 1° les notices de nature ency-
clopédique, concernant par exemple (à l’intérieur de la lettre B)(17) les
lemmes Babylonem urbem, Beatitudinis gradus, Bryonia uua (18), etc., cen-
trés essentiellement autour de notions de géographie (surtout de l’Empire
romain et de l’Orient méditerranéen), d’histoire (de l’Antiquité) ou de
mythologie, de botanique ou de zoologie, de religion (particulièrement
axées sur des entités évoquées dans la Bible), de droit, de métrique, etc.;
2° des notices de nature mixte, à la fois encyclopédiques et lexicales, où
les informations sur le référent sont complétées par un commentaire sur
la dénomination de l’entité (voir par exemple le cas de Buccina, dont sont
tout d’abord définies la nature (similis tubae sed longior) et la fonction
(sollecitudinem ad bellandum denuntians), et dont le nom est ensuite mis

quelques mots indispensables, par exemple dans la notice sur la lettre B, à iden-
tifier les phonèmes grecs dont est issu le /b/ latin des vocables comme ambo,
publicus, birrus, etc.
(13) Sur la transmission de la tradition lexicographique jusqu’à l’époque de Papias,
cf. Buridant 1986: 13 et particulièrement note 24.
(14) Liste des mss du Vocabularium in Goetz 1923: 172-174 (il en dénombre 87).
(15) Goetz énumère 16 mss à la B.N. de Paris (outre ceux déjà cités, cf. note 2),
signalons encore Lat. 10296 (A-N), Lat. 12400 (A-D)); un à la Mazarine (3790);
un à l’Arsenal (cf. note 2). Nous avons la preuve, grâce à des notes marginales
relevées dans deux de ces mss parisiens (Lat. 14744 et Mazarine 3790), que les
centres du savoir, comme l’abbaye Saint-Victor, en possédaient plus d’un exem-
plaire (cf. Mazarine 3790, fo 2: Iste liber est sancti Victoris parisiensis) et y atta-
chaient le plus grand prix: (ibid.) quicumq; eum furatus fuerit uel celauerit ul
titulum istum deleuerit anathema sit Amen.
(16) Mediolani 1476, Domenico da Vespolato (édition reproduite en offset par la
«Bottega d’Erasmo», Turin, 1966); Venetiis 1485, Andrea Bonetti; Venetiis 1491,
Teodoro Ragazzoni; Venetiis 1496, Filippo Pinzi. Selon l’Indice degli incunaboli
delle biblioteche d’Italia, Rome 1965, vol. IV, p. 192, il n’y a pas eu d’autres
éditions avant 1500. Ces quatre versions, très proches (Goetz 1923: 172: inter
se simillima), semblent toutes dépendre du même ms.
(17) Cf. note 27.
(18) P. 37, col. 2; p. 40, col. 1; p. 43, col. 2.

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224 SYLVIANE LAZARD

en rapport avec ses dérivés (inde buccinare buccinator & buccinatus &
buccinus…)(19), ou servent même à justifier la forme du mot (voir le cas
de Boetia prouincia dont un récit mythique (Cadmus iram patris fugiens
bouis uestigia secutus ubi bos recubuit ibi sedem condidit) permet de moti-
ver la dénomination: de nomine bouis Boetia dicta)(20); 3° des notices de
nature purement lexico-sémantique (c’est ce type qui prédomine dans le
Vocabularium, même si leur proportion est irrégulière), portant sur des
vocables dont le sens est défini soit par un syntagme (Bigens duabus gen-
tibus natus)(21), soit par un ou deux équivalents (Bubulcus: boum custos;
Baburrhus: stultus. ineptus)(22), et dont la forme est souvent rapprochée
d’une autre unité lexicale, latine ou grecque, avec laquelle il présente des
affinités sémantiques (Bibli libri dicuntur quia ex biblis quasi iuncis fie-
bant)(23), notices qui se concluent, assez rarement à vrai dire, par une
information morphologique (Bipennis securis quae duas pennas habet….hic
& haec bipennis & hoc bipenne: ut bipennis securis uel est foemininum)(24);
4° des notices servant à l’élucidation de mots étrangers (souvent caracté-
risées par la forme verbale interpretatur), grecs pour la plupart (Bibliopola
graece qui & libros uendit scriptor librorum; Bia graece uiolentia latine)(25),
plus rarement hébreux (Beth interpretatur filius uel domus uel confusio
secunda littera hebreorum)(26). Les notices de type 1, 4 et partiellement 2
ont pour visée la compréhension des textes et une meilleure connaissance
des référents évoqués; les notices de type 3 et partiellement 2 tendent à
développer la compétence linguistique de l’utilisateur.
0-3 La finalité de notre recherche, qui sera limitée à une part minime
mais représentative de l’ensemble du Vocabularium (la lettre B)(27), est de
dégager les relations que Papias construit entre les mots, relations qui sont
de trois sortes: 1° liens établis entre deux unités de la langue latine (ou
bien entre un mot latin et un mot grec), présentant à la fois un segment
commun de leur signifiant et une affinité sémantique. Ce type de lien
étymologique se place dans la continuité d’une tradition lexicographique

(19) P. 44, col. 1.


(20) P. 42, col.1 (repris d’Isidore, Etym., lib. XIV, 4, 11; cf. Maltby 1991: 82).
(21) P. 41, col. 2.
(22) P. 44, col. 1; p. 37, col. 2.
(23) P. 41, col. 1 (repris d’Isidore, Etym., lib. VI, 3, 1; cf. Maltby 1991: 79).
(24) P. 41, col. 2.
(25) P. 41, col. 1.
(26) Ibid.
(27) De la p. 37, col. 2, à la p. 44, col. 2.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 225

séculaire qui remonte, pour ses principes, jusqu’à Varron(28); 2° liens éta-
blis entre un mot simple et les mots issus de lui, soit par dérivation, soit
par composition. Ces deux catégories de relations sont très développées
dans le Vocabularium, car elles permettent, comme nous allons le montrer
par notre analyse, de faciliter l’assimilation de la masse de connaissances
que représente l’ouvrage (n’oublions pas que Papias destine en priorité le
Vocabularium à l’instruction de ses deux fils et plus généralement de tous
ceux qui désirent progresser dans la maîtrise de la langue latine)(29). Un
troisième type de relations attire au contraire l’attention du consultant sur
une imperfection de la structure du lexique qui se manifeste chaque fois
qu’à une seule unité correspondent plusieurs sens possibles: Papias signale
minutieusement ces cas de surabondance des signifiés. C’est à ce réseau
de relations multiples entre les vocables que nous consacrerons cette
étude: parmi les liens que met en évidence Papias, certains sont toujours
valables à nos yeux, d’autres au contraire nous étonnent par leur ténuité.
Nous essaierons donc de mesurer l’efficacité, les apports et les limites de
la méthode mise en œuvre par le lexicographe en matière d’étymologie,
de formation des mots et de polysémie.

1 – La méthode étymologique de Papias dans la lettre B


1-1 Difficulté de distinguer les liens de type 1 et de type 2
En prenant connaissance des données linguistiques du Vocabularium,
nous avons distingué a priori des relations de type 1 (de nature étymolo-
gique) et de type 2 (de nature dérivationnelle); mais au moment de dis-
tribuer les unités lexicales dans l’une ou l’autre de ces deux catégories,
nous découvrons qu’elles ne sont pas aussi discrètes qu’elles le semblaient
a priori (voir par exemple les cas de Bactrus fluuius orientis a rege Bac-
tro, et de Bibiones («drosophiles»): … a bibendo (30): la relation entre les
membres de ces couples est-elle de nature étymologique ou dérivation-
nelle?). Nous avons donc éprouvé la nécessité de définir des critères

(28) Même si les étymologies de Papias ne reproduisent presque jamais celles de


Varron (les seuls étymons communs, pour la lettre B sont ceux de bellum et
de balteum: cf. Goetz et Schoell 1964: 36 et 107), les critères de rapprochement,
comme nous le verrons en 1-2 et 1-3, sont de nature similaire (sur les principes
de l’étymologie varronienne, cf. Collart 1954: IV-IX et Flobert 1985: XV-XVII).
(29) Cf. Prologus, p. 3, col. 1: nec uobis solum filiis: sed…quibusdam iam satis olim
petentibus: quibusdam autem & si non petentibus: tamen cupientibus: omnibus
uero: quibus proficere debent talentum.
(30) P. 38, col. 1; p. 41, col. 1.

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226 SYLVIANE LAZARD

stricts, susceptibles de rendre moins arbitraire ce classement: 1° les liens


étymologiques ne sont pas généralisables, contrairement aux liens dériva-
tionnels (on ne peut dégager une règle qui permette de passer de Balare
«bêler» à Balbus «bègue»)(31); 2° les liens étymologiques tendent à mettre
en évidence une affinité sémantique entre deux mots que leur forme rap-
proche (entre Brachae et Breues par exemple)(32), alors que le lien déri-
vationnel ne peut se concevoir hors de l’identité sémantique (les sèmes
communs à Bellum et Bellicus, à Bombices et Bombicinus (33), sont la
condition nécessaire de la dérivation); 3° le rapprochement sémantique,
dans le lien étymologique n’est pas toujours évident, le plus souvent il
repose sur une hypothèse (voir le lien entre Balare «bêler» et Blandus
«doux»)(34), alors que le lien dérivationnel est par définition assuré (Brach-
tea / Brachteola, Burgus / Burgarius)(35). Enfin les adverbes ou conjonctions,
définissant le rapport entre les unités, fournissent une indication complé-
mentaire: Papias emploie inde, unde, hinc, indiquant l’aboutissement d’un
processus, pour la dérivation, quod, quia, eo quod, indiquant la causalité,
pour l’étymologie (a cependant est utilisé pour les deux types de liens:
voir pour le rapport étymologique le cas de Baiae ciuitas…(portus) a baiu-
landis mercibus dictus; et pour le lien dérivationnel: Bacculus diminutiuum
a baccho)(36). En appliquant ces trois critères, corroborés par le choix du
mot de liaison, nous devrions obtenir deux listes distinctes, comportant un
nombre réduit de cas ambigus.

1-2 Nombre de liens étymologiques mis en évidence dans la lettre B


Dans l’ensemble des 512 notices qui constituent la lettre B, dont 483
renferment au moins partiellement une information linguistique(37), 57 s’in-
téressent à l’origine du vocable. Cependant lorsqu’il s’agit d’un emprunt
à une langue étrangère (grec ou plus rarement hébreu), mal attesté dans

(31) P. 38, col. 2.


(32) P. 43, col. 2 (repris d’Isidore, Etym., lib. XIX, 22, 29; cf. Maltby 1991: 84).
(33) P. 40, col. 2; p. 42, col. 1.
(34) P. 38, col. 2.
(35) P. 43, col. 2; p. 44, col. 2.
(36) P. 38, col. 1; ibid. (Pour l’importance accordée à la formation du diminutif chez
Priscien, voir note 80).
(37) Nous n’avons dénombré que 28 notices qui soient entièrement dépourvues d’in-
formation linguistique, car bien souvent la notice de caractère encyclopédique
se termine par une brève allusion à un étymon ou à un dérivé, ou à un trait
morphologique.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 227

le lexique ou même d’un mot resté étranger à la langue latine, dont le


sens est par conséquent obscur (voir Bulimus, Biothanathus, Batin (38), et
parmi les noms propres Biannor, Birsa, Beemoth)(39), la recherche de l’ori-
gine du vocable n’a pas de finalité lexicologique: l’identification de ses
constituants sert soit à élucider son sens, soit à mieux identifier son réfé-
rent (la finalité de la notice est dans ce cas de nature encyclopédique).
Ce n’est que lorsqu’il s’agit d’un mot latin usuel ou d’un emprunt au
grec bien implanté, appellatif (Balaena, Balista, Brachia) ou nom propre
(Baleares, Bosphorus)(40), que les liens étymologiques acquièrent une
dimension lexicologique: en effet en proposant un rapprochement du
signifiant et du signifié de deux unités x et y du lexique latin, les hypo-
thèses étymologiques visent d’une part à établir un lien rationnel entre
des vocables que le simple usager ne perçoit pas; en s’intéressant aux
emprunts ou aux étymons grecs, elles révèlent d’autre part la fonction
éminente de la composante hellénique dans le lexique latin de base(41). Si
nous appliquons ces critères restrictifs à un relevé exhaustif des mots dont
Papias examine l’origine, il en résulte que près d’une quarantaine d’ana-
lyses étymologiques intéressent la structure ou la composition du lexique
latin(42).

1-3 Amplitude de la divergence entre les signifiants de x et de y


Il ressort de l’examen de la quarantaine de cas de rapprochement des
signifiants de deux unités x et y appartenant à la langue latine (ou plus
rarement, dans les conditions définies ci-dessus, à la langue latine et
grecque), dont l’une est proposée comme étymon de l’autre, que l’affinité
formelle requise se concentre sur la première partie du mot (c’est-à-dire
sur la première syllabe)(43), les divergences de la seconde syllabe ne sem-
blant pas susceptibles de remettre en question l’affinité formelle concen-
trée dans la cellule initiale (Balbus / Balare, «bègue» / «bêler», Barbitus /

(38) P. 44, col. 1; p. 41, col. 2; p. 39, col. 2.


(39) P. 41, col. 1; p. 42, col. 1; p. 40, col. 2.
(40) P. 38, col. 2; p. 38, col. 2; p. 43, col. 2; p. 38, col. 2; p. 43, col. 1.
(41) La composante grecque du lexique latin usuel était, depuis l’époque classique,
au centre des discussions des grammairiens, et Varron par exemple qui propose
de nombreux étymons grecs pour des mots du lexique latin de base (cf. Flobert
1985: XVI) avait construit une véritable théorie des emprunts (Collart 1954: 20).
(42) Au groupe de 27 mots issus d’un étymon latin, nous avons intégré 8 emprunts
grecs bien implantés.
(43) Sur la définition et les limites de la syllabe, cf. Prisciani Institutionum gram-
maticarum liber II, in Keil 1855: 44-45.

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228 SYLVIANE LAZARD

Barrhus, «défense» / «éléphant», etc.)(44), peut-être parce que dans la


conception grammaticalisée de Papias, comme nous le verrons aux § 2-2
et 2-5, cette seconde partie du mot pourrait être considérée comme un
élément relevant de la dérivation ou de la composition(45). Les unités pho-
nétiques qui déterminent la similarité sont les consonnes (la variation
vocalique entre a et e (Brachae / Breues) ou entre i et u (Bubula / Bibere,
Britania / Bruti)(46) ne paraît pas un obstacle au rapprochement). L’im-
portance secondaire des voyelles est bien visible aussi dans le phénomène
de syncope impliqué parfois (Balare / Blandus)(47). Il faut préciser à pro-
pos des consonnes que Papias considère comme équivalents ou tout au
moins interchangeables /b/ et /v/ (Badius / Vadere, Basterna / Vesterna,
Bestiae / Vastare)(48), /l/ et /r/ (Balatrones / Baratrum)(49). Il arrive même
que la similarité soit encore plus limitée: elle se réduit parfois aux deux
premiers phonèmes, de la première syllabe (Barca / Baiulare)(50), car il
apparaît que plus on s’éloigne de l’initiale moins les dissemblances sont
pertinentes (voir, Bagina / Baiulatur, Baxea / Bachea)(51); on remarque tou-
tefois qu’il peut exister une certaine parenté entre les phonèmes diver-
gents: par exemple un élément vélaire entre /g/ et /w/ (dans le rappro-
chement Belga / Beluatum, à condition qu’on s’en tienne à l’articulation
labio-vélaire /w/ de l’époque classique)(52), ou entre /ks/ et /k/ (dans Baxea

(44) P. 38, col. 2; p. 39, col. 1. (Barbitus ne figure pas in Thesaurus).


(45) Voir in De L. Lat., lib.VI, § 36, la théorie varronienne de la combinatoire d’élé-
ments simples et brefs appelés primigenia.
(46) P. 41, col. 1; p. 41, col. 1; p. 43, col. 2 (avec une variation vocalique similaire,
cf. in Varron, De L. Lat., lib. VI, § 8: Dicta bruma quod breussimus tunc dies est).
(47) P. 42, col. 1.
(48) P. 38, col. 1; p. 39, col. 2; p. 40, col. 2. Sur la confusion entre les phonèmes
/b/ et /v/ à l’époque tardive: voir entre autres in Keil 1878 (VII): 166-193
Adamantii siue Martyrii de B muta et V vocali; et par ailleurs E. Parodi, «Del
passaggio di v in b», in Romania, XXVII, 1898, 177-240; J. L. Barbarino, «The
evolution of the Latin /b/-/u/ merger», North Carolina Studies in the Romance
Languages and Literatures, 1978, n° 203. Papias lui-même dans le prologue
(p. 2, col. 2) signale cette variation: Et quam uerbenem quidam: alii berbenam
uocant herbam.
(49) P. 38, col. 2.
(50) P. 39, col. 1 (voir aussi chez Varron, De L. Lat., lib. VI, § 11, un rapprochement
réduit aux phonèmes de la première syllabe (seclum…dictum a sene), laquelle
parfois est notoirement divergente (voir motus et mundus, lib. VI, § 3).
(51) P. 38, col. 1; p. 40, col. 1. Il faut noter en outre, quant à la paire Bagina / Baiulat,
que la nature de la consonne protonique a largement varié au cours des siècles de
la latinité tardive, si bien que l’écart entre les deux formes est difficile à évaluer.
(52) Sur l’évolution de /w/ dans le latin tardif, cf. Tagliavini 1969: 246-247.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 229

/ Bachea)(53). L’affinité entre les signifiants est donc réduite, mais elle est
définie par des règles qui déterminent les conditions minimales d’appa-
rentement entre les phonèmes de la première syllabe des vocables x et
y(54), dont la fonction va décroissant à partir de l’initiale consonantique(55).

1-4 Les critères de rapprochement entre les signifiés


En ce qui concerne le signifié également, la zone de contact est
réduite: entre les unités x et y, souvent il n’y a pas de trait spécifique com-
mun (voir Badius «type de cheval» et Vadere: «aller»)(56), mais seulement
un trait générique (dans le concept de «cheval» est inclus celui de «dépla-
cement», spécifique de Vadere); on peut dire que l’unité x Badius n’est pas
incompatible avec l’étymon y Vadere; de même entre «fourreau» et «trans-
porter», s’il n’y a pas de trait spécifique commun, on constate toutefois
que l’unité x Bagina sert à «transporter» (y = «baiulare») une épée, un
poignard, etc.(57); le rapport entre x Barca et y Baiulare est de même
nature(58): si l’on peut admettre qu’une embarcation sert principalement à
transporter des marchandises, ce rapport est loin d’être prégnant, de sorte
que y peut difficilement avoir déterminé la dénomination de x. La non-

(53) L’évolution des langues romanes a séparé nettement les sons issus du phonème
grec /¯/ et du groupe /ks/, qui donnent respectivement /k/ et /s / dans le proto-
roman (cf. Tagliavini 1969: 245).
(54) Le principe d’un segment minimal commun entre les signifiants n’est pas ori-
ginal: Papias reprend à son compte de nombreux rapprochements proposés par
Isidore (Bagina / Baiulare, Barca / Baiulare, etc.), qui lui-même les avait héri-
tés de grammairiens antérieurs, comme le manifeste avec exhaustivité l’ouvrage
de Robert Maltby, A lexicon of ancient Latin etymologies (Maltby 1991).
(55) L’analyse des emprunts grecs s’appuie en général sur des affinités plus évi-
dentes entre les signifiants: voir par exemple Ballein proposé comme étymon
de Baleares, Balaena, Balista (p. 38, col. 2); voir aussi Basilica (p. 39, col. 2),
Bucolicum (p. 44, col. 1) qui ne posent aucun problème formel. Plus risqué le
rapprochement entre Brachia et Bary (p. 43, col. 2), repris d’Isidore, Etym.,
lib. XI, 1, 69, qui nécessiterait une métathèse (sur l’étymon grec de ce vocable
proposé par Festus, voir Thes., II, 2151 et Maltby 1991: 84).
(56) Badium equum antiqui uadium dicebant quod coeteris animalibus fortius uadat,
p. 38, col. 1 (repris d’Isidore, Etym., lib. XII, 1, 49; cf. Maltby 1991: 73).
(57) Bagina dicta eo quod in ea mucro uel gladius baiulatur (ibid.), repris d’Isidore,
Etym., lib. XVIII, 9, 2.
(58) Barca a baiulando dicta: quae cuncta commertia maioris nauis ad littus portat
(p. 39, col. 1), repris d’Isidore, Etym., lib. XIX, 1, 19; voir in E.M. 99 une hypo-
thèse plus plausible. Ce type de rapprochement sémantique fragile est déjà fré-
quent chez Varron (voir par exemple in De L. Lat., lib. VI, § 6: Nox…quod
nocet nox).

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230 SYLVIANE LAZARD

spécificité est encore plus évidente dans le cas du nom de la ville de


Baiae, port près de Naples, qui en dépit de ses activités portuaires ne peut
tirer son nom de la seule activité de «baiulare» (Baiae…portus a baiulan-
dis mercibus dictus)(59). Certes en quelques cas, le rapport entre x et y est
probable (entre Bibiones «drosophile» et Bibere, dans la mesure où la dro-
sophile se développe dans le moût du raisin ou dans le vinaigre; peut-être
entre Bubula «sorte de papyrus» et Bibere)(60). Certains rapports sont
même évidents et ne peuvent être remis en question (voir Bellum de
Duellum (61), ou Balista du grec Ballein «jeter»(62)). lI existe ainsi toute une
gradation entre des relations évidentes, des relations probables, où se
manifestent des sèmes communs spécifiques, comme par exemple dans le
cas de Baianula «litière» et de son étymon Baiulare «porter»(63), et des
relations très discutables voire inacceptables que Papias comme ses pré-
décesseurs (parmi lesquels prédomine Isidore)(64) établissent entre les
signifiés, dès qu’un trait sémantique commun est perceptible. Tout comme
on l’a vu à propos du signifiant, Papias et les lexicologues de la tradition
se contentent d’une aire de contact sémantique restreinte, souvent liée à
des croyances mythiques ou objectivement peu fondées, comme par
exemple entre le nom de la ville de Gaule Belga et l’adjectif Beluatum
«où abondent les bêtes sauvages»(65); entre l’île de Britania et Bruti «êtres
dépourvus de raison», dont cette île serait peuplée(66); entre le serpent Boa
et les bovins, dans la mesure où Boa est nomen serpentis quae ualide

(59) P. 38, col. 1.


(60) P. 41, col. 1 (repris d’Isidore, Etym., lib. XII, 8, 16): Bibiones: quod in uino
nascunt; p. 41, col. 1: Bubula papyrus dicta quod humorem bibat (sans doute
tiré de Priscien; cf. Maltby 1991: 79).
(61) P. 40, col. 1 (repris d’Isidore, qui le doit indirectement à Varron: cf. Maltby
1991: 77).
(62) P. 38, col. 2: Balenae immensae…bestiae in mari dictae graece quod aquas effun-
dant (la formulation est légèrement différente in Isidore, Etym., lib. XII,
cap. 6, 7; cf. Maltby 1991: 74).
(63) Baianula lectus: qui in itinere baiulatur, p. 38, col. 1 (repris d’Isidore, Etym.,
lib. XI, in Migne, P. L., col. 722: bai(i)onula; E.M. 96).
(64) Les étymons repris d’Isidore sont les plus nombreux; par ailleurs, dans certains
mss, des notes marginales en lettres rouges signalent par l’abréviation Is. ou
Diff. l’emprunt récurrent à cet auteur. Grâce à Maltby 1991, on découvre que
les hypothèses d’Isidore et donc de Papias remontent souvent à Festus. Pour
un panorama des sources lexicographiques d’Isidore, voir aussi Fontaine 1959:
187-202.
(65) P. 40, col. 1: Belga est beluatum ciuitas (E.M. 102).
(66) Britania dicta quod eius homines sunt bruti, p. 43, col. 2 (repris d’Isidore, Etym.,
lib. IX, 2, 102).

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 231

sequitur bouem(67), etc. C’est dans cette catégorie de rapprochement fondé


sur une recherche exacerbée d’un lien rationnel entre les unités du
lexique qu’on placera Barbarus, analysé barba rus, car comme le déclare
Papias dans la notice Barbarismus: barbarus uero a barba & rure: qui(a)
nunquam in urbe sed in rure et siluis conuersatus est (68). Nombreuses sont
les étymologies de ce type, où le lexicographe a réussi à établir un rap-
port jugé déterminant entre deux unités de la langue ayant en commun un
segment (ou une partie notable) de leur signifiant. Il s’agit bien d’un
effort de rationalisation de la structure du lexique par lequel Papias tente
de réduire l’arbitraire de cette composante non grammaticale du langage.

1-5 Bilan sur la méthode étymologique de Papias


La méthode étymologique de Papias ne se distingue pas fondamen-
talement de celle des lexicographes antérieurs: souvent il ne fait que
reprendre mot à mot les phrases d’Isidore, et par ailleurs ses critères,
quant au rapprochement des signifiants et des signifiés, sont de même
nature que ceux de Varron. Il en résulte une fragilité des hypothèses,
insuffisamment fondées. Cependant on se doit d’attirer l’attention sur le
fait que Papias à plusieurs reprises propose une double étymologie (pour
Bellum, Bosphrus, Burrae par exemple)(69), ce qui indique une attitude
critique par rapport aux hypothèses avancées et un désir impérieux de
découvrir les liens secrets entre les mots plus fort que la crainte d’afficher
ses doutes. Même si cette attitude n’est pas originale(70), elle souligne
l’importance qu’attribue Papias à la connaissance en soi et à sa propre
mission de pédagogue et d’initiateur aux méthodes scientifiques.

2 – Les règles de formation des mots selon Papias


2-1 L’importance de la formation des mots dans le Vocabularium
Par rapport aux lexicographes antérieurs, et particulièrement à
Isidore (les auteurs de simples glossaires n’introduisent aucune relation

(67) P. 44, col. 2 (repris d’Isidore, Etym., lib. XII, 4, 28). Vu que le serpent suit le
troupeau pour se rassasier de lait, il convient de donner à bouem un genre
indéterminé qui inclue aussi bien le masculin que le féminin, comme le faisait
la langue latine ancienne (cf. Varron, De L. Lat., lib. VI, § 15: Bos forda quae
fert in uentre et E.M.: 74).
(68) P. 38, col. 2 et 39, col. 1.
(69) P. 40, col. 1 (il propose à la fois duellum et bonus: Alii per antiphrasin a bono
dictum bellum diminutiue); p. 43, col. 1; p. 44, col. 2.
(70) Varron également avance pour plusieurs vocables une double hypothèse:
cf. Flobert 1985: XVII, qui cite entre autres exemples, dans son Introduction au
livre VI: aestas (§ 9), aprilis (§ 33), etc.

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232 SYLVIANE LAZARD

entre les vocables qui sont énumérés, l’un à la suite de l’autre dans des
gloses séparées)(71), Papias innove par l’intérêt spécifique qu’il accorde aux
rapports qui relient entre elles les unités de la langue, indépendamment
de toute relation étymologique(72). En effet chez Isidore, l’intérêt, comme
l’indique le titre même de l’ouvrage, est centré sur les liens étymolo-
giques(73), qui servent souvent à préciser le sens du mot ou la nature du
référent(74); même si l’attention pour les dérivés n’est pas exclue, elle n’est
que secondaire(75). Papias au contraire, aussi bien à la suite des dévelop-
pements encyclopédiques que des notices étymologiques signale explicite-
ment et assez fréquemment les mots formés à partir d’une base lexicale
par dérivation: ainsi après avoir évoqué l’étymologie de Bellum, Papias
évoque le dérivé Bellaria, et un peu plus loin, il consacre une notice
entière aux divers vocables formés sur la base Bellum (c’est-à-dire les
adjectifs Bellicus, Bellicosus, les verbes dénominatifs Bello, Bellor, les com-
posés Belligenus, Belligeror)(76). Il n’indique toutefois pas systématique-

(71) Dans le glossaire d’Ansileube par exemple, les dérivés sont énumérés: 6 - Baby-
lonem urbem, 7 - Babyloniae regionis (Lindsay 1926: 77), sans que soit établi
aucun lien entre eux; de même in Liber glossarum (Goetz 1923: 159): Barritus
uox elephanti. Barrit cum uocem emittit.
(72) Varron in De L. Lat., lib. VI, § 36, décrit la masse des variations par dériva-
tion que peuvent recevoir les primigenia. Les grammairiens de l’époque tardive,
et particulièrement Priscien intègrent dans leurs traités un livre sur l’altération
(cf. Institutionum grammaticarum, lib. III: De diminutiuis) et sur la dérivation
(lib. IV: De denominatiuis). De même Placidus, dans ses gloses Librorum roma-
norum et Libri glossarum (Goetz 1894: 3-43 et 43-104 ) se comporte en gram-
mairien, s’employant à relier les dérivés à un mot simple: voir par exemple,
p. 8: Babilonia…deriuatum ut si dicas gens…ut troya troyana; ibid.: Bibinare
sanguinem inquinari; uiuinarium autem est sanguis qui mulieribus menstruis
uenit. Cette attention aux dérivés se perpétue dans les traités De orthographia
des grammairiens des siècles suivants comme Bède ou Alcuin.
(73) Voir Fontaine 1959: 39-44, L’étymologie.
(74) Par exemple Isidore complète la définition de Bidens par l’étymologie de son
nom: quasdem bidentes uocant, eas quae inter dentes duos altiores habent
(Etym., lib. XII, 1, 9); et la description de la baleine (Etym., lib. XII, 6, 7) par
l’allusion à l’eau qu’elle rejette (ceteris enim bestiis maris altius iaciunt undas),
qui justifie son nom: ballein enim graece emittere dicitur.
(75) Voir in Etym., lib. XII, 2, 14: a uoce barro uocatur, unde et uox eius barritus
(repris par Papias, p. 39, col. 1, qui élargit l’information sur les dérivés: Barrhus
elephas a uoce dictus inde barrio ris riui).
(76) P. 40, col. 2. Une liste exhaustive est donnée par Priscien dans le livre IV, De
denominatiuis (Keil 1855: 117-140) des suffixes et des mots simples susceptibles
de se combiner pour donner naissance à des dérivés (Priscien insiste sur la
variabilité du sens de ces morphèmes). On retrouve ce chapitre abrégé dans
l’opuscule grammatical de Papias (cf. Lat. 9341, fo 147 r°).

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 233

ment tous les rapports entre les mots figurant dans le Vocabularium (par
exemple, il ne met en évidence que quelques-uns des dérivés de Bacchus
tels que Baccha, Bacchia, Bacchius, Bacchum(77), etc.; les autres vocables
issus de Bacchus sont énumérés et définis dans des notices séparées, qui
ne sont pas mises explicitement en rapport avec le mot de base, même si
celui-ci est mentionné)(78). Dans l’ensemble des 512 notices, on peut esti-
mer que les 80 cas de dérivation que nous avons dénombrés, dûment
signalés comme tels par Papias, ne représentent que la moitié des phéno-
mènes de formation de mots (par dérivation, mais aussi par composition)
qu’on pourrait y relever. Néanmoins l’intérêt de Papias pour la formation
des mots est incontestablement au centre de sa pédagogie.

2-2 Les dérivés obtenus par suffixation


Dans le Vocabularium, une grande place est accordée à la dérivation
par suffixation. La plupart du temps, les vocables suffixés sont reliés aux
mots simples par une mention explicite, soit par les adverbes ou préposi-
tions unde, inde, hinc, a, etc. (Bactra urbs persarum gens…unde bactriani
dicuntur; Bombeo hinc bombizare; Bonosiaci a bonosius dicti; Burgus unde
burgarii)(79), soit par spécification du type de dérivation: Brachtea inde
brachteola diminutiuum (80), soit par l’indication générique du phénomène:
ubi nunc babylon…inde babylonia deriuatur ipsa prouincia (81). À ces
marques explicites du lien de dérivation Papias, selon nous, accorde une
fonction primordiale: elles sont l’un des instruments de son système didac-
tique, fournissant les éléments nécessaires pour dégager les règles de for-
mation des mots. En effet même si les suffixes sont très dispersés (dans

(77) P. 38, col. 1.


(78) Pour Bacchatum, Bacchari, Bachanalia, Baccharium (p. 37, col. 2 et p. 38, col. 1),
même si dans la définition du vocable un lien avec Bacchus (ou l’un de ses
dérivés) est évoqué (voir par exemple: Bacchatum baccharum sacris frequenta-
tum), la dérivation n’est pas explicitée par un adverbe (parfois le mot de base
n’apparaît même pas: Bacchari. furere. discurrere).
(79) P. 38, col. 1; p. 43, col. 1; p. 43, col. 1; p. 44, col. 2.
(80) P. 43, col. 2. La longue présentation du diminutif dans le traité de Priscien (Keil
1855: 101-116) s’explique par la précision de sa description: non seulement il
énumère les suffixes disponibles dans le système latin, mais aussi les règles
d’ajustement qui permettent de les combiner avec les vocables, ainsi que les
modifications morphologiques qu’entraîne l’altération; on retrouve ce même
intérêt privilégié dans l’abrégé grammatical de Papias (cf. in Lat. 9341, fo 146
v°: De diminutiuis).
(81) P. 37, col. 2.

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234 SYLVIANE LAZARD

la lettre B on en dénombre une quarantaine)(82), la récurrence de certains


(comme -ianus, soit pour la formation des noms d’habitants (Bactra ->
Bactriani), soit d’adeptes d’une doctrine (Basilidiani a basilide dicti), -osus
pour la formation des adjectifs (Bellicus -> Bellicosus, Bilis -> Biliosus),
-arius pour la désignation d’un acteur humain (Bibliotheca -> Bibliotheca-
rius; Burgus -> Burgarius)(83), permet de mettre en lumière des régulari-
tés, tout en soulignant l’extrême diversification des modalités. Il est cer-
tain que dans la masse globale du Vocabularium, les suffixes les plus
communs (qui dans notre bref échantillon ne dépassent pas l’occurrence 1,
tels que -icus/-a/-um, -atus, -ator, etc.)(84) sont susceptibles d’être repérés
par le consultant, lequel, grâce à la mise en évidence de ces rapports de
dépendance entre les vocables, devrait se trouver en mesure de bâtir intui-
tivement des règles de formation des mots. Il faut donc souligner
l’importance des mots de liaison, qui traduisent de la part de Papias une
intention délibérée d’action pédagogique.

2-3 Les dérivés formés sans l’aide de morphèmes dérivationnels


Beaucoup plus rares (une quinzaine) sont les cas de dérivation à par-
tir d’une base, qui ne se signalent par aucun suffixe, mais seulement par
un changement de genre ou de nombre (par la transformation par
exemple de Bacchus en Bacchum, de Briseus en Brisea, de Buccina en
Buccinus, de Burra en Burrae, etc.)(85): tout comme dans les cas de déri-
vation par suffixation, le rapport est concrétisé par l’un des signes usuels
(unde, inde, a), ou par tout autre indicateur plus complexe de dépendance
(Briseus liber de brisea urbe ubi colebatur)(86). Exceptionnellement, il
arrive qu’aucun adverbe ne vienne souligner la relation, comme c’est le
cas par exemple pour Baburrhus: stultus. ineptus // Baburrha: stultitia. inep-
tia (87), où les deux vocables (dans l’édition de 1476) sont même traités
dans deux notices séparées(88). Lorsque Papias n’explicite pas la relation

(82) Outre ceux qu’évoquent nos divers exemples, citons encore: -acius (Beta, Beta-
cius), -inus (Bombices, Bombicinus), -itudo (Beatus, Beatitudo), -o, servant à
former des verbes dénominatifs (Balneum, Balneo), -utio (Balbus, Balbutio), etc.
(83) P. 38, col. 1; p. 39, col. 2; p. 40, col. 2; p. 41, col. 2; p. 41, col. 1; p. 44, col. 2.
(84) Voir par exemple: Belgis, Belgica; Barbarus, Barbaricum; Buccina, Buccinator;
Buccina, Buccinatus.
(85) P. 38, col. 1; p. 43, col. 2; p. 44, col. 1; p. 44, col. 2.
(86) Ut supra.
(87) P. 37, col. 2.
(88) Dans les mss il n’y a pas, sauf exception, d’alinéa entre les différentes notices:
le texte apparaît comme un bloc compact où seules quelques majuscules en

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 235

entre les vocables, c’est qu’il est conscient d’une relation de nature plus
lexicale (et donc non prévisible), que grammaticale (et donc régulière): en
effet la formation d’un nom de qualité, par changement de genre à partir
d’un adjectif, est assez rare dans le système(89). Il apparaît bien que la mise
en évidence des relations entre mot simple et dérivé est chargée de signi-
fication et que Papias est tout à fait conscient du caractère plus ou moins
régulier du mode de dérivation.

2-4 Les dérivés formés par préfixation


Il n’existe pas de préfixe commençant par B. Toutefois au cours de
la présentation des mots comportant cette initiale, Papias évoque quatre
vocables qui acceptent des préfixes: soit in- (Imbrumarii, parasynthétique
formé sur Bruma, et Imbellis sur Bellum, dans lesquels d’ailleurs in- a
deux valeurs distinctes)(90), soit de- (Debello), soit re- (Rebello)(91). Dans
tous ces cas, le lien entre la base à initiale B et le préfixé est explicité par
des mots de liaison: unde, ex quo. Nous pouvons en conclure que Papias
accorde la même attention à la préfixation qu’à la suffixation(92).

2-5 Les mots formés par composition


Les composés sont relativement nombreux (plus d’une soixantaine).
En effet on relève parmi eux le groupe important (plus de 40) des
vocables formés avec l’élément bi / bis; car même si Papias dans les défi-
nitions des mots de ce groupe souligne bien la stabilité de la valeur

bleu ou rouge permettent de se repérer. L’alinéa ne semble donc pas un critère


pertinent, apte à déceler les intentions de l’auteur. Nous indiquons par le signe //
les alinéas de l’édition de 1476.
(89) Il n’est pas exclu par ailleurs que l’absence de liaison soit due à l’influence
d’une source que le lexicographe aurait suivi à la lettre: en effet chez Ansileube
baburra et baburrus, sont traités à part (chez Isidore ne figure que baburrus
(Etym., lib. X, 31) et chez Placidus que baburra (Goetz 1894: 8)).
(90) P. 44, col. 1; p. 40, col. 2.
(91) Ibid.
(92) La préfixation, beaucoup plus que la suffixation est développée systématique-
ment par les traités sur la langue et les grammaires de la tradition: pour
l’époque classique voir Varron, De L. Lat., lib. VI, § 38, qui nomme praeuerbia
les préfixes et leur attribue un rôle essentiel dans la constitution du lexique;
pour la période tardive, in Keil 1859: 24-56, Prisciani Institutionum grammati-
carum liber XIV: De praepositione (prépositions et préfixes), dont on retrouve
l’influence chez les grammairiens du haut Moyen Âge (cf. Bède in Migne P. L.,
vol. XC, col. 130-150, Alcuin, in Keil 1878: 295-312).

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236 SYLVIANE LAZARD

binaire (Bigens de duobus generibus natus; Bilanx…duas lances habens;


Bigamus secundus maritus, etc.)(93), valeur toutefois susceptible d’une cer-
taine variation («deux», «second», «double», «deux fois»)(94), même si, par
plusieurs remarques (Bini dicuntur quasi biiuni; Bigae per biiugae sicut
quadrigae per quadriiugae; Bisse… quasi bis triens)(95), il s’attache à mettre
en évidence la structure régulière sous-jacente, il n’accorde aucunement à
bi / bis, qui n’appartient pas au groupe des praepositiones (96), un statut
particulier: bi / bis, doté d’une valeur sémantique clairement identifiable,
est traité comme il se doit en tant que composant lexical. Un petit
nombre de composés est construit avec l’élément bene, placé en première
position (Benelinguatus, Beniuolentia, etc.)(97); Papias, comme dans le cas
précédent des vocables en bi / bis, ne souligne par aucun commentaire la
juxtaposition des éléments (on remarque par contraste qu’il explicite par
la préposition a le lien entre Benignus et Bene, qui, quant à lui, est un
vocable suffixé)(98). Un groupe important de composés (une dizaine envi-
ron), présente en première position l’élément bo / bu, «bovin»(99) (dont
l’origine est plus souvent grecque que latine)(100): citons entre autres
Boglossa commenté «lingua bouina», Bosphorus…quasi transitus bouis,
Bumaste «genus uitis…in similitudine mammae», etc.)(101). Quelques-uns de
ces composés donnent lieu à un commentaire étymologique, lorsque
Papias juge la composition peu évidente ou l’origine du mot susceptible
d’enrichir les connaissances encyclopédiques du lecteur (ainsi le rapport
entre Bucolicum et Bos est justifié par le fait que, tout en étant un chant

(93) P. 41, col. 2.


(94) La valeur dominante est celle de «deux» (24 composés); 3 composés ont la
valeur de «second», 4 celle de «double», 9 celle de «deux fois». Pour la data-
tion et l’histoire des composés en bi, cf. E.M. 104-105.
(95) P. 41, col. 2.
(96) On notera par contre que dis- figure parmi les 18 Praepositiones dont Priscien
expose les fonctions.
(97) P. 40, col. 2.
(98) Ibid.: A bene benignus.
(99) Voir note 67.
(100) Parmi les composés relevés par Papias dont le premier élément est bo / bu,
sont vraisemblablement latins: Bostar (E.M. 111), Bocomes, Bumarii (ne figu-
rent pas in Thesaurus), mais la plupart sont grecs: Boglossa (Thes. II, 2145),
Bosphorus (ibid., 2142-2145), Bucolicum (ibid., 2234), Bumaste (ibid., 2244),
Buprestis (ibid., 2245).
(101) P. 42, col. 2; p. 43, col. 1; p. 44, col. 2. Notons que parmi les composés dont le
premier élément est bo / bu, Boceta / Buceta loca boum (p. 42, col. 2 et p. 44,
col. 1) sont des dérivés et non des composés (cf. E.M. 111).

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 237

de bouvier ou de chevrier: carmen bucolicum…dictum a maiore parte idest


bubus quibus…in his habeantur)(102). On relève aussi quelques composés
où le mot en B occupe la seconde position: ainsi dans les vocables formés
sur Balsamum (Xilobalsamum, Carpobalsamum, Opobalsamum)(103); dans
ce cas-là, il semble que Papias, conscient de la régularité de la structure,
ait tenu à la souligner par une phrase: xilobalsamum lignum eius: carpo-
balsamum fructus seu semen opobalsamum sucus eius dicitur(104). Papias
analyse donc correctement les composés, mais il semble traiter de manière
distincte ceux qui correspondent à des constructions sémantiquement et
formellement régulières (les vocables formés sur Balsamum) et ceux dont
le sens ou la forme est susceptible de variation ou dont l’un des deux
composants n’est pas clairement analysable (voir Bigae, Bini déjà cités, ou
Buris)(105). Encore une fois Papias semble avoir une juste intuition du
degré de régularité de la formation des mots, et traiter différemment ce
qui est lexical et ce qui recèle un principe de grammaticalité.

3 – Le traitement du rapport non univoque signifiant / signifié dans la lettre B


Dans quelques dizaines de cas au cours de l’exposition de la lettre B,
Papias associe plus d’un signifié à un même signifiant. Objectivement on
repère trois modes de présentation distincts: 1° tantôt les deux signifiés
apparaissent dans deux notices séparées et successives (Bacca oliuae uel
lauri pomum // Bacca preciosa gemma)(106); 2° tantôt les deux signifiés sont
énumérés, sans lien, l’un à la suite de l’autre à l’intérieur de la même
notice (Beta apud graecos littera est…: apud nos uero genus oleris; Bases
uel basi: sessio columnarum. confirmatio fundamenti: nomen petrae duris-
sime)(107); 3° tantôt Papias, à l’intérieur de la même notice, relie les signi-
fiés distincts par la conjonction uel: Bidens instrumentum rurale…uel
anchora; Bidental fulmen uel quod bis a fulmine percussum est (108). Si l’on
regarde de près à quels phénomènes correspondent ces trois modes de
présentation, on constate que généralement les signifiés reliés par uel sont

(102) P. 44, col. 1.


(103) P. 38, col. 2.
(104) Ibid.
(105) P. 44, col. 2: Buris dicta quasi bous ura quia est in similitudine caudae bouis.
Varron pour sa part tire Bura du nom du bœuf (De L. Lat., lib. V, § 135): Bura
a bobus.
(106) P. 37, col. 2.
(107) P. 40, col. 2; p. 39, col. 1.
(108) P. 41, col. 1 et 2.

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238 SYLVIANE LAZARD

des vocables polysémiques, alors que l’analyse des homonymes se carac-


térise par l’absence de toute conjonction. Toutefois l’appartenance à une
même notice ne semble pas un critère pertinent de polysémie (voir ci-des-
sus Bases et Beta). La présentation en deux notices distinctes est en géné-
ral un critère assez clair d’homonymie, comme on vient de le voir. Il faut
noter cependant qu’il arrive qu’on trouve dans des notices successives des
mots liés par un phénomène de métaphore (Blitea herba saporis euanidi
quasi uilis // Blitea stulticia; Baculus pastoralem custodiam significat //
Baculus significat disciplinam. ad maiores pertinet)(109) ou de métonymie
(Bacchanalia festis dies liberi // Bacchanalia: baccationes, furores)(110). Tout
ceci nous amène à induire que Papias considérait l’homonymie comme un
fait purement lexical, à signaler certes, mais où le pédagogue ne peut faire
appel qu’à la mémoire; il semble aussi qu’il ait considéré des mots reliés
par une métaphore ou une métonymie comme des unités lexicales dis-
tinctes (il ne souligne pas le lien entre ces unités); par contre il met bien
en évidence, par la conjonction uel, marqueur d’alternative, le phénomène
de polysémie, c’est-à-dire l’aptitude, pour certaines unités du lexique, à
être interprétées de plusieurs manières distinctes. On voit qu’en matière
de rapport non univoque du signifiant et du signifié, Papias procède d’une
manière claire, mettant tous ses soins d’une part à isoler ce qui est sans
lien et d’autre part à mettre en évidence, par une conjonction unique qui
devient un signe fort, les termes d’une alternative. Par ailleurs on s’aper-
çoit que dans ce traitement de la pluralité du sens des unités lexicales, ce
qui prévaut, c’est moins la fonction linguistique du Vocabularium consis-
tant à enseigner des régularités, que sa fonction sémantique ou encyclo-
pédique, d’instrument d’élucidation de textes d’accès difficile. La fonction
linguistique de ce type de rubriques se limite en effet à mettre en garde,
discrètement, le consultant contre le fonctionnement défectueux du lexique.

4 – La structuration du lexique chez Papias - Efficacité et limites


4-1 Grammaire et lexique chez Papias
Papias partage avec les grammairiens de la latinité tardive une
conception de la langue dans laquelle lexique et grammaire sont étroite-
ment liés(111); des grammairiens comme Martyrius, Priscien, etc., ne se

(109) P. 42, col. 2; p. 38, col. 1.


(110) P. 38, col. 1.
(111) Della Casa 1981: 37-38 et Buridant 1986: 22 parviennent à des conclusions simi-
laires, toutefois par une approche différente.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 239

contentent pas d’énoncer des règles abstraites: ils donnent, au cas où une
règle débouche sur une alternative ou s’applique d’une manière restrictive,
des listes exhaustives des vocables concernés, classés en sous-catégories
selon l’actualisation de cette règle dans le lexique; nous avons vu ainsi que
Priscien établit la liste de tous les mots susceptibles d’être combinés avec
les différents préfixes; de même Martyrius fournit les listings des vocables
où /u/ doit être considéré soit consonne soit voyelle, successivement dans
la syllabe initiale, médiane et finale(112). Cette conception grammaticalisée
du lexique ou lexicalisée de la grammaire, qui ne conçoit pas la gram-
maire hors de son contexte lexical, est une orientation qui n’est pas sans
évoquer celle qui préside aux programmes actuels des «lexiques gram-
maires». Nous avons constaté tout au long de notre analyse, combien
Papias insiste sur la régularité de la suffixation et de la préfixation (même
si notre choix arbitraire de la lettre B s’est révélé a posteriori plutôt
malencontreux)(113) et comment il sait, grâce à une intuition d’une grande
sûreté, fixer la limite entre ce qui dans le lexique relève du grammatical
(et doit être enseigné) ou au contraire de l’arbitraire, comme par exemple
les phénomènes de composition ou d’homonymie (et doit être mémorisé).
L’élaboration d’un De Grammatica à la suite du Vocabularium ne fait que
confirmer l’unité et la complémentarité des deux domaines dans la
conception éminemment cohérente de Papias(114).

4-2 La rationalisation du lexique par l’étymologie


Papias cherche par ailleurs à rendre le lexique plus aisément assimi-
lable aux apprenants grâce au recours à l’étymologie. La finalité de la

(112) Voir note 48.


(113) La lettre B en effet (cf. E.M. 94), non seulement ne fournit l’initiale d’aucun
préfixe, mais de manière plus générale, elle est rare en cette position dans le
fonds latin originel, qui est justement l’objet central de l’enseignement linguis-
tique de Papias.
(114) Le Catholicon de Iohannes de Ianua (cf. Della Casa 1981: 41-44; Rossebastiano
Bart 1986: 116-117) est constitué de même d’une grammaire assez détaillée
(dans l’exemplaire Mazarine 3796, du fo 1 au fo 72), et d’un glossaire d’une
masse sensiblement égale à celle du Vocabularium (du fo 92 au fo 333) et très
similaire quant à son contenu. Il nous semble que le succès encore plus mar-
qué du Catholicon (plus de 200 mss conservés, une édition de 1460 par Guten-
berg lui-même, cf. Buridant 1986: 27) est due pour une grande part à l’exten-
sion de la partie grammaticale, constituant la première partie de l’ouvrage,
alors que chez Papias, le De grammatica est très condensé (Prisciani…summam
sequens quam breuius potero), rejeté après le Vocabularium, et absent dans une
majorité d’exemplaires.

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240 SYLVIANE LAZARD

recherche étymologique en effet est à la fois philosophique(115) et didac-


tique: en créant un lien entre un mot et son étymon, proche par la forme
et par le sens, on facilite l’acquisition de ces vocables qui sont ainsi inclus
dans un réseau dont les unités se trouvent motivées. Déjà organisé par les
règles de dérivation, le lexique, grâce aux rapprochements étymologiques
qui tendent à généraliser le principe de la motivation des vocables,
acquiert partiellement, en des aires restreintes, une structure ration-
nelle(116). C’est pourquoi Papias, comme nous l’avons vu, reprend à son
compte un grand nombre d’hypothèses étymologiques de la tradition lexi-
cographique, avec la finalité didactique de diminuer la part de mémorisa-
tion dans l’apprentissage de la langue latine(117), par une limitation relative
du caractère arbitraire de la composante lexicale.

4-3 Efficacité didactique de la réélaboration du matériau lexicographique


Papias, grâce à un habile travail de réélaboration des textes des gram-
mairiens et des lexicographes antérieurs (le texte des notices qui souvent
ne semble qu’une copie servile d’un modèle est en fait le résultat d’une
sélection et d’une réorganisation personnelle, comme par exemple lorsqu’il
reprend partiellement le matériau encyclopédique ou étymologique d’Isi-
dore, que viennent compléter d’autres sources, choisies au cas par cas:
Placidus, Liber glossarum, etc.)(118) donne aux notices de son Vocabularium
une efficacité accrue, qu’on se place dans la simple perspective de l’en-
seignement de la langue latine ou dans celle plus vaste de la formation
des esprits. Nous ne soulignerons ici que trois aspects majeurs de sa péda-
gogie: 1° le rôle primordial qu’il confie aux articulations du discours à l’in-
térieur des notices, assurées le plus souvent par des adverbes ou conjonc-
tions (de telles articulations n’existent pas aussi systématiquement chez
Isidore, ni dans le Liber glossarum, alors qu’on les trouve chez les gram-

(115) Voir pour l’Antiquité les théories des Analogistes et des Stoïciens (cf. Collart
1954: VII-VIII; Fontaine 1959: 29), puis dans la perspective chrétienne la quête
que Fontaine qualifie de mystique d’un ordre primitif et divin du langage dont
les étymologies révèleraient la trace (cf. Fontaine 1959: 32-33).
(116) Nos conclusions concordent avec celles de Della Casa 1981: 45 qui écrit: La
grammaire médiévale vise à donner la prééminence au côté logique de la langue.
(117) Le recours à la mémorisation était en effet la technique prédominante jus-
qu’alors dans l’apprentissage de la langue latine (cf. Buridant 1986: 14-16).
(118) Ce travail de lecture et de sélection est le fruit, comme le déclare Papias dans
le Prologus, de dix années de travail assidu: Opus quidem a multis aliis iam pri-
dem elaboratum: a me quoq; nuper per spatium circiter decem annos: prout
potui: adauctum et accumulatum.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 241

mairiens tels que Varron ou Placidus): ces mots de liaison sont là pour
guider le consultant et rendre plus perceptible le message didactique; en
conséquence, il faut considérer également comme signe pertinent l’absence
de mise en relation entre les vocables ou l’absence de marqueur de liai-
son, que nous avons constatée à plusieurs reprises; 2° le ciblage d’un
niveau d’enseignement bien précis: nous remarquons que dans l’ensemble
de la lettre B il n’est jamais question de différenciation entre les syno-
nymes; on comprend que Papias refuse volontairement d’exploiter la
richesse des Differentiae d’Isidore(119); ce choix ne peut résulter que d’une
intention pédagogique: le Vocabularium devant inculquer les règles fon-
damentales de la langue (erudimentum), et plus précisément le sens des
mots et leur formation, Papias considérait sans doute que les subtilités qui
régissent la sélection entre synonymes auraient perturbé l’acquisition d’un
niveau de connaissance qui se voulait plutôt élémentaire; 3° la méthodo-
logie du doute et la relativisation des certitudes: grâce aux doubles éty-
mologies qui remettent en question l’infaillibilité des hypothèses, grâce
aussi à la liste fournie dans le prologue et à la mention dans les notices
des sources où il a puisé son information, Papias tend à développer chez
ses lecteurs l’esprit critique, et à ramener la somme des connaissances
rassemblée dans son ouvrage à ses justes dimensions.

4-4 La structuration du lexique et ses limites


Si l’on peut admettre que la valeur du Vocabularium réside 1° dans
la mise au service de la pédagogie d’une sélection de l’énorme masse de
connaissances amassée par les auteurs d’encyclopédies et par les gram-
mairiens, 2° dans la conception d’un fonctionnement fondamentalement
régulier du langage et partiellement régulier du système lexical, 3° dans le
rôle éminent qu’il confie au grammairien, lequel a pour tâche de dresser
l’inventaire de toutes ces régularités et de toutes les relations pertinentes
existant entre les unités du lexique, il faut bien reconnaître que, partant
de la juste intuition d’un lexique pour une part structuré en réseau, Papias
a eu tendance à multiplier les liens génétiques entre les vocables, dépla-
çant à l’avantage de la motivation lexicale la frontière entre structuré et
non structuré. C’est dans l’exagération de cette recherche d’une organisa-
tion rationnelle du lexique, à laquelle il aspirait en tant que grammairien
et pédagogue d’une part, et de chrétien d’autre part, que se situe le point
faible et la limite du projet de Papias. Tout comme Varron et Isidore,

(119) Cf. in Migne, P. L., vol. LXXXIII, col. 9-98: Differentiarum libri II.

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242 SYLVIANE LAZARD

convaincu de la perfection première du langage, il a été amené, pour aug-


menter la part de régularité dans le lexique, à accepter sans les remettre
en question des hypothèses étymologiques transmises par la tradition,
parce qu’elles comblaient ses aspirations, scientifiques et religieuses à la
fois, à un système linguistique qui satisfasse la raison d’une part et reflète
de l’autre, dans son ordre, l’harmonie de la création. Si cette double fina-
lité vers quoi tendait Papias a perdu, après dix siècles, de son actualité,
par contre son hypothèse de réseaux multiples de régularité (morpholo-
gique et sémantique) au sein du lexique, susceptibles d’en limiter la nature
arbitraire, suscite encore de vifs débats.
Université de Paris VIII. Sylviane LAZARD

Références bibliographiques
SOURCES
Sources manuscrites consultées
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PAPIAS, Vocabularium, B.N., Lat. 8844 (XIIIe s.).
PAPIAS, Vocabularium, B.N., Lat.13030 (fin XIIIe s.).
PAPIAS, Elementarium cum Summa grammatice, B.N., Lat. 14744 (XIIIe s.).
PAPIAS, Commencement du Dictionnaire (A-D), B.N., Lat. 12400 (XIIIe s.).
PAPIAS, Vocabularium cum figuris (A-N), B.N., Lat. 10296 (XIIIe s.).
PAPIAS, Elementarium et liber eiusdem de grammatica, Arsenal 1225 (XIIe s.).
PAPIAS, Elementarium doctrine erudimentum, (incomplet: A-D), Mazarine 3790
(XIIIe s.).
IOHANNES DE JANUA, Summa que vocatur Catholicon, Mazarine 3796 (XIIIe
ou XIVe s.).

Éditions anciennes (XVe s.)


PAPIAE Vocabularium, 1476, Mediolani, Domenico da Vespolato.
PAPIAE Vocabularium, 1485, Venetiis, Andrea Bonetti.
PAPIAE Vocabularium, 1491,Venetiis, Teodoro Ragazzoni.
PAPIAE Vocabularium, 1496,Venetiis, Filippo Pinzi.

Reprint
(de l’édition de 1476) 1966, Turin, Bottega d’Erasmo.

Ouvrages de référence
Buridant C. (coordonné par), «La lexicographie au Moyen Âge», in Lexique, IV,
1986, Presses universitaires de Lille.

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LE VOCABULARIUM DE PAPIAS 243

Buridant C., «Lexicographie et glossographie médiévale - Esquisse de bilan et pers-


pective de recherche» in La lexicographie au Moyen Âge, pp. 9-46.
Collart J., Varron, La langue latine - Livre V, 1954, Paris, Les Belles Lettres (De
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Enciclopedia italiana, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1935-1992.
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Flobert P., Varron, La langue latine - Livre VI, 1985, Paris, Les Belles Lettres.
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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT !
ÊTRE + PARTICIPE PASSÉ :
STRUCTURE PRÉDICATIVE
ET RÉFÉRENCE ASPECTO-TEMPORELLE(1)

La littérature sur le participe passé (désormais p.p.) français rappelle


constamment l’ambiguïté de nature qui habite cette forme: il «participe»
du verbe et de l’adjectif (voir Wilmet, 1999). L’ambiguïté n’est jamais aussi
cruciale que quand le p.p. est construit avec être, où elle différencie deux
structures syntaxiques: copule + adjectif ou auxiliaire + verbe.
La communication de Denis Creissels au 3e Colloque Chronos (Creis-
sels, 2000) aborde la question sous l’angle de l’«aspect» (lecture processive
vs. résultative). Nous avons été conduit à la réexaminer sous cet angle
également, mais combiné d’une part à une réflexion sur la valeur séman-
tique de l’élément verbal être et d’autre part à une prise en compte –
selon nous, indispensable – de la construction du verbe concerné (soit la
diathèse, dans son acception la plus large)(2).
Au départ de la dizaine d’exemples qui suivent (dont beaucoup sont
repris à Wilmet, 2000) et inspiré par la théorie des auxiliaires de Damou-

(1) La présente contribution est le texte remanié de notre communication au


IVe colloque Chronos, présentée également au groupe C.L.U.B. (Cercle de Lin-
guistique des Universités de Bruxelles) lors de sa journée de travail commune
avec le Département de Linguistique française de l’Universiteit Gent. Je tiens
à remercier ici tout particulièrement Laurence Rosier et Dan Van Raemdonck
pour leurs remarques éclairées.
(2) Notre intention première pour la présente recherche était d’étudier l’ensemble
des faits de morpho-syntaxe de la référence aspecto-temporelle liés aux varia-
tions diathétiques en français. Hormis les remarques fréquentes sur l’interpré-
tation générique seule possible ou non des tours médio-passifs (p. ex. Riegel et
al., 1994: 442; Ruwet, 1972: 95; Mélis dans Mélis et al., 1985: 115 sv.) ou de sem-
blables considérations sur l’acceptabilité de certains tours impersonnels en lec-
ture événementielle déterminée (Willems dans Mélis et al., 1985: 170 sv.), les
grammaires et travaux consultés à ce propos évoquent tous le problème de l’in-
terprétation aspectuelle de passifs tels que Les carottes sont cuites. D’où notre
choix de restreindre notre propos à la question des valeurs de être + p.p., mais
en l’inscrivant dans le cadre plus large que nous dessinons ici.

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246 IVAN EVRARD

rette et Pichon (désormais DP) ainsi que par leur théorie du p.p. et celle
de Gustave Guillaume (désormais GG), nous tâcherons de proposer une
valeur unique du point de vue syntaxique et sémantique pour la structure
être + p.p.
(1) Le ciel est bleu
(2) La mer est salée / La poire est sucrée
(3) La jeunesse est enfuie / Pierre est évanoui
(4) Je suis blessé
(5) Je suis estimé
(6) Le vaisseau est aluni
(7) Je suis sorti
(8) La maison s’est bâtie
(9) Les enfants se sont tus
(10) Elles se sont lavées

De (1), exemple-témoin d’une construction indiscutablement attribu-


tive, à (10), où c’est indubitablement un «passé» que marque la forme
composée en être, on passe sensiblement plusieurs étapes, dont celle des
formes dites «passives».
Une première ligne de partage intervient entre (5) et (6), où l’on
passe d’un procès référé dans le présent à un procès référé dans le passé
(à tout le moins si l’on admet pour (6) une lecture comparable à la seule
possible dans Le vaisseau est aluni à 5 h 46 GMT et si l’on exclut pour (7)
la lectio difficilior résultative). La valeur aspecto-temporelle globale de la
forme (où les concurrences possibles entre être et avoir peuvent s’avérer
éclairantes) sera notre première variable.
De (2) à (8), l’effet de sens résultatif s’amenuise autant que croît
l’effet de sens processif. Il faudra donc considérer également cette varia-
tion, fort parallèle à première vue avec celle de l’implication du sujet dans
le procès dénoté par le participe. Le lien de l’une à l’autre passera par la
valeur temporelle propre du participe passé.
Mais nous partirons de la valeur sémantique générale de être, que
nous voulons unique pour tous les emplois dont nous traiterons ici. Elle
donnera à notre raisonnement l’assise d’une constante.

1. Être auxiliaire, être copule


Comme le montrait déjà Willems (1969), il n’est pas de grammaire du
français qui omette être dans sa liste des verbes auxiliaires. On reste pan-
tois cependant devant le peu d’explications que livrent la très grande
majorité des théories de l’auxiliarité quant à la grammaticalisation de ce

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 247

verbe: il constitue en quelque sorte le degré zéro de l’auxiliarité, l’auxi-


liaire axiomatique. Ainsi, Benveniste (1960) va-t-il jusqu’à donner le sens
plein de être «exister» comme récupéré, au-delà d’une altération qui avait
conduit le lexème de l’expression d’une existence à celui d’une identité,
par l’expression, si l’on veut, d’une identité récursive.
Le plus souvent, les emplois de être sont déclinés depuis ce sens plein
jusqu’à ses emplois d’auxiliaires du «passé composé» en passant par ses
emplois comme copule. Le statut de être dans les formes verbales passives,
copule ou auxiliaire, n’est envisagé qu’en regard de l’interprétation résul-
tative et/ou processive de phrases comme (4) ou (5). Wilmet (2000) prend
le parti – explicitement défendu comme parti pris, sans qu’aucune des
questions liées à ce choix ne soit évincée – de la copule pour toutes les
formes de la «voix passive». Nous le suivrons non seulement pour le passif,
mais plaiderons même pour cette lecture dans tous les autres emplois
grammaticaux de être.
Cette valeur de copule, quelle est-elle? Comme le dit Benveniste, de
la valeur pleine de être marquant une existence, il y a glissement vers le
marquage d’une identité. Identité du sujet avec une autre entité, ou avec
une propriété. DP décrivent aussi le processus de grammaticalisation de
être copule comme minimal (§ 1606):
(…) le sentiment linguistique conçoit, – et ceci, semble-t-il depuis un
temps immémorial – l’existence comme la possibilité de recevoir des
attributs. Le verbe être a donc naturellement le rôle de copule. Le
verbe être, dans ce cas, n’apporte en quelque sorte que sa pure puis-
sance nodale.

Ils parlent plus loin (§ 1607) de «syndèse», soit l’expression de la «consub-


stantialité» de deux substances ou d’une substance et d’une qualité. Rete-
nons ces deux traits: syntaxiquement, être exerce sa seule «puissance
nodale»; sémantiquement, il exprime la «consubstantialité».
Pour nous, dans tous ses emplois, être révèle explicitement la relation
prédicative. Les variations perçues à l’interprétation seront conséquences
du mode de validité de cette relation prédicative explicitement marquée
(les exemples (11) à (13) sont de DP: § 1619):
• de (1) à (3), la validité de la prédication est immédiate: la relation n’est
donnée comme vraie qu’en stricte coïncidence de l’état prédiqué avec le
moment repérable conformément à la morphologie du verbe;
(11) Il faut toujours quelqu’un à la maison pour garder le petit, mais
puisque Paul est rentré, je peux sortir.

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248 IVAN EVRARD

• en (4) et (5), la validité de la prédication est à déduire de son établis-


sement: la relation n’est vraie qu’au terme impliqué du procès de sa
constitution – (4) = J’ai été blessé, voir plus loin – ou que par le
parcours de ce procès – (4) = Mes souliers me blessent et (5), voir DP:
§ 1609;
(12) Le mobilier de paille est rentré tous les soirs du jardin par le
domestique.

• de (6) à (10), la validité de la prédication n’est plus soumise à sa véri-


fication immédiate ou processive: la relation n’est donnée comme vraie
que par «rémanence» – DP: § 1621 —, id est par le seul fait d’avoir été
vraie(3).
(13) Paul est rentré cette nuit à quatre heures du matin.

2. Être et avoir été: faits présents, faits passés


Traduites en termes de référence aspecto-temporelle, les variations de
(11) à (13) se laissent représenter par les schémas suivants (où A figure
l’actualité, le moi-ici-maintenant du locuteur – voir Wilmet 19982: §§ 373
et 449):
(11’)
A

...................................................................................
est (rentré)

(12’)
A

est ...................................................................................

(rentré)
R R

(3) Le caractère totalement subjectif de la validité de la relation prédicative telle


qu’établie ici (elle ne peut être assumée que du point de vue de l’énonciateur)
justifie, pour un emploi rangé généralement dans les emplois auxiliaires d’être,
l’hypothèse de l’«acception égocentrique» posée par DP (§ 1604) à la base de
leur théorie de l’auxiliarité, dont – rappelons-le – nous nous sommes largement
inspiré pour la présente réflexion.

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 249

(13’)
A

R R ..........................................

rentré est

Ces schémas illustrent bien la ligne de partage que nous placions


entre (5) et (6) dans la suite de nos exemples.
Dans la théorie de DP, c’est le rôle sémantique du sujet grammatical
qui explique le recours à être plutôt qu’à avoir pour exprimer cette réfé-
rence au passé. GG rejoint cette explication par la voie morphologique.
Pour DP en effet (§ 1172), le p.p. (qu’ils appellent «patiental») a tou-
jours pour support le patient du procès qu’il dénote. Les verbes, généra-
lement qualifiés d’«intransitifs», qui en français font leur antérieur avec
être, ont cette caractéristique que le sujet est au moins autant patient
qu’agent du procès qu’ils dénotent (§ 867 et § 1611)(4).
GG est moins tranché dans son explication. Pour lui, avoir est par
essence l’auxiliaire de l’antérieur du présent et être, celui de la voix. Le
sous-système correspondant est reproduit par le tableau suivant (GG,
Leçons, 7, 132):
(14) aspect immanent aspect transcendant
premier(5) second
voix active aimer avoir aimé
voix passive être aimé avoir été aimé

La transitivité d’un verbe est définie en conséquence comme l’existence


des quatre positions dans sa morphologie. Si l’une d’entre elles est

(4) Relevons à cet égard l’intéressant constat (à vérifier cependant) que le français
«conçoit toujours une substance qui subit le phénomène» (§ 863). La présence
en surface d’un syntagme exprimant l’agent imposerait donc une structure de
phrase marquée, contrairement à l’idée généralement admise que l’actif, forme
considérée comme plus neutre que le passif, présente le sujet du verbe comme
agent du procès.
(5) Nous reviendrons plus bas (4.) sur cette qualification d’«aspect» pour distinguer
le «présent» (= «aspect immanent premier») de son «antérieur» (= «aspect
transcendant second»).

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250 IVAN EVRARD

bloquée, le verbe est intransitif: il en va ainsi (id.: 136-137) pour courir -


avoir couru ou pour arriver - être arrivé. Le «tenseur binaire» correspon-
dant est le suivant (id.: 139):
(15)
voix active voix passive
E
0
(seuil)
course à la prédicativité

Les verbes du type courir restent tout entiers dans la voix active. Les
verbes du type arriver, par contre, donnent à l’antérieur du présent la
forme de la voix passive. Il y a donc introduction de passivité dans la voix
active, sous couvert du passage à l’antérieur. C’est pour GG une survi-
vance de la déponence latine. Elle justifie l’appartenance de ces verbes à
la «voix mixte».
Examinant les cas d’alternance être/avoir pour de mêmes verbes, DP
ajoutent au rôle sémantique du sujet un élément d’ordre aspectuel à
l’explication du choix de l’auxiliaire. De leurs exemples, comme toujours
nombreux et dont beaucoup ne sont pas reconnus par la grammaire
normative, on peut retenir les suivants:
(16) Pense donc qu’il y a sept ans que nous sommes emménagés là-bas.
(Mme A, en 1912 – DP: § 1611)
(17) Il se rappelle toutes les rues où j’ai demeuré. (Mme GO, le 3 août
1933 – DP: § 1616)
(18) M. le Prince est demeuré auprès du roi. (Mme de Sévigné, lettre
du 15 juin 1675 – DP: § 1616)
(19) Vraiment, nous sommes montés tout ça? (Mme EJ, le 23 sep-
tembre 1929 – DP: § 952 et § 1639)
(20) Hier, il avait monté la tour Eiffel. (Mme SC, le 31 janvier 1933 –
DP: §§ 1638-1639)
et pour l’explication (DP: § 1639):
il y a tendance à employer être quand on a en vue le terme du phé-
nomène; à avoir, conviennent au contraire les cas où l’on n’envisage le
phénomène que comme réalisant par sa durée une sorte d’accumulation
d’effet. Schématiquement, on pourrait dire que cucurrit in hortum se
dira volontiers: «il est couru dans le jardin», tandis que cucurrit in horto
se rendra plutôt par: «il a couru dans le jardin».

Si on le complète par l’information que prononcé en 1912, l’énoncé


de (16) concerne un domicile occupé de 1905 à 1909, il dénote donc un
terme statique, où avoir aurait correspondu à une vision dynamique. De

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 251

même en (17), le sens «habiter» de demeurer pose-t-il un intervalle pro-


cessif, inexistant en (18) où demeurer signifie, comme l’affirment DP,
«continuer à être». (20), enfin, explique l’état de fatigue du mari médecin
de Mme SC, épuisé par toutes les marches qu’il avait dû gravir au cours
des visites de sa journée, tandis que (19) dénote au terme de son parcours
l’ampleur d’une «ascension unique», exprimée par un complément aux
dehors trompeurs d’objet (DP donnent «tout ça» comme un type particu-
lier d’objet interne n’instaurant pas de véritable rapport avec le sujet du
verbe, véritable agent-patient de la structure intransitive).
Cette explication rejoint – de l’aveu des auteurs eux-mêmes – le cri-
tère donné pour le choix de l’auxiliaire par GG (qui n’examine cependant
pas les cas d’alternance), soit la «nature du parfait» des verbes concernés.
Plutôt que «dirimant» comme le «parfait» des autres verbes, le «parfait»
des intransitifs de type partir est «intégrant». C’est-à-dire que si, par
exemple, j’interromps l’action de marcher dans je marche, quel que soit le
moment de cette interruption, je peux dire j’ai marché – on a là un par-
fait dirimant; à l’inverse, pour être en mesure de produire je suis parti –
parfait intégrant –, on ne peut interrompre le procès de partir dans je pars
avant qu’il n’ait atteint son terme.
La distinction est déterminée au niveau du lexique. C’est l’Aktionsart
des grammairiens allemands. Si l’on admet pour définition de l’aspect la
formule suivante (Wilmet, 19982: § 386):
Soit un procès quelconque, exprimé par un verbe (…), allant d’un
terminus a quo (α) à un terminus ad quem (ω).
La totalité des informations touchant le pôle α (avec ses antécédents
liés < α), le pôle ω (avec ses conséquents liés > ω) et l’intervalle α−ω
intéressent l’aspect.
la question qui se pose ici est de savoir si le procès dénoté par le lexème
verbal confond (aspect statique) ou distingue (aspect dynamique) les pôles
α et ω, puis, dans le second cas, s’il suffit qu’α ait été franchi pour que le
procès atteigne sa plénitude (aspect dynamique imperfectif), ou s’il faut
mener le procès jusqu’au terme ω (aspect dynamique perfectif).
Pour notre propos, la nature temporelle du p.p. explique la pertinence
de la question.

3. Mangé, marché, sorti: du temps et de la prédication


Dans sa conception, qui organise les formes du verbe français autour
de la seule notion de temps, GG distingue les modes par la représentation
du temps qu’ils permettent. Division en trois époques (un présent sépare

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252 IVAN EVRARD

un passé d’un futur) à l’indicatif, complémentarité de deux orientations


(l’une imposant l’après à l’avant, l’autre projetant par réaction l’avant vers
l’après) au subjonctif, les modes quasi-nominaux (infinitif, participe en -ant
et participe passé) n’offrent qu’une limite de conversion de l’inaccompli
en accompli (Leçons, 7: 29 et passim):
(21)

Infinitif inaccompli (–)


H
accompli

Part. -ant inaccompli (–)


accompli H (+)

Part. passé inaccompli


accompli (+)
H

Le p.p. y trouve en tant que tel – contre la tradition grammaticale qui ne


considère que les participes «complets» actif, ayant mangé, ou passif, étant
mangé – une valeur temporelle propre.
Mais la limite, également formelle en ceci que, situé à la marge du
système verbal, ce sous-système passe du «pour ainsi dire pas encore vrai-
ment verbe» (l’infinitif qui calque ses fonctions sur celles du nom) au
«pour ainsi dire déjà plus vraiment verbe» (le p.p., qui ne trouve plus de
fonction à proprement parler verbale – comme le participe en -ant dans
la structure gérondive, en mangeant), fait du p.p. la «forme morte» du
verbe et lui impose de s’associer à un auxiliaire pour fonctionner comme
verbe.
C’est la particularité de la prédicativité du participe passé. Celle-ci est
triple quand il s’agit des formes composées marquant l’antérieur du pré-
sent (Leçons, 7: 121):
• prédicativité immédiate, correspondant à une «incidence récurrente au
sujet»(6);
Dans je suis sorti, le rapport en cause est celui du sujet au verbe.

• prédicativité médiate, correspondant à une «incidence précurrente à


l’objet»;
(…) c’est le cas dans j’ai fini où ce qui est fini est la chose entreprise.

(6) L’incidence est, dans les théories guillaumiennes, le rapport syntaxique corres-
pondant à la relation sémantique d’un apport à son support.

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 253

• prédicativité absolue, correspondant à une «incidence statique [du par-


ticipe] à lui-même»;
Dans j’ai marché, (…) c’est cette nullité de l’attache prédicative qui
constitue, si l’on va au fond des choses, le caractère intransitif [du]
verbe actif.

On rejoint bel et bien la question de la structure sémantique de la


phrase, de la construction du verbe, dans ses rapports au sujet grammati-
cal et aux autres actants. On rejoint par la même occasion la valeur
de «patiental» accordée par DP au p.p., mais remise en perspective et
complétée encore par une correspondance des emplois adjectivaux du
participe passé. En synthèse, on a (Leçons, 7, 161):
(22)
voix active voix passive p.p. adj.
A B C D E
aimer avoir aimé être aimé avoir été aimé aimé

a) un participe passé verbal actif, de position B et de composition B;


soit B/B, lequel participe est invariable;
(23) J’ai mangé une pomme / J’ai marché

b) un participe verbal passif premier, de position C et de compo-


sition identique C; soit C/C. C’est celui qu’on a dans:
(5) Je suis estimé (= on m’estime)
c) un participe passé verbal passif second, de position D et de
composition identique D; soit D/D. C’est celui qu’on a dans:
(4) Je suis blessé (= on m’a blessé = j’ai été blessé)
d) un participe passé adjectif passif, de position E, dont le com-
portement est exactement celui d’un adjectif. La composition de
ce participe est C ou D.
Exemple pour C:
(24) Un homme estimé
Exemple pour D:
(25) Un homme blessé
e) un participe passé adjectif actif, de position E et de composi-
tion B, dont le comportement diffère très peu du participe passé
verbal actif, de position B et de composition B. Dans la langue
actuelle, la différence, purement cinétique, consiste en ce que le
participe passé adjectif actif est récurrent et s’accorde avec l’objet
antéposé au groupe verbal; tandis que le participe passé verbal
actif est précurrent et invariable.
(26) La pomme que j’ai mangée

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254 IVAN EVRARD

À quoi il faut ajouter, d’après les exemples suivants, traités par GG lui-
même comme des cas marginaux d’emplois «moyens» du p.p. (Leçons, 7:
147):
(27) Un homme osé (= un homme qui ose)
(28) Une personne entendue (= une personne qui s’entend à ce qu’elle
fait)

un participe passé adjectif actif de position E et de composition A, qui a


– comme E/C-D – le comportement exact d’un adjectif et qu’on rappro-
chera de ces exemples-ci repris respectivement à DP et à Wilmet (2000:
267):
(29) Un mélange fragile à chaque seconde palpité de l’être avec le
néant. (Claudel, Le Soulier de Satin, III, 8 – DP: § 1172)
(30) une théorie loin cherchée, le journal parlé, un ramoneur juré, un
fils dégénéré, un homme réfléchi, un taxi stationné au coin de la
rue.

La combinaison de la voix, du marquage de l’antérieur et de la pré-


dicativité verbale ou adjective du participe livre donc le schéma circulaire
suivant:
être mangé
(31)

avoir mangé avoir été mangé

mangé
osé ← estimé ← blessé

La boucle est bouclée, mais ajoutons cette remarque, faite par GG à


propos de la différence entre E/C et E/D, et qui nous amène, du rapport
sémantique entre le p.p. et les actants du noyau verbal, à la dernière étape
de notre réflexion, soit l’opposition de lectures résultatives et/ou proces-
sives pour les structures être + p.p. (Leçons, 7: 143):
Je suis blessé évoque un état résultatif. J’ai été blessé évoque davantage
l’événement duquel découle le résultat, qui est la blessure. (…)

La forme antérieure constitue donc un «au-delà de la passivité» (ibid.). La


lecture résultative pose donc la lecture processive comme antérieure, en
même temps qu’elle réduit la part d’agentivité qui accompagne la réalisa-
tion du procès.
De l’accompli du p.p. à la forme globalement antérieure en passant par
les lectures résultative ou processive des phrases, il y a lieu de resituer clai-
rement maintenant où se jouent les questions de temps dans nos exemples.

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 255

4. Être et être devenu: temps du dehors, temps du dedans…


Si l’on voulait se remémorer nos schémas (11’) à (13’) ainsi que la
définition de l’aspect reprise à Wilmet, l’on acceptera volontiers que ne
ressortisse au «temps» proprement dit que le repérage par rapport à A de
la forme finie du verbe (soit, dans nos exemples, l’«auxiliaire»). Dans tous
les cas, ce «temps du dehors» a été ici le présent.
C’est l’accompli du p.p., tel que nous le présentions plus haut, qui
produit l’effet de référence au passé dans Je suis sorti, par exemple. La
forme entière présente par conséquent le procès comme ayant atteint le
pôle ω. Elle ressortit donc à l’aspect, «temps du dedans», «temps impli-
qué» (parvenu en l’occurrence à son terme) par le déroulement même
du procès dénoté par le verbe. Cet aspect, que GG appelle «transcendant»
ou «extensif» (voir aussi Wilmet 19982: § 402), est lié à la réalisation en
composition de la forme verbale entière.
La propension à représenter comme distincts ou non les pôles α et ω
du procès qu’il dénote peut être, pour un verbe donné, enregistrée en
lexique: c’est ce que nous appelions à la suite de Wilmet l’aspect sémantique
statique ou dynamique. De même pour la nécessité, imposée ou non, de par-
courir l’intégralité de l’intervalle posé par l’aspect dynamique afin d’at-
teindre la plénitude du procès (aspect dynamique perfectif ou imperfectif).
La lecture résultative rend statique un procès dont l’aspect dyna-
mique est ramené à l’antérieur. Ni fait de lexique (fait de langue), ni fait
de morphologie (également fait de langue), elle ramène, d’une validité
processive, la valeur de être à sa validité objective. De là, l’ambiguïté cru-
ciale entre les formules être + p.p. = «auxiliaire» + «verbe» ou «copule» +
«adjectif». C’est un fait de discours, plus ou moins favorisé par les carac-
téristiques aspectuelles en langue du lexème verbal.
En effet, devenir, par exemple, qui fait son aspect extensif en je suis
devenu, verbe perfectif, ne permet pas l’ambiguïté. Je suis devenu implique
forcément que l’on ait atteint un pôle ω donné. Par contre, blesser, qui fait
son antérieur en j’ai blessé, permet l’ambiguïté. J’ai blessé permet de poser
l’ω à n’importe quel moment du «temps impliqué», mais il est posé. Dès
qu’il s’agit de je suis blessé, l’accompli du p.p. se réalise soit une fois l’ω
posé (lecture résultative et validité objective de la prédication explicite),
soit dès l’α seul franchi (lecture processive et validité correspondante de
la prédication explicite).
Une fois de plus, le rapport avec la relation sémantique du sujet au
verbe apparaît.

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256 IVAN EVRARD

5. Être un continuum: conclusion

Au réexamen de nos exemples, nous pouvons maintenir un constat:


l’objectivité ou la subjectivité énonciative de la prédication explicite mar-
quée par être (qui inclut l’aspect «immanent» ou «transcendant»), l’aspect
statique ou dynamique en discours (lecture résultative ou processive –
respectant ou non les propriétés aspectuelles en langue des lexèmes
verbaux) et la répartition sémantique des rôles patient/agent dans le chef
du sujet syntaxique du verbe, ces trois variables progressent de concert.
(2) La mer est salée / La poire est sucrée
(3) La jeunesse est enfuie / Pierre est évanoui

Pour (2) et (3) en effet, la relation prédicative explicite en être est


objective, référence est faite à des faits présents. Le caractère accompli du
p.p. est à ce point radical qu’on peut l’assimiler à un adjectif et que même
un rapport comme celui qu’on peut tisser entre je suis blessé et j’ai été
blessé n’est pas envisageable. La lecture processive est exclue et même le
rôle patient du sujet en est réduit à sa plus simple expression grammati-
cale, celle de support syntaxique à la prédication.
(4) Je suis blessé
(5) Je suis estimé

Pour (4) et (5), la relation prédicative marquée par être avec le p.p.
accompli est posée alors que le procès menant à son établissement n’a pas
nécessairement atteint son terme. La référence objective à des faits pré-
sents rejette la lecture processive à l’antérieur (4) ou le terme ω validant
in extremis une prédication objective pour être n’a pas été franchi, (4) et
(5). Le support syntaxique de la prédication ne souffre en aucun cas de se
voir adjoindre le moindre soupçon sémantique d’agentivité.
(6) Le vaisseau est aluni
(7) Je suis sorti

Pour (6) et (7), la relation prédicative marquée par être a ceci de sub-
jectif que le terme du procès menant à son établissement peut avoir été
totalement dépassé. La référence objective à des faits présents rejetterait
la lecture processive à l’antérieur, mais il peut être fait référence en lec-
ture processive à un fait passé (Le vaisseau est aluni à 5 h 46 GMT). La
comparaison avec les énoncés Le train est arrêté vs. Le train s’est arrêté (7),

(7) Cet exemple m’a été soufflé par Dominique Willems.

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LE TEMPS, C’EST DE L’AGENT! 257

qui désambiguïsent la représentation des faits, indique que dans le cas


d’une référence à un fait passé, une part d’agentivité peut être associée
sémantiquement au support de la prédication.
(8) La maison s’est bâtie
(9) Les enfants se sont tus
(10) Elles se sont lavées

(8), (9) et (10) imposent évidemment l’interprétation subjective de la


relation prédicative explicite en être. Il ne peut y être vu qu’une référence
à des faits passés et la lecture processive est seule possible. Comparé à La
maison a été bâtie ou plus clairement encore à La maison est bâtie, le
caractère processif de (8) impose de considérer une part non négligeable
d’agentivité dans le chef du support syntaxique de la prédication (agenti-
vité presque neutralisée, certes, par sa valeur lexicale d’inanimé). Le
recours au réflexif en position clitique s’avère pour ainsi dire nécessaire
à la confirmation a posteriori de son rôle patient. Ce réflexif reste aussi
difficilement analysable en (9), mais il prend finalement seul en charge le
rôle patient sous (10), le dédoublement en coïndexation du sujet gram-
matical discriminant finalement les rôles sémantiques. De la confirmation
à la coïndexation formelles, en passant par la non-discrimination, c’est
cette possible ambiguïté des rôles sémantiques qui explique le recours à
être, radicalement subjectif, pour la formation de l’antérieur du présent
des verbes dits «pronominaux» (DP: §§ 1622-1625 et GG, Leçons, 7: 177-
179). En contrepartie, nous observons que le rôle sémantique agent de
moins en moins contestable au sujet grammatical restreint d’autant la pos-
sibilité de considérer le fait dénoté comme n’appartenant pas au passé:
nous en tirions le mauvais calembour que nous avons donné pour titre à
cette contribution.

Nous aurons donc montré une subtile proportion en continuum entre


les trois paramètres de la valeur énonciative de être, des valeurs aspecto-
temporelles en discours de la forme verbale en être + p.p. et du rôle syn-
taxico-sémantique de son support. Suit immédiatement la question de la
hiérarchie à établir des différentes valeurs aspecto-temporelles à ce critère
syntaxico-sémantique: comment sortir – s’il y a lieu – des circularités qui
s’installent des unes à l’autre? Nous n’avons pas trouvé de réponse à ce
stade de nos travaux.

FNRS - Université Libre de Bruxelles. Ivan EVRARD

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258 IVAN EVRARD

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COMPTES RENDUS

REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS

José MONDÉJAR, Dialectología Andaluza. Estudios (Pilar CARRASCO


y Manuel GALEOTE éd.), Universidad de Málaga (Analecta Malacitana,
36), 2001, 2 vol., 689 pages.
La revue Analecta Malacitana reprend, en deux beaux volumes, les principaux
articles publiés (24 articles parus entre 1976 et 1998) ou inédits de notre éminent
confrère. En fait, il s’agit de la deuxième édition, amplement complétée de nouveaux
travaux, revue et corrigée, d’un recueil déjà paru en 1991, preuve du succès remporté
par l’édition précédente. Le sommaire est très attrayant: Historia de la dialectología
andaluza, avec examen de l’apport de H. Schuchardt [23-108]; - sous les titres Estu-
dios generales et Fonética y fonología [111-332], sont présentées les bases du travail
scientifique dans le domaine andalou (Problemas historicolingüísticos, Descripción
geográfica del espacio lingüístico, Caracterización lingüística del andaluz) et examinés
les points cruciaux des parlers andalous (La más antigua caracterización fonética de
las hablas andaluzas, Diacronía y sincronía en las hablas andaluzas, La geminación
bifonemática, El «seseo», De la grafía al sonido) et les problèmes sociolinguistiques
liés à la norme et à la constitution de 1978.
Le lexique tient une place importante, en particulier l’ichtyonymie [355-538],
dont JM est un grand spécialiste, et aussi l’examen philologique de quelques docu-
ments anciens du domaine maritime [543-596]. L’ouvrage est complété par d’indis-
pensables index [603-664], qui en permettent une utilisation aisée.
Gilles ROQUES

Jacques MONFRIN, Études de Philologie Romane, Droz (Publications


Romanes et Françaises, CCXXX), Genève, 2001, XI + 1035 pages.
Cet imposant volume réunit une bonne part de la production en articles du
regretté Jacques Monfrin. Devant une telle masse, dans un premier mouvement, on
est souvent tenté de se dire: «À quoi bon relire des choses déjà connues?»; et puis
on se prend au jeu de la lecture, et dans le cas présent le miracle s’opère. Organisée
par les mains expertes de G. Hasenohr, M.-Cl. Humbert et Fr. Vielliard, la matière
est scindée en quatre parties inégales.
A l’école de Paul Meyer [3-103], s’ouvre comme il se doit par la Leçon d’ouver-
ture du cours de philologie romane à l’École des chartes, prononcée le 6 novembre

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262 COMPTES RENDUS

1958: une présentation de ses prédécesseurs, Champollion-Figeac (1830-1846), Gues-


sard (1846-1869), Meyer (1869-1916) et Brunel, à une date où l’on n’avait pas encore
entamé de travaux sur «les illustres ancêtres». Le point d’orgue de cette section est
constitué par la magnifique introduction générale au recueil des Documents linguis-
tiques de la France de 1974, entreprise admirable dont on ne peut que souhaiter la
prompte continuation; et cette introduction est le genre même de texte que l’on n’a
jamais assez lu car elle contient, dans une densité peu commune, la présentation, vue
de l’intérieur (c’est à dire par un spécialiste, et quel spécialiste!), d’un siècle et demi
d’éditions de chartes gallo-romanes. Elle est encadrée par deux petits articles récents
(1997 et 1996) consacrés à P. Meyer (et à G. Paris); à les lire, on comprend que
Monfrin se sent beaucoup plus proche de Meyer que de Paris et il réussit à rendre
humain et émouvant un authentique savant (qualité dont personne n’a jamais douté),
que l’on a vraisemblablement trop caricaturé, faute d’avoir compris que c’était un
écorché vif, un anxieux, tout le contraire donc du placide érudit qu’annonce l’éti-
quette de philologue. Qui nous donnera un jour une biographie de P. Meyer, devra
méditer ces quelques pages nourries de la lecture attentive de la correspondance de
Paris et de Meyer.
La section Philologie et histoire de la langue [125-297] est dominée par deux
articles majeurs: Notes sur le chansonnier provençal C des Mélanges Brunel et Le
mode de tradition des actes écrits et les études de dialectologie (ici RLiR 32, 19). Ce
sont des classiques qui ont irrigué nos études depuis leur parution.
Celle intitulée Philologie et histoire des textes [301-567] regroupe des travaux bien
connus: éditions de fragments franco-italiens et de divers poèmes mineurs, éclaircis-
sement ponctuel sur un conte du Tombel de Chartrose ou synthèse sur le vaste pro-
blème de la tradition du livre de Marco Polo, etc.
Le morceau de roi est la quatrième section, Philologie et histoire de la culture
[571-979], qui eût pu être augmentée du dernier article de la section précédente
(L’Histoire de Didon et Énée). On y trouvera des descriptions de bibliothèques
médiévales en France, en Italie, en Espagne, en Catalogne, un genre particulièrement
difficile dans lequel l’érudition sans faille de JM donnait sa pleine mesure. D’autre
part, l’ensemble de ses articles sur les traductions et sur l’humanisme en langue vul-
gaire gagne à être ainsi regroupé et à être lu à la suite. Il y a là une mine de textes
à éditer et à étudier.
L’ouvrage, qui contient la bibliographie complète des travaux de Jacques Mon-
frin [981-997], se termine par des index précieux qui en permettent une utilisation
efficace: un index des manuscrits [999-1002], particulièrement soigné(1), un index des
auteurs et des titres [1003-1017], un index, naturellement très sélectif, des noms
de personnes et d’organismes de recherche modernes et un index des matières, très
étudié [1019-1030]. Le tout rend vivant l’enseignement d’un Maître, qui aura su
ajouter sa marque personnelle à une tradition qu’il a si dignement prolongée.

Gilles ROQUES

(1) Il y manque trois des 4 mss cités p. 797 n. 9.

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REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS 263

Alexandru ROSETTI e Alf LOMBARD, Coresponden#â (1934-1990),


volumul I (1934-1964), éd. par Nicolae MOCANU, Iona ANGHEL et
Heinz HOFFMANN, Cluj, «Atlas-Clusium», 2000, 397 pages.
Deux romanistes éminents, doués d’une longévité vitale et scientifique excep-
tionnelle et qui participèrent activement à la vie de notre Société (v. leurs belles
nécrologies ds RLiR 54, 646 et 60, 636, par A. Niculescu, qui les a bien connus, l’un
et l’autre, depuis 1956), ont échangé pendant 57 ans, c’est-à-dire jusqu’à la mort de
Rosetti, une correspondance en français, qui a été assez bien conservée. La première
partie est publiée ici (96 lettres ou messages de Lombard et 180 de Rosetti) et deux
volumes devraient suivre. Cet échange amical et professionnel présente sans doute un
des plus intéressants tableaux de la vie scientifique dans nos études au siècle passé.
Une annotation sobre mais précise éclaire les textes. Un index des noms propres
(plus de 400) montre la richesse du panorama.
Gilles ROQUES

Problèmes de cohésion syntaxique de 1550 à 1720, textes édités par Janine


BAUDRY et Philippe CARON, Limoges, Presses universitaires de
Limoges, 1998, 312 pages.
Le Groupe d’Étude en Histoire de la Langue Française (GEHLF) est un Groupe-
ment de Recherche dans le cadre de l’Institut National de la Langue Française
(INaLF). Il concentre ses efforts sur une période un peu négligée par les linguistes et
pourtant décisive dans l’histoire de la langue française: la langue préclassique et clas-
sique. C’est justement cette période, ses œuvres littéraires et les efforts de ses gram-
mairiens et remarqueurs qui ont formé ce qui serait devenu, dans les siècles suivants,
la ‘langue universelle’ de l’Europe, admirée pour sa ‘clarté’, son ‘ordre naturel’, sa
cohérence.
Le présent livre réunit 13 contributions tenues à l’occasion d’un colloque de ce
groupe, organisé à Limoges, en 1996, autour des problèmes de ‘cohésion syntaxique’
dans la langue et dans les textes de cette période(1). C’est l’un de ces sympathiques
colloques qui sont concentrés sur un seul sujet considéré sous ses divers aspects.
L’homogénéité du volume (et du colloque précédent) est aussi garantie par une défi-
nition commune de cohésion, donné par J. Baudry et Ph. Caron: «Nous entendons
le mot cohésion comme le nom du procès qu’il est(2): il désigne d’abord pour nous
la tendance croissante de la langue française à marquer de façon plus univoque, par
la morphologie ou par la syntaxe, la hiérarchisation, la fonction et les limites des syn-
tagmes. Mais parallèlement et au-delà des limites de la grammaire de phrase, les
mécanismes d’anaphore s’affinent de manière à optimiser l’enchaînement des grands
ensembles syntaxiques entre eux» [19]. On peut ne pas être d’accord avec cette défi-

(1) Il n’y a que Mme Perrin-Naffakh qui, en étudiant le commentaire voltairien sur
Corneille, dépasse ce cadre chronologique.
(2) À l’intérieur des contributions, le terme cohésion est en général pris dans un
sens statif, c’est-à-dire de phénomène inhérent à une phrase, à un texte.

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264 COMPTES RENDUS

nition(3); mais elle souligne d’une façon suffisamment claire que la cohésion est le
résultat des éléments grammaticaux (morphologiques et syntaxiques) «qui déchargent
le lecteur de la coopération à la juste discrimination du sens» [19](4). Or, il est inima-
ginable que le système d’une langue prévoie ou permette – laissons de côté les ambi-
guïtés de la parole – des cas de non-compréhension. Cet aspect est justement relevé
par G. Siouffi: «La cohésion est-elle véritablement une notion syntaxique? [...] En
effet, cela supposerait qu’il existe des idiomes plus ou moins cohésifs, ce qui est
difficile à imaginer. Il est plus naturel de penser, à la vérité, que tout idiome est
par nature cohésif, ne serait-ce que pour assurer son efficacité pratique, mais que
les moyens de rendre visible cette cohésion varient d’un idiome à l’autre» [208s.].
Remplaçons le mot idiome par état de langue (ou plutôt textes d’un état de langue
donné) et nous avons le sujet de la majorité des contributions du présent volume.
Le nombre des moyens (morphologiques et syntaxiques) de cohésion(5) étant
restreint, il y a des phénomènes grammaticaux traités dans plusieurs articles, ce qui
permet de suivre l’histoire de certains d’entre eux dans des textes différents de la
période considérée et même dans des textes de réflexion métalinguistique:
– la (non-)répétition des mots grammaticaux dans les syntagmes coordonnés
(Ph. Caron, Cohésion et Variation. Un idiolecte exemplaire: le cas de Vaugelas,
19-31; J. Baudry, Le comportement des syntagmes nominaux coordonnés dans
un corpus de récits de voyage de 1558 à 1635, 33-47; A.-M. Perrin-Naffakh, La
cohésion syntaxique au crible du purisme: Le <Commentaire sur Corneille> par
Voltaire, 263-278; G. Siouffi, Vaugelas et la notion de cohésion, 279-312);
– les accords grammaticaux (M. Colombo Timelli, 1529, 1546, 1608 – ou l’évo-
lution stylistique et syntaxique du <Jugement d’Amour>, 217-248; A. Sancier-
Chateau, D’Urfé correcteur de l’Astrée, 249-261; Siouffi);
– la référence des pronoms relatifs (M. Glatigny, Cohésion et emploi des relatifs
à la charnière des XVIe et XVIIe siècles; Caron; Siouffi), personnels et posses-
sifs (N. Fournier, Norme et usage de l’anaphore pronominale en français clas-
sique: principe de proximité et principe de saillance du référent, 191-214; Perrin-
Naffakh);
– la référence des constructions participiales détachées ou à l’intérieur de la
phrase (B. Combettes, De la cohérence textuelle aux règles syntaxiques: le cas
des constructions détachées, 139-156; W. Ayres-Bennett, <Cela n’est pas
construit>: L’Académie Française et Vaugelas devant les constructions partici-
piales, 157-189);

(3) Dans la ligne de tradition qui suit Beaugrande et Dressler (R.-A. de Beau-
grande/W.U. Dressler, Einführung in die Textlinguistik, Tübingen 1981; version
anglaise: Beaugrande/Dressler, Introduction to text linguistics, London 81996),
l’usage des termes cohésion (Kohäsion) et cohérence (Kohärenz) correspond
seulement à la deuxième partie de cette définition, qui concerne les relations
transphrastiques.
(4) Vaugelas a déjà dit: «naturellement on n’aime pas à se mesprendre» (C. Favre
de Vaugelas, Remarques sur la langue française (1647), éd. par J. Streicher,
Paris 1934, p. 114).
(5) Nous nous servons, dans ce compte rendu, de ce terme dans le sens de la défi-
nition donnée par Baudry/Caron.

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REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS 265

– l’ordre des mots (S. Prévost, Inversion du sujet et cohésion syntaxique à la fin
du 16e siècle, 115-138; Fournier; Colombo Timelli; Sancier-Chateau; Perrin-Naf-
fakh; Siouffi).
Parmi les phénomènes traités dans un seul article mentionnons les différences de
rection dans des syntagmes coordonnés (Caron), la place de la négation (P. Gondret,
La place des éléments négatifs avec l’infinitif du XVIe siècle au XVIIIe siècle, 49-75),
la subordination et la ponctuation au service de la cohésion (J.-P. Seguin, Cohésion
et subordination à la fin du XVIIe siècle, 99-114(6)).
La plupart de ces phénomènes apparaissent à l’intérieur d’une phrase simple ou
complexe(7); moins nombreux sont les éléments transphrastiques qui garantissent la
cohésion d’une phrase à l’autre: les <conjonctions> et les deux points (Seguin), les
constructions participiales détachées qui regardent en arrière et en avant (Combettes),
le qui au début de la phrase (Siouffi).
L’adhésion à une définition commune de cohésion et les limites communes de la
période étudiée conduisent à des résultats qui se confirment l’un l’autre et que l’on
peut résumer dans les points suivants:
1. La formation (et la fixation) de la syntaxe du français classique reflète une
tendance vers une plus grande cohésion grammaticale soit transphrastique soit
à l’intérieur de la phrase.
2. Cette tendance apparaît à nos yeux de linguistes d’aujourd’hui (mais aussi
pour les grammairiens et remarqueurs du temps) comme une tendance vers
une plus grande clarté qui facilite la compréhension immédiate et évite les
ambiguïtés de la référence, en se servant (surtout) des accords grammaticaux
et d’un principe de proximité qui rapproche l’élément déterminé de son déter-
minant, et qui indique ainsi, sans ambiguïté syntaxique, la hiérarchisation des
constituants de la phrase.
3. Les textes de la période précédente (XVIe siècle, français préclassique) n’étaient
pourtant pas incohérents: ils suivaient, au lieu du principe (syntaxique) de la
proximité, le principe (sémantique) de la saillance topicale (cf. surtout les contri-
butions de Seguin, Fournier, Siouffi).
4. Il n’y a pas de rupture nette entre les deux principes, et même les textes les
plus contrôlés de l’époque classique (comme le Quinte Curce de Vaugelas ou
le théâtre de Corneille; v. les contributions de Caron, d’Ayres-Bennett et de
Perrin-Naffakh) exigent quelquefois une <approche mémorielle>(8) (principe
de la saillance) plutôt qu’une interprétation selon le principe de la proximité.

(6) Pour la fonction syntaxique des deux points dans un auteur moderne cf. Ludwig
Söll, «Der Doppelpunkt als Stilphänomen und Übersetzungsproblem. Bemer-
kungen zu Les Mots von Jean-Paul Sartre», in Germanisch-Romanische Monats-
schrift 49, 1968, 422-431.
(7) Nous employons le terme phrase dans le sens moderne, qui n’est pas nécessai-
rement celui de l’époque préclassique et classique; cf. le livre de l’un des
auteurs de ce volume: J.-P. Seguin, L’invention de la phrase au XVIIIe siècle.
Contribution à l’histoire du sentiment linguistique français, Louvain etc. 1993.
(8) Pour le terme <approche mémorielle> v. Fournier (203).

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266 COMPTES RENDUS

Ce travail d’ensemble d’un groupe de recherche remarquablement <cohésif> a


le mérite d’éclaircir des aspects essentiels de la formation de la syntaxe classique
française. En approfondissant la discussion sur le caractère <clair> et <logique> du
français classique, il constitue une importante contribution à la future historiographie
de cette période.
Gerhard ERNST

Danièle VAN DE VELDE & Nelly FLAUX (éd.), Les noms propres:
nature et détermination, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du
Septentrion, 2000, 151 pages.
Cet ouvrage se compose de 8 textes rassemblant d’une part les communications
présentées lors de la journée d’études sur le nom propre (NP) organisée par le
Centre de recherche GRAMMATICA (Université d’Artois) le 30 avril 1996 et
d’autre part les contributions ultérieures de Michèle Noailly et de Nelly Flaux sur
l’antonomase. Bien que ce thème ait donné lieu à de nombreuses études et publica-
tions, les théories concernant le statut du NP font toujours débat alors que les avis
sont moins partagés quant à ses emplois, notamment par rapport à ceux des noms
communs (NC).
L’ouvrage s’ouvre sur une étude philologique de Seyfeddine Ben Mansour
[11-19] portant sur la définition du NP. L’auteur traduit et commente un texte (Sarh
al-Mufassal de Ibn Yas’is), puis le compare avec d’autres écrits afin de le situer par
rapport aux principales théories sur le sens du NP (Mill; Frege et Russel; Searle;
Kripke; Kleiber). Cet article se détache du reste de l’ouvrage, en ce qu’il met en
rapport les réflexions passées et présentes sur le NP.
Les autres contributions du recueil se répartissent ensuite selon deux pôles: trois
articles s’intéressent aux aspects philosophique et psychologique du NP, tandis que
les quatre dernières études se rejoignent dans un registre plus linguistique.
Michèle Noailly [21-34] entame son étude en remettant en cause la thèse de
Kleiber selon laquelle le NP serait un prédicat de dénomination, ce qui impliquerait
qu’il ne renvoie pas directement à une occurrence spatio-temporelle d’un individu,
mais à une abstraction ralliant des instances de cet individu. Elle s’appuie pour cela
sur le principe d’identité: on reconnaît l’unité d’un individu malgré les changements
qui l’affectent. L’auteur étaye ensuite sa thèse en analysant la construction «le/ce
même NP» comme entraînant la création transitoire d’une pluralité de référents
virtuels pour aboutir au final à un référent réel unique.
Danièle Van de Velde [35-45] suggère que, comme il existe des NP de personne
et de lieu, il y a également des NP de temps (Septembre noir). Son postulat est que
les NP sont la projection fixe de la triade de référence mobile je-ici-maintenant.
Cette thèse implique alors l’existence de NP de temps pour correspondre au déic-
tique maintenant, ce que l’auteur s’applique à corroborer en relevant quelques faits
syntaxiques qui confirment son propos.
Pour Walter De Mulder [47-62], le sens d’une expression est la conceptualisation
du référent. Le NP donne alors accès à une abstraction de ce qu’il désigne, sans lien

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REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS 267

direct. De Mulder cherche donc à établir le «mode de donation» des référents des
NP. Il s’appuie pour cela sur les travaux de Kripke, Kleiber et Wierzbicka qui utili-
sent la notion d’essence, et propose la notion d’essence psychologique. Cette théorie
permet d’établir le rapport entre l’essence correspondant au référent et les informa-
tions descriptives du NP.
Sur un plan plus linguistique, Marie-Noëlle Gary-Prieur [63-76] s’est intéressée
au pluriel des NP, et avance l’idée que ce pluriel exprime une individualité. Elle dis-
tingue, pour les NP, le pluriel lexical du pluriel discursif. Le premier se rapporte à
un individu collectif (les Alpes / les Bourbons) et le second à une collection d’indi-
vidus (les Ginette / les Bourbon). Dans tous les cas, le pluriel des NP se construit
donc par rapport à une singularité; il ne se résume pas à une simple irrégularité
sémantique.
Catherine Schnedecker [77-92] compare les comportements du NC et du NP lors-
qu’ils sont modifiés par autre. L’intérêt de cette combinaison réside dans son para-
doxe: autre symbolise la non-identité, et semble donc difficilement compatible avec
le NP qui est la marque même de l’identité. Contre toute attente, Schnedecker
constate que le NP non seulement accepte cette modification, mais en plus couvre la
plupart des usages du NP modifié, notamment les emplois métaphorique (C’est un
autre Versailles), fractionné (C’est un autre Staline qu’à table, détendu, apaisé, philo-
sophe) et dénominatif (Je connais une autre Micheline). Les deux premiers emplois
ne seraient pas compatibles avec un NC, à la différence de l’emploi dénominatif.
L’emploi métaphorique a ceci de remarquable qu’il satisfait la contrainte de non-
identité de autre puisque le référent visé par le NP est différent du référent initial.
Pour l’emploi fractionné, l’utilisation de l’adjectif autre permet de rendre compte de
modifications qui interviennent sur le même référent. L’emploi dénominatif du NP
se restreint au cadre familial.
Les rapports entre le NP et le partitif constituent le thème de la première contri-
bution de Nelly Flaux [93-116]. Elle distingue premièrement deux types d’emplois
métonymiques de la construction [déterminant partitif + NP]. La première métony-
mie, qualifiée de quantitative, permet de désigner les œuvres par le nom de leur
créateur, ce qui suppose une certaine notoriété (J’ai écouté du Verdi). L’auteur
montre que, malgré la neutralisation systématique du genre, il n’y a pas une caté-
gorie homogène des NP métonymiques à interprétation quantitative, à cause du
clivage entre continuité temporelle et discontinuité spatiale (du Verdi / du Picasso)
qui répartit les NP concernés dans des catégories différentes. Elle s’attache à diffé-
rencier la métonymie quantitative de la métonymie qualitative, qui consiste à quali-
fier des actes ou un comportement avec le nom de l’intéressé (C’est du Pierre tout
craché). En effet, on ne peut pas dans ce dernier cas dissocier le sujet de ses actes.
Enfin, Flaux examine la même construction avec un NP en antonomase et avance
l’hypothèse que les séquences de la / du / de l’ ont plus à voir avec la suite [de +
article générique] qu’avec une forme de partitif.
Le deuxième article de Nelly Flaux [117-144], consacré à l’antonomase, com-
mence par un rappel historique des différentes acceptions de ce terme, se poursuit
avec une définition de l’antonomase inspirée d’un article de Meyer & Balayn
(«Autour de l’antonomase de nom propre», Poétique 46, 1981) pour se terminer sur
l’examen de cas limites. Elle constate une extension de ce que couvre l’antonomase
au fil des ans et des définitions (Quintilien / Du Marsais / Fontanier). Même des

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268 COMPTES RENDUS

définitions plus récentes sont résolument symétriques: un NP pour un NC et un NC


pour un NP (Dupriez, 1984). Selon Meyer & Balayn, l’antonomase se caractérise par
le fait que le NP se charge d’un contenu conceptuel et fonctionne comme un NC.
Elle se définit donc comme étant un emploi métaphorique du NP. Il n’y a alors plus
symétrie entre le NC et le NP. Sur ces considérations, Flaux estime qu’il y a anto-
nomase lorsqu’un NP est employé pour désigner un référent autre que son porteur
initial. Pour en dresser les limites, elle considère des cas qui sont très proches de
l’antonomase: les emplois dénominatif, exemplaire et emphatique. Elle constate ainsi
qu’il peut y avoir glissement de l’emploi dénominatif du NP vers l’antonomase (C’est
bien une Dupont!). L’emploi exemplaire, qui constitue une sorte de «clonage»
conceptuel (Un De Gaulle n’aurait pas participé à la guerre du Golfe) est proche de
l’emploi emphatique, lequel utilise un faux pluriel: chaque NP vise un référent
unique (On les connaît, les Juppé, les Madelin, les Tibéri!). En effet, ces deux emplois
incluent le référent initial dans le référent visé. Mais comme cela s’effectue dans un
monde virtuel, la condition de disjonction référentielle de l’antonomase est neutra-
lisée, et ces emplois peuvent parfois se confondre avec ce trope (Il nous faudrait un
autre Ponge pour écrire cela).
L’ouvrage fournit ainsi une vue représentative des recherches en cours sur les
questions de la nature et de la détermination des NP. Il a l’avantage de donner à
la fois une approche psychologique du NP et un examen plus linguistique de
ses emplois. Au lecteur de privilégier, parmi les sujets traités, ceux sur lesquels il
portera son attention.
Nicolas GAGEAN

Claude GUIMIER (éd.), La thématisation dans les langues: actes du collo-


que de Caen, 9-11 octobre 1997, Peter Lang, collection «Sciences pour la
communication», Berne, 2000, 455 pages.
La thématisation dans les langues rassemble les 27 communications présentées au
colloque organisé à Caen du 9 au 11 octobre 1997. Le but principal de ce livre est
de clarifier la notion de thématisation, notion autour de laquelle règne encore trop
souvent un certain flou terminologique. Si la thématisation est en effet une notion
récurrente présentée très souvent comme une sorte «d’a priori évident», sa définition
n’en demeure pas moins assez vague et varie selon le cadre théorique dans lequel
elle est utilisée. La difficulté à donner une définition unitaire à ce concept s’explique
entre autres par le fait que les linguistes l’appréhendent sous des angles de vue fort
divers (sémantique, syntaxique, pragmatique, énonciatif, textuel, psychologique ou
encore typologique) mais également parce qu’on lui associe d’autres concepts, dont
certains sont eux-mêmes ambigus, tels que ceux d’emphase et d’emphatisation, de
focus et de focalisation, de prédicat et de prédication ou encore de topique et de
topicalisation (considérés soit comme des équivalents du couple thème/thématisation,
soit comme désignant des concepts différents). Il apparaît ainsi que le premier
problème à résoudre lorsqu’on se penche sur la thématisation est de déterminer un
système de dénomination relativement consensuel.
En réalité, la conceptualisation de la thématisation est délicate du fait que la thé-
matisation met en cause les opérations complexes de structuration de l’énoncé et par

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REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS 269

là même, implique la prise en compte de plusieurs dimensions telles que l’ordre des
mots, l’organisation informationnelle de l’énoncé ou encore la situation des interlo-
cuteurs. C’est pourquoi elle peut être abordée sous des angles de vue fort divers: on
peut par exemple étudier les problèmes syntaxiques mis en œuvre par la thématisa-
tion (étude des constructions), les marqueurs morphologiques de la thématisation ou
encore s’intéresser à la thématisation à l’oral et à l’organisation informationnelle du
discours spontané. Cette mise à contribution d’une même notion dans des travaux de
types très différents explique la raison pour laquelle la thématisation et le thème en
général demeurent, malgré l’abondance des travaux qui leur a été consacrée, des
notions fort problématiques.
Eu égard à la richesse et à l’utilisation hétérogène de cette notion, le présent
volume se divise en 4 sections principales, chacune d’entre elles abordant un des
aspects sous-jacents à la thématisation.
La première, intitulée Problématique de la thématisation, constitue une sorte
d’entrée en matière dont le but principal est la recherche d’une définition stable de
la thématisation. Elle rassemble 3 contributions, à savoir Christine Bonnot, «Pour
une définition formelle et fonctionnelle de la notion de thème (sur l’exemple du
russe moderne)» [15-31]; Paul Siblot, «Qu’est-ce que poser un thème» [33-44] et Jean
Peeters, «Thématisation et focalisation: deux principes distincts et complémentaires
de construction du sens» [45-61].
La deuxième section, intitulée Les marqueurs de thématisation, décrit des phé-
nomènes de thématisation dans des langues particulières (analyse des outils mor-
phologiques dont disposent les langues pour marquer le caractère thématique de tel
ou tel constituant d’un énoncé). D’un point de vue plus général, elle précise aussi le
rapport entre thématisation et focalisation. Cette section comporte 7 articles, à
savoir:
– «La spécification du terme topique en haoussa et en peul: vers une caractéri-
sation contrastive de la thématisation et de la focalisation», Bernard Caron et
Aliou Mohamadou, [65-79].
– «Topicalisation et focalisation ou: comment démarrer un énoncé en dagara»,
Alain Delplanque, [81-95].
– «La thématisation en berbère», Fernand Bentolila, [97-105].
– «La phrase principale affirmative en gascon: un cas de focalisation figée?»,
Claus-Dieter Pusch, [107-119].
– «Heureusement qu’il est là: un cas particulier de thématisation», Naoyo Furu-
kawa, [121-133].
– «Quant à: thématiseur et focaliseur», Kjersti Fløttum, [135-149].
– «Insertion des deux-points dans des structures bisegmentales: les limites de la
thématisation», Bruno Martinie et Frédérique Sitri, [151-166].
La troisième section, dont le titre est Thématisation et syntaxe, est consacrée au
marquage syntaxique de la thématisation (comme l’ordre des mots, la dislocation,
etc.). Elle réunit 10 articles, dont ceux de: Carmen Dobrovie-Sorin, «Le(s) thème(s)
entre la syntaxe et la structure de l’information» [169-183], Claude Muller, «La thé-
matisation des indéfinis en français: un paradoxe apparent» [185-199], Marie-Claude
Paris, «Ordre des mots, topique et focus en chinois contemporain» [201-215], Anna
Sőrës, «Topique, focus et ordre des mots en hongrois» [217-229], Bernard Combettes,

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270 COMPTES RENDUS

«Thématisation et topicalisation: leur rôle respectif dans l’évolution du français»


[231-245], Catherine Taine-Cheikh, «Topicalisation, thématisation et anaphore en
arabe» [247-261], Nicole Le Querler, «Dislocation et thématisation en français» [263-
275], Jean-Jacques Franckel et Denis Paillard, «Considérations sur l’antéposition des
syntagmes prépositionnels» [277-295], Svetlana Vogeleer, «La subordonnée temporelle
postposée et la thématicité» [297-317], Catherine Fuchs, «Encore plus belle / plus
belle encore: variations sur l’équilibre de l’énoncé» [319-333].
La quatrième partie, intitulée Thématisation et discours, met avant tout l’accent sur
les phénomènes liés à la thématisation à l’oral. Elle regroupe 7 articles: Elisabeth
Stark, «Antéposition et marquage du thème (topic) dans les dialogues spontanés» [337-
358]; Mary-Annick Morel et Laurent Danon-Boileau, «Thème, préambule et para-
graphe dans l’oral spontané en français» [359-377]; Anne-Claude Berthoud, «De la thé-
matisation des objets de discours à la thématisation des actes de discours» [379-392];
Mirna Velcic-Canivez, «Thématiser l’acte d’énonciation» [393-404]; Anne Grobet,
«L’organisation informationnelle du discours dialogique: la thématisation comme phé-
nomène d’ancrage» [405-420]; Paul Laurendeau, «Thématisation et stabilisation notion-
nelle en co-énonciation parlée» [421-438]; Mireille Brigaudiot, «Quelques remarques
sur la thématisation dans le langage d’un enfant de deux ans» [439-455].
Si l’ouvrage ne résout pas tous les problèmes terminologiques, il est en tout cas
révélateur du fonctionnement transverse de la thématisation et par là même, consti-
tue un outil précieux pour quiconque désire faire le point sur les divers enjeux liés
à cette problématique. La densité de l’ouvrage n’autorisant pas de compte rendu
détaillé, au lecteur de choisir sur quel point va se «focaliser» son attention.

Laurence JOSÉ

DOMAINE IBÉRO-ROMAN
ESPAGNOL

Joel RINI, Exploring the Role of Morphology in the Evolution of Spanish,


Amsterdam, John Benjamins, 1999, 187 págs.
La obra aquí reseñada trata varios problemas de gramática histórica del caste-
llano, haciendo hincapié en la importancia de la morfología en procesos de evolución
formal que muchas veces han sido interpretados hasta aquí como meros fenómenos
fonéticos. La gran innovación de este libro reside en el uso sistemático de bases tex-
tuales electrónicas (ADMYTE(1) 0 y 1; la prosa alfonsina(2)), así como de numerosas
concordancias tradicionales, muchas de ellas elaboradas por el «Hispanic Seminary

(1) Archivo digital de manuscritos y textos españoles, Madrid, Micronet, 1992-.


(2) Kasten, L. / J. Nitti / W. Jonxis-Henkemans, The Electronic Texts and Concor-
dances of the Prose Works of Alfonso X, El Sabio, Madison: The Hispanic
Seminary of Medieval Studies, 1997.

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ESPAGNOL 271

of Medieval Studies» de Madison (Cuento de Tristán de Leonis, Ordenanzas Reales,


Claros varones de Castilla, Libro de las donas). El autor, Joel Rini, ha publicado ya
muchos artículos en revistas muy conocidas a ambos lados del Atlántico. Su libro
constituye una contribución muy valiosa al estudio de varios casos problemáticos de
la historia interna del español. Las soluciones que propone, por sorprendentes que
puedan parecer a veces, están basadas en una argumentación muy sólida, y apoya-
das en una documentación textual enorme y bien explotada. Además, cada caso
viene acompañado de una presentación histórica y crítica de los diversos intentos
interpretativos propuestos hasta el momento por la comunidad científica.
El primer capítulo (Concepts of Morphological Change: Past and Present, 1-28)
expone y critica la terminología utilizada tradicionalmente en gramática histórica del
español, e intenta delimitar, distinguir y definir de manera unívoca varios conceptos
(contaminación, cruce de palabras, nivelación paradigmática, ultracorrección o
hiperurbanismo, retroformación, etimología popular, reinterpretación o reanálisis,
etc.). Desde luego, lo que más parece molestarle al autor es que muchas veces se
utilice el término analogía para referirse, por ejemplo, a situaciones de nivelación
paradigmática (como -osco > -ozco) que no implican una relación proporcional
(A/B = C/x). J. Rini propone limitar el uso de analogía a tales casos (como aver/ove
= tener/x, donde x = tove, resultado antietimológico).
El 2º capítulo (The Nature of Leveling in the Old Spanish Verbal Paradigm,
29-78) estudia tres casos de nivelación paradigmática del verbo español que implican
alternancia entre vocales cerradas y medias (i ~ e; u ~ o). En primer lugar, el autor
se pregunta por qué dormir y morir no se convirtieron en *durmir y *murir, mien-
tras cobrir, complir, sobir, sofrir, etc., cerraron su o en u (cf. cubrir, cumplir, subir,
sufrir, etc.). Es difícil resumir aquí el razonamiento del autor, pero en pocas palabras
diremos que se centra en la importancia de la primera persona del singular como
fuente de nivelación paradigmática (hecho bien demostrado por el recurso estadís-
tico a los datos de ADMYTE); en el caso de los verbos que sufrieron el cambio o
> u, la primera persona de singular del presente de indicativo tenía una u etimo-
lógica (subo) que se extendió al resto del paradigma (sobes > subes, etc.), mientras
dormir y morir tenían en la primera persona el diptongo -ue-, asociado por los
hablantes con la o átona (poder ~ puedo, etc.).
El segundo problema tratado en el 2º capítulo es el de la cerrazón de o en u en
los pretéritos fuertes ove, tove, estove, andove, sope y cope. El estudio cronológico de
los datos textuales indica que esta evolución pudo haber empezado en las formas de
tercera persona de plural del pretérito perfecto simple (estuvieron, tuvieron, supie-
ron, donde la cerrazón se debe a la yod), como ya lo habían propuesto varios
autores, pero que sólo se llevó a cabo de manera generalizada después de haberse
trasmitido a la primera persona de singular, en la que hubiera resultado de un cruce
entre alomorfos, como en el caso de estuve (de estude cruzado con estove; estude
resultaría a su vez de la influencia de pude en estide, fenómeno inicial de una larga
cadena de evoluciones formales).
El tercer caso presentado en el 2º capítulo estudia la cerrazón e > i en aperçebir,
perçebir, reçebir, escrevir y bevir (y la ausencia de este fenómeno en los verbos
concebir y decir). Etimológicamente, estos verbos tenían i…í en latín vulgar. Ahora
bien, por disimilación, i…í dio e…í en español antiguo, pero la e volvió a cerrarse
en i ya en la Edad Media. En algunos casos, la contaminación con sustantivos, adje-

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272 COMPTES RENDUS

tivos y participios emparentados pudo desempeñar cierto papel (bevir influido por
vida, viveza, vivo; escrevir influenciado por escri(p)to, escri(p)tura, escriba, escribano,
etc.), pero entonces no se entiende por qué dicho, dicha, dichero, etc., no influyeron
en dezir. En cuanto a aperçebir, perçebir y reçebir, sus participios tenían una e de
todos modos (aperçebido, etc.), y no existen palabras emparentadas con una i. J. Rini
llama la atención sobre la existencia (documentada) de formas de futuro y de condi-
cional etimológicas no disimiladas del tipo recibiré, escriviré, en las que la ausencia
de disimilación se explica por el carácter átono de la segunda i, tan débil que llegó
a veces a sufrir síncopa (recibré, escrivré). El esquema vocálico no disimilado del in-
finitivo en las formas de futuro y condicional se habría extendido a otras construc-
ciones de infinitivo (reçibir lo é, quiero reçibirlo, etc.). En el caso de dezir, el alo-
morfo de futuro y condicional dizr- no pudo dar lugar a *dizr lo é, impidiendo así
la formación de un infinitivo *dizir. En cuanto a concebir, el autor se basa en la baja
frecuencia del verbo, y en su esquema vocálico o-e-i en lugar de e-e-i, para explicar
su comportamiento distinto (respecto a aperçebir, conçebir y reçebir).
Mientras el capítulo 2º se ocupa de problemas de nivelación paradigmática, el
capítulo 3º (Phonological or Morphological Change?, 79-111) propone interpretar
varias evoluciones formales del verbo español como cambios debidos a considera-
ciones morfológicas, y no meramente fonéticas. Primero, el autor se pregunta si el
paso de ee a e en veer resultó sencillamente de la fusión de vocales idénticas en
contacto. Este fenómeno se dio primero cuando la primera e llevaba el acento (cf.
dedo, comer, fe) o ambas e eran átonas (cf. velar, arrecir, sentar); cuando la segunda
e era tónica, sólo aparece más tarde (ya que se documentan seello, veer, seer). Según
este modelo, el resultado puramente fonético del paradigma de veer debería haber
dado formas como ves, ve y ven muy tempranamente, al lado de formas como veer,
veemos y veedes. Sin embargo (y la utilización de los recursos electrónicos se mues-
tra aquí particularmente valiosa), la prosa alfonsina del siglo XIII muestra docenas
de formas como vees, vee y veen, y ninguna forma correspondiente con contracción
vocálica. Al revés, formas contraídas como vemos y vedes aparecen ya en época muy
temprana, al lado de las formas no contraídas. Otra vez, J. Rini recurre a las formas
de futuro y condicional para explicar un desencadenamiento de evoluciones formales.
La perífrasis veer + á podría haber dado lugar, muy tempranamente, a una forma
contraída verá, por el carácter átono de las vocales de veer en esta construcción;
efectivamente, el estudio de los más antiguos textos medievales confirma que el
alomorfo ver- dominaba de manera aplastante en las perífrasis de futuro y de condi-
cional. El infinitivo fue remodelado entonces en ver. A partir de esta forma, veemos
y veedes (formas acentuadas en la segunda e, como lo era veer) fueron las primeras
en pasar a vemos y vedes, lo que dio el paradigma siguiente: veo, vees, vee, vemos,
vedes, veen. En una segunda etapa, vees, vee y veen (formas no contraídas que se
mantuvieron pese a la tendencia fonética por haber sido interpretadas por los
hablantes como una raíz ve- combinada con desinencias personales) sufrieron una
nivelación por la que todo el paradigma quedó regularizado.
En la segunda parte del capítulo 3º (The /ée/ > /éi/ Change: Sound Change or
Backformation?), el autor se niega a explicar las formas buey, grey, ley y rey (así
como los antiguos imperativos crey, ley, sey y vey) a partir de una supuesta ley foné-
tica por la que el hiato ee se habría resuelto en el diptongo ey (efectivamente, lt.
FIDEM da fe y no *fey; lt. PEDEM da pie y no *piey). Su hipótesis es de natura-

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ESPAGNOL 273

leza morfológica. Las formas del tipo rey habrían podido nacer de una retroforma-
ción a partir de un plural reyes con yod antihiática; dicho plural no habría sufrido
una fusión de sus dos vocales, por haber sido interpretado morfológicamente como
re-es (el autor habla de «morphologically motivated resistance» [98]). Los antiguos
plurales del tipo reys, por su parte, serían entonces formaciones posteriores creadas
a partir de los nuevos singulares. En cuanto a los imperativos, se explicarían parale-
lamente como retroformaciones a partir de antiguas formas de imperativo negativo,
es decir de subjuntivo, con yod antihiática: creyas, leyas, seyas, veyas.
En la tercera parte de este capítulo (The Voseo Imperatives: Sound Change
or Morphemicization?), el autor se pregunta por qué los verbos en imperativo han
perdido la -d final con el pronombre vos (fenómeno bien documentado ya en textos
antiguos, y hoy en día en todas las zonas de voseo, incluso en las que han mante-
nido la -d final en la pronunciación de otras palabras), mientras con vosotros la han
conservado. Una explicación puramente fonética, por supuesto, sería difícil de justi-
ficar. J. Rini propone ver en la -d final un morfema interpretado por los hablantes
como una marca de plural, cuya presencia y ausencia hubiera permitido distinguir
vos y vosotros (resp. hablá vs. hablad). Su demostración es un poco más débil que
en el resto del libro: casi no presenta estadísticas (sólo en la p. 107, a propósito de
la caída de la -d- en los imperativos reflexivos), lo cual es un poco dudoso; la alter-
nancia de tipo ciudá ~ ciudades [109-110] podría haber dado a la -d- un valor de
morfema plural en los sustantivos, pero no necesariamente en los verbos; el mante-
nimiento de la -d- en formas verbales proparoxítonas como amávades [110] se daba
también con el pronombre vos cuando tenía valor singular. Sin embargo, el autor
tiene el gran mérito de exponer el problema de una manera clara y profundizada.
El capítulo 4º (The Morphological Spread of Sound Change, 113-146) trata el
problema de la evolución de las desinencias verbales -ades, -edes, -ides, -odes (hoy en
día -áis, -éis, -ís, -ois en las variedades del español que conocen el uso de vosotros;
no se consideran aquí explícitamente las formas modernas de voseo americano). El
uso sistemático de los bancos de textos electrónicos permitió al autor proponer una
nueva visión de la cronología relativa de las evoluciones formales (a veces fonéticas,
a veces morfológicas) que sufrieron estas desinencias. Es imposible presentar aquí el
razonamiento del autor con todos los detalles; nos conformaremos con presentar el
pequeño cuadro recapitulativo que proporciona J. Rini:
1. ind. -edes > -és (later -éys)
2. -odes > -oes (later -ois)
3. 2nd-conj. subj. -ades > -aes (later -áys) and subj. -edes > -és (later -éys)
4. -ides > -ís
5. ind. -ades > -áys and 3rd-conj. subj. -ades > -áys [144]
Hubiera sido deseable un cuadro más detallado, tal vez con casillas separadas que
distinguieran bien lo fonético de lo morfológico, y flechas que identificaran el sen-
tido de la nivelación. Además, el paréntesis «(later -éys)» no viene aclarado ni
comentado en el artículo, probablemente por representar un fenómeno posterior,
pero hubiera sido relativamente fácil tratar este problema en algunas líneas,
presentando así una imagen más completa de la evolución del conjunto de estas
desinencias.
El autor dedica el último capítulo de su obra (Hidden Morphological Factors in
Apparent Syntactic Change, 147-174) a dos clásicos de la historia interna del castel-

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274 COMPTES RENDUS

lano: la formación de hay, y el origen de eres. En el primer caso, el autor pone en


tela de juicio el análisis más generalmente aceptado (HABET + IBI), al notar que la
sintaxis es distinta de la del francés (il y a) y del catalán (hi ha), que en los otros
tiempos verbales la fusión no existe (*habíay es imposible, mientras el francés
conoce il y avait y el catalán hi havia), y que además construcciones redundantes (si
es que lo son) como ay y o y ay se documentan en textos medievales. Propone ana-
lizar la presencia de la yod a partir de la influencia del presente de subjuntivo
(h)aya; la forma del indicativo sería entonces el resultado de una retroformación
(como en los casos de rey, sey, etc., presentados en la 2ª parte del cap. 3º). Esta pro-
puesta, por nueva y sorprendente que parezca, permite explicar las formas (seu-
do-)redundantes y la ausencia de yod en los otros tiempos, así como la posposición
de la yod.
El segundo caso tratado en este último capítulo, el origen de eres, es un clásico
de la gramática histórica del castellano. Algunos lo derivan del futuro latino ERIS;
otros lo quieren explicar a partir de la influencia del imperfecto. J. Rini dedica
muchas páginas a la crítica de estas hipótesis, que presentan todas importantes
fallos, y propone una explicación que otra vez recurre a la retroformación, a partir
de un proceso analógico entre el subjuntivo y el indicativo: fueras corresponde a eras
como fueres corresponde a… eres [171]. El autor apoya su propuesta con citas
medievales que muestran la estrecha relación entre estos cuatro tiempos verbales en
el eje sintagmático. Como el mismo autor admite [174], tal vez nunca será posible
demostrar la validez de esta hipótesis, pero ésta permite explicar una forma proble-
mática a partir de un tipo de cambio formal, la retroformación, bien documentado
y reconocido.
El libro en su conjunto es convincente y está bien redactado. Nuestras críticas
se limitarán a algunos pormenores que podrían enmendarse en ediciones futuras.
Quisiéramos lamentar, primero, la ausencia de diacríticos de duración vocálica en los
étimos latinos (cuya ausencia no se explica por razones tipográficas, ya que excep-
cionalmente se notan, como en la p. 7; en la p. 71, en una cita de R. Penny, el
diacrítico que indica la duración de la I de RECIPERE está suscrito). Dada la gran
importancia de la duración vocálica en la evolución fonética, semejante información
resulta imprescindible para facilitar la asimilación de la materia expuesta (no olvi-
demos las consideraciones pedagógicas). La notación del timbre abierto o cerrado de
las vocales medias en latín tardío contribuiría también a esclarecer las cosas (pen-
samos por ejemplo en los cuadros de la p. 44). Sorprende el uso sistemático de la
palabra inglesa suffix con el sentido de «desinencia verbal» (y no «morfema deriva-
tivo léxico»), pero la lengua inglesa utiliza efectivamente esta palabra para referirse
también a morfemas gramaticales (cf. OED2). De manera general, sería conveniente
que el autor publicara una traducción al castellano de su libro, cuidando especial-
mente la terminología (¿cuál sería el equivalente exacto de leveling, blending, serial
contamination, etc.?). Otro ejemplo de discrepancia terminológica: en la oración que
reproducimos a continuación, la palabra inglesa syllable ha de entenderse siguiendo
las reglas del silabeo inglés, pero sin embargo se aplica a una palabra latina: «Diez
[…] believed that Latin REGEM, for example, would have lost its final syllable, and
that the velar consonant would have then undergone palatalization and vocalization
under the influence of the preceding vowel, i.e., REGEM > *REG > rey.» [p. 94]. En
latín, la última sílaba de REGEM no es -EM, sino -GEM.

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ESPAGNOL 275

Algunos detalles: p. 6, l. 2: «Lat. CINQUE»: más bien «vulgar Lat. CINQUE». – p. 22:
La forma quesadilla no puede resultar del «blending» de queso y tortilla (habría que
explicar el segmento -ad-); es un derivado, muy antiguo ya (1490, Alonso de Palen-
cia, v. DCECH s.v. queso), de quesada (independientemente de la acepción que
habrá tomado ulteriormente en español mexicano; ahora bien, una reinterpretación
moderna por parte de los hablantes siempre es posible). – p. 23: A veces, el autor
escribe de una manera tan densa que llega a ser completamente incomprensible,
sobre todo si se piensa en un público estudiante. Véase la oración siguiente: «For
example, the /f/ of English four is apparently the result of contamination by the /f/
of five (cf. Lat. QUATTUOR, Sanskrit catvaras vs. Greek pente, Sanskrit pañca, where
/p/ > /φ/ > /f/).». Con conocimientos previos en lingüística indoeuropea, se entiende
que en las lenguas germánicas, el resultado normal de la consonante inicial es /f/ en
el caso del cardinal 5, pero alguna otra cosa, no precisada, en el caso del cardinal 4
(de hecho, hubiera sido hw)(3), y que la f inicial antietimológica del inglés four sería
el resultado de la influencia de five, es decir una contaminación dentro de una serie
léxica (serial contamination). El paréntesis es tan opaco que hubiera resultado mejor
eliminarlo del todo (o explicarlo todo de manera más clara en una nota a pie de
página). – p. 23: «Similarly, the /o/ of Sp. cinco is due to that of cuatro, since Lat.
QUINQUE would have yielded *cinque in Spanish (cf. Ital. cinque).» Esto es (parcial-
mente) falso. Lat. QUINQUE hubiera dado *quinque. La forma española viene de una
forma lat. vulg. disimilada CINQUE (forma que cita el mismo autor en la página 6);
véase por ejemplo Menéndez Pidal, Manual de gramática histórica del español, 16ª
ed., § 66, 2. – p. 24: «Sp. nadie ‘no body’ owes its structure to Sp. alguien ‘somebody’
(Malkiel 1945).» Habría que mencionar, por lo menos en una nota, que esta hipó-
tesis no está compartida por Corominas / Pascual, véase DCECH 4, 203ab s.v. nacer.
– p. 24: Por otra parte, es un poco inhabitual citar el DCECH para confirmar que
el diptongo de hielo es etimológico (contrariamente al de nieve); parecería más apro-
piado citar directamente un diccionario de latín. Además, la referencia Corominas
1981: 227 es errónea. Según la bibliografía (en la que el autor ha olvidado el nombre
del colaborador de J. Corominas, el profesor J. A. Pascual), «Corominas 1981»
corresponde al DCECH. Ya que se trata de una obra en 6 volúmenes, «227» es
impreciso. Además, la palabra hielo se encuentra en la p. 353 del tercer tomo. ¿A
qué corresponderá este «227»? – p. 25: «The [English] word for cherry was borro-
wed from the French word, sg. cerise ~ pl. cerises […].» No es suficientemente pre-
ciso; ¿cómo se explicaría entonces el consonantismo inicial? Los estudiantes se van
a quedar perplejos. La palabra inglesa fue tomada, por supuesto, de la forma anglo-
normanda cherise, v. OED2 s.v. cherry y FEW 2, 598a, CERASEUM I. – p. 25: Para
explicar que cherry y pea son retroformaciones a partir de antiguas formas singulares
cherise y pise reinterpretadas como plurales, el autor nos presenta un cuadro que
debe ejemplificar la fuerza de la analogía con otros nombres de verdura y fruta. Si
bean y apple son muy buenas elecciones, rutabaga (doc. desde 1799, v. OED2) y
banana (doc. desde 1597, ibid.) nos parecen poco apropiados para ilustrar un fenó-
meno que tuvo lugar en la Edad Media. – p. 27: transcribir Eugenia con [h] (en lugar
de [x]) no refleja el español estándar. La variante aspirada sólo es propia de ciertas
zonas del sur de España, así como del Caribe. – p. 53, n. 10: «Again, I wish to credit

(3) V. Albert Maniet, La phonétique historique du latin dans le cadre des langues
indo-européennes, Paris: Klincksieck, 1975, p. 163.

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276 COMPTES RENDUS

my son, Marcus, for bringing to my attention the examples he/she don’t which,
according to him, are often uttered by both African-American and Non-African-
American classmates.» Eso, todo el mundo lo sabe (basta con ir al cine de vez en
cuando), y no había que citar a nadie; ahora bien, en el caso de citar a alguien, una
publicación científica hubiera resultado más seria. – p. 109, cuadro 32, habría que
disociar la forma fabla(d) en fábla (tú) por una parte y fablá(d) (vos) por otra (si
es que hemos entendido bien la intención del autor). – p. 149: «First, one might ask
why the agglutination of this adverb [está hablando de y en la forma hay] only
occurred in the present tense in Spanish, when the French and Catalan constructions
have counterparts in the imperfect indicative.» ¿Por qué sólo en imperfecto? Se
puede decir en francés il y aura, il y eut, il y aurait, il y ait, etc.
Hemos encontrado algunos (pocos) gazapos: p. 12, morpholgical > morphological;
p. 24, no body > nobody; p. 27, one would expected > one would have expected;
p. 29, I new > I knew; p. 35, prominanent > prominent; p. 44, a tendency to elimi-
nated > a tendency to eliminate; p. 47, fircative > fricative; p. 63, propogated > pro-
pagated; p. 68, i.e, > i.e.,; p. 68, fouth > fourth; p. 69, Dialectically > Dialectally; p.
71, los diacríticos en la cita de R. Penny son ilegibles o suscritos; p. 83, phonolgical
> phonological; p. 98, anomolous > anomalous; p. 102, mannar > manner; p. 103, The
developed of these nouns > The development of these nouns; p. 106, n. 12, sever
reduction > severe reduction; p. 113, «/-» no debería encontrarse a final de renglón,
separado de «des/» que aparece al principio del renglón siguiente; p. 143 [en una
cita], forms modernas > formas modernas; p. 153, cuadro 7, la transcripción fonética
de ¡haz! no es /az/, sino /aθ/; p. 167, to create a certain affect > to create a certain
effect; p. 167, Si j’etais riche > Si j’étais riche.
Como conclusión diremos que la comunidad científica tiene aquí una muy valiosa
contribución a la gramática histórica del castellano, que nos enseña otra vez hasta qué
punto la romanística proporciona a los investigadores una fuente inagotable de pro-
blemas mal resueltos cuyo estudio (que hoy en día puede apoyarse en formidables
bancos de textos electrónicos) puede enriquecer la lingüística histórica, incluso en sus
manifestaciones más teóricas. Éste era el objetivo del autor, y lo ha logrado.
André THIBAULT

Manuel ALVAR, El español en Venezuela. Estudios, mapas, textos. La


Goleta Ediciones, Universidad de Alcalá, Agencia Española de Coope-
ración Internacional, 2001, 3 vol., 1312 pages, illustrations.
Ces trois magnifiques volumes ont été achevés d’imprimer le 13 juin 2001. Deux
mois plus tard, Manuel Alvar nous quittait (cf. ici-même RLiR 66, 313).
Ce travail fait suite aux ouvrages consacrés aux États du sud des États-Unis
(RLiR, 65, 266-267) et à la République Dominicaine» (RLiR, 65, 539).
Dans les chapitres de présentation, on trouve des études sur la phonétique, illus-
trées d’analyses spectrographiques, et surtout deux contributions particulièrement
intéressantes. L’une sur la frontière vénézolano-colombienne portant sur 35 mots-

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CATALAN 277

témoins, l’autre sur les relations entre les Iles Canaries et le Vénézuela, liés par des
courants de population, en particulier à partir du XVIIIe siècle, et qui révèlent qu’il
y a plus de vénézolanismes aux Canaries que de canarismes au Vénézuela.
L’enquête proprement dite concerne 931 entrées, et elle a été réalisée sur une
cinquantaine de localités, à partir de témoignages de 68 informateurs. Une série de
49 textes est présentée en transcription phonétique et en graphie usuelle. L’index des
formes citées dans les cartes comporte quelque 6000 formes.
Les 931 cartes n’ont évidemment pas toutes le même intérêt, et il serait intéres-
sant de signaler quels sont les choses et concepts exprimés uniformément (comme
565 llave, 531 loco, 466 chiste) et à l’inverse ceux qui présentent une grande variété
(287 «erial», árido, baldío, abandonado, sin sembrar, virgen, ocioso, infértil, estéril,
arruinado, etc.). Curieux est le cas de jueves et viernes (uniformes) en face de lunes/
día lunes (232), à rapprocher de día martes qui figure dans l’index. Si on se rapporte
aux textes, on peut voir que la séquence est «Al otro día, día martes» alors que plus
loin apparaissent el lunes, el jueves, el viernes. Le contexte peut donc rendre compte
de ces différences.
D’autres cartes apportent des informations sur des phénomènes grammaticaux.
Ainsi les vulgarismes detenió, abrido, deshacieron (863, 877, 864), des alternances
-ón/-udo (orejón/orejudo, barrigón/barrigudo, cabezón/cabezudo, panzón/panzudo...)
sans qu’on puisse déceler une constance géographique, des tournures typiquement
«américaines»: 666 al yo venir (al venir yo), 67 ¿qué ustedes dicen?, 676 habían
árboles, 608 sabía venir (solía).
Ce ne sont là que quelques exemples de la richesse et de la précision de la docu-
mentation. Un prochain volume doit présenter le Paraguay. Souhaitons que la publi-
cation de cette belle collection puisse aller à son terme.
Bernard POTTIER

CATALAN

Joan VENY, Llengua i entorn natural, Barcelone, Edicions 62, 2001, 270 pages.
Joan VENY, Llengua històrica i llengua estàndard, Valence, Universitat de
València (Biblioteca Lingüística Catalana, 26), 2001, 268 pages.
Nous retrouvons là, dans une élégante présentation, complétés, parfois substan-
tiellement, et accompagnés de cartes et d’illustrations, des articles parus antérieure-
ment. Il faut dire aussi que leur organisation en fait un ensemble cohérent qui se lit
d’une traite. En outre, chaque volume se termine par un index des mots cités, qui en
fait aussi un outil de travail d’une remarquable efficacité.
Le premier volume constitue une anthologie des travaux que notre éminent
confrère a consacrés à des termes catalans de botanique (les désignations du
«néflier» et de la «nèfle»; les figues melenquines, bordissot et paratjals; boixac «calen-
dula»), d’ornithologie (les désignations du «vanneau»), d’entomologie (les désigna-
tions du «moustique»; du «grillon») et d’ichtyologie (étymologie de divers noms de
poissons).

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278 COMPTES RENDUS

De ces pages se dégage un véritable manuel de dialectologie étymologique et his-


torique du catalan, dont la méthode peut être transposée en d’autres terroirs. Elles
illustrent l’infinie variété de l’enquête, qui se soucie des mots et des choses, sans
oublier les croyances et les usages, qui emploie conjointement les ressources de la
phonétique, de la lexicologie, de la philologie, de la dialectologie des langues voisines
et ne néglige aucune piste pour aboutir à des conclusions claires mais prudentes, qui
apportent leur pierre à un édifice linguistique solide.
Le second volume examine un problème qui se pose à toute langue reposant sur
un terreau fait de parlers vivants, à savoir celui du lien entre une langue de chair et
d’os, ayant une histoire et une géographie, et une langue codifiée, nécessaire pour
une intercompréhension plus large et dégageant des émotions esthétiques moins vis-
cérales mais tout aussi réelles. Mais aucune langue n’a, je crois, poussé aussi loin que
le catalan l’analyse du phénomène en essayant même de l’organiser avec un certain
bonheur. Le point de vue du linguiste, majorquin et qui reste fier de l’être, à la fois
dialectologue, philologue et lexicographe, a donc une valeur de premier ordre.
On y trouvera la question agitée dans tous les sens, après une définition très
éclairante du double objet examiné [19-40]. La célèbre bi-partition catalan oriental /
catalan occidental est utilisée, non pour en figer l’antagonisme mais pour tirer parti
de leur complémentarité dans le cadre d’une standardisation (mot d’ailleurs horrible
par l’idée quasi industrielle qu’il reflète; on pourrait préférer codification) [61-81].
Dans le prolongement de l’œuvre de Pompeu Fabra, JV montre comment mettre à
contribution les richesses dialectales [85-103]. L’œuvre grammaticale et lexicogra-
phique de Pompeu Fabra est examinée sous cet aspect, ainsi que celles de ses
successeurs, Coromines, F. de B. Moll, Sanchis Guarner, Badia [119-171], jusqu’au
Diccionari de la Llengua Catalana [173-177]. L’ouvrage se termine par un panorama
des travaux concernant la géographie linguistique – celle-ci entendue au sens large
inclut des éléments de sociolinguistique, de diachronie, de lexicographie – du
domaine catalan, depuis le VIIe Congrès de notre Société à Barcelone en 1953 [181-
210]. Il contient aussi une très riche bibliographie [221-244].
Ces deux volumes constituent des introductions de première qualité aux études
de géographie linguistique romane.
Gilles ROQUES

DOMAINE ITALO-ROMAN

Alberto ZAMBONI, Alle origini dell’italiano. Dinamiche e tipologie della


transizione dal latino, Roma, Carocci, 2000, 226 pp.
El autor ofrece en esta obra una visión global y detallada del camino que siguió
el latín en su progresivo distanciamiento de la norma canónica y en su desmembra-
ción en las lenguas romances, entre ellas, el italiano. Como es lógico, es a esta len-
gua a la que más atención se presta o, mejor dicho, hacia la que más se orientan las
explicaciones, pero, en ningún momento se ha de pensar que el autor se centra
exclusivamente en ella, pues, muy al contrario, mantiene de manera permanente la
imprescindible referencia del espectro general románico en función de sus distintas

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DOMAINE ITALO-ROMAN 279

manifestaciones, paralelas o divergentes. Además, al hablar de italiano, no se ha de


entender sólo el toscano, sino también el resto de variedades septentrionales,
centrales y meridionales de Italia.
En este caso, el subtítulo, Dinamiche e tipologie della transizione dal latino, no
carece de importancia, puesto que el título sólo sirve para situar –situar y no enmar-
car– los aspectos que se tratan, los cuales, dentro del objeto o tema general del libro,
van a quedar mejor cubiertos, o con mayor propiedad, por esa conveniente especifi-
cación que supone el subtítulo. Se comprende con facilidad que para llegar a los
orígenes del italiano se ha de partir necesariamente de la base latina, incluso de la
primera o remota fase del latín, puesto que en época temprana se vislumbran ya
tendencias que luego se confirman en un periodo tardío. Buena parte del núcleo
de la obra –no podía ser de otra manera– recoge, por ello, aspectos y fenómenos
latinos o latinovulgares, y no tanto romances o italianos.
El libro aparece estructurado en cuatro capítulos: 1, Le origini; 2, La transizione:
aspetti concettuali; 3, La transizione: aspetti grammaticali; y 4, Verso l’italiano. Tras
el índice y los cuadros aclaratorios de abreviaturas y de transcripciones fonéticas, nos
encontramos ya con el primer capítulo; no hay prólogo, introducción o declaración
de intenciones previos. Es ese primer capítulo (Le origini) el que, sin perder auto-
nomía o identidad, actúa como introducción del tema.
Los orígenes del italiano, como los de las otras lenguas romances, son los del
propio latín, y por eso Zamboni comienza por rememorar la etapa protohistórica de
la lengua latina y sus testimonios escritos más antiguos. La primera cuestión rele-
vante, que el autor aborda con notorio acierto, es la de la existencia y definición del
llamado latín vulgar, como estrato de latín hablado necesario para entender la
evolución entre el clásico y escrito y las lenguas románicas.
La primera variación del latín y su primer proceso evolutivo aparecen con la
romanización de Italia y la expansión de la lengua; quizás el concepto tradicional de
sustrato pueda contribuir a recuperar restos de esa primitiva fase lingüística, pero su
análisis resulta siempre problemático. La variación del latín va a ser compleja ya
desde ese primer momento; por ello, se hace necesario abrir el camino a una visión
integrada de la lengua como repertorio histórico constituido por la copresencia e
interacción de variedades y registros diversos.
Frente a corrientes de pensamiento que llevan la distinción entre el latín clásico
y el vulgar hacia una esquemática polarización de dos lenguas casi diferentes,
Zamboni consigue situar de manera más precisa la posición del latín vulgar. Repasa
para ello conceptos como el de rusticitas y su contrapunto urbanitas, mencionados ya
por Quintiliano y Cicerón, y emplea también el de “latino sommerso” (= latín sumer-
gido). El primero permite definir una serie de rasgos y tendencias extraurbanos que
en no poca cantidad van a confluir en el conjunto de aquellos clasificados como
vulgares, de manera que se puede establecer un continuum lingüístico entre “rús-
tico”, “popular”, “hablado” y los registros altos del mismo repertorio. El último
recoge aquellos aspectos de la lengua que han quedado fuera de los procesos de
selección responsables del modelo urbano reconocido, pero que se evidencian por
vestigios directos o a través de la reconstrucción lingüística latinorromance. Cierta-
mente, la toponimia representa un óptimo depósito de este latín sumergido; baste
citar la serie de nombres de lugar derivados del lat. ager –no continuado como
nombre común en romance– (Agello, Ajello, Gello, Zelo).

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280 COMPTES RENDUS

Así pues, el latín se presenta como un diasistema o la suma de las distintas varie-
dades (diatópicas, diastráticas, diafásicas y diacrónicas) que componen el conjunto de
una misma lengua, esto es, un sistema integrado. Para conocer su variedad no clá-
sica, Zamboni señala que no se puede prescindir de la dimensión oral, por lo que
se ha de recurrir a una serie de fuentes, generalmente escritas, que suelen revelar
una notable fragilidad, ya que es evidente que la codificación de lo oral en lo escrito
mediatiza el proceso. El autor advierte de la necesidad de una tipologización y, tras
exponer la propuesta por Oesterreicher(1), dedica un amplio apartado a las distintas
fuentes y a los rasgos lingüísticos vulgares que se deducen de ellas.
El segundo capítulo (La transizione: aspetti concettuali) comporta una revisión y
un reanálisis de las concepciones clásicas relativas a la continuidad y a la transición
latinorromance, confirmando algunas de las ideas ya apuntadas en el primer capítulo.
Tenemos así que el latín experimenta un proceso intrínseco de evolución, de cambio
lingüístico, que, en cuanto a los modos y a los tiempos, enfrenta dos posiciones bási-
cas: la primera, parte de una motivación autónoma, por necesidad inmanente al
sistema, y la segunda, de motivaciones históricas ligadas al contacto de pueblos y
lenguas (criollización). El autor deja claro que conceptos e instrumentos metodoló-
gicos como el de simplificación son solo aproximativos, y es más correcto hablar, por
ello, de transparencia morfológica, ya que la complejidad gramatical de tipo romá-
nico no es de por sí inferior a la latina –la pérdida de los casos en las lenguas
romances se ha suplido con la creación de nuevas categorías como el artículo y los
pronombres clíticos, por ejemplo–.
Zamboni insiste en la importancia de la óptica sociolingüística y dialectológica
para corregir concepciones demasiado mecanicistas en materia de transición, lo que
le lleva a retomar la cuestión de los dos paradigmas opuestos a este respecto: por un
lado, los que defienden una diglosia o diversidad precoz entre lengua escrita-oficial
y lengua corriente-hablada, y por otro, los partidarios de un monolingüismo com-
plejo. Llega a la conclusión de que no se trata tanto de una oposición entre lengua
y habla, sino más bien –en términos de Coseriu– entre (dia)sistema, norma y habla,
de manera que no habría razón para excluir la formación de al menos dos normas
en el continuum latino o, cuando poco, de una norma hablada. La metamorfosis del
latín en romance es un fenómeno lineal, pero complejo, debido a la interacción de
múltiples parámetros, y el cambio debe ser descrito como una sucesión de sistemas.
Por lo que respecta al estudio del cambio, el autor denuncia que los modelos
evolutivos han otorgado mayor relevancia al nivel fonológico, cuando, por el contrario,
el nivel central es el morfosintáctico; así, se han configurado distintas divisiones
internas de la Romania, como la tradicional bipartición entre el este y el oeste, o la
tripartición entre sardo, balcánico y romance continental. Clasificaciones posteriores,
como la cuatripartición entre Galorromania, Iberorromania, Italorromania centro-
meridional y Balcanorromania, o la distinción entre Romania septentrional –que a
grandes rasgos viene a coincidir con la central–, y Romania meridional –periférica–,
han introducido ya ciertos paralelismos orgánicos entre hechos fonológicos y morfo-
sintácticos. En cualquier caso, es necesario subordinar los índices fonológicos a los
morfosintácticos para definir la articulación neolatina.

(1) W. Oesterreicher, “L’oral dans l’écrit. Essai d’une typologie à partir des sources
du latin vulgaire”, Callebat, 1995, pp. 145-157.

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DOMAINE ITALO-ROMAN 281

En un último apartado del mismo capítulo, el autor analiza aspectos tipológicos


y cronológicos no bien definidos. De esta manera, vemos que mientras el año 813
es el momento “oficial” registrado en que la lengua latinorromance se convierte en
romance autónomo, se sitúa a la altura del s. IV-V d. C. el divorcio, no registrado,
entre lengua escrita y hablada. Por su parte, los inicios de verdaderas diferencia-
ciones dialectales en la Romania se han de datar entre los ss. VI y VIII.

Tras los diferentes tratados conceptuales sobre la transición, en el capítulo


tercero (La transizione: aspetti grammaticali) se explican y detallan los hechos pro-
piamente lingüísticos del cambio. En primer lugar, se exponen aquellos fenómenos
o procesos que determinan la estructura gramatical (tipologia generale). Comproba-
mos así que el orden de palabras latino, más o menos libre, aunque generalizado en
el tipo (S)OV, se ha fijado de manera estable en el SVO ya en los ss. IV-V d. C.,
ligado a otros fenómenos capitales como la pérdida de la flexión o el desarrollo del
artículo.
Precisamente, respecto de la reestructuración –y no simplificación– del sistema
flexivo (nominal), Zamboni aboga, a partir de diversos índices, por la existencia de
una fase intermedia neolatina de orientación ergativo-absolutivo (acusativo-neutro)
y por la conveniencia de distinguir, frente a las anteriores clasificaciones de base
fonológica, entre una Romania septentrional (galorromance e italorromance septen-
trional) y una meridional (iberorromance, sardo, italorromance centromeridional y
balcanorromance), pues ambas muestran diversas oposiciones estructurales, entre
las cuales se encontraría la distinta tendencia hacia un nominativo marcado (septen-
trional) o hacia un acusativo definido (meridional) en la evolución de los micro-
sistemas casuales.
Bajo el enunciado más concreto de “Sintassi, morfosintassi, morfologia” se desa-
rrollan los cambios experimentados por las conjunciones –en especial, la gramatica-
lización del pronombre relativo neutro quod, que dará paso a la nueva partícula
que–, por el factitivo, por las formas de negación, por la comparación –las lenguas
romances continúan e innovan algunas formas sintéticas latinas, que van más allá del
s. VIII–, por la formación adverbial en -mente, por la composición –con el nuevo com-
puesto neolatino VN–, y por los pronombres –nueva posición estructural y nuevas
formaciones–.
El espacio dedicado a “il verbo” está marcado por la profunda recomposición de
la que es resultado el sistema verbal romance. Se observan así la pérdida de la voz
medio-pasiva latina, que generaliza las formas pronominales; la eliminación de la dis-
tinción aspectual infectum-perfectum y la creación de un pretérito perfecto com-
puesto, cuya oposición con el simple parece retomar una indoeuropea similar entre
perfecto y aoristo; aparecen además otras nuevas formas analíticas, como las del
futuro simple y el condicional –tercer modo–; el subjuntivo también sufre transfor-
maciones; y, finalmente, las clases flexivas verbales –como las nominales– también
se reestructuran notablemente (confluencia de conjugaciones, de desinencias, nuevas
formaciones en -i{re, -ic{re, particular desarrollo del elemento /sk/...).
Dentro de la “fonologia” se tratan aspectos como el acento y la división silábica,
y con ellos se comprueba que el modelo prosódico del latín hablado sigue y lleva a
sus consecuencias extremas los procesos acentuales y de reestructuración silábica del
latín protohistórico (acento dinámico-intensivo; tendencia a sílabas más simples y

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282 COMPTES RENDUS

abiertas y a una isocronía silábica). Hay una estrecha interrelación entre acento y
peso silábico; la cantidad vocálica va ligada a la posición tónica.
Algo similar sucede en el sistema fonológico, ya que la refonologización debida
a la lenición de las intersonantes del italiano septentrional –y de toda la Romania
occidental– representa una innovación conservativa o de continuidad que repite el
proceso de debilitamiento consonántico del latín preliterario arcaico, premisa para
el rotacismo en el caso de la /s/. Mientras ese dominio noroccidental constituye el
más fiel continuador del latín, el toscano –con la gorgia– y el italiano centromeri-
dional, en los que no se ha llegado a la refonologización, repiten un momento super-
ado de la protohistoria latina.
El latín hablado ofrece innovaciones por debilitamiento, pero también por forta-
lecimiento de sonidos, como la consonantización de las semiconsonantes /w/ y /j/, que
luego además provocará asibilaciones y palatalizaciones.
Es reseñable, por último, que la representación más o menos unitaria del nuevo
sistema general del vocalismo tónico latino-vulgar, con oposiciones de timbre tras el
colapso de la cantidad vocálica, no se corresponde en sentido estricto con la evolu-
ción romance. Aplicando de nuevo la distinción entre Romania meridional y sep-
tentrional, se puede notar que la primera mantiene un estado arcaico que no dife-
renciaba, con fines evolutivos, las vocales (tónicas) en sílaba libre o trabada,
mientras que la segunda –la Galorromania–, más innovadora, sí las diferencia. Zam-
boni prefiere hablar de dos formas básicas de latinidad que distribuyen de modo
diverso los timbres vocálicos y la estructura silábica.
En el “lessico” también hay separación entre la norma oficial y el latín hablado,
como se manifiesta en una serie de dobletes: caballus-equus, ciuîtas-urbs, mandūco-
edo, comêdo, etc. Este último ejemplo sirve bien para ejemplificar cómo se tiende a
eliminar bases léxicas simples mediante una transformación ya morfológica (deriva-
ción o composición), ya léxica (sustitución). El autor sintetiza con bastantes ejemplos
ambos procesos, que en muchos casos llevan consigo evoluciones semánticas (cf. lat.
hostis ‘enemigo’ > esp. hueste ‘ejército’). Zamboni se fija así en una serie de pala-
bras (curtis, massa, plebs, uilla) que recuerdan las transformaciones sociopolíticas y
económicas determinantes en el paso de la Antigüedad tardía a la Alta Edad Media.
La mezcla de factores intralingüísticos y extralingüísticos –estructurales y culturales–
produce un sistema nuevo.
Se analizan en último término los grecismos, que desde el latín protohistórico
contribuyen a configurar el léxico latino, y que conforman un elemento fundamen-
tal del latín vulgar, sobre todo a raíz de la llegada del cristianismo. A este respecto,
el autor se detiene en tres palabras clave de la latinidad cristiana: captiuus, paganus
y missa, de etimología clara, pero de motivación oscura.
Llegamos así al último de los capítulos del libro (Verso l’italiano), como etapa
final de este viaje, que alcanza los albores de la lengua italiana. Se estudia aquí la
situación lingüística de Italia desde el fin del Imperio Romano hasta las primeras
manifestaciones del vulgar, y para ello Zamboni tiene en cuenta también lo ya dicho
por otros autores y corrientes de pensamiento. Especial énfasis pone el autor en
equiparar la cronología del vulgar italiano con la del galorromance, pues, a pesar de
la pretendida distancia de un siglo entre los primeros testimonios escritos de uno y
otro –Pleito de Capua (960) y Juramentos de Estrasburgo (842)–, las antesalas de la

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DOMAINE ITALO-ROMAN 283

aparición son sincrónicas –Adivinanza veronesa y Parodia de la Lex Salica, ambos en


torno al 770-780–. Algunos textos de lengua “circa romançum” de este periodo pare-
cen mostrar ya una articulación norte-centro-sur en Italia; de hecho, la variedad cen-
tral del italiano vive ya un siglo antes del graffito di Comodilla (anterior al 850). De
acuerdo con Zamboni, el italiano, como idioma hablado, existía ya en el s. VII-VIII.
Como rasgos lingüísticos generales de ese italiano del s. VIII se enumeran los
siguientes: en fonética, apertura de las vocales breves latinas; asibilación y palatali-
zación; lenición –intersonántica también en toscano–; y fortalecimiento con beta-
cismo; en morfosintaxis, precoz reducción a un caso único de Toscana hacia el sur,
mientras en italiano septentrional habría perdurado un sistema bicasual; reforza-
miento del sistema general para la formación del plural (m. -i, f. -e, -i, n. colectivo -
a en Italia centromeridional, frente a m. -os, f. -as, -es, n. -a en Italia septentrional);
y coexistencia altomedieval de ille e ipse para el artículo; respecto del verbo, emer-
sión del pasado compuesto; futuro sintético (cf. dirai –año 715–); y formas reestruc-
turadas (numerosos participios en -ūtu); en sintaxis, alineación a la derecha; com-
pletivas con quod en lugar de acusativo + infinitivo; y varios casos de que. Se destaca
como particularidad léxica la típica preposición italiana da (< deab).
El último epígrafe está dedicado al estudio de los textos que se sitúan en el
límite entre latín y romance. Comienza el repaso con la Adivinanza veronesa (Indo-
vinello veronese), documento crucial del s. VIII, que sigue planteando ciertos proble-
mas, como la interpretación de la forma verbal “se pareba”.
Tras ese texto septentrional, se recoge un microtexto, redescubierto por Sabatini(2),
que Zamboni considera enteramente vulgar y local (romanesco), representante del
italiano del área central de la época, y, por tanto, primer testimonio del italiano: la
inscripcioncilla escrita en la catacumba de Comodilla “non / dicereil / llese / crita /
abboce” (= ‘non dicere ille secrita abboce’). Estamos ante un texto que atestigua un
uso consciente e intencional del romance, y que es contemporáneo de los Juramen-
tos de Estrasburgo, lo que confirmaría la sincronía entre Galorromania e Italia en
sus primeros testimonios vulgares.
Cierran este cuadro, de norte a sur, los textos tradicionalmente considerados
como primera documentación del romance italiano: los Pleitos de Campania (Placiti
campani) –el más antiguo, el de Capua del año 960–. Después de ellos, el autor men-
ciona algunos otros textos “limítrofes” como el documento de Tito en Lucania (823),
la Carta rotese (798) o el Glossario di Monza (segunda mitad del s. IX-primeros dece-
nios del s. X). El s. X muestra, según Zamboni, la conciencia de la autonomía del
vulgar, después de sus primeras manifestaciones en el s. IX.

El libro, sin prólogo ni introducción, tampoco posee un apartado de conclusiones,


lo que se echa bastante en falta en una obra de estas características, ya que hubiera
resultado conveniente reunir y resumir los muchos aspectos destacables hallados en
el transcurso del relato. Contiene, eso sí, una bibliografía detallada dentro de cada
capítulo, además de una bibliografía general clasificada al final de la obra.

(2) F. Sabatini, “Un’iscrizione volgare romana della prima metà del secolo IX”,
SLI 6, 1966, pp. 49-80.

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284 COMPTES RENDUS

Aparte la carencia de conclusiones, apenas podemos objetar nada a la exposición


de Zamboni, a no ser quizás algún pequeño descuido o algún que otro detalle
formal. Así, nos llama la atención que el autor omita las formas mallorquinas son,
sa al mencionar los continuadores romances del lat. ipse, más si cabe cuando está
hablando de su función como artículo [116-117]. En otro lugar, aparece con asterisco,
esto es, como no documentada, la forma acuti{re [133], que, por el contrario, sí está
documentada; de hecho, más adelante, se menciona el mismo vocablo ya sin asterisco
[167]. Por otra parte, cuando Zamboni hace referencia a la extensión de determina-
dos fenómenos lingüísticos, como, por ejemplo, la que muestra la monoptongación de
/au/ [158], sería mejor, siendo precisos, usar los nombres de las lenguas antes que los
de los países o regiones (“la Spagna e la Catalogna”), ya que éstos no siempre se
corresponden o coinciden con los dominios lingüísticos.
Son observaciones mínimas que en nada empañan la excelencia de un libro, Alle
origini dell’italiano, que se hace imprescindible en cualquier bibliografía de filología
románica, y que resulta fundamental para comprender el largo proceso evolutivo del
latín hablado a la lengua italiana.
Jairo Javier GARCÍA SÁNCHEZ

Wolfgang SCHWEICKARD, Deonomasticon Italicum (DI). Volume 1:


Derivati da nomi geografici. Fasciculo 5°: Ciociaria- Damasco, Tübingen,
Niemeyer, 2001, pages 511-638.
Le DI (v. ici RLiR 62, 475-486) poursuit régulièrement sa route. Ce nouveau fas-
cicule mérite les mêmes éloges que les précédents. Je voudrais attirer l’attention sur
des mots sur lesquels on ne songerait pas à se renseigner dans cet ouvrage.
S. v. Cìpro, còvre m. «cuivre» [522 sqq.] apporte un important lot de formes qui
devraient permettre d’éclairer le cheminement du mot dans les langues européennes.
On trouvera une large liste de dérivés (cupreìna) et de composés savants (de cuprì-
fero à isocupridìna). Ces mots ont souvent des correspondants dans les autres
langues européennes; pour le français, le DI utilise le TLF, qui est très sélectif en
la matière et où, en ce qui concerne les dates, les mots contenus dans les articles
cupr-, cupri-, cupro- (élément préf.) ne sont pas l’objet d’une étude historique: les
dates données se bornent à refléter la documentation fournie par quelques traités
des 19e et 20e siècles et par les grands dictionnaires. Ainsi cupro-aluminium [524
n. 4] est dit «dal 1970, TLF»; or cette date renvoie à Rob. Suppl., alors que le mot
est signalé par le TLF comme attesté ds Lar. encyclop., donc en 1960. On pourrait
utiliser pour dater les formes françaises le Dictionnaire des structures du vocabulaire
savant du regretté H. Cottez (v. ici RLiR 47, 468): cuprique «dal 1845» [524 n. 1]
y est attribué à Lavoisier et daté de 1789, cupro-ammoniacale «dal 1906» [524 n. 6]
y est daté de 1882.
S. v. Clichy, clisciàno m. «réactionnaire» est attesté en 1798, empr. au fr. clichyen
«membre du club royaliste qui se réunissait dans le jardin de Clichy», dont on n’a
pas relevé d’attestation avant 1859.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 285

S. v. Cognac, on trouvera un coniaciàno agg. et m. «(relativo alla) suddivisione


inferiore del piano senoniano...» [549a] qui laisse supposer un fr. co(g)niacien, qu’il
faudrait chercher dans les œuvres de naturalistes français, tels les D’Orbigny.
S. v. Clermont-Ferrand, kiermontesi m. pl. «monete di Clermont-Ferrand»
(1290ca) [543a] est appuyé par l’aauverg. clarmontes ds CConsMonfL (depuis 1268,
cf. introd. pp. 15-17); quant à l’afr. clermondois, attribué à Rutebeuf par FEW 2,
775b, il ne date que du mil. 14e s. (RutebF BC p. 278 var. de D). Pour biscotti alla
Clermonte «sorta di biscotti» et risotto alla Clermonte «sorta di risotto», je ne jure-
rais pas qu’ils doivent à coup sûr leur nom à la ville.
S. v. Croàzia, on trouvera crovàtta f. «cravate» [607 sqq.], empr. au français, et
ses dérivés et composés; parmi eux on cite [608b] cravatta alla Lavallière f. «cravatta
a fiocco svolazzante, generalmente di mussolina» (1908; 1942), qui est aussi un
emprunt au français, où Lavallière f. existe dep. 1874 (v. TLF 10, 1036b), et la note 4,
qui tire sa matière du GDLI, dit: «Originariamente faceva parte dell’abbigliamento
femminile; alla fine dell’Ottocento divenne distintivo dei fautori di movimenti politici
di sinistra». On considérera que la première phrase pourrait être une justification
étymologique, valant pour le mot français et rappelant que la désignation tire son
nom de la favorite de Louis XIV; la seconde phrase mériterait une étude plus appro-
fondie dans le domaine de l’histoire du costume. Cravattàto agg. (1868) [610a] est
probablement empr. au français cravaté (1831 ds TLF 6, 436a) et colombo cravattato
(1986) correspond au fr. pigeon cravaté (cité ds TLF 6, 436a, qui date de 1978).
Incravattàre v. tr. [610a] est rapproché [n. 1] du fr. cravater, alors qu’encravater et
encravaté [v. TLF 7, 1052a] ont les mêmes sens que l’italien, qui les a probablement
empruntés.
Gilles ROQUES

DOMAINE GALLO-ROMAN

Wolf-Dieter STEMPEL, avec la collaboration de Claudia KRAUS, Renate


PETER et Monika TAUSEND, Dictionnaire de l’occitan médiéval (DOM),
fascicule 3, Adenan-Afermat, Tübingen, Max Niemeyer, 2001, 161-240 pages.
Kurt BALDINGER, Dictionnaire onomasiologique de l’ancien occitan
(DAO), rédigé par Nicoline HÖRSCH, fascicule 8, Tübingen, Max Niemeyer,
2001, 561-640 pages.
Il suffira d’annoncer la parution de deux nouveaux fascicules de ces entreprises bien
connues (v. ici en dernier lieu, RLiR 64, 223-225 et 553). Ces deux ouvrages, avec des
caractéristiques diverses et des objectifs distincts, ont leur place dans les bibliothèques de
tous les romanistes. On ne peut que se réjouir de les voir avancer de front. En particulier
le DOM, qui répond magnifiquement à un vœu de l’unanimité des occitanistes, est devenu
un outil indispensable pour la lecture philologique des textes gallo-romans et sa consulta-
tion est aussi éclairante qu’agréable. Le DAO, inventaire systématique du vocabulaire,
plus austère, s’adresse en priorité aux linguistes. A une époque où règne l’éphémère, on
peut parier sur la longévité de l’usage de l’un et l’autre de ces excellents outils.

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286 COMPTES RENDUS

Une petite remarque pour le DOM: est-il utile de préciser «avec changement de
conjugaison» pour les emprunts comme aderir (<ADHAERëRE), adibir (<ADHIBëRE), adi-
cir (<ADICêRE), adipiscir (<ADIPISCI, -ëRIS), puisqu’il s’agit du résultat constant?

Gilles ROQUES

Französisches Etymologisches Wörterbuch, Eine Darstellung des gallo-


romanischen Sprachschatzes von Walther von WARTBURG, publié sous
la direction de Jean-Paul CHAUVEAU, Fascicule n° 159, tome XXII
(2e partie), Matériaux d’origine inconnue ou incertaine, tannerie-luxe,
Zbinden, 2001, pages 193-322. Fascicule n° 160, Table des matières et index
des concepts des volumes 21 à 23 établis par Yan GREUB, Zbinden, 2001,
36 pages.
Ce fascicule 159 clôt le tome 22 des étymologies inconnues du FEW, étymologies
inconnues qui occupent les tomes 21 à 23 de l’œuvre, tomes qui sont désormais com-
plètement terminés. Ces trois tomes sont eux-mêmes complétés par les deux impor-
tants volumes que K. Baldinger a publiés dans la série des Beihefte de la ZrP (CR
du premier, ici dans RLiR 53, 236; le second a paru en 1998).
On sait que les matériaux d’origine inconnue sont l’avatar d’une autre forme du
FEW, qui devait comporter deux parties: une présentation étymologique doublée
d’une présentation onomasiologique de tout le matériel. Wartburg avait déjà fait
confectionner à cet effet des index qui regroupent par concepts sémantiques les éty-
mons qui les expriment. Il serait souhaitable que ces matériaux, très utiles pour les
recherches onomasiologiques, puissent être rendus consultables, tout incomplets et
imparfaits qu’ils soient actuellement. Mais du vaste projet initial est né le programme
minimum, qui consiste à classer par concept les mots qui n’ont pas été étymologisés.
Ainsi avant de prétendre qu’un mot n’est pas dans le FEW, il ne suffit pas seulement
d’avoir parcouru les 20 volumes d’étymons, il ne faut pas oublier de consulter les
trois volumes d’étymons inconnus, où d’ailleurs se trouvent des mots pour lesquels
des étymons sont proposés; inversement, on peut trouver dans certains volumes des
t. 1 à 20 des mots d’origine inconnue tel apr. grola «vieux soulier» (d’où fr. grolle
«chaussure»), etc., s.v. *GROLLA, en 4, 271-273. Heureusement, on pourra bientôt,
probablement avant la fin de l’année, s’aider d’un index général du FEW, confec-
tionné à l’ATILF de Nancy par E. Buchi(1).

(1) À ce propos, je voudrais donner une liste de monnaies que je n’ai pas pu
retrouver dans le FEW, y compris dans ce fascicule, et pour lesquelles je
compte sur le futur index: crocard Gdf 2, 375b et AND 124a; - engroigne
Gdf 3, 182bc et DEAF G 1446, 38 qui renvoie à une note dubitative de
FEW 4, 293a n.10 et groigne Gdf 4, 364b et DEAF G 1445, 2; le classement de
ces deux mots sous groignier dans le DEAF n’est pas appuyé par un argument;
- halgan, hargan Gdf 4, 406b; - horis Gdf 4, 497b; - jolletru Gdf 4, 654c-55a; -
perpre Gdf 6, 107a et TL 7, 768; - rabouin Gdf 6, 532b et TL 8, 126; - tarelare
Gdf 7, 647b; - tartre Gdf 7, 652b et TL 10, 127.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 287

Le présent fascicule contient les termes des métiers et professions (cordonnier,


bûcheron, menuisier, tonnelier, maréchal-ferrant, etc.), de l’industrie, du commerce
et de la finance et enfin de la propriété. Comme le classement des concepts dans
chaque domaine est parfois imprévisible, on aura recours au très commode index
qu’a établi Y. Greub dans le fascicule 160; on pourra aussi consulter le vénérable
Begriffssystem, d’Hallig/Wartburg, dont ce même fascicule facilite grandement l’adap-
tation au FEW.

Inutile de dire que, sous la houlette de Jean-Paul Chauveau, ce fascicule est


d’une très haute tenue scientifique; et les quelques saint-bernards qui l’ont aidé (au
premier rang desquels il faut citer F. Lagueunière et A. Thibault; la liste complète
en étant donnée en p. 2 de couverture), ont su livrer des apports ponctuels dignes
du bon berger et ont permis aux brebis égarées dans l’enfer de l’inconnu de retrou-
ver souvent un bercail étymologique plausible. On trouvera de nombreuses solutions
à de multiples petits casse-tête étymologiques. À les lire, on peut décrire la méthode
étymologique de Chauveau. Quelques exemples: il est attentif à la géographie lin-
guistique, à la formation des mots et à la chronologie des faits: 214b-215a, un mot
madelle «douve de tonneau», attesté «dans une aire dont le foyer est Saint-Malo»,
représente «une greffe suffixale sur le modèle d’afr. doele ‘id.’» à partir d’un
m a d ∂ r f. «douve de tonneau», découvert dans L’ALBRAM, lui même «sens méto-
nymique issu de Dol madère f. ‘bois servant à faire les douves d’un tonneau’». Ce
dernier, nous précise Chauveau, ne peut être emprunté à l’occit. comme le veut le
FEW (MATĔRIA), que si l’emprunt est ancien car agasc. madera «charpente», suscep-
tible d’être parvenu en Bretagne par voie maritime, n’est plus attesté après le
15e siècle. Autrement, conclut-il, «il remonte plutôt à l’espagnol». Le traitement de
macéré / mazéré, mazé «(fer) obtenu d’une fonte ayant subi un affinage préliminaire»
[246a-247a] illustre la même démarche et la même prudence dans une conclusion
alternative où l’on sent aussi qu’une des branches en est discrètement privilégiée, ici
le rattachement à l’apr. mazerar «pétrir (la pâte à pain)», sans dissimuler que
manque le maillon qui appuierait l’origine méridionale de la technique. Ailleurs il
conjugue harmonieusement étude de la forme et du sens: 279b Toulouse créau s.
«(monnaie d’)argent» est identifié comme une forme adaptée du fr. craie à l’aide de
formes identiques dans la même région, puis le fait est appuyé par des parallèles
sémantiques castr. gredo f. «argent»..., qui devraient se trouver dans le FEW sous
CRëTA, et le rapprochement est conforté par une métaphore semblable dans arg.
plâtre m. «argent, monnaie». Chauveau ne néglige pas la critique philologique: 249b
frm. manture f. «fil de fer qui a été chauffé inégalement et qui a brûlé en quelques
endroits» constitue de «probables mauvaises lecture et interprétation de fer mauture,
dont le second élément doit représenter un sens secondaire de norm. mauture adj.
‘méchant, malin, espiègle, vaurien, d’une probité suspecte’».

On lira aussi des doutes sur des classements opérés par Wartburg: 217a Alençon
tinton «petit fausset ... des terrines à lait» est le même type que bmanc. t ẽ t õ «souci,
embarras; petit bouton, cheville» (ici 13, I, 347a) dont le classement n’est pas
convaincant; cf. aussi 277b pour Mâcon atreauder v. a. «amasser, acquérir pénible-
ment...», etc., rattaché par Wartburg (FEW 5 [lire 4], 392a à bourg. atreau m. «bou-
lette de foie et de poumon de cochon», et qui est rapproché de atraire «avec une
greffe suffixale d’après, par ex., frm. marauder».

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288 COMPTES RENDUS

Outre d’innombrables petites découvertes, on trouvera dans ce fascicule des éty-


mologies de mots usuels du français: 251-58 trafic et trafiquer replacent cette famille
de mots dans le courant européen, à la suite de la proposition de M.-L. Wagner,
approfondie par Alessio, Migliorini puis Malkiel, de partir d’un dérivé de lat. faex
«lie», qui aboutit à un sens primitif de «transvaser», qui développe à son tour des
sens secondaires comme les notions de transport ou de tromperie, sens primitifs et
secondaires attestés dans la péninsule ibérique et en gallo-roman; l’italien emprunte
son verbe trafficare au catalan et lui donne le sens de «commercer», qui se répand
dans les autres langues romanes. Le français à son tour transmet trafic à l’anglais. Le
tout est appuyé sur une documentation impeccable qui apporte sa contribution sur
le versant gallo-roman à cette belle construction de l’étymologie romane; - 259-261
bistrot (et bistroquet), mot emblématique d’une certaine époque, hélas révolue, de la
civilisation parisienne, a déchaîné les imaginations. Le russe bystro «vite», vestige de
l’occupation de Paris en 1815 par les cosaques, est une de ces plaisanteries exotiques
qui ont la vie dure; l’aunisien et saintongeais bistrô m. «petit berger chargé de la
garde du gros bétail», avec son parfum de ruralité, avait tout pour séduire les dia-
lectologues, mais il ne convenait que pour la forme; le rattachement à bistrouille
«mauvaise boisson», qui avait les suffrages des provinciaux plus citadins, fait bon
marché de la géographie et de la chronologie. Baldinger (BaldEtym 2, 218) a eu
l’heureuse idée de mettre le mot en rapport avec mastroquet / mastroc, qui est plus
ancien et avec lequel le parallélisme est net, et de partir d’une forme bistingo, qui
se rattache à un bistringue (var. de bastringue), que prônait déjà Esnault, et que
Chauveau étaye au moyen de formes québécoises qui en garantissent l’ancienneté et
qui remontent en dernière analyse à frm. bastringue m. «air populaire de contre-
danse». Chauveau justifie enfin le passage de la notion de danse à celle de débit de
boisson, par le sens attesté de «salle de bal attenant à un débit de boisson»; - 303-
306 quémander est présenté au sein de la famille de cayment «mendiant», en pro-
longeant l’article novateur de J.-L. Roch (TraLiLi 25, 311), qui rattachait le mot au
Caïn Biblique. Voilà quelques-unes des synthèses (comme patard / patraque 281-86
ou pingre 298-99) qui font de ce fascicule autre chose qu’un recueil d’inventions
étymologiques ponctuelles et ésotériques.
Nous allons terminer par quelques menues remarques: 197a ercolin, etc., moder-
niser les données en ercolin m. «sorte de fourrure» (MPolB 117, 47 = Gdf), erculin
(MPolB 118, 14 = Gdf); - 197a binne «sorte d’étoffe ou de fourrure (?)» est une
correction, pour une leçon bannes cf. TissierRecFarces 39, 238; - 198b apic. nerron
«partie tranchante d’un instrument allongé», etc., ce mot attesté ds d’excellents mss
de GCoincy (il manque malheureusement ds ColletCoinci; on le lit à la même
époque ds LancPrM 37, 6) pourrait être régional; il serait important de localiser les
textes d’archives cités par Gdf; - 202a afr. resquez m. «bois qui reste dans les forêts»
attesté en hbret., paraît mal s’accorder géographiquement avec afr. reques, de sens
assez obscur, attesté dans le nord; - 213a mfr. trachie est identifié comme une exten-
sion de trachée, d’où le sens «sorte de défaut, sans doute tubulaire, dans le bois».
Möhren a ici amélioré la fiche (renvoi exact à la source) et proposé un classement
étymologique, tout en laissant encore du travail pour le DEAF. L’enquête devra
répondre encore à deux questions: 1°) exactitude de la forme car, dans le contexte
(ventelle, trachie ou ponchonne), je ne comprends le sens d’aucun des trois mots; il
faudra donc voir l’acte et éventuellement le comparer avec des règlements concer-
nant la même profession des tonneliers; - 2°) dans l’hypothèse où la leçon trachie

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DOMAINE GALLO-ROMAN 289

serait confirmée, il faudra chercher s’il y d’autres rencontres entre le vocabulaire de


l’anatomie et celui de la description du bois (on pense à veine); - 216a apic. garle f.
«trou de la bonde», à compléter par HenryOenol 2, 26; - 229b mfr. clostroier v. a.
«enduire (?)», etc., ajouter clottrier (1397, Comptes de Guy de la Trémoille, 59); -
amess. fizel «instrument de maçon, équerre», tenir compte pour l’étymologie de
TLF 8, 831a; - mfr. quemilse f. «principale ouverture d’un fourneau de fonderie»
paraît être une forme de fr. chemise «partie inférieure du haut fourneau dans lequel
on fait fondre le minerai» (Enc 1753-Lar 1869) ds FEW 2, 141a; - 247b mfr. keucelle
m. «lingot (d’argent)» est dans Ghillebert de Lannoy, Voyages et ambassades, éd.
Potvin, 33 (keucelles d’argent) et le même syntagme se retrouve deux fois p. 57, asso-
cié à des ducats d’or. Le sens de «lingot» conjecturé par l’éditeur reste douteux; -
263b afr. cauvelaus m. «marchand de chevaux», etc., moderniser, simplifier et com-
pléter les données en apic. cauwelaus m. «marchand de chevaux» (Arras 2e tiers du
13e s, ChansArtB = TL = Gdf cauvelaus), qui est aussi nom de famille à Arras dep.
1170; - 266b afr. estason m. «boutique, échoppe» (Lausanne, 1216), etc., compléter
ces données par afr. estason s. «boutique, échoppe» (AthisH 9569); - 267b n.1, je ne
vois pas dans Gdf le sens qui lui est attribué; - 270b mfr. doe f. «ballot de mar-
chandises», doesse préciser que le texte vient de la région de Châteldon; - 276a
detierres s. «caution, répondant» a chance de représenter le cas sujet de afr. deteor
m. «débiteur»; - 276b Metz, Nied e˛ k a f. pl. «dettes», dans le syntagme f{re dés ècats
«faire des dettes», pourrait être une forme d’écot m. «part due par chaque convive»,
si l’on admet qu’il s’agit d’une expression figée, où le genre du mot, masqué au lexi-
cographe par le pluriel, a été transformé en féminin d’après d’équivalent français
dettes; - 281a ahain. papeleu m. «sorte de monnaie», ajouter aflandr. id. (Lille 1325,
RentierLilleM, RLiR 65, 292); - 281a aflandr. valtaron m. «sorte de monnaie», est à
compléter avec les matériaux de Gdf 8, 151c (vataron); - 281b mfr. patac «sorte de
petite monnaie», ajouter ca 1470 Chansonnier du Cal de Rohan, éd. Löpelmann 42,
3; - 282a, dans les Locutions, ajouter avant mfr. ne priser un patac le mfr. en avoir
non valant deux patas (MartinLeFrancChampD); - 300b Saun. r e˛ t r i y o˛ n e˛ v.a. «lési-
ner», à compléter par Nancy (rég.) rétrillonner v.a. «réduire la quantité de nourriture
donnée à qn», v.pr. «se restreindre», rétrilloner (sur) v.n. «lésiner (sur)» (Roques-
Nancy 1991, 169), trouvera place en 12, 303b à côté de Yonne, Chablis rétrillonner
v.n. «rogner sur tout, lésiner»; - 314a mfr. misse adj. «pauvre» est associé à missard,
bien attesté dans le sud-ouest; cela pourrait ouvrir une piste sur la localisation de la
farce, s’il ne s’agit pas d’une forme de mince; - Miélin r ë t y e˛ m ä v.a. «épargner»
trouvera place en 10, 153a à côté de Brotte r § t y e˛ m { [«recueillir, rassembler»; en
fait «ramasser, se réclamer de», avec son dérivé en -üMEN, r ê t y è m ũ m. «fruits tom-
bés, pauvre récolte», qui semble manquer dans le FEW tant s.v. RECLAMARE que ds
les étymologies inconnues en 21, 76b]; - 319b afr. waufler v.a. «dilapider», etc., est
traité ds FEW 17, 642b, en outre tenir compte de RLiR 60, 612 et cf. aussi TL 11,
78 (vafleor et *vaflerie) et DEAF G 405, 15 (s.v. gauler).
Il suffit pour conclure de dire que ce fascicule est digne des précédents. L’avan-
tage de ce type de fascicule est qu’à sa lecture on voit plus clairement les problèmes
ponctuels qui se posent à l’étymologiste, problèmes qui sont souvent moins percep-
tibles dans des articles d’envergure, où tout a l’air de couler de source. On pénètre
en quelque sorte dans l’atelier de l’étymologiste, en jetant même un œil dans sa
corbeille à papier.
Gilles ROQUES

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290 COMPTES RENDUS

Frank PAULIKAT, Eigennamen in Pressetexten. Studien zu Formen und


Funktionen des Eigennamengebrauchs in der französischen Pressesprache,
Francfort M., Peter Lang (Europäische Hochschulschriften, Reihe 21 Lin-
guistik, Band 230), 2001, XII + 252 pages.

Il n’est pas interdit de s’amuser tout en faisant de la linguistique. Le présent


ouvrage en apporte la preuve. Il s’est donné pour tâche d’examiner la forme et la
fonction de l’emploi des noms propres dans la presse française essentiellement entre
1980 et 1996, en utilisant un vaste échantillon suffisamment représentatif, mais hété-
rogène. Il y a toute une linguistique qui se consacre aux noms propres et l’excellente
bibliographie [176-222] en dresse un tableau bien documenté. L’étude sémantique
repose naturellement sur une distinction entre les emplois appellatifs et référentiels;
les aspects théoriques retiendront l’attention des spécialistes. L’intérêt des exemples
repose sur leur interprétation serrée et c’est sur ce point que, chemin faisant, on
pourra apporter quelques compléments. Ainsi une phrase comme :
« Les Chirac avaient invité trois cents personnes au repas de noces. Ce
gueuleton - délicieux, paraît-il - a été servi dans les salons de l’Hôtel de
Ville. Espérons que la famille n’a pas été ruinée par les frais de location.»
est donnée comme illustrant la nécessité, pour la comprendre, de savoir que Chirac
est aussi le Maire de Paris. Outre cette connaissance d’ordre encyclopédique, il faut
en premier lieu une compétence linguistique qui permet de savoir que l’on parle des
salons de l’Hôtel X aussi bien que des salons de l’Hôtel de Ville et que la plaisante-
rie repose sur l’ambiguïté entre le sens de hôtel et son emploi dans le syntagme hôtel
de ville ; plaisanterie qui serait aussi possible si l’on parlait de l’Hôtel Matignon, où
siège le Premier Ministre.
Parmi les Spitznamen [45-48], l’auteur retient Ballamou (Balladur), Nanard (Ber-
nard Tapie) et Tonton (Mitterrand). Il eût pu s’intéresser à un phénomène qui évite
de gratifier le Président de la République Française d’un surnom ridicule, comme il
y eut, de façon éphémère, La Mite pour Mitterrand et Chichi pour Chirac.
On trouvera [83-91] une liste de noms géographiques en emploi métaphorique avec
des essais de définitions lexicographiques. On pourra discuter certaines d’entre elles:
Cuba «état satellite» plutôt «état qui exporte la révolution»; - Liban «pays satellite du
monde arabe» plutôt «pays livré aux luttes de factions dirigées par l’étranger» ; - Yalta
«importante conférence» plutôt «partage entre puissants». Quant au concept de Mittel-
europa [92], en français, il n’inclut pas les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
Viennent ensuite les noms de personnes en emploi métaphorique [93-110]. Parmi
eux: Bismarck «diplomate habile» plutôt «négociateur qui impose ses solutions»; -
Cassius Clay «homme doté d’une grande force physique» plutôt « homme politique
qui par son talent de polémiste abat son adversaire; champion du monde»; - Conan
Doyle « fabulateur» plutôt «auteur de romans policiers» (ici particulièrement appro-
prié en ce qui concerne Edgar Faure, qui écrivit des romans policiers sous le pseu-
donyme d’Edgar Sandé); - Hitler et Mussolini ont une valeur d’appellatifs dans «la
tradition des Mussolini et autres Hitler» où le pluriel ne doit pas faire illusion cf.
«les tableaux des Picasso, Manet et autres Renoir sont hors de prix», où il s’agit seu-
lement des œuvres des peintres nommés; - Kissinger, n’a pas une negative Konnota-
tion dans les Kissinger au petit pied, cette connotation est donnée par au petit pied.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 291

Les noms propres sont dotés d’une riche suffixation, ici [114-132] examinée:
afghanisation «limitation de la guerre à l’Afghanistan» plutôt «limitation de la guerre
aux factions afghanes»; - berlusconisation «croissance de l’influence de l’état à la
télévision» plutôt «règne de la médiocrité, lié à la soumission totale aux seuls impé-
ratifs commerciaux»; - chiraquisation «privatisation; processus de libéralisation éco-
nomique» plutôt «remise entre les mains d’amis de Chirac d’entreprises privatisées».
L’auteur passe aussi en revue les préfixes susceptibles de s’accoler aux noms
propres ou à leurs dérivés [133-137] et les éléments de composition.
Le dernier chapitre [142-161] est consacré aux jeux de mots. Quelques précisions:
«le football français se prend les pieds dans le Tapie» [151] n’est possible que parce
que préexiste l’expression se prendre les pieds dans le tapis «échouer lamentablement
dans une manœuvre où l’on voulait montrer son habileté» ; - «les flics ne cachent pas
leur ire» [156] passera difficilement, faute de signal plus explicite, même s’il s’agit de
l’affaire des Irlandais de Vincennes, pour faire jeu de mots avec Eire. Dans les com-
positions haplologiques [157-158], ni kronenbourgeois (dont on ne sait s’il s’agit de
l’habitant de Cronenbourg ou du buveur de bière de Kronenbourg) ni robespierrot
(dont le contexte montre bien qu’il s’agit de Robespierre au petit pied) ne sont indis-
cutables; dans les croisements [159], personne ne verra dans moscoutaire, qui était
courant pour désigner les «gens alignés sur le parti communiste russe» et par exten-
sion les «communistes», un croisement entre mousquetaire et Moscou; et, même si
le contexte référencé confirmait cette vue, moscoutaire préexistait à ce croisement.
D’ailleurs et plus généralement, faute de contexte, il est difficile de croire à certains
des croisements affirmés.
On sait que la presse fourmille de coquilles; le fait a déteint sur FP. On citera
ici, parmi d’autres, l’attribution du prénom de Valérie à Giscard d’Estaing [40 (bis),
43], Denunzière pour Denuzière [57], Viausson-Ponté pour Viansson-Ponté [84], FCDS
pour FGDS [84], détriure pour détruire [89], querelle de tendance auto-destructive
pour q. de tendances autodestructrice [89], bouregoise pour bourgeoise [95], Trouve-
tou pour Trouvetout [100], Otawa pour Ottawa [123]. On soupçonne qu’il faut lire
que «Schumacher a été tenu au courant [et non au cœur; coquille du journal ou du
linguiste?] des plus petits secrets de ce moteur magique»[165].
Relevons quelques incorrections linguistiques: «homme opté d’une grande force»
pour doté [95], oppressionelles pour répressives [122], amorcellement pour morcelle-
ment [123, 126].
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un bon travail qui sort avec science des
sentiers battus.
Gilles ROQUES

Paul ZANG ZANG, Le Français en Afrique: norme, tendances évolutives,


dialectalisation, München-Newcastle, Lincom Europa (Lincom Studies in
Romance Linguistics, 1), 1998, 452 pages.
Le lecteur ne devra pas se laisser abuser par le titre de l’ouvrage, imposé par un
éditeur soucieux de toucher un (plus) large public. Tiré d’une thèse soutenue en 1991
à Yaoundé I par un chercheur qui a suivi l’ensemble de son cursus dans son uni-
versité africaine, le livre aborde peu les problèmes de norme et borne son enquête

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292 COMPTES RENDUS

au Cameroun. Il eût donc été plus juste, sinon plus judicieux, de lui conserver son
titre de thèse: «Le processus de dialectalisation du français en Afrique: le cas du
Cameroun. Étude fonctionnelle des tendances évolutives du français». L’auteur dis-
cute dans les pages liminaires le bien-fondé de sa terminologie et la pertinence de
la dénomination «dialectalisation» (préférée à «enrichissement» ou à «dégénéres-
cence») définie comme «un processus de différenciation linguistique qui tient du fait
que le peuple camerounais s’approprie la langue française et en fait un instrument
de la communication linguistique adapté à la satisfaction de ses besoins et conforme
aux structures déjà établies par les langues locales». D’emblée, Zang Zang se situe
au sein de la problématique passionnante du devenir du français langue officielle
dans les pays africains multilingues. Il montre l’attitude ambiguë de ses compatriotes
partagés entre le respect de la norme exogène (imposée par l’école) et la volonté de
s’en émanciper pour s’approprier une norme endogène spécifique. Le lecteur peu
familier du pays eût aimé trouver ici une présentation même rapide de l’histoire du
français au Cameroun (sans doute l’un des pays les plus scolarisés à l’époque colo-
niale grâce à un réseau dense d’écoles tenues par un clergé très normatif quant aux
pratiques langagières) et de sa situation linguistique actuelle fort complexe. Inci-
demment et tardivement [p. ex. 374], l’auteur rappelle bien que «les Camerounais ne
forment nullement une communauté monolingue. Hormis le français et l’anglais, plus
de deux cents langues sont parlées au Cameroun», mais l’ouvrage pâtit de cette
absence d’une analyse sociolinguistique précise sur la situation des langues(1), sur
leurs statuts(2), sur la diversification du français en différentes variétés, sur les phé-
nomènes de pidginisation qui traversent les langues officielles(3), sur la vitalité des
processus d’alternance codique français/langues africaines(4). Faute de définir stricte-

(1) qu’on trouvera par exemple dans l’ouvrage collectif rédigé sous la direction
de Gervais Mendo Ze, Le Français langue africaine. Enjeux et atouts pour la
francophonie, Paris, Publisud, 1999, 383 p. Ici encore, malgré le titre, l’ouvrage
porte uniquement sur le Cameroun.
(2) Le choix d’une langue n’est pas neutre: face aux langues maternelles parées de
«vertus plus ou moins mystiques», le français reste la langue des situations
formelles, des devoirs scolaires et de la correspondance officielle alors que la
langue maternelle est celle des situations informelles et intimes, celle qu’on
emploie quand on ne se contrôle plus» (p. 375).
(3) À côté du pidgin-english camerounais né au XVIIIe siècle du contact de
l’anglais et des langues bantoues de la côte, et qui fonctionne comme langue
véhiculaire, voire vernaculaire dans les provinces occidentales du pays, il existe
une seconde langue composite dénommée camfranglais créée dans les années
1980 par les jeunes s’estimant tributaires d’une triple culture, francophone,
anglophone et camerounaise.
(4) L’auteur reconnaît implicitement l’existence de ces alternances codiques lors-
qu’il relève que dans son corpus primaire «il arrivait qu’on introduisît des mots,
des groupes de mots ou des phrases entières de la langue maternelle dans le
français» (p. 16) mais il refuse d’en tirer partie alors que pour nous le mélange
de codes est l’un des indices les plus immédiatement perceptibles de l’africani-
sation du français parlé. Cf. sur ce point Ambroise Queffélec (éd.), Alternances
codiques et français parlé en Afrique (Afrique noire et Maghreb), Aix-en-
Provence, Publications de l’Université de Provence, 1998, 381 pages.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 293

ment l’objet sur lequel il travaille, Zang Zang est amené à construire des artefacts
comme français camerounais, français bamiléké, français «beti» ou français «nordiste»
sans jamais s’interroger sur la pertinence de ces catégorisations. Il définit certes un
corpus d’étude centré sur la période 1984-1991 (transcription de l’émission radio-
phonique hebdomadaire «Avis de recherche SOS solidarité» réunissant des Came-
rounais de toutes conditions) mais pour «ne pas se limiter à l’étude de ce français
commun en usage au Cameroun» qui aurait pourtant constitué un précieux garde-
fou, il estime «judicieux d’ouvrir [son] corpus à tout matériau susceptible de confir-
mer ou d’infirmer [ses] hypothèses», c’est-à-dire à «des conversations, des discus-
sions, des entretiens, des copies d’élèves, des journaux, des lettres, des programmes
radiophoniques ou télévisés et bien d’autres situations formelles ou informelles où la
langue française joue le rôle d’instrument de communication» [17]. On regrettera
que le chercheur ait choisi cette option d’ouverture au tout-venant, car l’hétérogé-
néité qui en résulte enlève beaucoup de crédibilité aux analyses ultérieures qui repo-
sent sur des matériaux très disparates, mêlant sources écrites et orales, productions
soignées et spontanées, énoncés provenant de locuteurs cultivés et de locuteurs
moyennement, peu ou non scolarisés. Inscrivant sa description dans le cadre de la
linguistique fonctionnelle, il se propose d’étudier trois domaines, phonétique/phono-
logie, lexique et syntaxe, qui correspondent aux trois grands chapitres structurant le
livre.
Le premier chapitre consacré aux «tendances phonétiques du français du Came-
roun» [20-172] délimite trois variétés de français sur des bases linguistico-géogra-
phiques indéfendables scientifiquement, puisque ces variétés de français sont censées
regrouper des locuteurs en fonction de leurs seules langues maternelles (alors qu’à
l’intérieur de chacun des trois groupes celles-ci sont multiples et souvent éloignées
typologiquement) sans tenir compte du niveau d’apprentissage, de compétence ou
d’usage du français(5). Selon une perspective différentielle, l’auteur croit déceler dans
chacune des trois variétés intitulées français bamiléké, français «beti» et français
«nordiste»(6) des tendances phonétiques qui la différencieraient du français «standard»
(assimilé abusivement au français «de métropole»). La comparaison des systèmes pho-
nologiques du français et des langues africaines postulées comme idiomes de réfé-
rence pour chacune des trois variétés lui permet de mettre à jour des traits phoné-
tiques et phonologiques qui caractériseraient «l’accent» des locuteurs: ainsi le parler
français du locuteur bamiléké se singulariserait pas des confusions phonologiques

(5) Zang Zang a conscience de cette faiblesse lorsqu’il observe à la fin de son
étude du français bamiléké (p. 65) qu’«une étude comme celle que nous venons
de mener gagnerait à être complétée par des données chiffrées. Des enquêtes
sociolinguistiques seraient d’un apport considérable dans la mesure où elles
permettraient de déterminer les différentes tranches d’âge, les catégories socio-
professionnelles et le niveau d’instruction. On pourrait aussi examiner si la
mobilité sociale n’a pas d’incidence sur le fonctionnement du système phono-
logique du francophone bamiléké. Un locuteur natif du bamiléké né dans la
zone 9 et qui y a passé toute sa vie parle-t-il de la même manière que celui qui
a vécu ailleurs?».
(6) L’emploi des guillemets pour identifier les deux dernières variétés semble
traduire l’incertitude de l’auteur quant à leur pertinence linguistique.

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294 COMPTES RENDUS

entre [r] et [l], l’amuïssement du [r] implosif, la diphtongaison des voyelles, la véla-
risation du [r], la palatalisation du [n], l’élimination des voyelles nasales, le renfor-
cement des articulations post-vocaliques et des consonnes implosives, etc. On peut
s’interroger sur la validité de tels développements quand on sait que l’auteur ne s’ap-
puie sur aucune analyse scientifique en laboratoire de la prononciation effective des
locuteurs, se contente de se fier à son intuition ou aux fautes graphiques (!!!) com-
mises par les locuteurs et n’utilise pour sa description phonétique que des travaux
anciens ou de seconde main. Par ailleurs, ses conclusions paraissent trop abruptes et
simplificatrices: «Les Camerounais ne font pas usage de deux systèmes phonolo-
giques différents, l’un pour parler français, l’autre pour parler la langue maternelle.
Il s’agit en effet d’un seul et même système phonologique qui sert des buts diffé-
rents. C’est celui de la langue maternelle, enrichi par des apports extérieurs qui se
résument en gros par de nouvelles possibilités de combinaison des sons dans la
chaîne parlée, des oppositions phonologiques nouvelles et des phonèmes étrangers au
système de la langue maternelle» [156]. Si l’on peut accepter l’idée que la pronon-
ciation française des locuteurs bamiléké subit l’influence de leur langue maternelle
(mais sans doute aussi des autres langues que la plupart d’entre eux parlent, en par-
ticulier le pidgin-english), réduire cet «accent» à un «système hybride» à base de
bamiléké ne nous paraît pas recevable. Le recours comme seul principe explicatif à
l’écart interférentiel (dont on connaît depuis longtemps les limites) semble très
réducteur.
Le second chapitre [173-313] où est abordée la «création lexicale dans le français
du Cameroun» est beaucoup plus convaincant: partant du principe que les franco-
phones camerounais sont des «métis culturels qui vivent dans un perpétuel conflit de
valeurs qui a son reflet sur la langue française» [174], Zang Zang expose l’extraor-
dinaire créativité dont ils font preuve pour adapter le français à leur environnement
socio-culturel. Cette créativité s’exerce par exemple dans les onomatopées et inter-
jections que l’auteur décrit méthodiquement en montrant par exemple que là où le
Français de France utilise vlan ! ou plouf ! pour signifier qu’une porte se ferme ou
qu’un caillou tombe dans l’eau, le Camerounais emploiera kpam ! ou tchoùngoùm !
Cette néologie lexicale très productive prend aussi la forme plus classique de l’em-
prunt ou fait appel aux procédés de la composition, de la dérivation, de l’abrègement
ou du calque décrits finement «de l’intérieur» par un analyste qui est aussi usager.
On appréciera la rigueur des classements des divers néologismes et la richesse des
commentaires qui accompagnent les relevés. Beaucoup de ces remarques qui relèvent
autant de l’anthropologie culturelle que de l’analyse linguistique apportent des infor-
mations très précieuses sur les cultures africaines de substrat présentées comme
essentiellement «empiriques» ou sur la perception qu’ont les Camerounais des
langues et de leurs fonctions sociales ou symboliques. Par exemple, Zang Zang
explique très bien comment la perception différente des relations de parenté dans les
sociétés traditionnelles induit une distribution singulière des termes servant à nom-
mer ces relations, avec comme conséquence la raréfaction de lexèmes comme demi-
frère (ressenti comme une insulte) au profit de frère même mère ou frère même père,
ou la désuétude de cousin (trop distant) auquel les locuteurs préfèrent les composés
équivalents frère, frère de famille, frère du village. La connaissance du terrain et des
cultures locales nourrit l’étude minutieuse des calques dont beaucoup ne se justifient
que par l’inadéquation du français exogène à exprimer le vécu et l’univers spatio-
temporel des autochtones. Beaucoup de néologies sémantiques ne s’expliquent que

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DOMAINE GALLO-ROMAN 295

par une réinterprétation des signifiants français à la lumière de la catégorisation de


l’expérience propre à la société camerounaise qui plie les mots français à sa vision
du monde.
Le troisième chapitre [314-395] constitue le pendant syntaxique de la recherche.
Intitulé «fonctionnement des catégories lexicales» (grammaticales eût été plus adé-
quat), il s’intéresse surtout à la syntaxe des déterminants, du nom et plus superfi-
ciellement à celle du verbe. On notera de bonnes analyses sur la récession du parti-
tif et de l’article indéfini au profit du défini, sur le développement de l’indice là
comme déterminant post-nominal ou sur la réinterprétation des catégories du genre
et du nombre français en fonction de l’analyse qu’en font les langues camerounaises.
Reposant sur des intuitions souvent justes, les explications manquent cependant de
nuance. Dire par exemple (à propos des démonstratifs) que «le français camerounais
tend à devenir un calque des langues locales» ou que «les locuteurs confondent ces
affixes [des langues bantoues] avec les articles de la langue française» [334] est évi-
demment exagéré. Surtout, on a le sentiment que Zang Zang se contente d’expliquer
tous les écarts qu’il relève par l’interférence directe des langues camerounaises sur
le français et par «l’isomorphisme entre la langue française et les cultures locales»
[363]. Or, bon nombre de particularités syntaxiques présentées comme spécifiques du
français camerounais se retrouvent dans les autres français en usage en Afrique.
Elles ne sauraient donc s’expliquer par la seule interférence des langues camerou-
naises (par ailleurs très diverses). Leur origine serait à chercher soit dans l’économie
même de la langue cible, le français (dont les locuteurs allogènes exploiteraient cer-
taines ressources potentielles peu développées par les natifs, ce qui expliquerait cer-
taines ressemblances structurelles observées dans les divers français «exotiques»), soit
dans une manière spécifiquement africaine de concevoir le monde, ce que Gabriel
Manessy appelait une sémantaxe, modalité panafricaine de perception de l’univers
qui engendrerait des manières communes ou voisines de proférer les français locaux.
On aurait aimé trouver dans la conclusion, essentiellement récapitulative [396-
407], une comparaison entre la description du français camerounais et celles que
divers chercheurs ont proposées pour d’autres variétés africaines. Or, si l’auteur cite
certains de ces ouvrages (quelquefois avec des erreurs) dans la bibliographie [429-
446], il ne les exploite pas dans sa conclusion (pas plus d’ailleurs que dans le cours
de son ouvrage). Cette absence de mise en perspective est d’autant plus regrettable
que le titre laissait envisager une vision panoramique du français en Afrique.
Pour terminer, si on se doit d’accepter dans un ouvrage qui se pose en défenseur
de la norme endogène l’emploi de camerounismes non signalés comme tels (p. ex.
misérer, p. 210, bien situé «qui dispose d’une situation sociale importante», p. 214 ou
poser un acte, p. 357), on regrettera les trop nombreuses coquilles qui émaillent le
texte (y compris dans le titre de l’ouvrage: tendances évalutives au lieu de évolu-
tives !), le flottement dans l’usage de la ponctuation, les fautes de typographie (dis-
tribution aléatoire des guillemets, des soulignements, des italiques, des gras, etc.), les
fantaisies dans l’emploi des majuscules ou des subdivisions (p. ex. p. 25, I.1.1 devient
I.11), etc. Toutes ces maladresses nuisent à un ouvrage qui, malgré ses imperfections
et ses limites, donne des informations intéressantes sur l’évolution du français au
Cameroun.
Ambroise QUEFFÉLEC

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296 COMPTES RENDUS

PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES

École Nationale des Chartes, Conseils pour l’édition des textes médiévaux,
fascicule I, conseils généraux; fascicule II, actes et documents d’archives, Paris,
Comité des travaux historiques et scientifiques, 2001, 175 et 265 pages.
Diffusion en France: C.T.H.S., 1, rue Descartes, 75231 Paris Cedex 05; à
l’étranger: Librairie Droz, 11, rue Massot, CH-1211 Genève 12 (Suisse).
Nous avons là deux documents très attendus, fruits de nombreuses années de
réflexion collective. Coordonnés par F. Vielliard et O. Guyotjeannin, ils condensent
l’enseignement de l’École des Chartes et devront désormais être sur la table de tous
les éditeurs de textes. Ils répondent clairement à la plupart des questions qui se
posent et illustrent leur propos par de larges choix d’exemples très bien choisis et
qui pourront largement être utilisés. Il suffira de citer les titres des chapitres. Fasci-
cule I: Graphies, Abréviations, Séparation des mots, Signes diacritiques, Majuscules,
Ponctuation, Citations, Présentation du texte édité, Citations des livres de la Bible;
Fascicule II: La tradition des sources documentaires (original vs copie, variantes vs
fautes de copiste), L’évolution des pratiques éditoriales, Les travaux préparatoires,
La mise au point du texte, La présentation de l’édition, Le cas particulier des docu-
ments d’archives, Index et tables. On attend maintenant le fascicule III, qui sera
consacré aux textes littéraires.
Gilles ROQUES

The earliest branches of the Roman de Renart, éditées par R. Anthony


LODGE et Kenneth VARTY, Louvain / Paris / Sterling, Peeters (Syn-
thema, 1), 2001, CXVIII + 193 pages.
Deux éminents renardiens nous offrent ici, une attrayante introduction au texte
du Roman de Renart. Elle est destinée aux étudiants avancés et une «pilot-version»,
déjà citée dans l’excellente bibliographie (The Roman de Renart. A Guide to
Scholarly Work, 1998) de K. Varty, en a déjà été testée depuis une douzaine
d’années. Ils ont choisi de se concentrer sur la partie que L. Foulet tenait pour la
plus ancienne et avait attribuée à Pierre de Saint-Cloud, à savoir les branches II et
Va de l’édition Martin.
Des Preliminaries [XI-XVIII] présentent l’œuvre en général. The manuscripts
[XIX- XXIII] énumère les manuscrits et présente les trois familles en qui ils se
répartissent. On trouvera ensuite une excellente synthèse littéraire consacrée aux
branches éditées [XXIV-XXX], suivie [XXXI-LXI] d’un large choix de textes (Marie
de France, Gervaise, Deschamps, Pathelin) ou de traductions (Ésope, Ysengrimus,
Guillaume de Normandie) des passages sources ou parallèles. Voilà qui sera com-
mode pour les étudiants! De même la Bibliography [LXXXIII-C], qui enregistre et
présente 83 titres d’éditions (il y manque le dernier tome de l’édition Roques, publié
en 1999 dans les CFMA par Lecoy), de traductions et d’études sur le Roman; une
riche section d’illustrations [CI-CXVII] complète l’aspect pédagogique de l’ouvrage.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 297

Les éditeurs ont choisi de donner le texte de la version Gamma, en transcrivant


le ms. M, alors que Fukumoto / Harano / Suzuki, les éditeurs de cette version (v. ici
RLiR 49, 519) avaient suivi C; les deux mss sont très proches. Ils ont d’ailleurs
accompagné leur texte des variantes de C et du fragment n. On sait aussi que la
version Gamma est la plus tardive, et s’il est vrai qu’elle présente une grande
dispersion des épisodes attribués à Pierre de Saint-Cloud, elle aurait conservé la
place initiale à son prologue, au moins dans les mss C et n puisque M a perdu son
premier feuillet.
C’est aussi sur le texte de M qu’est menée l’importante introduction linguistique.
Elle se développe en deux volets: une étude [LXIII-LXIX] fondée sur l’Atlas de
Dees 1980 (et non 1987, comme indiqué p. LXIII n. 49) [LXIII-LXIX], qui situe la
transcription du ms. peut-être en Orléanais, plus sagement dans un rayon de 80 km
autour de Paris, ce qui n’est guère en accord avec la localisation proposée par Dees
lui-même dans son Atlas de 1987 p. 532, qui indique Nièvre, Allier; une étude
[LXIX-LXXVII], plus originale, sur certaines habitudes rythmiques et syntaxiques,
qui aboutit à quelques conclusions prudentes sur la particularité de Chantecler et le
lien supposé entre Hersent et Plaintes/Serment. Enfin, le langage du chameau Musart,
le légat du pape, dans lequel Foulet a voulu reconnaître Pierre de Pavie, est le sujet
d’une étude fine [LXXVII-LXXXII]. Un regret enfin: s’ils avaient disposé de la
toute récente concordance de Harano / Shigemi (v. ici RLiR 65, 283), les auteurs
auraient sans doute aussi mené leur enquête du côté du lexique.
On aimerait maintenant aller plus loin et disposer par exemple de l’édition
synoptique de la plupart des mss à la façon du remarquable NRCF de W. Noomen,
avec une tentative de texte critique, ce qui était l’ambition de Rychner. Il n’en reste
pas moins que le texte de la famille Gamma est ici bien établi, accompagné de notes
concises à l’intention du public visé. Le glossaire presque complet, confectionné avec
un grand soin, permettra de lire avec profit ce qui constitue une belle introduction
à une œuvre qui offre encore à découvrir(1).
Gilles ROQUES

La Mort Aymeri de Narbonne, Edizione critica con note e glossario a


cura di Paolo RINOLDI, Milan, Edizioni Unicopli (Istituto di Filologia
Moderna, Università degli Studi di Parma, Parole allo specchio 2), 2000,
546 pages.
Il aura fallu attendre plus d’un siècle pour remplacer la seule édition de la Mort
Aymeri existante, celle de J. Couraye du Parc publiée en 1884. Le père de Guillaume,
au bord de la mort, retrouve assez de vigueur pour mener ses derniers combats, en

(1) Pour aider à améliorer un texte promis à de nombreuses rééditions, voici


quelques menues corrections: 93 fermer les guillemets après eüe; - 1368 lire lens
et 1654 lÿons; - 163 note soi esperir au sens de «se réveiller» ne pose pas de
problème; - 2682 note lire Vacularz: this dog’s name.

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298 COMPTES RENDUS

particulier contre les Sagittaires, une race d’archers, moitié hommes, moitiés chevaux,
et pour reprendre Narbonne grâce à une ruse où il fait se déguiser en femmes ses
chevaliers. L’édition fournit une analyse détaillée du récit [11-19]. Elle situe la chan-
son à l’intérieur du cycle de Guillaume et par rapport à d’autres épopées [3-9], sans
oublier de faire un sort à l’épisode du juif Saolin, qui annonce à Aymeri sa mort,
épisode qui a souvent été commenté. La chanson daterait, autant qu’en la matière
on puisse avancer quelque chose, des premières décennies du 13e siècle [11].
Le plus ancien ms. de la chanson, H (Londres, BL, Harley 1321), daterait du tout
début de la seconde moitié du 13e s., et son suivant, G (Londres, BL, Old Royal
20.B.XIX) des années 1260-1270. Ils forment, avec quelques fragments, une famille,
qui s’oppose à celle des deux célèbres mss jumeaux, B1 (Londres, BL, Old Royal
20.D.XI) et B2 (Paris, BnF, fr. 24369-370), qui datent des années 1330-1340. Les mss
sont minutieusement décrits [21-52], leurs caractéristiques dégagées [53-58] et il y a
un tableau des corrections et accidents graphiques [59-70], qui ne sont pas signalés
ailleurs dans l’édition, ce qui est un peu mal commode. La versification est l’objet
d’une longue et attentive étude [71-95], due au fait que la famille B est pour l’es-
sentiel assonancée, alors que la famille des mss HG montre un penchant, d’ailleurs
divergent, pour la rime. L’étude linguistique dresse un catalogue des traits notables
dans chaque ms. [97-142]. Le chapitre consacré à la classification des mss [143-177]
a été l’objet de soins attentifs et débouche sur des critères éditoriaux exposés avec
clarté [183-202]. Le problème est complexe car aucun ms. ne se dégage nettement.
Le choix de B1 est un pis-aller, qui ne doit pas masquer que ce ms. rajeunit le texte,
se caractérise par un très fort souci de purisme linguistique et a une tendance très
marquée à l’abrègement. Le ms. H, qui seul pourrait entrer en ligne de compte,
n’est pas véritablement utilisable pour un tiers du texte. Certes l’éditeur aurait pu
opter pour une version synoptique mettant face à face les deux mss. B1 et H, mais
le ms. G aurait largement fait les frais de cette présentation, tronquant ainsi la docu-
mentation. Tout compte fait, sa décision donne dans l’apparat le texte de G ou de
H, selon que c’est l’un ou l’autre qui s’écarte le plus de la version B; pour le reste
le large choix de variantes devrait répondre aux questions des lecteurs. En tous cas,
la démonstration est faite [179-181] que l’édition de Couraye du Parc n’est plus uti-
lisable. La nouvelle l’est véritablement mais il ne faut pas cacher qu’elle réclame du
lecteur une utilisation activement critique. En particulier, le lexicographe ne peut
plus se limiter à extraire les mots du texte de B1 et à leur donner la date de début
13e siècle; il lui faut vérifier que le mot se trouve aussi dans G et H, et, sinon, s’es-
sayer à une critique textuelle du passage en s’aidant des notes très abondantes et
souvent pertinentes [411-481] et d’un glossaire très sérieux [483-527].
Quelques remarques au fil de la lecture: H 176 doit se lire: Don quide bien que
i[l] soit devïé, ce qui s’accorde mieux avec le remaniement de G: Donc quide bien
que veuille devïer; - H 296 n., on préfèrera lire voses p.p.f. de voldre, au lieu de vosés;
- H 322, Ne sai qu’espiaut (cf. espeldre au glossaire) est une leçon qui me paraît bien
supérieure aux Ne sai qu’estoit de B ou Sachiez de voir de G; - HK 604, Grant .IIII.
liues, avec cette construction rare de grant, non relevée au glossaire et sur laquelle v.
DEAF G 1220,42, qui pourrait bien remonter à l’original; - G 617.1, onques ne fu
paien si mal feras, on verra dans malferas adj. «qui fait du mal» (corr. la note et le
gloss. s.v. feral) la première attestation d’un adj. relevé pour la première fois par
Sandqvist ds ProprChosLapS (mauferas), et qui se lit aussi dans RenContrR 32379

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 299

(maulferas, ici substantivé), qui pourrait renouveler l’histoire de notre malfrat; on en


trouve aussi quelques rares attestations dans l’onomastique littéraire: Mauferas est
le nom anglais que se donne Eustache ds EustMoineF 2198 (2e q. du 13e s.); c’est le
nom d’un roi sarrasin ds SimPouilleCB (ms. de la 1re m. du 15e s.)- H 731.1 n. lire
plutôt quiriens (TL cuirien) que quirieus qui donne au gloss. un étrange quiral; et
comparer les trois versions du texte:
B 731 Sus les estriers s’est afichiez devant
H 731 I s’aficha sor le destrier devant
731.1 Li lorains plie et li quiriens estant
G 731 Com il s’afiche sor les estrier avant
731.1 Li fers en plie et li cuirs en estent

mis en parallèle avec ces trois vers de GormB 408-410:


Si s’aficha sus ses estrius,
Le fer en plie sus ses piez,
Trei deie esloigna le quirrié.

Dans ces passages le mot rare est cuirien, que GormB propose de lire sous la
graphie quirrié. Il n’est connu, avec ce sens d’«étrivière», que dans un autre texte,
RenMontT 13666-68:
Et li enfes i monte, estrieu n’i vout baillier,
Par desor les arçons se prent a afichier,
Que demi pié a fet le cuiren aloingnier.

Il en ressort que B a visiblement abrégé le texte, en l’amputant du vers corres-


pondant au vers 731.1 de G et H. On peut penser que li cuirs en estent de G est
l’avatar d’un original ayant li cuiriens estent. Ce serait donc le mot cuirien qui aurait
gêné aussi le modèle de B. Le texte de Gormont incline à supposer que Li fers en
plie pourrait être la leçon originelle du premier hémistiche du vers 731.1. Au total,
dans ce cas c’est G qui pourrait avoir conservé le mieux le texte originel, en main-
tenant l’opposition entre le fer de l’étrier et le cuir de l’étrivière, opposition que le
lorain de H rompt malencontreusement.
Au glossaire on évitera de tenir compte de aperdre (lire a perdre) ou de laier. Il
n’y a pas d’avantage non plus à inventer des graphies d’infinitif comme amainer ou
amoin(n)er. Brohon, le sens d’«orso» ne tient pas compte de la note de WaceRouH
(= Holden 1970-73, III, p. 219), pourtant citée en note à 344-53; - gobiller, il faudrait
indiquer si la graphie gopillant, passée ds TL et DEAF, est bien celle de H ce que
ne permet pas de savoir l’apparat; - malviz «malvagità» du seul ms. H est un mot
très rare, qu’on ne lit que ds Aiol cf. TL 11, 406, 42, et il vaut mieux l’éditer mal
viz pour le distinguer de son synonyme maleviz, bien rare aussi cf. TL 5, 988, 48 et
FEW 6, 1, 86a; - parfongniee, dans: O chief do mont ont fet une tranchiee, / .XIIII.
toises la terre a parfongniee: / .III. eves corent par la cité proissiee, / qui des montaignes
vienent par la tranchiee, donne lieu à une note bien confuse. Il est préférable de lire
aparfongniee «rendue profonde, creusée», d’aparfongier «rendre profond», sur lequel
voir Gdf 1, 321b, TL 1, 427 et FEW 9, 433a et compléter par CommPsIAG; je
joindrais à cette famille le (la) perfugneit (de perdicion) f. «profondeur» (fin 12e s.,
ds R 112, 137) que je proposerais de lire (l’)aperfugneit m. [p.pass. substantivé

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300 COMPTES RENDUS

d’aparfongier] «ce qui est profond, gouffre». Pour la construction, on peut admettre
que ont du vers précédent sert d’auxiliaire à aparfongniee («ils ont creusé la terre à
une profondeur de 14 toises»); - sentir, ~ de moi «assaggiare i miei colpi», se lira plu-
tôt soi ~ de moi «avoir de moi un souvenir cuisant» et noter que TL n’a d’exemples
que de soi ~ d’auc. chose; - tortour, préférer un sens plus concret que «grandi sof-
ferenze» cf. TL 10, 460.
Nous avons là une bonne édition de travail, dont il faut remercier l’auteur.

Gilles ROQUES

Duo Glossaria. Anonymi montepessulanensis Dictionarius: Le Glossaire


latin-français du ms. Montpellier H236, édité par Anne GRONDEUX et
Glossarium gallico-latinum: Le Glossaire français-latin du ms. Paris lat.
7684, édité par Brian MERRILEES et Jacques MONFRIN, Turnholt,
Brepols (Corpus Christianorum, Continuatio Medievalis, Series in 4°,
Lexica Latina Medii Aevi, 2), 1998, 271 pages.
Après la très remarquable édition du Dictionarius de Firmin Le Ver (v. ici
RLiR 58, 585), l’équipe dirigée par J. Monfrin et B. Merrilees publie un deuxième
volume dans la même collection majestueuse. On y trouve deux dictionnaires, l’un et
l’autre d’un très grand intérêt. Il s’agit, bien avant le fameux Estienne 1539, des
toutes premières tentatives de lexicographie français-latin.
Le Glossaire latin-français est d’abord un lexique alphabétique latin qui dérive,
en l’abrégeant, de la Summa Britonis et y intègre une bonne partie de la glose du
Graecismus d’Evrard de Béthune. Il est composé de deux parties, l’une générale,
l’autre réservée aux verbes, qui comptent 4825 entrées dont environ le quart sont
traduites. Mais surtout un second auteur a introduit dans les marges du lexique un
index en langue vernaculaire, qui reprend les traductions des entrées et traduit à son
tour la plupart des entrées non glosées.
Le ms. est soigneusement décrit [9-13]; il date du 14e s. et semble même anté-
rieur à 1335-1340. Une courte étude linguistique [13-15], essentiellement consacrée
aux graphies, conclut à «un ancrage dans le nord de la Picardie»; elle est vraiment
rudimentaire et non exempte d’erreurs. On regrettera que l’éditrice n’ait pas poussé
son enquête en Flandre, à l’aide de MantouFlandr. Ainsi pour magre (= maigre) v.
MantouFlandr 104; - pour cieunquante v. MantouFlandr 50; - pour sarkeleres (= sark-
leres); - tout particulièrement les graphies de l mouillé [12] dans aillg (= ail), brillg
(= bril), taillge (= taille) correspondent à des faits relevés par MantouFlandr 261. Et
l’on verra que le vocabulaire va dans le même sens.
La méthode lexicographique de l’auteur du glossaire est l’objet d’une description
très attentive [15-26], de même que celle de l’auteur du glossaire inverse [23-30].
Les deux glossaires sont ensuite parfaitement édités. Le lexicographe du français
accédera au vocabulaire, très riche et qui n’a jamais été mis à contribution par aucun
prédécesseur, grâce au lexique inverse [118-140], dont l’utilisation est facilitée par le
commentaire de l’éditrice [27-29]. Il sera aussi possible d’en confectionner aisément

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 301

une version mieux ordonnée alphabétiquement. Quelques menues remarques: 120b


19, lire cuites et delivres; - 122c 6 lire fie; - 125b 21 lire muistiaus d’après TL muis-
tel; - 127b 8 lire trait; - 129c 21 lire tremuie. À le parcourir rapidement, on trouve
une très forte densité de termes régionaux. Citons par exemple: 118a, antroigne (cf. TL 3,
688), antenoise «brebis de deux ans» (cf. FEW 24, 613b et MöhrenLand 107 n. 3),
auiers (cf. FEW 25, 770a), areles (cf. FEW 24, 83b), adevineres (cf. TL 1, 144); - 118c,
hauton (cf. DEAF H294), huerans (cf. DEAF H671), hastanche (cf. DEAF H270,
1 ex.), hauel (cf. DEAF H525); - 119a berill (cf. TL 1, 1172 bruil et Gdf 1, 727a
breil); - 119b, balochoire (cf. Gdf 1, 565a, 1 ex.); - 119c boutine (cf. TL 1, 1023),
cakuaus de montagne (cf. Gdf 1, 766c), cresting (cf. FEW 16, 370b, Flandre et Hai-
naut); - 123b, garlovende (cf. DEAF G282, Flandre).
Une attestation de baulesque «alga» 119a 1 vient compliquer le maigre dossier
du mot; on connaissait depuis Gdf 1, 604b une attestation artésienne, renforcement
affectif de la négation (Sen cors ne pris une baulleske), à laquelle le lexicographe,
sans doute par un rapprochement de sonorité entre beloce (plusieurs fois utilisé dans
cet emploi cf. MöhrenVal 58-59) et baulleske, donnait le sens de «beloce, prune sau-
vage». Guy et Jeanroy se bornaient à faire suivre le mot dans leur glossaire d’un
point d’interrogation. G. Paris, dans son compte rendu de ChansArtJ paru ds R 27,
505, avait proposé, sous forme interrogative: «Ce mot n’est-il pas une forme plus
ancienne de basloise «(maille) de Bâle». Sa proposition, qui n’a pas été reprise
expressément par TL 1, 890, 35 (s.v. baulesche), qui se borne à un laconique «als
Minimalwert», avait cependant été discrètement entérinée ds le même dictionnaire,
s.v. baslois «petite monnaie de Bâle» (TL 1, 859-860), sous la forme d’un renvoi final
à baulesche. Elle est passée dans FEW 15, 1, 34a puis dans MöhrenVal 57, où le mot
est défini par «maille (ou obole) frappée par les princes-évêques de Bâle». R. Berger,
de son côté ds ChansArtB 14, 63n., glose le même mot par «déchet de laine», en
s’appuyant sur deux ex. de ba(u)lesques «déchets de laine» (Tournai, 1405-1407,
ds Revue du Nord 32, 230). Certes, le sémantisme de ce dernier ne s’opposerait
pas à un emploi du mot comme renforcement affectif de la négation (cf. escroe
«retaille d’étoffe», bife «sorte d’étoffe en laine», fil de laine, flocel de laine cités
dans MöhrenVal), mais notre baulesque «algue» conviendrait aussi bien (cf. feuchiere
«fougère», rosel, jonc cités dans MöhrenVal).
Visiblement il s’agit d’un texte très homogène, qui peut être assez précisément
localisé. La Flandre, ou ses environs, paraît offrir les meilleures pistes et l’aire d’un
mot comme ferioel «lebes», qu’on retrouvera aussi dans LeVerM 268a 54 ferieul, telle
qu’on peut la dessiner à l’aide de Gdf 3, 7656bc (Béthune, Lille, Douai, Valen-
ciennes; le mot est aussi à la base d’un jeu de mots avec saint Ferréol chez Moli-
netPronK NC131) me paraît délimiter la zone d’où provient le texte. On voit donc
qu’il y a à mener tout un travail lexicographique, qui trouvera un écho dans bien des
notes publiées dans cette revue. Sauf erreur, je n’ai pas trouvé dans le DEAF: 123a,
gingue «artochopus», 123b, gueron «bircus», 123c, glarge d’oisel «vesicula», ni le com-
posé deglachaules «glissant» 121b sous glace G787-88, ni les graphies grosollier 77b
et grosellier 123c de groiselier ou huger «menuisier» 126c ds DEAF H678.
Le Glossarium gallico-latinum du BNF lat. 7684 est, lui, bien connu des lexico-
graphes, grâce au supplément au Du Cange de Dom Carpentier et surtout à Gdf, qui
l’a abondamment utilisé. À la différence du Glossaire de Montpellier, il prend place
dans la série des dérivés du Catholicon, illustrée par les fameux Aalma, mais surtout

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302 COMPTES RENDUS

il est étroitement apparenté au Dictionarius de Le Ver (1440) et au Vocabularius de


Guillaume Le Talleur (vers 1490). Il paraît même être le plus ancien témoin de cette
famille, puisqu’il semble avoir été compilé dans le deuxième quart du 15e siècle.
Ayant pratiqué par rapport à sa source, qui demeure inconnue, le même renverse-
ment qu’Estienne 1539 par rapport à Estienne 1538, il pourrait mériter le titre de
premier dictionnaire latin-français, malgré un ordre alphabétique qui ne suit les
lemmes français que pour leur première lettre, le classement à l’intérieur de chaque
lettre s’opérant d’après le mot latin traduit.
On trouvera [144-147] une description minutieuse du ms., daté de la fin du pre-
mier tiers du 15e siècle. Elle est suivie d’une analyse lexicographique portant sur une
vingtaine de mots dont «l’appartenance géographique est assez nette pour donner un
résultat intéressant» [147-149]. On reconnaît la patte de Monfrin dans cette étude
volontairement rapide mais méthodique et souhaitons que ses élèves aient à cœur de
poursuivre un type d’enquête souvent révélateur. La conclusion que «celui qui a
rédigé le GGL était originaire de l’ouest ou plus probablement du centre de la
France» converge opportunément avec le fait que le ms. était la possession vers le
milieu du 15e s. de la Chartreuse nivernaise de Bellary (canton de Donzy). À vrai
dire, je crois davantage à l’ouest qu’au centre, même s’il est possible qu’il y ait plu-
sieurs strates dans le lexique français du glossaire. Un mot ne me paraît pas à sa
place ici, c’est foulle [148 n° 9]; je ne crois pas que la virgule entre barbe et foulle
soit justifiée et j’y vois barbe folle (cf. fol poil dep. CoincyII34K 140; ds Collet-
Coinci), comme dans la glose poil folaige ou de première barbe du Glossaire de Lille
(TL 3, 2003, 26). Parmi les mots de cette vaste aire qui couvre l’ouest et le centre
on peut ajouter, entre autres: buée «cruche» 252a 23 cf. bu(i)e ds FEW 15, 2, 7; -
greille «gril» 225b 12 cf. RoquesRég 249-250; - paisseteau «passereau» 247b 43 cf.
FEW 7, 729a; - toit «étable» cf. MatRégFr 14, 68.
On signalera quelques autres mots, d’aire plus réduite, qui méritent de retenir
l’attention: corbineaux «jeunes corbeaux» 198a 51, dérivé de corbin («mot de la
Normandie, de la Bretagne et du quart sud-ouest du domaine d’oïl») cf. RoquesRég
103-05 et ChambonEtudes 263-64, le mot est attesté au 14e s. ds SEvroulS mais
ensuite il n’est pas ds Alain Chartier mais seulement ds l’édition de Duchesne
correspondant à corbeaux de ChartLEspR XV, 80, puis ds Palsgrave; - chatepelouse
«chenille» 198b 45 et 199a 36 se lit pour la première fois ds JVignayOisG; dans les
patois, c’est un mot de toute la Normandie qu’on trouve aussi en Bretagne et ds le
Maine (cf. FEW 2, 518); - chalon «petit bateau» 192a 59 est une forme de chaland,
attestée avec ce sens au Moyen Âge en Maine-et-Loire (1454-1467, ds Gdf 2, 44a)
en Anjou (Le Loyer ds Hu 2, 176b) et qu’on retrouve dans des patois normands et
mayennais. Plus précis encore, ainte (mais on lit aincre en 191b 6) «encre» 185a 39
ne se retrouve que dans les QJoyesR Prol. 142, pour lequel Thom (ACILFR 14, 5,
70) proposait le sud-ouest de l’Ille-et-Vilaine pour l’auteur et la Loire-Atlantique
pour le ms.; - fichet de cote a bouter les mains correspond précisément au seul Dol
fichet «poche à un vêtement de femme» (FEW 3, 507b).
Viennent ensuite des développements consacrés à l’ordre des lemmes [150-52] et
à la structure des articles [152-59]. Quel était le dictionnaire-source du GGL? À
partir du renversement du GGL, on s’aperçoit qu’il devait ressembler, en plus bref,
au Dictionarius de Le Ver et au Vocabularius de Guillaume Le Talleur. Ceci amène
à le comparer à ces deux ouvrages [161-62], étude qui sera développée dans l’édition

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 303

en préparation du Vocabularius. C’est de ce dernier que le GGL semble le plus


proche [162-169]. Il en va de même pour le vocabulaire français: les trois ouvrages
partagent 70 à 75 % des leçons, ce qui impose de considérer qu’ils ont une source
commune, mais au total le GGL est aussi plus proche du Vocabularius. Une inté-
ressante étude est consacrée aux néologismes: listes des 81 néologismes communs
aux trois dictionnaires [175-76], des 22 communs au GGL et au Dictionarius de Le
Ver [176-77] et des 22 communs au GGL et au Vocabularius [177-78]. L’étude
dégage le fait que le GGL contient une notable proportion (42,4 %) de néologismes
qui lui sont propres, dont la liste est donnée [178-79]; sur les 92 relevés, j’ai compté
que Gdf en donnait 43, ce qui est tout à son honneur. On pourra supprimer ame-
resse cf. Gdf 1, 260c, fluctuant cf. TLF 8, 1003a, vivreté cf. Gdf 8, 273c et TL 11, 587.
Quelques minuties: 177 § c lire Les néologismes communs au GGL et au VFC; 179
lire indeffaisableté et secoument.
Le texte est très soigneusement édité. Quelques menues remarques: 190a 25 fovir
lire fouir; - 220a 51 lire Eschaugeteur; - 231b lire Landier; - 241a 36 une virgule entre
nouveau et garet n’est pas exclue d’après no(u)veau «terre nouvellement défrichée»
(1198, Gdf 5, 537b; 1561, Goub ds FEW 7, 202b); - 241a 38, inversement, celle
placée entre nouvellet et cion n’est peut-être pas indispensable; - 242b 18 orfraye,
Gdf 5, 632a lit orfrayt; - 264a 9 on attendrait Tieulle.
Au total un très beau travail qui mérite de nombreux prolongements.

Gilles ROQUES

Boëce de Confort, A Critical Edition of a Late Fourteenth Century French


Verse Translation of Boethius’ De consolatione Philosophiae, by Marcel
M. NOEST, dans Carmina Philosophiae (Journal of the International
Boethius Society), vol. 8 et 9, 1999-2000, XVIII + 331 pages.
La publication des traductions en ancien français de Boèce se poursuit; nous dis-
posons aussi d’un élégant volume d’ensemble qui dresse le dernier état de la ques-
tion (v. ici RLiR 64, 603). Après le Del Confortement de Philosofie, publié dans le
même Journal (v. ici RLiR 62, 554), nous avons maintenant la version X (du cata-
logue établi dans Atkinson/BabbiBoèceOrphée), qui correspond à ConsBoèceBen du
DEAF (sigle où Ben signifie Bénédictin; ce qui n’est pas assuré car l’auteur pour-
rait être aussi bien un dominicain).
L’introduction récapitule les 13 versions de DwyerCons [V-VII]; analyse [VII-
VIII] les vers 41-62, qui font la critique du traducteur dont il s’inspire, qu’il dit avoir
traduit en prose, alors que les érudits ont reconnu en lui Renaut de Louhans, auteur
d’une traduction en vers; évoque Maistre Jehan de Cis [VIII], auteur d’une traduc-
tion de Boèce que nous ne connaissons pas. L’œuvre fut jadis attribuée, à tort, à
Charles d’Orléans. Si l’on accorde crédit à l’épilogue, très plausible, contenu dans un
seul ms., on peut déduire [IX-XI] qu’elle a été composée par un picart, qui fut long-
temps prieur non loin de la Savoie, et dédiée au roi Charles VI peu après 1380.
L’œuvre a été transmise par une trentaine de mss, dont la liste est donnée ainsi que
le stemma auquel a abouti l’éditeur [X-XV]. Le ms. choisi est le BNF n.a.fr. 1982,

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304 COMPTES RENDUS

copié, à la fin du 14e s., par Raoulet d’Orléans à l’intention de Jehan de Langres
esmailleur. Un développement est consacré [XV-XVII] à une comparaison entre le
poème de Renaut et celui-là, qui est beaucoup plus indépendant de son prédécesseur
qu’on ne l’a dit.
Le texte est assez correctement édité, malheureusement sans variantes. Naturel-
lement, on attend impatiemment la publication de la version de Renaut de Louhans,
préparée, aussi en Australie, par B. M. Atherton, afin de mesurer exactement la part
d’originalité de notre picart. Le ms. de base n’a réclamé que quelques corrections
[321-322] et encore au vers 2101 dehus, qui est excellent comme forme du pft 2 de
devoir, a été malencontreusement corrigé en un d’eulx qui n’a aucun sens. Les
Critical Notes [322-328] et le Glossary of Selected Proper Names [329-330] nous lais-
sent vraiment sur notre faim. Quant au Selected Glossary [331], il n’y a rien à en
attendre. Pourtant ce texte a fait l’objet d’un dépouillement sérieux de la part de
Gdf, qui a utilisé le ms. Ars. 2670, daté du 15e s.; il a parfaitement identifié süette,
où il a vu une forme de chouette cf. Gdf 9, 83b, au lieu de l’extraordinaire «fever»
qui nous est proposé. De même, asprele est défini par «horse-tail (plant)», alors qu’il
s’agit d’un diminutif adjectival d’aspre; le ms. Ars. 2670 donnant asprecelle, c’est cette
forme que Gdf 1, 420b a enregistrée et que le FEW 25, 473a lui a empruntée, avec
la date étonnante de env. 1255.
Je voudrais terminer par un mot régional qui m’intrigue, à savoir songon «som-
met». Le Boëce de Confort en présente une attestation, à la rime: 7929 (étoile, ici la
Petite Ourse) … assise ou songon De la part de septentrion. Le mot ne semble pas
venir de Renaut de Louhans, qui n’a pas le passage en question. Il paraît légitime
de le rattacher à aneuch. songeon m. «sommet» (1360), asav. songion (1341, R 35,
402), abress. songeon MeyerDoc [= 1356, Nantua] cf. FEW 12, 447a, qui en fournit
en outre de nombreuses attestations dialectales en francoprovençal et particulière-
ment en Savoie, en rapprochant le fait du séjour très prolongé que notre traducteur
aurait fait comme prieur emprez Savoie [X].
Mais il se trouve une attestation d’une forme sonjon (2693) rimant avec sablon:
Quiconques veult faire un chastel
Ou un fort et durant hostel
Cauteleusement sanz deffault,
Si ne le face pas trop hault,
Car peril est que ne l’empaigne
Le vent qui court en la montaigne
Quant il est assis ou sonjon.
Or Renaut de Louhans (ConsBoèceRenA = éd. Atherton, 2821), frère prêcheur du
couvent dominicain de Poligny, donne le même texte, avec en sonjon. On peut certes
considérer qu’il s’agit du même mot, puisque que Louhans est aux confins du franco-
provençal et du bourguignon, et que notre traducteur aura emprunté ce mot, qu’il
connaissait par ailleurs, à Renaut. Cependant le même passage se retrouve dans
ConsBoèce5A II, iv, 3 (1320-1330, Est), et il pourrait avoir servi de source à Renaut:
Qui seür manoir veult fonder
Sanz venz ne sanz peril de mer
Ne la see (lire l’asee) pas ou somon
Dou mont ne dessus le sablon.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 305

Cette version obligera les éditeurs à préciser qu’il faut bien lire sonjon et non
somon, car somon existe bel et bien et TL en fournissent un ex. poitevin au 13e s.
(où la graphie sommon exclut une lecture sonjon), conforté par l’exemple de
ConsBoèce5A, puis par un autre ex. dans trois mss que nous verrons plus bas. Mais
il est assez probable, finalement, que la lecture sonjon soit justifiée; on pourra penser
que le somon de sa source probable aura amené Renaut à utiliser le régional sonjon.
Par ailleurs, A. Thomas (Chanson de sainte Foi d’Agen, 58n.) a attiré l’attention
sur un autre ex. tiré de Renaut de Louhans (= ConsBoèceRenA 6982), où on lit:
En l’eaue fait de soy plungeon,
Ou plungiez s’est jusqu’au sangeon (var. des mss BGL: somon [à
moins qu’il faille lire sonjon]).
Ce sangeon se rattache sans doute au songon que nous avons vu, et il est curieux
de remarquer que le traducteur du Boëce de Confort (2693), reprenant le passage
de Renaut, a préféré cette fois modifier le mot en menton. Enfin, au vu de ces attes-
tations, il est vraisemblable que Constantin/Désormeaux ont raison de proposer de
corriger en sonjonz les deux attestations de somonz du Mystère de saint Bernard de
Menthon (savoyard), dont l’une est passée ds Gdf; cf. aussi FEW 12, 430b n. 3, qui
reste incertain.
Au total une édition qui accroît notre documentation sur l’œuvre probablement
la plus traduite au Moyen Âge.
Le vol. 10, 2001 du même Journal of the International Boethius Society contient
trois articles qui intéressent nos études: J. Keith Atkinson, A Dit contre Fortune, the
Medieval French Boethian Consolatio Contained in ms. Paris BNF, fr. 25418 [1-22],
examine comment ce ms., qui est connu pour réunir des extraits d’œuvres, adapte la
version de Renaut, à laquelle sont repris 95 % des 4615 vers de sa version, 4,4 %
étant originaux et 0,6 % venant du Boëce de Confort que vient d’éditer M. Noest; -
Glynnis M. Cropp, An Italian Translation of Le Livre de Boece de Consolacion
[23-30], cette version italienne, éditée en 1898 par E. G. Parodi, traduit, du moins
pour les livres I-IV, la version non glosée du Livre de Boece, mais avec le prologue
emprunté à la traduction de Jean de Meun, comme c’est le cas dans le ms. BNF, fr.
1728, qui contient lui la version glosée du Livre de Boece; le nombre des versions
italiennes connues à ce jour s’élève maintenant à 11, depuis la mise en vente d’un
nouveau ms. en 1998 [30 n. 25] - Francesca Ziino, The Catalan Tradition of Boethius’s
De consolatione: A New Hypothesis [31-38], de la première traduction catalane, celle
de Saplana, il ne reste que des fragments ou des témoignages indirects; une version
en hébreu mérite d’être utilisée pour la reconstituer. Pour une traduction latine
d’une autre version catalane, celle de Ginebreda, v. un article du même auteur ds
R 119, 465- 482.
Gilles ROQUES

Histoire de la Reine Berthe et du Roy Pepin, mise en prose d’une chanson


de geste, édition critique par Piotr TYLUS, Genève, Droz (Textes litté-
raires français, 536), 2001, 349 pages.
Cette mise en prose est bien connue (cf. BerteH pp. 16-24 et BerteH2 p. 32 n. 8),
mais le ms. de Berlin qui la contenait, avait disparu pendant la guerre et ne fut mis

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306 COMPTES RENDUS

à la disposition du public qu’à la fin des années 1970, à la Bibliothèque de l’Uni-


versité Jagellonne de Cracovie. Précisément cette édition est extraite d’une thèse de
l’Université Jagellonne, qui a aussi subventionné sa publication.
Le ms. a été copié dans le dernier quart du 15e siècle par deux copistes. On n’a
pour éclairer la provenance de l’œuvre et de la copie que la mention dans l’un des
colophons d’une dédicace à noble demoiselle Jehanne Berruyere, femme d’un
Estienne Benard, escuier maistre d’ostel du roy, seigneurs d’Estueille, d’Avon et de
Tassonneau [14] ; un filigrane a pu aussi être identifié et se retrouve à Angers en
1467 avec var. au Mans en 1470 et à Châteaudun en 1477 [11].
L’introduction passe en revue les éditions antérieures [17-20], l’une fragmentaire,
les deux autres inédites mais qui ont été examinées par l’éditeur; on apprendra plus
loin que l’édition d’A. Marez en 1962 est fondée sur un microfilm de la Library of
Congress [36]. Après une analyse détaillée du texte [21-28], PT aborde l’épineuse
question de la source. S’agit-il simplement de la Berte aus grans piés d’Adenet ou
faut-il supposer un ancêtre commun aux deux œuvres? Comme le récit suit de près
celui d’Adenet, la critique s’est, dès le début, prononcée en faveur de la première
hypothèse. Cependant, comme il ne s’agit pas d’une mise en prose servile et que le
prosateur amplifie largement et offre même quelques éléments divergents, on a par-
fois nié ou plus souvent tempéré cette hypothèse, qui restait cependant la mieux fon-
dée. A. Henry a réussi, à l’aide d’arguments tirés du texte même, à prouver que la
prose dépendait essentiellement d’Adenet. Et même si le vocabulaire des deux
œuvres est très différent, on peut citer un cas de mot venant très probablement de
l’œuvre d’Adenet: il s’agit de flavelle 2128 «mensonge», mot qui correspond à l’afr.
favele de BerteH2 2080 et qui n’est attesté que dans des œuvres versifiées où, très
rare après la fin du 13e siècle, il ne dépasse pas le milieu du siècle suivant. Il est
donc hors de doute à mes yeux que le texte d’Adenet est la source principale de la
prose. Après avoir exposé les opinions successivement émises sur ce sujet [29-39],
l’éditeur y reviendra plus loin [99-107] en soulignant les points où la prose donne
une version proche du Miracle par personnages, joué à Paris en 1373, mais on ne sait
comment expliquer ces rapprochements; d’ailleurs il reste encore à examiner si le
Miracle dépend ou non et dans quelle mesure de l’œuvre d’Adenet.
L’introduction linguistique [41-49] est peu éclairante. L’étude du processus de la
mise prose [51-98] est trop longue pour des résultats peu solides. Les remarques sur
l’établissement du texte montrent un soin attentif mais qui eût dû être guidé. L’édi-
tion donne la même impression. Le problème de la coupe des mots est tranché avec
trop de naïveté. L’éditeur a bien vu que le ms. ne méritait sur ce point qu’une
confiance limitée [116 et note à la ligne 3301], malgré cela il lui est resté fidèle, ce
qui nous vaut à toutes les pages des mectre tout apoint 1674, de maulx affaire 1654,
pource 1711, apresant 1737, aura ma fille affaire et assouffrir 1745, audedans 2181,
audevant 1955, acoup 2180 agenouls 2630, acause d’elle 3385, yssit hors dedans le
retraict [où il faut hors de dans] 3880, alafois 1626 et inversement des de puis 1952,
avoit esté fait et pour pensé 2408, nonpareille et non pensable 3394, la raisonna 2193
avec note, 3524, 3612, 3679 (d’où au glossaire un verbe raisonner qui ne se rencontre
que dans la raisonna, alors qu’un verbe araisonner, de même sens, sert de lemme aux
autres tours), ja parçoy 3656. Il faut rappeler aux éditeurs que leur tâche première
est de donner un texte qui se lise. Laissons les spécialistes analyser scientifiquement
la coupe des mots dans les mss et utilisons ce qu’ils auront démontré; mais suivre

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 307

aveuglément la coupe des mss et à plus forte raison celle des imprimés, n’est que de
la pusillanimité.
Quelques remarques: 115 lire de costé; - 423 note, la tentative d’interpréter tris-
tesse comme le féminin de triste ne convainc pas, malgré l’exemple tiré de Huguet,
qui ne me paraît pas probant; - 795 lire plutôt tout apensement «tout exprès» cf. Gdf
apenséement; - 1199 une rectification s’impose; - 1280 corriger protexité en pro-
plexité, forme de perplexité qui a le sens de «tourment»; - 1289 note, procréé, qui
devrait être un féminin ne prouve rien pour l’accord du fait de la répugnance bien
connue des scribes à aligner trois e de suite; - 1859 l’ajout de la marque du féminin
n’est pas nécessaire dans faire l’embesoigné cf. vous ferés le malade, belle fille 1795
et v. TL 3, 1575, 8; - 1932 note, agectee d’agister «s’aliter» est parfait cf. DEAF G
648; - 2127 note, l’argumentation pour défendre une lecture flaiterie au lieu de flac-
terie est faible; - 2524-25 lire, après un point derrière pendu: Au regart des trois com-
pagnons … , ilz seroient gardés…; - 2550 la note est sans pertinence, du fait qu’Ade-
net cite déjà Monfaucon; - 2995 conserver la leçon du ms., qui est parfaite, en
coupant en queste; que le copiste écrive enqueste ne surprend pas mais l’éditeur doit
faire la coupe de la préposition et du nom; - 3554 les deux notes sont gravement fau-
tives: sans desmarchier signifie probablement «sans faire un faux pas» et il faut lire
la cousteoit de cousteer (côtoyer), sans rapport avec accoster; - 3575 tant y a de paires
d’amours «de sortes d’amour» du ms. me paraît défendable; - 3899 note se mar-
mouser signifie plutôt « se demander sans cesse» cf. FEW 6, 1, 357b; - 4191 note,
les hypothèses émises sur ce sen sont peu convaincantes; il s’agit plutôt d’une gra-
phie de cen forme de ce; - 4398 la note est parfaitement oiseuse et il faut placer une
virgule après adirée, qui signifie» perdue, égarée», sens qu’on a aussi en 3941.
Le glossaire présente les mêmes caractéristiques que l’édition. Il est conscien-
cieux mais ignore des règles élémentaires du genre. Bref on dira qu’il s’agit plus
d’une édition de seizièmiste que de médiéviste, comme en fait foi aussi un usage
immodéré de Huguet. Je voudrais m’arrêter sur deux mots: oisil «osier», est l’objet
d’une note d’une ligne et demie qui se borne à renvoyer à deux exemples de Hu.
L’emploi du mot est comme une marque d’origine pour l’œuvre; il se lit déjà ds le
Roman de Thèbes cf. NezirovićThèbes 124 et il est resté très courant en poitevin du
Moyen Âge aux parlers modernes. Le FEW 15, 1, 25a permet de dresser une aire
poitevino-saintongeaise, qui déborde sur l’Anjou, le Maine et jusque dans le Centre;
- abreigé «abrité», est l’objet d’une note, assez longue mais typique du manque d’in-
formation de l’éditeur. PT écarte à bon droit une correction en abrité, mais avec une
argumentation faible: le mot n’est attesté qu’en 1489 (attestation d’ailleurs isolée et
qui reste douteuse) mais, même si l’on n’en connaît pas d’attestation au 16e s., on ne
peut pas tirer argument du seul fait qu’il ne soit pas enregistré ds Hu, puisque ce
dictionnaire n’enregistre pas les mots qui vivent avec le même sens en français
moderne. Par ailleurs, pour ce mot abreigé l’utilisation du FEW est bienvenue, mal-
heureusement il aurait fallu consulter la refonte du A, où l’on voit (cf. FEW 25,
58ab) que ce type est attesté dans les parlers modernes du Maine, du Blésois, du Poi-
tou et de la Saintonge. Ainsi, il est assez probable que le texte provienne de cette
région, ce qui coïncide avec ce qu’indiquent les filigranes du papier. Enfin il y a
dans ce texte l’adjectif souldre «hideux» qu’une note éclaire avec un renvoi à Hu,
après avoir constaté qu’il n’est enregistré ni par Gdf ni par TL ; mais un renvoi au
FEW 12, 108a s’imposait, ne serait-ce que pour rectifier sa première attestation qui

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308 COMPTES RENDUS

est la même que sa seconde mais cumule deux fautes d’impression: sourdre pour
soudre et R 35, 483 pour 403, en sorte qu’on n’en connaissait qu’une seule attesta-
tion, celle de Guy de Tours (ds Hu et FEW).
Cette édition nous rajeunit. Elle nous rappelle le temps des années 1960-1970, où
les TLF publiaient des éditions d’Américains dotés par leur Université d’une bonne
subvention. On pensait qu’au moins en ce qui concerne le Moyen Âge cette pratique
avait disparu. On regrettera surtout que ce travail, qui reste utilisable pour des cher-
cheurs expérimentés, souffre cruellement de la comparaison avec le reste des éditions
de la collection.
Gilles ROQUES

Pierre GRINGORE, Le Jeu du Prince des Sotz et de Mere Sotte, édition


critique par Alan HINDLEY, Paris, Champion (La Renaissance Française,
9), 2000, 215 pages.
C’est une bonne idée que d’avoir réuni en un seul volume le cry, la sottie, la
moralité et la farce, qui constituent l’ensemble d’un jeu, écrit par Gringore pour être
représenté «aux Halles de Paris, le mardy gras» 1512 et imprimé probablement la
même année. On sait qu’il s’agit d’une pièce politique qui vise à soutenir la politique
de Louis XII en conflit avec le pape Jules II.
L’édition est fondée sur l’impression originale conservée à la BnF, qui a déjà
servi de base aux éditions antérieures, à commencer par celle des Œuvres complètes
de Pierre Gringore, par d’Héricault et de Montaiglon, 1858, t. I, pp. 199-286. On sait
que la Sottie a été excellemment éditée par E. Picot dans son Recueil général des
Sotties, 1904, t. II, 105-173, et la Farce se lit maintenant dans l’admirable Recueil
de farces, édité par A. Tissier, t. II, 229-285 (v. ici RLiR, 51, 645), que la présente
édition ne vise pas à remplacer.
On trouvera une description des deux exemplaires uniques de chacune des deux
éditions anciennes, la seconde étant d’ailleurs peut-être une contrefaçon de la pre-
mière. Surtout, la découverte par G. A. Runnalls de l’inventaire après décès du stock
du libraire Jean Jehannot, faisant état en 1522 de 750 exemplaires du Jeu, semble
indiquer un grand succès de librairie [15-16]. La biographie de Gringore [18-27]
reprend les données antérieures. La présentation de l’arrière-plan politique et reli-
gieux [26-32] est bien informée des travaux récents. L’étude linguistique [33-39] est
peu instructive et n’évite pas quelques approximations. La versification est attenti-
vement étudiée [40-44].
Les textes sont très correctement édités et accompagnés de notes conscien-
cieuses; quelques remarques: 72, 90, il faut imprimer, avec Picot, congné; - 81, 206
n.33, le complément direct n’est pas un «ses ordres» qui serait sous-entendu mais
vous; - 90, 317 n.50, la traduction de Fournier ne va pas; le sens de faire garnison
de est «faire provision de»; - 133, 187 lire consumme.
L’édition se termine par un index des noms propres et un glossaire. Ce dernier
est assez ample mais il s’adresse plutôt au lecteur occasionnel qu’au lexicographe.
L’auteur renvoie le lecteur à quelques ouvrages; il eût pu faire l’économie de
Greimas/Keane et la mention du FEW dans la bibliographie est purement platonique.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 309

On demandera à l’utilisateur de ne pas accorder un crédit illimité à toutes les


définitions. En particulier, le grant cours («très vite») ne peut pas signifier «le tribu-
nal». Quant aux régionalismes, ils sont peu nombreux mais on peut citer: desruner
v. pr. «se dérégler» normand (cf. Gdf 2, 648ab [il faudra examiner l’exemple de
SElisRobJ]; FEW 16, 743) et tect (: tantet) «étable à cochons» (occidentalisme) cf.
MatRégFr 14, 68 (et ici RLiR 66, 302).
Gilles ROQUES

Jan FENNIS, L’œuvre de BARRAS DE LA PENNE, III. L’apologie des


galères. IV. La description des galères, Ubbergen, Tandem Felix, 2000 et
2001, 2 vol., VI + 266 et VIII + 211 pages.
Notre collègue J. Fennis poursuit sa superbe navigation (v. ici RLiR 64, 309). Son
héraut, Barras de la Penne, nous a laissé, en de multiples mss, un éloge des galères
qu’il a sans cesse retravaillé de 1680 à 1726. Avec le tome III, JF nous immerge dans
ce dédale avec un soin philologique admirable. Il y joint le récit de la campagne de
1696 sur les côtes de Catalogne et le récit de la peste qui a sévi à Marseille de 1720
à 1723, et où se sont illustrés les membres du corps des galères, avec des documents
et des lettres qui éclairent la situation.
Le tome IV contient la première partie d’une description systématique des
galères, que JF a confectionnée à partir des mss de Barras avec une rigueur philo-
logique sans faille. E. Sue avait déjà reconnu et proclamé la valeur inestimable du
texte de Barras dont il a copié, en les modernisant, de longs extraits dans son His-
toire de la marine française, qui eut moins de succès que, plus tard, ses Mystères de
Paris.
Les deux volumes sont accompagnés de notes d’une érudition impressionnante et
de deux glossaires qui sont l’œuvre d’un spécialiste des galères et d’un lexicographe
éminent. C’est dire qu’on y puisera à pleines mains des informations d’une sûreté
sans pareille.
On fera quelques remarques pour donner une idée, très imparfaite, de ce qu’on
peut trouver dans ces volumes. Au tome III: 15, noter le tour syntaxique le moyen
que ne … pas en interrogative, employé deux fois, et glosé une fois par «il est impos-
sible» mais sans point d’interrogation à la fin de la phrase et l’autre fois, 12 lignes
plus bas, laissé sans glose mais avec point d’interrogation à la fin de la phrase; mais
ce point d’interrogation est-il de JF ou de Barras? - 98 délabré est tiré d’un ms. de
1726, or FennisGal date le sens de 1757; - 177 l’emploi de fades railleries au sens, je
crois, de «sottes railleries» pourrait être un régionalisme du provençal Barras; - 255
n. 472 JF relève la première attestation de sentinelle au masculin; - glossaire s.v.
depos, le syntagme galere de d. ne se lit pas en 197 mais seulement l’Invincible (nom
d’une galère) de depos et en 255 il s’agit d’un syntagme forgé par JF ; - s.v. éperon,
l’une des attestations est tirée d’une traduction moderne de la Guerre des Gaules et
l’autre de Fournier 1643; - s.v. escadre la graphie esquadre ne se lit pas dans Barras,
pas plus que esquif ou hauban; cf. encore alfiere «porte-enseigne espagnol» 114[=Bar-
ras] / alfier 246 [=Fournier1643, source de Barras] ou flouin «petit bâtiment allant à
la voile et à la rame», qui est tiré de Fournier, et inversement moüiller sur la bouée

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310 COMPTES RENDUS

des ennemis «mouiller près de l’ennemi», qui est aussi dans les notes mais y est dans
un extrait d’un texte de Barras. Ainsi l’utilisateur pressé ne devra pas attribuer à
Barras tous les mots enregistrés dans le glossaire, qui fonctionne à certains égards
comme un index; - s.v. fer on enregistre sous le fer «à l’ancre» alors que FennisGal
ne connaît que sur le fer; - s.v. joly, en - «arrêté», il manque la référence, qui à en
juger par FennisGal devrait être ds Fournier; - s.v. tribut, payer le - «vomir», il
manque la référence, qui est 153.
Le tome IV contient beaucoup d’informations qui sont passées dans FennisGal.
Son glossaire fournit en outre quelques mots et sens, marqués d’astérisques, qui man-
quent dans le Trésor. Le texte décrit de façon vivante la vie à bord comme dans ce
paragraphe:
Ceux qui disent que les bonnes odeurs produisent les vapeurs n’en
auroient point à craindre sur une galère: les mauvaises y sont si fortes
et si fréquentes, qu’on ne peut s’en garentir avec le tabac, dont on est
obligé de remplir le nez depuis le matin jusqu’au soir. Je suis surpris
que les Italiens, qui aiment tant les bonnes odeurs et qui ont une si
grande aversion pour les mauvaises, entretiennent toutefois un si grand
nombre de galères; ils doivent avoir une grande idée de l’importance et
de l’utilité de ces batimens.
Gilles ROQUES

Textes français privés des XVIIe et XVIIIe siècles, édités par Gerhard ERNST
et Barbara WOLF, Tübingen, Niemeyer (Beihefte zur ZrP, CD-ROM, 310),
2001.
Il s’agit d’une première version d’un recueil de grande ampleur qui réunira des
textes non-littéraires des XVIIe et XVIIIe siècles, transcrits de façon semi-diploma-
tique afin de permettre des études linguistiques modernes. On annonce: Marguerite
Mercier, Livre de raison, 1650-1661, Jaques-Louis Ménétra, Journal de ma vie, 1764-
1803, Montjean, Detail de tout ce qui c’est passeé Depuis le 30 mars 1774, 1773-74,
Jacques Valuche (Candé, près d’Angers), Journal, 1607-1662, Guillaume Durand
(Poligny), Journal, 1610-1624 et Yves Le Trividic (Guingamp), Journal, 1610-1640.
Pour l’heure est édité Pierre Ignace Chavatte, Chronique memorial (1657-1693), dont
le texte est donné sur un CD-ROM. L’auteur, sayetteur («ouvrier fabricant de l’étoffe
de laine peignée»), a laissé une chronique qui consigne les événements de sa ville de
Lille, entrecoupés de faits internationaux empruntés à d’autres sources. L’introduc-
tion évoque un certain nombre de problèmes, posés à juste titre car leur solution a
des répercussions sur l’interprétation du texte, et dont il sera traité dans un volume
à paraître. On la considérera donc comme provisoire. On voudrait souligner ici l’in-
térêt de cette entreprise, même s’il faut avouer que la lecture sur CD-ROM en dimi-
nue le plaisir. Le choix du procédé d’édition a été longuement médité et il se justi-
fiera d’autant mieux quand auront été menées les études qu’il est censé permettre.
Pourtant, le devoir d’un éditeur est aussi de donner un texte lisible à tous ceux qui
ne sont pas des passionnés de la coupe des mots (qui s’apparente dans certains cas
à celle des cheveux en quatre). Il me semble que de ce côté un effort de lisibilité
s’impose encore.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 311

Nous avons voulu considérer ce texte pour ce qu’il est aussi partiellement, un
document linguistique sur le parler lillois du XVIIe siècle. Les quelques rapides son-
dages auxquels nous avons procédé, à l’aide des ouvrages bien connus de P. Legrand,
Dictionnaire du patois de Lille, 1856 (=L) et de L. Vermesse, Vocabulaire du patois
lillois, 1861 (=V), ainsi que des travaux plus récents de F. Carton, François Cottignies
dit Brûle-Maison (1678-1740), Chansons et pasquilles (=C) et de P. Pierrard, Les
chansons en patois de Lille sous le Second Empire, 1966 (=P), nous ont permis d’ex-
traire une intéressante moisson de faits lexicaux dont nous allons livrer ici quelques
échantillons, tout en avouant avoir dû en laisser de côté un certain nombre dont
nous n’avons pas trouvé la solution: baie «jupe» 302r°, cf. baie LV, baye, bai et baix
C, v. FEW 1, 202b; - balochoire «balançoire» 379r°, cf. VCP; l’ancienneté du mot,
qu’on trouve dans la même région dès le 14e s. (GlossMontpH236G 119b) et qui est
aussi dans les CentN, rend inutile de supposer une faute pour un * balonchoire; -
basinant «tituber» 175v°, cf. basainner «balancer, osciller» LV, basainnant «vacillant
(pas d’autre attestation, nous rattachons à FEW 14, 107a VACILLARE)» C, v. FEW 21,
358b; - soucrion «orge d’hiver» 221v°, cf. sucrion (s.v. sougrugeon) LV, soucrion C, v.
FEW 2, 1224a; - commodieux adj. «riche», cf. rouchi éte comodieux «avoir de grands
moyens pécuniaires» ds FEW 2, 958a; - escourcheu «tablier» 196r° et 331v°, cf. écour-
cheu LVP, escourcheux C, v. FEW 3, 285b; - espourmande f. «apprentie qui garnit
les épuelles pour les sayetteurs» 313r° et espourman m. «apprenti qui garnit les
épuelles pour les sayetteurs» 313r°, cf. époulman « qui fait des épuelles, apprenti des
sayetteurs» V, «apprenti qui ne sait que garnir les épeules» C, v. FEW 17, 184b; -
fouan «taupe» 296v°, cf. fouan LV, v. FEW 3, 664a; - faire la gigenne de sa
femme, «aider sa femme en couches»177v°, cf. gigeine f. «gésine» L, gigeaine f.
«femme en couches» V, gigeinne «couches» C, v. FEW 5, 5b; - menton (de sa cremi-
lie) 331v° «crochet de fer, muni d’une sorte d’anse pour rallonger la crémaillère», cf.
«extrémité de la crémaillère (non retrouvé en ce sens)» C, v. FEW 6, 1, 754a; -
maronnette «petite culotte (d’une femme habillée en homme)» 362r°, cf. maronne
«culotte (vêtement d’homme)» LVCP, v. FEW 6, 1, 345b; - mieugre «petit-lait» 267v°,
cf. mieuque V, v. FEW 6, 2, 43a; - olieu «ouvrier qui travaille aux moulins à huile»
326r°, 332v° etc., cf. olieur L, olieu (s.v. oliette) VP, v. FEW 7, 343ab; - pauvrieux
«personne chargé de distribuer les aumônes» 237v° et passim, cf. pauvrieur L, pau-
verieu VP, Ø FEW; - porte (de) couliere 336r°, «à Lille les commissionnaires du mar-
ché aux poissons s’appellent porte-coulières» (s.v. coulière «cloyère») L, «les porteurs
de poissons sont appelés porte-coulières. On désigne encore sous ce nom une femme
de mœurs dissolues, et porte-coulières les commissionnaires chargés de porter les
billets d’amourettes» (s.v. coulière «cloyère») V, non retrouvé ds le FEW; - toupirie
«vertige» 325v°, toupyrie LV, v. FEW 17, 344a; - validire «servante» 258r°, cf. vali-
dire m./f. «domestique» V, v. FEW 14, 117b; - verdi «vendredi» (8 attestations), cf.
LV, v. FEW 14, 270a; on voit donc qu’il n’est pas nécessaire de supposer qu’il s’agit
d’une abréviation.
On trouvera en appendice la liste des nombreuses rues et quartiers de Lille cités
ainsi que celle des communes environnantes. Parmi ces dernières, Nin (h)elictar est
sûrement Hénin-Liétard.
La publication de textes de ce type mérite d’être vigoureusement soutenue, car
il s’agit de combler une lacune criante dans notre documentation. La mise sur pied
d’un corpus informatisé est hautement souhaitable. En raison de la variété des

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312 COMPTES RENDUS

usages possibles, qui concernent les linguistes, les historiens, les lexicologues, les
toponymistes, les onomasticiens et beaucoup d’autres encore, il faudra donner à tous
la possibilité d’accéder avec profit à ce corpus en le munissant de toutes les aides
qui en faciliteront la consultation. Il s’agit d’un travail difficile mais indispensable,
qui réclame la participation de spécialistes de ces divers domaines. On attend donc
avec confiance et impatience la suite de cette publication ainsi que l’ouvrage qui doit
l’accompagner.
Gilles ROQUES

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313

NÉCROLOGIES

Manuel ALVAR
(1923-2001)

Manuel Alvar est né à Benicarló (Castellón) le 8 juillet 1923 et il est décédé à


Madrid le 13 août 2001.
Licencié à Salamanca en 1945, docteur à Madrid l’année suivante, professeur
titulaire à Grenade en 1948, où il restera jusqu’en 1968, année où il entre alors à
l’Université Autonome de Madrid, puis à la Complutense en 1971.
D’autres enseignements lui ont été confiés, à l’Université de Paris-III où il
m’a suppléé de 1974 à 1977 et à la State University of New York à Albany (USA).
Il a été conférencier à travers le monde, au Brésil, en Chine, en Allemagne, en
Colombie, en Corée, en Italie et dans une vingtaine d’autres pays .
Ses mérites ont été distingués par l’octroi de Doctorats Honoris Causa de la part
de plusieurs Universités espagnoles ainsi qu’étrangères (Bordeaux, Pise, Saint-
Domingue, Naples, Buenos Aires, San Juan et Tucumán en Argentine, Mérida au
Mexique).
En 1977, Manuel Alvar a été élu Président de la Société de Linguistique
Romane.
Il était membre de plusieurs Académies étrangères, en Suède (Uppsala), en Alle-
magne (Heidelberg), en Roumanie (Bucarest), en Amérique (Buenos Aires, Monte-
video) et, en France, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres le comptait parmi
ses correspondants depuis 1998. Membre de la Real Academia Española depuis 1974,
il en a été élu Directeur en 1988. Il était Grand Croix de l’Ordre d’Alphonse le Sage
(1967).
Parmi les initiatives les plus marquantes dans le domaine de la linguistique et de
la littérature espagnoles on doit citer l’organisation pendant une trentaine d’années
du «Curso Superior de Filología» de Málaga qui a permis la formation de milliers de
romanistes.
Ce travailleur exceptionnel est l’auteur de 180 livres et de plus de 600 articles.
La dialectologie a toujours été pour lui un domaine privilégié, depuis El habla
del Campo de Jaca (1947), El dialecto aragonés (1953), El español hablado en Tene-
rife (1959), Dialectología hispánica (1977), jusqu’à la remarquable entreprise des
Atlas lingüísticos dont on citera l’Andalousie (6 vol.), les Iles Canaries (3 vol.),
Aragon, Navarre et Rioja (12 vol. ), Cantabria (2 vol. ), Castilla-Léon, etc. Sur le sol
américain, ce sont les volumes déjà publiés relatifs au Sud des États-Unis, à la Répu-
blique Dominicaine, au Vénézuela (cf. RLiR 65, 266 et 539, 66, 276) et plusieurs
autres sont en attente de publication.

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314 NÉCROLOGIES

Bien d’autres domaines ont été abordés avec succès par Manuel Alvar, parmi
lesquels nous retiendrons:
– L’édition et la critique de textes médiévaux: Los Fueros de Sepúlveda; El libro
dels Tres Reyes d’Orient; El Fuero de Salamanca; Poesía española medieval; Vida
de Santa María Egipciaca; El Romancero: tradicionalidad y pervivencia; Libro de
Apolonio; Cancionero de Estúñiga; Miscelánea de estudios medievales.
– La tradition judéo-espagnole: Endechas; Poesía tradicional de los judíos
españoles; Cantos de boda judeo-españoles.
– L’histoire de la langue espagnole: Morfología histórica del español (en colla-
boration avec l’auteur de ces lignes).
– Le monde américain: Cristóbal Colón: diario del descubrimiento; Leticia (Ama-
zonia colombiana); Hombre, etnia, estado: actitudes lingüísticas en Hispanoamérica;
Americanismos en la obra de Bernal Díaz del Castillo.
– Les langues amérindiennes: Fr. Bernardo de Lugo: gramática mosca.
– La littérature, avec des études sur Unamuno, J. Guillén, M. Delibes, J. R. Jimé-
nez, A. Machado. Manuel Alvar était lui-même auteur de mémoires de voyages et
de plusieurs livres de poésies.
En 1983, quatre volumes d’hommage lui étaient remis, réunissant les collabora-
tions de près de deux cents linguistes et littéraires couvrant un vaste espace de
reconnaissance internationale.
Nos liens avec Manuel Alvar datent de 1945 lorsque, me trouvant boursier au
cours d’été de Jaca, il était déjà mon «professeur» pour devenir aussitôt mon ami.
Là également j’ai eu le plaisir de connaître sa femme, Elena, fidèle collaboratrice,
qui a joué un rôle essentiel dans toute sa vie, qui l’accompagnait dans ses enquêtes,
l’a soutenu dans ses épreuves et à qui nous rendons un hommage affectueux ainsi
qu’à ses enfants dont plusieurs se distinguent dans des domaines brillamment illus-
trés par leur père.
Bernard POTTIER

Gérard GORCY
(1933-2001)
Notre ami Gérard Gorcy est décédé à Nancy le 18 décembre 2001. Né à Stras-
bourg en 1933, agrégé de grammaire et élève de Paul Imbs, il fut à partir de 1961
l’un de ses plus proches collaborateurs dans l’aventure du Trésor de la langue fran-
çaise. Il fut l’adjoint des quatre directeurs successifs de ce qui devint ensuite l’INaLF.
Simultanément professeur à l’IUT de Nancy, les lourdes charges qu’il avait acceptées
ne lui permirent pas de donner toute sa mesure dans des études qu’il goûtait. En
1983, à un moment critique de l’histoire de notre Société, il avait bien voulu accep-
ter d’en devenir le Trésorier. Avec l’aide de sa femme Annie, à qui nous présentons
toutes nos condoléances, il sut se faire apprécier des sociétaires, sensibles à son sens
du contact humain. Nous lui sommes profondément reconnaissants de ce qu’il a fait
pour nous et nous garderons le souvenir de cet homme cultivé et chaleureux, qui a
passé sa vie au service des autres, selon l’éthique chrétienne qui l’inspirait profon-
dément et sincèrement.
Gilles ROQUES

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NÉCROLOGIES 315

Aimo SAKARI
(1911-2001)
Notre ami Aimo Sakari est décédé le 20 mai 2001. Né en 1911, il aura connu une
fin paisible, en harmonie avec son tempérament. Tous ceux qui l’ont côtoyé ont pu
apprécier la gentillesse et l’obligeance de ce discret romaniste.
Né en 1911 à Kuolemajärvi en Carélie, Sakari fit ses études en philologie romane
à l’Université d’Helsinki où il eut pour maître Arthur Långfors, et où il suivit les
cours d’O. J. Tuulio et H. Petersen-Dyggve: avec lui disparaît ainsi une époque par-
ticulièrement importante de l’apport finlandais à la romanistique. C’est, en 1937, sur
la proposition de Långfors qui s’y était dans un premier temps consacré, que Sakari
entreprit d’éditer l’œuvre du troubadour Guilhem de Saint-Didier, auquel il témoi-
gnera d’une longue fidélité ; ce choix décida de sa vocation d’occitaniste. C’est en
effet à l’occasion de cette entreprise que Sakari se plongea dans une langue qui lui
était alors inconnue, puisant dans l’Altprovenzalisches Elementarbuch de Schultz-
Gora les bases qui lui manquaient encore, complétant sa formation à Paris où son
maître lui procura une bourse et un poste de répétiteur de finnois au futur Institut
des Langues Orientales. Son long séjour à Paris, de 1937 à 1958, interrompu par les
années de guerre durant lesquelles il servit son pays, en particulier dans des missions
en France, et eut notamment des fonctions de rédacteur et présentateur de la sec-
tion finlandaise de la radio française et de correspondant de la radio finlandaise à
Paris, lui permit de fréquenter également les bancs de la Sorbonne, de l’École des
Hautes Études et du Collège de France, où il put assister aux cours de Clovis Bru-
nel, Mario Roques, Pierre Fouché et Jean Boutière. Son édition de l’œuvre de Guil-
hem de Saint-Didier fut publiée en 1956 dans la collection des Mémoires de la
Société néophilologique de Helsinki, avant de connaître une réimpression en 1983
par AMS. Ce séjour lui donna également l’occasion de lier amitié avec István Frank,
son « cousin en langues» dont l’itinéraire remarquable fut prématurément inter-
rompu, mais qui laissa à son ami finlandais la compétence et le goût pour les aspects
métriques, incontournables pour qui travaille sur la poésie des troubadours, et dont
la présence est constante dans les articles qu’il nous a laissés.
De retour en Finlande, Sakari eut un poste de répétiteur d’allemand et de fran-
çais au lycée de Jyväskylä de 1958 à 1965, avant d’obtenir l’année suivante la chaire
de philologie romane de l’Université de cette ville. Doyen de la Faculté des Arts de
1969 à 1971, Sakari devint vice-recteur jusqu’en 1977, année où il se retira et où il
devint, pendant deux ans, professeur associé de langue et culture finnoises à la Sor-
bonne Nouvelle. Nécessaire infidélité à sa passion pour les troubadours, il avait
donné en 1967 une édition critique du Doctrinal sauvage, texte arrageois des années
1260, édition fondée sur la collation de 30 mss et qui a paru dans la collection des
Studia philologica Jyväskyläensia. Mais son amour de l’ancien occitan ne se démen-
tit jamais, et Sakari est sans doute le seul romaniste à avoir assisté à l’intégralité des
congrès internationaux d’occitanistes organisés en Europe, des Congrès Internatio-
naux de Langue et de Littérature d’Oc à ceux de l’Association Internationale d’É-
tudes Occitanes où nous l’avons tous un jour ou l’autre rencontré, accompagné de
son aimable épouse, Ellen Sakari, décédée en 1998, quatre ans après sa retraite de
professeur de philologie romane à l’Université de Jyväskylä, qui avait notamment
consacré un excellent essai à L’écriture clownesque de Jules Laforgue, paru en 1983

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316 NÉCROLOGIES

dans les Jyväskylä Studies in the Arts, et qui était, avec son mari, membre de notre
Société, dont Aimo Sakari fut Conseiller auprès du bureau de 1992 à 1998. Tous
ceux qui ont eu le bonheur d’être les hôtes de ce couple charmant dans leur magni-
fique maison en bois, située en pleine forêt et construite par le grand-père d’Aimo,
à Keuruu, en garderont le souvenir.
Aimo Sakari a également contribué aux échanges culturels en traduisant en fin-
nois des ouvrages français, comme La Chartreuse de Parme, et inversement, il tra-
duisit en français, avec Lucie Thomas, la comédie d’A. Kivi, Les Cordonniers de la
lande. Il laisse derrière lui une contribution appréciable à l’étude de la poésie des
troubadours qui prolongera parmi nous sa présence.
Dominique BILLY

Raymond SINDOU
(1910-2001)
Raymond Sindou, linguiste, romaniste et onomasticien, professeur émérite des
universités, s’est éteint le 17 mai 2001. Il repose dans la sépulture de famille à
Lauzès en Quercy.
Aller à contre-courant ou, pour le mieux dire, Nadar contra suberna aurait pu
être la devise du savant, du professeur, de l’homme. Cette attitude fondamentale
n’impliquait chez lui aucune pose ni – ce en quoi il se révélait parfaitement laïc –
aucun prosélytisme. Bien informé des développements de la linguistique du jour,
l’univers auquel il demeurait fidèle était celui de la linguistique parisienne des
années 20 et 30, celle des Meillet, des Thomas, des Ernout, des Marouzeau. Comme
linguiste et même, pensons-nous, «pur linguiste», il ne séparait pas le terrain – son
enseignement était nourri de son expérience dialectologique quercinole, expérience
sans cesse renouvelée depuis 1932 – et l’analyse de la documentation écrite du passé,
et il enseignait constamment l’union de la linguistique et de la philologie, ne cessant
de prêcher d’exemple. Romaniste, ses maîtres à penser étaient latinistes ou hellé-
nistes (la séparation académique entre linguistique latine et linguistique romane
constituait pour lui une vue de l’esprit dont il savait rendre sensible la frivolité à ses
étudiants). Onomasticien, la toponymie n’était cependant entre ses mains qu’un outil
supplémentaire pour faire l’histoire des mots et des langues.
Son activité de linguiste était animée – comme l’a noté son ami Raymond
Arveiller – par un sens aigu du détail légué par un père peintre et, par-dessus tout,
par le goût des «faits de langue». Pour Raymond Sindou, le fait de langue primait
le système et l’histoire, la synchronie. S’il n’excluait nullement la description des
tâches du linguiste (à preuve sa thèse, dont il convient de souhaiter la publication,
sur le Vocabulaire de la ferme au pays de Cahors), il n’est pas impossible qu’il ait
pensé que la compétence du grammaticus, voire celle du locuteur, était suffisante pour
accéder au système. Lors d’une réunion organisée dans un département de linguis-
tique au début des années 70, il s’était exclamé: «le grand Meillet serait aujourd’hui
mis à la porte de tous les instituts de linguistique de France. Pensez, il étudiait les
faits de langue!» Une telle déclaration ne fit d’ailleurs, à vrai dire, pas grosse impres-

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NÉCROLOGIES 317

sion: l’horizon de rétrospection de ses auditeurs (étudiants, mais aussi enseignants, y


compris les professeurs) s’arrêtait, à peu de chose près, aux Éléments de linguistique
générale d’A. Martinet (on était en un temps où les assistants nouvellement promus
couraient faire emplette dudit ouvrage et de quelques autres avant de donner leur
premier cours de «linguistique»). Par sa vaste culture de la discipline, Raymond Sin-
dou faisait tache: c’était un savant devenu professeur et non un enseignant s’effor-
çant de devenir savant, c’est là du moins ce que nous fûmes quelques-uns à penser
alors. Quant aux systèmes théoriques et aux modes de la linguistique (il en aura vu
s’essouffler plus d’une), il faisait preuve à leur égard d’un détachement leibnitzien.
«Tout système est vrai en ce qu’il affirme, faux en ce qu’il nie», aimait-il à répéter
(on trouve la même citation sous la plume d’E. Coseriu), ce qui lui permettait d’as-
sumer une position qui n’était pas de rejet, mais d’ouverture, une ouverture nourrie
par le vif sentiment de l’unité de la linguistique.
Adepte, pour son compte, d’une «linguistique des détails», Raymond Sindou était
presque nécessairement et avant tout un étymologiste avec le penchant que cela sup-
pose pour les écheveaux embrouillés et non pour la «ligne claire» des structures.
Comme on le constate à la lecture de ses travaux, il ne séparait pas l’étymologie des
noms de lieux de celle des unités et des familles lexicales, se lamentant, mais en
privé, des voyantes ignorances de certains praticiens de la toponymie autonome en
matière de lexicologie et, plus généralement, de linguistique historique. Les trop
rares enquêtes qu’il s’est comme résigné à livrer à l’impression, qui portent notam-
ment sur les dénominations du castor dans la Romania (RLiR 1957), les noms latin
et romans de Quercus ilex (Mélanges Boutière et Mélanges Rostaing), paganus
(Hommages Séguy) et pagensis (Mélanges Camproux), «La bêche et la besse»
(Mélanges Guiter), «La forme NAVDA et ses variantes» (Actes du colloque d’ono-
mastique romane de Dijon, 1982) ou les produits de gr. khímaros (Actes de Palma,
1985), sont des modèles pour le lecteur – à condition que celui-ci consente l’effort
nécessaire pour franchir l’obstacle d’une expression parfois mallarméenne. L’atten-
tion de Raymond Sindou se portait en priorité et presque exclusivement sur les pro-
blèmes étymologiques hors du commun, avec une prédilection de plus en plus mar-
quée pour ceux dont la solution requérait sa double compétence de romaniste et de
classiciste. Ses découvertes étaient alors étonnantes: ainsi sur les types toponymiques
Besalodunum (< gr. bésalon; Onoma 1978) ou Caladunum (< gr. kâla; Homenagem
Piel), sans parler des «Noms grecs donnés à des lieux de France pendant le Moyen-
âge» (ICOS 13, 1978 [1982]) ou de la localisation (non publiée) des Eleutètes de
César. Raymond Sindou fuyait la compilation et le ressassement et il ne s’est même
jamais résolu à écrire sur une question dont la solution était à la portée de tout un
chacun à condition de disposer des techniques de routine de la discipline. Il était,
en outre, particulièrement insensible aux pressions du type «Publish or perish» – sur
bien des chapitres, «c’était un roc» – au point qu’il pouvait recommander fermement
à l’un de ses étudiants d’attendre la réfection de la lettre C- du FEW avant de livrer
telle hypothèse étymologique au public savant. À ce prix, son œuvre se détache, en
toponymie occitane et française, parmi celles des successeurs de Dauzat, par sa radi-
cale originalité. Dans ces domaines, beaucoup de ses trouvailles sont passées dans ses
comptes rendus et les discussions parus dans la Revue internationale d’onomastique,
dont il était devenu la cheville ouvrière après la mort de Dauzat, puis dans la
Nouvelle Revue d’onomastique.

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318 NÉCROLOGIES

Détaché au CNRS de 1943 à 1949, puis de 1954 à 1959, Raymond Sindou avait
vu ses mérites reconnus, bien que tardivement, par l’Enseignement supérieur. Appelé
à l’Université de Clermont-Ferrand, il y professa, devant des auditoires à vrai dire
peu denses, mais sous le charme, la dialectologie romane (qu’il ne concevait pas
d’enseigner sans enseigner aussi quelque peu la dialectologie grecque) et l’ancien
provençal. Un cours consacré aux premiers documents auvergnats en langue d’oc,
donné dans le cadre du certificat d’Études régionales, attirait cependant à lui des
auditoires plus nombreux, y compris de profanes: il déployait alors volontiers d’indé-
niables talents d’orateur et de causeur. Comme il ne s’attachait guère cependant aux
rudiments (la déclinaison bicasuelle, par exemple), des tuteurs d’occasion répon-
daient, quelques minutes avant l’entrée en scène du maître, aux interrogations qui
fusaient du public et qui portaient, entre autres choses, sur les -s étranges parsemant
le texte à l’étude. Les esprits étaient ainsi mieux aptes à recevoir la doctrine sur des
points moins triviaux. Préparés méticuleusement et souvent entièrement dactylogra-
phiés par les soins de Madame Sindou, ses cours laissaient néanmoins une large
place à des excursus, rapprochements et développements inattendus qui leur don-
naient toute leur saveur et toute leur profondeur. La chaire qu’occupait Raymond
Sindou Claromontanus (il signa ainsi sa contribution à l’Homenagem Piel) fut
ensuite, paraît-il, supprimée ou reconvertie.
Raymond Sindou était assidu aux séances de la Société de linguistique de Paris,
dont il fut président en 1978, et à celles de la Société française d’onomastique, dont
il était cofondateur, comme aux congrès de notre Société. Ses collègues, ses amis et
ses élèves lui avaient offert, en 1986, des Mélanges d’onomastique, linguistique et
philologie, ce dont il les remercia par un discours latin improvisé.
Il pratiquait cortezia et mezura. En tout, il tranchait.

Jean-Pierre CHAMBON

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CHRONIQUE 319

EN SOUSCRIPTION

La Société de Linguistique romane publie le premier volume de sa


nouvelle collection, la Bibliothèque de Linguistique Romane.

QU E A NE
O T H È IQ U E RO M
B IB LI U IST
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par la ue Roma UE S
publiée uistiq Q
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N C H E- C O M
FR A

Nous avons enfin le complément


indispensable aux trois volumes de
l’Atlas linguistique et ethnographique
de la Franche-Comté, publiés par
U RG
TR AS BO
Colette Dondaine. Présenté sous forme S
200 2

d’un dictionnaire, il regroupe la quasi-


totalité des mots enregistrés dans
l’Atlas et en fournit le sens et l’étymo-
logie, avec des renvois précis au FEW et
au Glossaire des patois de la Suisse romande. Il permet désormais l’analyse
linguistique des cartes de l’Atlas, à l’instar de ce que Pierre Gardette et
Paulette Durdilly avaient fait dans le tome 5 de l’Atlas linguistique du
Lyonnais.
1 volume 16 × 24,5 cm, 600 pages, au prix de 64 m.

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320 CHRONIQUES

IVe CONGRÈS INTERNATIONAL


DE LA SOCIEDAD ESPAÑOLA
DE HISTORIOGRAFÍA LINGÜÍSTICA
Université de La Laguna (Iles Canaries)
du 22 au 25 octobre 2003

Les communications devront traiter une question concernant l’historiographie


linguistique.
La date limite pour l’envoi des résumés est fixée au 28 février 2003.

Secrétariat
IV Congreso Internacional
Sociedad Española de Historiografía Lingüística
Universidad de La Laguna - Facultad de Filología
Campus de Guajara, s/n - 38071-La Laguna
Santa Cruz de Tenerife. Islas Canarias. España
Courriel: cohisgra@ull.es - http://webpages.ull.es/users/cohisgra
Fax: 922 / 31 76 11
Tél.: 922 / 31 77 11 - 922 / 25 53 46 - 922 / 63 13 04

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI
DEL SECOLO XI.
REVISIONE TESTUALE E STORICO-LINGUISTICA

1. Filologia sarda delle origini. Desiderata

Le prime manifestazioni scritte in volgare sardo costituiscono tuttora


un dominio poco esplorato dai filologi romanzi. Scorrendo le crestomazie
che ospitano testi neolatini medievali, registriamo con un certo disagio la
larga assenza di testimonianze sarde(1), fatto certamente anomalo, se si
considera che la lingua dell’isola di Gramsci è giudicata unanimemente la
piú arcaica fra le varietà linguistiche romanze e che di conseguenza lo stu-
dio delle sue fasi di sviluppo attestate piú remote potrebbe contribuire
utilmente a delucidare non pochi punti oscuri dell’ancora molto discusso
processo di transizione dal latino volgare ai nuovi idiomi romanzi(2). Piú
grave, tuttavia, ci sembra il fatto che i pochi documenti pubblicati in cre-
stomazie romanze o italiane(3) risultino essere in realtà ristampe minima-
mente aggiornate di edizioni bisognose d’un diretto controllo sui mano-
scritti e d’una piú scaltrita competenza linguistica.

(1) Cfr. Iordan 1963, Moreno/Peira 1979 e Sampson 1980, che oltre al controverso
Privilegio Logudorese si limitano a ristampare diverse schede dei condaghes piú
noti. Gli editori spagnoli vi aggiungono alcuni capitoli degli Statuti di Sassari e
Sampson chiude la sua selezione con nove strofe del tardo poema di Antonio
Cano.
(2) Cfr. Zamboni 2000 per un utile consuntivo e bibliografia aggiornata.
(3) Piú denso il repertorio di testi sardi che si trova ospitato nelle crestomazie
italiane, già a partire da quella pionieristica del Monaci 1889, seguita da Savj-
Lopez/Bartoli 1903, che ripubblicano il Privilegio Logudorese secondo l’edizone
tardoottocentesca di Leopoldo Tanfani; seguono: Monteverdi 1941, che
contiene, oltre la nostra Carta greca, il Privilegio nell’edizione riveduta di San-
torre Debenedetti, l’apografo quattrocentesco della concessione cagliaritana del
1070-1080 conservata nell’Archivio Arcivescovile, una Carta Arborense del 1102
e due schede del Condaghe di San Pietro di Silki; Ugolini 1942 col Privilegio e
la Carta Arborense; piú tardi Lazzeri 1944 [rist. 1954], Dionisotti/Grayson 1944
[rist. 1965], Ruggieri 1949 e infine Monaci/Arese 1955, che ampliano minima-
mente la selezione di Monteverdi.

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322 EDUARDO BLASCO FERRER

Le non poche lezioni spurie tramandate dalle prime edizioni di testi


sardi in volgare hanno generato una vasta messe di ricostruzioni lingui-
stiche, e in qualche caso anche storiche, che si sono rivelate col tempo fal-
laci e persino esiziali per l’avanzamento della ricerca e delle nostre cono-
scenze(4). Malgrado queste premesse, va subito conferita una deroga allo
stato calamitoso della filologia sarda delle origini: i primi editori di docu-
menti medievali, infatti, non erano filologi di professione, bensí storici del
medioevo o studiosi delle istituzioni giuridiche della Sardegna (si pensi a
Pasquale Tola, Enrico Besta, Arrigo Solmi, Giuliano Bonazzi, Raimondo
Carta Raspi, ma anche ai non sardi Leopoldo Tanfani o Luigi Volpicella),
tutti piú interessati ai contenuti che non a una scrupolosa operazione filo-
logica. Sono bastate, in effetti, alcune – purtroppo desultorie – incursioni
filologiche rigorose per porre in evidenza i difetti macroscopici che ineri-
vano alle edizioni correnti, e una revisione globale d’uno dei piú contro-
versi diplomi sardi ha dato vita a una vivace e molto fertile discussione
in ambito internazionale, con ampi guadagni per le nostre acquisizioni
filologiche, linguistiche e storiche(5). Pure, lo stato generale delle cose non
è cambiato sensibilmente(6), e a dispetto di seri ammonimenti da parte di
eminenti rappresentanti della filologia romanza(7), un’antologia rigorosa e

(4) Esempi paradigmatici di emendamenti recenti di corruttele largamente accet-


tate in riedizioni, manuali e persino in dizionari storici, sono: l’eliminazione
della parola-fantasma *intu nel Privilegio Logudorese e nel Condaghe di San
Nicola di Trullas, che è mera scrittura aplologica per in istu; l’espunzione del
verbo *kídere, repertoriato come la voce precedente nel DES sulla base della
mancata segmentazione di kido = ki do ‘che do’ nei condaghes; la reinterpre-
tazione, totalmente diversa per senso, d’un capitolo della Carta de Logu, tra-
mandato da un incunabolo tardoquattrocentesco giudicato erroneamente codex
optimus, dove una lezione spuria del testimone, facilmente sanabile mediante
semplice collazione con la variante corretta tràdita da un manoscritto piú
antico, aveva completamente obliterato forma e contenuto originali. Per i tre
casi cfr. Blasco Ferrer 1993, 1999 e Wolf 1999b.
(5) Cfr. Wagner 1939/40 e Merci 1978 per profondi interventi correttori sulle edi-
zioni del Condaghe di Santa Maria di Bonarcado e di San Nicola di Trullas da
una parte, e della Carta Arborense del 1102 dall’altra. La revisione del Privi-
legio Logudorese ha interessato piú densi contributi di filologi, paleografi e
storici del medioevo (cfr. Blasco Ferrer 2001).
(6) Lo dimostrano l’edizione sciamannata e infida del recentemente scoperto
Condaghe di San Leonardo di Bosove (Meloni/Dessí Fulgheri 1994, e cfr. la
nostra recensione critica del 1996) e la riedizione, priva d’ogni rigore filologico,
del Condaghe di San Michele di Salvennor (Tetti 1997).
(7) Ci sembra emblematico l’appello lanciato da Gianfranco Contini mezzo secolo
fa: «Normalmente non è tenuto conto dei documenti del Tola [...], per la
pessima qualità della lezione, che imporrebbe come compito urgente della filo-
logia sarda una riedizione di quei diplomi volgari collazionati sugli originali,
integrata dagli eventuali inediti degli archivi continentali» (Contini 1950, 68).

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 323

moderna dei documenti piú antichi della Sardegna medievale resta tuttora
uno dei piú urgenti desiderata della filologia sarda. Deficit questo, che
andrà sanato anche con l’ausilio indispensabile dei nuovi dati acquisiti da
discipline contigue che negli ultimi anni hanno registrato decisi avanza-
menti nello studio del sardo medievale(8).
Nell’attesa di pubblicare una Crestomazia sarda dei primi secoli, al cui
approntamento stiamo lavorando sin dal 1997(9), abbiamo ritenuto oppor-
tuno offrire a un vasto pubblico di filologi romanzi (studiosi e studenti)
una riedizione completamente riveduta d’uno dei testi piú antichi ed
eccentrici della Sardegna delle origini: la Carta in caratteri greci del secolo
XI, corredata di commenti analitici riguardanti tutti gli aspetti estrinseci
ed intrinseci del documento che siamo riusciti a interpretare. Una dove-
rosa espressione di gratitudine va rivolta agli amici Heinz Jürgen Wolf di
Bonn e Francesco Cesare Casula, che con massima cura hanno letto e
migliorato in non pochi punti una prima stesura di quest’articolo. Ad
Arrigo Castellani siamo debitori di qualche pulce nell’orecchio.

2. La Carta sarda in caratteri greci (Cgr)


Il documento che pubblichiamo ed esaminiamo di seguito, per como-
dità siglato Cgr, rappresenta – se si eccettua l’ancora problematico Privile-
gio Logudorese (PL)(10) – il piú antico testo sardo tramandato da una per-
gamena in originale. Esso è custodito nel fondo manoscritti appartenente
all’abbazia di Saint-Victor che si trova negli Archives Départementales des
Bouches-du-Rhône di Marsiglia, e fu scoperto e reso noto dall’archivista
Louis Blancard, il quale insieme col paleografo bizantinista Karl Wescher
ne curò la prima edizione diplomatica nel 1874, corredandola d’un accurato

(8) Per il settore della paleografia cfr. Cau 2000; per la dialettologia e l’onomastica
cfr. Contini 1987, Paulis 1987, Blasco Ferrer 1988, Wolf 1988, 1990, 1998; per la
lingua dei testi medievali cfr. Paulis 1997.
(9) Nel volume, le edizioni interpretative di quasi tutte le carte finora recensite e
di piú schede di condaghes, statuti e della Carta de Logu, redatte entro il 1400,
verranno corredate di fotografie eseguite sulle pergamene o sui codici, d’una
sintesi di grammatica storica e d’un glossario etimologico completo.
(10) Sulla datazione e sulla lingua del Privilegio Logudorese, meglio descritto come
Carta Consolare pisana (Debenedetti 1925/26) o securitas del Giudice Mariano
de Lacon (Banti 1997, 107-108), non regna ancora unanimità d’opinioni. Per un
consuntivo critico delle posizioni difese cfr. Blasco Ferrer 2001. La Carta
Volgare campidanese del 1070-1080 (o meglio: 1066-1074), che contiene nume-
rosi privilegi, donati da Orzocco-Torchitorio – padre dell’autore della Cgr –
all’arcivescovado di Cagliari, è trasmessa da una copia quattrocentesca inserita
nel Liber Diversorum arcidiocesano.

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324 EDUARDO BLASCO FERRER

facsimile eseguito mediante disegno da A. Pilinski nella litografia Barousse


di Parigi. Il testo non si giovò della fortuna che arrise invece al contro-
verso PL o all’apografo quattrocentesco del diploma del 1070-80 conser-
vato nell’Archivio Arcivescovile di Cagliari, ed è rimasto quindi escluso
dalla maggior parte delle antologie medievali, senza sollecitare ulteriori e
piú accurate analisi delle sue caratteristiche codicologiche, paleografico-
diplomatistiche e filologico-linguistiche.
Il diploma, redatto in caratteri greci, contiene la conferma, fatta dal
Giudice Costantino-Salusio II che regnò tra ca. il 1081 e il 1103, d’una
ricca donazione elargita negli ultimi anni di vita dal padre Orzocco-Tor-
chitorio (morto nel 1081) in favore di San Saturno e della sua chiesa. I
dati storici suggeriscono di datare la redazione originale della concessione
regia tra il 1081 e la prima metà del 1089 (Cau 2000), e gli argomenti filo-
logici che addurremo piú avanti ci obbligano a considerare il nostro
diploma una copia autentica, esemplata nella seconda metà del 1089,
quando i Vittorini di Marsiglia entrarono in possesso della chiesa del mar-
tire cagliaritano, scontrandosi apertamente con le autorità ecclesiastiche
locali, cui veniva sottratto in questo modo un rilevantissimo patrimonio di
beni e decime.

3. Criteri d’edizione

Trattandosi di testimone unico, l’edizione vuol essere interpretativa


(Avalle 1970, 83, Brambilla Ageno 1975, 121, Stussi 1994, 150-151), ma si
rispettano le lezioni del manoscritto, salvo quando esse non offrono
ragioni perentorie ed evidenti d’emendamento. Manteniamo la disposi-
zione per righe dell’originale, alla quale si farà riferimento nell’apparato e
nei commenti. L’apparato, per il resto, fornisce fedelmente la situazione
del manoscritto, segnalando le lezioni rifiutate dopo il segno ], e discu-
tendo le proposte rigettate di precedenti edizioni dopo le loro sigle di
riconoscimento. Si regolarizzano σ, ς e C, si normalizzano l’uso minuscolo
di H in η e quelli consonantici di u in β e di ω̄ in π; si mantiene l’accen-
tazione (accenti, spiriti) irregolare e incostante del manoscritto, delegando
ai commenti filologico e linguistico la sua corretta interpretazione; s’in-
troduce l’apostrofo per l’elisione. Separazione o univerbazione delle
parole, punteggiatura e uso delle maiuscole e minuscole secondo le regole
odierne. Parentesi quadre per le ricostruzioni congetturali di lacune mec-
caniche (guasti dovuti a lacerazioni, scrittura evanida per macchie o cor-
rosione), con tanti punti quante si presume siano le lettere mancanti per
la segnalazione dei loci desperati; parentesi aguzze per le integrazioni di

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 325

lacune accidentali (omissioni di lettere, lapsus calami), corsivo per gli


emendamenti sicuri. In trascrizione interlineare forniamo, inoltre, la tras-
litterazione in campidanese della versione greca, seguendo i criteri che
verranno esposti particolareggiatamente piú avanti. Qui ci limitiamo a
ricordare la regolarizzazione di K con c innanzi a, o, u e con k innanzi e,
i, e la resa di φ, χ, θ rispettivamente con f, c e t; punto in alto per caduta
di t preconsonantica in clausola sintattica e trattino di separazione per i
pronomi accoppiati o enclitici.
Edizioni: Blancard/Wescher 1874 (= W), Monteverdi 1941 (= M),
ristampata in parte da Tagliavini (1972 [19491], 520), Pirodda (1989) e
Maninchedda (1992), Lazzeri 1954 (= L). Regesto in Frank/Hartmann
(1997 V, 47). Facsimili in Blancard/Wescher (1874) e Monaci (1881-92,
n° 98, particolarmente ben riuscito). La presente edizione si basa su
un’analisi autoptica della pergamena condotta tra maggio e giugno del
1989 insieme con la collega, paleografa e storica del medioevo, Olivetta
Schena. La fotografia qui acclusa è stata eseguita dalla Sezione di fotori-
produzione del Conseil Général du Département des Bouches-du-Rhône
nel mese di novembre del 2001 su esplicita richiesta nostra (protocollo
n. 090/001 dell’8 novembre 2001). Collocazione della pergamena: Série 1
H 88, n. 427.

4. Testo
fi ¿ ¿
1 HN <ν> µ<ινη> δε π τρη ετ φιλ[ιο ε] σσ ντω σσπ ριτο. Εγω, ä ›
å‡ ¿ fi
ο δ[ικι Σαλουση περ βολουντ] τε δε δ ννου ∆[εου ποτεστ]ανδω
¿
π ρτη δε
In <n>om<ini> de Patri et Fil[io e] sSanto Isspirito. Ego, jud[iki Salusi,
per bolunt]ate de donnu D[eu potest]ando parti de
¿ ¿ ›
2 Κ[ ραλης] Κ[ουν] Κα[µπι]δ[ νου δε Πλουµ νους, ισκρ ]σσι ιστα ›
e
καρτα πρ καωσα κη δ δητι π − € ¿
C[aralis] C[un] Ca[mpi]d[anu de Pluminus, iscri]ssi ista carta pro causa
ki dediti pa-
å‡ fi a ¿
3 τρε µιου ο δικι Τρογ[ο]τ ρη σ ντου Σατουρνη[.....]κη σα δοννικαλια
Ü
σο α δε Κλουσω κο[υ]ν σερβους σο ους, ‡
tre miu judiki Trog[o]tori a santu Saturni [.....] ki sa donnicalia sua de
Cluso c[u]n serbus suus,
› ‡ ¿
4 ε κουν α<ν>κ λας σο ας, α Φορ του Κορσου κ[ουν µουλ]ι ρε σο αµ, € Ü
› ‡ ›
ε κου[ν φ] λιους σο ους, σενε Σοφ α κη λασσ <ι> €
e cun a<n>kilas suas, a Foratu Corsu c[un mul]iere suam, e cu[n f]ilius
suus, sene Sofia ki lasse<i>

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326 EDUARDO BLASCO FERRER

› e¿ › fi
5 λ βερα πρ νηµα δε φ λια µια δ ννα ’ λ νη, ε δο[λι ......]α τΤο[.....]ελο, ∂€
b € Ü b ›
α µουλι ρε σο α α φ λιους σο [ου]ς ‡
libera pro anima de filia mia donna Eleni, e do[li......] a tTo[.....]elo, e
a muliere sua e a filius su[u]s
b ¿ €
6 α σΣκ ρφαρου ε α µουλ ρη σο α ε α φ λι[α .....]αβ[.], ε δ λη βερβε− Ü › fi
¿ a
κ ριου τΤουρβην Κεκερ ος É €
e a sScarfaru e a muleri sua, e a fili[a.....]ab[.], e do-li berbecariu a
tTurbini Kekereos
b € Ü b ›
7 α µουλι ρε σο α α φ λιους σο ους, <α> Κοσταφ[ου] Κ[ ρσ]ω, ‡ b fi b
€ Ü b
α µ[ου]λι ρε σο α α φ λιους σο ους, ε α Γι νη › ‡ ¿
e a muliere sua e a filius suus, e <a> Costaf[u] C[ors]o, e a m[u]liere
sua e a filius suus, e a Giani
O
8 ’ ρκεσ fi b ¿ b ›
λλ τους δ φ λιους σο ους κ[η] φο ητι[ ...]λο, σο α λ βερα ‡ ‡ ‡ ›

[δ]ε Μοντισο νου σουπ ρ Κλουκαβ α λα− € ›
Orkeso e llatus de filius suus k[i] fuiti [...]tlo, sua libera [d]e Montisunu
super Clucabia la-
9 τους a
ησα µ µα, ¿ b
α Φορ τα Κορσου, φ λια [δε] Κωσταντ νου ¿ › ›
fi b
Κ ρσου, Κοµητα Κ κκας, φ λιο δε fi ›
tus a isa mama, e a Forata Corsu, filia [de] Costantinu Corsu, e Comita
Concas, filio de
› fi
10 Κωσταντ νη Κ κκας. Ε δολη β νια ην Τ ρτριω ε [η]σα δοµ στι[α] δε ‹ € ›
¿ b ‡
Καν λε δ Το φου, ην παρτζ νε b fi
Costantini Concas. E do-li binia in Tertrio e [i]sa domisti[a] de Canale
de Tufu, e in partzone
¿ ô c ¿
11 κ ντου πω ν Σετζ λε ε ην Τ ρτριω, ε σ λτο δ κουα ε ττ ρα € ¿ b ô €
à fi ‹ ô a ô
ρατ ρια κ πο β ωα µ α ›
cantu apo in Setzale e in Tertrio, e salto ed acua e ttera aratoria ki apo
ab aba mia
fi › ¿
12 δ ννα Γεωργ α δε Σετζ λε κ[ ] π ρτ[ζ]ω κουν φρ τες µ ους, ησα ‹ ¿ ¿ › b

δοµεστ α δε Γρ[εγ ρη] δε κκουα Ò ¿
donna Jorgia de Setzale k[i] part[z]o cun frates mius, e isa domestia de
Gr[egori] de accua
fi ¿ ¿
13 τ ττα κ ντου πο, ε ησα δοµεστ α µ α δε Κ στρω δε Μουγ τη, › › ¿ € b
¿ b
πλ τζας δ δον<ν>ικ λου Π τρου € €
totta cantu apo, e isa domestia mia de Castro de Mugeti, e platzas de
don<n>ikelu Petru
‡ ô
14 κη σο ντου ντε κλ σια δε σ ντου Σατο ρνη, ‹ ¿
δοµεστ α δε ‡ b ›
¿ ‹
Κελλ ριους κ µι τραµουτ η, δ ργι − € b à fi
ki suntu ante clisia de santu Saturni, e domestia de Kellarius ki mi
tramutei, ed arjo-

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 327

‹ ‡ Ü fi
15 λας κ σο ντου σο πρα δ νν[ι]κ λια δ Κλο σω, ε παρτζ νες µ ας ¿ b ‡ fi ›

κ παρτζω κουν Τζ ργης δ € b
las ki suntu supra donn[i]calia de Cluso, e partzones mias ki partzo cun
Tzergis de
¿ c ¿ b
16 Γουν λη ν Πλ ταγες ην Κο ρβας. È δ λλη σ µητα δε Καν λη δε Ü fi € ¿

Σ νναη κη φο η δ ου µ ου ‡ ’¿ €
Gunali in Platages e in Curbas. E do-lli semita de Canali de Sinnai ki
fui.d’au meu
å‡ ¿ b € ›
17 ο δικι Μαρι νη, δ ητ λλα φρ ττε µ ου [δ ννου] Γουν ρη τΤορ− ¿ € fi ¿ a
c b ‡
βεν δ Κο ρκας, ε σσε καστη<κατ> κο σ− Ü
judiki Mariani, e deiti-lla fratte meu [donnu] Gunari a tTorbeni de
Curcas, e sse casti<cat> cus-
€ ¿ ¿
18 α σ µητα δ βα πρ δη ε δαβα βου[ρ]δο ρη ε[.....]λλκ ρε, δαβα σ τη. ‡ € b ›
€ å‡
Ετ γω ο δικη
a semita daba pradi e daba bu[r]duri e [.....]llkere, e daba siti. Et ego judiki
19 Σαλο ση πρ ‡ eà ¿ b ¿
µ ντζα δ π τρε µ ου δ ηλλ[η βι]λλα δε Τουρβεν δε € € c
Ü
Κο ρκασο α Νηασ λη[ ε] σ µιτα € €
Salusi pro amantza de patre meu dei-ll[i bi]lla de Turbeni de Curcaso
a Niaseli [e] semita
› › ‡ €
20 µ α δε Τηρ α κη φο ητι δ ρεν<ν>ου δε αρµενταρι[ου], εδ πασ νδε à ›
fi ¿
πρ δε σ ντου Σατο ρνου κ νδ ‡ b fi
mia de Tiria ki fuiti de ren<n>u de armentari[u], ed apa.si-nde prode
santu Saturnu e co-nde
€ ‹ b ›
21 µανδετ κουν παν λιου δ Σ νναη κουν [σερβ] τζιου, ε σσ αντα ην › ›
¿
µ νουσ δ δ ννου b fi
mandete cun paniliu de Sinnai cun [serb]itziu, e ssianta in manus de
donnu
€ › › ›
22 ∆ ου, ε σ ατ λλης δουλ ας ο δικη, ε σιαντα ην [µ ν]ους δ å‡ ¿ b
‹ €
<π>ρεσβ τερε κι αετ σερε. Ε νπερ[α]τ ρ[η] κη λ’α− ä fi
Deu, e siat illis dulias judiki, e sianta in [man]us de <p>resbitere ki aet
esere. E inper[a]tor[i] ki l’a-
¿ õ ¿
23 τη καστικ ρη στα δελεγ ντζια φαγερε κ ντου ν ρατ στα κ ρτα, b ¿ ¿ õ ¿

σ ατ βενεδ ττου ›
ti casticari ista delegantzia e fagere cantu narat ista carta, siat benedittu
¿ € b ¿
24 δ βα ∆ ους δαβα σσ ντα Μαρ α, ε δαβ[α σσ ντ]ου [Σα]τουρνου. › ¿
b fi
Εδ σ τεστιµ νιους δον<ν>ικ λου Μαρι νη, € ¿
daba Deus e daba ssanta Maria, e dab[a ssan]tu [Sa]turnu. Ed es.testi-
monius don<n>ikelu Mariani,

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328 EDUARDO BLASCO FERRER

€ O fi
25 δον<ν>ικ λου ’ ρτζ κορ, δον<ν>ικ λου Τζ ργης λ κουσαλ[βα]τ ρη, € € fi fi
€ a
δον<ν>ικ λου Κοµητ , δον[η]κι Γουν ρη, δο− ¿
don<n>ikelu Ortzocor, don<n>ikelu Tzergis locusal[ba]tori, don<n>
ikelu Comita, don[i]ki Gunari, do-
€ €
26 ν<ν>ικ λου Π τρου, δον<ν>ικελου Τουρβενω, δον<ν>ικ λου Μαρι νη, € ¿

δον<ν>ικ λου Τρογοτ ρη. È κ λ’ατ α νβ ρτερε fi ‹ ä €
n<n>ikelu Petru, don<n>ikelu Turbeno, don<n>ikelu Mariani, don<n>
ikelu Trogotori. E ki l’at a inbertere
27 ¿πατα àν¿θε α àβα Π¿τρη bδ Φ›λιου
Ì ‹
ε σΣπ ριτου σ ντου ¿ b δε
σ¿ντα Μ¿ρ›α b δb δÒδεκη α−
apata anatema aba Patri ed Filiu e sSpiritu santu e de santa Maria e
de dodeki a-
fi
28 π στολους b €
16 προφ τας, 24 σενιο ρες, 3[18] σ ντο[υς] π τρες, ε ‡ ¿ ¿
fi
σσ ρτη κουν Ιο δα τραδιτ ρη. ‡ fi
postolus e 16 profetas, 24 seniures, 3[18] sant[us] patres, e ssorti cun
Iuda traditori.
› › ò ò ¿
29 Φ ατ, Φ ατ, Αµεν. Ε φ τζαντα µ σσας σο ας πρ νηµα δ π τρη µ ου › Ü e¿ b ¿ €
Fiat, Fiat, Amen. E fatzanta missas suas pro anima de patri meu
å‡ fi ¿
30 ο δικη Ορτζ κορ α σσ ντου Σατο ρνου ην [ησας] διες δε αγο στου ‡ ‡
¿
κ ντου φο τι µ ρτου, ‡ να− fi ba
judiki Ortzocor a ssantu Saturnu in [isas] dies de agustu cantu futi
mortu, e a na-
¿ b ¿
31 τ λε δ σ ντου Σατο ρνου, ‡ ba
ννατ λε ∆οµηνου, [ε α] σσ β[α]το δε ¿ ¿
¿
καρρισεκ[ ρη ε α] λλουνις δ − b
tale de santu Saturnu, e a nnatale Dominu, [e a] ssab[a]to de carri-
sec[ari e a] llunis de-
¿ Ö b
32 πους Π σχα πιτζ ν<ν>α δε τ ττα [η]σ ττερα κ ωσα ε [φ] τζαντ fi ’¿ ¿ ¿
ÛÂÚ‚›Ù˙ÈÔ [α]ÓÙÂ ‰b ¢[ ου]ς προ σσ δε− € b €
pus Pasca pitzin<n>a e de totta [i]s’attera causa e [f]atzant serbitzio
[a]nte de D[eu]s e pro ssed-
¿ ‹
33 η σ ντα δε κλ σια. Αµην, γενοιττο, γ νοιτο. €
i santa de clisia. Amen, genoitto, genoito.

Apparato
1 Croce greca in avvio di protocollo.
L. integra n dopo l’I iniziale nel testo in caratteri latini, ma il maiu-
scolo greco indica piuttosto che l’omissione è della n iniziale della parola
seguente.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 329

¿
σσ ντω] λσσ ντω ¿
W., M., L. ησπιριτο, benché si legga chiaramente il doppio sigma.
Il testo tra parentesi quadre è stato integrato sulla base dei dati sto-
rici del documento e del formulario stereotipato dei diplomi coevi. Lo
strappo della pergamena si prolunga fino a metà del gerundio potest]ándo,
ma nel facsimile approntato da Wescher e riprodotto dal Monaci si legge
tutta la forma verbale, a nostro avviso ricostruita piuttosto che effettiva-
mente letta (difficile immaginare che la lacerazione si sia allargata in cosí
breve tempo).
-ατε] Nel facsimile di W., dopo la lunga macchia, si legge -ατη, ma
l’ultima lettera è chiaramente -ε.
¿
π ρτη] Una macchia copre l’α. W., e sulla sua scia tutti gli editori,
fi
stampano π ρτη, sospettando che si tratti d’errore di lettura, ma tale non
è, o almeno non è certo.

2 La pergamena ha un taglio orizzontale che ha cancellato tutta la parte


centrale del secondo rigo; s’intravvedono, oltre gli accenti, un K dopo
Caralis, e piú avanti i tracciati frammentari di K, α e separato δ. Assu-
mendo come parametro di riferimento le clausole stereotipate di altre
carte coeve, in particolare campidanesi, si può ragionevolmente ricostruire
per divinatio le parti mancanti come proposto nell’edizione; Pluminus è la
vecchia denominazione del Giudicato di Cagliari.
Dopo σσ seguono due lettere, di cui l’ultima sembra essere ι.

W., M., L. leggono στα, ma la prima lettera è chiaramente ι.
ˆ
προ] ¯ ρο, col pi costruito, come in tanti documenti bizantini coevi
dell’Italia meridionale, con un ω dalle pance non tonde, chiuso in alto da
un tratto orizzontale che collega le aste. Tutti gli editori leggono σρο, e
di conseguenza emendano.

€ ›
3 W., M., L. leggono µ ου, sebbene il tracciato dell’ι sia chiaro (e cfr. µ α
a r.11).
κη σα] W. legge ησα, M. e L. leggono χη σα, ma è chiaramente un
κ dalle gambe abbassate, come nel rigo di sopra.
¿ ¿
δοννικ λια] δοννακ λια, per evidente contaminazione paretimolo-
gica con δοννα da parte d’un copista che non conosceva la lingua.

› ›
4 ανκ λας] ακ λασ: W., M., L. non integrano ciò che è un’evidente omis-
sione dello scioglimento d’un titulus.
Ü
σο αµ] W., M., L. omettono µ, anche se è ben visibile.

φ λιους] W. legge ancora il phi.

λασσ ι] L’integrazione è richiesta dalla morfologia della prima
persona singolare del perfetto nei documenti coevi (cfr. § 9.3.7.).

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330 EDUARDO BLASCO FERRER


5 Dopo λ βερα segue in interlinea un segno che sembrerebbe un omicron
sormontato da un ipsilon.
ελο] W., M., L. βελο senza commento. S’intravvede una lettera, ma è
impossibile identificarla con la lampada a quarzo. Dopo l’o finale c’è
nell’interlinea l’abbozzo d’una nuova sequenza interrotta di lettere.

¿
6 σΣκ ρφαρου] W. confonde il rho in sospensione con un accento.
µουλερη] W. trascrive erroneamente µουλιερε, mentre M., L. corret-
tamente mantengono l’eta finale, ma integrano uno iota nel nesso -λιε-,
non necessario, dato l’esito campidanese ereditario [mul`lεri].

L’integrazione [σουους] di W., M., L dopo φ λι[α] (non -us, come
lesse W.) non pare giustificata, né dal troppo breve spazio occupato dalla
macchia che copre la sequenza mancante, né dal segmento finale residuo
-αu, ben leggibile, tralasciato dagli editori (ma nel facsimile si scorge la
sequenza γβ).

7 W., M., L. integrano Κωστα[ντινω Κορσ]ω, ma lo spazio fra i due nomi


è minimo e consente l’integrazione d’una sola lettera o del nesso omicron-
ipsilon; per noi si tratterà d’un adeguamento dell’antroponimo Gustavus,-
o, d’ampia diffusione nell’alto medioevo.
Dopo il guasto W. legge la sequenza -τλο, ma il τ è inesistente.


8 Μοντισο νου] Sconcertante la lezione [λ]εβοντι ουνου, accolta da
W., M., L.; il nome di luogo, perfettamente leggibile, si può connettere
senza grandi difficoltà coi toponimi del tipo Suni, -e, diffusi in tutta l’isola.

Κλουκαβ α] κλουκα βια, con separazione mantenuta senza ragione
da W., M., L.


9 Κορσου] Κοροσου, prima di φ λια, con o ripetuta per distrazione nella
seconda sillaba.

fi
10 La -ε di παρτζ νε è in interlinea.

ô
11 La lezione ωα è inconfutabile, l’ω ha lo stesso tracciato che esibisce
in απω, e chiude le due pance tonde con la legatura centrale. W., M. e L.
hanno scambiato ω con π, generando peraltro un esito difficilmente giu-
stificabile sul piano evolutivo; si tratta ovviamente di lat. (volgare e medie-
vale) AUA per AUIA (Ernout/Meillet 1985, 62 e DES I 156 con ulteriori
esempi campidanesi antichi di ava), che nella veste scritta avrà guidato il
nostro copista-traduttore a utilizzare un simbolo grafico idoneo a rappre-
sentare la semiconsonante postnucleare originaria.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 331

¿
12 π ρτζο] ζ coperto da macchia (ma nel facsimile di W. e di Monaci la
lettera appare leggibile).
Ò
Γρεγ ρη] L’integrazione è resa possibile perché una basilica di S. Gre-
gorio appartenente ai Vittorini si trova nei territori elencati nella Carta.

13 ¿πo] W., M. e L. trascrivono ¿πω, ma è chiaramente -o finale.


14 σο‡ντου] e piú avanti σ¿ντου] omicron-ipsilon in interlinea.

15 σο‡ντου] omicron-ipsilon in interlinea.


δοννικ¿λια] La vocale protonica ι è coperta da macchia; W. restaura
con α.

16 W., M. e L. leggono E δαλλη nella pergamena, ma il legamento è


diverso da quello ad es. di −δα− in εδ ακουα a r. 11.
’¿
δ ου] L. scrive stranamente a n. 37: «Avo. Dal facsimile anziché
d’αου risulta δονιυ».

fi
17 δ ννου] Il guasto non compare nei facsimili di Wescher e Monaci.
¿
Integriamo κ στηκατ congetturando una banale aplografia dei
segmenti [ka...ka-ku] > [ka...ku] (la -t non si pronuncia innanzi conso-
nante), restauro piú verosimile della ricostruzione proposta da W., M. e L.
καστικου, senza possibile interpretazione morfologica dell’uscita e impe-
netrabile sul piano semantico.


18 α σ µητα] W., M. e L. non scorgono il sigma legato a ε, preceduto da
un altro simbolo che secondo noi è un alpha mal eseguito.
¿
πρ δη] L’esecuzione del delta pare essere stata condotta in due
tempi, sicché il legamento con l’eta è mal riuscito, e il grafema si può
confondere con un sigma.

βουρδο ρη] L’integrazione di ρ, caduto per guasto nel segmento
aggiunto in interlinea, dà significato compiuto a una parola finora non
compresa: burduri sarebbe, come burdúmini, un derivato nominale col
significato di ‘rami inutili, secchi delle piante’ (Casciu 1999, 90); il signifi-
cato del contesto acquista cosí chiarezza: le terre da coltivare (sémita)
devono essere ben sorvegliate e curate (cástigat), affinché non vi crescano
delle erbe (pradi) o arbusti secchi (burduri), né soffrano la siccità (siti).

19 La sequenza, interrotta da guasto, δεηλλ[...]λλα può essere sanata ragio-


nevolmente postulando il verbo dare e il lessema villa, cosí come in altre
carte o parti del manoscritto; W., M. e L. separano δε ηλλ[α], sequenza che
non ha senso, e lasciano inalterato il segmento finale di βιλλα.

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332 EDUARDO BLASCO FERRER


α Νηασ λη ε] L’emendatio è ardua, ma il verbo al plurale che segue
nel r. 20 suggerisce d’integrare una congiunzione coordinativa nella
lacuna, e di conseguenza d’interpretare il segmento che la precede come
il toponimo attinente al podere di Turbeni menzionato prima.

¿
20 σ ντου] omicron-ipsilon in interlinea.
fi fi
κ νδε] κ νδο per mero lapsus calami; l’emendamento è sorretto
da numerose combinazioni di clitico dopo congiunzione o preposizione
(kene-nde e lo stesso co-nde).

€ €
21 µανδετ ] µανδεστ , con accento che sormonta quasi letteralmente
l’ultima vocale. Emendamento giustificato dalla morfologia del presente
del verbo mandari alla 3. persona.
‹ ‹
παν λιου] W. legge παρ λιου.

22 δουλ›ας] La curva destra dell’υ che sormonta o è visibile nel mano-


scritto; il corpo dell’ο è piú stretto della vocale quando è piena e da sola;
non sarebbe peraltro spiegabile il doppio accento che segnano Wescher e
Monaci nei facsimili.

πρεσβ τερε] Scritto in maiuscolo.
ä fi
νπερατ ρη] L. legge nel manoscritto ηνπορτορ (nota 52), ma l’ε
sembra chiaro.

¿
23 δελεγ ντζια] δελεγαντζια σιατα βενεδιττ. Le ultime due parole can-
cellate con due tratti orizzontali.
καντου] omicron-ipsilon scritto nel soprarrigo.
βενεδιττου] Con secondo nesso omicron-ipsilon che sormonta l’ι.

24 Nei facsimili di Wescher e Monaci si leggono piú lettere nella sequenza


sanctu Saturnu.

25 δονηκι] W. e L. integrano δονηκελου, ma il guasto s’arresta a pochi


mm. dallo iota, senza peraltro lasciare spazio a lettere scomparse. È pos-
sibile, dunque, che si tratti di mero lapsus del copista per un ulteriore
δονικελου, perché la voce è un hapax legómenon.

26 W. legge τουρβ νι. €


ä €
νβ ρτερε] Con ε finale di dimensioni piú grandi soprascritto in fin
di rigo.

27 àν¿θεµα] àν¿θενια, con accento chiaramente sul secondo α.


àβα] àβ e alpha soprascritto.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 333

fi fi
28 τραδιτ ρη] τραγιτ ρη, per lapsus, se non si tratta, nell’originale, di
scambio della fricativa dentale con la velare, fenomeno frequente in sardo.

¿
30 σσ ντου] omicron-ipsilon soprascritto in corpo piú grande.

αγο στου] omicron-ipsilon soprascritto in corpo piú grande.
¿
κ ντου] omicron-ipsilon soprascritto.
fi
µ ρτου] omicron-ipsilon soprascrito.

31 σ¿ντου] omicron-ipsilon soprascritto.


Σατο‡ρνου] seguito da macchia che cela una lettera cancellata, forse
un lambda.
καρρισεκ¿ρη] Il secondo rho, costruito in interlinea col simbolo d’un
apparente nesso omicron-ipsilon, non è stato avvertito da W., M. e L.; la
voce corrisponde nella sua interezza al sardo comune carrisecare ‘Quare-
sima’, da ‘tagliare, levare la carne’.
ε] Segue un lambda erratico, forse dovuto ad anticipazione di llunis.

¿
32 ησ’ ττερα] L’integrazione di η è del Wescher, e trova supporto
nell’ησα di r.13.
¿
κ ωσα] Con omega leggibile con la lampada a quarzo, ma non si
scorge neanche a occhio nudo il rho disegnato nei facsimili (e W. trascrive
καροσα, che non dà senso).
¿
φ τζαντ] L’integrazione della lacuna meccanica è garantita dal senso;
W., M. e L. lasciano inspiegabilmente l’atzant del manoscritto, che resta
impenetrabile.
› b € › b
σερβ τζιο αντε δ ∆ ους] ντε σερβ τζιο δ ∆ς: emendiamo una chiara
svista del copista, il quale ha spostato αντε (con ε soprascritto) prima di
serbitziu, togliendo ogni senso al sintagma preposizionale, che è il sardo
ant. ante de, innanti de, mod. innantis de ‘innanzi a, davanti a (Dio)’.

33 Seguono tre terne di segni di croce, che secondo il Wescher (1874,


n.33) rappresenterebbero altrettanti signa testium, corrispondenti ai nove
testimoni elencati ai rr. 24-26. Meno persuasiva l’ipotesi di Ettore Cau
(2000, 397), che vi ravvisa delle abbreviazioni di Amen.

5. Commento storico

5.1 Commento generale


Il contenuto del documento riguarda la conferma solenne di ampie
concessioni elargite dal Giudice Orzocco-Torchitorio alla chiesa di San
Saturno, sotto la giurisdizione dell’arcivescovado di Cagliari. Autore della

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334 EDUARDO BLASCO FERRER

renovatio è il figlio Costantino-Salusio II, che alle donazioni del padre


aggiunge l’assegnazione di fondi propri, in parte anche gestiti fino a quel
momento da un amministratore della corte (armentariu de rennu), in cam-
bio di messe e riti per l’anima del padre defunto, da celebrare ad ogni
anniversario della morte e in determinate feste religiose. Erano presenti
come testimoni dell’atto nove fratelli del Giudice, chiamati anche a conva-
lidare altri documenti rogati durante la reggenza di Costantino(11). La ste-
sura del diploma è posteriore all’atto di concessione ai monaci vittorini da
parte di Orzocco dopo il 1080 delle chiese di San Giorgio a Decimo e di
San Genesio a Uta, località poco distanti da Cagliari, atto rinnovato da
Costantino nel giugno del 1089, consenziente l’arcivescovo di Cagliari Gia-
como(12). L’intento del Giudice Orzocco era stato di favorire l’ingresso dei
Benedettini di Marsiglia, affinché essi fondassero un monastero nel terri-
torio del Giudicato, e la donazione, assai contenuta, doveva dimostrare
che egli, pur aderendo ai progetti della Curia romana, non voleva contra-
stare le ambizioni dei prelati isolani. D’altro canto, la redazione della Cgr
deve necessariamente essere anteriore alla seconda metà del 1089, allor-
ché lo stesso Giudice Costantino, con la moglie Giorgia, sollecitato dal
legato pontificio Lamberto, donò con la formula «ob remedium animae
meae» all’abate Riccardo di San Vittore, rappresentato nell’isola dai due
monaci Bernardo e Ugo, la ricca chiesa di San Saturno con le sue perti-
nenze per la fondazione del monastero. L’atto, che sanciva ufficialmente la
penetrazione dei Vittorini nel capoluogo sardo, fu rogato durante la
vacanza del seggio arcivescovile dopo la morte del prelato Giacomo, fatto
che destò successivamente una forte ostilità da parte degli ecclesiastici
sardi nei confronti dei monaci marsigliesi, ai quali passavano in questo
modo ingenti patrimoni di beni e terre e servi, nonché una parte delle
decime riscosse prima dai vescovi(13). Da un altro documento conservato

(11) Schultz-Gora 1894, 148 riporta una serie di documenti, databili tra il 1089 e il
1103, in cui ricorrono quasi tutti i testimoni menzionati della Cgr.
(12) Cfr. Boscolo 1958, 36 e Motzo 1987, 161-162, Anatra 1997, 26-28.
(13) Il documento in questione è riprodotto da Guérard 1857 II, n. 1006 e da Tola
1861 I, 161, da cui noi lo trascriviamo (in corsivo gli emendamenti): «In nomine
Domini. Notum sit omnibus fidelibus de gremio sanctae matris Ecclesiae. Ego
Constantinus gratia Dei rex et iudex Calaritanus ob remedium animae meae, et
parentum meorum, et filiorum meorum, dono, concedo Domino Deo, et sancto
Victori martyri, et domno Richardo, et monacis eius in monasterio Massiliensi,
tam praesentibus quam futuris, ecclesiam sancti Saturnini cum suis appenditiis,
in potestate et dominio, ut monasterium ibi secundum Deum construant, et
habitantes secundum regulam sancti Benedicti vivant, et morentur, bonos
ad honorem Dei congregent, malos vero disperdant, et eradicent. Dono igitur

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 335

negli archivi di San Vittore(14) si deduce che già attorno al 1090(15) la


chiesa di San Saturno era officiata regolarmente dai monaci vittorini, cui
risultavano annessi ulteriori santuari nei dintorni di Cagliari.
Dai dati riportati fin qui è possibile inferire l’anno 1081 quale ter-
mine post quem, e la seconda metà del 1089 quale termine ante quem per
la redazione dell’originale della Cgr (e secondo Casula essa cadrebbe nei
primi mesi di quest’ultima data)(16).

5.2 Commento dei nomi di persona e luogo


2 Pluminus: denominazione encorica del Giudicato di Cagliari (Besta
1908 I, 70; Casula 1980, 98), che compare piú volte nelle intitolazioni dei
giudici campidanesi (Solmi 1905a, carte XI, XII, XIII, XIV).

praedicto monasterio s. Saturnini ecclesiam sancti Antiochi, quae est in Palma,


et ecclesiam sancti Vincentii de Sigbene, et ecclesiam sancti Evisi de Mira, et
ecclesiam sancti Ambrosii de Uta, et ecclesiam sanctae Mariae de Gippi, et
ecclesiam sanctae Mariae de Arco, et ecclesiam sancti Eliae de Monte, cum
omnibus quas habere videntur vel ad eas pertinent, mobilibus, et immobilibus,
terris tam cultis quam incultis, vineis, pratis, silvis, pascuis, servis et ancillis, cum
omnibus animalibus eius, jumentis, bobis, vaccis, ovibus, ircis, capris, porcis.
Dono insuper medietatem decimae meae ex integro praefato monasterio sancti
Saturnini. Haec omnia quae praedixi bono animo, et ex bona voluntate mando
et praecipio, ut inconcussa in perpetuum, firmaque permaneant, tali tenore, ut
neque abbas, vel successores eius Massilienses alienandi vel tra[n]smutandi in alo-
dium vel feodium alteri ecclesiae, vel alicui personae habeat potestatem. Quod
si ego, vel aliquis successorum vel heredum meorum, seu aliqua persona hanc
donationis cartam infringere, aut annullare temptaverit, sive, quod absit, huic
dono et praecepto meo obviare sive contraire praesumpserit, nec hoc valeat
vendicare, sed insuper iram Dei omnipotentis incurrat, atque anathematis vin-
culo obligatus, a liminibus sanctae universalis Ecclesiae segregetur, nisi resi-
puerit. Ad haec etiam mille libras argenti optimi se noscat compositurum, hac
carta firma, et stabili permanente. Ego Wido notarius domini regis, ac jussione
domini Constantini regis et iudicis scripsi. Anno ab incarnatione Domini mille-
simo octuagesimo nono, indictione decima. Constantinus rex et judex firmavi».
(14) Cfr. Guérard 1857 II, n. 1010: «c. 1089. In nomine Domini. Ego Constantinus,
gratia Dei judex Karalitanus [...] cum uxore mea Jorgia, et filio meo Mariano
judice, et fratribus suis, et matre mea domina Vera, et fratribus meis Cerce [ms.
Cercle] et Comitano et Gonari et Turbinnio et ceteris fratribus, dono Victori
Massiliensi martiri et sancto Saturno et abbati Richardo et monachis Massi-
liensibus in monasterio ejusdem sancti Saturni Kalaris habitantibus, ecclesiam
sancti Luciferi de Pau, cum ecclesia sancte Marie ad Vineas et cum aliis eccle-
siis et omnibus ad se pertinentibus [...]».
(15) La datazione è stata precisata da Boscolo (1958, 38).
(16) Schultz-Gora (1894, 149) proponeva il periodo 1089-1103, senza tener conto del
documento successivo di assegnazione della chiesa di San Saturno all’ordine
vittorino; Motzo (1987, 162 n.1) preferiva una data piú vicina al 1088, prece-

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336 EDUARDO BLASCO FERRER

3 Torgotori: è il nome dinastico di Orzocco, padre dell’autore della


Cgr, Costantino-Salusio; secondo le genealogie, egli sarebbe vissuto fino al
1089 (fino all’agosto di quell’anno, secondo la stessa Cgr), data da cor-
reggere con 1081 secondo quanto è stato detto alla nota 16, e la sua prima
menzione risalirebbe al 1058 (Brook et al. 1984, 79, tav. III/3). D’accordo
con una decifrazione onomastica condotta dallo Schultz-Gora (1894, 144-
147) e approfondita da Arrigo Solmi (1905b, 15-18), il nome che compare
nell’incipit e nell’explicit dei documenti della cancelleria ad indicare il
Giudice che esprime la iussio è regolarmente il nome di governo, ossia il
nome dinastico riprodotto nel sigillo, distinto dal nome privato che può
occorrere saltuariamente nella dispositio, come accade nella Cgr. Ora, la
serie degli arconti-giudici cagliaritani esibisce un avvicendamento molto
distintivo fra i nomi dinastici o pubblici di Torchitorio e Salusio, già sin
dalle prime iscrizioni medioelleniche dei secoli X-XI(17). Per l’etimologia,
ancora discussa di Trogotori (o anche, in altri documenti latini e sardi,
Torquitori, Torkotorius, Torcator), cfr. Paulis (1983, 186).
Santu Saturni: si tratta della basilica di San Saturno (in campidanese,
già nei testi del sec. XII, Santu Saturru/Sadurru), menzionata in quanto
martyrium caralitano nella Vita Fulgentii attribuita a Ferrando da Carta-
gine. Il martire, secondo una folta tradizione manoscritta in parte inedita,
sarebbe stato ucciso dai pagani nel 304 e quindi sepolto nel luogo dove
s’edificò piú tardi la basilica. L’autore della Vita di Fulgenzio, vescovo di
Ruspe, racconta che il presule esiliato in Sardegna dai Vandali ariani per
la sua fede ortodossa giunse a Cagliari per la seconda volta nel 519 e vi
edificò un monastero iuxta basilicam sancti martyri Saturnini. San Satur-

dente la morte dell’arcivescovo Giacomo e del Giudice Torchitorio; Casula (in


Brook et al. 1984, 173 n.146), in un lavoro inedito, prospetta come data «i sei
primi mesi del 1089», e conferma tale datazione nel recentissimo DiStoSa
(2001, I, 484). Utili indicazioni sulla data di stesura dell’originale si possono
ricavare dalla lettera che l’Arcivescovo Guglielmo scrive al Papa Gelasio II tra
i mesi di luglio e settembre del 1118. Come ha giustamente evidenziato l’edi-
tore, Raffaello Volpini (1986, 230-232, testo a pp. 262-264), nelle lamentele
dell’Arcivescovo per la sempre piú profonda intrusione dei Cassinesi nel terri-
torio amministrato dalla Curia, il prelato sardo ricorda la prima donazione del
Giudice Orzocco-Torchitorio I a Montecassino risalente al 5 maggio 1066, e
aggiunge piú avanti, con riferimento a codesto sovrano, che egli per XVcim
annos et plus postea vixit. La data di morte del padre di Costantino-Salusio II
si può dunque assegnare all’agosto del 1081, e la redazione della Cgr dovrà
necessariamente essere compresa fra questa data e il 1089, data della renova-
tio (cosí anche Cau 2000).
(17) Cfr. Guillou 1988, 404-410; 1996, 235-241; Cavallo 1988, 470-476 e appendice;
Coroneo 2000, 16-20.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 337

nino è il patrono del capoluogo sardo e la sua ricorrenza, il 30 ottobre,


viene festeggiata. Notizie accurate sulla tradizione agiografica offre il
Motzo (1987, 157-186), e una descrizione dettagliata della basilica, con
ottimo corredo fotografico, si trova in Coroneo (1993, 28-34) e Spanu
(1999, 51-60).
Cluso: podere con al centro un aggregato rurale, situato nel territo-
rio dietro lo stagno di Cagliari, dove allora si trovava la capitale del Giu-
dicato e dove era stata edificata la chiesa di Santa Maria di Cluso (cfr.
Milia 1988, 213-214).
7 Giani: antroponimo molto diffuso nelle aree di Seulo e Barúmini
(Ghiani, Chiani), ben documentato in sardo antico e di chiara estrazione
¿
bizantina (κυ νεος ‘azzurro cupo, fosco’, detto del manto morello di
equini e bovini; cfr. Paulis 1983, 25).
8 Orkeso: sta per Orkesu o Urkesu, Herkunftsname derivato probabil-
mente da (B)orcei, Burcei, piccola località nei pressi di Cagliari in dire-
zione di Castiadas (per il quale si veda la recente monografia storica di
Ortu 2000).
Montisunu: composto di monte piú il toponimo Sunu, che può essere
variante o corruttela del ben diffuso Sune o Suni, attestato anche in area
centro-meridionale (Sella 1945, num. 308,805,1277; Tola 1861 II, 833; Pau-
lis 1987, 447; Wolf 1988, 14).
Clucabia: forse deformazione di *crucabia ‘crocevia’, in sardo odierno
(c)ruca(da) de bia [rukra`βia]; si tratterebbe, secondo questo restauro,
d’una specificazione del toponimo precedente (l’ipotesi pare confortata da
denominazioni analoghe composte con bia, ad es. Domestica super Vias o
petium unum terre vocatum Socha Inter vias, nell’inventario trecentesco
pisano di possedimenti galluresi; cfr. Artizzu 1966, 288-289). Nel ms. i nessi
[pk]+[l] mantengono tutti la liquida (platza, clisia), e perciò una forma
ipercorretta con <cl> per [kr] sembra plausibile, anche se la confusione fra
l e r non appare cosí precocemente documentata.
10 Canale de Tufu: microtoponimo nei pressi di Quartu S.E.
12 Setzale: villa della curatoria del Campidano di Cagliari, dislocata
nei pressi dell’odierna Selargius; cfr. Casula (1980, 94: Sesula o Sezale, con
indicazione topografica).
Gregori: si tratta della località di Gregori de Arriu, non lontana da
Monserrato.
13 castro de Mugeti: secondo Boscolo (1958, 34), «la località di Cas-
tro de Mugete o Nugete, tra Quartucciu e Settimo San Pietro, ha oggi il

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338 EDUARDO BLASCO FERRER

nome di Piscina Muscedda o Nuscedda, che è rimasto a un fiumicciattolo


della zona», e «in epoca bizantina vi esisteva un castrum, ancora efficiente
e tale da poter essere un’utile fortezza in epoca giudicale, non lontano dal
rio Cuba» (1985, 40). Il microtoponimo di cui si parla nella Carta si trova
situato a Capitana, a pochi km. da Cagliari in direzione di Villasimius.
14 Kellarius: toponimo identificabile con l’odierna Selargius, impor-
tante centro medievale di raccolta e deposito del grano.
16 Plátages: si tratta della località di Plátais di Castiadas, situata nella
curatoria di Colostrai o Tolostrai (Casula 1980, 99 e 2001, II, 1217). Le
prime attestazioni del nome di luogo sono Platais a. 1316, nel registro
delle rendite pisane edito da Artizzu (1958, 57) e Plateys de Castiades a.
1358, in un documento dell’Archivio della Corona d’Aragona pubblicato
da Bofarull y Mascaró (1856, 783).
Sinnai: località divenuta un grosso comune dell’hinterland cagliari-
tano; nella sua circoscrizione sono compresi diversi microtoponimi della
Cgr (cfr. Paulis 1987, 339-342, sprovvisto tuttavia dei nomi di luogo non
registrati nei quadri catastali).
17 Mariani: è il nonno (A(U)UM) di Costantino, vissuto prima del 1058
e sposato con Jorgia di Setzale, già menzionata. Compare in un’epigrafe in
lingua e grafia bizantina incisa fra due bande tripartite di due frammenti
di parallelepipedo in marmo bianco ritrovati fra i ruderi d’una chiesa
tra Villasor e Decimoputzu; l’iscrizione celebra la commitenza della diar-
chia arcontale, composta da Torcotorio e Salusio, e di Ortzoccor. Testo:
‡ ‹ á ‡ Ü Ü
«Κ( ρι)ε βο θει τ ν δο λων το Θ(εο) Τουρκοτουρ ου βασ(ιλικο › Ü
› d › á â
πρωτο)σπαθ(αρ ον) κα Σαλουσ ου τ ν υγενεστ των ρχ ντων µ ν¿ à fi ìá
àc ‹ ‡ d Ü ‡ ’ fi à c
µ ν. Μυ σθητι Κ( ρι)ε κ(α ) το δο λου σου Ορτζοκ ρ µ ν» (cita-
zione in Coroneo 2000, 217; interpretazione culturale sulla funzione «di
prestigio, di distinzione, di segno» in Cavallo 1988, 476). Il titolo di
arconte, che ricorre nell’iscrizione, è dato in età bizantina «al capo d’una
regione o d’un’unità amministrativa non affidata né amministrativamente
né militarmente né in diversa maniera ad altro funzionario di grado piú
elevato. Come per la Croazia o la Serbia nei Balcani, l’Armenia e il Vas-
purakan nel Caucaso, Gaeta o Amalfi in Italia, l’arconte di Sardegna era
a capo di una regione formalmente considerata bizantina, ma difatto posta
al di là delle frontiere dell’impero di Bisanzio. Nel secolo X l’arconte
poteva portare un titolo aulico, come quello di protospatario (‘primo por-
taspada’), il cui conferimento comportava il versamento di una somma
importante allo stato e l’assegnazione di uno stipendio annuo fisso»
(Guillou 1988, 348). Con Mariano-Salusio I si apre ufficialmente il ramo
genealogico documentato della casa dei Lacon-Gunali, composto, per la

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 339

stratificazione che ci concerne, come segue (Brook et al. 1984, 78, tav. III,
con l’emendamento discusso alla nota 16):
Mariano-Salusio I ~ Jorgia di Setzale
(ante 1058)
Orzocco-Torchitorio I ~ Vera
(-1058-1081)
Costantino-Salusio II ~ Jorgia di Lacon-Gunali
(-1081-1103-).
19 Salusi: è il nome dinastico di Costantino, autore del diploma. Nelle
fonti tardolatine, segnatamente africane, si trovano i gentilizi Salutius e
Salusi, Salusis, con la riduzione tipica africana -IUS > -IS, già evidenziata
con copia di materiale onomastico da Gian Domenico Serra (1952, 418;
Blasco Ferrer 1992, 48).
Niáseli o Neáseli: corrisponderebbe, secondo noi, al microtoponimo
alto-ogliastrino Nésili (cfr. carta dell’Istituto Geografico Militare IV, 219 e
Loddo 1998, 328 e 336 per i microtoponimi attuali di Nésili e Curcuzza,
quest’ultimo noto anche come Silimba de Carcas o Carcassa, tra l’agro di
Locèri e Ilbòno; inoltre Paulis 1987, 439), compreso nel territorio di
Ilbono. È bene rammentare a questo proposito che la giurisdizione dei
Giudici cagliaritani s’estendeva fino all’estremo nordorientale dell’Oglia-
stra, abbracciando i territori piú settentrionali di Urzulei e Villagrande
Strisáili (Casula 1984, 1036 per i comuni della curatoria dell’Ogliastra, e
già Sella 1945, num. 668, 2162, 2206). In territorio di Ilbono compaiono
significativamente i microtoponimi Carcasso (= Curcaso?) e Tiriargiu, deri-
vato di Tiria, che è anche appellativo comune per la ‘ginestra spinosa’ (cfr.
Paulis 1992, 297-300 per [ti`ria] ‘piante spinose, con fiore papilionato’).
22 Curcaso: si tratterà, secondo noi, di mera variante del precedente-
mente menzionato Curcas (r.17), toponimo di vasta diffusione nel Logu-
doro e nel Campidano (Wolf 1988, 35, note 523 e 527, con ingiustificata
discriminazione dei due allomorfi, che nel nostro testo compaiono con
riferimento alla stessa persona).
30 Ortzocor: nome personale del padre di Salusio, Ortzoc(c)or-Trogo-
tori (o: Orzocco-Torchitorio), autore della prima carta scritta in sardo
campidanese (ca. 1066-1074), conservata in copia quattrocentesca nell’
Archivio Arcivescovile di Cagliari.

6. Commento codicologico
La pergamena si trova, com’è stato anticipato, nel fondo manoscritti
di Saint-Victor 1, serie H 88, numero 427 degli archivi dipartimentali di

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340 EDUARDO BLASCO FERRER

Bouches-du-Rhône a Marsiglia. Essa misura 47 x 44 cm. e mostra nume-


rose lacerazioni lungo l’antica piegatura al centro, nonché uno strappo oriz-
zontale per quasi tre quarti della seconda riga. Il bordo inferiore è stato
resecato appena sotto l’ultima riga, e perciò non ci sono indizi che possano
avallare l’esistenza d’una plica da cui pendesse una bulla deperdita; le
dimensioni assai regolari del foglio piegato suggeriscono piuttosto che la
pergamena avesse in origine le misure che ha conservato. Non è possibile
verificare se sopravvivono tracce di annotazioni dorsali, perché un restauro
recente ha consigliato l’incollatura del verso su supporto cartaceo.

7. Commento diplomatistico
Il diploma di Marsiglia rispetta nel complesso i caratteri intrinseci dei
documenti solenni emanati dalle cancellerie giudicali sarde, ma denuncia
nell’ordinamento delle parti una vistosa anomalia che costituisce, secondo
noi, una prima spia sicura della sua gestazione come copia(18).
(1) Il protocollo è avviato dall’invocatio, corrispondente in toto a quella
comunemente adoperata nei documenti greci della Sicilia bizantina(19).
(2) L’intitulatio ricalca interamente la formula di legittima autorità del
Giudice che si ripete in quasi tutte le carte volgari dei secoli XI-XIII e
che riproduce lo schema codificato degli ultimi sigilli d’età bizantina,
ô
quando il potere militare e politico passò dall’ ρχων che regnava su una

regione o µ ρος al iudex che governava una parte, o nella fattispecie uno
dei quattro Giudicati sardi(20). In effetti, l’espressione (r.1): (Ego) judiki
Salusi (, per boluntati de donnu deu,) potestando parte de Caralis, trova
fedele riscontro nelle leggende impresse sul rovescio delle bolle plumbee
ritrovate in Sardegna o negli archivi continentali (anche nell’archivio mar-
sigliese, che ne serba un esemplare del sec. XI), le quali recano il testo:
CΑ/ΛΟΥCΙΩ / ΑΡΞΟΝΤΙ / MEPEI[AC] ΚΑ/ΡΑΛΕΟC.
(3) Anche nella dispositio il nostro diploma si allinea perfettamente
con gli schemi prestabiliti dalle cancellerie giudicali nell’esposizione dei
cespiti donati, con la specificazione dei confini o col riferimento ai topo-

(18) Seguiamo qui l’articolazione canonica stabilita dai manuali di diplomatica e


dagli studi specifici sui diplomi sardi; cfr. Giry [1894] 1925, 433-470; Pratesi
1979, 67-80; Bresslau 1998, 731-776; Solmi 1905b, 29-31; Casula 1974, 51-81.
ç fi È Ü e
(19) Cfr. già Giry 1894, 532 e Solmi 1905b, 25: ’Eν ν µατ το πατρ ς κα το υ ο d Ü ›Ü
d Üê›
κα το ‡
γ ου πνε µατος.
(20) Per il confronto fra l’intitulatio nelle carte e la corrispondente decifrazione sfra-
gistica si vedano fra altri: Schlumberger 1884, 222-230 e Bascapé 1969, 165-182.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 341

nimi, nell’elencazione dei testimoni e in generale nella composizione delle


parti libere(21).
(4) La sanctio positiva contiene ugualmente una struttura testuale che
spesso trova riscontro nelle carte coeve: basti qui un confronto cursorio
col testo della carta del 29 ottobre 1113, relativa all’affiliazione della
chiesa di San Nicola di Trullas all’eremo di San Salvatore di Camaldoli
(Schirru 1999, 76): «Et si quis ista carta audire voluerit, et nostras ordi-
nationes confortaverit, et dixerit quia bene est, habeat benedictionem de
Deum patrem omnipotentem, et de sancta Maria mater Domini nostri
Iesu Cristi, et habeat benedictionem de omnes ordines angelorum, evan-
gelitarum, martyrum, confessorum, atque virginum et de omnes sanctos et
sanctis Dei. Amen. Fiat».
(5) La sanctio negativa è molto caratteristica dei documenti pubblici
sardi, ed ha perciò uno schema fisso, probabilmente ereditato dalla tradi-
zione bizantina, consistente in una clausola comminatoria dove si accol-
gono gli anatemi contro i violatori del contratto, invocando il sostegno dei
318 padri del primo Concilio di Nicea, accompagnati da profeti, anziani e
apostoli(22). Un utile confronto si può avere con la carta semivolgare ante-
riore al 30 maggio 1112 rogata ad Ardara, nella quale Costantino I di
Lacon, Giudice di Torres, dona all’eremo di San Salvatore di Camaldoli la
chiesa di San Pietro con tutte le sue pertinenze (Schirru 1999, 61): «Et si
quis ista carta de[s]truere aut esterminare voluerit, sibe rex, sibe regina,
sibe donnicello, sibe curatore, vel qualecumque libet homo, istrumet Deus
nomen suo de libro vite, et carne eius disrunpant bolatilibus celi et bes-
tiis terre, mittat in eis Dominus mortem papelle et deleantur de isto
seculo citius, et habeat maledictionem de Deum patrem omnipotentem et
de sancta Maria matrem Domini nostri Iesu Cristi et habeat maledictio-
nem de III patriarcas Abraham, Isaac et Iacob, et de IIII evangelistas
Marcus et Matheus, Lucas et Iohannes, et habeat maledictionem de XII
apostolis, et de XVI profetas, et habeat maledictionem de XXIIII seniores,
et de CCCXVIII patres, et habeat maledictionem de CXLIIII milia mar-
tyres, qui pro Domino passi sunt, et habeat maledictionem de Gerubin et
Seraphin qui tenent tronum Dei, et de omnes sanctos et sanctas Dei.
Amen. Amen. Fiat. Fiat».

(21) Cfr. Casula 1974, 67 n.166.


(22) Cfr. Solmi 1905b, 25, con riferimento alle formule deprecatorie dei documenti
siciliani, e Casula 1974, 68-72, con ulteriori esempi sardi e modelli franchi
affini.

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342 EDUARDO BLASCO FERRER

(6) L’escatollo ospita soltanto l’apprecatio in veste duplice, in latino


con la solita sequenza Fiat. Fiat. Amen, e in greco con l’aoristo ottativo di
› €
γ γνοµαι, γ νοιτο, forma corrispettiva del lat. fiat et del sardo siat.
La sequenza delle parti qui sopra descritte costituisce ovviamente la
norma nella diplomatica medievale, sicché desta molta perplessità l’ab-
norme interpolazione della noticia testium (rr. 24-26) fra la sanctio positiva
e la sanctio negativa (23). Un siffato errore d’anticipo può trovare ragione,
a nostro avviso, soltanto nel fenomeno della copia: l’estensore del testo
è stato fuorviato dal segmento iniziale delle due formule comminatorie
(r. 22/23: ki l’ati + verbo = fine r. 26: ki l’ata + verbo), e pensando d’aver
ricopiato entrambe ha inserito i nomi dei fratelli del Giudice. Soltanto
dopo aver concluso la lista dei testimoni, egli s’è reso conto dell’abbaglio
e ha inserito la sanctio negativa.

8. Commento paleografico
Le poche note paleografiche che seguono si basano sulle corrispon-
denze grafiche segnalate nei manuali di paleografia greca(24), nonché sulla
succinta descrizione fornita nel 1874 dal Wescher. Forniscono infine un
utile sussidio le fonti documentarie italiane meridionali coeve.
La scrittura è in inchiostro marrone scuro, evanida in piú punti per
trattenimento d’umidità, ma ravvivata dall’impiego della lampada Wood,
e corre parallela al lato minore della pergamena. Lo specchio di scrittura
è delimitato con rigatura a secco.
In generale, la mano che ha vergato la carta mostra un ductus abba-
stanza accurato, ma veloce e disomogeneo nel modulo e nell’andamento
di piú lettere e nessi, forse a causa di condizioni di fretta e d’attenzione
variabile nell’esecuzione. Soprattutto l’incostanza degli accenti e degli spi-
riti, in particolare la loro scorretta collocazione in sillabe successive a
quelle cui essi corrisponderebbero, tradiscono certamente una certa fret-
tolosità nella stesura, ma anche una scarsa dimestichezza con la lingua del
modello. Un ulteriore elemento perentorio dell’alterità del codice lingui-
stico da cui si copiava emerge dalla sorprendente accentazione doppia di
voci che lo scriba considerava composti o univerbati o persino unità auto-
nome rese nell’antigrafo in scriptio continua.

(23) Già Bresslau in modo apodittico avverte che la noticia testium sta tra la sanctio
e la corroboratio o precede comunque l’escatocollo (1998, 857).
(24) Cfr. Montfaucon [1708] 1970, Schubart [1925] 1966, Mioni 1973, Massa P. 1974,
Thompson 1977, O’Callagahan 1988, Brown 1990, Stiennon 1991.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 343

Si notino ora particolareggiatamente alcuni esempi riguardanti i feno-


meni appena enunciati:
(1) Il nesso omicron-ipsilon è composto in genere mediante l’aggiunta
di due apici sull’o, anche se non mancano esempi di scrittura distesa, ma
a r. 21 κουν non conserva piú traccia del secondo elemento, essendo
l’ipsilon una ripetizione o un prolungamento del grafema che lo precede;
e per restare in una posizione vicina, si noterà l’esecuzione incompleta
dell’eta maiuscolo in πανΗλιου, dove manca il tratto d’unione tra le due
aste verticali parallele.
(2) Per la presenza/assenza di accenti e spiriti rimandiamo al testo
dell’edizione; rimarchevole è l’accentazione parossitona di δοµεστ α 12 ›
[do`mestja], e spie inderogabili d’estraneità del copista alla lingua del
documento originale sono le accentazioni ugualmente tronche dei nomi
personali di Torbéno/Turbíni e del Herkunftsname Orcésu, trascritti
c É
rispettivamente Τορβεν 17/Τουρβην 6 e ’Ορκεσ 8. fi
(3) È erronea valutazione di univerbazione grafica nell’originale di
due unità lessicali autonome o di palese incomprensione del testo fra
fi
altre la seguente trascrizione con accentazione doppia: δ ννικ λια 15 ¿
[donni`kalja].
Per il resto, si avverte agevolmente che la mano che ha vergato il
documento era ben adusa alla scrittura in greco bizantino, come mostrano
fra altre le libere variazioni – ben note altrove e segnatamente nei docu-
menti medioellenici dell’Italia bizantina meridionale – tra il beta classico

e quello a forma di u nella legatura con ε (λ uερα 5 e uερuεκ ριου 6), e¿
¿ ¿
piú distintivamente nel nesso con α (r. 24 δ uα e δ βα), di cui peraltro
ci offre un perfetto riscontro fra altri documenti la famosa Carta rossanese
in caratteri greci del 1121-22(25); tra l’alpha classico e quello con asta obli-
qua ascendente che copre tutta l’altezza del rigo e parte sinistra a forma
di piccolo arco, come nell’onciale o semionciale antica orientale(26); tra il
¿
sigma minuscolo σ in tutte le posizioni, salvo in µ νουC 21 e λλο νιC 31, ‡
dove l’amanuense ha introdotto il sigma lunato arcaicizzante. Non è ecce-
zionale, infine, l’uso regolare di Η in corpo piccolo per η, di µ per ν, né
di una sorta di u per il my, tutti simboli grafici ben noti alla tradizione
bizantina.

(25) Si veda la sigla ανοu sul margine sinistro del recto, all’altezza del r.13 nel
facsimile pubblicato da Parlangèli 1960, 127, tav. I e 101 nota.
(26) Cfr. Schubart 1966, 125; Bischoff 1992, 92, 99 e 102-103.

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344 EDUARDO BLASCO FERRER

Tutto sommato, un’analisi paleografica provvisoria del documento


sembra dimostrare che lo scriba che l’ha steso avesse una profonda fami-
liarità con la scrittura greca medievale. Gli argomenti che recheremo piú
avanti potrebbero deporre infatti – in attesa d’un’accurata expertise paleo-
grafica – a favore della tesi d’un monaco originario da un’area greca o
grecizzante, forse dall’Italia meridionale.

9. Commento linguistico
9.1 Criteri di traslitterazione
Riassumiamo in questo punto i criteri seguiti per accertare il valore
attribuito ai segni alfabetici greci in rapporto ai suoni del volgare sardo.
Il quadro di correlazioni piú coincidente è quello offerto dalle scriptae
italiane meridionali in caratteri greci dei secoli XI-XV(27).
Le corrispondenze che è dato considerare sicure sono: α = a, ε = e,
ι = i, δ = d, θ = t, λ = l, µ = m, ν = n, π = p, ρ = r, τ = t, φ = f, χ = c.
Per gli altri segni si rende necessaria una trattazione particolareg-
giata, ridotta qui all’essenziale.
9.1.1. Nel nostro testo η, υ e ει equivalgono ad [i], corrispondenza
¿ ›
evidenziata da frequenti scambi con ι: νηµα 5, σ τη [`siti] 18, Κοµητ a
‹ å‡ å‡ fi
Comita 25; κ 2 = κι 22, ο δικη 18 = ο δικι 3, δ λη 10 = δ λι 6, σ µητα fi €
16.
9.1.2. In posizione finale ο ed ω possono scambiarsi col valore univoco di
ô ô fi
[o]: πο 11 = πω 11. Sicuramente vale -[u] l’ω finale di Κ ρσω 7 = CORSU.
9.1.3. Soltanto in posizione postnucleare di dittongo ω serve a rendere [w]
ô
in καωσα 2, lat. CAUSA e ωα 11, lat. volg. AUA per AUIA.
9.1.4. Il digramma ου rende [u], come nei testi meridionali: δοννου

[`donnu] 1, κουν [kun], µουλ ρι [mul`(l)εri] 6.
9.1.5. Rendiamo costantemente β con b, fonema succedaneo in sardo
¿
di lat. B e U(V) in ogni posizione: βερβεκ ριου 6, derivato da lat. volg.

BERBEX per VERVEX, β νια 10, lat. VINEA (> sd.mer. [`bindza]), λ βερα 8, ›
¿ É
δ βα 18 DE AB, Τουρβην 6 o Τουρβενω 26 Turbeno.

(27) Cfr. Compagna/Vàrvaro 1983; Compagna 1983; Parlangèli 1960; Pagliaro 1961;
Distilo 1982/87, 1990, 1992, 1993, 1996. Per un utile corpus di strutture greche
dell’Italia meridionale relativo alle fonti documentarie dei secoli X-XIV si veda
Caracausi 1990.

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 345

9.1.6. Plurimo il valore di γ: rispecchia sicuramente [j], come nella pro-


nuncia bizantina e già propria dei testi meridionali d’ambientazione greca
(Pagliaro 1961, 299; Compagna/Vàrvaro 1983, 95; Distilo 1990, 129 e 1992,
68); lo stesso vale per il digramma γι innanzi vocale centrale o posteriore,

nella fattispecie in Γεοργ α 12 Jorgia (nome che compare con questa veste
à fi
nelle prime carte volgari) e ργι λας 14 [ar`jclas], donde mod. [ar`dzclas];

ha valore di fricativa velare, invece, in αγο στου 30, che riflette ovvia-
mente l’esito regolare di AGüSTU (TLL II/1379,32: AGUSTUS) e φ γερε 23 ¿
€ €
[`fayere], e nei nomi personali Μουγ τη 13 e Τζ ργις 25; di occlusiva
¿
nell’antroponimo corrente Γι νη 7, in sd. Ghiani.
9.1.7. Con τζ viene resa regolarmente l’affricata dentale [ts], come nei
¿
testi meridionali non salentini (Parlangèli 1960, 159): Σετζ λε 12, πλ τζας ¿
Ö
13, πιτζ να [pit`sinna] 32.
9.1.8. Come nel sud d’Italia (cfr. Pagliaro 1961, 299), la nasale davanti a
fi
velare sorda viene trascritta raddoppiando il segno di questa: Κ κκας 9, 10
= Concas, cognome ben radicato nell’onomastica medievale, di cui ci sono
attestazioni negli atti posteriori del sec. XII (ad es. nella carta IX dell’
Archivio Arcivescovile cagliaritano, datata attorno al 1190: Mariani
Concas).
9.1.9. Le liquide e la nasale intervocaliche lunghe, [ll nn], vengono rese

quasi sistematicamente con le scempie greche, λ, ν: µουλ ρι [mul`lεri] 6,
€ Ö
ρενου [`rennu] 20, δονικ λου [donni`kellu] 24-25, πιτζ να [pit`sinna] 32; ci
sono alternanze significative anche nella trascrizione della sibilante lunga
€ €
derivante da -SS, PS, X-: ησα IPSA 9 e σερε ESSE(RE) 22, λασσ ι LAX{Vï 4;
ô
rimarchevole, infine, l’oscillazione fra κουα 11 contro κκουα 12 ¿
[`akkwa]. D’altro canto, l’estensore della Cgr sembra essere in grado di
segnalare la lunghezza consonantica, non soltanto di [l n], ad es. in δ ηλλι€
fi
DêDï îLLï 19 e δ ννου 1, ma di tutti i fonemi allungati in condizione di
‡ ¿ ¿
sandhi: α λλο νις 31, α ννατ λε 31 (ma: α ν- 30), α σσ βατο 31, ε σσε
¿
17, δαβα σσ ντα 24.
Difficile, insomma, esprimersi apoditticamente sulle cause di questo
trattamento ambivalente delle doppie: esso sarà in parte ascrivibile
all’usus scribendi del copista – o alla sua trascuratezza: l’omissione di n in
donikelu corrisponde ovviamente a un titulus non sciolto –, ma non è
escluso che esso derivi dall’origine greca del medesimo, dato che lo scem-
piamento delle geminate è fenomeno che investe tutta l’area attica ab
antiquo, diffondendosi, seppure in modalità non del tutto coerenti, nel
greco dell’Italia meridionale (cfr. Rohlfs 1977, 55, § 75 e Caracausi 1986,
64-70 con bibliografia).

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346 EDUARDO BLASCO FERRER

9.2 Fonetica

Non ci sono dubbi sull’afferenza geolinguistica del documento all’area


campidanese, a dispetto di alcune soluzioni minoritarie, che possono tut-
tavia essere interpretate come adesioni inerziali a scritture etimologizzanti
piuttosto che come fatti residuali d’una fase di sviluppo arcaica. Per i
riferimenti di controllo cfr. Blasco Ferrer (1984, 1994, 2002), Guarnerio
(1906), Lausberg (1972), Meyer-Lübke (1902), Wagner (1939/40), Wagner/
Paulis (1984).

9.2.1. Nel vocalismo tonico gli esiti sono quelli che ci aspetteremmo per
evoluzione ereditaria: î > [i] in: ankila ANCîLLA 4, missas MîSSAS 29;
û > [u] in: cun CûM 4 e passim, sunt(u) SûNT 15, supra 15.

9.2.2. Sorprendenti gli esiti clisia (EC)CLëSIA 14 e domistia DOMêS-


TICA 10 (contrastato tuttavia da -é-, 12,14), che paiono rinviare – almeno
il primo – a una chiusura di [e] in condizione metafonetica, come avviene
nel Salento e in aree ristrette della Calabria meridionale e della Sicilia
(Parlangèli 1972, 134-139, 1989, 74-75, Ruffino 1991, 101-103, Distilo 1993,
312).

9.2.3. Il vocalismo atono mostra la chiara definizione campidanese del


testo, nel quale le vocali finali medio-alte [e o] sono state innalzate a [i u]:
Patri 1, parti 1, muleri 6, locusalbatori 25, sorti 28, sedi 32; serbus 3,
mius 12. Saranno probabilmente riflessi di forme etimologiche dell’origi-
nale le forme patre 3, fágere 23 e dies 30 (camp.ant. [`fa(y)iri, `di(i)s]),
potestando 1 e filio 9. Incerta la ragione di apo 11,13 (camp.ant. [`apu]),
do 5 e partzo 13,15, forse dovute altresí ad influsso etimologizzante. Sono
forme ipercorrette: salto SALTU 11 (come in alcune schede del Condaghe
di San Nicola di Trullas, vergate verosimilmente da un copista toscano:
Merci 1992, 253: salto) e serbitzio 32.

9.2.4. Regolare la paragoge: dediti 2, fuiti 8,20, suntu 14,15, (come in


camp.ant. e mod. [`s/funtu/i], contro log. [`sunu]), daba 18, mándete 21,
síanta 21 (log. [`siana]), ati 23, ápata, aba 27, fátzanta 29 (log. fácana).

9.2.5. B e U(V) evolvono, in posizione iniziale, regolarmente in [b] tramite


una fase [β] ben attestata ancora nei dialetti centrali (Blasco Ferrer 2002,
57-80): UINEA > binia 10. In posizione mediana si ha l’esito fricativo, rap-
presentato naturalmente da b: líbera 5 (che piú tardi diventa líera). È
ô
ragionevole congetturare che in ωα = AUA 11 la -U- sia una resa grafica
di [β], mentre in au 16 il grafema starà certamente per la semivocale [w].

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 347

9.2.6. C mediano si mantiene in donikelu 13 (in fágere 23 occorrerà, come


altrove, postulare *FAGêRE, foggiato secondo il modello di AGêRE). T resta
saldo in DEDIT > déditi 2 e FRATE(R) > fratte 17, con raddoppiamento incon-
gruo. C’è assimilazione di -T alla dentale seguente in fui.d’au 16.
9.2.7. D sembra riflettere una tendenza al dileguo, denunciata da déiti 17.
In agustu 30, la G può essere etimologica o fonetica ([a`yustu] > [a`ustu]).
9.2.8. Tipicamente sarda la conservazione della -S in lunis 31 e nei resti
morfologici di nominativo che discuteremo piú avanti.
9.2.9. Si hanno consonanti lunghe in accua 12, totta 13 e áttera 32, dove
occorrerà secondo noi postulare una precoce assimilazione di [lt] (> [rt]
> [tt]) della base ALTERA (Wagner propende in DES I, 145-6 per tosc.
atro, che però non può essere invocato per la Cgr), e in condizioni di rad-
doppiamento sintattico in e ttera 11, e sse 17, e ssíanta 21, e ssorti 28 (ET),
a ssábato, a llunis 31 (AD), daba ssanta 24 (DE AB).
9.2.10. Il nesso -Lî- ha generato muleri MULIÉRE 6 (da leggere sicuramente
con -[ll]-), mentre -Rî- ha prodotto -[rj]- in arjolas ARêôLAS ‘aiuole’ 14,
esito ancor oggi vitale in pochi centri della Barbagia e della Baronia, da
cui discendono i piú tardi -[rdz]- logudorese e -[rdz]- campidanese.
9.2.11. Regolare la semplificazione di QU-, con caduta della labiale, in
cantu QUANTUM 11 e Pasca PASQUA 32.

9.3 Morfologia
9.3.1. Il nome conserva la -S nel nominativo Deus 24,32, cui s’oppone
l’obliquo Deu DEUM 1, 22; il neutro LATUS ha dato regolarmente latus 8,
9, mentre occorrerà postulare SîTIM, e non il nominativo SîTIS (Wagner
1938/39, § 2) per l’attestato siti 18, a dispetto dei relitti di [`sitis] nel logu-
dorese centrale. Forse, piuttosto che pensare, com’è stato accennato da
alcuni studiosi (Seidl 1995, 51 e Lupinu 2000, 66), ad una spia indiretta
d’una flessione a due casi precocemente dileguatasi, si tratterà d’un’ulte-
riore conferma d’una biforcazione ab antiquo fra una norma piú arcaica
con nominativo mantenuto per analogia con i neutri (SANGUEN e l’analo-
gico *FAMEN, nonché la classe in -US) e una seriore con l’accusativo
(SITIM). Sono vocativi comuni, con -E > [i], Saturni 3 (contro -u 20) e Cos-
tantini 10. Da notare il genere femminile di DIE > pl. dies 30, come nella
maggioranza dei dialetti odierni (sa die ‘il giorno’). Per il plurale, infine,
l’uscita regolare è in -us per i nomi con base -OS, serbus 3, filius 4, ma
anche per manus 21, dopo il metaplasmo attestato MANüS > MANöS
(Rönsch 1965, 260-261), da cui discende regolarmente il log. [`manos].

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348 EDUARDO BLASCO FERRER

9.3.2. L’articolo deriva, com’è noto, da IPSE, IPSUM/IPSAM, donde sa 3, e la


forma allungata, ancor oggi largamente vitale dopo AD o ET: a isa 9, e isa
10, 12.

9.3.3. Il dimostrativo conserva per la prima persona la forma arcaica ista


2, 23, attestata nei documenti piú antichi del secolo XII, mentre per il rife-
rimento alla seconda persona occorre già la variante composta (EC)CU
IPSA > cusa [`kus(s)a] 17/18.

9.3.4. Le forme attestate del possessivo si rivelano molto interessanti per


la ricostruzione della morfologia nelle due macroaree sarde. Come sotto-
lineò con ragione Wagner a proposito dei morfemi di possessivo nei
condaghes di Santa Maria di Bonarcado e San Nicola di Trullas (1939/40,
119), la distinzione – già protoromanza – tra MEUS e MIA si mantiene in
logudorese, ma non in campidanese, dove è subentrato l’innalzamento
É > [i]: log. [`meu]/[`mεa] o [`mia] versus camp. [`miu]/[`mia]. Nella Cgr
abbiamo miu 3 e mius 12 accanto a meu 16, 19, e al femminile mia 5, 11,
20 e mias 15, covariazione che probabilmente riflette uno stadio terminale
di transizione tra la fase corrispondente al log. e quella recenziore, dato
che i testi campidanesi del sec. XII non offrono ulteriori esempi di meu.
Per la 3p. si hanno sua 3,6, suas 4, suus 3, 4, 5, 7.

9.3.5. I pronomi personali denunciano in parte l’afferenza del documento


all’area meridionale. Per la 1p. si ha ego 1, 18, forse influenzato dal
modello latino, e al dativo mi MI(HI) 14; per la 3p. si hanno gli enclitici
-li 6 e -lli 16 ‘gli’, -lla 17 ‘la’, (camp. [ÙÙi, ÙÙa] < (î)LLI, (î)LLAM, contro
log. [li, la] < (îL)Lï, (îL)LAM; cfr. Lausberg 1972 III, 132 e 137, §§ 730 e 733
per il trattamento differenziato della sillaba in sardo e romanzo). Come
pronome tonico, unica forma ammessa dalla legge Tobler/Mussafia nella
posizione preverbale dopo ET introduttivo di frase (cfr. Blasco Ferrer
1995b, 234-249), si ha un se 17 (leggasi: e ssé cástigat ‘e guarda per sé’),
che trova riscontro in altri testi coevi (ad es. nel Condaghe di San Nicola
di Trullas: se facet, se cunbersait ecc., Merci 1992, 254), ma nell’accoppia-
mento con un pronome avverbiale, INDE (> ’nde 20), la veste è quella
odierna: si-nde 20.

9.3.6. Il relativo è regolarmente ki 2, 4, 7, 11, come in sardo moderno, e


dell’indefinito áttera 32 (contro camp.mod. [`atra] < tosc.ant. atra) s’è già
detto.

9.3.7. Per il verbo, oltre all’infinito ésere 22, si hanno le forme sintetiche
seguenti, qui elencate per tempi:

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 349

– indicativo presente: 1p. do 5, apo ‘ho’ 11, 13, partzo ‘spartisco,


divido’ 12, 15 (da partzire); 3p. cásticat ‘custodisce, cura’ 17, narat ‘dice’ 23;
del verbo ésere occorrono: 3p. aet 22, at 26 e ati 23, che postulano un’evo-
luzione sequenziale del tipo HABET > *AET > AT (piú paragoge); 6p. suntu
14, 15 (Guarnerio 1906, 39, § 98).
– congiuntivo presente: apa(t), ápata 20, 27, da HABEAT piú [p] del
perfetto, mándete 21, siat 22, 23 e síanta 21, fatzant 32 e fátzanta 29
‘facciano’, tutte forme dotate di vocale paragogica;
– perfetto: iscrissi SCRïPSï 2, fuit(i) 16, 20 e futi 30, che presuppone
una forma ridotta *FUT (attestato è FUSTIS), vitale soltanto nel Campidano
([`fudi], contro log. FUÍT > *FIT > [`fidi], oggi diffuso nel Nuorese e nelle
Baronie), DêDîT > déditi 2 e déiti 17, con morfema desinenziale prototipico
-ei, valido per tutta la serie di perfetti deboli delle classi in -ari (< -{RE)
e -’ere (< -êRE e -ëRE): lassei 4 ‘lasciai’, tramutei 14 ‘permutai’.
9.3.8. Delle forme analitiche del verbo appare ben documentata quella
tipica del futuro formato con HABET + infinito, senz’ausilio della copula a
(log. e camp. mod. apo a cantare, apu a cantai), con modalità epistemica e
deontica (Bentley 1999). Anche caratteristico del sardo campidanese è il
modulo del perfectum con FUIT + participio passato, cantu futi mortu 30
‘quando morí’ (lett.: ‘quando fu morto’, e cfr. it.ant. e ottocentesco quando
fu tornato ‘tornò’).
9.3.9. Interessanti acquisti si hanno nel settore delle preposizioni: de 1, 15;
pro 2, 32; cun 1, 3 e passim (in log. CUM + SINE < [kin]); a 4, 6, 9; in 11;
ante (de) 14, 32; depus 32 ‘dopo’, forma che sarà legata, secondo un’avvin-
cente ipotesi di Wolf (1997), a un etimo arcaico *POSTI (donde pusti).
Abbiamo lasciato per ultime l’eccettuativa tipica sarda sene 4, che secondo
noi deriva direttamente dall’attestato SENE per SINE (CIL VI, 10464;
Mihâescu 1978, 175: forse incrocio fra SINE e (AB)SENTIA), e la serie ab 11,
aba 27 e daba 18, 24, che riproduce la sequenza AB (piú vocale parago-
gica) → DE AB, etimo che soddisfa l’italiano da e soprattutto i succedanei
sardi dea (oggi soltanto a Samugheo) e dae (logudorese generale). In par-
ticolare la forma aba, hapax non registrato nei dizionari storici, costituisce
un segno forte d’arcaicità della nostra carta.
9.3.10. Due le congiunzioni attestate: la coordinativa ET > e 6, 11, et 18, e
piú probabilmente ed 11 fra vocali, come nei testi coevi (dove spesso si
trova la nota tironiana + d davanti a vocale, a riprova che il t non si pro-
nunciava), e l’enigmatico co-nde 20 ‘allorché, da quel momento’, già
ampiamente trattato dal Wagner a proposito di occorrenze analoghe nelle
parti piú antiche del Condaghe di Santa Maria di Bonarcado (1938/39,
260-261; 1939/40, § 25, nota 1).

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350 EDUARDO BLASCO FERRER

9.4 Sintassi

Poche le note di sintassi in un breve testo come il nostro, fortemente sog-


getto all’utilizzo di formule fisse.

9.4.1. C’è concordanza ad sensum, comunissima in tutti i documenti sardi


e romanzi, in es(t) testimonius 24.

9.4.2. Anche frequente in testi antichi la confusione fra QUANDö e QUAN-


TUM: cantu futi mortu 30.

9.4.3. Abbiamo relegato all’ultimo punto della sintassi una struttura del
testo che merita particolare attenzione, perché è stata completamente
fraintesa sin dalla prima edizione dello stesso. Si tratta del passo relativo
alla cessione all’abbazia di Saint-Victor, con le terre e i beni, dei (líberus
de) paniliu o ‘semiliberi’ con le prestazioni (serbitziu) o munia che dove-
vano assolvere per la chiesa, passo che appare completato dalla tripla spe-
cificazione d’afferenza spirituale, giuridica e amministrativa: e sianta in
manus de donnu Deu, e siat illis dulias judiki, e sianta in manus de pres-
bitere ki aet esere (21-22). Ora, gli esegeti del brano qui riportato sono
stati fuorviati dalla voce dulía, che hanno messo in relazione con la sede
vescovile di Dolia, a pochi km. da Cagliari (cfr. emblematicamente Bos-
colo 1958, 35). In realtà, è chiaro sin dalla scoperta della prima Carta vol-
gare dell’Archivio Arcivescovile risalente agli anni 1066-1074, dove il Giu-
dice Torchitorio cede all’arcivescovo di Cagliari i líberus de paniliu, che
questa categoria di semiliberi restava legata giuridicamente al Giudice, al
quale doveva prestare regolarmente lavori di tipo colonico e di artigia-
nato, mentre al prelate cagliaritano spettava il diritto di sfruttamento per
non piú di tre giorni alla settimana (cfr. Besta 1908 II, 52-53 per un’am-
pia e lucida esposizione della semantica del lessema paniliu). Diventa
ovvio, allora, che nel contesto della Cgr or ora esaminato il sintagma
dulias júdiki, all’interno del comune modulo attributivo latino di possesso
(MIHI EST + SN), espliciti semplicemente la salda appartenenza dei (líbe-
rus de) paniliu alla giurisdizione del Giudice, col ricorso eccezionale – e
per noi rilevantissimo per le deduzioni che ne conseguono – a un termine

squisitamente greco, δουλ(ε) α, inserito in un costrutto che è altresí tipo-
logicamente «non romanzo», col genitivo specificante che precede il
sostantivo specificato: e siat illis dulías júdiki = ‘abbia giurisdizione su di
loro il Giudice’, o: ‘siano soggetti alla dipendenza giudicale’. È giocoforza
concludere, tutto sommato, che il dulia(s) della Cgr è un traducente
immesso dal copista, il quale ha preferito il termine e lo schema greci ai
corrispondenti latini (IUDICIS GUBERNATIO/ADMINISTRATIO/SUBIECTIO) o

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 351

romanzi (júdiki de logu/rennu/parte o anche curadoria), forse perché


sembrato a lui piú trasparente o piú adatto(28).

9.5 Lessico
Diamo a continuazione in brevi schede i significati delle voci piú rile-
vanti, ordinate alfabeticamente.
amantza 19: derivato nominale; la forma indigena è amore (Wagner
1952, 117 per il suffisso -antza).
ankila 4: ‘serva’, da lat. ANCïLLA per evoluzione regolare (leggasi [ll]).
aratoria (tera) 11: ‘coltivabile, da lavoro’, lat. AR{TöRIA.

armentariu (de ren(n)u) 20: ‘funzionario della corte del Giudice pre-
posto all’amministrazione dei beni dell’erario per una determinata curato-
ria con incarichi di presidenza della corona de logu o collegio giurisdizio-
nale del Giudicato’. Da lat. ARMENT{RIUS ‘dell’armento’ (scil. ‘pastore,
custode’), per evoluzione regolare.
berbecariu 6: derivato nominale di UERUEX, lat. BERBEX (se non già da
un VERBECARIUS, registrato nelle Glosse di Reichenau, donde poi fr.
berger), ‘ufficiale preposto alla cura delle greggi di proprietà del Giudice’.
billa 19: ‘villaggio, paese’, da lat. UïLLA per evoluzione regolare
(sd.mod. [`biÙÙa]).
burduri 18: ‘rami secchi, terreno non coltivato con arbusti’, nominale
derivato da BURDUS (REW 1405; DES I, 242) piú il suffisso -URA.
carrisecari 31: corrisponde a log.ant. carrasecare, negli Statuti di
Sassari del 1316 (I, 113-114 ed. Guarnerio) e al [karrase`kare] dei dialetti
centrali, ‘carnevale’ (CARNE > [`karre] + SEC{RE ‘tagliare’).
cásticat 17, -ari 23: da CASTIG{RE, con -C- ipercorretta, verbo dotato
del significato ‘custodire, controllare’, ben documentato nei testi sardi piú
antichi.
causa 2, 32: ‘proprietà, patrimonio’, lat. CAUSA (in sd. AU > [a]).
delegantzia 23: formazione deverbale col suffisso -antzia, che mostra
uno sviluppo semidotto (l’esito ereditario sarebbe log. -[`anθa], camp. -
[`antsa]); la voce è un sinonimo del piú comune arminantzia ‘privilegio,
concessione’.

(28) A. Marongiu (1975, 28) ricorda l’espressione comune dei diplomi greci e bizan-
tini, con la quale si caratterizzava la posizione d’un gran numero di lavoratori
fâ € d ‡
delle terre: µεταξ λευθ ρων κα δο λων.

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352 EDUARDO BLASCO FERRER

domestia (-í-) 10,12,14: ‘centro fondiario piú piccolo della domu, for-
mato da appezzamenti appartenenti di regola a diversi padroni di terre
adibite a colture di vario tipo, soprattutto di cereali, con una casa colonica
al centro’. Da lat. DOMêSTîCA > [do`mestika] > [do`mestiya] > [do`mestja].
don(n)ikel(l)u 13, 25: derivato di donnu piú il suffisso diminutivo -
îCêLLUS; denotava ‘i figli e i fratelli del Giudice’.
donnicalia 3, 15: ‘complesso di case rurali e terre adiacenti alle ville
che appartenevano al Giudice e alla sua famiglia’. Da lat. med. DOMNî-
CALIA, che è derivato di DOMîNICUS, -{LIS ‘padronale, signorile’, continuato
oggi nei toponimi denominati Donigala (Pittau 1997, 69).
donnu 1, donna 5: titolo spettante al Giudice e alla sua consorte, piú
tardi esteso anche ai prelati maggiori. Da lat. tardo DôMNUS per DôMîNUS
(Woll 1993), con regolare assimilazione di -MN- > [nn].
inperatori 22: indica il dominus o colui che in virtú del concesso pri-
vilegio s’assumeva l’onere di tutelare le terre donate o legate da possibili
usurpatori (cfr. Besta 1908 II, 16, con riferimento alla Cgr).
inbértere 26: ‘contravvenire, allontanarsi dalle disposizioni’, da lat.
DëUêRTêRE, con commistione del prefisso IN-, raro rispetto a EX- (isbér-
tere), se non si tratta di corruttela.
locusalbatori 25: corrisponde ai lociservatores d’età giustinianea o ai
d
τοποτερετα bizantini, operanti all’epoca di Gregorio Magno con compiti
di amministrazione civile d’un distretto.
natale 30: ‘festa, ricorrenza’, da NAT{LIS.

paniliu 21: ‘categoria di líberos tenuti a prestazioni personali verso lo


Stato, vincolati alle località in cui risiedevano ma passibili d’essere ceduti
per non piú di tre giorni ogni settimana ai rappresentanti della Chiesa
locale’. Da lat. med. BANILIUS (cfr. BAN(N)ALITAS), voce che in area franca
designa il bando del signor feudale con cui questi imponeva ai suoi sud-
diti certe prestazioni o corvées (Paulis 1997, 45).
parti 1: da lat. med. PARTE (ad partem regis ‘Besitzverhältnis’, E. Löf-

stedt 1950, 121), con sviluppo semantico proprio del gr.biz. µ ρος ‘singola
circoscrizione, distretto giudicale’ (il calco semantico fu già individuato dal
Besta 1908 II, 18).
partzone 10, 15: ‘appezzamento, proprietà che comprende poderi e
terre coltivate’, da PARTITîöNE, con evoluzione aplologica (cfr. fr. ant.
parçon, Greimas 1968, 472).

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 353

Pasca pitzin(n)a 32: è la denominazione della ‘Pasquetta’ in alcune


varietà sarde, lett. ‘Pasqua piccola’, in contrapposizione a Pasca manna
(MAGNA) ‘Pasqua’ (cfr. Espa 1999, 986 per il sinonimo Paschighedda, e
Rohlfs 1971, 191 per parallelismi nel greco demotico); la voce pitzin(n)a
è continuata nel log. [pit`tsinna], camp. [pit`t∫inna] ‘giovane, ragazza,
bimba’.
platzas 13: ‘cortili non coltivati antistanti alle case coloniche della
domus’, da lat. PLATEA (> sd.mod. [`pratθa, `prattsa], con PL- > [pr]).
pradi 18: deformazione di pradu < PRATU, col chiaro significato di
‘erbe, macchia’.
prode 20: nell’espressione fissa prode nd’ap(p)at/apat-si-nde prode
delle clausole augurali indicanti il beneficiario della concessione: ‘(ne)
abbia beneficio/vantaggio’, da lat. tardo PRODE (ricavato da PRöDEST).
ren(n)u 20: ‘patrimonio fiscale; complesso di terre lasciate incolte o
libere agli usi comuni e facenti parte della corona’ (Solmi 1917, 57, 70).
salto 11: il saltu è un’unità territoriale, base costitutiva dell’economia
d’un villaggio, consistente in terre per il pascolo da solo, o spesso acco-
munato con i saltus limitrofi che avessero lo stesso carattere e la stessa
forma di coltura; formava il ghiandifero, terreno che rimaneva indiviso e
serviva per bestiame rude, bovini, equini, suini (Di Tucci 1928, 23).
sémita 16: ‘podere di vasta estensione formato da terreni destinati a
tutti i tipi di coltivazione’. Da lat. SëMîTA ‘sentiero, percorso’, con evidente
specializzazione semantica.

10. Commento filologico

Diversi elementi convergenti inducono a considerare il diploma cam-


pidanese del sec. XI copia d’un originale smarrito. Nessun carattere estrin-
seco contribuisce, d’altro canto, ad avvalorare la tesi opposta: al contra-
rio, l’assenza d’ogni traccia della plica, e di conseguenza del sigillo,
autorizza il diplomatista a scartare che in principio il documento sia auto-
grafo. Ma sono soprattutto le spie che può individuare il filologo le prove
che dirimono ogni possibile controversia interpretativa. Infatti, certi errori
significativi rinviano obbligatoriamente all’opera di meccanica riscrittura
da parte d’un copista distratto e soprattutto non competente nella lingua
che egli trascriveva e traslitterava dal modello.
Sono da una parte chiari guasti accidentali, ad es.:

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354 EDUARDO BLASCO FERRER

– l’omissione non desultoria di nasali preconsonantiche, che si giusti-


ficano ovviamente con forme originali dotate di titulus non sciolto dal
copista, se non già sprovviste del medesimo (cfr. nel ms. akilas, che trova
corrispondenza in ãcilla c.66 o persino in akilla c.47, sprovvisto di titulus,
nel Condaghe di Santa Maria di Bonarcado; per donikelu, che presuppone
dõnikellu, cfr. dõnu, ibid. c.42);
– l’errata ricopiatura del nome Corsu a r.9, che occorre come
fi
Κοροσου, a breve distanza del corretto Κ ρσου;
– l’evidente errore d’anticipo, con autocorrezione, a r.23 (σιατα
βενεδιττ, esecuzione non conclusa);
– il significativo spostamento a r.32 del secondo costituente della
› b €
locuzione preposizionale sarda ante de (αντε σερβ τζιο δ ∆ ους), traspo-
sizione che rende impenetrabile il senso del contesto;
– l’abnorme interruzione della sanctio, con inserimento inedito della
noticia testium e completamento succesivo delle clausole comminatorie,
quando il copista s’è reso conto della lacuna da homoiotéleuton ch’egli
inavvertitamente aveva generato;
– l’anomalo hapax δονικι 25, che sarà forse dovuto a conguaglio,
€ å‡
nella mente del copista, tra δονικ λου e ο δικι, due forme compresenti
nella Cgr.

Denunciano, dall’altra parte, una palese incompresione del testo da


cui si copiava i seguenti errori di lettura e traduzione:
¿
– il δοννακ λια 3 (ms.), al posto del corrente donnicalia, con patente
commistione di donna nel dettato interno dell’estensore;
fi
– il singolare κ νδο 20, parola-fantasma che corrisponde all’incom-
preso co-nde dell’autografo;
– gli accenti scorretti su nomi di Giudici e consanguinei che dove-
vano pur essere d’uso corrente in Sardegna (molto appariscente il caso di
Torbéno o Torbéne, storpiato in Torbení o Turbiní);

– non ultimo, l’enigmatico vocalismo metafonetico di κλ σια 33 e

δοµ στια 10, suggerito al copista dalla sua propria pronuncia, piuttosto che
dalla grafia anòdina dell’originale, clesia e domestia.

ô
Vi si aggiunga, infine, la già discussa e strana forma ωα 11, che
ricalca necessariamente un aua dell’originale, prescindendo dalla pronun-
cia effettiva [`aβa], già protoromanza.
È lecito concludere, alla luce di questi dati, che la Cgr rimasta in
possesso dell’archivio marsigliese è una copia del diploma emanato da

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 355

Costantino-Salusio tra il 1081 e il 1089. I quesiti che occorre affrontare


ora riguardano l’attribuzione, la datazione e le cause della copia. Un
primo indizio consistente che aiuta a capire il processo di gestazione
dell’apografo è dato dalla sua conservazione nel fondo di Saint-Victor.
Come opportunamente ricorda il Motzo (1987, 162, n.2):
«che il documento finisse poi nell’Archivio dell’Abbazia di S. Vittore
non deve far meraviglia: i monaci avuta la chiesa, entrarono in possesso
dei suoi beni e degl’istrumenti che li provavano. S. Vittore come Monte
Cassino e le case madri delle famiglie religiose, accentrava nel suo archi-
vio i documenti che vi erano piú sicuri da dispersione e da interessate
manomissioni dei signori locali».
Un secondo dato che va messo in stretta correlazione col primo attiene
alla situazione estremamente conflittiva che la concessione del 1089 ai Vit-
torini creò per la sede arcivescovile del capoluogo sardo, tenuta a cedere un
immenso patrimonio di beni, terre, servi, prestazioni e decime. Boscolo (1958,
35; 1978, 48-49) ha messo piú volte in evidenza la lunga serie di liti e conten-
ziosi tra l’abbazia marsigliese e l’arcivescovado cagliaritano che conseguirono
ai privilegi giudicali in favore dei primi, ed è quindi facile immaginare che i
prelati sardi fossero molto restii a consegnare i documenti che attestavano le
proprietà legate al monastero di San Saturno. Il documento originale della
Cgr, insomma, è stato volontariamente smarrito, o semplicemente è rimasto
gelosamente custodito nell’archivio capitolare, e si capisce allora che dopo
lecite pressioni sul Giudice o sul legato pontificio i Vittorini abbiano avuto
il permesso della Curia di potere soltanto copiare il diploma. Ora, a nostro
avviso, nulla vieta d’ipotizzare che subito dopo la presa di possesso di San
Saturno, nella seconda metà del 1089, i Vittorini siano riusciti ad eseguire la
copia dell’importante documento patrimoniale, ed è anche fortemente pro-
babile che chi ha vergato la copia sia uno di quei monaci greci che in
numero notevole giunsero in Sardegna a causa della loro conoscenza dei riti
e dei costumi bizantini, vitali nell’uso pubblico e privato (cfr. Benoit 1936,
63; Boscolo 1958, 40-41, per i nomi di alcuni monaci greci inviati dalla Casa
Madre nell’isola). L’estensore del documento, secondo le argomentazioni
avanzate fin qui, è un monaco vittorino d’origine greca, o anche proveniente
dalle aree grecizzanti dell’Italia meridionale – e ciò giustificherebbe il voca-
lismo metafonetico di tipo salentino o siciliano –, un copista avvezzo alla let-
tura e scrittura in greco bizantino, ignaro della lingua in cui è stato prodotto
il privilegio autografo, ch’egli comunque trascrive servendosi dell’alfabeto
greco, e in qualche occasione di traducenti greci. La datazione piú cogente
per l’esecuzione della copia è la seconda metà del 1089, dopo l’assegnazione
della chiesa di San Saturno all’ordine di Saint-Victor.

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356 EDUARDO BLASCO FERRER

11. Conclusioni

La Carta campidanese in caratteri greci, nota alla comunità scientifica


sin dal 1874, non era stata mai sottoposta a un’expertise paleografica né a
una perizia diplomatistica o filologico-linguistica. Inoltre, essa era cono-
sciuta tramite un facsimile eseguito mediante disegno, non una fotografia
della pergamena. Come per altri cimeli della letteratura sarda delle ori-
gini, una rigorosa revisione critica di tutti gli aspetti, estrinseci ed intrin-
seci, del documento ha messo in evidenza non poche novità interpretative.
Oltre alla decifrazione corretta o piú plausibile di poche voci, palesemente
erronee, e di alcuni nomi di luogo, l’analisi filologico-linguistica ha fatto
emergere diverse anomalie che possono trovare giusta ragione soltanto in
un processo meccanico di ricopiatura d’un autografo da parte d’uno scriba
di lingua greca, poco edotto nella lettura di testi sardi. Gli argomenti sto-
rici avanzati in questo scritto permettono anche di delimitare con accet-
tabile approssimazione la data di composizione della pergamena agli
ultimi mesi del 1089, allorché la chiesa di San Saturno, con tutte le dota-
zioni di cui riferisce il nostro documento, era passata per concessione del
Giudice Costantino-Salusio ai monaci vittorini di Marsiglia. Ed è proprio
il contesto storico locale connesso col trapasso di ricchi patrimoni di
chiese, terre e servitú ad illuminarci sulla gestazione della copia. Con la
donazione nei primi mesi del 1089 di San Saturno con le sue pertinenze
all’ordine di San Vittore, assente l’autorità ecclesiastica dopo la morte
dell’arcivescovo Giacomo, la chiesa cagliaritana subiva un’imponente
menomazione che non era disposta ad accettare, come dimostrano i ricorsi
a Urbano II e le continui liti giudiziarie mosse contro i Vittorini. Rientra
perciò pacificamente in questo contesto la decisione di questi ultimi di
acquisire almeno in copia la registrazione di tutti i beni che il padre di
Costantino-Salusio aveva elargito tra il 1081 e il 1089 alla chiesa di San
Saturno, data l’impossibilità di entrare in possesso del privilegio originale,
rimasto all’arcivescovado. Uno dei tanti monaci greci che ospitava la
chiesa vittorina d’Auriol, inviato dall’abate Riccardo in Sardegna, trascrive
il contenuto del privilegio campidanese, utilizzando i caratteri ch’egli
conosce meglio, e badando piú ai nomi di luogo che non alle forme lessi-
cali o grammaticali, che in parte non capisce. A lui si deve, insomma, una
delle testimonianze piú antiche del sardo tramandate in pergamena origi-
nale, ora finalmente accessibile al pubblico degli studiosi nella sua veste
autentica, e resa piú comprensibile nei fatti storico-linguistici e filologici.

Cattedra di Linguistica sarda.


Cagliari. Eduardo BLASCO FERRER

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LA CARTA SARDA IN CARATTERI GRECI DEL SECOLO XI 365

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA
EN LOS ESTADOS UNIDOS:
LOGROS PRINCIPALES DEL ÚLTIMO SIGLO(*)

Introducción

Hace cien años la lingüística como disciplina todavía no existía, y el


estudio de las lenguas románicas estaba confinado a los límites geográfi-
cos de los países de habla neolatina, principalmente en Europa. En
Canadá y los Estados Unidos se estudiaba algo del francés y el italiano;
el español todavía figuraba sólo como lengua de textos literarios clásicos,
pero no se estudiaba la filología hispánica. Sólo en algunas de las repú-
blicas hispanoamericanas más grandes se practicaba la filología según los
modelos españoles, sobre todo en lo que se refiere a las gramáticas des-
criptivas y filosóficas. Los precursores inmediatos de la lingüística
moderna son la filología – el estudio de los documentos escritos antiguos
– y la gramática histórica, que para finales del siglo XIX ya contaba con
unos manuales formidables, casi todos de autoría germánica. La nueva
disciplina de antropología, que eventualmente habría de contribuir las
bases fundamentales de la sociolingüística contemporánea, se limitaba a la
observación y el análisis de las comunidades que carecían de una tradición
escrita, y nunca enfocaba las lenguas europeas. Huelga decir, pues, que la
enumeración de los principales logros de la lingüística románica engloba
la casi totalidad de la lingüística moderna. A la misma vez, las lenguas
romances – sobre todo el español, el italiano y el francés – han servido
como fuente de datos para algunas de las propuestas teóricas más abar-
cadoras – en sintaxis, fonología, variación sociolingüística y pragmática –
de manera que una síntesis de las hazañas de la lingüística románica será
en gran medida válida para la lingüística general. Siguiendo las tendencias
de la investigación europea, los primeros trabajos de filología románica
fueron producidos por estudiosos alemanes, pero los investigadores
españoles, franceses e italianos no tardaron en lanzar sus valiosas contri-

(*) Texte de la version longue d’une conférence prononcée en séance plénière, lors
du XXIIIe Congrès de la Société de Linguistique Romane à Salamanque.

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368 JOHN M. LIPSKI

buciones a la naciente disciplina de la lingüística románica. Las naciones


hispanoamericanas, que a principios del siglo XX todavía sufrían enormes
dificultades políticas y económicas, entraban paulatinamente en la arena
de la lingüística moderna, siendo sus aportes más valiosos los estudios
sobre variedades regionales del español americano. En los Estados Uni-
dos, la lengua española de comienzos del siglo XX no gozaba del presti-
gio y la prominencia que tiene hoy en día, sino que ocupaba un tercer o
aun un cuarto lugar entre las lenguas estudiadas e investigadas en las
academias y universidades, después del francés, el latín, y en muchas
partes del país el alemán. No obstante, más de la cuarta parte de la exten-
sión territorial estadounidense había pertenecido anteriormente a España
o a México, incluyendo dos territorios que lograron convertirse en estados
en las primeras décadas del siglo XX (Arizona y Nuevo México), y el
continente norteamericano ya ostentaba importantes colonias de cubanos,
puertorriqueños, mexicanos y españoles, además de una población hispana
tradicional que había llegado durante los siglos XVI y XVII. Es lógico,
pues, que los primeros frutos de la lingüística románica moderna en
Estados Unidos hayan sido descripciones de las variedades regionales y
sociales del español que se hablaban dentro de las fronteras nacionales.
A medida que la lingüística adquiría una definición cada vez más clara en
las universidades norteamericanas, fueron aplicadas las teorías lingüísticas
más actuales a lo que en poco tiempo se había convertido en la segunda
lengua de facto de los Estados Unidos, es decir, la lengua española, que
en poco tiempo llegó a dominar los trabajos lingüísticos no anglogermá-
nicos. En los siguientes minutos, daremos cuenta de la contribución de la
lingüística estadounidense al estudio de las lenguas romances a lo largo
del siglo XX, y la relación simbiótica que existe entre el desarrollo de la
teoría lingüística y la descripción de estas lenguas. Como es lógico, los
estudios de la lengua española ocuparán un primer plano, de acuerdo a su
prominencia dentro de los paradigmas de investigación estadounidenses.
Los protagonistas de las investigaciones son norteamericanos en su
mayoría, pero también se encuentran muchos nativos de los países germá-
nicos y de habla romance que ejercen la docencia en las academias y
universidades estadounidenses. Son muchos los logros y poco el espacio
para contarlos, así que la siguiente discusión se limitará a trabajos mono-
gráficos (libros y tesis), junto a los artículos más seminales. Para situar
adecuadamente los aportes norteamericanos a la lingüística románica, será
preciso mencionar algunos de los trabajos producidos en Europa y en
otras naciones americanas que sirven de trasfondo para cualquier recor-
rido panorámico de nuestra disciplina.

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 369

La gramática histórica

Para muchos observadores, la lingüística románica se equipara a la


gramática histórica, ya que muchos de los protagonistas han sido exper-
tos en esta disciplina. Las primeras obras, de finales del siglo XIX,
eran manuales de filología románica, por ejemplo de Diez, Meyer-Lübke
y más tarde Lausberg y Bourciez. Pero sólo con las magistrales obras de
Menéndez-Pidal la gramática histórica del español alcanzó el estatus de
una disciplina coherente, dotada de una profundidad intelectual que la
colocaba entre las primeras filas de la filología europea. El discípulo de
Menendez Pidal, Rafael Lapesa ofreció una historia de la lengua española
que combinaba una documentación de la historia externa de la Península
Ibérica y una penetrante investigación de los principales cambios linguis-
ticos que afectaban el español. La gramática de Lapesa fue revisada y
ampliada varias veces, y hasta ahora constituye la piedra de toque para la
filología hispánica. En los Estados Unidos, la obra de Lapesa fue comple-
mentada por el libro de Spaulding (1943), un trabajo vulgarizante que
extendió el estudio de la gramática histórica a una audiencia de estu-
diantes principiantes que desconocían la comlejidad de la linguistica
moderna. Spaulding explicaba la historia externa de la Península Ibérica y
su importancia para la evolución del español para muchas generaciones de
jóvenes norteamericanos que ignoraban la historia de Europa, al igual que
la historia de su propia lengua inglesa. El norteamericano Williams (1938)
escribió el primer tratado definitivo de gramática histórica portuguesa.
Usando ejemplos literarios, Keniston (1937) profundizó sobre la sintaxis
del siglo XVI. La situación bibliográgfica apenas cambiaba hasta la década
de los ’80, cuando aparecieron varios libros en los Estados Unidos:
Resnick (1981) ofrece ejejercios y una aproximacián escolar; Lathrop
(1980) enfoca la base del latín vulgar; el profesor de Pennsylvania Paul
Lloyd (1987) es sin duda alguna el tratado más abarcador escrito fuera de
España. En la dimensión fonológica, del Valle (1996) ofrece un estudio
teórico sobre la evolución de la fricativa /š/ a /x/ en español antiguo.
Los trabajos mencionados hasta ahora se concentraban en los datos
filológicos, sin orientación teórica, aunque abundan las teorías descriptivas
de cambios específicos. El lingüista estadounidense Pharies (1986, 1990) ha
ofrecido importantes estudios sobre la formación morfológica e idiosin-
crática del léxico español, mientras que otro investigador estadounidense,
Joel Rini (1992) traza la evolución de los pronombres de complemento, y
Rini (1999) aporta una serie de trabajos sobre la nivelación analógica de
los paradigmas morfológicos. Y no podemos dejar la rúbrica de la lingüís-

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370 JOHN M. LIPSKI

tica histórica sin mencionar los centenares de artículos del decano de la


filología hispánica Yakov Malkiel, cuya astucia y penetrante visión de la
evolución de las lenguas romances son logros incomparables en la lingüís-
tica moderna.
La lingüística románica nunca se ha visto como una disciplina inte-
gral en los Estados Unidos, a diferencia de las universidades europeas y
latinoamericanas. Son poquísimos los cursos de lingüística románica que se
dictan por todo el país, y las asignaturas existentes suelen ser compo-
nentes fundamentales de los programas doctorales de literatura francesa y
española ubicados dentro de departamentos de lenguas romances. Los
esfuerzos de los investigadores estadounidenses casi siempre se han diri-
gido hacia temas específicos de una o varias de las lenguas romances, aun
cuando quepan bajo la rúbrica de la lingüística comparada; podemos men-
cionar de nuevo los espléndidos trabajos de Yakov Malkiel, que en su
totalidad cubren casi todas las facetas de la filología románica. Se desta-
can algunas excepciones a la escasez de trabajos comparativos de filología
románica, sobre todo las obras de Robert Hall (1963, 1974, 1976, 1983),
que trazan la protohistoria de las lenguas romances, así como las princi-
pales corrientes filosóficas que sostienen la investigación. Los estudios de
Wanner (1987) sobre la evolución de los clíticos en romance y Schwegler
(1990) sobre el desarrollo de las formas verbales analíticas y sintéticas
tipifican las excelentes monografías comparativas que representan los
mejores programas de investigación lingüística en los Estados Unidos. Son
aun menos numerosos los trabajos de gramática histórica de las otras len-
guas romances; una que otra monografía sobre aspectos diacrónicos del
francés y de las lenguas regionales de Italia sirven de colofón al amplio
repertorio de estudios de gramática histórica de las lenguas iberor-
romances.
Aunque las contribuciones estadounidenses a la gramática histórica
son muy variadas, un denominador común de los trabajos más destacados
es la amplia perspectiva comparativa, a base de bibliografías de alcance
internacional, y más recientemente, la incorporación de la teoría sintáctica
y fonológica para explicar los eventos lingüísticos que canalizaron la evo-
lución del español. Gracias a la síntesis de la lingüística histórica y la
teoría lingüística se entiende, por ejemplo, la evolución sintáctica del
español de una configuración predominante SOV a su configuración
contemporánea SVO, el cambio de estatus de los pronombres clíticos en
varias lenguas romances, y el desarrollo del parámetro del sujeto nulo en
italiano y las lenguas iberorromances y su erosión en francés. El próximo
reto, ya vislumbrado en los trabajos de Penny, Wright, Lloyd, Rini, y sobre

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 371

todo los magníficos artículos de Malkiel, es la incorporación de los mode-


los sociolingüísticos para elucidar los cambios históricos que se llevaron a
cambio en medio del flujo y reflujo de comunidades de habla con distin-
tas características lingüísticas.

La fonética descriptiva de las lenguas romances

La enseñaza de la pronunciación de las lenguas extranjeras siempre


ha sido una faceta prominente de la pedagogía en los Estados Unidos, y
se han producido varios libros y monografías útiles. Siguiendo los caminos
abiertos por los españoles Navarro Tomás y Quilis, el libro Stockwell y
Bowen (1965) era producto del análisis de contrastes, y comparaba los sis-
temas fonéticos del inglés y del español, con la intención de evitar los
errores de interferencia estructural. Otros norteamericanos, Hadlich et al.
(1968) y Dalbor (1969) llegaron a producir obras clásicas de fonética
española para estudiantes de habla inglesa. El libro de Dalbor incluía
breves comentarios sobre la variación regional, y unos suplementos comer-
cializados personalmente por el autor extendía los ejemplos. Barrutia y
Terrell (1982) agregaron descripciones de la estructura silábica, mientras
que el trabajo extensamente revisado y ampliado de Barrutia y Schwegler
(1994) presenta una descripción minuciosa de las semivocales, la acentua-
ción, la entonación, así como la variación regional de España e Hispa-
noamérica. En Texas, Teschner (1996) combina la variación regional y
muchos ejercicios de pronunciación para principiantes. La teoría fono-
lógica no desempeña ningún papel en estos libros, excepción hecha de los
conceptos fundamentales de fonema, alófono, y neutralización. Muy
recientemente, el manual de Hammond (2001) ofrece una combinación de
teoría fonológica, variación regional, y consejos prácticos para el estu-
diante que aprende el español.
La faceta más significativa de los estudios de fonética española en
Estados Unidos es la creciente importancia concedida a la adquisición de
una pronunciación adecuada de parte de los estudiantes aprendices, crite-
rio que en el pasado era de baja prioridad en los programas de lenguas
extranjeras, que en su mayoría enfatizaban sólo los conocimientos litera-
rios y culturales. Con la llegada de grandes grupos hispanoparlantes a los
Estados Unidos, es cada vez más amplio en enfoque de la variación regio-
nal y social en las clases de fonética española (obligatorias en casi todos
los programas universitarios); en vez de concentrarse en variantes ideali-
zadas, los manuales de fonética para alumnos norteamericanos suelen
adoptar una actitud de tolerancia y aun de acogida positiva frente a las
variedades dialectales que se encuentran por todo el país.

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372 JOHN M. LIPSKI

A diferencia de la amplia bibliografía de trabajos dedicados a la


pronunciación del español, hay relativamente pocos trabajos sobre la
fonética de las otras lenguas romances producidos en los Estados Unidos.
Agard y Di Pietro (1965) estudian la fonética del italiano en comparación
con el inglés, y Casagrande (1984) es un tratado de fonética y fonología
francesas.

La fonología teórica del español, portugués, catalán


Aunque las descripciones de la fonética siempre han desempeñado un
papel céntrico en la linguistica románica, son escasísimos los tratados de
fonología teórica. En los Estados Unidos, uno de los acontecimientos más
trascendentales en la lingüística moderna era la elaboración de la teoría
generativa de la fonología, que alcanzó su apogeo con la monumental
obra Sound pattern of English de Noam Chomsky y Morris Halle (1968).
Aunque Chomsky abandonó la fonología poco después para dedicarse
exclusivamente a la teoría sintíctica, Halle se convirtió en el máximo
exponente de la teoría fonológica del Instituto de Tecnología de Massa-
chussets, desde donde salían las principales innovaciones teóricas durante
casi cuatro décadas. Uno de los discípulos de Halle, James Harris (1969)
escribió la primera monografía dedicada a la fonología española según la
entonces novedosa teoría generativa; en los años siguientes, Harris alcanzó
el estatus del fonólogo más destacado, y su influencia continúa aun hoy.
La tesis doctoral de Foley (1965), ubicada en el mismo paradigma teórico,
permanecía inédita, aunque el libro posterior Foley (1975) incluía muchas
de las ideas innovadoras del autor. A diferencia de Harris, quien se basaba
siempre en la lengua hablada (aunque bastante idealizada), Foley recha-
zaba una base fonética observada para la fonología, y elaboraba una
teoría sumamente abstracta basada en jerarquías de fuerza. Las jerarquías
responden a observaciones diacrónicas y sincrónicas válidas, pero la reluc-
tancia contundente de Foley de aceptar cualquier vínculo entre la fono-
logía y el lenguaje real restaba valor a sus trabajos. Cressey (1978), tam-
bién presentado dentro de la fonología generativa de Chomsky y Halle se
dirigía a un estudiantado sofisticado (las monografías de Harris y Foley
eran disertaciones doctorales), mientras que Hooper (1976) representa una
reacción contraria a las derivaciones ultra-abstractas de la fonología gene-
rativa “clásica”, al proponer una “Fonología Generativa Natural” basada
exclusivamente en las estructuras superficiales. Irónicamente, Hooper se
valoraba de jerarquías de fuerza fonológica muy parecidas a los postula-
dos de Foley, a la vez que llegaba al extremo absurdo de rechazar cual-
quier forma subyacente que no apareciera en por lo menos un contexto

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 373

superficial. Así es, por ejemplo, que no aceptaba la regla de prótesis de la


vocal /e/ en español (esnob, esmoking, esport), a pesar de ser éste uno de
los procesos fonológicos más robustos. Harris (1983) constituye el aconte-
cimiento más significativo de la fonología teórica del español, al reintro-
ducir la sílaba en la teoría fonológica (no existía como concepto funda-
mental en la fonología generativa canónica de Chomsky y Halle (1968),
pero sí ocupaba un lugar prominente en la fonología generativa natural de
Hooper/Bybee; Harris también presentó el primer modelo métrico de la
acentuación del español desde una perspectiva teórica.
Los trabajos editados por Bjarkman y Hammond (1989) oscilan entre
análisis generativos clásicos de los años 60 a interpretaciones no lineales;
también están incluídos trabajos de fonología generativa natural y fono-
logía natural (de Stampe 1970), quien postulaba que el niño empieza con
la fonología más natural, y que los procesos fonológicos adquiridos por los
adultos consisten en desviaciones de las configuraciones más naturales.
D’Introno et al. (1995) es un tratado avanzado que ofrece una presenta-
ción completa de la fonología autosegmental, métrica y léxica aplicada al
español. Martínez-Gil y Morales-Front (1997) reúnen los análisis teóricos
más recientes.
En la actualidad, la fonología teórica del español se ha concentrado
sobre todo en los paradigmas de acentuación, es decir la colocación del
acento de intensidad en los paradigmas nominales y verbales. Los prime-
ros models de Harris empleaban unos árboles binarios agrupados en pies
métricos; después le segía el concepto de rejilla o tablero métrico, sin
estructuras binarias (Halle y Vergnaud 1987). El marco teórico predomi-
nante es la teoría de la optimidad, que afirma que toda derivación fonoló-
gica existe exclusivamente para escoger el mejor candidato entre las
variantes posibles, según nociones universales de buena formación. Se ha
determinado, por ejemplo, que el español require una palabra prosódica
mínima, de dos moras o unidades de cantidad métrica: son dos sílabas
abiertas (casa, tiene) o una sílaba con núcleo complejo (dos, fue). Sólo
algunas palabras funcionales (preposiciones, clíticos) que carecen de auto-
nomía sintáctica consisten de una sola sílaba abierta, De igual manera,
sabemos que las palabras esdrújulas no pueden contener una penúltima
sílaba de nucleo complejo: teléfono pero no *teléfosno. Queda por demos-
trarse que el español todavía retenga la distinción de cantidad silábica; es
más: muchos hablantes bilingües, por ejemplo en los Estados Unidos, pare-
cen aceptar las supuestas violaciones esdrújulas sin titubear, lo cual
sugiere que el sistema fonológico bilingüe puede responder a distintos
parámetros. Entre otras cuestiones pendientes de la fonología hispánica (a

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374 JOHN M. LIPSKI

pesar de los centenares de artículos, ponencias, disertaciones y tesinas)


son: la caracterización más adecuada de los procesos de reducción
consonántica (por ejemplo la aspiración de /s/ y la velarización de /n/ en
posición final de sílaba/palabra); las restricciones sobre la acentuación,
sobre todo la afirmación de que el español ha mantenido la distinción
sílaba pesada (de vocal larga/diptongo o trabada por consonante)/sílaba
ligera que caracterizaba al latín; y la representación teórica de una amplia
gama de manifestaciones regionales del habla española.
Son relativamente pocos los estudios fonológicos sobre las otras
lenguas iberorromances producidos en los Estados Unidos. El tema de la
pluralización en portugués fue el objeto de varios estudios tempranos,
entre ellos Hensey (1968), Saciuk (1970), St. Clair (1971) y Lipski (1973a);
recientemente Morales-Front y Holt (1997) han vuelto a examinar el
mismo asunto desde la perspectiva de la teoría de la optimidad. Lipski
(1975) ofreció un temprano análisis de la nasalización vocálica en portu-
gués. Lipski (1973c) y posteriormente Redenbarger (1981) examinaron la
cerrazón de vocales átonas en portugués (véase también Redenbarger
1997). Lipski (1973b, 1976) examinó datos gallegos desde la perspectiva de
la fonología generativa; recientemente, Martínez-Gil (1997) Colina (1997)
enfocan el gallego bajo la rúbrica de la fonología contemporánea. Dos
lingüistas catalanes, Mascaró (1976) y Lleó (1970) escribieron trabajos
teóricos sobre fonología catalana en los Estados Unidos antes de regresar
a España, dentro del marco de la fonología generativa clásica. DeCesaris
(1988) examinaba los paradigmas verbales con criterios morfofonológicos,
mientras que DeCesaris (1986) y Bonet-Farran y Saltarelli 1986) investi-
gan fenómenos de asimilación y epéntesis. El trabajo reciente de Morales-
Front (1995) actualiza los planteamientos anteriores y los sitúa en un
plano contemporáneo.

La fonología teórica del francés

La fonología francesa también ha gozado de prominencia en los estu-


dios teóricos producidos en las universidades estadounidenses, empezando
con Schane (1968), otra tesis doctoral dirigida por Morris Halle (al igual
que el libro de Harris 1969) y que exponía la fonología generativa de la
época. Aunque para Schane la cuestión fundamental era la representación
subyacente y abstracta de los morfemas franceses, los trabajos posteriores
(por lo menos a partir de Schane 1978a, 1978b, Selkirk y Vergnaud 1973
y Tranel 1981a) han enfocado los nexos fonológicos que figuran en las
obras clásicas. El área más controvertida, donde aun los trabajos descrip-

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 375

tivos demuestran discrepancias entre sí, es la representación fonológica de


la vocal neutral “schwa” las y las condiciones que requieren su realización
fonética, que impiden su pronunciación, y que resultan en una pronuncia-
ción variable. Otra faceta clave de la fonología francesa es la representa-
ción de las consonantes latentes finales de palabra, que aparecen bajo
ciertas condiciones de enlace morfosintático conocidas como liaison. De
importancia primordial es el estatus de la consonante final con respecto a
las unidades de peso silábico (las moras) y sus vínculos con el esqueleto
silábico. Otro tema relacionado es la “h aspiré” o /h/ latente al comienzo
de algunas palabras, que nunca se realiza fonéticamente pero que impide
la liaison de una consonante final de palabra en posición inmediatamente
anterior. Tranel (1995a) repasa las principales propuestas teóricas; véanse
también Bullock (1994), Clements y Keyser (1983), Montreuil (1995),
Tranel (1981a, 1981b, 1986, 1987a, 1987b, 1990, 1991a, 1991b, 1995b). La
canadiense Charette (1991) examina los mismos fenómenos desde la
perspectiva de la ‘fonología de rección’, que rechaza la noción de sílaba
como entidad fonológica primordial y se concentra en las relaciones
entre elementos adyacentes. Dentro de la teoría de la optimidad, Bullock
(1995, 1998) encabeza los trabajos de mayor relieve.

La fonología teórica del italiano y del reto-romance


La fonología teorórica de la lengua italiana y las lenguas regionales
de Italia ha captado el interés de fonólogos a través del mundo, y algu-
nos trabajos de importancia se han producido en los Estados Unidos. Los
temas principales son la silabificación de las consonantes geminadas, el
desdoblamiento de las consonantes iniciales bajo ciertas condiciones sintá-
ticas (conocido como raddoppiamento sintattico), la caracterización de la
cantidad silábica, la metafonía y la representación abstracta de los grupos
iniciales de palabra. Después de unos trabajos tempranos dentro del
marco de la fonología generativa (p. ej. Lipski 1973, 1975, 1978; Saltarelli
1970), los expertos estadounidenses en fonología italiana se dedicaban a
la aplicación de las teorías de cantidad silábica a la representación de la
palabra mínima (Repetti 1989, 1991, 1992; Saltarelli 1983; Hualde 1990;
Young 1993), la estructura fonológica de los grupos consonánticos iniciales
(Davis 1990, Radzinski 1987), las manifestaciones de metafonía y har-
monía vocálica (Kaze 1991, Zetterstrand 1998), y las jerarquías de fuerza
silábica (Cravens 1984; Tuttle 1990, 1991). Las aproximaciones teóricas son
las más innovadoras, y la fonología italiana todavía goza de una promi-
nencia significativa en los congresos de lingüística románica y general
celebrados en los Estados Unidos.

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376 JOHN M. LIPSKI

La fonología de los dialectos reto-romances se caracteriza por la


conversión de semivocales en consonantes obstruyentes, y Kamprath
(1986, 1987a, 1987b) y Montreuil (1992) han descrito este fenómeno en
términos teóricos. Hualde (1990) examina el alargamiento compensatorio
de un dialecto friuliano, y Repetti (1996) estudia las reglas de silabifi-
cación en otros dialectos retorromances.

El análisis de contrastes
El movimiento del “análisis contrastivo” de los años 60 y 70 produjo
varios estudios comparativos de las gramáticas del inglés y algunas
lenguas romances, donde a veces estaban incluídas comparaciones de los
sistemas fonéticos. Stockwell, Bowen, y Martin (1965) propusieron una
jerarquía de dificultades explícita que pretendía caracterizar la adquisición
del español por estudiantes angloparlantes, y sugerieron una tipología de
errores. Terrell y Salgués (1979) dan breves comparaciones de los sistemas
sintácticos y fonéticos del inglés y el español; Slick (1985) ofrece una
comparación más extensa, sin orientación teórica alguna, mientras que
Whitley (1986) se concentraba en un número reducido de estructuras, con
mayor profundidad. Bull (1965) estudiaba contrastes fonéticos y grama-
ticales, y sobre todo en este último renglón sus planteamientos casi
matemáticas siguen atrayendo discípulos nuevos, aun cuando los trabajos
sean presentados en una nomenclatura más moderna. Las ideas de Bull
sobre los matices semánticos de las distinciones pretérito-imperfecto, indi-
cativo-subjuntivo y ser-estar dieron lugar a unos debates enérgicos muchos
de los cuales se llevaban a cabo en las páginas de la revista Hispania,
órgano oficial de la asociación americana de profesores de español y por-
tugués, mientras que los afiches dibujados que acompañaban a los libros
de texto de Bull y que ejemplifican los principales contrastes gramaticales
del español han alcanzado el estatus de obras clásicas, que reemergen en
aulas de lengua a lo largo de los Estados Unidos. Además de los estudios
del español, podemos citar los libros de Agard y Di Pietro (1965, 1973)
que comparan las estructuras del italiano y el inglés, así como unos libros
de menor trascendencia que colocan frente a frente al inglés y el francés.
En años posteriores el análisis de contrastes – sobre todo en la dimensión
sintáctica – ha sido desfavorecido, ya que la investigación de la adquisi-
ción de una segunda lengua revela pocos puntos de trasferencia a partir
de la lengua nativa, sino que sugiere una tipología de errores basada en
estrategias generales de aprendizaje y universales cognositivos. En la foné-
tica, es más evidente la influencia de la lengua nativa, pero no requiere
una teoría jerarquizada de contrastes para predecir los puntos de interfe-

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 377

rencia. Los contrastes sintácticos son menos relevantes, especialmente


cuando las diferencias entre las lenguas son profundas, por ejemplo el
orden de palabras, el uso de preposiciones versus posposiciones, etc. Como
consecuencia, han desaparecido las asignaturas de “estructuras compa-
radas” de la mayoría de los programas de lenguas extranjeras, aunque
los cursos de metodología pedagógica para maestros suelen emplear un
enfoque contrastivo.

La lingüística aplicada románica


Los primeros trabajos de lo que podría denominarse linguistica apli-
cada de las lenguas romances se ubicaban dentro del marco del análisis de
contrastes comentado anteriormente; los resultados son las obras clásicas
de Bull (1965), Politzer (1961, 1964), Agard y Di Pietro (1965, 1973) y
Stockwell, Bowen, y Martin (1965). La linguistica aplicada contemporanea
enfoca los aspectos linguisticos de la adquisición de las lenguas nativas y
sobre todo la adquisición de una segunda lengua. En vez del análisis
contrastivo, la linguistica aplicada contempla el estudio de las estrategias
cognositivas y la interaccion de la gramática universal y las estructuras
peculiares a cada lengua. Liceras (1993) y Pérez-Leroux y Glass (1997)
reúnen estudios de la adquisición del español como segunda lengua.
Numerosos artículos y disertaciones documentan la adquisición del
español desde una variedad de perspectivas teóricas, sobre todo la mor-
fología y la sintaxis. Desde la perspectiva de la sintaxis universal, es de
sumo interés la adquisición, de parte de niños hispanoparlantes, de los
sujetos nulos del español, ya que también encuentran sujetos patentes
(pronominales y nominales), y las teorías de lenguaje infantil rechazan
la “evidencia negativa” es decir la corrección explícita por parte de los
adultos. De igual interés es la adquisición de los sujetos nulos por
hablantes de lenguas de sujeto patente obligatorio, por ejemplo el inglés,
el francés, el alemán, etc., ya que siempre es posible un sujeto patente en
español. Es igualmente importante el lenguaje de hablantes bilingües, ya
que sus representaciones gramaticales pueden ser formas híbridas que
combinan las configuraciones de ambas lenguas. Así es, por ejemplo, que
el empleo de sujetos nulos y patentes, y la inversión sujeto-verbo en
hablantes bilingües español-inglés es muy diferente de lo que se encuen-
tra en sujetos monolingües (Lipski 1996 para el habla de cubano-ameri-
canos). Apenas se ha tocado el tema de la adquisión léxica, mientras que
la fonología del español adquirido como segunda lengua retiene vestigios
del antiguo enfoque contrastivo. Los estudios de la fonología infantil
del español han tratado principlamente el orden de adquisición de los

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378 JOHN M. LIPSKI

segmentas y oposiciones, y el desarrollo de los sistemas de acentuación.


Dentro de los Estados Unidos el número de estudios de la adquisición de
otras lenguas romances es sumamente reducida, y hasta ahora no han
aparecido monografías ni antologías de importancia.

La aplicación de la lingüística a la enseñanza del español

La enseãnza de las lenguas extranjeras en los Estados Unidos tiene


vínculos estrechos a la lingüística moderna, y la aplicación de la lingüís-
tica a la pedagogía de las lenguas románicas alcanza su apogeo en la
enseñza del español. A lo largo del siglo XX el español ha pasado de una
asignatura elitista a una de las lenguas extranjeras de mayor demanda
estudiantil, en los Estados Unidos, Europa, Asia y Oceanía. El tradicional
enfoque literario ha sido casi enteramente reemplazado por el deseo de
adquirir una competencia comunicativa que facilite los estudios en el
extranjero y la convivencia con las comunidades hispanas dentro de los
Estados Unidos. Para alcanzar los niveles de proficiencia exigidas por la
nueva orientación pedagógica y social, han sido vitales las contribuciones
de lingüistas y sicólogos dedicados a la adquisición de una segunda
lengua. Algunos libros de texto clásicos incorporaban metodologías
parcialmente articuladas, por ejemplo el método audio-lingual (Modern
Language Association 1960), mientras que otros libros están asentados
sobre sólidas bases teóricas. Bull, Lamadrid y Briscoe (1978) convirtieron
las teorías de Bull (1965) en lecciones apropiadas para el aula de lenguas;
Politzer y Urrutibehéity (1972) contenía lecciones basadas en una aproxi-
mación estructuralista a la gramática del español (e.g. Politzer 1961), y
Terrell (1986) ejemplifica el método natural. Últimamente, algunos libros
de texto en los Estados Unidos emplean el concepto de “input-based pro-
cessing” es decir, el procesamiento de los conceptos gramaticales basado
en el inducto o la entrada de datos por el estudiante. Concretamente, los
materiales didácticos suministran como trasfondo pasivo un lenguaje
mucho más avanzado de lo que el estudiante puede procesar activamente
en determinado momento, para así facilitar la transición a la próxima
etapa de adquisición. VanPatten y Lee (1995) es el libro más conocido
dentro de esta metodología.
En los últimos años se han publicado varias introducciones a la
lingüística escritas en español, aunque ninguna abarca las teorías más
actuales: Azevedo (1992), Klein (1992), y D’Introno and Zamora (1988).
Está a punto de salir un libro de Hualde, Escobar y otros que prometer
avanzar la enseñanza de la lingüística románica a estudiantes de pregrado.

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 379

La teoría sintáctica de las lenguas romances

Desde los inicios de la teoría sintáctica moderna, las lenguas


romances – sobre todo el español, el francés y el italiano – han gozado
de una prominencia especial, ya que muchas de sus configuraciones sintác-
ticas han servido de plataforma para la formulación de modelos teóricos.
Con la llegada de la gramática transformacional generativa teoría elabo-
rada y difundida por Noam Chomsky, y que tuvo sus inicios en la década
de los ’60, la descripción sintáctica de las lenguas romances pasó de la
mera reproducción de los hechos a un estrato teórico que pretendía carac-
terizar los mecanismos cognitivos del comportamiento humano. Hadlich
(1971) escribió uno de los primeros tratados gramaticales del español
dentro del nuevo paradigma, pero las propuestas se limitaban a una
estructura de frase que poco difería de las estructuras de la gramática
tradicional, y unas transformaciones que no eran sino listas de correspon-
dencias inducto-educto, sin valor explicativo alguno. Goldin (1970) descri-
bió la sintaxis del español desde la perspectiva de la gramática de casos,
teoría caduca desde aquella década. Posteriormente, el profesor venezo-
lano radicado en los Estados Unidos d’Introno ha escrito otras introduc-
ciones a la sintaxis del español. Hace poco tiempo, Zagona (2001) ha
publicado la síntesis de la sintaxis española más actualizada. Entre los
verdaderos pioneros de la exploración teórica de la sintaxis española
podemos citar a Perlmutter (1971), por dos contribuciones sobresalientes.
Primero, identificó las restricciones sobre la combinación y colocación de
los clíticos de complemento directo e indirecto, y propuso la noción de
filtro, que posteriormente fue incorporada a la teoría de ligamiento/rec-
ción bajo la rúbrica de restricciones de desplazamiento y la condición-θ.
Más que una simple tabla de combinaciones, Perlmutter intentó una expli-
cación más profunda que, aunque parezca sencilla en términos modernos,
colocaba sobre la mesa de discusión por primera vez las complejas reali-
zaciones de los clíticos en español. Tal vez la herencia más duradera de
Perlmutter sea la identificación del PARÁMETRO DEL SUJETO NULO como la
confluencia de tres configuraciones superficialmente dispares: (i) la pre-
sencia de un sujeto implícito, facilitado por la morfología verbal; (ii) la
inversión sujeto-verbo del tipo llamó Juan ayer; (iii) la extracción del
sujeto de una cláusula subordinada sin la elisión del complementizador:
¿Quién crees que llamó anoche? Posteriormente fue añadido el sujeto
pleonástico nulo: llueve, hay que hacer esto, es necesario llegar a tiempo,
etc. Fueron justamente las observaciones de Perlmutter que ayudaron a
Chomsky a incorporar el concepto de PARÁMETRO a sus nuevas teorías
gramaticales: según el modelo de parámetros, las tres configuraciones

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380 JOHN M. LIPSKI

vienen ligadas en una gramática, ya que la presencia de una de las condi-


ciones implica las otras dos. Esta idea tiene profundas consecuencias tanto
para la adquisición de una lengua como para la canalización de los cam-
bios diacrónicos, pues ofrece una serie de predicciones sobre la existencia
o inexistencia de lenguas y dialectos. Retrospectivamente, la agrupación de
varios factores dentro de la categoría de “parámetro de sujeto nulo” es
problemática, ya que existen muchos ejemplos contradictorios: el portu-
gués no permite la inversión sujeto-verbo con la misma facilidad del
español; existen lenguas septentrioinales italianas que tienen sujetos nulos
(pero sí tienen clíticos de sujeto) y sujetos expletivos patentes; el español
popular dominicano también tiene el sujeto patente ello en construcciones
expletivas, etc. Pero el contacto entre lenguas de sujeto nulo y de sujeto
no-nulo sigue siendo un campo de investigación muy fructífera en la
ampliación de las teorías sintácticas.
En las versiones de la teoría sintáctica conocidas como “ligamiento y
rección” o “principios y parámetros” el español siempre ocupaba un lugar
céntrico en las investigaciones de vanguardia; tan es así que Chomsky
dictó una serie de conferencias en Managua, Nicaragua (1988) en que
nuevos planteamientos fueron ilustrados por medio de las configuraciones
sintácticas de la lengua española. La teoría de las “barreras” (Chomsky
1986) se basaba más que nada en sutilezas gramaticales de la lengua
inglesa, mientras que las teorías más recientes, el modelo “minimalista” ha
encontrado amplias repercusiones entre los lingüistas que estudian el
español, en forma de artículos, tesis y conferencias. Para citar sólo algunos
libros (dejando al lado los centenares de artículos y presentaciones más
breves), Mallén ha elucidado la estructura del sintagma nominal en
español, Zagona (1988) ha defendido el concepto del movimiento del
verbo con ejemplos del español, Suñer ha investigado el desdoblamiento
de clíticos (por ejemplo lo conozco a Juan), Jon Franco ha enfocado
varias configuraciones de clíticos de complemento, y MacSwann es uno de
los muchos investigadores que han aplicado el modelo minimalista a la
alternancia de lenguas (cambio de códigos), en este caso el náhuatl y el
español en México. En años recientes, se ha aplicado la teoría sintáctica a
la variación dialectal del español; así es, por ejemplo, que Mallén, Suñer y
yo hemos propuesto varios modelos para explicar el empleo del SUJETO
PATENTO + INFINITIVO en el español caribeño (para tú entender esto, antes
de yo llegar), Toribio y Pérez Leroux han investigado las preguntas no
invertidas en la misma zona dialectal (¿cómo tú te llamas? ¿qué usted
quiere?), Toribio ha enfocado la doble negación en el español dominicano
(no lo tengo no), y yo he estudiado la coreferencia de sujetos nulos y

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 381

patentes en el español cubano. Todavía quedan muchos retos y cuestiones


sin resolver; por ejemplo, el empleo de vos/usted como focalizador sin
argumento en el español centroamericano (hace mucho calor, vos), los
clíticos sin concordancia en el español andino de bilingües recesivos (lo
veo las casas), la estructura de las frases topicalizadas a base de una
cláusula relativa reducida en muchas variedades caribeñas y sudameri-
canos (lo conocí FUE en la fiesta; necesitamos ES llegar a tiempo) y muchos
otros. Hoy en día la sintaxis teórica es una de las áreas más populares
y más competitivas en la lingüística norteamericana, y los trabajos sobre
la sintaxis del español tienden a dominar los simposios de lingüística
románica en Norteamérica.
El italiano también comparte algunas de las características sintácticas
del español, y los trabajos teóricos de sintaxis italiana han atraído a algu-
nos de los mejores lingüistas en los Estados Unidos. Sobresalen los tra-
bajos de Rizzi (1982) y Burzio (1986) quienes han logrado, entre otras
conclusiones, una caracterización de los verbos ‘inacusativos’ como llegar
(el sujeto patente ocupa la posición de complemento directo en la forma
subyacente) y los auténticos verbos intransitivos o ‘inergativos’ como
nacer (el sujeto patente es también el sujeto subyacente). Debido al
empleo de dos verbos auxiliares y la existencia de la partícula partitiva ne,
la distinción está más clara en italiano (y en francés) que en español.
Jaeggli ha aplicado con éxito estos conceptos a la sintaxis del español, y
hoy en día es ampliamente reconocida la dicotomía inacusativo-intran-
sitivo/inergativo.
La sintaxis teórica del francés cuenta con algunos trabajos elaborados
en los Estados Unidos, aunque los máximos exponentes de la sintaxis
francesa se encuentran en Francia y Canadá. Langacker (1967) ofreció una
de las primeras monografías sobre la gramática generativa del francés,
y Gertner (1973) es un temprano análisis de la morfología verbal del
francés dentro del paradigma generativo. Después del primer libro de
Kayne (1975), dedicado al ciclo transformacional del francés (uno de los
conceptos claves de la sintaxis generativa de los años ’60 y ’70), Kayne
(1984, 1994) ha empleado datos del francés para elaborar sofisticados
modelos teóricos que pretenden elucidar las posibles estructuras de frase
en la gramática universal. Pearce (1990) se basa en datos diacrónicos del
francés antiguo para aportar unas afirmaciones teóricas sobre los ‘pará-
metros’ de la sintaxis universal. El trabajo reciente de Culicover y Postal
(2000) analiza los ‘huecos parasíticos’ del tipo ¿Qué libro compró Juan sin
leer? y Jones (1996) es una síntesis de los principales conceptos teóricos
de la sintaxis francesa.

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382 JOHN M. LIPSKI

Dialectología hispánica e hispanoamericana


Aunque algunos investigadores estadounidenses han contribuído a la
dialectología del francés, el italiano, y otras lenguas romances, los aportes
mayores han sido los muchos trabajos de dialectología hispánica. La parti-
cipación anglo-estadounidense en la dialectología española peninsular
ha sido relatiamente limitada en lo que se refiere a libros y artículos
aunque existen muchas tesis y disertaciones. Holmquist (1988) ha estu-
diado los fascinantes dialectos cantábricos, dotados de una amplia gama
de harmonía vocálica y otros fenómenos fonológicos con matices socio-
lingüísticos.
El tema del ‘español de América’ ha fascinado a observadores de
ambos lados del Atlántico, y desde los inicios de la linguistica hispanica
numerosos investigadores han intentado caracterizar las hablas hispano-
americanas y explicar la enorme diversidad dialectal del español ameri-
cano. Los lingüistas estadounidenses se han encontrado en la vanguardia
de los trabajos dialectológicos hispanoamericanos durante el último medio
siglo. Boyd-Bowman (e.g. 1964, 1968) extendió la la discusión del supuesto
andalucismo del español americano al aportar datos demográficos de mil-
lares de colonos españoles en Hispanoamérica durante el primer siglo de
colonización, quedando demostrado contundentemente el predominio de
los dialectos suroccidentales de España durante la primera etapa de
exploración y colonización. Aparecen presentaciones panorámicas del
español de América en las obras seminales de Canfield (1962, 1981); el
primer libro presenta las teorías del autor sobre la relación entre la
cronología de la población de las colonias hispanoamericanas y la reten-
ción de determinados rasgos fonéticos en los respectivos dialectos regio-
nales. Resnick (1975) clasifica los dialectos americanos de acuerdo a una
compleja matriz de rasgos binarios. Zamora y Guitart (1982) ofrecen otra
clasificación dialectal así como un análisis global del español de América.
Se presentan tratados panoránicos del español hispanoamericano en
Cotton y Sharp (1988) y posteriormente en Lipski (1994, 1996).
El contacto de lenguas y los interlenguajes etnolinguisticos consti-
tuyen una de las bases principales de la diversificación dialectal del
español americano. Los aportes indígenas han sido estudiado en muchas
obras, aunque el nivel de profundiad de los trabajos varía notablemente.
Carol Klee y Ana María Escobar han presentado importantes estudios de
los contactos linguisticos hispano-quechua, mientras que los contactos his-
pano-guaraní figuran en las obras de Joan Rubin, Shaw Gynan y Yolanda
Solé, entre otros. El dialecto hispano-portugués conocido como fronterizo

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 383

del norte del Uruguay ha sido investigado por Hensey (1972). Todavía
hacen falta trabajos sistemáticos sobre el impacto del idioma nahuatl y las
lenguas mesoamericanas sobre el español, aunque existen numerosos artí-
culos. En el Caribe, Alvarez Nazario (1974, 1977) estudiaba los aportes
indígenas y africanos al español de Puerto Rico.
Las lenguas de imigrantes voluntarios e involuntarios (esclavos) tuvie-
ron un impacto significativo sobre varios dialectos hispanoamericanos.
Varela (1980) ha estudiado el impacto de la población china sobre el
español cubano (véase también Lipski 1998, 1999). El aporte africano
al español de América figura en numerosos artículos, así como en los
libros de Alvarez Nazario (1961), Megenney (1990), Lipski (1990), Ortiz
López (1997), y Schwegler (1998). Abundan los estudios de la variación
léxica hispanoamericana, pero sobresalen las obras de Kany (1945, 1960a,
1960b) por ser las más completas, aunque basadas enteramente en fuentes
literarias.
Podemos resumir las contribuciones estadounidenses a la dialecto-
logía hispanoamericana bajo la categoría de contacto de lenguas y fenó-
menos sociolingüísticos, aunque también existen otras áreas de estudio. Un
grupo de investigadores (Megenney, Schwegler, Ortiz López, Alvarez
Nazario y yo) ha llevado a cabo profundos estudios sobre las raíces afri-
canas del español americano, la existencia previa y actual de lenguas criol-
las de base afro-ibérica, y los restos de lenguaje afrohispánico a través de
la América Latina. Otros estudiosos han enfocado los contactos de lengua
en la zona andina y en México, y la distribución sociolingüística de
variables fonéticos y sintácticos en Puerto Rico.

La sociolingüística de las comunidades hispanoparlantes


El desarrollo de la sociolinguistica es un fenómeno de las últimas tres
décadas, y ha habido relativamente pocos estudios sociolinguisticos del
mundo hispanoparlante. Aunque la lingüística europea se interesaba por
algunos fenómenos lingüísticos con implicaciones sociales, la sociolingüís-
tica moderna surgió en los Estados Unidos con los trabajos de William
Labov, Dell Hymes, Joshua Fishman, y otros gigantes del pensamiento
contemporáneo. Labov introdujo a la lingüística el concepto de variación
cuantitativa, y la noción que es posible observar el progreso de un cambio
lingüístico al efectuar sondeos de una gama de edades y clases socio-
culturales. Los primeros trabajos neolabovianos tenían como base el
inglés, y sobre las comunidades afroamericanas de los Estados Unidos,
pero los discípulos de Labov no tardaron en aplicar sus métodos al

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384 JOHN M. LIPSKI

español, de Hispanoamérica, los EstadosUnidos y eventualmente de


España. Silva-Corvalán (1989) es la primera presentación panorámica de
la sociolinguistica escrita en lengua española, e incluye muchos datos
de comunidades de habla española. El equipo encabezado por Joshua
Fishman realizó unos importantes estudios sobre el español puertorri-
queño en los Estados Unidos; unos años después, Poplack (1979) hizo la
mismo para la comunidad puertorriqueña de otra ciudad estadounidense.
En el Caribe, Humberto López Morales tiene una amplia trayectoria de
estudios sociolingüísticos sobre el español de Puerto Rico. La mayoría de
los estudios han enfocado la variación fonética desde una perspectiva
cuantitativa/variacional; es menos frecuente el estudio sociolinguistico de
la variación gramatical.

El español en los Estados Unidos


Una de las áreas más apreciables de la linguistica hispanica es el
estudio del español en los Estados Unidos, ya que están íntimamente liga-
dos los matices del bilingüismo, las actitudes linguisticas, y los entornos
socioculturales. Los primeros estudios del español tradicional en los Esta-
dos Unidos (e.g. Espinosa 1909/1930, 1946 para Nuevo México) empleaban
el molde de la dialectoogía clásica, y apenas mencionaban las incursiones
de la lengua inglesa. Para la década de 1940 el español mexico-americano
figuraba prominentemente en varios artículos, incluyendo la antología
editada por Hernández-Chávez et al. (1975). Estos trabajos tendían a
hacer hincapié en los elementos no estándar o vernaculares del español
del sudoeste estadounidense, en vez de presentar las comunidades de
habla en términos neutrales. Los supuestos diccionarios y glosarios del
español “chicano” combinan palabras auténticamente regionales y formas
coloquiales y vulgares que se encuentran en todo el mundo hispano-
parlante, sin claros criterios diferenciadores (por ej. Galván y Teschner
1975, Cobos 1983, Coltharp 1965). Entre las antologías más importantes
sobre el español del sudoeste de los Estados Unidos se ubican Bowen y
Ornstein (1976), Green y Ornstein (1986), Bixler-Márquez et al. (1989).
Peñalosa (1980) y Sánchez (1983) iniciaron el estudio empírico del
español mexico-americano, una tradión que continúa en muchas tesis y
artículos. Lipski (1985a) estudia los aspectos linguisticos del cambio de
códigos (la alternancia español-inglés) que caracteriza el habla de muchos
hispanos bilingües en los Estados Unidos.
Los primeros estudios realmentes modernos del español puertorri-
queño en Estados Unidos se efecturaron en Jersey City, Nueva Jersey, por
el equipo encabezado por Fishman et al. (1971). Poplack (1979) ofrece el

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 385

primer estudio variacional del habla puertorriqueña de Filadelfia, mientras


que Casiano Montáñez (1975) describe la pronunciación del español puer-
torriqueño de Nueva York; Gutiérrez González (1993) hace lo mismo para
la dimensión léxica. Numerosos artículos describen la sociolingüística del
bilingüismo puertorriqueño en Estados Unidos, incluyendo el cambio
de lenguas y la compenetración del inglés. Zentella (1997) describe el
comportamiento lingüístico de niños puertorriqueños bilingües en la
ciudad de Nueva York.
Varela (1992) es el primer estudio panorámico del español cubano en
Estados Unidos, que cuenta con una bibliografía muy raquítica en com-
paración con la importancia demográfica y sociopolítica de la comunidad
cubano-americana. Todavía no existen descripciones monográficas de las
importantes comunidades de habla dominicanas, colombianas y centro-
americanas en Estados Unidos (e.g. Peñalosa 1984), aunque ha aparecido
una cantidad considerable de artículos. Los dialectos aislados han recibido
una atención desproporcional; el español de los isleños (descendientes de
colonos canarios que viven en áreas remotas del estados de Luisiana) ha
sido estudiado MacCurdy (1950), Lipski (1991), y Armistead (1992), y el
dialecto aun más vestigial de los brulis de Luisiana, también descendientes
de canarios, ha merecido una monografía detallada de Holloway (1997).
Los matices linguisticos del español sefardita en los Estados Unidos
figuran en las monografías de Armistead et al. (1981) y Harris (1994),
entre otros.
Los primeros trabajos sobre el español estadounidense eran pura-
mente descriptivos, danda constancia de la existencia de distintas varie-
dades del español por todo el país. La próxima etapa de trabajos se carac-
terizaba por el enfoque bilingüe, sobre todo la incoporación de palabras
inglesas y la posible interferencia estrucutral del inglés sobre el español
norteamericano. Todavía existía una polémica alrededor de la inquietud de
que la interferencia del ingles estuviera “deteriorando” el español en los
Estados Unidos; participaban en el debate educadores, periodistas, politi-
cos, y por fin lingüistas, estos últimos legitimando por fin la viabilidad del
español estadounidense. A partir de la década de los 70, surgió el interés
por las restricciones gramaticales sobre los cambios de lengua en medio
de una sola oración, tipificada por el título de un artículo de Poplack:
“Sometimes I’ll start a sentence in English y termino en español.” Los pri-
meros estudios de esta índole propusieron condiciones sintácticas muy
ambiociosas, pero a medida que iban siendo estudiadas otras combina-
ciones de lenguas, se hacía cada vez más evidente que factores pragmáti-
cos, es decir los actos de habla y el discurso circunvecino, eran más impor-

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386 JOHN M. LIPSKI

tantes que las restricciones sintácticas en cuanto a los posibles sitios


de alternancia de lenguas. La tercera etapa de estudios sobre el español
en los Estados Unidos describía las actitudes de comnidades hispano-
parlantes hacia su propia lengua, la retención o la pérdida del español en
las areas hispanas, y las mejores estrategias de enseñar el español a niños
y adultos hispanos.

Congresos, conferencias y publicaciones


La lingüística románica en los Estados Unidos y Canadá ha motivado
una serie notable de congresos anuales y ocasionales, así como actas
publicadas, antologías y otras publicaciones derivadas de las reuniones
profesionales. El evento primordial es el Linguistic Symposium on
Romance Languages (LSRL), un congreso que se celebra cada año en una
universidad distinta de Estados Unidos y Canadá (un año se realizó en
México). El LSRL tuvo su inicio en el año 1969, en la Universidad de la
Florida, Gainesville, y a partir de ese momento se ha celebrado anual-
mente, publicándose las actas en una serie de libros que se integran a la
bibliografía fundamental de la lingüística románica en Norteamérica. La
mayoría de los trabajos presentados ante el LSRL son de índole teórica,
y predominan las investigaciones de sintaxis generativa y fonología
contemporánea. Por muchos años, casi todos los trabajos enfocaban
el español y el francés y a veces el italiano, pero en años recientes han
aparecido muchos estudios teóricos sobre el rumano, el catalán, el latín, y
las lenguas regionales de Italia y Francia.
El LSRL es un congreso dedicado exclusivamente a la lingüística
románica teórica; también se celebran congresos anuales de lingüística
teórica donde figuran prominentemente datos de las lenguas romances. La
conferencia de la North East Linguistics Society (NELS), originalmente
fundada en el Instituto de Tecnología de Massachusetts (MIT), en la
facultad que incluye al destacado lingüista Noam Chomsky, se celebra
cada año en una de las universidades del noreste estadounidense o las
provincias orientales canadienses. Se publican las actas, y los criterios de
arbitraje y selección son tan rigorosos (las tasas de aceptación son de
menos de 10% de los trabajos sometidos a consideración), que las actas
son publicaciones de muchos prestigio e impacto. En las reuniones de
NELS son frecuentes las intervenciones que tratan temas romances, sobre
todo la sintaxis del español y el francés, y en grado menor la fonología
del español, el francés y el italiano. La Chicago Linguistic Society (CLS)
realiza una conferencia annual en la Universidad de Chicago, donde
también se ventilan temas de lingüística teórica y aplicada, y donde figu-

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LA LINGÜÍSTICA ROMÁNICA EN LOS ESTADOS UNIDOS 387

ran con cierta frecuencia trabajos dedicados a las lenguas romances. Las
actas, que se publican anualmente (a veces en dos tomos, cuando hay una
‘parasesión’ dedicada a un tema específico) han contenido varios trabajos
teóricos sobre la colocación del acento en español, la fonología teórica del
francés, y varias investigaciones sintácticas sobre el español y el francés.
De igual índole son las conferencias de lingüística teórica West Coast
Conference on Formal Linguistics (WCCFL), Western Conference on Lin-
guistics (WECOL), Eastern States Conference on Linguistics (ESCOL), y
Formal Linguistics in Mid-America (FLMA); todas son eventos anuales, y
todas publican sus actas en tomos que constituyen lecturas obligatorias
para los estudiantes y especialistas en linguística teórica. Varias organiza-
ciones de lingüistas celebran reuniones y publican revistas donde aparecen
a menudo trabajos enfocados en las lenguas romances; entre las mejores
organizaciones son la Linguistic Society of America (LSA) y su revista
Language; la Linguistic Society of the Southwest (LASSO) y su revista
Southwest Journal of Linguistics; la Society for Pidgin and Creole Lin-
guistics (SPCL) y su revista Journal of Pidgin and Creole Studies. Las
organizaciones de profesores de lenguas también editan revistas de impor-
tancia, que suelen contener trabajos de lingüística románica; la American
Association of Teachers of Spanish and Portuguese (AATSP) y su revista
Hispania; la American Association of Teachers of French (AATF) y su
revista French Review; la American Association of Teachers of Italian
(AATI) y su revista Italica son los mejores ejemplares.
Además de los congresos de linguística románica y general, se cele-
bran varios encuentros dedicados a la linguística hispánica. Desde 1979 se
realiza el congreso annual “El español en los Estados Unidos,” que reúne
especialistas en dialectología, sociolinguística, pedagogía, planificación, y
medios de comunicación. El primer congreso fue celebrado en la Univer-
sidad de Illinois, recinto de Chicago, y las actas (Elías Olivares et al.) for-
man parte de la bibliografía fundamental del español norteamericano. A
lo largo de los años este congreso se ha celebrado en distintas universi-
dades por todas partes de los Estados Unidos; el próximo congreso se rea-
lizará en 2002 en Puerto Rico, la primera vez que el encuentro tiene lugar
fuera de los Estados Unidos continentales. En años recientes el congreso
El español en los Estados Unidos se ha combinado con una sesión sobre
lenguas en contacto con el español, atrayendo así una amplia comunidad
de expertos en dialectología y bilingüismo del mundo hispanoparlante.
También en la década de 1970 se realizaron varios congresos en el
suroeste de los Estados Unidos sobre aspectos lingüísticos de las lenguas
regionales, entre ellas el español. Las actas del congreso, conocido por la

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388 JOHN M. LIPSKI

sigla SWALLOW, reúnen importantes estudios sobre la alternancia de


lenguas y las actitudes sociolingüísticas sobre el español. Otro congreso
importante se celebró por primera vez en 1981 en la Universidad de
Massachusetts: El bilingüismo del español y portugués. En años siguientes,
este evento se ha realizado en distintas universidades estadounidenses, así
como en México y Puerto Rico.
En Georgetown University, en Washington, se han realizado varios
congresos de linguística hispánica adjuntas al congreso annual Mesa
Redonda de Lingüística (Georgetown Round Table). Hay otro congreso
de linguística hispánica que ya se ha realizado durante los últimos seis
años, y que se dedica sobre todo a la linguística teórica: sintaxis, fonología
y semántica. La publicación de las actas ha contribuído de manera impor-
tante a la bibliografía de lingüística formal. Desde hace varios años la
Universidad de Texas en Austin patrocina un congreso annual de socio-
lingüística, en que predominan los trabajos sobre el español en contacto
con el inglés y otras lenguas de las Américas. Se han publicado algunas de
las actas en la publicación anual Texas Linguistic Forum.
Además de las revistas ya mencionadas, se editan en los Estados
Unidos la importante revista Journal of Hispanic Philology. Finalmente,
debemos mencionar la revista Hispanic Linguistics, única de su género en
Norteamérica. La revista fue fundada en la Universidad de Pittsburgh en
1984 y se ha trasladado varias veces. Actualmente su sede es la Univer-
sidad del Estado de Pennsylvania, y yo soy el editor más reciente. La
lingüística francesa tiene su salida en el órgano de la asociación de pro-
fesores de francés, la revista French Review; la revista Italica desempeña
la misma función para los profesores de italiano. También se edita la
revista Journal of Italian Linguistics en los Estados Unidos. Romance
Philology, la revista fundada por el destacado filólogo Yakov Malkiel, se
edita en la Universidad de California, Berkeley, y es la columna vertebral
de la filología románica en Norteamérica.

Conclusiones
Y así concluimos este modesto recorrido de los principales logros de
la lingüística románica del ultimo siglo, con especial atención a los traba-
jos de investigación producidos en los Estados Unidos. Debido a los
límites de espacio, muchas contribuciones han quedado sin mencionar,
pero revelan la incredible vitalidad de la lingüística románica y sobre todo
hispánica en los Estados Unidos.

Universidad del Estado de Pennsylvania. John M. LIPSKI

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”,
NOUVELLE PHILOLOGIE

Sous le titre Le désespoir de Tantale ou les multiples choix d’un


éditeur de textes anciens. A propos de la Chevalerie Vivien, éditée par
†Duncan McMillan, Lene Schøsler et Pieter van Reenen ont livré aux
lecteurs de la Zeitschrift für romanische Philologie(1) leur point de vue sur
divers aspects de notre discipline: non seulement, comme le titre le laisse
deviner, sur les types d’édition possibles, sur les contraintes que peut subir
l’éditeur et sur les perspectives que lui ouvre la révolution informatique;
mais aussi – et surtout – sur les méthodes qu’il convient de mettre en
œuvre pour localiser linguistiquement les témoins(2).
Pour bien interpréter ce double propos et comprendre pourquoi l’édi-
tion de McMillan s’y trouve impliquée, il faut en éclairer l’arrière-plan.
On sait que A. Dees considère comme «entièrement fausse» la notion
de scripta pour ce qui concerne la période antérieure à 1300(3). Après
avoir publié (avec le concours de P. Th. van Reenen et de J. A. de Vries)
un Atlas des formes et des constructions des chartes françaises du
13e siècle (4) dans le but «d’inventorier les plus importantes des variations
régionales sur le plan de la phonétique, de la morphologie et de la syn-
taxe, telles qu’elles se reflètent dans la langue écrite des chartes du
13e siècle»(5), il a mené avec de nombreux collaborateurs une deuxième
étude imposante consacrée cette fois aux textes littéraires(6). Le propos en
était de mesurer au départ des indications fournies par les chartes,
«témoins primaires», le «degré de dialecticité» de 200 textes (vies de

(1) Zeitschrift für romanische Philologie, 116 (2000), pp. 1-19.


(2) Pour reprendre la formulation des auteurs: «…le problème essentiel est celui-
ci: comment concevoir et identifier un dialecte de l’ancien français?» (p. 3).
(3) Voir entre autres A. Dees, «Dialectes et scriptae à l’époque de l’ancien fran-
çais», Revue de Linguistique Romane, 49 (1985), pp. 87-117: 111-112.
(4) Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, 178 (1980).
(5) Op. cit., p. VIII.
(6) Atlas des formes linguistiques des textes littéraires de l’ancien français, Beihefte
zur Zeitschrift für romanische Philologie, 212 (1987).

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404 MADELEINE TYSSENS

saints, chansons de geste, romans, chroniques…), interrogés pour 268 phé-


nomènes linguistiques, et de les localiser dans le voisinage de l’un des
87 centres urbains d’un réseau défini dans le premier Atlas. Le traitement
de ces milliers de formes, le calcul des pourcentages et des scores furent
évidemment confiés à l’ordinateur. Parmi les 200 textes ainsi localisés
figurent neuf copies d’une chanson du Cycle de Guillaume d’Orange, le
Charroi de Nîmes, examinées dans les transcriptions de Lene Schøsler.
Rappelons brièvement que le Charroi de Nîmes, tout comme la Cheva-
lerie Vivien, est conservé dans des recueils cycliques qui rassemblent soit
dix chansons du Cycle de Guillaume proprement dit, soit ces dix chansons
et les chansons du cycle d’Aymery. Tous les éditeurs et les critiques qui
ont examiné les témoins(7) s’accordent à reconnaître que l’ensemble de la
tradition se répartit en versions, œuvres de remanieurs qui ont opéré sur
des portions plus ou moins étendues du cycle. Ils identifient tous une
famille x, formée de six manuscrits, répartis en deux sous-familles: quatre
mss A (A1, A2, A3, A4) et deux mss B (B1 et B2); cette famille x, la plus
nombreuse, la plus homogène, mais aussi la plus “banalisée” a été souvent
désignée comme la “vulgate”(8). À côté d’elle, les deux compilations indé-
pendantes C et D (chacune représentée par un seul recueil) ont enchaîné
des portions du cycle provenant de sources diversement remaniées. Il est
bien connu que pour le groupe formé par les trois chansons Couronne-
ment de Louis, Charroi de Nîmes, Prise d’Orange, C et D présentent des
physionomies très différentes de celle de x; les trois versions sont indé-
pendantes; il est clair aussi, malgré des écarts voulus ou involontaires,
qu’elles procèdent d’un même texte premier. Pour la seconde partie du
cycle d’autres témoins s’ajoutent aux huit premiers: parmi eux le ms. E,
le manuscrit S et deux feuillets pour un total de 120 vers (G), qui contien-
nent la Chevalerie Vivien.
Les neuf témoins du Charroi de Nîmes (huit copies citées ci-dessus
et un fragment de 135 vers) ont donc été soumis par Dees aux relevés,

(7) Depuis E. Langlois qui publia le Couronnement de Louis en 1888. Cf. A. Nord-
felt, C. Wahlund et H. von Feilitzen (Enfances Vivien, 1895), W. Cloetta (Le
Moniage Guillaume 1906-1913) et plus près de nous Cl. Régnier (La Prise
d’Orange, 1966), D. McMillan (Le Charroi de Nîmes 1972) ou encore J. Frap-
pier, Les chansons de geste du Cycle de Guillaume d’Orange, t. I, 1955 et
M. Tyssens, La Geste de Guillaume d’Orange dans les manuscrits cycliques,
1967.
(8) Le mot est peut-être mal choisi. Il n’a pas en tout cas, dans l’esprit de ceux qui
l’utilisent, le sens de “version canonique”, c’est-à-dire la plus proche de l’origi-
nal, comme semble le croire A. Dees dans le dernier article cité à la n. 12
(p. 173).

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 405

statistiques et calculs de l’ordinateur. Si la localisation de C dans la zone


Somme/Pas-de-Calais et la localisation de D dans la Meuse ne faisait pas
difficulté (le caractère picard du premier et lorrain du second ayant été
maintes fois signalé par les éditeurs précédents), les lieux assignés aux mss
dérivés de x (Haute-Marne pour A1 et le fragment; zone Nièvre/Allier
pour A2, A3, A4, Aisne pour B1, Eure pour B2) avaient de quoi surprendre
les spécialistes de cette geste. Les éditeurs jusqu’ici avaient décrit leur
langue comme langue littéraire commune avec quelques traits banals du
Nord-Est. Dès 1988(9) d’autre part, j’ai fait observer(10) que certaines de ces
localisations étaient en complète discordance avec les indices plus que pro-
bants fournis par les examens codicologiques – on reviendra sur ce point.
Il y aurait donc deux méthodes pour localiser nos textes littéraires:
la méthode “traditionnelle”, qui ne permet que des «localisations plus ou
moins impressionistes»(11) et la procédure objective de Dees. Dans un
certain nombre de cas, les résultats des deux recherches apparaissent
contradictoires.
Différentes aussi les figures stemmatiques produites pour un même
texte par la méthode “traditionnelle” (collation et pesée des variantes tex-
tuelles et des fautes) et la “stemmatologie” préconisée par Dees à diverses
reprises(12).
En 1995(13), L. Schøsler illustrait les nouvelles méthodes par l’examen
des neuf copies du Charroi. Elle confirmait pour l’essentiel les localisa-
tions de l’Atlas; toutefois la localisation de B1 est précisée (Soissons), celle

(9) Au XIe Congrès International de la Société Rencesvals (Barcelone 22-27 août


1988), où s’est tenue une Table Ronde. L’exposé (M. Tyssens «Typologie de la
tradition des textes épiques: les poèmes français») a paru dans les Memorias de
la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, tome XXII, 1990, pp. 433-446.
(10) Sans vouloir engager un débat sur les présupposés de la méthode ni mettre en
évidence la confusion des plans qui, en 1985, avait conduit M. Dees à des
attaques injustifiées et d’une agressivité injustifiable.
(11) Dees, Atlas …de 1987, p. XXVIII.
(12) Voir entre autres «Analyse par l’ordinateur de la tradition manuscrite du Cli-
gès de Chrétien de Troyes», Actes du XVIIIe Congrès international de linguisti-
que et philologie romanes, Tübingen, 1988, t. VI, pp. 62-75; «La tradition manus-
crite du Perceval de Chrétien de Troyes», Revue de Linguistique Romane 62,
1998, pp. 417-442; «La tradition manuscrite du Charroi de Nîmes», La recherche.
Bilan et Perspectives, Actes du Colloque international, Université McGill, Mont-
réal 1988, Éditions CERES Montréal, 2000, pp. 129-189.
(13) «New Methods in Textual Criticism. The Case of the Charroi de Nîmes», Trends
in Linguistics Studies and Monographs, 79 (1995), pp. 225-276.

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406 MADELEINE TYSSENS

de B2 au contraire élargie à la Normandie tout entière; D rejoint dans la


Haute-Marne A1 et le fragment. Quant au stemma produit par l’ordina-
teur pour la partie du texte qui correspond au fragment (135 vers), il offre
de la famille A une figure différente de celle qui a été évoquée ci-dessus
(à savoir que les quatre copies remontent indépendamment au subarché-
type A)(14): le fragment (fr) est situé en position d’archétype; A1 serait
l’intermédiaire entre fr et les autres A, comme modèle direct de A2
et d’un z d’où dériveraient A3 et A4. Cela posé, L. Schøsler s’efforçait
d’expliquer les lieux variants qui contredisent une telle filiation.
Ayant pris connaissance de cette étude, D. McMillan réagit vigoureu-
sement dans un article de discussion, intitulé «Le Charroi de Nîmes:
déstemmatisation et délocalisation des manuscrits», qui fut publié après sa
mort(15). Il souligne l’ignorance des multiples recherches menées depuis
vingt ans sur les textes de la Geste, la témérité d’une entreprise fondée
sur une tradition aussi éclatée que celle du Charroi, l’illogisme de certains
raisonnements et le simplisme de certaines analyses; ayant scruté attenti-
vement la langue écrite des copistes dans son édition du Charroi, parue
en 1972, et dans celle de la Chevalerie Vivien qu’il était en train d’achever,
il s’insurge contre les localisations proposées pour les mss du groupe x.
Rigoureuse et attentive, la démonstration, à laquelle on ne peut que ren-
voyer les lecteurs, revêt, comme le soulignait Au. Roncaglia dans
une note liminaire, une valeur méthodologique qui dépasse le problème
particulier pour toucher aux questions très actuelles des applications de
l’informatique aux problèmes philologiques que sont la scriptologie, la
localisation des manuscrits et leurs relations stemmatiques.
On retrouve le même esprit dans l’édition de la Chevalerie Vivien,
posthume elle aussi(16): relevés précis et minutieux, commentaires perspi-
caces des variantes et larges mises en perspective de problèmes plus géné-
raux, fondées sur une connaissance impressionnante de la bibliographie.
Cette édition, qui jusqu’ici, semble-t-il, n’a pas fait l’objet d’autres
comptes rendus que celui qui nous occupe et d’une présentation sommaire

(14) Voir par ex. les éditions McMillan du Charroi, p. 22, et Régnier de la Prise
d’Orange, p. 25.
(15) Dans Cultura Neolatina LVI (1996), pp. 411-433.
(16) La Chevalerie Vivien, édition critique des mss S D C, avec introduction, notes
et glossaire par †Duncan McMillan, deux tomes, 750 pp., 1997. L’ouvrage a été
mis au point pour la publication par J.-Ch Herbin, J.-P. Martin et Fr. Suard, et
publié, grâce aux soins de J. Subrenat, dans la collection Senefiance du CUER
MA.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 407

dans le Bulletin Bibliographique de la Société Rencesvals(17), comporte


une ample Introduction. McMillan décrit d’abord les témoins – et plus
particulièrement S, récemment redécouvert (pp. 11-26) – et, après un exa-
men des variantes, assorti, dans les notes de bas de page, de commentaires
judicieux sur les méthodes d’ecdotique, propose un classement stemma-
tique (pp. 22-69) et définit les principes qui ont présidé à l’établissement
des textes (pp. 71-80). Il se livre ensuite à un examen minutieux de la
scripta de S (pp. 81-119), des scriptae des manuscrits du groupe x, dont les
relevés pour le texte de la Chevalerie corroborent les conclusions
anciennes(18) (pp. 119-136): d’où les doutes exprimés ici aussi sur les loca-
lisations de Dees; enfin des scriptae de C (pp. 137-146), de D (pp. 146-163)
et de E (pp. 163-173). Des chapitres plus brefs (pp. 175-203) sont consa-
crés à la date de composition, à la langue et à la technique poétique, puis
à l’analyse du poème.
Suit le texte des éditions. Dans le stemma, les copies A et B sont
groupées, sous x, avec S (en position haute au sein du groupe), tandis que
le ms. D remonte en ligne directe(19) à l’archétype, de même que la ver-
sion très remaniée de C. Quant à E, très remanié lui aussi, il procède de
l’intermédiaire o1, dont procède également tout le groupe x.

(17) Fascicule 29, n° 94. La présentation est signée Denis Collomp.


(18) Parmi les dernières, celles de Cl. Régnier (éd. de la Prise d’Orange, 1966,
pp. 35-40) et de D. McMillan (éd. du Charroi de Nîmes, 1972, p. 25).
(19) À travers des intermédiaires, cela va de soi.

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408 MADELEINE TYSSENS

En conséquence, l’éditeur a placé sur la page de gauche le texte de S,


avec, en apparat, les leçons rejetées, puis les variantes textuelles de la
famille A, suivies de celles de la famille B; sur la page de droite le texte
de D (texte de contrôle), puis, dans l’apparat, les variantes de E par rap-
port à S. Le texte de C et les parties trop divergentes de E sont impri-
més en appendice dans le tome II (pp. 415-482). D’autres appendices four-
nissent une concordance de la présente édition avec les éditions
antérieures, une concordance des versions entre elles, un relevé des alter-
nances surprenantes des mains de scribes dans S (pp. 483-503). Enfin des
Notes critiques de toutes natures (grammaticales, lexicales, interpréta-
tives…), abondantes(20) et substantielles (pp. 505-658), fournissent une véri-
table somme des informations utiles; elles témoignent aussi d’une volonté
scrupuleuse et acharnée de justifier tous les choix.
Dans l’article Le désespoir de Tantale, L. Schøsler et P. Van Reenen
ne visent pas à donner un compte rendu de cette importante édition. Ils
en présentent pourtant rapidement le sommaire, reconnaissant poliment
«qu’elle est excellente à plusieurs points de vue» et que «le tout montre
s’il en était besoin les connaissances, le soin et l’application habituels que
garantit le nom de McMillan.» (pp. 13-14). Mais il est clair qu’en dehors
des éléments qui leur importaient, ils ne l’ont regardée que très rapide-
ment. C’est ainsi qu’ils écrivent: «Les philologues apprécieront la résolu-
tion des abréviations rendues en italiques» (p. 13). On cherche vainement
cela dans l’édition: les italiques, dans les textes de S, D, C et E, signalent
les mots empruntés à d’autres versions et substitués à des leçons fautives
rejetées dans l’apparat, comme McMillan l’a dûment signalé p. 77.
Leur propos, on l’a dit, est double: préconiser de nouveaux types
d’éditions, rendues possibles par les moyens de l’ordinateur; illustrer et
défendre les localisations de l’équipe d’Amsterdam, les deux propos se
rencontrant d’ailleurs pour le traitement des variantes. Le premier est
développé dans les deux sections initiales, Introduction et Les Variantes
et les deux sections finales L’édition de la chevalerie (sic) Vivien par
McMillan et Conclusions: vers une édition de texte complète?; le second
dans les sections centrales Le Dialecte et La conception du dialecte dans
McMillan (1997).
Le premier paragraphe de la section Le Dialecte (p. 3) nous apprend
que l’éditeur «pourra préférer d’éditer un manuscrit qui n’a pas trop

(20) Encore certaines, qui étaient prévues, n’étaient-elles pas encore rédigées au
moment du décès de l’auteur (voir, p. 9, la “note de l’éditeur”).

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 409

voyagé(21) et qui ne s’éloigne donc pas trop du présumé original du point


de vue du dialecte»; s’il ne dispose pas d’un tel manuscrit «il éditera peut-
être un manuscrit d’un autre dialecte en adaptant la couche dialectale
supposée superposée à l’original(22).» Mais «comment concevoir et iden-
tifier un dialecte de l’ancien français?»
Suivent cinq pages, que je résume et commente rapidement, et qui
mettent en opposition deux approches de ce problème: celle de Dees, fon-
dée sur les chartes originales, et celle des philologues, tout intuitive, qui
«se base exclusivement sur les textes littéraires et qui écarte les inconsé-
quences et les hétérogénéités des manuscrits en les traitant comme des
fautes attribuées à l’ignorance des copistes(23)» (p. 4). Les auteurs sont
évidemment partisans de la première approche: «en travaillant sur les
manuscrits littéraires nous voulons respecter les variantes, et, par consé-
quent, l’activité du copiste(24).»
Après avoir signalé que les traits dialectaux sûrs dégagés de l’étude
des chartes «se montrent absolument conformes aux traits dialectaux des
quelques textes littéraires de localisation précise», ils évoquent les «pro-
blèmes d’ordre pratique» qui conduisent «souvent» à «interpréter les
résultats comme des approximations, mais des approximations relative-
ment précises et fiables.» Puis ils déplorent l’imprécision des termes
‘domaine dialectal’, ‘koinè picarde’, ‘dialecte central’, ‘koinè littéraire’,
‘francien’, ‘innovateur’, ‘conservateur’ et ‘traditionnel’; ils notent enfin
qu’hétérogénéité de la graphie «ne veut pas nécessairement dire chaos ou
incohérence des scribes(25).»

(21) Par “manuscrit qui a beaucoup voyagé”, il faut entendre, semble-t-il: une copie
dont le modèle vient d’une région éloignée, ou une copie dont le modèle,
venant d’une région proche, avait lui-même un modèle venant d’une autre
région, qui lui-même…, etc.
(22) Mais qui pratique encore ainsi?
(23) Est-ce vraiment là une description sérieuse de la démarche des éditeurs et des
scriptologues? en particulier celle de l’éditeur de la Chevalerie, qui l’a pourtant
explicitée clairement: «nous laissons la place au rôle qu’ont pu jouer, chez
arrangeurs et scripteurs […], le simple fait de couler un texte dans une nou-
velle scripta, ou encore les pressions exercées, dans des conditions infiniment
variables, par l’usus scribendi, les automatismes acquis, et l’attraction, toujours
présente, du cliché formulaire…» (p. 28).
(24) Formulation vague et qui confine au simplisme en ce qu’elle ne distingue pas
les variantes de contenu (additions, omissions, variations lexicales) et les
variantes linguistiques (voir infra).
(25) Qui a rien dit de pareil? Les scriptologues soulignent que chacun des textes
que nous avons sous les yeux est le terme d’une tradition plus ou moins longue

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410 MADELEINE TYSSENS

Ces cinq pages se retrouvent, identiques, dans une communication


présentée par les mêmes auteurs à Strasbourg en 1997(26). Dans la version
qui nous occupe, ils ont seulement inséré entre parenthèses des références
à McMillan 1972, 1996, 1997(27), lui reprochant ainsi l’usage des termes
‘koinè picarde’ ou ‘francien’. Pour le reste, il n’y a entre les deux textes
que de très rares et très menues variantes rédactionnelles. On sourit pour-
tant de voir que les «approximations relativement précises et fiables»
avaient été présentées à Strasbourg comme «des approximations très
fiables». Repli tactique?
La section s’achève sur une vingtaine de lignes où les auteurs préci-
sent que par ‘dialecte d’un texte’ il faut comprendre «la dernière couche
dialectale du manuscrit en question qui nous a été laissée par un scribe»
et que «en d’autres termes, la provenance géographique laisse des traces».
Pour les textes littéraires, sans citer McMillan 1996, ils reprennent à leur
compte ses mises en garde en les résumant sommairement: «Pourtant le
nombre et la nature des versions intermédiaires qui séparent l’original du
manuscrit existant compliquent la situation, car nous ne savons rien, le plus
souvent, de la provenance des scribes et de leur formation.» Ils font de
même pour les chartes: «Nous ignorons également l’influence du fait que
dans le domaine d’oïl les chartes datent d’une époque où une tradition
écrite existait déjà depuis quelque temps. Enfin nous savons que les chartes
ne sont aucunement à considérer comme des transcriptions phoné-
tiques(28).» Mais ils concluent bravement que «Malgré toutes ces réserves
[…] nous trouvons que les résultats obtenus sont souvent satisfaisants.»
Ces concessions lestement expédiées, les auteurs ne se sentent pas
tenus de rencontrer les objections formulées par D. McMillan dans

de copistes, dont nous ne savons rien, mais qui pouvaient être de régions
différentes, d’âge et de formation différents; les derniers copistes, d’où qu’ils
soient, ont pu vouloir respecter les graphies de leurs modèles et y réussir diver-
sement ou, au contraire, se sentir très libres sur ce point.
(26) Sous le titre «Corpus et stemma en ancien et moyen français. Bilan, résultats
et perspectives des recherches à l’Université libre Amsterdam et dans les ins-
titutions collaboratrices», dans les Actes du IXe colloque international sur le
moyen français, Le moyen français. Le traitement du texte (édition, apparat cri-
tique, glossaire, traitement électronique), Presses Universitaires de Strasbourg,
2000, pp. 25-54.
(27) Soit respectivement l’édition du Charroi de Nîmes, l’article de Cultura Neola-
tina et l’édition de la Chevalerie Vivien.
(28) On croit entendre des objections de Ch. Th. Gossen, qui n’est pas cité davan-
tage.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 411

Cultura Neolatina. Dans la section La conception du dialecte dans


McMillan (1997), ils ne mettent en cause que l’Introduction à l’édition de
la Chevalerie Vivien. Quelques citations empruntées à cette Introduction
visent à faire mesurer le fossé qui sépare leur analyse des témoins
écrits de celle qu’avance la «philologie chevronnée(29) représentée ici par
McMillan» c’est-à-dire l’analyse scriptologique, et à dénoncer l’ambiguïté
ou l’inconsistance de termes comme ‘francien’ ou ‘koinè littéraire’.
Chemin faisant, pour illustrer les imprécisons de la méthode tradi-
tionnelle et défendre les localisations avancées par A. Dees et L. Schøsler,
les auteurs épinglent de prétendues contradictions dans les descriptions de
la langue des divers témoins.
Soit le cas de deux passages de l’Introduction: “Tous les manuscrits A
sont en oïl commun; on n’y relève que quelques rarissimes régionalismes
(éd. p. 14)”. «Pourtant, notent les auteurs, selon les pp. 126-127, on trouve
dans A3 “d’indubitables et nombreux traits des scriptae du Nord et du
Nord-Est, en particulier de l’Est lorrain”.» Ils omettent de dire: que
McMillan lui-même (p. 14, n. 6) renvoyait aux pp. 126-127 pour le cas de
A3; – qu’il avait examiné ailleurs ce manuscrit dans un compte rendu
dont il donne la référence p. 14, n. 7(30); – que le témoin A3 de la Geste
de Guillaume est inséré dans un recueil collectif comportant d’autres
chansons de geste et des romans (Chanson des Saisnes, Simon de Pouille,
Partonopeus de Blois…) copiés par des scribes dont certains (notamment
dans la Chanson des Saisnes et dans Simon de Pouille) affichent des traits
lorrains; – que McMillan souligne expressément dans le compte rendu cité
que «ces lotharingismes sont absents de la scripta du scribe des poèmes
du cycle de Guillaume, à peu près dénués de régionalismes»; – que dans
le compte rendu, et de manière plus elliptique dans l’édition de la
Chevalerie (p. 127), ces rappels conduisent l’éditeur à émettre des réserves
sur les localisations proposées par A. Dees: «l’hypothèse… qui attribue le
ms. fr. 368 [A3], sur la foi du texte du Charroi de Nîmes, au Nivernais-
Bourbonnais, ne résiste pas au témoignage des faits constatés ni dans les
autres poèmes du cycle de Guillaume, ni, à plus forte raison, dans les
Saisnes et Simon de Pouille. » (c. r. cité, p. 630).

(29) Le terme revient à plusieurs reprises. Il remplace ‘la tradition’, utilisé par
L. Schøsler dans l’article «News Methods…» et que McMillan traduisit plai-
samment «Götterdämmerung des dinosaures» (art. cit. de Cultura Neolatina,
p. 412, n. 3). Efforts aimables pour éviter “vieille philologie”, utilisé parfois sans
embarras par certains (“Old Philology”).
(30) Annette Brasseur, «Étude linguistique et littéraire de la Chanson des Saisnes
de Jean Bodel», Revue de Linguistique Romane, 54 (1990), pp. 626-631.

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412 MADELEINE TYSSENS

Soit encore le cas des manuscrits A1 et A2, dont tous les éditeurs ou
commentateurs de la geste ont souligné qu’ils se présentaient comme des
jumeaux, fabriqués dans le même atelier (mise en page, réglure, illustra-
tion et, naturellement, version du texte quasi identiques). A. Dees, pour-
tant, localise A1 dans la Haute-Marne, A2 (de même que A3 et A4) dans
le Nivernais-Bourbonnais. À quoi McMillan objecte (éd. p. 126, n. 133):
«…A1 et A2 ayant été copiés dans un seul scriptorium dans le but mani-
feste de constituer des mss. jumeaux (31), peut-on raisonnablement admettre
– même en concédant la possibilité de deux scribes de provenance diffé-
rente – que scribes ou chef d’atelier aient pu tolérer que cette uniformité
fût déparée par la présence de formes régionales divergentes?» Nos
auteurs pensent mettre l’éditeur en contradiction avec lui-même: «Dans le
cas des mss B, deux scribes du même atelier ont adopté des attitudes dif-
férentes (respectivement archaïsante [B1] ou rajeunissante [B2]) selon
McMillan 1997 [éd.], 16). Une différence d’attitude aurait pu aussi s’in-
troduire dans l’atelier où travaillaient les copistes de A1 et de A2. Donc
si l’on applique l’argument de McMillan à propos de A1 et de A2 à B1 et
à B2, tout ce qui a été dit sur le scribe de B1 paraît nul et non avenu.»
Cette remarque néglige le point essentiel de l’argument de McMillan: la
similitude voulue des deux copies A1 et A2; B1 et B2, au contraire, quoi-
qu’ils offrent une même version des chansons du cycle et sortent du
même atelier, sont en tous points dissemblables: senions vs quaternions;
375 x 300 mm vs 310 x 235 mm; 3 colonnes de 53 lignes à la page vs
2 colonnes de 44 lignes; miniatures différentes(32).
La recherche du “degré de dialecticité” ne vise rien moins qu’à éta-
blir à terme un Atlas linguistique de la France du 13e siècle; en outre,
pour les stemmatologues, cette évaluation devrait confirmer les relations
généalogiques que l’ordinateur établit par des calculs statistiques. Dans la
pratique de la “philologie chevronnée”, la localisation des copies dans les
ateliers vise aussi, mais d’une tout autre manière, à appuyer l’étude de la
tradition textuelle: si des indices matériels démontrent que plusieurs
copies conservées d’une même version sont issues du même atelier, on
peut en déduire que les copistes ont eu sous les yeux le même modèle,
apercevoir certains caractères de ce modèle et mettre en évidence les
initiatives des scribes et les manipulations dont le texte a fait l’objet.

(31) C’est moi qui souligne.


(32) Cf. M. Tyssens, La geste de Guillaume d’Orange dans les manuscrits cycliques,
p. 372.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 413

Il est pour le moins inquiétant que les résultats de la première


recherche ne s’harmonisent pas nécessairement avec ceux de la seconde. Il
est aujourd’hui amplement démontré que les mss B1 et B2, en dépit de leurs
disparates de mise en page et de scripta, sont issus du même atelier. En
1927 déjà, M. Delbouille reproduisant la note d’incidence qui se lit au f°
126v de B1, faisait observer qu’elle renvoie explicitement à l’organisation de
B2, où le Siège de Barbastre et Guibert d’Andrenas ont été insérés au milieu
des Enfances Vivien, et la Mort Aymery au milieu du Moniage Rainouart; en
1960, il démontrait que cette organisation avait été opérée après l’établis-
sement des copies, entraînant des manipulations (grattage, déplacement de
feuillets, dépeçage de cahiers), calculées en fonction des données matérielles
de B2, et auxquelles on avait finalement renoncé pour B1, dont la mise en
page rendait l’opération plus difficile(33). En 1967, en examinant la copie des
dix chansons du Cycle de Guillaume proprement dit, j’ai constaté qu’une
même main, différente de celles des copistes des deux volumes, y avait
transcrit une laisse propre à cette version du Moniage Rainouart, ce qui
impliquait que B1 et B2 s’étaient trouvés ensemble dans le même atelier(34).
Récemment, P. Rinoldi(35) examinant les poèmes du cycle d’Aymery a
confirmé la chose de façon éclatante, puisqu’il a observé que cette main –
qu’il convient donc de considérer comme celle d’un chef d’atelier – inter-
vient encore à plusieurs reprises dans chacun des deux recueils, cinq fois
dans B1, trois fois dans B2: «quasi sempre in zone di sutura fra due canzoni
o in zone delicate (anche solo per motivi estetici) in cui era necessario un
lavoro accurato». La confirmation nous vient aussi d’une autre discipline: les
historiens de l’art attribuent les miniatures des deux manuscrits à des col-
laborateurs ou des élèves du décorateur anonyme qu’on appelle «le Maître
de Fauvel», qui travaillait à Paris au début du XIVe siècle(36).

(33) M. Delbouille, «Le système des incidences», Revue Belge de Philologie et d’Histoire,
VI (1927), pp. 617-641; ID, «Dans un atelier de copistes. En regardant de plus près
les manuscrits B1 et B2 du cycle épique de Garin de Monglane», Cahiers de Civi-
lisation Médiévale, 11 (1960), pp. 14-22. Un avertissement informe les lecteurs de
B2 de cette disposition: «Ci apres commence le sieges de Barbastre. Incidences»;
«Incidences. Ici commence la bataille des Sagytaires et la mort d’Aymery». B1 rap-
pelle la synchronie des chansons Enfances Vivien et Siège de Barbastre d’une part,
Moniage Rainouart et Mort Aymery d’autre part, et ajoute «mais por ce qu’il n’y
a fait nul incidences est chascun livrez mis par soi et non par ordonande».
(34) M. Tyssens, La Geste…, pp. 369-372.
(35) «Dans un atelier de copistes: ancora sui manoscritti B1 et B2 del Grand cycle
di Guillaume d’Orange», Medioevo Romanzo XXIII (1999), pp. 359-387.
(36) Voir en dernier lieu A. Stones, «The Stylistic Context of the Roman de
Fauvel», Fauvel Studies. Allegory, Chronicle, Music and Image in Paris, Biblio-
thèque Nationale de France, MS Français 146, Oxford, 1998, pp. 529-567.

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414 MADELEINE TYSSENS

Pourtant, on l’a dit, l’Atlas localise B1 dans l’Aisne, B2 dans l’Eure.


Mais on peut expliquer tout autrement la disparité des langues écrites. Les
scribes voyagent, et dans l’équipe d’un même atelier des individus de
toutes origines, d’âge divers et de sensibilités grammaticales différentes
pouvaient travailler côte à côte(37); ainsi de la langue puriste et archaïsante
de B1 face à la langue plus jeune de B2: s’agissant en effet de manuscrits
du début du XIVe s., la théorie selon laquelle la dégradation du système
bicasuel désignerait un copiste de l’Ouest («en Normandie, Eure incluse»,
c. r. cité, p. 12) ne tient pas. Le “paramètre humain” échappe évidemment
à l’ordinateur. Dans un article récent(38), A. Dees, sans mentionner, lui non
plus, les objections avancées par McMillan ou par moi-même, revient sur
la localisation de B1. Il entreprend d’expliquer que le B1 du Charroi de
Nîmes avait été localisé dans l’Aisne avec le coefficient 85, moins favo-
rable que le 93 qui localisait à Langres le fragment (fr), dont le texte pré-
senterait les formes les plus proches des formes primitives. «…ces coeffi-
cients moins favorables sont dus à la circonstance que les textes examinés
sont parfois des textes contaminés par suite de traductions interdialectales:
une couche de formes récentes y coexiste avec une couche ancienne de
formes primitives […] Ne trouvant aucun ensemble de chartes comparable
au texte contaminé, le programme [de localisation] cherchera un compro-
mis, c’est-à-dire un point d’enquête situé entre le point de provenance des
formes primitives et le point de provenance des formes récentes […] une
enquête supplémentaire sera nécessaire pour trouver le point géogra-
phique où les formes récentes ont été introduites dans les versions conta-
minées. Normalement ce point sera plus éloigné du point de première pro-
venance que celui du compromis calculé par l’ordinateur. Ainsi nous
avons de bonnes raisons pour croire que […] B1 a dû être adapté dans les
environs de Paris ou de Soissons.» Dont acte. Mais qu’en sera-t-il de B2,
auquel l’ordinateur attribuait le coefficient de 91?
Dans le même mouvement et pour les mêmes raisons, A4, situé par
l’Atlas… dans la zone Bourbonnais/Nièvre avec un coefficient de 79, est
rapatrié «dans les environs de Tours et de Chartres». A. Dees ne se
prononçant pas sur les trois autres mss A, je signalerai donc que A3 est
localisé lui aussi dans la Nièvre avec un coefficient de 76; quant aux
“jumeaux” séparés A1 et A2, leurs coefficients ne sont pas meilleurs: 76 et
73; ils se verront peut-être réunis dans une nouvelle “patrie”…

(37) Voir mon exposé cité à la n. 9 et ce qui est dit plus haut à la note 25.
(38) Dees, 2000, cité à la n. 12, p. 178.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 415

On ne sait si nos collègues comptent mener cette «enquête supplé-


mentaire» par une démarche traditionnelle ou s’ils la confieront à l’ordi-
nateur, préalablement équipé d’un programme plus sophistiqué. Quoi qu’il
en soit, il est clair que les localisations actuellement proposées aux
pp. 519-533 de l’Atlas… de 1987 sont, au mieux, hypothétiques, et qu’elles
ne nous mettent pas, en tout cas, sur la voie qui mènerait aux ateliers de
copies(39).
*
* *

L’équipe d’Amsterdam marque aussi son désaccord face aux éditions


produites par «la philologie chevronnée». D’une part elle oppose aux
méthodes lachmanienne, néo-lachmanienne… et à la pratique bédiérienne
une nouvelle méthode de classement des témoins(40). D’autre part elle
prône l’édition totale de tous les témoins, rendue possible par la révolu-
tion informatique.
Dans le compte rendu qui nous occupe, la stemmatologie amsteloda-
moise n’est nullement évoquée, les auteurs se bornant à approuver le
choix de S comme texte de base, «justifié de façon convaincante» (p. 14),
bien que ce choix ait été opéré selon une pesée des variantes tout à fait
traditionnelle. On ne considère donc ici que le problème de l’édition
“totale”, qui semble être l’idéal de la nouvelle philologie.
Il y a peu, P. Kunstmann exposait aux lecteurs de la Revue de Lin-
guistique Romane(41) l’état actuel de projets menés en Amérique, au
Canada et en divers pays d’Europe pour mettre à la disposition des cher-
cheurs et des étudiants, en exploitant les puissantes ressources de l’ordi-
nateur et de l’internet, un corpus de textes, qui devrait s’accroître au fil
du temps, des fichiers d’analyse morphologique et syntaxique, des index,
des lexiques.

(39) On se demande d’autre part – mais ceci dépasse le cadre de la présente dis-
cussion – quel sera, en définitive, le “degré de dialecticité” si les localisations
doivent être ainsi révisées.
(40) Illustrée depuis 1975 par plusieurs articles d’A. Dees, «Sur une constellation de
quatre manuscrits», Mélanges… L. Geschiere, «Considérations théoriques sur la
traduction manuscrite du Lai de l’Ombre» Neophilologus, 1976 (et ci-dessus,
n. 12); par des études qui lui ont été offertes en 1988 ou qui se réclament de
lui (Studies in Stemmatology, …, 1996). Je me propose d’examiner plus tard
l’intérêt de la nouvelle stemmatologie.
(41) «Ancien et Moyen français sur le Web: textes et bases de données», Revue de
Linguistique Romane, 64 (2000), pp. 17-42.

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416 MADELEINE TYSSENS

En ce qui concerne le corpus textuel des œuvres littéraires, il ressort


clairement de l’article que les promoteurs se soucient de donner à consulter
des documents authentiques et de faciliter ainsi de nouvelles enquêtes
(portant sur la graphie, le lexique, la morphologie, la syntaxe), qui
devraient affiner notre connaissance des états anciens de la langue. Ils édi-
tent donc avant tout des textes à témoin unique, une seule copie ou une
seule version choisie dans une tradition multiple. Option légitime en l’occur-
rence, et qui n’a rien à voir avec les discours qui magnifient la “variance”
au détriment du texte et de l’auteur.
Les éditions de la «philologie chevronnée» visent avant tout à donner
à lire un texte, moyennant l’adaptation des tracés d’un copiste aux normes
de la typographie moderne (coupures, ponctuation…), moyennant aussi
l’élimination des défauts de cette copie qui viennent perturber le sens. Les
deux opérations relèvent de l’interprétation, que le lecteur attend préci-
sément de l’éditeur, même s’il se réserve le droit de la contrôler; forcé-
ment “subjectives”, elles requièrent, on le sait, prudence, doigté et connais-
sance profonde de la langue et de l’usus scribendi de l’auteur. L’apparat
critique répond à d’autres curiosités: il permet tout à la fois de contrôler
les choix opérés dans le texte de référence et de découvrir les visages
divers que prend l’œuvre à travers sa tradition. La pratique usuelle réduit
le texte des témoins aux lieux variants où leur leçon diverge de celle du
texte de référence. Il est tout à fait gratuit de voir là la démarche d’es-
prits obnubilés par le détail, par la “parcelle notable”; il est simpliste et
ingénu de croire que seules les contraintes matérielles du support de
papier déterminent cette pratique. L’éditeur accomplit sa tâche quand il
met en évidence les éléments utiles à la comparaison des témoins, au lieu
de laisser se débrouiller le lecteur, aux prises avec le texte complet de
tous ces témoins; et sa tâche sera d’autant plus ardue et plus nécessaire
que les témoins seront plus nombreux.
Il est aussi parfaitement injuste de décréter que les éditions tradition-
nelles n’offrent «au mieux […] qu’un choix de variantes souvent rudimen-
taire et toujours difficilement utilisable»(42). C’est croire que les éditions ne
sont destinées qu’à fournir des matériaux à la scriptologie ou à d’autres
études linguistiques, en un mot, confondre édition et base de données.
On ne s’étonne donc pas de voir P. Reenen et L. Schøsler juger
que «au moins pour l’étude linguistique l’apparat critique [de l’édition

(42) L. Schøsler, «Compte rendu de B. Cerquiglini, Éloge de la variante, …» Revue


Romane…, pp. 146-148: p. 147.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 417

McMillan] est insuffisant. Il est impossible de comparer systématiquement


les manuscrits A, B et E, et il en est de même des versions A.» (p. 14).
Mais les lignes qui suivent (pp. 14-15) feraient croire – à tort – à des
inconséquences dans le chef de l’éditeur, dont l’apparat contredirait
l’étude linguistique:
Voici une illustration concrète. Comme dans beaucoup de textes au
moyen âge, A + LES s’écrit souvent au ou a au lieu des aus/as. McMil-
lan (1997 [éd.]) s’étonne(43) sur l’absence du -s comme il l’avait déjà fait
dans McMillan (1972 [éd du Charroi de Nîmes]). En comparant ce que
notre collègue observe sur cette question dans le chapitre sur les scrip-
tae (p. 81-173) avec ses remarques dans l’appareil critique, nous consta-
tons que les variantes fournies dans l’appareil critique ne sont pas
fiables (44). À propos de A4, McMillan remarque (p. 128, note 138) que
l’on rencontre a pour as aux vers 1372 et 1595 et au pour aus aux vers
55, 676, 830, 1335, 1735, mais on ne trouve souvent pas les variantes
signalées dans l’appareil critique. Par exemple la variante de A4 signa-
lée dans le chapitre sur les scriptae n’y figure pas pour le vers 55, ni
pour le vers 1335. Dans le cas des vers 676, 830, 1735, l’appareil cri-
tique dit as (même deux fois dans le cas de 830) et non pas au, comme
il est pourtant signalé dans le chapitre sur les scriptae. Un autre cas
encore concerne B1. Vers 1844 a «la resne» dans S. On croirait qu’il en
est de même de A et de B, parce qu’il n’y a pas de variante signalée.
Pourtant, p. 132 nous renseigne que B1 a «le resne».

En fait, McMillan a soigneusement répertorié dans son étude les


traits graphiques caractéristiques de chaque copie; dans l’apparat, il s’est
rigoureusement conformé aux normes de l’édition, visant à fournir les
variantes substantielles par rapport à S des versions A (= A1, A2, A3, A4)
et B (= B1, B2), considérées chacune dans son ensemble. Aussi
– les vv. 55, 1335, 1735 et 1844, qui n’offrent pas de variante de contenu
ne figurent pas dans l’apparat;
– comme le sait tout philologue «chevronné», il est d’usage dans la pré-
sentation des lieux variants de réduire le contexte qui les localise à des
abréviations; il est donc inexact de dire à propos des vv. 676 (S «se
sont as Turs mellé») et 1735 (S «as trez») que «l’appareil critique dit as
et non pas au». McMillan note au v. 676 «resont a. (= aus A1, A2, A3,
au A4) T. m.» et, comme on vient de le voir, il ne note aucune variante
au v. 1735; pour le v. 830, face à S «les loges et les trez», l’éd. relève
«as l. e. as t.» (leçon de A, attestée par A1, A2, A3), négligeant la
variante purement morphologique de A4; et il en va de même pour la
variante B1 du v. 1844.

(43) L’éditeur se borne à mentionner le fait sans manifester d’étonnement.


(44) C’est moi qui souligne.

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418 MADELEINE TYSSENS

La métaphore – quelque peu boiteuse – du supplice de Tantale est


censée illustrer la situation du malheureux éditeur réduit au support du
papier. Tel est le sens de la première conclusion (p. 15) où nos auteurs
reconnaissent d’abord que D. McMillan a fourni «une mine d’informations
précieuses, suivant et même dépassant la tradition philologique de l’édi-
tion critique» et qu’il s’agit «d’une entreprise gigantesque». Notre regretté
collègue aurait été le premier surpris d’entendre que son travail – assu-
rément considérable – dépassait «la tradition philologique de l’édition
critique». Bien des chansons de geste, notamment celles du cycle de
Guillaume, ne sont connues qu’à travers des versions remaniées et des
copies de ces remaniements. Les divergences sont telles que l’éditeur est
contraint d’imprimer des versions séparément; ainsi avaient procédé déjà
Cl. Régnier dans son édition de la Prise d’Orange (1966, successivement
version x, sur base d’un ms. A, avec variantes des trois autres et de B; ver-
sion C (E); passage propre à E; version D) et Y. Lepage dans son édition
du Couronnement de Louis (1978, même présentation de x, avec C en
regard, et, en appendice, D et passages très divergents de C); ainsi encore,
dans leur édition pionnière des Enfances Vivien (1895), C. Wahlund et
H. von Feilitzen, qui impriment en quatre colonnes et en transcription
diplomatique la version C, la version D, la version A (sur base de A2, avec
les variantes des trois autres) et B1, avec les variantes de B2. Contraire-
ment à ce qui se passe pour le Couronnement…, le Charroi… et la
Prise…, les versions D et x des Enfances Vivien et de la Chevalerie Vivien
sont assez proches l’une de l’autre: une mise en regard est donc possible
et, dès lors, une comparaison fructueuse de leurs témoignages. Tel était
assurément le projet de D. McMillan. On voit aussi qu’en dépit de l’ap-
parition d’une importante copie supplémentaire (S), sa présentation des
témoins issus de x est analogue à celles de Cl. Régnier et d’Y. Lepage(45).
Malgré quoi, P. van Reenen et L. Schøsler jugent que «cette source
d’information [les matériaux de l’édition] aurait certainement pu être
mieux exploitée et peut-être même augmentée par l’édition complète des
familles A et B, si on avait renoncé au support papier.» Ils concluent
en réitérant textuellement le programme proposé en 1997 à Strasbourg (v.
ci-dessus, n. 26), qui fait d’abord écho à un autre manifeste: «Éditer les

(45) Pour les Enfances Vivien, l’absence de E a permis aux éditeurs de présenter
séparément les sous-familles A et B; mais il suffit de lire les deux colonnes qui
leur sont attribuées pour voir que leurs textes sont très proches. A. L. Terra-
cher, qui ne disposait pas du ms. S, met aussi en regard, chaque fois que c’est
possible, C et D, qu’il imprime intégralement; les variantes A, B et E sont en
apparat de D.

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PHILOLOGIE “CHEVRONNÉE”, NOUVELLE PHILOLOGIE 419

manuscrits du moyen âge, c’est se pencher sur la diffusion des textes avant
la révolution que constitue l’invention de l’imprimerie. Nous vivons main-
tenant une deuxième révolution: l’invention de l’informatisation […] l’édi-
tion idéale d’une tradition manuscrite ne connaît pas ces choix [entre le
respect du meilleur manuscrit et l’édition critique] […] Désormais il ne
s’agit plus d’un ou bien… ou bien, mais d’un et… et.»

Le Programme de l’édition idéale comporte au premier niveau une


Documentation de base sur les manuscrits (fac-similés, éditions diploma-
tiques, codage linguistique, localisation et datation d’après les critères
linguistiques, descriptions codicologiques et paléographiques, autres com-
mentaires philologiques, stemma, glossaire et références bibliographiques).
Pour la présentation des données, «le logiciel permettra […] la juxtaposi-
tion des manuscrits en vue d’une comparaison de variantes… la consulta-
tion et la comparaison des enluminures.»

La communauté des chercheurs et des étudiants se réjouirait assuré-


ment de découvrir progressivement sur le Web tout le corpus des textes
étudiés dans l’Atlas… et de voir ainsi élargie la documentation déjà exis-
tante, même si elle apparaît ici uniquement en édition diplomatique et si,
comme le fait remarquer Pierre Kunstmann, «l’indexation empêche la
lecture en continu»(46).

La comparaison des variantes et le stemma concernent au premier


chef celui qui s’intéresse à la tradition du texte ou qui envisage de l’édi-
ter: l’expérience montrera si la comparaison “écranique” est plus agile que
nos anciennes pratiques artisanales.

Au second niveau de l’entreprise, on trouve l’édition critique, parmi


les “Produits dérivés” (avec la version adaptée pour non-spécialistes et la
traduction en langue moderne). Là encore on attendra les modalités de
cette “dérivation”.

L. Schøsler annonce une édition du Charroi de Nîmes, sans préciser


si elle s’en tiendra au premier niveau ou si elle entend faire l’effort de
l’édition critique. La tradition du Charroi… interdit naturellement toute
reconstruction combinatoire. On devra donc songer à une édition du type
de celle de Lepage, avec C mis en regard de la vulgate (x), et D édité à
part. La mise en texte et apparat de x devrait forcément être très sem-

(46) Art. cit., p. 24.

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420 MADELEINE TYSSENS

blable à celle de McMillan(47), sauf à y intégrer les variantes des 135 vers
du fragment. Quant à C et D, on rappellera qu’ils ont déjà été publiés par
S. Luongo(48).
En somme la philologie «chevronnée» n’a pas à baisser pavillon. Ni
à “tourner la page”. Ni à céder au vertige de l’exhaustivité(49). Et la belle
édition de la Chevalerie Vivien mérite assurément un autre regard
que celui qui fut proposé aux lecteurs de la Zeitschrift für romanische
Philologie.
Université de Liège. Madeleine TYSSENS

(47) D. McMillan, Le Charroi de Nîmes, Chanson de geste du XIIe siècle, Paris 19721,
19782.
(48) Le redazioni C et D del Charroi de Nîmes. Edizione critica a cura di
S. L., Napoli 1992.
(49) «la facilità con cui l’ordinatore compie operazioni che altrimenti richiedereb-
bero gran tempo e fatica, non comporta automaticamente che tali operazioni
siano sempre utili e sensate» A. Stussi, «C. r. de B. Cerquiglini, Éloge de la
variante», Zeitschrift für romanische Philologie, pp. 199-202: 200.

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NOUVELLES DONNÉES POUR
L’ANTHROPONYMIE DE LA GALLOROMANIA:
LES TOPONYMES MÉROVINGIENS
DU TYPE AVRICOURT

Depuis(1) un peu plus de cinquante ans, ce ne sont pas les linguistes,


mais les archéologues ou les historiens du peuplement et de l’occupation
du sol(2) qui se penchent sur les toponymes du type Avricourt(3). Car,
depuis les travaux fondamentaux de Ferdinand Lot(4) et de Walther von

(1) Cet article repose sur une conférence donnée lors du colloque organisé en
octobre 2001 à l’université de Lyon III par la Société Française d’Onomastique
sur le thème de «L’onomastique au carrefour des sciences humaines», mais que
des contraintes éditoriales n’ont pas permis de présenter in extenso dans la
publication des actes.
(2) Cf., à titre d’exemple, Michel Roblin, Le Terroir de Paris aux époques gallo-
romaine et franque. Paris 21971, pp. 76s., 84sqq.; ou, plus récemment, Jackie
Lusse, Naissance d’une cité: Laon et le Laonnois du Ve au Xe siècle. Nancy 1992,
pp. 110sqq.; et id., Les Toponymes latino-germaniques en -acum et en -court en
Champagne septentrionale: essai d’interprétation historique, in: Pierre-Henri Billy
et Jacques Chaurand (dir.), Onomastique et histoire - Onomastique littéraire.
Actes du VIIIe colloque de la Société Française d’Onomastique. Aix-en-Provence
1998, pp. 141-153.
(3) À ma connaissance, Ernst Gamillscheg (in: Romania Germanica. Sprach- und
Siedlungsgeschichte der Germanen auf dem Boden des alten Römerreiches, t. I:
Zu den ältesten Berührungen zwischen Römern und Germanen: Die Franken.
Berlin 21970, p. 87) fut le premier à parler d’un «type Avricourt (Avricourt-
Typus)». Pour le toponyme lorrain Avricourt (cf. le n° 13 du catalogue des
noms de lieux en -court du département de la Moselle reproduit plus loin) et
ses homonymes, dont celui situé dans l’actuel département de l’Oise (cf. Émile
Lambert, Dictionnaire topographique du département de l’Oise. Amiens 1982,
p. 24s.), il emprunta alors à son maître Josef Brüch (in: Die bisherige Forschung
über die germanischen Einflüsse auf die romanischen Sprachen, in: Revue de
linguistique romane 2 (1926), pp. 25-112, ici p. 44) une étymologie erronée déri-
vant ces toponymes de l’anthroponyme germanique Eberhard. Grâce à la répu-
tation de Gamillscheg, cette étymologie fait malheureusement encore autorité
aujourd’hui, en particulier chez les germanistes (cf. Christopher J. Wells,
Deutsch: eine Sprachgeschichte bis 1945. Tübingen 1990, p. 53; Werner König,
dtv-Atlas zur deutschen Sprache, Munich 1978, p. 59, etc.).
(4) Cf. Ferdinand Lot, De l’origine et de la signification historique et linguistique
des noms de lieux en -ville et en -court, in: Romania 59 (1933), pp. 199-246.

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422 MARTINA PITZ

Wartburg(5), les linguistes estiment avoir cerné à peu près tous les aspects
philologiques concernant ce type de constructions qui, contrairement aux
règles usuelles des langues romanes, placent le déterminé derrière le
déterminant(6). Sa fourchette chronologique semble s’étendre du VIe(7) au
IXe, voire au Xe siècles(8) avec, évidemment, de fortes différenciations

(5) Cf. Walther von Wartburg, Ein neuer Erklärungsversuch für die mit -court, -ville
und -villiers gebildeten Ortsnamen, in: Rheinische Vierteljahrsblätter 17 (1952),
pp. 59-65, qui réfute définitivement l’hypothèse de l’origine celtique de ce type
de formations encore avancée par Lot, op. cit., p. 207, pour qui ces noms créés
de toute évidence durant le haut moyen âge, s’inspireraient de modèles plus
anciens («Soutiendra-t-on que les habitants de la Gaule ont attendu les inva-
sions barbares pour déterminer par un nom de personne les montagnes, vallées,
ruisseaux ... Il n’est que trop évident que cette formation est très ancienne»),
ainsi que, beaucoup plus catégoriquement, par Johan Johnson, Études sur les
noms de lieu dans lesquels entrent les éléments -court, -ville et -villiers. Paris
1946, p. 121: «Les noms en -court ... sont donc ... le résultat naturel en même
temps que nécessaire de la friction de deux langues étroitement affinées, le
celtique et le latin». L’historiographie de la controverse centenaire, fortement
imprégnée de sentiments nationalistes, à propos de l’origine de ces formations
est esquissée chez Martina Pitz, Siedlungsnamen auf -villare (-weiler, -villers)
zwischen Mosel, Hunsrück und Vogesen. Untersuchungen zu einem germanisch-
romanischen Mischtypus der jüngeren Merowinger- und der Karolingerzeit. 2 t.
Sarrebruck 1997, pp. 1-26.
(6) Une analyse détaillée du principe de formation des noms composés en français
actuel a été entreprise par Christian Rohrer, Die Wortzusammensetzung im
modernen Französisch. Tübingen 1967, voir en particulier pp. 62sqq., ainsi que
par Arsène Darmesteter, Traité de la formation des mots composés dans la
langue française. Paris 21894, pp. 8s., 26sqq.
(7) Pour les premières attestations de toponymes en -court dans les sources écrites
(sources narratives et copies de chartes) voir Ernst Kornmesser, Die französi-
schen Ortsnamen germanischer Abkunft. Strasbourg 1888, p. 29: a. 658 Vassure-
curtis; Jacques Chaurand et Maurice Lebègue, Noms de lieux de Picardie. Paris
2000, p. 73: a. 537 Wingiscourth nunc Angilcurz. Pour les premières attestations
originales, voir la statistique reproduite dans cet article.
(8) Cf. p. ex. Albert Dauzat, Les Noms de lieux, origine et évolution. Paris 1947,
p. 138: «Du VIe au Xe siècle, complément + déterminé, du Xe au XVe siècle,
déterminé + complément»; Michel Roblin, Les Terroirs de l’Oise aux époques
galloromaine et franque. Paris 1978, pp. 129sqq.: «Le système grammatical ger-
manique ... paraît tomber en désuétude à partir de la fin du premier millé-
naire». On notera cependant que dès 1951, Jules Herbillon, L’Âge du type
‚Avricourt‘ en Wallonie, in: Bulletin de la commission royale de toponymie et de
dialectologie 25, pp. 87-100, ici p. 96, avait fourni la preuve qu’en Wallonie, ce
principe de formation «n’était pas mort à l’époque moderne», du moins pour
ce qui était de la microtoponymie. Pour la Lorraine, Hans Witte, Deutsche und
Keltoromanen in Lothringen nach der Völkerwanderung. Die Entstehung des
deutschen Sprachgebietes. Strasbourg 1891, p. 65, avait fait le même constat bien
auparavant. Là aussi, ces formations foisonnent dans la microtoponymie, alors

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 423

régionales, puisque, en onomastique comme ailleurs, les phénomènes de


mode se répandent de façon inégale, croissant et décroissant en fonction
de facteurs géographiques et historiques, mais aussi de l’appartenance
socioculturelle des populations. Selon l’archéologue Frauke Stein qui a
entrepris une analyse détaillée du peuplement de la province romaine de
Première Belgique pendant l’antiquité tardive et le haut moyen âge, à l’est
des côtes de Meuse, les cimetières à rangées mérovingiens n’apparaissent
généralement pas avant le milieu du VIe siècle, alors qu’ils sont plus
précoces dans les régions situées plus à l’ouest, notamment autour de
Verdun et dans les vallées de l’Aire, de l’Ornain et de l’Othain où certains
sites remontent même à la deuxième moitié du Ve siècle(9). Quelques-uns
de ces cimetières, dont les premières inhumations sont très anciennes, peu-
vent être clairement attribués à des habitats portant un nom en -court(10):
Gondrecourt-le-Château(11), Biencourt(12), Remennecourt(13). Quoique les
statistiques des découvertes archéologiques ne signalent une multiplication

que les patois lorrains récents en recèlent relativement peu d’exemples. Joseph
Graf, Die germanischen Bestandteile des Patois Messin, in: Annuaire de la
Société d’histoire et d’archéologie de Lorraine 2 (1890), pp. 101-141, ici p. 136
ne note que eïllon-dan pour ‚dent œillère‘, eranteule pour ‚toile d’araignée‘ et
rienvaut pour ‚vaurien‘; un dépouillement exhaustif de l’ouvrage de référence
de Léon Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle. Saverne 1924,
ne fournirait guère plus de données.
(9) Cf. Frauke Stein, Die Bevölkerung des Saar-Mosel-Raumes am Übergang
von der Antike zum Mittelalter. Überlegungen zum Kontinuitätsproblem aus
archäologischer Sicht, in: Archaeologia Mosellana 1 (1989), pp. 89-195, notam-
ment pp. 138sqq.; id., Frühmittelalterliche Bevölkerungsverhältnisse im Saar-
Mosel-Raum. Voraussetzungen der Ausbildung der deutsch-französischen Sprach-
grenze?, in: Wolfgang Haubrichs, Reinhard Schneider (dir.), Grenzen und
Grenzregionen. Sarrebruck 1993, pp. 69-98.
(10) Pour la signification et l’évolution phonétique du déterminé, voir Anna Vero-
nika Bruppacher, Zur Geschichte der Siedlungsbezeichnungen im Galloroma-
nischen, in: Vox Romanica 20 (1961), pp. 105-160; 21 (1962), pp. 1-48, ici 21
(1961), pp. 127-135.
(11) Gondrecourt-le-Château, dép. Meuse, arr. de Commercy, chef-lieu de canton.
Cf. Maurice Toussaint, Essai sur la question franque en Lorraine, deuxième
partie. Répertoire des nécropoles et sépultures isolées de l’époque franque décou-
vertes en Lorraine II: Département de la Meuse, in: Revue des questions histo-
riques 66 (1938), pp. 26-51, ici p. 32. Pour la datation archéologique des plus
anciens objets selon des critères topochronologiques cf. Stein, Die Bevölkerung,
op. cit., p. 142 n. 314.
(12) Biencourt, dép. Meuse, arr. de Commercy, canton de Montiers-sur-Saulx,
cf. Toussaint, op. cit., p. 28; Stein, Die Bevölkerung, op. cit., p. 142.
(13) Remennecourt, dép. Meuse, arr. de Bar-le-Duc, canton de Revigny, cf. Toussaint,
op. cit., p. 29; Stein, Die Bevölkerung, op. cit., p. 142.

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424 MARTINA PITZ

des localités en -court que pour le VIIe siècle, elles démontrent néanmoins
que, compte tenu de l’évolution globale du peuplement en Lorraine, ce
type de noms apparaît relativement tôt(14).
Ces noms sont le plus densément répertoriés dans l’espace linguis-
tique du picard, du wallon et du lorrain, donc dans cette zone périphé-
rique du nord-est de la Galloromania dont les parlers laissent percer jus-
qu’à nos jours une forte influence de la langue des Francs(15). Or, ce
francique occidental – le Westfränkisch des philologues germanistes(16),

(14) La fourchette chronologique généralement adoptée aujourd’hui par les histo-


riens et les linguistes, selon laquelle ces noms «fournissent des indications
précieuses sur le peuplement du VIIe au Xe siècle» (Lusse, Les Toponymes, op.
cit., p. 141) est donc à nuancer en fonction des régions analysées, notamment à
partir des données archéologiques. Pour la Suisse romande, Wulf Müller, Die
Personennamen in den cour-Toponymen, in: Heinrich Löffler, Heinrich Tiefen-
bach (dir.), Personenname und Ortsname. Heidelberg 2000, pp. 89-102, ici p. 89,
semble maintenir une datation «im zweiten Teil des 5. sowie im 6. Jahrhundert».
(15) Cf. notamment Alf Monjour, Der nordostfranzösische Dialektraum. Frankfurt et
al. 1989, p. 367s., ainsi que Pitz, Siedlungsnamen, op. cit., pp. 665-675. Les cartes
reproduites aux pp. 669 et 671 semblent en effet indiquer que la juxtaposition
des grandes catégories de toponymes ‚composés‘ qui placent le déterminant
respectivement devant ou derrière le déterminé ne reflète nullement un phéno-
mène chronologique. Elle semble bien être le fruit d’une influence germanique
plus ou moins intense selon les régions, cf. aussi Müller, op. cit., p. 99: «Dies
spricht deutlich für schwachen germanischen Einfluß an Ort und Stelle». Pour
soutenir cette hypothèse, il convient aussi de souligner que pour la fin du VIIe
et le début du VIIIe siècle, époque à laquelle la frontière linguistique germano-
romane n’était pas encore fixée en Austrasie mérovingienne, les chartes de l’ab-
baye de Wissembourg nous transmettent un certain nombre d’attestations his-
toriques avec postposition du déterminant: 699 in uilla Gunduino, 712 in uilla
Geboaldo, 717 ad ipsa uillare Adoaldo, cf. Pitz, op. cit., p. 675. En Lorraine du
moins, contrairement à l’opinion généralement avancée dans les manuels d’ono-
mastique, ces formations ne sont donc pas plus récentes que leurs variantes for-
mées sur le modèle ‚Avricourt‘; elles semblent même être plus anciennes. Ce
type de formation plus authentiquement roman semble s’être maintenu quelque
temps dans cette situation de bilinguisme de plus en plus intense qui caracté-
rise la Lorraine du VIIe siècle. Par la suite, très probablement à l’arrivée de
nouvelles vagues d’«immigrants» francs venus se fixer dans ces régions, il est
ensuite assez brusquement abandonné au profit d’un phénomène de mode
reflétant la symbiose des deux cultures. L’existence de doublets tranductifs dus
à ces Francs des environs, et donc forcément composés selon un «modèle ger-
manique», a certainement favorisé l’imposition des variantes avec préposition
du déterminant.
(16) Voir à ce sujet Rudolf Schützeichel, Das westfränkische Problem, in: Franz Petri
(dir.), Sprache, Siedlung und Bevölkerungsstruktur im Frankenreich. Darmstadt
1973, pp. 578-638; Wolfgang Haubrichs, Fränkische Lehnwörter, Ortsnamen und
Personennamen im Nordosten der Gallia. Die ‚Germania submersa‘ als Quelle

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 425

cette nébuleuse dont on ne connaît précisément ni l’origine ni les carac-


téristiques – serait aussi responsable de l’ordre des mots inhabituel de nos
toponymes(17). Albert Dauzat les avait même fait naître dans les régions
bilingues de l’ancienne Austrasie, et particulièrement en Lorraine, et n’en
admettait qu’un rayonnement tardif vers le nord et l’ouest(18); mais cette
vision n’a pas résisté aux recherches plus récentes sur l’expansion des
Francs(19). En évoquant les débuts du régime domanial classique(20), Ferdi-
nand Lot a mis ces noms en relation directe avec les grands défrichements
du haut moyen âge impulsés, souvent à partir de domaines fiscaux, par la

der Sprach- und Siedlungsgeschichte, in: Dieter Geuenich (dir.), Die Franken
und die Alemannen vor der ‚Schlacht bei Zülpich‘ 496/97. Berlin et al. 1998,
pp. 102-129; Martina Pitz, Le Superstrat francique dans le nord-est de la Gaule.
Vers une nouvelle approche philologique et toponymique, in: Nouvelle Revue
d’Onomastique 35/36 (2000), pp. 69-85; Martina Pitz, Andreas Schorr, Vorger-
manische und ‚fränkische‘ Toponyme im Siedlungsraum der Franken. Überle-
gungen zu ihrem sprachgeschichtlichen Aussagewert, in: Tineke Looyenga (dir.),
Early Franks. Leiden (à paraître).
(17) Gerold Hilty, Westfränkische Superstrateinflüsse auf die galloromanische Syntax,
in: Festschrift Walther von Wartburg, t. 1, Tübingen 1968, pp. 493-517; id., West-
fränkische Superstrateinflüsse auf die galloromanische Syntax, in: Romanische
Forschungen 87 (1975), pp. 413-426.
(18) Cf. Dauzat, op. cit., p. 136s.; Lot, op. cit., p. 201.
(19) Cf., à titre d’exemple, Patrick Périn, La Progression des Francs en Gaule du
Nord, in: Dieter Geuenich (dir.), Die Franken und die Alemannen, op. cit.,
pp. 59-81. Pour un argumentaire philologique, on se reportera aussi à la contri-
bution de Elmar Neuß incluse dans ce volume (pp. 156-192). Voir aussi les pre-
mières réflexions méthodologiques sur les possibilités d’attribution «ethnique»
des anthroponymes contenus dans les toponymes germaniques des régions
mosellane et rhénane chez Wolfgang Haubrichs, Romanische, romanisierte und
westfränkische Personennamen in frühen Ortsnamen des Mittelrheingebiets, in:
Heinrich Löffler, Heinrich Tiefenbach (dir.), Personenname und Ortsname.
Heidelberg 2000, pp. 103-142; id., Zur ethnischen Relevanz von romanischen
und germanischen Personennamen in frühmittelalterlichen Siedlungsnamen des
Raumes zwischen Maas und Rhein, in: Rheinische Vierteljahrsblätter 65 (2001),
pp. 159-182; Martina Pitz, Personennamen in frühmittelalterlichen Siedlungs-
namen. Methodische Überlegungen am Beispiel der -villare-Namen des Saar-
Mosel-Raumes, in: Löffler/Tiefenbach, op. cit., pp. 143-188; id., Namenbildung in
Interferenzräumen. Romanische und ‚westfränkische‘ Personennamen in den
ältesten Schichten fränkischer Siedlungsnamen des lothringischen Sprachgrenz-
gebiets, in: Akten des 20. internationalen Kongresses für Namenforschung San-
tiago di Compostella 1999 (à paraître).
(20) Cf. André Verhulst, La Genèse du régime domanial classique en France au haut
Moyen Âge, in: Agricoltura e mondo rurale in Occidente nell’ alto medioevo
(22-28 aprile 1965). XIII Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’
alto medioevo. Spolète 1966, pp. 135-160.

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426 MARTINA PITZ

haute aristocratie franque(21). Plus récemment, Jackie Lusse a confirmé la


pertinence de cette hypothèse en affirmant avec force, à partir d’études
localisées, que «les toponymes en -court ne sont jamais très éloignés des
terres fiscales»(22). Si cette affirmation très générale ne peut pas être
contestée, il conviendrait néanmoins de compléter ces observations statis-
tiques par des études de cas soigneusement choisis pour lesquelles,
d’ailleurs, l’aide des archéologues et des philologues est indispensable, ne
serait-ce que pour résoudre les problèmes d’identification des noms.

Une telle démarche forcément pluridisciplinaire soulève une interro-


gation problématique. Pour la genèse historique des toponymes en -court
comment faut-il comprendre concrètement, pour ne citer que cet exemple,
qu’une localité soit désignée tantôt comme curtis dominica (Courde-
manche, Courtemanche, etc.)(23), donc par un adjectif se rapportant au sou-
verain, au dominus(24), tantôt par un nom de personne, y compris quand il
s’agit d’un anthroponyme en usage dans la famille royale? Pour y
répondre, il convient de déterminer le rôle de la classe dirigeante dont les
noms se retrouvent – j’en suis convaincue – dans le premier élément des
toponymes en -ville et en -court, dans la grande entreprise de défriche-
ment et de remise en valeur qui caractérise les époques mérovingienne et
carolingienne(25) et qui, les archéologues l’ont souvent affirmé, ne peut pas
avoir revêtu la forme d’une «colonisation» franque assurée par une large

(21) Lot, op. cit., pp. 221s.


(22) Lusse, Les Toponymes, op. cit, p. 143.
(23) Cf. Ernest Nègre, Toponymie générale de la France. t. 1. Genève 1990, p. 377s.
(24) À ma connaissance, pour la Gaule du Nord, des réflexions d’ordre méthodolo-
gique sur les différents types de toponymes susceptibles de fournir aux histo-
riens des indices pertinents pour la localisation d’anciennes terres fiscales, com-
parables aux études menées pour l’aire germanique au début du XXe siècle par
Oskar Bethge, Fränkische Siedlungen in Deutschland, auf Grund von Ortsnamen
festgestellt, in: Wörter und Sachen 6 (1914/15), pp. 58-89, et, plus récemment, par
Christa Jochum-Godglück, Die orientierten Siedlungsnamen auf -heim, -hausen,
-hofen und -dorf im frühdeutschen Sprachraum und ihr Verhältnis zur fränki-
schen Fiskalorganisation, Frankfurt am Main et al. 1995, n’ont jamais été pro-
posées. Il semble néanmoins que le terme dominus, utilisé de façon absolue
dans les chartes mérovingiennes et carolingiennes, se rapporte toujours au
roi. Les nombreuses dominica villa ou dominica curtis seraient par conséquent
des indices véritablement pertinents et précis pour la localisation des fisci (cf.
J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis lexicon minus. Leyde, 1976, p. 352).
(25) Cf. en particulier A. Verhulst, Le Grand domaine aux époques mérovingienne et
carolingienne. Gand 1985.; P. Toubert, La Croissance agricole du haut Moyen
âge. Auch 1990.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 427

couche de ruraux(26). Dans cette interrogation, il n’est probablement pas si


important de savoir si les membres de l’aristocratie franque disposaient
d’attributions militaires expliquant leur dissémination dans tout l’espace
compris entre Seine et Rhin(27), ou si les rois leur avaient concédé des
domaines fiscaux comme salaire pour leurs bons et loyaux services(28).

Quoi qu’il en soit, il ne fait plus l’ombre d’un doute que la genèse
linguistique des noms en -court est en relation directe avec cette évolution
historique et culturelle que la recherche a désignée comme la symbiose
romano-franque(29). La consultation des travaux des philologues les plus
réputés semble indiquer que ce type est exemplaire pour caractériser l’im-
brication progressive de deux mondes totalement distincts, le monde
romano-chrétien et le monde «barbare», imbrication dont les origines sont
antérieures au règne de Clovis, mais qui, au cours des VIe et VIIe siècles,
devint une nécessité politique(30). Ce sont justement les archéologues, dont
le matériel s’accroît de jour en jour – ce qui permet de nuancer de plus
en plus la question de la continuité historique – qui saisissent sans doute
le mieux que ce rapprochement culturel n’a pu s’effectuer qu’au cours de
plusieurs générations, dans un processus d’acculturation réciproque(31). On
peut même penser qu’à côté de la divergence très forte de leurs concep-
tions juridiques, culturelles et religieuses, la diversité linguistique ne
constituait qu’un problème mineur.

(26) Cf. notamment Horst Wolfgang Böhme, Franken und Romanen im Spiegel spät-
römischer Grabfunde im nördlichen Gallien, in: Dieter Geuenich (dir.), Die
Franken und die Alemannen, op. cit., pp. 31-58; Hagen Keller, Strukturverände-
rungen in der westgermanischen Welt am Vorabend der fränkischen Großreichs-
bildung. Fragen, Suchbilder, Hypothesen, ibid., pp. 581-627.
(27) Cf. Karl-Ferdinand Werner, Du nouveau sur un vieux thème. Les origines de la
«noblesse» et de la «chevalerie», in: Comptes-rendus de l’Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres (1985), pp. 186-200.
(28) Ce fut la position de Heinrich Mitteis, Der Staat des hohen Mittelalters. Grund-
linien einer vergleichenden Verfassungsgeschichte des Lehnszeitalters. Weimar
1940.
(29) Cf. Friedrich Prinz, Formen, Phasen und Regionen des Übergangs von der Spät-
antike zum Frühmittelalter: Reliktkultur - neue Ethnika - interkulturelle Synthese
im Frankenreich, in: Franz Staab (dir.), Zur Kontinuität zwischen Antike und
Mittelalter am Oberrhein. Sigmaringen 1994, pp. 171-192.
(30) À ce sujet, on se reportera à Régine Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde
franc (VIIe-Xe siècle). Essai d’anthropologie sociale. Paris 1995, pp. 9-26; et à
Georg Scheibelreiter, Die barbarische Gesellschaft. Mentalitätsgeschichte der
europäischen Achsenzeit 5.- 8. Jahrhundert. Darmstadt 1999.
(31) Voir notamment Stein, Bevölkerungsverhältnisse, op. cit.

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428 MARTINA PITZ

Il faut donc attribuer une valeur purement symbolique à l’évocation


des «toponymes latino-germaniques» ou «romano-francs» énoncée globale-
ment par une littérature scientifique qui n’est pas en mesure de déterminer
concrètement la composante germanique de telles formations. C’est encore
Ferdinand Lot qui avait postulé l’impossibilité de déterminer l’appartenance
ethnique du propriétaire foncier éponyme d’une localité ou de la popula-
tion qui y demeurait, parce qu’au cours des VIe, VIIe et VIIIe siècles, les
populations romanes avaient progressivement adopté des noms germa-
niques(32). On pourrait presque parler d’une «franconisation onomastique»
de ces populations gommant progressivement les liens entre le nom et
l’ethnie. En l’absence de mention explicite dans les sources écrites, l’histo-
rien n’est pas en mesure de savoir si une personne est d’origine romane ou
franque, ou si elle appartient à une autre ethnie germanique présente sur le
territoire du royaume franc. Dauzat notamment ne croyait pas à la possibi-
lité de résoudre ce problème puisque le remplacement d’un système anthro-
ponymique par un autre – qui constitue évidemment, lui aussi, un élément
essentiel du processus d’acculturation déjà évoqué – intervenait lors d’une
période souffrant d’un fort déficit de sources écrites(33).
Cette vision pessimiste reste encore dominante de nos jours. Par
conséquent, devant les difficultés à résoudre ces problèmes, les toponymes
du type Avricourt ne préoccupent plus guère la recherche linguistique. Il
suffit généralement de savoir qu’ils contiennent le plus souvent un nom de
personne germanique approximativement reconstituable à partir des attes-
tations historiques. On s’est rarement interrogé sur la possibilité d’utiliser
les milliers d’anthroponymes contenus dans les toponymes pour en tirer
des informations linguistiques qui permettraient de mieux cerner quand et
comment les populations romanes ont abandonné leur propre tradition
d’attribution des noms au profit d’une autre(34), et dans quelle mesure ils
ont pu se l’approprier.

(32) Lot, op. cit. n. 4, p. 202. Voir aussi Horst Ebling, Jörg Jarnut et Gerd Kampers,
Nomen et gens. Untersuchungen zu den Führungsschichten des Franken-, Lango-
barden- und Westgotenreiches im 6. und 7. Jahrhundert, in: Francia 8 (1980),
pp. 687-745, ainsi que, plus récemment, l’importante contribution de Claudia
Maas-Chauveau, Lateinische Namentradition: Bruch oder Kontinuität?, in: Dieter
Geuenich, Wolfgang Haubrichs et Jörg Jarnut (dir.), Person und Name. Berlin,
New York (à paraître en 2002).
(33) Cf. Maas-Chauveau, op. cit.
(34) Pour cette question, on se reportera également aux réflexions méthodologiques
de Maas-Chauveau, op. cit., développées à partir du matériel anthroponymique
attesté directement dans les sources écrites: «Ein Blick auf die frühmittelalter-

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 429

Une telle démarche ne me paraît pourtant pas inintéressante. Elle


impliquerait néanmoins que les toponymes en -court, -ville et autres attribués
à des habitats fondés au haut moyen âge soient collectés sur une grande
échelle. L’ambitieux projet d’un Dictionnaire topographique de Picardie
entrepris par Jean-Claude Malsy, et dont le premier volume recouvrant le
département de l’Aisne vient de paraître(35), pourrait servir de base pour une
telle entreprise. Il faudrait aussi procéder à des analyses linguistiques beau-
coup plus fines que celles du dictionnaire, fort utile au demeurant, de Marie-
Thérèse Morlet(36) qui ne justifie pas suffisamment ses approches étymolo-
giques, ce qui peut être catastrophique lorsque ces étymologies sont ensuite
«réemployées» pour appuyer telle ou telle démonstration philologique(37).
Pour qu’un tel projet aboutisse, un changement de perspective s’im-
pose: il faut en effet placer l’onomastique, qui «parmi les grands secteurs
de la linguistique historique romane, ... contient sans doute le plus grand
potentiel d’innovations au regard des lacunes considérables qui la carac-
térisent»(38), au carrefour des sciences humaines et des sciences du
langage. Pour poser l’étymologie de ce type de noms, il faut recourir à des
romanistes pour expliquer leur évolution phonétique; il faut des spécia-
listes du latin médiéval pour les questions de graphies et les problèmes de
flexion. Mais avant tout, il faut des germanistes pour reconstruire les bases
anthroponymiques, les interpréter sur un plan phonétique, morphologique
et sémantique, et enfin les intégrer dans l’univers onomastique de la
Germania. Dans une perspective résolument linguistique, divers a priori
méthodologiques me paraissent nécessaires. Selon mon optique person-
nelle, j’en citerai quatre principaux.

liche Dokumentation macht deutlich, daß die traditionellen griechisch-lateini-


schen Namen nicht auf einen Schlag von den germanischen Namen verdrängt
wurden oder plötzlich untergegangen sind. Ihr Rückgang oder Schwund erfolgt
erst allmählich, in einer zeitlichen Abfolge, die je nach Region, Besiedlung und
‚Germanisierung‘ des Namenbestandes starke Schwankungen aufweist».
(35) Cf. Jean-Claude Malsy, Les Noms de lieux de l’Aisne. 3 t. Paris 1999-2001.
(36) Marie-Thérèse Morlet, Les Noms de personne, op. cit., t. 3: Les noms de
personne contenus dans les noms de lieux. Paris 1985.
(37) Monjour, op. cit., p. 26s., pour ne citer que cet exemple, est tout à fait conscient
de ce problème; faute de mieux, il n’hésite cependant pas à inclure dans ses
argumentations grapho-phonétiques de nombreuses étymologies tirées du
dictionnaire de Morlet qui ne sauraient résister à la critique des germanistes
(cf. ibid. pp. 160 et 162s. Amelécourt correspondant au n° 12 du catalogue
reproduit plus loin, et toute la liste de toponymes en -iacum et en -court cités
chez Monjour, op. cit., p. 161s.).
(38) Martin-Dietrich Glessgen, in: Revue de Linguistique Romane 64 (2000), p. 559.

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430 MARTINA PITZ

Premièrement, toutes les conclusions aboutissant à identifier un


anthroponyme comme germanique ou comme non-germanique doivent
être justifiées avec beaucoup plus de précision. Le simple constat que les
noms germaniques gagnent en importance au cours du haut moyen âge ne
doit pas conduire à des raisonnements subjectifs. Des noms de personnes
sont fréquemment considérés comme germaniques(39) par suite, notam-
ment, de prises en compte de processus d’intégration phonétique compli-
qués(40), alors qu’une explication découlant de racines non germaniques est
tout à fait possible.
Deuxièmement, il faut s’attendre, dans un processus de rapproche-
ment culturel, à ce que des bases ou des éléments de dérivation particu-
liers disposant de «modèles» phonétiques ou sémantiques dans les deux
cultures, soient particulièrement privilégiés. De façon semi-consciente, la
reconnaissance d’une similarité ou des processus analogiques peuvent être
la source de nombreux noms hybrides: des éléments germaniques et
romans sont reliés de façon aléatoire; de nombreuses bases germaniques
sont employées sans que leur sens apparaisse, parce que leur signification
n’est plus comprise. Les bases germaniques fonctionnent ainsi en quelque
sorte comme des pierres de construction; elles ne sont plus combinées
pour des raisons sémantiques ou socioculturelles mais uniquement à cause
de leur sonorité ou d’une autre considération d’ordre esthétique.
Troisièmement, les difficultés d’articulation rencontrées par des locu-
teurs romans voulant reproduire un nom germanique peuvent conduire à
des substitutions phonétiques. Ce phénomène est connu depuis long-

(39) Ainsi, Marie-Thérèse Morlet, Les Noms de personne sur le territoire de l’ancienne
Gaule du VIe au XIIe siècle, t. 1: Les noms issus du germanique continental et les
créations gallo-germaniques. Paris 21971, identifie comme germaniques des
anthroponymes comme Abelinus (p. 13), Abellonia (p. 13), Abicellus (p. 13),
Aalina (p. 19), Aminus (p. 34), Babonus (p. 49), etc., alors que Heikki Solin et
Olli Salomies, Repertorium nominum gentilium et cognominum Latinorum,
Hildesheim, Zürich, New York 1988, ont bien fourni la preuve de l’existence
d’anthroponymes non germaniques comme Abilianus (p. 287) et Abilius (p. 3),
Abicelius (p. 3), Alina (p. 12), Aminius (p. 14), Babonius (p. 30), etc.
(40) Cette tendance caractérise aussi les ouvrages, fort utiles par ailleurs et nova-
teurs sur bien des points, de Henning Kaufmann, Untersuchungen zu altdeut-
schen Rufnamen. Munich 1965, et id., Ergänzungsband zu Ernst Förstemann,
Personennamen. Munich 1968, cf., à titre d’exemple, l’article *Musc- sur la
p. 262 de son Ergänzungsband: Kaufmann n’est pas en mesure de proposer,
pour ce terme, une étymologie convaincante qui rattacherait cet élément à une
racine germanique; mais il oublie aussi de dire qu’un NP Muscus d’origine non
germanique est bien attesté, cf. Solin/Salomies, op. cit., p. 366.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 431

temps(41). Mais, à l’inverse, des changements phonétiques intervenant en


gallo-roman tels que l’assibilation de [t] devant yod + voyelle peuvent
aussi générer de véritables «bases secondaires» et de nouveaux suffixes.
C’est le cas pour Guntio devenant Gunzo, ce qui entraîne – c’est du
moins mon hypothèse personnelle pour la genèse de telles formes – le
développement d’un nouveau suffixe en -z- qui s’étend aussi, et de façon
massive, dans la Germania(42). Des phénomènes de mode dus au mélange
des cultures progressent ainsi depuis le centre du nouvel empire franc vers
la périphérie et les terres nouvellement conquises situées plus à l’est.
Quatrièmement, et c’est ici qu’on s’enfonce le plus profondément
dans la terra incognita, il y a de bonnes raisons pour admettre que les
populations romanes utilisaient autrement les noms de personnes d’origine
germanique que ne le faisaient les Francs eux-mêmes. Les Romans
empruntent en effet une grande quantité de noms différents, mais ils les
empruntent en quelque sorte comme des corps isolés, sans tenir compte
de leur fonction originelle. Dans le système anthroponymique germanique,
à de très rares exceptions près, chaque personne dispose d’un nom officiel
à deux termes (Ger-hard, Adal-bert, etc.), pour lequel de nombreuses
variantes usuelles, dérivées du premier ou, plus rarement, du deuxième
terme, peuvent être employées (Ger, Gero, Gerin, Gerilo, etc.). La popu-
lation romane ne paraît pas maîtriser ce système de correspondances(43).
Certains types de noms courts à un terme ont vu ainsi leur importance
s’accroître considérablement parce qu’ils disposaient de modèles dans
l’onomastique latine. Ceci vaut notamment pour les hypocoristiques en
-în(44), probablement assimilés à des noms latins en -înus(45), et, de façon
plus générale, pour tous les noms courts à flexion forte utilisés comme des
anthroponymes gréco-latins en -us qui s’étendent aux dépens des variantes
en -o et à flexion faible.
Last, but not least, il paraît essentiel de s’interroger sur la liaison
entre déterminant et déterminé dans les toponymes mérovingiens à base

(41) Les principaux phénomènes allant dans ce sens sont traités chez Kaufmann,
Rufnamen, op. cit., pp. 171-322; pour quelques particularités que Kaufmann n’a
pas étudiées, on se reportera aussi à Pitz, Siedlungsnamen, op. cit., pp. 788-807.
(42) Voir à ce sujet Pitz, Personennamen, op. cit., pp. 170-174.
(43) Cf. Pitz, Personennamen, op. cit., pp. 568sqq.
(44) Cf. Adolf Bach, Deutsche Namenkunde, t. 1, 1, Heidelberg 1952, §§ 98, 111;
Kaufmann, Ergänzungsband, op. cit., pp. 6sqq.
(45) Pour ce type d’anthroponymes latins cf. Manu Leumann, Lateinische Cogno-
mina auf -inus und -illa, in: Romanica Helvetica 20 (1943), pp. 155sqq.

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432 MARTINA PITZ

anthroponymique. J’ai repéré ici toutes les mentions de noms en -court


dans des chartes originales antérieures à l’année 800 pour le nord de la
France(46):

N° Source Datation Attestation


1 CLA 13 / 571 690/91 Or. Ingolinocurti
2 CLA 13 / 571 690/91 Or. Gundulfocurti
3 CLA 13 / 563 ? 691 Or. Rocconecurte
Baddanecurte /
4 CLA 14 / 576 692/93 Or.
Baddancurte
5 CLA 15 / 595 751 Or. Ambricocurte
6 CLA 15 / 595 751 Or. Ebroaldocurte
7 CLA 15 / 595 751 Or. Beranecurte
8 CLA 15 / 618 775 Or. Ambricocurte
9 CLA 15 / 618 775 Or. Ebroaldocurte
10 CLA 15 / 618 775 Or. Beranecurte
11 CLA 16 / 620 775 Or. Filicione curte
12 CLA 16 / 622 777 Or. Agnaldo curte
13 CLA 16 / 622 777 Or. Filiciono curte
14 CLA 16 / 623 777 Or. Sicramno curte
15 CLA 16 / 628 781 Or. Filicione curte
16 CLA 16 / 628 781 Or. Basigunde curte
17 CLA 16 / 636 799 Or. Guntbodecurte
18 CLA 16 / 636 799 Or. Bernino curte
19 CLA 16 / 636 799 Or. Fricione curte
20 CLA 16 / 636 799 Or. Agnono curte

Le résultat est surprenant et sans équivoque: sans exception, les


sources montrent que pour les anthroponymes germaniques composés à
flexion forte, dans la mesure où ils avaient été intégrés dans la deuxième
déclinaison latine, le génitif latin normal en -i est remplacé par un -o,

(46) Toutes les attestations de toponymes sont tirées de Alfred Bruckner et Paul
Marichal (dir.), Chartae Latinae Antiquiores. Facsimile-Edition of the chartes
prior to the ninth century. Zurich 1954sqq.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 433

qu’on ne doit donc pas interpréter comme une mauvaise latinisation mais
comme un authentique réflexe du cas régime roman: Ambricocurte,
Ebroaldocurte, Agnaldocurte, etc.; ce -o se retrouve aussi dans les hypo-
coristiques à flexion forte formés avec les suffixes -in ou -lin, comme dans
le n° 1 Ingolinocurte et le n° 18 Bernino curte. À l’opposé, les noms mas-
culins à deux termes, qui étaient originellement intégrés dans la déclinai-
son latine en -i, prennent, eux, une voyelle de liaison en -e : n° 17 Gunt-
bodecurte. De leur côté, les noms masculins simples et à flexion faible et
les hypocoristiques en -o, que l’on peut originellement faire remonter au
modèle leo, leonis, ne présentent jamais de génitif correct en -onis, mais
une variante tirée du langage parlé de la basse latinité que l’on trouve
déjà sur certains graffitis provenant des murs de Pompéi. Le graffito
Nycherate, vana succula que amas Felicione(47), me paraît éminemment
parlant, car cette dernière forme est à rapprocher du n° 11 Filicione curte,
et par analogie du n° 3 Rocconecurte, du n° 19 Fricionecurte, etc. Enfin,
les noms simples féminins en -a construisent des formes en -ane: n° 7
Beranecurte, n° 4 Baddanecurte, etc. Le -e final de ces formes était certai-
nement déjà en voie de disparition au VIIe siècle; c’est ce que montre le
n° 4 Baddancurte, ainsi que des reconstitutions hypercorrectes comme le
n° 13 Filicionocurte. Au vu de tous ces exemples, on est tout à fait
en mesure de systématiser de telles analyses afin d’augmenter le degré
de précision des approches étymologiques et d’en tirer des conclusions
pragmatiques sur l’usage des noms.

J’essaierai de démontrer cette affirmation à partir des noms en -court


du département de la Moselle dont les mentions historiques ont été recen-
sées, comme pour tous les autres toponymes de ce département, à partir
de pièces d’archives originales, puis traitées par une banque de données
contenant à l’heure actuelle environ 80.000 fiches pour une période allant
des premières attestations jusqu’au XVIe siècle(48):

(47) Corpus Inscriptionum Latinarum IV n° 2013.


(48) Cette banque de données a été établie dans le but de créer un «Archiv der
Siedlungs- und Flurnamen des Saarlandes und des östlichen Lothringen» qui
est actuellement localisé à l’Institut de Germanistique de l’Université de la
Sarre et dirigé par le professeur Wolfgang Haubrichs. Pour certains toponymes,
ces archives contiennent entre 500 et 1000 fiches informatisées dont je ne peux
évidemment présenter ici qu’un tout petit échantillon de formes choisies selon
des critères diplomatiques; pour d’autres, notamment pour les habitats de très
petite taille et les villages disparus, les attestations historiques sont beaucoup
plus rares.

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434 MARTINA PITZ

Catalogue des noms de lieux en -court à base d’anthroponymes attestés


sur le territoire de l’actuel département de la Moselle (habitats existants
et disparus attestés avant 1500(49)):
1. Aboncourt (Château-Salins)(50): 1172 cop. Abuncourt (Parisse n° 38); 1240 cop.
Auboncourt (Marichal n° 131); 1415 Or. Aboncourt (LA Sbr. Helmstatt Urk.
n° 91); 1424 Or. Abenkort (AD MM B 5242); 1484 Or. Auboncourt (AD MM H
1249); < *Albône curte, NP germ. Albo (*alba-) ou rom. *Albo (cf. Albus)(51).
2. Aboncourt (Metzervisse): 1147 cop. Epindorf (AD Mos H 1714 f° 141v°); 1176
Or. Ebbendorph (AD Mos H 1742-1b); 1277 Or. Aboncort (BN Pa Coll. Lorr.

(49) Ce catalogue serait à compléter par la liste des habitats disparus dont les noms
se sont uniquement conservés dans la microtoponymie. Dans le cadre de cette
démonstration volontairement accentuée sur des aspects philologiques, ces
représentants du type Avricourt sans formes anciennes, souvent plus difficiles à
interpréter, ont été écartés. Mais il va de soi qu’une approche interdisciplinaire
dans laquelle l’accent serait mis sur l’évolution de l’habitat dans les régions
concernées, devrait obligatoirement inclure ces formes.
(50) Abréviations: AD = Archives départementales, AM = Archives municipales, AN
= Archives nationales, BM = Bibliothèque municipale, BN = Bibliothèque
nationale, BR = Bas-Rhin, cne. = commune, Coll. Lorr. = Collection de Lor-
raine, fr.occ. = francique occidental, Ko = Coblence (Koblenz), LA = Landes-
archiv, LHA = Landeshauptarchiv, Lux = Luxembourg, MGH = Monumenta
Germaniae, MM = Meurthe-et-Moselle, Mos = Moselle, NP = nom de personne,
Or. = Original, Pa = Paris, Sbr. = Sarrebruck, Trier = Trèves. Ouvrages consul-
tés: Danièle Erpelding, Actes des princes lorrains 1re série, II B: Actes des comtes
de Salm. Nancy 1979; Hans-Walter Herrmann, Geschichte der Grafschaft Saar-
werden bis zum Jahre 1527. Sarrebruck 1957; Henri Hiegel, Dictionnaire éty-
mologique des noms de lieux du département de la Moselle. Sarreguemines
1986; Armand Lesort, Chronique et chartes de l’abbaye de Saint-Mihiel. Paris
1909; Monumenta Germaniae historiae; Michel Parisse, Actes des princes
lorrains. Nancy s.d.; Charles-Edmond Perrin, Essai sur la fortune immobilière de
l’abbaye de Marmoutier aux 10e et 11e siècles. Strabourg 1935; Joseph von
Pflugk-Harttung, Acta pontificum romanorum inedita (748-1198). 3 t. Tübingen
1881-86; Roland W. L. Puhl, Die Gaue und Grafschaften des frühen Mittelalters
im Saar-Mosel-Raum, Sarrebruck 1999; Michael Tangl, Das Testament Fulrads
von St. Denis, in: Neues Archiv für die Erforschung des Mittelalters 32 (1907),
pp. 169-217; Nicolas de Wailly, Notice sur les actes en langue vulgaire du
XIIIe siècle contenus dans la Collection de Lorraine à la Bibliothèque Nationale.
Paris 1878; Karl Wichmann, Die Metzer Bannrollen. 4 t. Metz 1908-16; Georg
Wolfram, Ungedruckte Papsturkunden der Metzer Archive, in: Annuaire de la
Société d’Histoire et d’Archéologie de Lorraine 15 (1903), pp. 278-323.
(51) Pour les bases des anthroponymes d’origine germanique, on se reportera à
Kaufmann, Ergänzungsband, op. cit., ainsi qu’à Pitz, Siedlungsnamen, op. cit.,
pp. 738-764. Les anthroponymes d’origine romane sont documentés d’après
Solin/Salomies, op. cit., Morlet, op. cit., et Wolfgang Haubrichs, Romanen an
Rhein und Mosel. Onomastische Reflexionen, in: Peter Ernst et al. (dir.):
Deutsche Sprache in Raum und Zeit. Festschrift für Peter Wiesinger, Wien 1998,
pp. 379-413.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 435

976-28); 1310 Or. Aboncourt (BN Pa Coll. Lorr. 976-57); 1348 Or. Aboncourt
(AD Mos 7 F 468); 1480 Or. Ebendorff (AD MM B 1937); 1636 Or. Endorff
alias Aboncourt (AD MM B 392-4bis); < *Abbône curte, NP germ. Abbo (*ab-)
pour les formes romanes en -court; *Ebben dorf, NP *Abio > Ebbo, pour les
formes en -dorf.
3. Adaincourt (Faulquemont): 1316 cop. Ollenanges on ban Saint Pire (AD Mos H
1194-1); 1333 Or. Audaincourt (AM Metz II 306); 1336 Or. Adaincourt (AM
Metz II 21); 1344 Or. Adaincourt (AM Metz II 24); 1347 Or. Adencort (AM
Metz II 25); < *Aldoino curte/*Aldoiningas, NP germ. (fr.occ.) Aldoin (*alda-
+ *wini-).
4. Ajoncourt (Delme): 1261 Or. Ajoncort (AD Vosges G 510); 1292 Or. Aioncort
(BN Pa ms. lat. 10024 f° 69r°); 1323 Or. Ajoncourt (AD Mos 4 E 359); 1346 Or.
Aujoncourt (AD Mos 3 J 45); 1358 Or. Aioincourt (AD Mos H 527-1); 1411 Or.
Ajoncourt sur Saille (AD MM B 492-12); < *Agiône curte, NP germ. (fr.occ.)
*Agio (*agi-).
5. Alaincourt (Delme): 775 Or. ad Alningas (Puhl p. 334); 1250/75 Or. Alaincourt
(BN Pa Coll. Lorr. 971-10); 1284 Or. Alencort (AM Metz II 303); 1287 Or. Alain-
cort (AM Metz II 304); 1333 Or. Alaincort (AM Metz II 306); 1335 Or. Alain-
court (AM Metz II 20); < *Alâno curte/*Alâningas, NP Alânus.
6. †Allecourt, cne. de Lagarde (Vic-sur-Seille): 1487 cop. in quodam banno dicto
Alcort (BM Trier ms. 1641/389 f° 80r°); 1493 cop. in banno de Alecourt (BM
Trier ms. 1644/372 f° 84r°); < *Adalo curte, NP germ. (fr.occ.) Adalus (*a⁄ala-).
7. Alincourt, cne. de Bioncourt (Château-Salins): 1252 Or. Allincort (AD MM H 1232);
1292 Or. Alencort (AD MM H 1248); 1335 Or. Alliencourt (AD MM H 1323);
1344 Or. Aliencourt (AD MM H 1232); 1377 Or. Alencort (AD MM H 1248); 1395
Or. Alincourt (AD MM G 882); < *Al(l)ino curte, NP Al(l)in(i)us qui peut être
d’origine romane (Solin/Salomies 1988, 12) ou germanique (*a⁄ala- > *al-).
8. Amelécourt (Château-Salins): 775 Or. in Ermeraga villa (Puhl p. 335); 777 Or.
Adalmareia villa (Puhl p. 335); 777 Or. Almerega curte (Puhl p. 335); 1186 Or. ad
Amerecurt (AD MM G 520); 1201 or. Amilicort (AD Meuse 22 H 102 n° 17);
1216 Or. apud Amilicortem (AD MM H 1233); 1252 Or. Amylicort (AD MM H
1232); 1271 Or. Ameleicort (AD MM H 1233); 1345 Or. von Amelecort (AN Lux
A 52 n° 333); 1397 Or. Emmelcord (LHA Ko 143 n° 74); < *Adalmariaca villa/
curte, NP germ. Adalmar (*a⁄ala- + *mera-) > fr.occ. Almar par syncope romane.
9. Arraincourt (Faulquemont): 977 Or. Harenicurte (MGH DD Otto II n° 159); 993
Or. Harenicurte (MGH DD Otto III n° 117); 1240 Or. Aireincourt (Wichmann, t. 1,
p. 11); 1275 Or. Arencort (Wichmann, t. 1, p. 253); 1594 cop. Armstorff (AD Mos
4 F 17); < *Aroino curte/*Aroines dorf, NP germ. (fr.occ.) Aroin (*ara- + *wini-).
10. Assenoncourt (Réchicourt-le-Château): 1228 Or. Haceloncort (AD MM H 607);
1256 Or. Heselstorf (AD MM H 3214); 1256 Or. Esselencort (AD MM H 3214);
1288 Or. Asseloncort (AD MM H 1246); 1316 Or. Essilsdorf (AD Mos H 4709);
1323 Or. Ezzelsdorf (AD Mos G 286-6); 1331 Or. Esserstorf (AD Mos 4 E 148);
1352 Or. Esloncort (AD Mos G 1570); 1424 Or. Esselstorf (AD MM B 5242);
1437 Or. Esserstorff (AD MM H 2484); < *Assilône curte/*Assiles dorf, NP
germ. (fr.occ.) *Adsil(o) (*a⁄a- + -s- + -l-) > *Assil(o) par assimilation de [ds]
> [ss] en galloroman.

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436 MARTINA PITZ

11. Attilloncourt (Château-Salins): 1128 Or. Aceloncurt < *Ateloncurt (Pflugk-Hart-


tung 1881/86, II n° 325); 1468 cop. Atloncourt (AD Mos G 8 f° 67r°); 1470 cop.
Atloncourt sur Saille (Herrmann n° 1212); 1491 cop. Atloncourt (Herrmann
n° 1472); < *Attiliône curte, NP *Attilio qui peut être d’origine romane (Solin/
Salomies 1988, 25 Attilius) ou germanique (*a⁄a- + -l-).
12. Aubecourt, cne. de Remilly (Pange): 1343 Or. Aubecourt (AM Metz II 307); 1401
Or. Abelcourt (AD Mos H 1753-11); 1403 Or. Aubelcourt (AD Mos 4 E 361);
< *Albhero curte, NP germ. Albhari (*alba- + *harja-).
13. Avricourt (Réchicourt-le-Château): v. 1142 < Xe s. cop. Albsidingen < *Albfri-
dingen (Pitz, Siedlungsnamen p. 663); 1293 Or. Aueroncort (AD MM B 580-14);
1432 Or. Alueroncourt (AD MM B 580-91); 1433 Or. Alueroncourt (AD MM B
576-54); XVe s. Elferingen (AD Mos G 1903bis f° 49r°); 1513 Or. Elferingen (AD
MM B 9131); < *Albarône curte/*Albfridingas, NP germ. Albfrid (*alba- +
*fri⁄u-) pour la variante en -ingen, Albaro (*alba- + -r-) pour la forme en -court.
14. Bacourt (Delme): v. 1190 Or. Bascort (AD Mos H 3869-5); 1196 Or. Bascourt
(AD MM H 1257); 1200 Or. Bascort (AD MM H 474); 1225 Or. Bacort (AD
Mos H 3862); 1245 Or. de Bascort (AD Mos H 550); 1287 Or. Bacort (AM Metz
II 304); 1347 Or. zo Bacort (AN Lux A 52 n° 351); 1377 Or. Baycort (AN Lux
A 52 n° 676); 1401 Or. von Bochort (AN Lux A 52 n° 1021); < *Baso curte, NP
Basus qui peut être d’origine romane (Solin/Salomies 1988, 32) ou germ. (fr.occ.:
*Basus serait alors une variante de Baso [*badwa- + -s-] à flexion forte].
15. Baudrecourt (Delme): 1288 Or. Badrecourt (Wichmann, t. 2, p. 198) ; 1290 Or.
Badrecort (Wichmann, t. 2, p. 290); v. 1300 Or. Baudrecort (BN Pa Coll. Lorr. 980
n° 14); 1385 Or. Baudrecourt (BN Pa Coll. Lorr. 81 n° 32); 1458 Or. Baderkort
(AN Lux A 52 n° 1742); 1621 Or. Bauldrecourt (AD MM B 4149 f° 13v°);
< *Baldrîko curte, NP germ. Balderîcus (*bal⁄a- + *rîka-).
16. Bazoncourt (Pange): 960 Or. de Basonis curte (MGH DD Otto O n° 210); 993
Or. de Basonis curte (MGH DD Otto III n° 117); 1241 Or. Basoncort (Wich-
mann 1241, t. 1 p. 11); 1251 Or. Basoncort (Wichmann, t. 1 p. 64); 1250/75 Or.
Basoncort (BN Pa Coll. Lorr. 971 f° 10); 1274 Or. Bazoncort (AD Mos H 1075);
1281 Or. Basoncourt (Wichmann, t. 2 p. 73); < *Basône curte, le NP pouvant être
d’origine romane ou germ. (fr.occ.): *Badso > Baso (*badwa- + -s-).
17. Bioncourt (Château-Salins): 933 cop. in villa que vocatur Bioni curtis (Puhl
p. 356); 1252 Or. Bioncort (AD MM H 1232); 1268 Or. Bioncourt (Wailly n° 124);
< *Biône curte, NP rom. Bius, *Bio (Solin/Salomies 1988, 35), ou *Bîdône curte,
NP germ. Bîdo (*bîd-), plutôt que Bigo dont la voyelle aurait abouti à [e].
18. †Bisécourt, cne. de Fresnes-en-Saulnois (Château-Salins): 1290 Or. Biseicourt
(AD MM H 1241); 1395 Or. en la fin de Besecourt (AD MM H 1240);
< *Bisiaca curte, NP Bisius (Solin/Salomies 1988, 35).
19. †Bugnecourt, cne. d’Antilly (Vigy): 1344 cop. Bugneicourt (AD Mos H 1335 f°
67r°); < *Bûniaca curte, NP germ. Bûno (*bûn-).
20. Burlioncourt (Château-Salins): 1170 cop. Bruluncurt (BN Paris ms. lat. 10030 f°
31v°); 1180 cop. Brulencourt (Parisse s.d. n° 19); 1210 cop. Bruloncurth (BN Paris
ms. lat. 10030 f° 4v°); 1267 cop. Bruluncurt (BN Paris ms. lat. 10030 f° 1r°); 1288
Or. Brulloncort (AD MM H 1237); 1303 Or. Brouilloncourt (AD MM H 1253);
< *Buriliône curte, NP *Burilio dérivé de Burius (Solin/Salomies 1988, 38).

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 437

21. Burthécourt, cne. de Salonnes (Château-Salins): 1163/71 Or. Butrecort (Parisse


s.d. n° 33); 1284 Or. Burtecort (LA Sbr. Helmstatt Urk. n° 74); 1328 Or. Burtre-
court (LA Sbr. Helmstatt Urk. n° 13); 1330 Or. Burtrecourt devant Vy (LA Sbr.
Helmstatt Urk. n° 15); 1347 Or. Burtrecort (LA Sbr. Helmstatt Urk. n° 39); 1412
Or. Burtecourt sur Saille (AD Mos 3 J 45); < *Bûdrîco curte, NP germ. *Bûdrî-
cus (*bûd- + *rîka-).
22. Burtoncourt (Vigy): 1211 Or. Brittindorf (Neubauer n° 51); 1212 Or. Brittendorf
(Neubauer n° 52); 1284 Or. Burtoncort (BN Pa Col. Lorr. 594-3); 1286 Or.
Brittendorp (BN Pa Coll. Lorr. 976-37); 1291 Or. Bretoncort (BN Pa Coll. Lorr.
976-45); 1294 Or. Burtoncort (BN Pa Coll. Lorr. 976-48); 1337 Or. Burtoncourt
(BN Pa Coll. Lorr. 972-28); 1589 Or. Brittendorf (LA Sbr. Fraulautern n° 417).
Il ne me paraît possible de conjuger les deux formes germanique et romane
qu’en partant d’un NP galloroman *Bur(r)ito (cf. Solin/Salomies 1988, 304 Burri-
tanus, etc.), donc d’une étymologie *Burittône curte/*Buritten dorf.
23. †Chanoncourt, cne. d’Amelécourt (Château-Salins): XIIIe s. cop. apud Canoni
curtem (Erpelding 1979 n° 16); 1216 Or. apud Chanoncourt (AD MM H 1233);
1303 Or. Chanoncort (AD MM H 1253); 1486 Or. Channocourt (AD MM B 964
n° 33); < *Canône curte, NP *Cano, variante de Canus (Solin/Salomies 1988, 308).
24. †Chavoncourt, cne. de Xanrey (Vic-sur-Seille): 1328 Or. de Chavoncourt (AD
MM H 1261); < *Cabône curte, NP germ. (fr.occ.) *Cabo (< Habo [*hab-] par
substitution de [h] par [k] en galloroman.
25. Chelaincourt, cne. de Flévy (Vigy): 1235 cop. Ostelencort (BN Pa Coll. Lorr. 971
n° 9); 1241 Or. Osteleincort (Wichmann 1241, 58); 1251 Or. Osteleincort (Wich-
mann 1251, 4); 1272 Or. Ostelencourt (AD Mos 4 E 43); 1287 Or. Ostelencort
(AM Metz II 304); 1343 Or. Ostelencourt (AD Mos 7 F 648); < *Austolêno curte,
NP germ. (fr.occ.) *Austolênus (*austa-).
26. Chicourt (Delme): 1121 cop. Diekesinga (BN Pa ms. lat. 10030 f° 3v°); 1180 cop.
Diekesinga (BN Pa ms. lat. 10030 f° 64v°); 1296 cop. Cheecourt (AD MosH 1167-2);
1337 Or. Chiecourt (AM Metz II 22); 1375 Or. Chiefcourt (AM Metz II 29);
1487 Or. Chieffcourt (AD MM B 5251 f° 27r°); 1621 Or. Chicourt (AD MM B
4149 f° 13v°); < *Theudgîso-curte/*Theudgîsingas, NP germ. *Theudgîs (*⁄eudô-
+ *gîsa-).
27. Craincourt (Delme): 1121 cop. Crincurt (BN Pa ms. lat. 10030 f° 3v°); 1125 Or.
Criincort (Pflugk-Harttung, t. 1 n° 144); 1225 Or. Criencort (AD Mos G 467-2);
1259 Or. Criencort (AD Mos H 4129-1); 1266 Or. Crincort (AD Mos H 821-6);
1285 Or. Criencourt (AD MM H 2427); 1287 Or. Craincourt (AD MM B 964-4);
1311 Or. Crincort (AD MM H 2428); 1408 Or. Crunkort (AN Lux A 52
n° 1134); < *Cradîno curte, NP germ. (fr. oc.) *Cradîn < *Hradîn (*hra⁄a- + -n-),
avec substitution de [hr] par [kr] en galloroman.
28. †Doncourt, cne. de Fossieux (Delme): 1121 K. Duuncurt (BN Pa ms. lat. 10030
f° 3v°); 1125 Or. Dodonis curtem (Pflugk-Harttung, t. 1, n° 144); 1180 cop.
Duduncurt (BN Pa ms. lat. 10030 f° 64v°); 1326 Or. Doncort (AM Metz II 305);
< *Dôdône curte, NP germ. Dôdo (*dôd).
29. †Falloncourt, cne. de Gélucourt (Dieuze): 1207 Or. Falocort (AD MM H 606);
1294 Or. Falloncourt (AD MM H 1243); 1343 Or. Fallocourt (LA Sbr. Helmstatt
n° 19); (cadastre) Farmin, sur la fontaine de Farmin; < *Farilône curte/*Farilin-
gas, NP *Farilo (*fara- + -l-).

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438 MARTINA PITZ

30. †Filicione curtem, près de Salonnes (Château-Salins): 775 Or. in Filicione curte
(Puhl p. 341); 777 Or. in Filiciono curte (Puhl p. 341); 781 Or. in Filicionecurte
(Puhl p. 341); < *Feliciône curte, NP Felicio.
31. Flocourt (Pange): v. 1050 Or. inter Flodoaldi curtem (AD Mos H 143-1); 1284
Or. Flocourt (AM Metz II 303); 1287 Or. Flocort (AM Metz II 304); 1323 Or.
Flocort (BN Pa ms. fr. 8708); 1337 Or. Flocourt (AM Metz II 22); < *Flodoaldo
curte, NP germ. (fr.occ.) *Flodoald (*hlu⁄a- + *walda-).
32. Frécourt, cne. de Servigny-lès-Raville (Pange): 1285 Or. Freicourt (Wichmann
1285, 467); 1323 Or. Freicourt (BN Pa ms. fr. 8708); 1344 Or. Freicourt (AN Lux
A 52 n° 304); 1347 Or. Freicort (AN Lux A 52 n° 362); 1356 Or. Freicourt (AN
Lux A 52 n° 446); 1560 Or. Frecourt (AD MM B 690-163); < *Frido curte, NP
germ. (fr.occ.) *Fredus (*fri⁄u-)?
33. Fremécourt, cne. de Marange-Silvange (Metz): 875 (faux) Firmaricurte (MGH
DD Ludwig der Deutsche n° 168); 1288 Or. Fremeicort (Wichmann 1288, 292);
1298 Or. Fremeicort (Wichmann 1298, 637); 1328 Or. Fremeicourt (AD MM B
590-79); 1336 Or. Fremecourt (AD MM B 591-131); < *Firmaro curte, NP
*Firmar(i)us (cf. Solin/Salomies 1988, 79 Firmus, etc.).
34. †Gelacourt, cne. de Chambrey (Château-Salins): 1294 Or. Gellacort (AD MM H
1255); 1419 Or. la ferme Gelloucourt (AD MM 922); 1574 cop. lieu dit Geracourt
(AD MM B 457 f° 69r°); < *Gîsloaldo curte, NP germ. (fr. oc.) Gîsloald (*gîsala-
+ *walda-).
35. Gélucourt (Dieuze): 786 cop. Gisoluinga (Puhl p. 342); v. 1200 Or. Gillocort (AD
M H 1244); 1208 Or. Gillaucurt (AD Marne 22 H 102-12); 1214 Or. Gilaucort
(AD Marne 22 H 102-14); 1273 Or. Gilloncort (AD MM B 814-1); 1327 Or.
Geloncort (AD MM H 1256); 1419 Or. Giselfingen (AD MM B 5241); 1430 Or.
Giseluingen (AD MM B 5242); < *Gîsalolfo curte/*Gîsolfingas, NP germ. Gîsa-
lolf (*gîs(a)la- + *wulfa-) pour le toponyme roman, Gîsolf pour le toponyme
germanique.
36. †Gemoncourt, cne. de Bioncourt (Château-Salins): 1520 Or. en Gemoncourt (AD
MM H 1232); < *Gemmône curte, NP Gemmo (Morlet I, 102), probablement
d’origine romane (cf. Solin/Salomies 1988, 338 Gemma).
37. Gerbécourt (Château-Salins): 921/22 cop. in uilla Gerberti curte (Puhl p. 341);
1255 cop. Girbecort (BN Pa ms. lat. 10030 f° 40r°); 1288 Or. Gerbeicort (AD
MM H 1241); 1302 Or. Girbercort (AD MM H 1243); 1306 Or. Gerbeicourt (AD
MM H 1258); 1469 cop. zu Gerbecurt in Wechsinger daill (BM Trier ms. 1670/349
f° 226r°); < *Gerberto curte, NP germ. Gerbert (*gaiza- + *berhta-).
38. †Gilloncourt, cne. de Chénois (Delme): 1263/73 cop. Gilloncort (AD MM B 814-1);
< *Gillône curte, NP germ. (fr.occ.) Gisilo > Gillo (*gisila-).
39. †Gobécourt, cne. de Metz: 1337 Or. an Goubecourt (AM Metz II 22); < *Gaud-
berto curte, NP germ. Gaudbert (*gauta- + *berhta-).
40. †Gossoncourt, cne. de Vannecourt (Château-Salins): 1105 cop. Gunzoniscurtis
(Lesort n° 60); 1293 Or. subtus Gonsoncuriam (AD MM G 497); 1320 cop.
Gonsoncort (AD Mos 10 F 3 f° 53r°); < *Gundsône curte, NP germ. (fr. oc.)
Gundso > Gunzo (*gun⁄i- + -s-).

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 439

41. Hannocourt (Delme): 777 Or. Hagnaldo uillare, Agnaldo curte (Pitz, Siedlungs-
namen p. 254); 1121 cop. Hennacurt (BN Pa ms. lat. 10030 f° 3v°); 1222 Or.
Henaucourt (AD MM B 964-7); 1279 Or. Hanacort (Wichmann 1279, 268); 1293
Or. Hennacort (Wichmann 1293, 75); 1301 Or. Hanacort AD MM B 964-5); 1306
Or. Hanacourt (AD MM B 964-6); 1312 Or. Henaicourt (AD MM B 964-7); 1314
Or. Hennacort (AD MM B 964-9); < *Haganaldo curte/-vîllâre, NP germ.
*Haganwald > Haganald (*hagana- + *walda-).
42. Haraucourt-sur-Seille (Château-Salins): 1183 Or. Haracort (AD Aube 3 H 700);
1230 Or. Haracort (AD Aube 3 H 2312); 1241 Or. Haraucort (AD Aube 3 H
2312); 1273 Or. Haracort (AD MM B 814-1); 1331 Or. Haralcort (AM Metz II
21); < *Haroaldo curte, NP germ. (fr.occ.) Haroald (*harja- + *walda-).
43. Hauconcourt (Metz): 1236 cop. Haueconcort (BN Pa ms. lat. 10023 f° 32v°); 1284
Or. Haueconcourt (AM Metz II 303); 1287 Or. Haueconcourt (AM Metz II 304);
1315 Or. Hauweconcourt (AD Mos 7 F 659); 1353 Or. Haveconcourt (AM Metz
II 308); 1389 Or. Haweconcourt (AD Mos 4 E 361); < *Habukône curte, NP
germ. Habuko (*habuc-).
44. Hermelange (Lorquin): v. 1142 < Xe s. cop. Hermenrannocurte (Pitz, Siedlungs-
namen p. 279); 1258 Or. Helmeringen (AD Mos H 4724); 1267 Or. Helmeringen
(AD MM B 742-4); 1316 Or. Helmeringen (AD Mos H 4747); < *Helmenranno
curte/*Helmenranningas, NP germ. (fr.occ.) *Helmenrannus (*helma- + -n- +
*hrabana-).
45. Hernicourt, cne. de Herny (Faulquemont): 1210 cop. Hermerstorf (BN Pa ms. lat.
10030 f° 4v°); 1310 Or. Hermerstorf (AD MM B 689-5); 1383 Or. Hermerstorff
(AD Mos 6 F 88); 1385 Or. Hermerstorfe (AD MM B 689-65); 1453 Or.
Herniecourt (AN Lux A 52-1648); 1471 Or. Hermestorf (AD Mos 10 F 206);
< *Harinrîko curte/*Harinrîkes dorf, NP germ. *Harinrîk (*harja- + -n- + *rîka-).
46. Hicourt, cne. de Luppy (Pange): 1245 Or. Theheicort (Wichmann 1245, 35); 1255
Or. Teheicort la petite deleis Lupei (AD Mos G 782-1); 1269 Or. Tehecort (Wich-
mann 1269, 213); 1278 Or. Teheicort (Wichmann 1278, 147); 1288 Or. Teheicort
(Wichmann 1288, 66); < *Têdhero curte, NP germ. (fr.occ.) *Têdher (*⁄eudô-,
avec évolution du germ. [eu] vers [ê] sous influence romane, + *harja-).
47. Holacourt (Faulquemont): 1298 Or. Ollacourt (Wichmann 1298, 216); 1346 cop.
Olechingen (AD Mos H 1026 p. 83); 1551 cop. Ollaucourt (AD Mos E 198);
< *Odilwaldo curte/*Olikingas, NP *Odilwald (*o⁄ila- + *walda-) pour le topo-
nyme en -court, *Odiliko (*o⁄ila- + -l-) pour le toponyme en -ingen.
48. †Humbercourt, cne. de Metz: 1284 Or. en Humbert cort (AM Metz II 303); 1347
Or. en Humbert cort (AM Metz II 25); < *Hûniberto curte, NP Hûnibert (*hûni-
+ *berhta-).
49. Jallaucourt (Delme): 1189 Or. Gallaucourt (Parisse, Bar n° 51); 1284 Or. Jala-
court (AM Metz II 303); 1288 Or. Jallacort (Wichmann 1288, 73); 1295 Or. Jailla-
court (AD MM H 1228); 1331 Or. Jallacort (AD MM H 1241); 1343 Or. Jallau-
court (AM Metz II 307); 1359 cop. la ville de Gellaicourt seant entre Byoncourt
et Dyeme (AD MM B 494-17); 1404/06 cop. von Jallacur (AD Mos H 4768-2 f°
2v°); < *Gelloaldo curte, NP germ. *Gîsalwald (*gîsala- + *walda-) > fr.occ.
*Gelloald, avec évolution de [e] prétonique > [a] en ancien lorrain.

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440 MARTINA PITZ

50. Lemoncourt (Delme): 1237 cop. Limoncort (BN Pa ms. lat. 10024 f° 25r°); 1242
cop. Lymoncort (BN Pa ms. lat. 10023 f° 34v°); 1255 Or. Limoncort (AD Mos
H 4126-1); 1279 Or. Leimoncort (AD MM H 1241); 1292 Or. Lymoncort (BN Pa
ms. lat. 10024 f° 69r°); 1294 Or. Limmoncort (AD MM H 1241); 1331 Or.
Limoncort (AD MM H 1241); < *Limône curte, NP *Limo, probablement d’ori-
gine romane (cf. Solin/Salomies 352 Lima).
51. Liocourt (Delme): 1023 cop. Luonkurt (BM Trier ms. 1632/396 p. 92); 1026 cop.
Luokurt (BM Trier ms. 1632/396 p. 96); 1258 Or. Lioucourt (AD Mos 3 J 16);
1267 Or. Liocort (Wichmann 1267, 40); 1284 Or. Luocort (AM Metz II 303);
1288 Or. Lioucort (Wichmann 1288, 438); 1290 Or. Lioncourt (Wichmann 1290,
360); 1293 Or. Luoncourt (Wichmann 1293, 478); 1295 Or. Lioncort (AD MM
H 1228); 1343 Or. Luocourt (AM Metz II 307); 1347 Or. Lieucourt (AM Metz
II 25); < *Leudulfo curte, NP germ. Leudulf (*leudî- + *wulfa-)?
52. †Liocourt, cne. de Vic-sur-Seille: 1432 Or. en la fin de Vy a Lieucourt (AD MM
G 897); < *Leudulfo curte?
53. Lubécourt (Château-Salins): 1288 Or. Libeicor (AD MM H 1241); 1290 Or.
Libeicort (AD MM H 1246); 1302 Or. Lybeicort (AD MM H 1243); 1303 Or.
Libeicort (AD Mos H 799-1); 1370 Or. Lebeircourt (LA Sbr. Helmstatt n° 59);
1415 Or. Lebelcourt (LA Sbr. Helmstatt n° 92); 1443 Or. Lebecourt (AD MM B
601 n° 32); 1469 cop. zu Lubecurt in Wechsinger daill (BM Trier 1670/349 f°
226r°); < *Libero curte, NP Liber(ius) (Solin/Salomies 1988, 351).
54. Malancourt (Metz): 1128 Or. Malancurt (Pflugk-Harttung t. 2 n° 299); 1136 Or.
Malancourt (Pflugk-Harttung t. 2 n° 323); 1179 Or. Malancort (Wolfram p. 302);
1260 Or. Malaincort (AD MM B 592-221); 1328 Or. Mallencort (AD MM B
590-79); < *Malâno curte, NP Malân(i)us (Solin/Salomies 1988, 111).
55. Malaucourt (Delme): 1284 Or. Malacourt (AM Metz II 303); 1331 Or. Mallacort
(AD MM H 1241); 1338 Or. Malacourt (AM Metz II 23); 1344 Or. Mallaucourt
(AM Metz II 24); 1378 Or. Malaucourt (AM Metz II 30); 1415 Or. Malacourt
(LA Sbr. Helmstatt n° 91); < *Ma⁄alwaldo curte, NP germ. *Ma⁄alwald
(*ma⁄ala- + *walda-) > fr.occ. *Malloald.
56. †Mancourt, cne. d’Ennery (Vigy): 1375 Or. Mancort (AD Mos 7 F 606); 1455 Or.
en Metin (AD Mos 7 F 641); < *Madano curte/*Madingas, NP germ. (fr.occ.)
Mado (*ma⁄-) et *Madanus (*ma⁄- + -n-).
57. †Mannoncourt, cne. de Delme: 1267 Or. de Mannoncort (Wichmann 1267, 46);
1421 cop. Manoncourt (AD Mod G 10 f° 129v°); < *Mannône curte, NP germ.
Manno (*mann-).
58. †Mantoncourt, cne. d’Ommeray (Vic-sur-Seille): 1219 Or. Mantoncorth (AD MM
H 608); 1221 cop. Mantoncourt (AD MM H 542 p. 211); 1273 Or. Mantoncort
(AD MM B 814-1); 1289 Or. Mantucor (AD MM H 545); 1310 Or. Mantoncort
(AD BR G 5254-1a); 1320 Or. Mantoncourt (AD MM H 608); 1470 cop. Man-
tancourt (AD Mos G 9 f° 150r°); < *Mantôno curte, NP Manton(i)us (d’origine
romane, cf. Solin/Salomies 1988, 112).
59. †Marcourt, cne. de Many (Faulquemont): 1346 cop. de Merecourt (AD Mos H
1167-4); 1629 Or. Marcourt (AD Mos H 1158-2); 1661 cop. deuant Merecourt
(AD Mos H 1158-3); < *Marco curte, NP Marcus.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 441

60. Moncourt (Vic-sur-Seille): 1265 Or. Mooncort (AD MM H 1282); 1319 Or.
Moncourt (AD MM H 611); 1343 Or. Moncort (AD MM H 2428); 1346 Or. von
Mohoncourt (AD MM H 2474); < *Môdône curte, NP germ. Môdo (*môda-).
61. †Moilloncourt, cne. de Semécourt (Metz): XIIe s. Or. Moilloncort (BN Pa Coll.
Lorr. 971-6); 1186 Or. Muliencurt (AD MM G 520); 1240 Or. des boez de
Moilloncurt (AD Mos H 788-1); < *Mutiliône curte, NP *Mutilio (cf. Solin/
Salomies 1988, 124 Mutilius).
62. †Obcourt, cne. de Flocourt (Pange): 1294 Or. in villis de Bessei et Abocort (AD
MM H 1255); < *Alboaldo curte, NP germ. (fr.occ.) *Alboald (*alba- + *walda-
).
63. Oriocourt (Delme): 1235 Or. Vriencort (AD Mos H 119-1); 1264 cop. Orieucort
(BN Pa ms. lat. 10024 f° 20v°); 1275 Or. Orieucort (Wichmann 1275, 124); 1294
Or. Oriencourt (AD MM H 1241); 1295 Or. Orioncort (AD MM H 1228); 1325
Or. Oriocourt (AN Lux A 52 Nr. 183); 1347 Or. Orieucourt (AM Metz II 25);
< *Auriulfo curte, NP germ. *Auri-wulf > *Oriolf (*aur- + *wulfa-).
64. Pettoncourt (Château-Salins): 1339 Or. Betoncourt (AD MM B 574-94); 1393 Or.
Betoncourt (AD MM G 882); 1460 Or. Bethoncourt (LA Sbr. Helmstatt n° 136);
< *Bettône curte, NP germ. Betto (*berhta-?).
65. Plappecourt, cne. de Raville (Pange): 1430 Or. Plappecourt delez Rauille (AD
Mos 10 F 395); 1560 Or. Peplingen bei Roulingen gelegen (AD MM B 690-163);
< *Pappulo curte/*Paplingas, NP Pappulus, Pappolus, avec syncope romane et
dégémination de -pp- *Paplus.
66. Prévocourt (Delme): XIIIe s. cop. Prouecurt (BM Trier 1632/396 p. 320); 1337 Or.
Prouoicourt (AM Metz II 22); 1375 Or. Prouocourt (AM Metz II 29);
< *Probulo curte, NP Probulus (Solin/Salomies 1988, 384)?
67. †Raucourt, cne. de Maizières-lès-Metz (Metz): 1344 Or. Raucourt (AM Metz II
24); < *Radoaldo curte, NP germ. Radoald (*rêda- + *walda-).
68. Réchicourt-le-Château: 1065 Or. Richiscort (AD Mos G 1607-1); 1103 cop.
Richiscurtis (AD Mos H 2547-2); 1179 cop. Ruchesingen (AD MM H 303); 1182
Or. Richercort (AD MM H 629); 1183 Or. Richeycort (AD MM B 481-44); 1185
Or. Richiecort (AD MM H 629); 1256 Or. Rukesinga (BN Pa Coll. Lorr. 98-105);
< *Rîkgîso curte/*Rîchgîsingas, NP germ. Rîchgîs (*rîka- + *gîsa-).
69. Recourt, cne. de Marsal (Vic-sur-Seille): 1273 Or. Rihecort iuxta Marsallum (AD
MM H 611); 1273 Or. la grange de Riecort (AD MM B 814-1); 1315 cop. Rey-
curia ante Marsallum (AD MM H 610); 1319 Or. Reycourt (AD MM H 611);
1311 Or. Recourt (AD MM H 611); 1312 Or. Reicuria prope Marsallum (AD
MM H 1248); v. 1500 Or. Recourt (AD MM H 564); 1572 cop. Recourt (AD MM
H 610); < *Rîco curte, NP germ. Rîcus (*rîka-)?
70. †Resaincourt, cne. de Maizières-lès-Metz (Metz): 1375 Or. de Resaincourt (AM
Metz II 29); < *Risîno curte, NP germ. Risîn (*ris-) ou NP roman Risennius
(Solin/Sallomies 1988, 156)?
71. Romécourt, cne. d’Azoudange (Réchicourt-le-Château): v. 1142 < Xe s. cop.
Romaninga (Perrin p. 144); 1152 cop. Romaicort (Hiegel p. 290); < *Româno

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442 MARTINA PITZ

curte/*Româningas, NP Romanus.
72. Roncourt (Metz): 1128 Or. Rouncurt (Pflugk-Harttung t. 2 n° 299); 1136 Or.
Rooncurt (Pflugk-Harttung t. 2 n° 323); 1138 cop. Rouncourt (BN Pa ms. lat.
12866 n° 39); 1268 Or. Roncort (AN Pa J 582-19); 1323 Or. Roncourt (BN Pa
ms. fr. 8708); 1329 Or. Roncourt (AD MM B 590-81); < *Rôdône curte, NP germ.
Rôdo (*hrô⁄-).
73. Rondpré, cne. de Métairies-Saint-Quirin (Lorquin): v. 1142 < Xe s. cop. Ronnin-
gesdorf (Perrin p. 144); 1132/46 Or. Roningesdorf (AD BR H 609-5); v. 1137 Or.
Ronistorf (AD BR H 609-5); 1202 cop. Ro[n]encurth (Hiegel p. 292); 1278 Or.
Ronesdorf (AD Mos H 4751-1); 1304 Or. Ronesdorf (AD Mos H 4734-2); 1335
Or. Ronestorf (AD MM H 811); 1350 Or. Ronestorf (AD Mos H 4751-2); 1454
Or. Ronesdorff (AD BR H 679-5); < *Roningo curte/*Roninges dorf, NP germ.
*Runing, Roning (*run-).
74. Sarrixing, cne. d’Imling (Lorquin): v. 1137 Or. Ruchesingen (AD BR H 609-5);
v. 132/46 Or. Ruggesingen (AD BR H 609-5); 1289 Or. Rechecurt super Saram
(AD MM H 545); 1327 Or. Sarrukesinga (AD Mos H 4757-1); 1346 Or. Sarru-
kesingen (AD Mos H 4757-2); < *Rôdgîso curte/*Ruodgîsingas, NP germ.
*Hrô⁄gîs (*hrô⁄- + *gîsa-).
75. †Scotelaincourt, cne. de Cheminot (Verny): 1211 Or. Scotelemcort (AD Mos H
42-6); < *Scottolêno curte, NP *Scottolênus (Solin/Salomies 1988, 398 Scotto +
-lênus).
76. Semécourt (Metz): 875 (faux) Semaricurt (MGH DD Ludwig der Deutsche
n° 168); 1138 cop. Semeicort (BN Pa ms. nal. 1608 f° 15v°); XIIe s. Or. Semecort
(BN Pa Coll. Lorr. 971-6); 1242 cop. Simercort (BN Pa ms. lat. 10023 f° 28v°);
1313 Or. Semeicort (AD Mos 3 E 3631); 1403 Or. Symacourt (AN Pa KK 290);
< *Sigimaro curte, NP germ. Sigimar (*sigi(s)- + *mêra-).
77. †Seraincourt, cne. de Salonnes (Château-Salins): 777 Or. Sicramnocurte (Tangl.
pp. 208, 211, 213); 814/40 Or. Sigramnocurte (Puhl p. 346); 1388 Or. Seraincourt
(AD MM G 471); 1393 Or. Seraincourt (AD MM H 1255); < *Sigiramno curte,
NP germ. Sigi(h)ram(n) (*sigi(s)- + *hrabana-).
78. Stoncourt, cne. de Villers-Stoncourt (Pange): 1273 Or. an la fin d-Estoncourt
(Wailly n° 155); 1343 Or. Stoncourt (AM Metz II 307); 1457 Or. Stoncourt (AN
Lux A 52 n° 1714); 1467 Or. Stoncourt (AN Lux A 52 n° 1893); 1477 Or. Ston-
court (BN Pa Coll. Lorr. 975-23); < *Stôdône-curte, NP germ. (fr.occ.) *Stôdo
(Kaufmann 1968, 328; base lexicale non déterminée).
79. Thicourt (Faulquemont): 1018 Or. Tiedresdorf (MGH DD Heinrich II n° 379);
v. 1050 Or. Tiheicourt (AD Mos G 29 n° 5); 1093 cop. Thehericurte (AD Mos J
841); 1142 cop. Thiederesdorf (BN Pa ms. lat. 10030 f° 6v°); 1225 Or. Thihecort
(AD MM B 590 n° 5); 1255 Or. Tihecort (AD Mos G 152); 1230 Or. Tyecort
(AD Mos H 3567-3); 1349 Or. Dyderstorf (AN Lux A 52-384); 1387 Or. Die-
derstorf (AD Mos 6 F 57); < *Têdhero curte/*Diedheres dorf, NP germ. Theud-
hari (*⁄eudô- + *harja-), romanisé en Têdher dans la forme romane par réduc-
tion du germ. [eu] à [ê] et substitution de [⁄] par [t]; Diedher dans la forme
germanique par évolution de [eu] > [ie] et de [⁄] > [d] en vieux haut allemand.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 443

80. Vannecourt (Château-Salins): 777 Or. Uuarnugo curte (Tangl p. 208); 777 Or.
Uuarningas (Tangl p. 211); 1261 Or. in loco qui uocatur in monte Winingen (AD
MM H 3213); 1281 Or. in monte Werlingen (AD MM H 3213); 1288 Or. Warne-
court (AD MM H 1256); 1293 Or. Warnecuria (AD MM G 497); 1305 Or. supra
Werlingerberge (AD MM H 3213); 1414 Or. Wanecourt (AD MM H 1250);
< *Warniaco curte/*Warno curte/*Warningas, NP germ. Warni (*war(i)na-).
81. †Vannecourt, cne. de Luppy (Pange): 1287 Or. an Warneicort on ban de Lupey
(AM Metz II 304); < *Warniaco curte, NP germ. Warni (*war(i)na-).
82. Vaudoncourt, cne. de Varize (Boulay): 1220 Or. Uaudoncort (AD Mos 4 E 359);
1343 Or. Wadoncourt (AD Mos J 5740); 1347 Or. Wadoncort (AM Metz II 25);
1378 Or. Waudoncourt (AM Metz II 30); < *Waldône curte, NP Waldo (*walda-).
83. †Vertignécourt, cne. de Puttigny (Château-Salins): 777 Or. Uictornigas (Tangl
p. 208); 777 Or. Uicturningas (Tangl p. 211); 781 Or. Victerneiacurte (MGH DD
Karl der Grosse n° 136); 950 Or. Veternegiocurte (Parisse 1977 n° 54500); 1165
Or. Vitrineicort (Parisse s.d. n° 6); 1192 Or. Vitreneicort (AD MM H 1228); 1228
Or. Vitrigneicort (AD MM G 496); 1288 Or. Vitreneicor (AD MM H 1241); 1304
Or. Vertigneicort (AD MM H 1256); < *Victoriniacas/*Victoriniaca curte/*Victo-
riningas, NP Victorînus (Solin/Salomies 1988, 208).
84. †Wacourt, cne. de Laneuveville (Delme): 1354 Or. en lai voie de Wacourt (AD
MM H 1243); < *Waldo curte, NP Waldi (*walda-).
85. †Wacroncourt, cne. de Malaucourt (Delme): 1121 cop. Wacruncurt (BN Pa ms.
lat. 10030 f° 3v°); 1180 cop. Wacruncourt (BN Pa ms. lat. 10030 f° 64v°); 1210
cop. Wacroncurt (BN Pa ms. lat. 10030 f° 4v°); 1267 cop. Waccruncurt (BN Pa
ms. lat. 10030 f° 1r°); < *Wakkarône curte, NP Wakkaro (*wak(a)ra-).
86. †Xallecourt, cne. de Salonnes (Château-Salins): 1345 cop. la ferme Xallecourt
(BN Pa ms. lat. 10024 f° 46r°); < *Scallo curte, NP Scall(i)us (Solin/Salomies
1988, 164).
87. Xocourt (Delme): 1279 Or. Xocort (Wichmann 1279, 464); 1290 Or. Xuocort
(Wichmann 1290, 192); 1298 Or. Xuocort (Wichmann 1298, 496); 1326 Or. Xouo-
court (AM Metz II 305); 1333 Or. Xoocort (AM Metz II 306); 1405 Or. Xuol-
court (AM Metz II 314); < *Scudoaldo curte, NP germ. *Scudoald (*scud- +
*walda-).
88. †Zencourt, cne. de Puttigny (Château-Salins): 814/40 Or. in fine Silciniaga (Puhl
p. 347); 1414 Or. Zencourt (AD MM H 1250); 1445 cop. Zencourt (AD MM G
496); < *Silciniacu/*Silcino curte, NP *Silicianus, Silicinus (Solin/Salomies 1988, 403).

Jusqu’à nos jours, le département de la Moselle est traversé en biais

(52) Cf. Martina Pitz, La Genèse de la frontière des langues en Lorraine: éléments
pour un argumentaire philologique et toponymique, in: Jeanne-Marie Demarolle
(dir.), Frontières (?) en Europe occidentale et médiane de l’Antiquité à l’an 2000.
Metz 2001, pp. 73-107.

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444 MARTINA PITZ

par la frontière linguistique germano-romane qui s’est précisément consti-


tuée à l’époque de la naissance des toponymes en -court (52). De nombreux
toponymes disposent, de ce fait, de doublets traductifs(53), de «formes
parallèles»(54) en -ingen ou en -dorf élaborées par les Francs vivant dans
le voisinage immédiat. C’est le cas pour le n° 2 Aboncourt-Endorf, le n° 3
Adaincourt-Ollenanges, le n° 13 Avricourt-Elferingen, le n° 22 Burton-
court-Brittendorf, le n° 35 Gélucourt-Gisolfingen, le n° 66 Plappecourt-
Peplingen, etc. Ces paires toponymiques sont typiques des régions ancien-
nement bilingues: Francs et Romans y cohabitaient et élaboraient leurs
propres toponymes lors de la création de nouveaux habitats(55). Les topo-
nymes étaient généralement formés à l’aide de déterminés à la mode,
-court et -ville pour les Romans, quelques autres comme -ingen, -dorf
ou -haim du côté des Francs, leurs déterminants se référant toujours au
fondateur ou au propriétaire de la localité, donc à un seul et même
personnage historique(56). C’est là tout l’intérêt des doublets pour la
recherche anthroponomastique, car il s’avère en posant l’étymologie de
ces formes parallèles que dans beaucoup de cas, l’anthroponyme recons-
titué n’est pas complètement identique d’une série à l’autre, alors que la
personne nommée l’était forcément. Ceci nous renvoie aux problèmes
d’usage des noms chez les peuples germaniques, donc à la variation évo-
quée plus haut entre le nom officiel d’une personne et ce qu’on pourrait
appeler ses «petits noms». Pour se convaincre de l’ampleur du phéno-
mène, on peut se reporter, entre autres, aux exemples suivants :

(53) Pour la définition de ce terme cf. Maria Besse, Les Doublets toponymiques le
long de la frontière linguistique: méthodologie, chronologie phonétique, étude de
cas. L’exemple de la Belgique, in: Bulletin de la commission royale de toponymie
et dialectologie 72 (2000), pp. 35-102, ici p. 70. Pour l’interprétation historique
de la genèse de ce type de doublets, cf. Martina Pitz, Genuine Übersetzungs-
paare primärer Siedlungsnamen an der lothringischen Sprachgrenze: Überlegun-
gen zu ihrem sprach- und siedlungsgeschichtlichen Aussagewert, in: Onoma 36
(2001, à paraître en 2002).
(54) Cette appellation qui me paraît de loin la plus pertinente, a été proposée par
Wulf Müller, Artikelgestaltung und Zielpublikum in der Suisse romande. Am
Beispiel von Courrendlin/Rennendorf, in: Heinrich Tiefenbach (dir.), Historisch-
philologische Ortsnamenbücher. Heidelberg 1996, pp. 72-85, ici p. 75.
(55) Voir Martina Pitz, Le Superstrat, op. cit., p. 72ssq.; Martina Pitz et Frauke Stein,
Genèse linguistique d’une région frontalière: les environs de Forbach et de
Sarreguemines, in: Les Cahiers Lorrains (2000), pp. 365-412.
(56) Cf. Martina Pitz, Toponymie zwischen den Sprachen. Ortsnamen als Instrumente
landes- und siedlungsgeschichtlicher Forschung im lothringischen Sprachgrenz-
raum, in: Heinz-Peter Brogiato (dir.), Geographische Namen in ihrer Bedeutung
für die landeskundliche Forschung und Darstellung. Trier 1999, pp. 67-95, notam-
ment p. 68s.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 445

• le couple Aboncourt-Endorf (n° 2) a fait désespérer des générations de


toponymistes qui s’expliquaient mal la présence d’un -e- dans la forme
allemande, donc d’un -a- suivi de -i- ou yod provoquant un Umlaut(57),
alors que la forme romane n’en contenait pas. Les formes allemandes
ne peuvent effectivement s’expliquer en conformité avec les lois
phonétiques du vieux haut allemand qu’en posant *Ebben dorf, ce qui
suppose un éponyme *Abjo, devenu Ebbo par suite du Umlaut et de la
gémination de la consonne provoqués par l’influence d’un yod(58). Des
noms hypocoristiques contenant cet élément yod devaient être assez
fréquents dans la Galloromania du haut moyen âge par analogie avec
les nombreux hypocoristiques en -io d’origine latine(59) qui ont pu se
confondre avec les formations en -ja/-jô répandues chez les Francs(60).
Comme pour les verbes en -jan, le yod aurait ensuite disparu relative-
ment tôt en provoquant la gémination de la consonne(61). Bon nombre
d’hypocoristiques germaniques contenant des consonnes géminées qu’on
a toujours voulu attribuer au langage des enfants(62) pourraient avoir
cette origine; mais la question n’a jamais été étudiée de façon systéma-
tique.
• le couple Assenoncourt-Essesdorf (n° 10) nous ramène, pour la série
romane, à un anthroponyme *Assilo, variante de *Adsilo avec assimila-
tion de -ds- en -ss-. La terminaison -on- exige un nom en -o à flexion
faible, alors que la série allemande relie le déterminant au déterminé
par un -s- témoin d’un ancien génitif fort(63); elle exige donc une
ancienne variante du même anthroponyme, mais à flexion forte:
*Assilus. L’assimilation de -ds- en -ss- s’est produite dans la bouche des

(57) Cf. Wilhelm Braune, Althochdeutsche Grammatik. 13e éd. rev. par Hans Eggers.
Tübingen 1975, pp. 54sqq.
(58) Cf. ibid., pp. 94sqq.
(59) Cf. Leo Spitzer, Das Suffix -ône im Romanischen, in: Biblioteca dell’ Archivum
romanicum II, 2, pp. 183sqq.; Peter Stotz, Handbuch zur lateinischen Sprache
des Mittelalters, t. 2: Bedeutungswandel und Wortbildung. Munich 2000, p. 274
§ 34.3.
(60) Cf. Stotz, op. cit., § 35.4; Braune/Eggers, op. cit., pp. 187, 195.
(61) Cf. Wolfgang Meid, Germanische Sprachwissenschaft III: Wortbildungslehre.
Berlin 1967, pp. 246sqq.; Jörg Riecke, Die schwachen -jan-Verben des Althoch-
deutschen. Ein Gliederungsversuch. Göttingen 1996, pp. 59sqq.
(62) Cf. notamment Kaufmann, Rufnamen, op. cit., pp. 11sqq.
(63) Cf. Braune/Eggers, op. cit., pp. 182sqq.
(64) Cette assimilation est attestée en galloroman dès le VIIe siècle, cf. Lothar Wolf
et Werner Hupka, Altfranzösisch. Entstehung und Charakteristik. Eine Einfüh-
rung. Darmstadt 1981, § 83. Pour les attestations de ce phénomène dans les

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446 MARTINA PITZ

Galloromans, nous le savons à travers une multitude d’autres exem-


ples(64). Chez les Francs, un -ds- aurait été transformé en affriquée(65); le
résultat serait Atzil(o), Etzilo, qui est d’ailleurs un anthroponyme très
bien attesté(66). Nous sommes donc en présence, pour les deux séries,
d’un anthroponyme germanique romanisé; il y a une certaine probabi-
lité pour que son porteur, ainsi que les membres de sa familia ayant
fondé et habité ce village, soient ou des Galloromans ou des Francs
suffisamment «acculturés» pour affectionner ce type de noms dont la
signification originelle était devenue méconnaissable.
• Au sein du couple Avricourt-Elferingen (n° 13), la série allemande
contient un nom composé, *Albfrid, alors que la série romane exige un
hypocoristique *Albaro, formé à l’aide d’un suffixe qui paraît avoir été
assez fréquent chez les Francs occidentaux(67). Le toponyme allemand
fait donc appel au nom officiel du propriétaire qui devait être connu de
la population franque, même s’il était rarement utilisé en tant que tel.
Le simple fait qu’il y ait eu variation et que les Romans ne connais-
saient apparemment qu’une forme usuelle, employée de façon courante
chez leurs voisins francs, pourrait augmenter les probabilités que le
porteur du nom soit d’origine franque.
• Parfois, les variations anthroponymiques constatées entre les deux séries
se situent simplement sur le plan phonétique. C’est le cas pour Thicourt-
Diedersdorf (n° 79), où la série allemande contient le nom germanique
Theudhari, devenu Diether en vieux haut allemand, alors que la série
romane exige une variante romanisée qui substitue la fricative initiale
par l’occlusive [t](68) et réduit la diphtongue [eu] à [ê](69).
• On peut aussi avoir affaire à de minuscules variations morphologiques,
comme pour Gélucourt-Gisselfingen (n° 35), où les anthroponymes

anthroponymes d’origine germanique cf. Werner Kalbow, Die germanischen Per-


sonennamen des altfranzösischen Heldenepos und ihre lautliche Entwicklung.
Halle 1913, p. 83; Kaufmann, Rufnamen, op. cit., p. 307.
(65) Cf. Pitz, Siedlungsnamen, op. cit., p. 787.
(66) Cf. Morlet, op. cit., t. 1, p. 19.
(67) Cf. Wolfgang Haubrichs, Stammerweiterung bei Personennamen: ein regionalspe-
zifisches Merkmal westfränkischer Anthroponymie?, in: Dieter Geuenich, Wolf-
gang Haubrichs et Jörg Jarnut, Nomen et gens. Zur historischen Aussagekraft
frühmittelalterlicher Personennamen. Berlin 1997, pp. 190-210.
(68) Cf. Pitz, Siedlungsnamen, op. cit., p. 803s.
(69) Ibid., p. 792s.
(70) Cf. à ce sujet Kaufmann, Ergänzungsband, op. cit., p. 149.
(71) Cf. Kaufmann, Rufnamen, op. cit., p. 292.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 447

reconstitués sont Gîsolf et Gîsalolf. Allongé par l’adjonction d’un suffixe


-l- (70), le premier terme a donné *Gisle- et *Gille- (71), qui était particu-
lièrement répandu dans la Galloromania(72). Il ne semble donc pas éton-
nant que la forme romane contienne justement cette variante romanisée
d’un élément germanique extrêmement fréquent.
Que peut-on conclure de ces derniers exemples qui nous révèlent en
quelque sorte des doublets phonétiques(73) au niveau anthroponymique?
Ces anthroponymes étaient-ils utilisés par des personnages bilingues,
capables de jongler entre l’une et l’autre langue, et dont le nom officiel
était désigné par deux variantes en fonction du milieu linguistique visé?
Nous ne pouvons formuler que des hypothèses, car à ma connaissance, des
études prosopographiques et socio-onomastiques allant dans ce sens n’ont
jamais été menées. En tout cas, même lorsque les anthroponymes recons-
truits sont identiques pour les deux séries, comme c’est le cas le plus sou-
vent(74), ils permettent de fournir quelques indices ethniques et des indices
chronologiques. Ainsi, le doublet Adaincourt-Ollenanges (n° 3) contient un
anthroponyme Aldoin, lui-même formé à l’aide des deux termes germa-
niques *alda- «vieux» et *wini- «ami». Le nom signifie donc «vieil ami»;

(72) Cf. Morlet, op. cit., t. 1, pp. 98 et 110 avec confusion de deux bases germaniques
qu’il conviendrait de distinguer rigoureusement.
(73) Le terme est surtout utilisé en toponomastique, cf. Besse, Les Doublets, op. cit., p. 61.
(74) D’après Pitz, Übersetzungspaare, op. cit., parmi les doublets traductifs décelés
en Lorraine, 20 % environ exigent une étymologie appuyée sur des variantes
anthroponymiques, contre 80 % pour lesquels l’anthroponyme reconstruit est
identique pour les deux séries. Les exigences méthodologiques découlant de ce
constat me paraissent indubitables: les formes historiques doivent être claire-
ment réparties selon les deux séries romane et germanique et analysées en
s’appuyant rigoureusement sur les lois phonétiques régissant l’évolution de
l’une et l’autre langue (cf. aussi Müller, op. cit.). Lorsque les attestations histo-
riques recueillies pour les deux séries ne «calent» pas les unes aux autres au
regard de ces lois phonétiques, mieux vaut poser le problème de la variation
anthroponymique initiale que de tenter l’impossible en matière de phonétique
historique ou de recourir à d’hypothétiques analogies ou interférences linguis-
tiques susceptibles d’avoir «changé» le nom de l’éponyme de la localité lors de
l’évolution linguistique du toponyme.
(75) Cf. Morlet, op. cit., t. 1, p. 31. Un survol rapide des matériaux rassemblés par
Morlet semble montrer la pertinence de cette hypothèse: du point de vue pure-
ment statistique, les anthroponymes germaniques sémantiquement «parlants»
sont en effet beaucoup plus fréquents, même sur le territoire de la Galloro-
mania, que ceux qui relient deux bases germaniques de façon aléatoire. Même
si le choix d’un nom de personne est toujours lié à l’imitation de modes et
à d’autres phénomènes socioculturels très complexes et découle très rare-
ment d’une véritable réflexion personnelle, ce constat permet probablement de
conclure à un certain bilinguisme, si rudimentaire soit-il, même au sein de la

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448 MARTINA PITZ

il est sémantiquement parlant, ce qui explique sa fréquence(75). Mais dans


ce cas précis, le -i- bref du second élément n’a pas provoqué de Umlaut
dans la série allemande; il avait donc déjà évolué vers -e- avant de faire son
entrée dans le toponyme. Là encore, il s’agit d’un anthroponyme d’origine
germanique, mais phonétiquement romanisé. Il convient aussi de s’interroger
sur un certain nombre de doublets formés à l’aide d’anthroponymes non ger-
maniques: Alanus pour Alaincourt-Alningas (n° 5); Pappulus pour Plappe-
court-Peplingen (n° 65). Ici, c’est paradoxalement la série allemande qui nous
révèle l’évolution phonétique du nom de personne en galloroman. En rai-
son du Umlaut, il paraît en effet nécessaire de poser *Paplingas. Ceci nous
fournit la preuve de la réduction de la géminée -pp-, très difficile à dater(76)
mais liée, d’une façon ou d’une autre, à la sonorisation(77) de /p/ non géminé,
sonorisation apparue relativement tard dans les régions du Nord-Est(78). La
syncope romane, dont on pense également qu’elle n’est intervenue qu’assez
tardivement dans cette région(79), est elle aussi accomplie dans ce toponyme.
Ce n’est certainement pas un hasard si les doublets formés à l’aide d’an-
throponymes romans présentent, dans la série allemande, le suffixe -ingen,
car une grande partie des toponymes qui contiennent ce suffixe doit être rat-
tachée à des vagues de défrichements relativement anciennes en raison de
leur correspondance fréquente avec -acum (80), même si, du moins en Lor-
raine, le suffixe lui-même a été utilisé en fonction toponymique jusqu’au
VIIIe siècle(81). Ces paires semblent donc fournir des indices chronologiques.
En est-il de même pour les anthroponymes galloromans qu’ils contiennent?
On serait amené à le supposer en constatant qu’un certain nombre de topo-

population romane qui a pu empêcher ces Romans de faire n’importe quoi en


matière d’attribution des noms.
(76) Cf. Wolf/Hupka, op. cit., § 93.
(77) Cf. Helmut Weinrich, Phonologische Studien zur romanischen Sprachgeschichte.
Münster 1958, pp. 144sqq.
(78) Cf. Max Pfister, Sonorisierungserscheinungen in der galloromanischen und italo-
romanischen Toponomastik vor dem Jahre 900, in: Rudolf Schützeichel (dir.),
Philologie der ältesten Ortsnamenüberlieferung. Heidelberg 1992, pp. 311-331.
(79) Cf. Wolfgang Kleiber et Max Pfister, Aspekte und Probleme der römisch-
germanischen Kontinuität. Sprachkontinuität an Mosel, Mittel- und Oberrhein
sowie im Schwarzwald. Stuttgart 1992, pp. 73s.
(80) Cf. Pitz, Übersetzungspaare, op. cit.
(81) Cf. Wolfgang Haubrichs, Ortsnamenprobleme in Urkunden des Metzer Klosters
St. Arnulf, in: Jahrbuch für westdeutsche Landesgeschichte 9 (1983), pp. 1-49.
(82) Cf. Monika Buchmüller-Pfaff, Siedlungsnamen zwischen Spätantike und frühem
Mittelalter. Die -iacum-Namen der römischen Provinz Belgica Prima. Tübingen
1990, p. 25.

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LES TOPONYMES MÉROVINGIENS DU TYPE AVRICOURT 449

nymes qui se présentaient à l’origine sous la forme -iaca curtis, qui renfor-
çait donc l’ancien suffixe -iacum par le nouveau terme à la mode(82), sont
justement composés avec des anthroponymes romans: le n° 18 Bisécourt
contient un Bisius, le n° 83 Vertignécourt nous dévoile un Victorinus, le
n° 88 Zencourt un Silicinus. Lorsqu’on examine le corpus dans son ensemble,
la fréquence des anthroponymes non germaniques devient étonnante: si mes
conclusions étymologiques sont justes, 22 toponymes sur 88, donc exactement
un quart, semblent contenir un anthroponyme non germanique; pour d’autres,
cette conclusion paraît également possible, mais l’hypothèse d’une racine
germanique ne peut être exclue. Dans beaucoup d’autres cas, les noms
reconstitués, même si les termes utilisés sont d’origine germanique, présentent
des signes apparents de romanisation: un *Hlutha-wald devient Flodoald
(n° 31)(83), un Habo devient Kabo (n° 24)(84), un Hradin devient Cradin
(n° 27) en substituant un -h- germanique devenu imprononçable, un Gisilo
devient Gillo (n° 38), un Gisilwald devient Gelloald (n° 49), un Mathalwald
devient Malloald (n° 56)(85), un Adalmar devient Almar (n° 8) par suite
d’assimilations consonantiques typiquement romanes; de nombreux topo-
nymes contiennent des noms courts à flexion forte comme Adalus (n° 6) ou
Fredus (n° 32), alors que cette dernière est restée extrêmement rare en vieux
haut allemand.
Il va de soi qu’on pourrait évoquer d’autres problèmes, citer d’autres
exemples, et qu’un corpus de 88 toponymes localisés dans un tout petit
espace géographique est bien trop modeste pour vouloir apporter des élé-
ments de réponse aux nombreuses questions ouvertes. Contrairement aux
interférences liées à la culture, aux mores, dont certains aspects ont fait
l’objet d’études exemplaires(86), les interférences liées à la lingua sont,
quant à elles, loin d’être toutes connues et, à plus forte raison, intégrées
dans une vue d’ensemble de ce melting pot qui est à l’origine de notre his-
toire européenne. Mais il s’agissait de tracer un chemin, de faire un pre-
mier pas pour sortir de l’oubli dans lequel la recherche linguistique l’avait
longtemps placé, un type de formations toponymiques aux «potentialités»
étonnantes et inexploitées, susceptible de fournir de précieux renseigne-
ments sur les phénomènes d’acculturation et d’ethnicité qui préoccupent

(83) Pour la substitution du /hl/ germanique par <fl> cf. Pitz, Siedlungsnamen, op.
cit., 797ssq.
(84) Pour le changement de /h/ initial devant voyelle en /k/ cf. ibid. p. 796.
(85) Pour les changements phonétiques qui sont à l’origine de cette évolution, on se
reportera à Pitz, Siedlungsnamen, op. cit., p. 803s.
(86) Cf. notamment la récente vue d’ensemble proposée par Scheibelreiter, op. cit.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES
ET LEUR PUBLIC:
L’EXEMPLE DE LA BIBLE D’ACRE
ET DE LA BIBLE ANGLO-NORMANDE

Les traducteurs médiévaux de la Bible restent généralement très dis-


crets sur le public visé et en rendent compte à l’aide d’une déclaration
qu’on lit maintes fois sous leur plume, sans grande variante. Guiart des
Moulins dit translater pour faire layes personnes entendre les histoires des
escriptures anciennes, l’anonyme à qui nous devons un Poème anglo-nor-
mand sur l’Ancien Testament termine son prologue sur ces termes: As lais
escrif l’estorie u k’il seient: / Li clerc la savent kar il sovent la veient, Evrat
translate la Genèse Si ke l’entendent cler et lai et Herman de Valenciennes
justifie son entreprise par ce vers: Et lise le romanz qui le latin n’entent! (1).
On a un peu rapidement et facilement identifié les laïcs et ceux qui n’en-
tendent pas souffisanment latin (2). Le français est la langue du laïc, tout
comme le latin identifie la classe des clercs. Rien d’étonnant à ce que les
translations soient destinées à la laie gent. Mais on sait aussi que les
moines pouvaient avoir recours à des traductions françaises, notamment
pour se faciliter la compréhension du Psautier à l’office(3). De l’aveu de
Gilbert de Tournai, maître en théologie, les béguines lisaient et commen-

Mme May Plouzeau a lu attentivement l’article avant publication. Nous tenons à lui
exprimer notre reconnaissance pour ses remarques et ses corrections.
(1) Cf. Poème anglo-normand sur l’Ancien Testament, éd. Pierre Nobel, Paris,
Champion, 1996, I, p. 167 et Li Romanz de Dieu et de sa Mere d’Herman de
Valenciennes, éd. Ina Spiele, Presses universitaires de Leyde, Leyde, 1975, p. 314,
v. 5602.
(2) L’expression, de Nicolas Oresme, fut écrite à propos des rois de France Jean
le Bon et Charles V qui avaient fait entreprendre toute une série de traduc-
tions (cf. Jacques Monfrin, «Humanisme et traduction au Moyen Âge», in
L’humanisme médiéval dans les littératures romanes du XIIe au XIVe siècle,
édité par Anthime Fourrier, Paris, Klincksieck, 1964, p. 217-46, p. 229).
(3) Cf. à ce sujet B. Woledge et H. P. Clive, Répertoire des plus anciens textes en
prose française depuis 842 jusqu’aux premières années du XIIIe siècle, Genève,
Droz, 1964, p. 13 et p. 21.

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452 PIERRE NOBEL

taient la Bible en français(4). Nous voudrions illustrer l’idée d’une utilisa-


tion diversifiée des translations françaises à travers l’exemple de deux tra-
ductions bibliques dont la particularité est de partir d’un modèle commun
utilisé dans deux sens diamétralement opposés. On dispose là d’un
exemple particulièrement intéressant de l’influence éventuelle du public
sur l’élaboration d’un texte.

Une présentation rapide des manuscrits qui nous ont transmis les
deux translations, la Bible anglo-normande et la Bible d’Acre, s’impose
avant que nous ne procédions à l’étude des textes(5). La première nous est
parvenue à travers deux copies: le ms. BNF fr. 1 (P) et le ms. Londres
B. L. Royal I C III (L). La première porte les armoiries de John de Welles
et de sa femme Maud. John est mort en 1361, le manuscrit est donc anté-
rieur à cette date et doit remonter au milieu ou au troisième quart du
XIVe siècle(6). Selon l’expresion de Samuel Berger, il s’agit là d’une «Bible
de famille»(7). Elle est décorée de «78 grandes initiales historiées à bor-
dures et [de] 4 miniatures»(8) que nous nous permettrons de qualifier de
fort laides. Une note au début du ms. de Londres (L), rédigée dans une
écriture du XVe siècle et qui précise: Hic est liber monachorum claustra-
lium Radingie, permet d’affirmer que le manuscrit se trouvait à l’abbaye
de Reading à ce moment-là. Il a peut-être été confectionné au même
endroit, sans que l’on puisse en être sûr. Dépourvu de toute décoration,
troué à certains endroits, écorné à d’autres, il frappe par son aspect fruste.
L’écriture est relâchée, sans grande tenue. Détail important: la division en
chapitres correspond à celle adoptée pour la Vulgate à partir de 1226(9), le

(4) Cf. Pierre-Maurice Bogaert, «Paris, 1274. Un point de repère pour dater la
Bible (française) du XIIIe siècle», article à paraître.
(5) Nous avons déjà présenté les copies dans notre article «La Bible anglo-nor-
mande et la Bible d’Acre: question de source», paru dans L’histoire littéraire: ses
méthodes et ses résultats, Mélanges offerts à Madeleine Bertaud, Droz, 2001,
p. 429-448. Nous insisterons davantage ici sur l’aspect matériel des copies et
leurs éventuels destinataires.
(6) Cf. Samuel Berger, La Bible française au Moyen Âge, Étude sur les plus
anciennes versions de la Bible écrites en prose de langue d’oïl, Paris, 1884,
Slatkine Reprints, Genève, 1967, p. 230 et François Avril et Patricia Danz
Stirnemann, Manuscrits enluminés d’origine insulaire, VIIe-XXe siècle, Paris,
Bibliothèque Nationale, Département des manuscrits, 1987, p. 157, n° 198.
(7) Loc. cit.
(8) Fr. Avril et P. D. Stirnemann, loc. cit.
(9) S. Berger, op. cit., p. 236.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 453

début de chacun d’entre eux étant signalé par un chiffre romain et une
grande capitale. Aucune des autres copies des deux traductions ne pré-
sente cette division qui varie fortement de l’une à l’autre. Il ne s’agit assu-
rément pas là d’un exemplaire de qualité destiné à un grand personnage
ou une famille importante. Son aspect eût été différent. Le manuscrit est
de la première moitié ou du milieu du XIVe siècle(10).
La Bible d’Acre, quant à elle, nous a été transmise par trois copies
françaises: le ms. Arsenal 5211 (A), le BNF nouv. acq. fr. 1404 (N) et le
Chantilly, Musée Condé 3 (anciennement 724)(11). Les deux premières sont
issues de scriptoriums de la ville d’Acre, d’où le nom donné communé-
ment à cette translation biblique. A est richement décoré et il est com-
munément admis qu’il a été confectionné et enluminé pour saint Louis en
personne, au moment de son séjour en Terre Sainte, de 1250 à 1254(12).
Selon l’expression de Hugo Buchthal, il s’agit là d’un «livre royal par
excellence»(13). Rien n’est dit par le scribe sur la destination du manuscrit
de la Bibliothèque Nationale. À en croire Jaroslav Folda, le commandi-
taire pourrait en être un Templier(14), mais rien n’est sûr. Comme d’autres
copies issues du même scriptorium, il a été décoré par un artiste que l’on

(10) Cf. A. C. Paues, A Fourteenth Century English Biblical Version consisting of a


Prologue and Parts of the New Testament edited from the Manuscripts together
with some introductory Chapters on Middle English Biblical Versions (Prose
Translations), Cambridge, University Press, 1902, p. XIX et Ruth J. Dean with
the Collaboration of Maureen B. M. Boulton, Anglo-Norman Literature, A
Guide to Texts and Manuscripts, London, Anglo-Norman Text Society, Occa-
sional Publication Series N° 3, London, 1999, n° 469, p. 255.
(11) Il convient de signaler en outre l’existence d’une traduction occitane complète
de la Bible d’Acre livrée dans un ms. du XVe siècle, le BNF fr. 2426, notre ms.
N 2, et celle d’une copie aujourd’hui perdue (cf. Samuel Berger, «Nouvelles
recherches sur les Bibles provençales et catalanes», R XIX, 1890, p. 505-61,
p. 548 et p. 556, note 2). La version des Juges et celle des Rois de la Bible
d’Acre se retrouvent dans le BNF fr. 6447 (cf. Paul Meyer, «Notice du ms. Bibl.
Nat. Fr. 6447, Traduction de divers livres de la Bible, - Légende des saints»,
Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres Biblio-
thèques, tome XXXV/2, 1896, p. 435-510, p. 455-7).
(12) Cf. Hugo Buchthal, Miniature Painting in the Latin Kingdom of Jerusalem,
Oxford, At the Clarendon Press, 1957, p. 67, p. 96 et p. 146; Saint Louis à la
Sainte Chapelle, Catalogue de l’exposition mai-août 1960, n° 192, p. 95; La
France de Saint Louis, Catalogue de l’exposition octobre 1970-janvier 1971,
n° 208, p. 105; Trésors de la Bibliothèque de l’Arsenal, Bibliothèque Nationale,
1980, p. 50, n° 87.
(13) Op. cit., p. 96.
(14) Cf. Jaroslav Folda, Crusador Manuscript Illumination at Saint-Jean d’Acre, 1275-
1291, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1976, p. 66 et p. 75.

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454 PIERRE NOBEL

identifie sous le nom de Maître de l’Hôpital (15). On le date des années


1280-81(16). L’exemplaire du Musée Condé de Chantilly est du XIVe siècle.
Son lieu d’origine et sa destination initiale nous échappent pour l’instant.
Nous savons simplement qu’au siècle suivant il a appartenu à une famille
de l’Ouest, les Chourses-Coëtivy, dont il porte les armes et le mono-
gramme. Il s’agit d’une copie faite à partir du manuscrit de la Nationale
qu’il reproduit avec une servilité extrême17.
Pour résumer notre propos, disons que les deux copies principales de
la Bible d’Acre sont destinées à des particuliers fortunés vu leur illustra-
tion, l’un à un laïc prestigieux et riche, le roi de France en personne,
l’autre peut-être à un membre d’un ordre militaire dont le statut était à
mi-chemin entre le laïcat et la cléricature puisqu’il était astreint au céli-
bat, sans avoir reçu les ordres, et ne savait pas forcément le latin. Vu la
décoration du codex, le personnage en question disposait aussi de moyens
importants. Le ms. de Paris de la Bible anglo-normande est une Bible
d’une riche famille d’Angleterre; la destination du ms. de Londres nous
échappe totalement pour l’instant et ce sera l’un des objectifs de cet
article que de proposer une hypothèse quant à son utilisation.
Ajoutons que les translateurs des deux Bibles, Bible d’Acre (en abrégé:
Acre) et Bible anglo-normande (en abrégé B. a.n.), ont utilisé une même
source française jusqu’aux Livres des Rois. Les expressions similaires émer-
geant dans les passages qui vont être cités dans la suite suffisent pour
emporter la conviction. Le modèle commun a peut-être vu le jour dès la fin
du XIIe ou au début du XIIIe siècle. Il s’agissait d’une translation textuelle,
plutôt servile, proche de celle que nous lisons dans le ms. de Londres, à en
juger par des expressions similaires qui sont de véritables calques et que
l’on retrouve dans les deux textes(18). À certains endroits les deux trans-
lations divergent cependant profondément et il est pratiquement sûr que

(15) Cf. J. Folda, op. cit., p. 60, p. 67.


(16) Id. ibid., p. 60.
(17) Voir à ce sujet Émile Picot, Le Duc d’Aumale et la Bibliothèque de Chantilly, Paris,
Librairie Techener, 1897, p. 20; Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques
publiques de France, Paris Bibliothèque de l’Institut, Musée Condé à Chantilly, Paris,
1928, p. 1 et Roseline Harrouët, Une famille de bibliophiles au XVe siècle: les Coëtivy,
Thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des Chartes, 1999,
I, p. 20, p. 166-167 et II1, p. 215, en outre p. 430 de notre article cité à la note 5.
(18) Voir à ce sujet l’étude citée à la note 5, particulièrement p. 446-448. Nous vou-
drions corriger ici une erreur que nous avons faite dans cet article où daie,
daye ‘sage-femme’ avait été identifié comme étant le mot anglo-normand daye
‘personne chargée de s’occuper des produits laitiers dans une ferme’, emprunté
au moyen anglais. L’étymon daege du mot anglais signifie ‘a woman who

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 455

l’auteur d’Acre a eu recours à une autre source, inconnue, à moins qu’il


n’ait élaboré une nouvelle translation à partir de la Vulgate(19).


Un court extrait pris dans chacune des Bibles permettra de juger
immédiatement de la différence fondamentale qui les sépare:
Moysés parloit et Nostre Sire li respondoit(20). Lors fist Nostre Sire
Moysen monter enson le mont de Synay. Et quant il fu amont, si li dist:

handles food in a household, housekeeper’ (MED, II, p. 823b). Il se retrouve en


ancien norrois sous la forme deigja ‘maid, female servant, house keeper’ (OED, IV,
588a DEY). Le sens ne nous semblait pas fixe et nous pensions qu’une évolution
de ‘servante’ à ‘nourrice’, ‘sage-femme’ était possible. Un récent voyage au Proche-
Orient nous fait revoir cette interprétation. Dâya est toujours en usage dans
l’arabe parlé en Égypte au sens de ‘sage-femme’. Il est signalé par un manuel sans
prétention scientifique comme A Pocket Dictionary of the Spoken Arabic of Cairo,
English-Arabic, by Virginia Stevens, Maurice Salib, Second Edition, The American
University in Cairo Press, 1987, où on lit en guise de traduction de l’anglais Mid-
wife: daaya, -aat (p. 103). Des amis indiens attestent l’emploi de dai ‘sage-femme’
en hindi. L’OED confirme son emploi dans la péninsule indienne et en Perse:
«DAYE, India, also dai, dhage, dhye, dy, dyah, formed on Hindustani Dai, Persian
Dayah. In North. India and Persia, a nurse; a wet nurse; a midwife» (IV, 276b), de
même que, pour la Perse, F. Steingass, A comprehensive Persian-English Dictionary,
Londres, 1892: daya ‘A nurse, foster-mother, a midwife’ (p. 502b). Le mot avait
passé dans l’anglais parlé en Inde, à la fin du XVIIIe siècle, d’où sa présence dans
l’OED (loc. cit.). Mon collègue de Besançon, M. Amr Ibrahim, me signale en outre
que dâya est toujours en usage dans les dialectes arabes du Liban, de Syrie et de
Palestine. Nous lui devons les références suivantes qui en témoignent: A Dictionary
of non-classical Vocables in the spoken Arabic of Lebanon de Anis Fraya, Bey-
routh, Librairie du Liban, 1973; A Dictionary of Egyptian Arabic de El Said
Badawi et Martin Hinds, Beyrouth, Librairie du Liban, 1986; Mojam Fasih’al Âma
de Ahmad Abou Saad, Beyrouth 1990, p. 179. Daye, daie de la Bible d’Acre nous
semble un emprunt des croisés français à l’arabe de Palestine. Le mot vient se ran-
ger à la suite d’autres emprunts à l’arabe comme jarre dont le texte livre la pre-
mière occurrence sûre du XIIIe siècle, celle des Assises de Jérusalem se trouvant
dans un manuscrit du XIVe (cf. Raymond Arveiller, ZRP, 92, 1976, p. 105) et barde
‘sorte de selle’ qui s’ajoute aux deux attestations de ca. 1240 et ca. 1260 dans des
textes de Terre Sainte, signalées par Frankwalt Möhren, in «Kreuzzugsvokabular:
exotisches Dekorum oder kulturelle Übernahme?», Kulturelle und sprachliche Ent-
lehnung: Die Assimilierung des Fremden, Actes du Colloque de Iéna du 28.9 au
2.10.97 édités par M. Bierbach et B. Gemmingen, Romanistischer Verlag, Bonn,
1999, p. 115. D’autres lexèmes de la Bible d’Acre viennent tout naturellement com-
pléter le panorama d’un français régional en usage dans les territoires de l’Empire
latin, déjà esquissé dans quelques travaux (cf. J. Monfrin, R 86, 1965, p. 125-6, Fr.
Möhren, op. cit., G. Roques, RLiR 65, 2001, p. 288).
(19) Voir p. 446 de l’article cité à la note 5.
(20) Nous mettons en gras, dans ce passage, les expressions identiques dans Acre et
dans la B. a.n.

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456 PIERRE NOBEL

«Descen et di au pueple qu’il n’aproche plus pres au mont por moy


veoir et li prestre qui seront plus pres dou mont que li autre soient
saintefiés, que Nostre Sire nes ocie.» Ices comandemens furent tenus et
Moysés et Aaron monterent au mont et Nostre Sire dist a Moysen:
«Les paroles que tu orras de moy di les au peuple.
XXV Je sui Deu(21), le tien Sire, qui t’ay mené fors de Egypte et ostai
de servitute. Tu nen aorreras dex estranges devant moy ne ne feras a
toy sculptelle(22) ne n’aorres nule semblance qui soit dou ciel(23) en haut
ne en terre bas ne qui soit en aygue ne sous aigue: tu nes aorreras pas
ne ne coleras(24). Je suis Deu, le tien Sire, fors, amierres(25) et si justice
les pechés des peres sur lor enfans fine a la tierce et a la quarte gene-
ration de toz ceaus qui me heent, et si fas misericorde a .M. dobles a
ceaus qui m’aiment et qui gardent mes comandemens.
(Acre, ms. N, 38 r°a, b)(26),
Moisés parla et Nostre Sire ly respondi. Et Nostre Sire descendi sur le
mountaigne de Synay en meismes la haltesce du mont. Et apella Moi-
sen en la haltesce de ceo. Le quel com il out mountee, il lui dist: «Des-
cend et amonestes le poeple ne par aventure voilient il outre passer les
termes a veer Nostre Sire et que grant multitude de eux ne perisse. Les
chapellains adecertes que mountent a Nostre Sire soient seintifiez que
jeo ne les fierge.» Et Moisés dist a Nostre Sire: «La commune ne porra
mounter al mount Ssynai car tu tesmoignas et comaundas disaunt: Met
termes enviroun le mount et le seintifies.» A qi dist Nostre Sire: «Va
et descend et tu mounteras et Aaron od toi. Ne ly prestres ne ly poeple
ne passent pas les termes ne ne mountent il a Nostre Sire q’il par
aventure ne les occie.» Moisés descendi al poeple et lour counta totes
cestes choses.
XX Deu parla totes ces paroles: «Jeo sui le Sire toun Dieu que toi
mesna de la terre de Egipte, de la [50v°a] maisoun de servage. Tu ne
averas point altriens dieus devaunt moi. Tu ne feras a toi mahonerie, ne
tote la semblaunce que est el ciel la sus, ne que est en la terre par aval,
ne de ceus que sount es eawes south terre. Tu ne ahouras pas cestes
choses, ne honuras, quar jeo sui toun fort Dieu gelous visitaunt la ini-

(21) Glose marginale: par nature li deu qui sont apelés deu qui sont fais faus sont.
(22) Glose marginale: ydles entaillees de pierre ne de fust ne d’autre.
(23) Glose marginale: Come le souleill, la lune ne les plenetes.
(24) Glose marginale: par sacrefices queinces tu non sacrefieras a eaus.
(25) Glose marginale: aillors s’apelle il zalos por mostrer la grant amor qu’il a en nos.
À la place de fors, amierres, on lit sur le ms. A: fors enovre (fors en ovre?).
(26) Nous citons le texte de la Bible d’Acre d’après N qui est notre manuscrit de
base pour l’édition que nous préparons. A ressemble à beaucoup de manuscrits
prestigieux où le souci de la décoration semble l’emporter sur la qualité du
texte. Le scribe modernise la langue et fait disparaître quelques termes régio-
naux, propres au Royaume franc. Il omet aussi les gloses marginales explica-
tives qu’on trouve en N et dans la traduction occitane. Elles sont d’origine.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 457

quitee des peres es filz en la terce et la quarte generacioun que moi


haïrent, et fesaunt merci en millers a ceus que moi aiment et gardent
mes comaundementz.»
(Bible a.n., ms. L, 50r°b, v°a)(27).

La Bible a.n.(28) suit de près la Vulgate, traduisant un mot après l’autre,


sans donner à la phrase une allure vraiment française. Et apella Moisen en
la haltesce de ceo reprend de façon tout à fait servile et vocavit Moysen
in cacumen ejus. Nous n’avons pas pu trouver d’autre occurrence de l’ex-
pression en millers qui doit signifier ‘des milliers de fois’ dans la tournure
merci en millers qui transpose misericordiam in millia. En revanche a .M.
dobles d’Acre est très répandu(29). Amierres, forme de cas sujet d’ameor
‘celui qui aime’, dans Sire fors, amierres, est un terme commun compré-
hensible par tous(30), sauf par le scribe de l’Arsenal qui a mal lu ou mal

(27) Il s’agit de la traduction du passage suivant de la Vulgate: Moyses loquebatur,


et Deus respondebat ei. Descenditque Dominus super montem Sinai in ipso
montis vertice, et vocavit Moysen in cacumen ejus. Quo cum ascendisset, dixit ad
eum: descende, et contestare populum: ne forte velit transcendere terminos ad
videndum dominum et pereat ex eis plurima multitudo. Sacerdotes quoque qui
accedunt ad Dominum, sanctificentur, ne percutiat eos. Dixitque Moyses ad
Dominum: non poterit vulgus ascendere in montem Sinai: tu enim testificatus es,
et jussisti, dicens: Pone terminos circa montem, et sanctifica illum. Cui ait domi-
nus: Vade, descende: ascendesque tu, et Aaron tecum, sacerdotes autem et popu-
lus ne transeant terminos, nec ascendant ad Dominum, ne forte interficiat illos.
Descenditque Moyses ad populum, et omnia narravit eis.
XX Locutusque est dominus cunctos sermones hos: Ego sum dominus Deus tuus,
qui eduxi te de terra Aegypti, de domo servitutis. Non habebis deos alienos
coram me. Non facies tibi sculptile, neque omnem similitudinem quae est in caelo
desuper, et quae in terra deorsum, nec eorum quae sunt in aquis sub terra. Non
adorabis ea, neque coles: ego sum dominus Deus tuus fortis, zelotes, visitans ini-
quitatem patrum in filios, in tertiam et quartam generationem eorum qui oderunt
me: et faciens misericordiam in millia his qui diligunt me, et custodiunt praecepta
me. (Ex XIX, 19-25 et XX, 1-6, texte cité d’après La Sainte Bible commentée
d’après la Vulgate et les textes originaux par L. – CL. Fillion, 3e édition, 1899).
(28) Nous en citons le texte d’après le ms. L. En effet, P se disqualifie de lui-même.
Le scribe a essayé, à maintes reprises, d’améliorer le style de son modèle en
donnant à la phrase une allure un peu plus française. À tort: les contresens et
les non-sens abondent sous sa plume.
(29) Sur l’emploi de doble accompagné d’un cardinal, voir TL II, 1972.
(30) Sur ce terme, cf. Gdf I, 260b et FEW XXIV, 395a.
On pourrait éventuellement se demander si amierres et en ovre, dans fors en
ovre de A, qui traduisent fortis, zelotes d’Ex XX, 5, ne cachent pas une autre
forme: envierres/anvierres. Elle est signalée par J. Trénel dans le ms. fr. 899 de
la BNF qui nous livre la Bible du XIIIe siècle: Diex envierres (L’Ancien Testa-
ment et la langue française du Moyen Âge (VIIIe-XVe siècle), Paris, 1904,
p. 256). Michel Quereuil, l’éditeur du texte, nous confirme la présence du mot

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458 PIERRE NOBEL

interprété le mot puisqu’il nous livre la leçon déformée fors en ovre.


Gelous, dans fort Dieu gelous de L, au contraire, a un sens biblique spé-
cialisé puisqu’il est employé pour parler ‘de Dieu en tant qu’il veut faire
entendre aux hommes qu’il doit être seul adoré’(31). Un peu plus loin dans
le texte, lorsque le traducteur d’Acre usera de zalios pour traduire zelotes,
une réduplication synonymique viendra expliquer le terme (Je sui Deu
zalios et amorrous, N, 43v°b)(32) qui bénéficie en outre d’une glose expli-
cative dans la marge: Ce dist il por mostrer la grant amor que il avoit o
eaus. Gelozie si est de grant amor. On le voit, l’auteur d’Acre utilise un
vocabulaire commun et courant, là où celui de la Bible a.n. a recours aux
emprunts et aux calques.
Si l’emploi de sculptele (scultile en A), à la place de mahonerie (sic)
en L, vient contredire notre affirmation – le terme est visiblement un
emprunt du latin sculptile et les textes médiévaux n’en offrent pas d’autre
attestation(33) –, il faut cependant remarquer qu’il bénéficie d’une glose
marginale: ydles entaillees de pierre ne de fust ne d’autre. Elle est claire-
ment destinée à en expliciter le sens et, par-delà, à acclimater le
vocable(34). Mahonerie semble plus commun, bien que le sens particulier
du mot dans notre contexte soit rare (cf. TL V, 784, l. 47).

dans tous les manuscrits. La leçon envierres/anvierres expliquerait celle de A


qui ne l’a pas comprise, mais aussi celle de N qui serait alors dans le même cas.
En effet, envierres semble être un hapax et n’a pas été accueilli par les dic-
tionnaires: le FEW IV, 800a connaît simplement «apr. envejador ‘celui qui
désire; celui qui est plein de zèle pour (sens religieux)’». Envierres traduirait
assurément mieux zelotes ‘jaloux (en parlant de Dieu qui ne veut pas que son
peuple adore d’autres dieux’), d’après Albert Blaise, Dictionnaire latin-français
des auteurs chrétiens, réimpression anastatique de l’édition originale de 1954,
Turnhout, Brepols, 1993, p. 864b. La forme zalos de la glose de N n’est pas non
plus signalée par les dictionnaires (cf. FEW XIV, 658a). S’opposent à cette cor-
rection séduisante la référence à la grant amor de Dieu dans la glose margi-
nale, mais aussi la réduplication par amorrous, un peu plus loin dans le texte
lorsque le traducteur emploie à nouveau zalios, et la référence à l’amour dans
la glose marginale explicative au même endroit (voir la suite de l’étude).
(31) FEW XIV, 638b.
(32) ralios (sic) et amoros (A, 52 r°b). L’expression traduit: Dominus zelotes nomen
eius Deus est aemulator (Ex XXXIV, 14).
(33) Cf. FEW XI, 346 b. Le dictionnaire signale simplement la forme scultile prise
dans le ms. A.
(34) Rappelons que le scribe du ms. A omet les gloses marginales. Le translateur
occitan les intègre dans le texte. En l’occurrence, il omet de traduire sculptele
en recourant uniquement au terme explicatif de la glose: Tu non auras dieus
strain, devant mi non lo faras a tu ydolas entalhadas de peyra ni de fust (N 2,
87 r°).

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 459

On constatera, pour finir cette brève analyse, que l’auteur d’Acre


abrège la narration biblique. C’est ainsi que les paroles de Moïse repre-
nant les commandements de Dieu sont résumées dans une formule lapi-
daire: Ices comandemens furent tenus. Le narrateur ajoute cependant: et
Moysés et Aaron monterent au mont. Ce faisant, il gomme une incohérence
du texte biblique, reproduite fidèlement dans la B. a.n., où le Décalogue
ne s’enchaîne absolument pas au récit : les exégètes l’ont bien remar-
qué(35). L’auteur d’Acre aura pris la peine de produire un récit cohérent et
linéaire où les événements se succèdent dans un ordre logique qui n’est
pas toujours celui de la Bible. Autrement dit, il produit ce qu’il faut bien
appeler une Histoire sainte.
La servilité de la Bible a.n. est parfois telle que le texte devient
incompréhensible en l’absence de la source qui donne le sens. La phrase
n’a de français que l’apparence des termes, tant les mots individuels, le
style et la structure collent à l’expression latine. Un exemple tiré du pro-
logue suffira à illustrer le propos:
Quei parleroi jeo des hommes del secle, com Paul l’apostle vasseal de
eleccioun et meistre des gentz le quel parla de la conscience de tant un
hoste en soi: «ou vous querez le experiment de lui que parole en moy,
Christ?» (B. a.n., L, 1 r°b)
Quid loquar de saeculi hominibus, cum apostolus Paulus, vas electionis
et magister gentium, qui de conscientia tanti hospitis loquitur: «an
experimentum quaeritis eius, qui in me loquitur, Christus?»
‘Mais pourquoi parler de ces personnages profanes, quand l’apôtre
Paul, vase d’élection et docteur des gentils, – conscient de l’hôte illustre
qui habite en lui – s’écrie: «cherchez-vous une preuve de celui qui parle
en moi, le Christ?»’(36).
Cette servilité pose problème. À quoi peut servir un texte incompréhen-
sible en lui-même et qui ne prend son sens qu’une fois confronté avec
le texte qu’il traduit? C’est l’une des questions à laquelle il nous faudra
tenter de répondre.

(35) Cf. à ce sujet la note de la Bible de Jérusalem, Éditions du Cerf, Paris, 1972,
p. 81, note g.
On a l’impression qu’il existe une lacune. À quel moment les dix commande-
ments sont-ils prononcés? Rien ne l’indique. Moïse est descendu du Sinaï et
reproduit des paroles dont on ne sait pas quand elles ont été dites.
(36) Il s’agit d’un extrait de la lettre de Jérôme à Paulin, utilisée en guise de pro-
logue au Pentateuque dans de nombreuses Bibles médiévales. Le texte latin et
la traduction sont cités d’après Saint Jérôme, Lettres, tome III, texte établi et
traduit par Jérôme Labourt, Paris, Belles Lettres, 1953, p. 10.

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460 PIERRE NOBEL

Nous le disions, les auteurs d’Acre et de la B. a.n. ont eu recours à


une même source, proche de la traduction textuelle que nous lisons dans
la copie L. Essayons de cataloguer et d’analyser les différences et les
modifications que le premier lui a fait subir, cela dans des passages où le
recours à la même source paraît évident.
On constatera en premier lieu une disparition quasi systématique des
calques latins:
Et Dieu fist deux grantz lumeres, greindre lumere q’il avaunt alast le
jour et lumere meindre q’il alast devaunt la nuit (B. a.n., L, 6r°b)
Donc fist Deu .II. grans lumieres, le plus <grant> qui luizist au jor et
li maindres a la nuit (Acre, N, 3v°b)
Fecitque Deus duo luminaria magna: luminare majus, ut praeesset diei,
et luminare minus, ut praeesset nocti, et stellas (Gn I, 16)

Avaunt alast traduit praeesset, dont les éléments, préfixe et base, sont trans-
posés. La substitution de luizist est certainement destinée à améliorer la
compréhension du texte au prix d’une belle infidélité, puisque praeesse veut
dire ‘présider’. On pourra donner de nombreux exemples de cette pratique:
Mesne la terre avaunt vivaunte alme en soun gendre (B. a.n., L, 6r°b)
Doint la terre arme vivant selonc sa maniere (Acre, N, 3v°b)
producat terra animam viventem (Gn I, 24),
Mesnent les eawes avaunt chose chatonaunte de vivaunte alme et vola-
tile sur la terre south le firmament du ciel. (B. a.n., L, 6r°b)
Metent fors les aigues reptile vivant sur terre et volatile vivant desos le
firmament dou ciel (Acre, N, 3v°b; id. en A 4v°a)
Producant aquae (Gn I, 20).

Dans les deux cas, producant a été décomposé en pro et ducere pour être
traduit par mener et avaunt. Metre fors traduit moins servilement l’ex-
pression de la source.
Fesoms nous hom a nostre ymage et semblaunce et soit devaunt les
pesshouns de la meer et des volatils de ciel et as bestes (B. a.n., L,
6v°a)
Faisons home a nostre ymage et a nostre semblance et soit sires des
poissons, des oizeaus et des bestes (Acre, N, 4r°a)
et praesit (Gn I, 26)

On le voit, la tendance à transposer chaque élément du composé est


constante dans la B. a.n. L’auteur d’Acre essaye chaque fois de trouver un
terme français qui fasse sens. Il peut tomber juste comme dans le dernier
exemple cité, il peut aussi gauchir la signification du terme dans la source.
Cette tendance à supprimer les latinismes est constante et ne concerne
pas simplement les composés:

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 461

Lors comaunda Pharaon biers sur Abram et il le mesnerent et sa


femme (B. a.n., L, 12r°a)
Praecepitque Pharao super Abram viris, et deduxerunt eum, et uxorem
illius (Gn XII, 20)(37)
Donc comanda a ces homes qu’il le condeussent fors d’Egypte (Acre,
N, 7r°b),
«Si jeo ey, Sire, trovee grace en tes oels, ne passes toun serf mais jeo
porteroi un poi de eawe que voz piez soient lavez et reposez south
l’arbre (B. a.n., L, 14r°b)
ne transeas servum tuum(38) (Gn XVIII, 3)
Sire, si je ai trové ta grace, non passer outre, mais repozés soz cest
arbre et je aporterai .I. poi d’aigue et vostre pié seront lavé (Acre, N,
19r°a),
Envoies ta main en toun sein (B. a.n., L, 39 v°b)
Mitte manum tuam (Ex, IV, 6)
Met ta main en ton sain (Acre, N, 27 v°a),
Et prens ceste verge en ta main en la quele tu es a faire signes (B. a.n.,
L, 41 r°a)
in qua facturus es signa (Ex. IV, 17)
Pren la verge en ta main dont tu dois faire les signes (Acre, N, 27 v°b),
Et Josué chacea Amalech et soun poeple en la bouche de espee (B. a.n.,
L, 49r°a)
Fugavitque Josue Amalec et populum ejus in ore gladii (Ex XVII, 13)
Lors guerpi Amalech le champ et Josué le chassa lui et son peuple et
furent tuit mis a l’espee (Acre, N, 36v°a)

Metre a l’espee ‘passer par le fil de l’épée’ est l’expression courante dans
la langue médiévale(39), parfaitement compréhensible, alors que en la
bouche de espee reste obscur sans recours à la source.
Jeo sui le Sire toun Dieu que toi mesna de la terre de Egipte, de la
maisoun de servage (B. a.n., L, 50r°b)
Ego sum Dominus Deus tuus, qui eduxi te de terra Aegypti, de domo
servitutis (Ex XX, 1)
Je suis Deu, le tien Sire, qui t’ay mené fors d’Egypte et ostai de servi-
tude (Acre, N, 38r°b).

Les transpositions mécaniques sont ainsi systématiquement modifiées avec


l’idée, pensons-nous, de proposer un texte plus facilement compréhensible
parce que usant d’expressions en usage dans la langue commune.

(37) Il faut comprendre: ‘Donna des ordres à ses hommes en ce qui concerne
Abraham et ils le conduisirent’.
(38) ‘Ne passe pas devant ton serviteur sans t’arrêter’.
(39) Cf. TL III, 1170.

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462 PIERRE NOBEL

Pour se convaincre que l’auteur de la Bible d’Acre cherche à donner


une allure typiquement française à sa phrase, on comparera un même
segment dans les deux textes:
Jeo pensoi od moi disaunt: la doute Dieu par aventure ne est en cest
lieu et gentz moi tuerount pur ma femme (B. a.n., L 16r°a)
Cogitavi mecum, dicens: forsitan non est timor Dei in loco isto; et
interficient me propter uxorem meam (Gn XX, 11)
Je pensay que en ceste terre nen estoit mie Deu cremus(40), si oi(41)
paor que ne fusse tués por li (Acre, N, 10v°a),
Et Sarra oiaunt cest (sic) parole rist derere le huis del tabernacle. Lors
estoi<en>t ambedeux vieux et de parfit age et les muliebres Sarre fini-
rent estre fait (B. a.n., L, 14r°b)(42)
Quo audito, Sara risit post ostium tabernaculi. Erant autem ambo
senes, provectaeque aetatis, et desierant Sarae fieri muliebria (Gn
XVIII, 10-11)
Quant Sarra l’oÿ, si rist deriere l’uis dou tabernacle por ce qu’il
estoient andui viell et elle selonc nature ne pooit conceveir (Acre, N,
9r°a).

Dans le deuxième exemple, le début de la phrase, en L, garde quelque


trace de l’ablatif absolu latin et la fin transpose chaque mot textuellement.
L’auteur d’Acre, au contraire, préfère une temporelle bien française et une
transposition ad sensum de la dernière proposition.
La récriture s’accompagne d’un abrègement manifeste:
Et com les hommes comencerent multiplier sur la terre(43) et engen-
drassent filles, les filz de Dieu voiauntz les filles des hommes qe eles
estoient beales, il(44) pristrent a soi femmes de totes celes q’il eslurent.
Et Dieu dist: «Moun esperit ne parmaindra pardurablement en homme
pur ceo q’il est char et ses jours serrount cent et vint anz.» Geauntz
adecertes estoient a ces jours sur terre, car puis que les filz Dieu sount
entrez as filles des hommes et eles enfaunterent, cil sount pussauntz
biers del secle plein<s> de bone fame(45). Voiaunt Dieu adecertes que
mult de malice des hommes estoit en terre et tote pensé de homme
ententive fust a mal tut temps, il ly em poisa q’il fait hom en terre (B.
a.n., L, 8v°a, b)

(40) Variante du ms. A: douté.


(41) Correction du ms. qui porte oit.
(42) Muliebres, qui transpose muliebria ‘menstrues’ n’apparaît que dans la B. a.n., cf.
à ce sujet Gdf. V, 447b, qui cite le passage d’après le ms. P, et FEW VI3, 200a.
(43) Les expressions similaires dans Acre et dans la B. a.n. sont à nouveau en gras.
(44) Correction du ms. qui porte eles.
(45) Isti sunt potentes a saeculo viri famosi (Gn VI, 4).

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 463

Com se fust choze que li home multipliassent sur terre, li fiz Deu
virent les beles femes et les prirent a leur eslite. Et la malice et la
luxure multeplia sur terre. Et li jahans estoient en cel tens. Et les gens
tendoient tuit a mal. Adonques dist Deu qu’il se repentoit qu’il avoit
fait home et fu corrocié et dist [...] (Acre, N, 5 v°b).

Il se dégage l’impression que l’auteur d’Acre saisit quelques expressions


rendant l’essentiel du texte pour les intégrer dans des phrases à l’allure
française. Le tout ne va pas sans quelque maladresse puisque l’évocation
des géants, privée de tout développement, est gratuite et apparaît entre
deux allusions à la corruption humaine.
Ailleurs est simplement rendue l’idée d’une phrase:
Abraham se hastea el tabernacle a Sarra et ly dist: «Hastes tu et
medles treis offertz de trespure farine et fai pains sendrinous.» (B. a.n.,
L, 14r°b)(46)
Adonques se hasta et dist a Sarram: «Fai tost gasteaus.» (Acre, N, 9r°a).

Dans l’exemple suivant, tous les éléments secondaires du récit sont omis.
Les détails qui expliquent le choix de Loth face à Abraham ont été jugés
accessoires et seule est indiquée sa décision:
«Si tu vais al senestre, jeo moi tendroi al destre, si tu eslises al destre,
jeo irroi al senestre.» Atant leva Loth sus ses oels et vist tote la
regioun entour Jordan la quele estoit tote ruvissee einz que Nostre Sire
desfist Sodom et Gomorre, si com paradis de Nostre Sire et si com
Egipte as venauntz en Segor. Et Loth eslust a soi la regioun entour
Jordan et departi de l’orient. (B. a.n., L, 12 r°b)(47)
«[...] va destre et je a senestre, ou je irai a destre et tu a senestre. Esli
a ta volenté et departe tei de mei.» Loth eslut la contree dou flum
Jordain [...] (Acre, N, 7 v°a).

Du récit d’Exode VII, l’auteur d’Acre omettra l’indication de l’âge de


Moïse et d’Aaron, jugée inutile à la progression de l’action, tout comme
l’annonce, par Dieu, du premier miracle. Il lui suffira de raconter, sur le
vif, l’épisode du bâton transformé en serpent devant Pharaon(48). La
généalogie de Moïse et d’Aaron (Ex VI, 14-28) n’est même pas évo-
quée(49). Le chapitre V sur la génération d’Adam est brièvement résumé(50).

(46) Festinavit Abraham in tabernaculum ad Saram, dixitque ei: Accelera, tria sata
similae commisce, et fac subcinericios panes (Gn XVIII, 6).
(47) Traduction de Gn XIII, 10-11.
(48) Acre, N, 29 r°a.
(49) Elle devrait prendre place, dans le ms. N, en 28 v°b.
(50) De ceste gent nasqui Enoch qui fu ravi el ciel, qui engendra Matusalem. Adam
vesqui .IXC. et .XXX. anz. Icist Lameth dont vos oés fu pere de Noé. Icist Noé
ot .III. fiz: Sem, Cam et Jafeth. Icist furent en l’arche (Acre, N, 5 v°b).

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464 PIERRE NOBEL

Il en va de même de la descendance de Noé (Gn X)(51). Une simple


phrase livre le contenu de Genèse XXIII(52) pourtant traduit textuellement
dans la B. a.n.(53).
À côté de cet abrègement du modèle, l’auteur d’Acre s’est appliqué à
modifier son vocabulaire. Des termes anciens ou rares n’apparaissent pas:
«Mesne la terre avaunt vivaunte alme en soun gendre, jumentes et
choses chatonauntes et bestes de la terre solom lour especes.» (B. a.n.,
L, 6v°a)
bestes et choses ranpans de terre (Acre, N, 3v°b)
jumenta et reptilia (Gn I, 24).

Précédemment déjà, sur le même folio, on aura assisté à ce type de substi-


tution:
Deu adecertes dist: «Mesnent les eawes avaunt chose chatonaunte
de vivaunte alme et volatile sur la terre south le firmament du ciel».
(B. a.n., L, 6r°b)
Adonques dist Deu: «Metent fors les aigues reptile vivant sur terre et
volatile vivant desos le firmament dou ciel». (Acre, N, 3v°b; id. en A
4v°a)

L’emploi de chatonner ‘marcher comme un chat, ramper’, bien attesté en


anglo-normand, sans que le terme soit propre à ce parler, ne dépasse pas
à l’écrit le XIIIe siècle(54). Il aura été remplacé par un terme plus courant,
ramper, l’expression chose chatonaunte par le substantif reptile (55).

(51) Des enfans des fiz de Noé furent les isles a chascun selon sa lengue. D’eaus issi
Nembrot qui fu fort veneor et tint Babiloyne et la entour. De cele terre issi Assur
qui edifia Niniven la grant cité. De ceaus issirent les Filistiens, unes grans gens
(Acre, N, 6 v°b).
(52) En cel tens fu morte Sarra, la feme Abraham, et il acheta .I. sepulcre por li metre
ens pres de Manbré (Acre, N, 11 v°a).
(53) L 17 v°a, b.
(54) Cf. Gdf. II, 91a et le FEW II1, 516a.
(55) Assez curieusement, on lit sur le ms. N (3 v°a), en face de reptile traduisant le
latin reptile de Gn. I, 20, une glose marginale: choses rampans. C’est cette der-
nière expression que nous trouvons plus bas pour traduire reptilia de Gn. I, 24.
La glose s’explique du fait que reptile était un terme français nouveau, peut-
être même une création de l’auteur d’Acre. Les premières attestations
du lexème signalées par les dictionnaires remontent seulement au début du
XIVe siècle (cf. TLF, XIV, 923b). Il faudra voir dans reptile de notre texte un
générique. Remarquons au passage que reptile vivant sur terre est un contre-
sens. Vivant sur terre, dans le texte de Gn I, 20 s’applique aux oiseaux. On peut
éventuellement supposer que l’erreur est due à un saut du même au même sur
vivant, à moins qu’elle ne résulte d’un désir d’éviter l’expression vivante alme
qui n’apparaît pas ailleurs non plus dans Acre.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 465

Cil adecertes currust a l’arment et porta de illoeques une veal mult


tendre et covenable (B. a.n., L, 14r°b)
Et il currust et prist tost un veel tres bon (Acre, N, 9r°a),
Allez, sacrifiez vous à vostre Sire, vos owilles et voz armentz tant sole-
ment remesnent, et voisent od vous voz petitz (B. a.n., L, 44 r°b)
Aler sacrefier a vostre Deu ne ne remaigne soul que les bestes. Alés
vos et vos enfans (Acre, N, 31 v°a)

Arment ‘troupeau’ est un terme assez rarement attesté, surtout employé


par les traducteurs de la Bible au Moyen Âge(56).
Lors crust l’enfaunt et ert desalectee. Et Abraham fist grant convivie al
jour de son dessalectement (B. a.n., L, 16r°b)(57)
Ysaac crut et fu cevrés. Et au jor qu’il fu cevrés fist Abrahm .I. grant
convi (Acre, N, 10v°a)

Desalecter est attesté dans une autre traduction biblique(58). Le substantif


dessalectement n’est pas répertorié ailleurs dans la langue médiévale(59).
Abel adecertes offri des primes engendrez de soun fouk et des plus
crasses de eux (B. a.n., L, 7 v°b)(60)
et Abel ensement des premiers nies de ces berbis et des meillors (Acre,
N, 5r°b)

Fouk ‘troupeau’ est un terme bien attesté dans la traduction biblique et


les textes religieux(61) et relève d’un vocabulaire plus spécialisé. L’auteur
d’Acre recourt à des termes tout à fait communs.
La substitution de sergent à mesnee relève de cette même tendance à rem-
placer un terme rare ou technique par un vocable commun. Mesnee au
sens de ‘serviteur, domestique’ est rarement attesté au Moyen Âge et les
occurrences en ont été répertoriées dans des textes du nord de la France
et dans les dialectes de la même région et de l’est(62):

(56) Cf. à ce sujet le FEW XXV, 280b.


(57) Crevit igitur puer, et ablactatus est; fecitque Abraham grande convivium in die
ablactationis ejus (Gn XXI, 8).
(58) Cf. Gdf II, 533b qui cite aussi notre passage d’après le ms. P.
(59) Le FEW XXIV, 325b signale son emploi à partir du XIXe siècle.
(60) Abel quoque obtulit de primogenitis gregis sui, et de adipibus eorum (Gn IV,
4).
(61) Cf. TL III, 2176-77.
(62) Le FEW VI1, 247a et TL V, 886 signalent une attestation chez Froissart, deux
chez Gilles le Muisit. Il faudra remarquer que toutes sont au féminin pluriel.
Nous tenons dans l’exemple qui suit un emploi au singulier, la citation qui
vient après fournit un cas d’emploi au masculin.

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466 PIERRE NOBEL

Chescun madle en voz generaciouns, altresi bien mesnee franche com


mesnee de servage serra circunscis (B. a.n., L, 13 v°b), id. en P,
5 r°a)(63)
soit serjens, soit acheté, tuit seront circoncis (Acre, N, 8 v°b)(64)
Et com la parole del parlaunt od lui estoit finie, mounta Dieu a Abra-
ham. Lors mesna Abraham Ismael soun filz et tuz les franks mesnees
de sa maisoun et touz les madles q’il out achatee et touz les madles
od touz les biers de sa maisoun et il circunscisa la char de lour vit
(B. a.n., L, 13 v°b)
Lors mesna a (sic) Abraham Ismael son filz et touz les frankes mesnees
de sa maison (B. a.n., P, 5r°a)(65)
Quant ses paroles furent finees, si prist Abraham son fiz et toute sa
maisnee, sergens et esclas et estranges, et les circoncist (Acre, N,
8 v°b)(66).

(63) tam vernaculus quam emptitius circumcidetur (Gn XVII, 12).


(64) Mesnee franche de L traduit vernaculus qui signifie ‘esclave né dans la maison’
(cf. A. Blaise, op. cit., p. 843a). La translation de la B. a.n. est donc approxima-
tive puisque mesnee franche a le sens de ‘serviteur libre’ et que l’expression est
sytématiquement opposée à mesnee de servage: tam vernaculi quam emptitii et
alienigenae pariter circumcisi sunt (Gn XVII, 27) > et touz les biers de sa mai-
soun altresi bien les franks mesnees com mesnees de servage et les estranges ense-
ment sount circunscis (B. a.n., L, 14 r°a). Il est un cas où l’opposition vernacu-
lus/emptitius n’apparaît pas dans le texte-source et où l’auteur de la B. a.n. a
considéré vernaculus comme un nom de personne à moins qu’il n’ait simplement
gardé le vocable latin: Cestes choses parfaitz, fait est la parole de Nostre Sire a
Abram disaunt par avisioun: «Ne vols tu Abram douter, jeo sui toun defendour et
toun loer est trop grant vers moy.» Et dist Abram: «Ha! Sire Dieu, quei moi
dorras tu? Jeo m’en irroi sanz enfauntz et le Damascen, le filz Eleazar, le procu-
ratour de ma maisoun, ert moun heir.» Et Abram adecertes enoyta sa parole: «Tu
adecertes ne moi as donee semoil et voi! vernaculus ert moun heir.» (B. a.n., L,
13r°a, id. en P, 4v°a) < et ecce vernaculus meus, heres meus erit (Gn XV, 3). Le
contresens sur Eleazar, qui n’est pas le fils mais l’héritier lui-même, a certes favo-
risé cette confusion. L’erreur n’apparaît pas dans Acre: Donc dis (sic) Abraham:
«Sire que me donras tu? Je nen ai enfans et cist mien sergent sera mes heirs, Elye-
zer (Acre, N, 8r°a); cist miens sergens, Heliezer, sera mes heirs (A, 9v°b). La
phrase y est un très net résumé. On peut cependant supposer que l’auteur
connaissait le sens de vernaculus, à moins qu’il n’ait consulté une autre source.
(65) cumque finitus esset sermo loquentis cum eo, ascendit Deus ab Abraham. Tulit
autem Abraham Ismael filium suum, et omnes vernaculos domus suae, univer-
sosque quos emerat, cunctos mares ex omnibus viris domus suae et cicumcidit
carnem praeputii eorum (Gn XVII, 22-23).
(66) Maisnee nous semble reprendre maison et sergens reprendre franks mesnees.
On voit cependant que l’auteur d’Acre a ajouté les esclas puisque estranges
pourrait correspondre à madles q’il out achatee.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 467

On relèvera aussi:
Com Abram oï que Loth soun(67) frere fust pris, il nombra treis centz
et dis et oit de ses franks pedistres et les pursui tanque a Dan que est
as boundes de Damas (B. a.n, L, 1v°b)(68)
Quant Abramham oÿ qu’il ert pris , si nombra .IIIC. et .XVIII. sergens
siens et les sui jusques a Dan (Acre, N, 7v°b)(69).

Évidemment il s’agit là d’une tendance qui n’a rien de systématique. Pour


preuve: la conservation de mesnees ‘servantes’ dans l’exemple suivant:
Si out il owailles et boefs et asnes et serfs et mesnees et camels (B.
a.n., L, 11v°b)
et ot beus et bestiaills et chameaus et sers et maisnees (Acre, N, 7r°b),
id. A, 9r°a).

Maisnees/mesnees traduit famulae de Gn XII, 16(70). Le sens ‘servantes’ est


attesté au Moyen Âge en Picardie, à l’époque moderne dans les dialectes
de l’est(71).
Canistre ‘corbeille’, emprunté au latin, est également conservé. Le scribe
du ms. de Londres se sent obligé de le gloser à l’aide de l’équivalent en
moyen anglais:
Et jeo vi un soungee que jeo avoi treis canestreux de ferine sur ma
teste et en un canistre que estoit plus halt moi a porter touz les man-
gers que sount faitz par art de pestour et oiseux de ceo manger. Et
Joseph respoundi: «C’est la entrepretisioun del sounge: les treis canis-
treux skeppes(72) unquore sount treis jours aprés les queux Pharaon te
toldra ta teste et toi pendra en la croiz (B. a.n., L, 30r°b )(73)

(67) Ms: sount.


(68) numeravit expeditos vernaculos suos ‘serviteurs nés dans la maison et exercés
au combat’ (Gn XIV, 14).
(69) Pedistres ‘serviteurs’ est un hapax (cf. Gdf. VI, 60a qui cite le passage d’après
le ms. P, et FEW VIII, 121b).
(70) fueruntque ei oves, et boves, et asini, et servi, et famulae, et asinae, et cameli
(Gn. XII, 16).
(71) Cf. FEW VI1, 247a.
(72) Glose de moyen anglais soulignée sur le ms. Le mot signifie ‘corbeilles’
(MED IX, 986b: Skep(pe) ‘a basket for grain, malt, coal, alms, etc.’).
(73) Et ego vidi somnium, quod tria canistra farinae haberem super caput meum; et
in uno canistro quod erat excelsius, portare me omnes cibos qui fiunt arte pis-
toria, avesque comedere ex eo. Respondit Joseph: Haec est intepretatio somnii,
tria canistra, tres adhuc dies sunt, post quod auferet Pharao caput tuum (Gn XL,
16-19).

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468 PIERRE NOBEL

Je veoy dist il que .III. canistres(74) de farine erent sur mon chief et en
la canistre plus haut portoye viandes qui se font de paste par maistrie
et li oizeaus venoient et en manjoient. Lors dist Joseph: «Aprés .III.
jors trenchera Pharaon ton chief et te fera pendre...» (Acre, N, 17v°a).

Le remplacement des latinismes tout comme la substitution de termes


communs à des termes rares aboutissent au même résultat: la création d’un
texte plus facilement compréhensible. Il en va de même du procédé suivant
qui consiste à trouver l’équivalent d’un terme de culture ou d’une expres-
sion qui est un calque de l’hébreu et qui nécessiteraient une explication:
soient il faitz el chief Joseph et en le haterel de Nazarei entre ses
freres (B. a.n., L, 37, r°b)(75)
soient faites au chief de Josep le saint entre ces freres (Acre, N, 22v°b).

L’auteur d’Acre a choisi un terme dont il estimait qu’il exprimait le sens


de Nazarei qui désigne le plus souvent un personnage consacré à Dieu(76).
nomement com jeo soi nyent circunscis des leveres (B. a.n., L,
41 r°a)(77)
meismement que je ne puis bien parler ne a droit des m’enfance (Acre,
N, 28v°b),
Jeo sui le Sire que vous mesnera del danger des Egipciens et deliverera
del servage et rechateroi en halt braz et en grantz juggementz (B. a.n.,
L, 41 r°a)(78)
Je sui cil Sires qui vos menra fors de la destrece des Egiptiens et de lor
servitude et vos(79) racheterai, les bras estendu en grant signes (Acre, N,
28 v°a).

Le texte d’Acre, dans ces derniers exemples, résulte nettement d’une inter-
prétation de l’expression biblique. Il peut aussi garder cette dernière et la
faire suivre d’un terme explicatif jouant en quelque sorte le rôle de doublet
synonymique:

(74) GdfC VIII, 419c atteste l’existence du mot au XVIe siècle, le FEW II1, 198b
signale canastre ‘panier à fruits’ au XIIIe siècle, tiré du DG. I, 341b, s.v. canasse
(renseignement donné par G. Roques).
(75) Fiant in capite Joseph, et in vertice Nazaraei inter fratres suos (Gn 49, 26).
(76) Cf. A. Blaise, op. cit., p. 551a. Mais Joseph n’était pas nazir et le sens du mot
dans ce contexte est ‘celui qui l’emporte sur les autres en dignité’ (Cf.
A. Blaise, loc. cit.).
(77) praesertim cum incircumcisus sim labiis (Ex VI, 12).
(78) ac redimam in brachio excelso, et judiciis magnis ‘et qui vous rachèterai par la
force de mon bras et par des jugements éclatants’ (Ex VI, 6).
(79) Ms: et les.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 469

Et pour ceo que les ventr<er>es douterent Deu il les edifia maisouns
(B. a.n., L, 38v°a)(80)
lor edefia maisons et les multeplia (Acre, N, 26r°a)
multiplier explicite le sens de edefier maisons.
Une précision à caractère historique peut jouer le même rôle:
Et li fils Israel firent en tiele manere et quillerent un plus et altre
meins et le mesurerent a la mesure de gomor (B. a.n., L, 48r°b)
Enci le firent li fiz Israel et le cuillirent li uns plus, li autres mains, et
le mesurerent a la mesure que lors ert apelés gomor (Acre, N,
35v°b)(81).
Ailleurs, la substitution d’un synonyme s’explique visiblement pour
des raisons de pudeur. La Bible anglo-normande traduit textuellement le
texte-source et garde les termes crus, la Bible d’Acre a recours à des
expressions plus imagées ou moins directes:
Nostre pere est vieux et nullui des biers n’est en terre remys que nous
pusse entrer jouste la manere de tote terre (B. a.n., L, 15 v°b)(82)
et il n’i a remés nul qui peust habiter o nos si com est costume d’ome
et de feme (Acre, N, 10 r°a)(83),
Et com ceo vist Cham, le piere de Chanaan, et les genitals soun pere
estre nuds, [...]. Si estoient lour faces returnez et point ne virent les
genitals lour pere (B. a.n., L, 10 r°b)
Et Cam ces fiz, vit son pere nu, si le noncia a ces .II. freres [...]. Tor-
nerent leur zeaus(84) a une part et nel vorrent veïr (Acre, N, 6 v°a),
et circunsciza le prepuce de soun filz (B. a.n., L, 40 r°b)
et circoncist ces enfans (Acre, N, 28 r°a),
et les muliebres Sarre finirent estre fait (B. a.n., L, 14 r°b)
et elle selonc nature ne pooit conceveir (Acre, N, 9 r°a).
Il s’agit là d’une tradition bien ancrée dans la translation biblique
médiévale qui omet les passages ou les expressions susceptibles de cho-
quer et en édulcore d’autres(85).

(80) Et quia timuerunt obstetrices Deum, aedificavit eis domos (Ex I, 21).
(81) Sur gomor ‘sorte de vase employé aussi comme mesure de capacité’ voir le
DEAF, G6, 984.
(82) et nullus virorum remansit in terra qui possit ingredi ad nos juxta morem
universae terrae (Gn XIX, 31).
(83) Sur habiter, au sens sexuel du terme, cf. TL, I, 53.
(84) Le scribe du ms. N a l’habitude d’écrire leur zeaus ‘leurs yeux’. C’est là une
forme courante dans les textes du Royaume latin (cf. Cronaca del Templare di
Tiro (1243-1314), éd. Laura Minervini, Napoli, Liguori Editore, 2000, p. 439).
(85) Cf. notre article «La traduction biblique: de la glose à la translation intégrale»,
Sommes et Cycles (XIIe-XIVe siècle), Les Cahiers de l’Institut Catholique de
Lyon, n° 30, p. 112.

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470 PIERRE NOBEL

On le voit, les deux auteurs, celui de la Bible d’Acre et celui de la


Bible anglo-normande proposent deux versions différentes d’un même
texte, qui plus est, en utilisant un même modèle. Le premier use d’une
pratique habituelle dans la traduction biblique médiévale. Visiblement il
modifie les expressions dans le sens d’une plus grande clarté et d’une
compréhension aisée. Des explications apparaissent sous forme de
binômes synonymiques ou d’ajouts qui précisent le sens des realia. Les
généalogies sont omises tout comme les détails crus et ceux qui ralentis-
sent la progression du récit. La Bible d’Acre est en fait une histoire sainte
telle qu’on la trouve dans beaucoup d’autres textes médiévaux, avec ses
intentions narratives et pédagogiques à l’usage des laïcs qui ont ainsi accès
à un texte autrement réservé à des clercs. Nous ne disposons plus de l’ori-
ginal d’Acre, mais la destination de la copie de l’Arsenal peut confirmer
cette hypothèse, celle plus problématique du manuscrit de la Bibliothèque
Nationale sans doute aussi. La conséquence de ce type de pratique est
une certaine infidélité par rapport à la source, la Vulgate. Rien d’étonnant
dans tout cela, rien de tout à fait original non plus. Ce qui détonne dans
le paysage, c’est bien la translation proposée dans le ms. L de la Bible
anglo-normande et, en amont, dans le modèle utilisé pour les deux textes
étudiés et dont la version conservée dans le manuscrit de Londres nous
semble proche. À quoi peut servir une traduction si elle n’est pas com-
préhensible en elle-même et si elle nécessite un recours au texte-source
pour faciliter son intelligence? Il se peut que la réponse se trouve à l’ori-
gine même de la translation biblique telle qu’elle apparaît dans le Psau-
tier d’Eadwin. On sait que la glose interlinéaire anglo-normande qui don-
nait l’équivalent de chaque mot latin(86) permettait aux moines de
comprendre l’idiome de Jérôme. Avec la Bible anglo-normande du ms. de
Londres nous pourrions bien tenir une imitation de cette pratique de la
glose interlinéaire, le texte latin en moins. La restriction peut même être
relativisée: l’interligne du folio 17 livre des mots latins isolés dont nous
avons la transposition exacte en regard. Ailleurs, c’est dans la marge que
nous les lisons(87). Il arrive aussi que le mot français lui-même soit glosé
par un mot de moyen anglais souligné, dans des cas où le traducteur

(86) Le principe adopté par le translateur est bien celui d’une transposition mot à
mot (cf. The Eadwine Psalter, Text, Image, and Monastic Culture in Twelfth-
Century Canterbury, edited by Margaret Gibson, T. A. Heslop, Richard W. Pfaff,
Londres, 1992, p. 145).
(87) Ainsi en L 23 v°b et 24r°a en sounge et en sounges sont suivis de sompnis écrit
dans une écriture plus petite, légèrement au-dessus de la ligne, dans la marge.

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LES TRANSLATEURS BIBLIQUES ET LEUR PUBLIC 471

n’avait pas trouvé l’équivalent en usage et s’était contenté d’un emprunt.


Nous donnerons un seul exemple de cette pratique:
Johel le filz Ffatuel descriva la terre des douze lignés degastee par
euruge, semoil de locuste, locuste et par rubine rust degastaunt (3r°b)
< Iohel, filius Bathuel, describit terram duodecim tribuum eruca, bru-
cho, locusta, rubigine vastante consumptam (lettre à Paulin, Prologue).

Rubine ‘rouille’ est inconnu des lexicographes en dehors de notre exemple(88),


rust en revanche est parfaitement bien attesté dans les textes bibliques et
fournit l’équivalent correct de rubigine, mais dans un autre idiome. On le
voit, la perfection de la langue d’arrivée n’est pas le souci majeur de l’au-
teur de la Bible anglo-normande qui, anticipant Henri IV, devait se dire,
lui aussi, «que l’anglais y aille si le français n’y peut aller». Nous avons vu
précédemment que le ms. P était une Bible de famille. Assez curieusement
les gloses de moyen anglais n’y figurent point et les phrases y sont par-
fois quelque peu récrites, même si c’est maladroitement. L’usage envisagé
par le translateur de la B. a.n. pourrait donc bien être la compréhension
de la Bible latine. On peut même supposer que le ms. de Londres, qui au
XVe siècle se trouvait à l’abbaye de Reading, y a été confectionné pour
l’étude des moines. La pratique médiévale de la translation biblique qui
réutilise des textes antérieurs(89) a fait que le texte originel de la Bible
anglo-normande a servi à l’élaboration d’une nouvelle traduction, la Bible
d’Acre destinée à des laïcs au regard des caractéristiques qu’elle présente.
Mais l’auteur de cette dernière n’est pas le seul à s’en être servi. Samuel
Berger soupçonnait Jean de Sy d’y avoir eu recours pour effectuer la
translation commandée par le roi Jean(90), et, de notre côté nous sommes
en mesure d’étayer cette hypohèse en revenant prochainement sur la
question. Cette double réutilisation d’un texte antérieur tendrait à prou-
ver que les translateurs, comme les moines, avaient peut-être quelque mal

(88) Voir à ce sujet notre article «Gloses anglaises et latines dans une traduction
biblique anglo-normande (ms. Londres B.L. Royal I C III )», dans «Si a parlé
par moult ruiste vertu», Mélanges Jean Subrenat, Champion, Paris, 2000, p. 419-
435, p. 429.
(89) Voir à ce sujet l’article cité à la note 85.
(90) «[...] il appartiendra à ceux qui en feront une étude plus approfondie de nous
dire si Jean de Sy n’a pas eu sous les yeux la traduction anglo-normande [...]
et il se trouvera sans doute, si notre conjecture est acceptée par les savants, que
la version de Jean de Sy n’est, en grande partie, pas autre chose qu’une excel-
lente revision de la Bible anglo-normande.» (S. Berger, op. cit., p. 243). Paul
Meyer avait réfuté l’hypothèse de Berger: «Il est bien peu probable que cet
auteur français ait été chercher un modèle en Angleterre.» (R XVII, 1888,
p. 138).

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472 PIERRE NOBEL

à comprendre eux-mêmes le latin biblique, à moins qu’ils n’aient tout sim-


plement préféré recourir à un travail partiellement effectué plutôt que
d’engager une transposition à nouveaux frais qui risquait de coûter temps
et sueur. Ce n’est pas sans sourire qu’on les verra ainsi tenter d’échapper
à la malédiction qui pèse sur l’homme depuis qu’il a été chassé du paradis
terrestre.
Université de Franche-Comté.
Besançon. Pierre NOBEL

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON

0. Introduction
0.1. Sauf erreur de notre part, ni Baldinger (1958, 285-9), ni Rohlfs
(1970, 2), dans l’exposé des résultats généraux de leurs travaux classiques,
ne se sont explicitement prononcés sur l’âge du gascon. Pas davantage Bec
(1995) ou Ravier (1991, 85-91) dans leurs synthèses sur l’occitan. L’entité
gasconne paraît n’avoir pas de place dans le modèle de la fragmentation
proposé par Wartburg (1967) ou dans celui – de stricte obédience compa-
ratiste – de Hall (1974-1983)(1). Le fondateur des études gasconnes écrivait:
«La langue parlée dans ces limites apparaît constituée, avec ses caractères
spéciaux, dès le XIe siècle» (Luchaire 1879, 201). Dans une contribution
consacrée à l’occitan, Wheeler (in: Harris/Vincent 1988, 246) indique, sans
plus de précision: «Gascon diverged at a very early stage in both phono-
logy and morphology».
0.2. Nous nous proposons de prendre pour base de la présente
discussion les particularismes qu’on s’accorde à retenir, dans une tradition
qui remonte à Luchaire (1879, 202 sqq.), comme ceux «qui distinguent
le gascon des autres idiomes du territoire galloroman» (Baldinger 1958,
244). À savoir:
(1) F > h
(2) N > Ø / V–V
(3) LL > r / V–V
(4) LL > t / V–#
˘ > m, n / V–V
(5) MB, ND
(6) Ø > a / #–r̄
(7) fusion de B et de W(2).

(1) La question qui nous intéressera n’est pas traitée par Wüest (1979, 363,
365-8).
(2) Bourciez (1936, 2-3) met en avant ces mêmes traits sauf (5). Gavel (1936, 37)
signale les sept traits relevés par Baldinger, traits qu’il considère comme «les
principaux phénomènes dans lesquels on a cru découvrir des substrats ibé-
riques»; il y ajoute la conservation des sourdes intervocaliques et l’existence
de s apicale. Ronjat (1930-1941, § 847) mentionne une dizaine de particula-
rismes phoniques dont six retenus par Baldinger – il écarte (6). Bec (1995,
45-7) utilise les mêmes traits que Baldinger auquel il ajoute le maintien de /kw/

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474 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

Il s’agit là de sept innovations (3). Personne ne doute, en outre, que ces


innovations remontent à l’époque prélittéraire: «tous ces traits sont très
anciens puisqu’ils apparaissent [...] dès les premiers textes» (Baldinger
1958, 263)(4); de sorte que «le gascon offre dès ses premières attestations
tout l’arsenal de ses caractéristiques propres» (Allières 1995, 450).
0.3. Par une décision que nous savons être réductrice, mais en nous
autorisant de la tradition et du consensus omnium (5), nous considérerons
dans ce qui suit les particularismes phoniques énumérés ci-dessus comme
les caractéristiques linguistiques intrinsèques du ‘gascon-par-définition’.
Nous chercherons à établir à quelle date il est possible de dire que les
changements phonético-phonologiques définitoires du gascon ont déjà tous
commencé à prendre effet (sans avoir nécessairement atteint les résultats
médiévaux ou contemporains). Nous chercherons donc à établir l’âge du
protogascon-par-définition.
0.4. Les changements phoniques à l’intérieur d’une lignée évolutive
ne peuvent être observés que dans la comparaison d’états de langue suc-
cessifs et distincts(6). On sait qu’il y a eu à un moment évolution(7), mais

et /gw/ et la vocalisation de /l/ final. Bec (1970, 514-5) ne retient pas le trait (7),
mais ajoute le maintien de /kw/ et /gw/ et la vocalisation de /l/ final ainsi que
l’évolution de -{RIU. La carte de synthèse de Rohlfs (1970) comporte six des
sept traits de Baldinger, à l’exception de (7), et y ajoute le traitement praube.
Wüest (1979, 366-7) utilise les mêmes traits que Baldinger, traits auxquels il
ajoute le maintien de /kw/ et /gw/ et la vocalisation de /l/ final. Les traits rete-
nus par Baldinger correspondent aux neuf premières caractéristiques du conso-
nantisme gascon citées par Allières (1995, 452).
(3) «Note that only common innovations are indicative of [...] a special relation-
ship. Common archaism (or inheritance) can be found between any two mem-
bers of a larger language family» (Hock 1986, 579); cf. Fox 1995, 220.
(4) Formulation plus exacte chez Wüest (1979, 336-7): «Les textes les plus anciens
attestent déjà toutes [l]es particularités gasconnes, à l’exception [...] du chan-
gement F > h».
(5) Cf. Bourciez 1936, 3; Allières 2001, 18. Comme les changements phoniques sont
aussi les plus facilement situables dans le temps, ils se trouvent être ceux
qui contribuent le plus facilement à notre objectif. Pour un exposé de l’en-
semble des caractéristiques phoniques et morphosyntaxiques du gascon («par
rapport à l’occitan classique» [?]), v. Allières 1995, 451-3 et 454-63 pour le gas-
con écrit médiéval. Nous laissons de côté l’aspect aréologique; cf. en particu-
lier Baldinger 1958, 247-4 (avec cartes) et, pour l’ancienne scripta, Allières
1995, 456-7.
(6) On met à part la prise en compte du témoignage des observateurs contemporains.
(7) Par commodité, parce que cela seul est atteignable et parce qu’il n’y a que
cette façon de raisonner, on suppose que cette évolution a lieu dans
un moment. Cette simplification n’a pas nécessairement de très graves consé-

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 475

celle-ci n’est pas observable, du moins pour les périodes qui nous intéres-
seront. Le mot changement est commode – et on peut le conserver pour
nommer les faits traités ici – mais il peut induire en erreur en identifiant
les deux concepts: évolution (réelle, inobservable); correspondance entre
états (construction du linguiste, observable). On prendra garde à ne
construire une chronologie relative que sur des faits ordonnables chrono-
logiquement: de l’observation des correspondances entre états, on peut
déduire des règles d’évolution phonétique, et c’est sur le début et la fin
d’activité de ces règles que se construit la chronologie relative.

1. Les changements
Nous examinerons à présent, du point de vue de leur chronologie,
chacun des traitements phonético-phonologiques innovateurs et particula-
risants du gascon-par-définition. Pour ne pas alourdir la présente note,
nous nous en tiendrons pour l’essentiel, et sans rechercher la complétude
bibliographique, à interpréter les données et les analyses des classiques:
Ronjat (1930-1941), Rohlfs (1970) et surtout Bec (1968), auteur dont nous
admettrons, en principe, les vues.

1.1. (1) [f] > [h]


1.1.1. La règle (1)(8), que nous avons énoncée ci-dessus sous la forme
qu’on lui donne habituellement, résume de façon légèrement trompeuse
deux procès distincts.
1.1.2. Dans un premier temps, «la Gascogne et une partie de l’Espa-
gne du N. ne semblent pas avoir participé au changement phonét. général
qui, au Ier siècle après J.-C., a fait passer les bilab. latines (w et φ) à des
labiodent. (v et f)» (Bec 1968, 118). Ces territoires se singularisent donc
d’abord par un archaïsme(9) avant d’innover, dans un second temps, [φ] >
[h]. La labiodentalisation de [φ] est plus souvent placée au second siècle

quences, si on récupère l’épaisseur perdue a) par la prise en considération de


la durée d’activité de la règle d’évolution; b) en tenant compte de la coexis-
tence dans le même état de langue de plusieurs variétés; c) si on se rappelle
que ce n’est pas l’entier du processus physiologique qui intéresse le linguiste,
mais le moment de la réorganisation.
(8) Luchaire 1879, 204-8; Rohlfs 1970, §§ 460-4; Baldinger 1958, 247-8; ALG 2115-
16; Wüest 1979, 266, 268-9.
(9) Le refus de la labiodentalisation caractérise, outre le gascon, un certain
nombre d’isolats périphériques: certains parlers calabrais, moldaves, macédo-
roumains, sardes (v. LLoyd 1987, 215; Lausberg 1970, § 302).

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476 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

qu’au premier(10) On peut supposer qu’au moment de la diffusion du latin


en Gascogne les deux réalisations existaient dans la langue, mais que la
variété diffusée connaissait [φ], la plus archaïque(11).
1.1.3. Le changement [φ] > [h] – changement auquel nous réserverons
l’étiquette (1) et que nous symboliserons par φ-GLOTT – n’est pas situable
par le moyen de la chronologie relative. De plus, le graphème <h> n’ap-
paraît que tardivement dans la scripta gasconne (Allières 1995, 456)(12).
Quant à la chronologie, Bec (1968, 118; cf. encore 177) suit Gavel qui
«considère, a priori, comme possible qu[e l’évolution] se soit produite au
Xe siècle qui, “tant en France qu’en Espagne, paraît avoir été une période
de forte transformation à des points de vue divers et notamment au point
de vue linguistique”». Il n’est pas besoin de souligner que cette argumen-
tation est des plus sommaires et des plus faibles. Selon Dinguirard (1977),
le témoignage de Virgile de Toulouse, «grammairien des environs du
6e siècle» attesterait «la réalisation h du phonème latin f»; cette interpré-
tation ne nous semble pas, cependant, formellement établie. Ronjat (1930-
1941, § 251) argumente de façon indirecte en tirant parti des emprunts
aux mots germaniques en /h-/(13). Il indique que l’évolution qui nous inté-
resse «devait être accomplie à l’époque des établissements germaniques en
Gaule, car germ. h est représenté par aq. h dans des emprunts dont plu-
sieurs au moins sont probablement directs»(14), étant entendu que le chan-
gement (1) est la seule source ancienne de /h/ en gascon(15). Les termes
imprécis employés par Ronjat («époque des établissements germaniques

(10) Cf. Wüest (1979, 268-9): «la prononciation labiodentale de /f/ est attestée dès
le IIe [siècle] après J.-C. par le grammairien Terentius Maurus», mais Maniet
(1975, 27): «[à] l’époque classique, [...] f était devenu labiodental».
(11) On écarte comme moins économique l’hypothèse selon laquelle la Gascogne
aurait d’abord connu [f] et serait revenue à [φ]; cette hypothèse aurait
d’ailleurs pour conséquence de remonter la chronologie, en faisant remonter
à avant [φ] > [h] (datable par ailleurs, cf. § 4) la phase incipiente du change-
ment.
(12) En espagnol, le premier exemple documentaire date de 863 (Lloyd 1987, 216).
(13) L’adaptation ne se note qu’en début de mot: germ. /h/ s’amuït en gascon à l’in-
tervocalique (Ronjat 1930-1941, 1, 51). – Pour ce qui est du gotique, «tout le
monde admet qu’à l’initiale devant voyelle, h ne marque plus qu’un souffle
sourd» (Mossé 1969, 42); cf. Braune 1966, § 61.
(14) Cf. Allières 1995, 456. Le scepticisme de Millardet (1923, 247-8), adopté
par Bec (1968, 115), quant à l’existence d’emprunts directs au germanique en
gascon, semble exagéré.
(15) Les cas de phonosymbolisme (Bec 1968, 115) doivent naturellement être mis
à part.

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 477

en Gaule») ne permettent pas de préciser s’il avait en vue les établisse-


ments wisigotiques ou les établissements francs postérieurs; il paraît
cependant probable que par emprunts «directs» au «germ.», il entendait
des emprunts au gotique et non au francique.

1.2. (2) N > Ø / V–V


1.2.1. Il convient de distinguer plusieurs étapes, mises en évidence par
Bec (1968, 40), dans le processus représenté globalement par (2)(16):
(i) nasalisation régressive partielle de la voyelle précédant /n/; (ii) nasali-
sation complète, vélarisation de /n/, changement de la coupe syllabique;
(iii) passage de [~,] à une constrictive, puis amuïssement; (iv) enfin, dans
la plupart des parlers, dénasalisation de la voyelle.
1.2.2. L’application de la règle (2) est située par Bec (1968, 40 et
n. 3) «aux alentours du VIIe siècle»; par Wüest (1979, 259), aux «VIIIe ou
IXe siècles environ». Ronjat (1930-1941, § 298) dit plus vaguement «au haut
moyen âge»(17).
1.2.3. Le changement (2) est globalement contemporain de l’efface-
ment des voyelles inaccentuées finales autres que /a/: dans PANE, par
exemple, «la chute de la voyelle finale a stoppé le phénomène en cours
d’évolution» (Bec 1968, 40). Au moment de l’effacement de la voyelle
finale, la deuxième des quatre étapes du changement distinguées par Bec
(v. ci-dessus § 1.2.1.), i.e. la vélarisation de /n/, est atteinte, mais non la
troisième (amuïssement de [~]) qui se trouve bloquée. Il convient donc de
distinguer deux stades chronologiques: (2a) N-VÉLAR comprenant les
phases de nasalisation et de vélarisation, stade qui se place avant l’amuïs-
sement des voyelles finales inaccentuées autres que /a/; (2b) N-EFF, i.e.
amuïssement de [~], stade postérieur à l’effacement des voyelles finales
autre que /a/. En notant l’amuïssement des voyelles finales inaccentuées
autres que /a/ par VOC#-EFF, on a donc: N-VÉLAR > VOC#-EFF > N-EFF.
L’achèvement de ces procès est documenté «dans les chartes les plus
anciennes, p. e. dans le Cartulaire de Bigorre du XIe et XIIe siècles» (Rohlfs
1970, § 472)(18).

(16) Luchaire 1879, 210-1; Rohlfs 1970, § 472; Baldinger 1958, 249-51; ALG 2126;
Wüest 1979, 258-61.
(17) Elcock (1938, 181 n. 1) soutient qu’il est difficile de placer ce changement
«avant le IXe siècle» (v. la critique dans Bec 1968, 72-3).
(18) Bec (1968, 40), considérant sans doute implicitement que les deux stades en
question sont nécessairement proches, ne les distingue pas du point de vue de
la chronologie.

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478 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

1.2.4. Par ailleurs, selon Bec (1968, 40 n. 3), s’appuyant sur Passy, les
règles (2a) et (2b) s’étaient déjà appliquées au moment de la syncope
dans *EXDISJEJUN{RE > gasc. esdejuá, SEMIN{RE > gasc. semiá (déjà agasc.
somiar, Dax 1480; FEW 11, 433b)(19), FARïNöSU > béarn. harious «fariné»,
Massat farious, en face de farnous «barbouillé». Passy en déduisait que
l’amuïssement de la consonne nasale s’était produit «avant le VIe siècle ou
au plus tard le VIIe siècle»(20).

1.3. (3-4) LL > *[ÙÙ] / V–V


1.3.1. Les changements (3) et (4)(21) reposent sur un stade commun
cacuminal *[ÙÙ] antérieur à l’effacement des voyelles finales inaccentuées
autres que /a/: «les deux évolutions ont dû être parallèles jusqu’à la chute
des voy. finales» (Bec 1968, 90, cf. aussi 93)(22). Ronjat (1930-1941, § 398)
indique, de façon vague, que les deux traitements sont «extrêmement
ancien[s]»(23). Les autres auteurs datent seulement les aboutissements
divergents des deux traitements: Bourciez (1967, § 271) place le passage à
/r/ «vers le IXe siècle» et le passage à [t ] en finale «un peu antérieure-
ment»; selon Bec (1968, 95), dans (4), la ˘ palatalisation «a dû se produire
[...] dans le courant du XIe siècle».
1.3.2. Pour notre propos, seul importe le stade incipient commun de
cacuminalisation, stade que nous noterons (3-4) ou CACU. Ce stade est
nécessairement antérieur à VOC#-EFF, puisqu’il affecte -LL- dans l’environ-
nement V–V#. On a donc: CACU > VOC#-EFF.

1.4. (5) MB, ND > [m], [n] / V–V


1.4.1. La règle (5)(24) doit être décomposée en (5a) – assimilation pro-
gressive produisant une géminée (MB-ASSIM) – et (5b) – dégémination de

(19) Cet exemple est écarté par Bec (1968, 40 n. 3): «le lang. a en effet séména et
non *senna». Mais l’explication ad hoc qu’il fournit («peut-être à cause de
l’analogie de mená < *MĬNARE») ne peut être retenue. On ne peut exclure
cependant une réfection «d’après les formes téléotoniques» (Ronjat, 1930-1941,
§§ 139, 141, 185).
(20) C’est assez vraisemblablement ce qui fonde l’estimation de Bec (1968, 40 et
n. 3), «aux alentours du VIIe siècle».
(21) Luchaire 1879, 211-3; Rohlfs 1970, § 469; Baldinger 1958, 252-4; ALG 2122-3;
Wüest 1979, 261-2.
(22) V. Bec (1968, 87 sqq.) pour la discussion des différentes hypothèses.
(23) (3) s’applique avant ou après la syncope, réputée «particulièrement tardive»,
dans AB(E)LL{NA (Ronjat 1930-1941, §§ 303 et 187γ).
(24) Rohlfs 1970, § 472-3; Baldinger 1958, 255-8; ALG 2136-8; Wüest 1979, 242-5;
Remacle 1984, 10-35.

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 479

la nasale (NN-DÉGÉM). Bec (1968, 73) indique que ce changement est


difficile à dater «par les procédés habituels de la chronologie relative»(25).
1.4.2. (5a) MB-ASSIM est antérieur à VOC#-EFF: chacun semble en effet
admettre, ce qui est naturel, que l’environnement conditionnant ce chan-
gement est V–V et non V–a. On doit, d’autre part, placer (5) «après la
chute de -n- interv. puisque les -n- provenant de -nd- n’ont pas subi le sort
des -n- intervocaliques primaires. Mais la géminée nn, première étape de
la réduction nd > n [...] a pu se maintenir assez longtemps pour échap-
per, comme les autres géminées nn [...], au sort de LüNA > lua» (Bec 1968,
73). N-VÉLAR avait donc déjà cessé d’être active au moment du début
d’activité de NN-DÉGÉM. On note les chaînes MB-ASSIM > VOC#-EFF > N-EFF,
d’une part; N-VÉLAR > NN-DÉGÉM, d’autre part.

1.5. (6) Ø > [a] / #–r̄


1.5.1. Le changement (6)(26), que nous symboliserons par A-PROSTH
«apparaît déjà dans les chartes du Xe et du XIe s.» (Bec 1968, 176). Il est
«antérieur à la chute du -n- intervocalique» (Bec 1968, 176): en effet, dans
gasc. dial. arnelh < RëNIC(U)LU, la syncope est antérieure à l’effacement de
la consonne nasale et elle n’est rendue possible que par l’effet de la pros-
thèse (un groupe initial */rn-/ ne pouvant être admis). Bec (1968, 177)
place la syncope au 6e siècle, à titre d’«hypothèse vraisemblable», et par
conséquent, semble-t-il, la prosthèse aux «Ve-VIe s.» (Bec 1968, 177). Selon
Bec (1968, 176), Ronjat situerait ce changement «entre le Ve et le VIIIe s.»,
mais Bec ne fournit pas de référence précise (néant dans Ronjat 1930-
1941, § 252).
1.5.2. A-PROSTH étant certainement antérieur à (2b) N-NEFF, on doit
admettre, pour ne pas avoir à postuler gratuitement une règle supplé-
mentaire ad hoc (dévélarisation de [~]) dont la seule fonction serait de
détruire les effets de (2a), que A-PROSTH est également antérieure à (2a)
N-VÉLAR. Or, N-VÉLAR est antérieure VOC#-EFF (v. ci-dessus § 1.2.3.). Par
transitivité, on a: A-PROSTH > N-VÉLAR > VOC#-EFF > N-EFF.

(25) Le traitement -ND- > -n- atteint certains mots d’origine germanique (Rohlfs
1970, § 471). Selon Ronjat (1930-1941, § 339), «le groupe -nd- devait être rede-
venu usuel à l’époque de certains emprunts dans lesquels germ. -nd- est repré-
senté par -nd- ou par une différenciation ultérieure -nt-». Sa critique par
Wüest (1979, 243) n’a pas de portée ici. Les noms de lieux qu’on trouve dans
Gamillscheg (1934, 336, 341, 343) sont en -ein, et de ce fait trop douteux pour
être exploitables.
(26) Luchaire 1879, 208-10; Rohlfs 1970, § 465; Baldinger 1958, 258-60; ALG 2129;
Wüest 1979, 105-6.

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480 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

1.6. (7) B/W-FUS


1.6.1. Ce changement(27) repose sur un fait de conservatisme: «par un
phénomène de conservation analogue à celui du f latin restant bilabial
[...], le v latin (prononcé w) ne semble pas, en Gascogne, avoir participé
au changement phonétique général qui s’est produit au premier siècle
après J.-C. et qui a transformé le w lat. en une labiodentale v» (Bec 1968,
131, avec critique des explications de Bourciez, Ronjat, Rohlfs et Gavel,
p. 128-9). Ce traitement est approuvé dans l’ensemble par Wüest (1979,
265), qui écrit cependant: «Pour le passage de [W] à [V], on a proposé dif-
férentes dates entre le Ier et le Ve siècle après J.-C.» Lausberg (1970,
§ 373): «Aproximadamente ya en el siglo II la pronunciación se hace
labiodental [v]».
1.6.2. Dans le domaine gascon, B/W-FUS est documenté en position
post-consonantique par le toponyme Conbenas/Combenas (tiré du nom de
peuple Conuenae) sur plusieurs monnaies mérovingiennes entre ca 560
et ca 675 (v. Chambon/Greub 2000, 175). Parmi ces monnaies, celles
émises par le monétaire Nonnitus sont particulièrement anciennes au dire
de Depeyrot (1998, 4, 54), qui les date de ca 560-ca 585. Si cette confu-
sion est endémique dans les inscriptions latines dès la haute époque, elle
est par contre inconnue dans le corpus des monnaies mérovingiennes en
dehors de la Gascogne. Le caractère tout à fait spécifique de ces notations
d’une part, leur interprétation phonétique transparente de l’autre, condui-
sent à considérer que, sur le trait B/W-FUS, la Gascogne était séparée du
reste du domaine galloroman au moment de la gravure de ces monnaies.
La fusion étant ainsi attestée dans des inscriptions originales contempo-
raines, on ne peut pas mettre en doute le témoignage des actes du concile
de Mâcon, qui, à la date précise de 585 et avec l’accord des trois mss
(dont le plus ancien date des 8e-9e s.), attestent l’adjectif (fém. gén. sg.)
Combenice (De Clercq 1963, 249).
1.6.3. En outre, dans l’environnement C– du moins(28), B/W-FUS peut
être placée avant la fin d’activité de MB-ASSIM, puisque -mb- secondaire
issu de -NW- (cf. Baldinger 1958, 263 n.) passe à -mm- dans Cummonigo
sur une monnaie mérovingienne (entre ca 560 et ca 675), monnaie que
Depeyrot date ca 620-ca 640 (Chambon/Greub 2000, 175). Même s’il est
impossible, à notre connaissance, de rien affirmer quant aux autres posi-

(27) Luchaire 1879, 203-4; Rohlfs 1970, § 441; Baldinger 1958, 261-63; ALG 2101;
Wüest 1979, 264-6.
(28) On notera qu’en espagnol la fusion commence justement en position post-
consonantique avant de s’étendre aux autres environnements (Penny 1993, 32).

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 481

tions, ces faits sont suffisants pour situer ce changement, peut-être dans sa
phase incipiente, avant l’assimilation du groupe -MB- dans Cummonigo. On
peut donc écrire: B/W-FUS > MB-ASSIM (fin d’activité).

2. Exploitation de la chronologie relative


2.1. Les ordres relatifs à prendre en considération sont les suivants:
N-VÉLAR > VOC#-EFF
> N-EFF (ci-dessus § 1.2.3.);
CACU > VOC#-EFF
(ci-dessus § 1.3.2.);
MB-ASSIM (début d’activité) > VOC#-EFF > N-EFF (ci-dessus § 1.4.2.);
N-VÉLAR (fin d’activité) > NN-DÉGÉM (début d’activité) (ci-dessus
§ 1.4.2.);
A-PROSTH > N-VÉLAR > VOC#-EFF > N-EFF (ci-dessus § 1.5.2.);
B/W-FUS > MB-ASSIM (fin d’activité) (ci-dessus § 1.6.3.).

2.2. On obtient donc les séries suivantes:


A-PROSTH N-VÉLAR VOC#-EFF N-EFF
CACU
MB-ASSIM
B/W-FUS MB-ASSIM (fin d’activité)
N-VÉLAR (fin d’activité) NN-DÉGÉM

2.3. On remarque qu’on peut classer avant VOC#-EFF les changements


N-VÉLAR (2a), CACU (3-4), MB-ASSIM (5a), A-PROSTH (6).

2.4. Or, VOC#-EFF est largement attesté (dans l’environnement – s#)(29)


sur les inscriptions monétaires mérovingiennes, entre ca 560 et ca 675,
ce dans toute la Gaule et en particulier dans la cité de Toulouse(30); v.
Chambon/Greub 2000, 155-7(31). Ce changement est documenté de façon
précise et certaine au début du 7e siècle (612-613), à Metz, et dès ca 560-
ca 585 si l’on se fie aux datations de Depeyrot (1998)(32).

(29) Il est impossible de faire valoir les attestations en finale absolue. L’environ-
nement particulier – s# est par conséquent le seul utilisable avec sécurité dans
le corpus numismatique.
(30) Les trois monnaies toulousaines sont datées ca 585-ca 675 par Depeyrot (1998,
4, 54, 55). – On s’oppose à Elcock (1938, 181 n. 1), qui estimait que «certains
indices donnent à penser qu’en gascon la perte de e et de o en syllabe finale
atone a été plus tardive que dans le reste de la France méridionale».
(31) Richter (1934, 236) mettait en doute sur ce point, sans raison valable, le témoi-
gnage des monnaies mérovingiennes; voir, en sens inverse, le jugement d’un
excellent numismate (Prou 1910, 537).
(32) Les travaux de références en phonétique historique française datent VOC#-EFF
(en finale ouverte et en syllabe couverte) des 7e/8e siècles.

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482 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

2.5. Il n’y a donc pas d’imprudence a considérer VOC#-EFF comme


acquis ca 600, et par conséquent les changements antérieurs à lui
(N-VÉLAR, CACU, MB-ASSIM, A-PROSTH) comme antérieurs eux-mêmes à
ca 600.

3. Premier bilan

3.1. On a établi que les changements définitoires du protogascon


N-VÉLAR, CACU, MB-ASSIM et A-PROSTH doivent certainement être considé-
rés comme antérieurs à ca 675 et qu’il n’y a pas de risque à les placer
avant ca 600. Pour MB-ASSIM, une datation antérieure à une date comprise
entre ca 560 et ca 675 ou, si l’on suivait Depeyrot, antérieure à une date
comprise entre ca 620 et ca 640, est confirmée indépendamment par la
graphie Cummonigo (v. ci-dessus § 1.6.3.)(33). Cette graphie atteste égale-
ment, de manière indirecte, B/W-FUS, puisque dans ce mot B/W-FUS s’est
appliqué avant MB-ASSIM; B/W-FUS est directement attesté, par ailleurs, dans
la seconde moitié du 6e siècle (v. ci-dessus § 1.6.2.).
3.2. Par conséquent, tous les changements définitoires du proto-
gascon, à l’exception de (1) [φ] > [h], peuvent être situées avec sécurité
avant ca 600.

φ] > [h]
4. Datation de [φ

Il convient à présent de tenter de préciser la datation de φ-GLOTT (1).


La chronologie de ce changement ne peut être appréhendée par la
combinaison de la chronologie relative et de la documentation philolo-
gique. Il est donc nécessaire d’étudier le traitement des emprunts en F- au
germanique.
4.1. Germ. *FALWA-, introduit anciennement «durch die germ. solda-
ten mit anderen farbbezeichnungen ins vlt.» (FEW 15/2, 108a; cf. Guinet
1982, 185-6)(34), avant l’établissement des royaumes fédérés et peut-être
dès le Haut-Empire, présente unanimement /h-/ dans ses issues gas-
connes(35). Cet emprunt ancien est donc traité comme les mots en F- du

(33) Cf. plus tard Commenensæ (adj. fém.) en 788 (mss carolingiens); Chambon/
Greub 2000, 175.
(34) Guinet avance le 4e siècle comme date de l’emprunt.
(35) Béarn. haube, haubii (déjà 15e s.) et divers dérivés: Caut. Arrens, Lagraulet
(FEW 15/2, 106ab).

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 483

stock latin(36). En ce qui concerne les emprunts spécifiquement gotiques –


on se souviendra qu’«il est impossible de déterminer si f était encore une
bilabiale [...] ou déjà une labio-dentale» en gotique(37) – on constate, en
revanche, l’existence d’un double traitement. Parmi les noms de lieux
d’origine gotique réunis par Gamillscheg (1934, 341, 342), Faleyrens
(Gironde) < *FALHHARINGÔS et Flamarens (Gers) < *FRAMAHARINGÔS(38)
montrent un traitement /f-/. D’autres noms de lieux sont soit des mentions
anciennes non localisables avec certitude dans l’espace gascon, soit des cas
douteux(39). En revanche, malgré Gamillscheg (1934, 341)(40), Ramouzens
(Gers), Fremosenx 1080 et 1096 (cop.; Lapart/Petit 1993, 331), assure le
traitement /h-/(41). Dans le lexique, got. *FALDA est représenté en gascon
par des formes en /h-/(42), mais aussi par des formes en /f-/(43) (v. FEW
15/2, 99-102). Got. *FATT- fournit béarn. hatoun, Ferrère hatoú, béarn.
hatilhe, mais aussi Vd’Azun fatoyes (FEW 15/2, 114-5)(44), ce dernier(45)
(dérivé autochtone comme le montre le suffixe) ne pouvant passer pour
un emprunt de parler à parler(46).

(36) On ne peut pas compter sur le traitement de *FANJA qui, pour Guinet (1982,
151-2), contre von Wartburg (FEW 15/2, 111a), aurait une origine westique, car
la critique du FEW par Guinet repose entièrement sur un mauvais décodage
du FEW (ang. compris «anglo-normand» et non, comme il se doit, «angevin»).
(37) Mossé 1969, 42; cf. Braune 1966, § 52.
(38) *FLADMALINGÔS selon Dauzat/Rostaing (1978, 290), cf. Vincent 1937, § 319;
FILEMARINGÔS, selon Nègre (1990-1991, § 13719).
(39) On doit écarter en particulier les deux cas suivants de toponymes en H-
(Gamillscheg 1934, 342): Hastingues (Landes), certes, «scheint zu Fastila [...]
gehören», mais «-ingas ist nicht gotisch»; quant à Hostens (Gironde), il n’a pas
d’étymologie gotique.
(40) Repris par Dauzat/Rostaing (1978, 556).
(41) Nègre 1990-1991, § 13747.
(42) Gers, HGar. Castillon, Bethmale, Aran, HPyr. BagnèresB. Caut. Bazus, Ferrère,
béarn. Lescun, Ossau, Bayonne, Teste.
(43) Agasc. (Bord. 15e s.), Massat, Gers, Vd’Azun, Arrens, béarn. Nous admettons
que les formes en -ll- (Landes. Vd’Azun, Arrens, béarn. fallet et béarn. Landes
falle) s’expliquent par une accommodation qui apparaît aussi dans Ségala fallo,
aveyr. Lozère [’falc] (v. Ronjat 1930-1941, 2, 209). L’attestation d’ancien gas-
con (technicisme ayant le sens de «partie de l’armure, jupon de mailles») pour-
rait être empruntée au languedocien (faudas, Montauban 1344-1356).
(44) Cf. Gamillscheg 1934, 376-7.
(45) On notera l’explication du f- initial par Wartburg («Das f- kommt vielleicht
von einer kreuzung mit dem adj. fade oder mit fatras, die beide in bearn.
bezeugt sind»), explication ad hoc et assez peu vraisemblable, qui ne constitue
en aucun cas une contre-argumentation.
(46) *FEUSA (gotique selon Gamillscheg 1934, 380), qui n’est représenté que par des
formes en <f-> d’ancien gascon (FEW 15/2, 123; Lv) n’est que marginalement

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484 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

4.2. *FALDA, *FATT- et les noms de lieux en -INGÔS étant sans aucun
doute d’origine gotique(47), ils permettent d’affiner le terminus utilisé par
Ronjat dans le passage rappelé ci-dessus § 1.1.3 («l’époque des établisse-
ments germaniques en Gaule»). La période des emprunts au gotique est,
en effet, strictement déterminable du point de vue extra-linguistique: entre
418, date de l’installation des Wisigots en Aquitaine comme fédérés(48), et
le moment où, après la défaite de Vouillé (507), «le peuple visigot émigra
en masse de l’Aquitaine vers la Vieille-Castille, chassé sans doute par la
décision que prit en 511 un concile gaulois de fermer les églises ariennes»
(Musset 1994, 90)(49).
4.3. Comme les deux traitements de got. *F- s’observent dans les
mêmes familles lexicales, il serait invraisemblable de rendre compte du
polymorphisme par une différenciation chronologique (diachronique)(50);
comme les deux traitements se constatent, d’autre part, sur le même
espace (gascon et, en particulier, béarnais), on ne peut faire davantage
appel à une différenciation diatopique. La dualité des traitements ne peut
donc refléter qu’un fait de variation diastratique.
4.4. Cette dualité conduit aux deux conclusions chronologiques sui-
vantes portant sur la période wisigotique. La première conclusion veut que
la règle φ-GLOTT ait été déjà active entre 418 et 511 (traitement /h-/), ou
plus tard. La seconde, que la même règle ait cessé d’être active à une date
antérieure à 511, puisque les emprunts au gotique peuvent échapper au
sort général des mots du stock latin et des plus anciens emprunts au ger-

attesté en Gascogne, où il paraît importé; il n’est pas probant. Wartburg consi-


dère le mot comme «urgerm.» (sans astérisque, de même que Gamillscheg); la
distribution géographique des réflexes – Aude, Tarn, Aveyr., HGar. Gers, d’une
part; nord-est du domaine comtois, d’autre part (v. FEW, l.c.) – semble effecti-
vement caractéristique d’un double emprunt au gotique et au burgonde.
(47) *FALDA est inconnu au nord de la Gaule, sauf par emprunt très tardif du fran-
çais à l’occitan (15e-17e s.); v. FEW 15/2, 99ab. Cf., de même, la distribution
exclusivement méridionale de *FATT- (FEW 15/2, 114-5).
(48) Notamment dans les cités de Bordeaux, Agen, Toulouse, plus Bazas et Lec-
toure; «Rome accorda aux Goths la Novempopulanie» en 440 (v. Rouche 1979,
19 sqq., en particulier 23, 25 (carte), 32).
(49) V., a fortiori, Wartburg (1941, 99-101) qui a réuni plusieurs indices de la rapide
romanisation des Wisigots durant la période du royaume de Tolède, au premier
rang desquels figure le manque d’influence du royaume sur le destin linguis-
tique de la Septimanie. Cette vue paraît constituer la communis opinio (cf.
Broëns 1958, 23; Wolfram 1990, 241, citant Garaud; Kremer 1991, 223).
(50) Ce qui reviendrait à supposer, pour chacun des deux mots, deux couches
d’emprunts successives au gotique.

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 485

manique (d’où le traitement /f-/). Comme la dualité des traitements est un


fait de variation diastratique au sein d’une même communauté linguis-
tique ayant emprunté au gotique au cours de la même courte période (un
siècle environ), les deux conclusions ne sauraient entrer en contradiction.
On doit donc distinguer deux périodes successives: (A) φ-GLOTT s’applique
sans résidu au stock primitif comprenant les mots latins hérités et les pre-
miers emprunts au germanique; (B) φ-GLOTT ne s’applique plus systémati-
quement aux mots qui entrent dans la langue (ce qu’on saisit à travers les
emprunts au gotique, entre 418 et 511). On en déduit que, pour une par-
tie des locuteurs, φ-GLOTT n’était plus active durant la période B; pour une
autre partie des locuteurs, φ-GLOTT était, au contraire, encore active durant
cette seconde période: résultat attendu puisque cette règle était encore en
vigueur dans la seconde moitié du 17e siècle ou plus tard dans certaines
variétés gasconnes ayant [kaIhε] de fr. café (Bec 1968, 115), mot dont la
première attestation française ne date que de 1665 (TLF). La période
d’application non systématique de φ-GLOTT (période B) étant situable
entièrement à l’époque wisigotique, on doit repousser à une époque anté-
rieure la fin de la période A, et plus encore son début (il n’est pas
vraisemblable qu’une règle ayant affecté aussi généralement la phonétique
gasconne n’ait été active que peu de temps). On conclura donc que
φ-GLOTT s’applique de façon certaine dès avant 511 et, de façon vraisem-
blable, nettement auparavant.
4.5. Le double traitement de got. *F- comporte aussi des implications
sociolinguistiques. Durant la période wisigotique (5e siècle), le parler de
Gascogne possède, en début de mot du moins, deux réalisations phoné-
tiques du phonème que l’on peut noter conventionnellement /φ/: [h] et [f].
Ces allophones sont sociolinguistiquement stratifiés: la réalisation [f] est
caractéristique de la variété haute car les locuteurs qui pratiquent cette
réalisation ne peuvent l’avoir acquise autrement que par un retour à la
réalisation qui est celle de la norme générale après le 2e siècle (réalisation
labiodentale)(51); [h] est, au contraire, caractéristique de la variété régio-
nale basse. Dans les phases précédentes durant lesquelles la labiodentali-
sation de /φ/ a tout d’abord été refusée, et où le changement régional [φ]
> [h] (1) a ensuite pris effet sur les mots du stock latin et sur les premiers
emprunts au germanique, tout se passe comme s’il n’avait pas existé de
porteurs de la variété haute ou, de façon plus réaliste, comme si ces locu-
teurs avaient été impuissants à entraver ou à faire régresser l’application

(51) Il serait, bien entendu, invraisemblable de soutenir que /f/ aurait pu être
réintroduit sous l’action du gotique étant donné le manque de prestige et
d’influence de cette langue.

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486 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

de φ-GLOTT. À l’époque de l’implantation wisigotique, en revanche, les


porteurs de la variété haute se montrent capables d’influencer significati-
vement l’usage régional. Cette influence est toutefois demeurée limitée:
elle n’a pas pu induire de régressions abouties dans le stock lexical hérité,
mais seulement suspendre partiellement et provisoirement l’application
de (1) dans les mots nouveaux empruntés au gotique. Mutatis mutandis,
l’action des porteurs de la norme latine est comparable à celle des
bilingues qui sont parvenus à introduire (beaucoup plus largement) gasc.
cafè à côté de [kaIhε]. Il est ainsi possible d’appréhender, sur un point au
moins et certes de manière assez grossière, les fluctuations sociolinguis-
tiques du latin/roman de la région.
4.6. Du point de vue chronologique, on retiendra que le changement
[φ] > [h] était en cours avant 511 et qu’il a été partiellement interrompu
pendant une période comprise entre 418 et 511. Le traitement /f-/ des
emprunts au gotique n’en fournit pas moins un terminus ad quem valable
pour le début d’activité de φ-GLOTT, à savoir 511. Cette conclusion corro-
bore et précise celle de Ronjat (v. ci-dessus § 1.1.3.).
4.7. Compte tenu du fait que les représentants en f- d’étymons
gotiques en F- dans le lexique sont susceptibles d’explications diverses
mais différentes de celle proposée ici, compte tenu également de l’inter-
prétation envisageable, bien que douteuse, des toponymes en F- comme
des cultismes qui pourraient devoir leur forme à une influence savante, on
ne donnera à la datation de [φ] > [h] que le statut d’hypothèse de travail.
Cette hypothèse présente néanmoins l’avantage de remplacer à elle seule
une pluralité d’hypothèses ad hoc, parfois très légères ou relevant de la
simple supposition sans indices; elle offre, en outre, un caractère vraisem-
blable du fait de son insertion dans la série de sept faits étudiés ici. Elle
devrait ouvrir la voie à des recherches plus approfondies que la base sur
laquelle on s’est reposé ici (FEW; Gamillscheg 1934), son éventuelle falsi-
fication ne pouvant découler que de nouveaux travaux sur le rattachement
étymologique des germanismes de la région et sur les toponymes gascons
d’origine gotique(52).

5. Second bilan
On a montré ci-dessus (§ 3) que les changements définitoires du proto-
gascon, à l’exception de φ-GLOTT, devaient être situés avant ca 600.

(52) Cette falsification éventuelle, ne portant que sur l’un des sept faits examinés
ici, ne remettrait d’ailleurs pas fondamentalement en cause nos conclusions.

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 487

Comme φ-GLOTT peut être situé à son tour antérieurement à 511 (ci-
dessus § 4), il en découle que le protogascon-par-définition était constitué
ca 600 au plus tard. En outre, un des changements définitoires au moins
(φ-GLOTT) avait débuté à une date largement antérieure à ca 600.

6. Traitement de got. -N- intervocalique, dégémination de -NN-, prosthèse de a-


Il ne semble pas impossible de préciser davantage la date de ces trois
changements.
6.1. Quant au traitement de got. -N- intervocalique, les règles (2a) et
(2b) semblent affecter les emprunts au germanique: on cite *SKïNA > gasc.
esquio (Bec 1968, 40 n. 3)(53). Tout en posant *SKïNA en vedette comme
«got. frk. lgb.» (FEW (17, 112a), Wartburg indique toutefois (FEW 17,
115b) que les formes en -i- ont été «im gallorom. aus dem anfrk. über-
nommen»(54).
6.1.1. Le nom de lieu Génens (éc., comm. et cant. de Montréal,
Gers)(55), Genenx ca 1096-1118 (Lacave La Plagne Barris 1899, n° 29) et
1491/1492 (Perrin/Font-Réaulx 1972, 172)(56), sûrement d’origine gotique,
fournit un témoignage plus net. Gamillscheg (1934, 315, 341) a en effet
pourvu ce toponyme d’une étymologie convaincante en le rattachant au

(53) Gasc. esquio, s’il a bien été implanté dans le domaine galloroman à partir de
l’ancien bas-francique, a encore subi les effets de (2a), quoique postérieur aux
emprunts gotiques examinés infra; on a donc une raison d’expliquer le double
résultat de germ. -N- par un fait de variation diastratique (ou éventuellement
diatopique), comme pour l’évolution de F-, plutôt que par un fait de variation
diachronique (cf. § 6.1.3.). Mais on pourrait aussi attribuer l’emprunt au
gotique, contre Wartburg.
(54) Cf. encore agasc. topie «grand pot de terre» (14e-16e s.), gasc. [tu’pie] etc.
(FEW 17, 348a), qui ne peut être décisif, l’histoire de ce type étant passable-
ment obscure (cf. FEW 17, 349b, selon lequel le mot se serait diffusé «etwa im
7. oder 8. jh.»... «aus dem elsässischen»).
(55) Samaran/Loubès (1979, 31) précisent que «le terroir de Montréal était à che-
val sur deux diocèses. La bastide avec son église Notre-Dame et toutes les
paroisses de la rive gauche de l’Auzoue, à l’exception de Genens et Carlenx,
toutes les paroisses de la rive gauche au nord de Sassaup se trouvaient dès la
fondation dans le diocèse d’Agen, puis dans celui de Condom à partir de 1317.
Les autres paroisses étaient dans le diocèse d’Auch». On sait que ce dernier
diocèse incorpora celui d’Éauze en 663 (Mirot/Mirot 1979, 315). V. encore, du
point de vue archéologique, Lapart/Petit 1993, 263.
(56) L’ancienne paroisse se trouvait à un peu plus d’un kilomètre au sud-est de
Notre-Dame de Montréal (Perrin/Font-Réaulx 1972, 63); cf. encore Sama-
ran/Loubès 1979, 31.

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488 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

nom d’homme gotique Gaina/Gainas (Reichert 1987-1990, 1, 299-301)(57) –


i.e. G[Â]na(s) étant donné que la réduction de la diphtongue à une voyelle
de timbre [ε] est acquise dès la langue de Wulfila (Mossé 1969, 44, 45-7,
57-8) –, nom porté par un chef goth du 4e siècle (cf. Wolfram 1990, 161-3).
Il paraît donc que got. /n/ a été conservé dans *G[ε]NINGÔS > Genenx >
Génens. Or, ce nom de lieu est certainement à identifier avec la villa du
pagus d’Éauze(58) nommée Ginningus de la charte de Nizezius (680)(59). Il
faut donc supposer que dans Ginningus, où la graphie <i> représente deux
fois [e] (de façon anti-étymologique à l’initiale) suivant les habitudes de
l’orthographe mérovingienne (cf. -us pour -os dans le même document),
<nn> est une graphie inverse notant /n/ intervocalique maintenu (issu de
-NN- latin) dans une zone où /n/ < -N- était régulièrement amuï ou en voie
d’amuïssement.
6.1.2. Il est difficile ou impossible de faire usage de la plupart des
autres noms de lieux réunis par Gamillscheg (1934, 336 sqq.)(60). Un cas
d’amuïssement paraît toutefois clair: celui de Miusens (Landes), issu de
*MUNISINGÔS, avec interversion *Muisengs > Miusens, selon Gamillscheg
(1934, 320 343).
6.1.3. Le double traitement de got. /n/ qui paraît se dégager de ces
données ne peut être expliqué avec certitude d’une manière analogue à
celle proposée ci-dessus pour got. *F- (ci-dessus § 3) car on ne peut faire
état d’un même mot ayant subi ce double traitement. On ne peut donc
exclure l’explication des deux traitements différents par une différence de
date des emprunts.

(57) Cf. Wolfram 1990, 250.


(58) V. en dernier lieu Lapart/Petit (1993, 263, 326) et Ravier (1999, 138).
(59) Sur ce document, v. en dernier lieu Ravier 1999 (édition et commentaires) et
Chambon, à paraître, a. La charte de Nizezius est connue par une «copie du
Xe siècle, peut-être de la fin du IXe, que les érudits tiennent généralement pour
fiable» (Ravier 1999, 112).
(60) Brannens (Gironde) «ist unbestimmbar» (Gamillscheg 1934, 339); Canenx
(Landes) «ist -incus-Ableitung von lat. canna» (Gamillscheg 1934, 339);
Dognen (Basses-Pyrénées) < Donen, Doneng n’est pas clair quant au suffixe
(Gamillscheg 1934, 340 suppose que, si ce toponyme était d’origine gotique et
se rattachait à Dono, Dona, «es müßte [...] gotisches -n- mit dem aus -nn-
entstandenen romanischen -n- gleichgesetzt worden sein»: on doit donc sup-
poser qu’il considérait -N- > Ø comme postérieur à la période wisigotique; il
ne fait pas de remarque sur Génens); Munein (Basses-Pyrénées) < Munen
11e s. < Muning (Gamillscheg 1934, 343) est douteux pour le suffixe; Tonneins
(Lot-et-Garonne) «ist Germanisierung von Tonacum, Tonnacum», donc inutili-
sable.

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 489

6.1.4. Si *G[ε]NINGÔS a pu échapper à la règle (2), on doit conclure


que le premier stade, N-VÉLAR (2a), avait cessé, au moins dans certaines
conditions, de s’appliquer au moment de l’emprunt, supprimant ainsi
les conditions de possibilité de N-EFF. La période de (pleine) activité de
N-VÉLAR devrait donc être repoussée entièrement avant 511. Par transi-
tivité, A-PROSTH devrait être également repoussée avant 511.
6.2. On peut également tirer de la forme Ginningus un argument de por-
tée plus faible: le contrépel <nn> pour /n/ atteste indirectement NN-DÉGÉM
(5b). On assignera, sans certitude absolue, cette évolution à la date de la
charte (680), en se fondant sur le fait que le scribe de la copie figurée du 10e
siècle ou de la fin du 9e siècle(61) a respecté sur de nombreux autres points
les formes de l’original(62) (cf. à ce propos l’expertise de Ravier: «le latin de
la charte de Nizezius n’est ni plus ni moins que du latin mérovingien»)(63).
Il s’agit d’une «copie figurée [...] qui paraît être une reproduction
fidèle»; le caractère authentique de l’acte ne fait pas de doute(64).

7. L’âge du (proto)gascon: conclusions et conséquences


7.1. Il est possible de résumer de la façon suivante les résultats aux-
quels nous croyons aboutir: (i) les changements φ-GLOTT (seconde phase
innovatrice de [1]), N-VÉLAR (première phase de [2]), CACU (première
phase commune à [3] et à [4]), MB-ASSIM (première phase de [5]),
A-PROSTH (6) et B/W-FUS (7) sont assignables à des dates antérieures à
ca 600; (ii) le changement φ-GLOTT et peut-être N-VÉLAR et A-PROSTH
remontent à des dates antérieures à 511.
7.2. Il en résulte que l’individuation du gascon-par-définition était
entièrement acquise ca 600 au plus tard et que le début de ce processus
remonte au moins à la période wisigotique (ca 5e siècle). Cette conclusion
permet de réduire en partie le gap entre l’individuation phonético-phono-
logique du gascon et sa personnalisation lexicale(65).

(61) Cette copie figurée «paraît être une reproduction fidèle. L’authenticité de
l’acte ressort de ses caractères extrinsèques et intrinsèques» (Boyer 1962, 237).
(62) V. Chambon, à paraître, a: sur plusieurs autres points le témoignage de la
charte de Nizezius se trouve corroboré par des documents contemporains
originaux.
(63) Ravier 1999, 127.
(64) Boyer 1962, 237.
(65) «Il semble [...] que la Gascogne a possédé depuis la romanisation une certaine
indépendance linguistique vis-à-vis du domaine ibéroroman et de la Gallo-
romania» (Schmitt 1978, 325).

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490 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

7.3. On trouve dans la littérature tout un arsenal de formules pour


décrire la situation du gascon. Par exemple: une «unità in se, coordinata
al Provenzale» (Tagliavini 1969, 423); un «idiome détaché du provençal»
(Bourciez 1967, 755); un des deux «basic groups» de l’occitan (Wheeler,
in: Harris/Vincent 1988, 246)(66); une des «trois formes d’occitan» (Lafont
1991, 1); une des «quatre variétés fondamentales de l’occitan» (Ravier
1991, 82); un des cinq groupes de parlers de la langue d’oc et l’un des
trois de sa zone sud (Ronjat 1930-1941, § 847); une des trois composantes
(avec l’«occitan classique» [sic] et le catalan) du «galloroman “occitan”
(ou d’oc) ou occitano-roman» (Bec 1995, 6) et «presque une langue à part
dans le domaine occitan» (Bec 1970, 402); un des cinq «local dialects» du
South French (Provençal) dont les traits distinctifs sont tels que «some
have wished to set up as a separate variety, distinct from the other South
French dialects» (Hall 1974-1983, 1, 26); un «occitan relativement aber-
rant» (Allières 2001, 17)(67). Toutes ces formules situent le gascon par sa
relation avec l’occitan (coordination, détachement ou, le plus souvent,
inclusion). Bien que le caractère de ‘quasi-langue’ soit souvent évoqué et
qu’il constitue même un véritable topos de la romanistique, il paraît diffi-
cile d’apprendre quel linguiste après Luchaire (1879, 193) et, de façon très
nette, mais très rapide, Baldinger (1962, 331-2), suivi par Straka (1987,
408), a défendu explicitement la thèse de l’autonomie du gascon par
rapport au reste du domaine occitan autrement que comme une possi-
bilité(68).
7.4. Du point de vue de la linguistique génétique que nous avons
adopté ici, nous rejoignons l’opinion de Luchaire, de Baldinger et de
Straka: il paraît clair que le gascon, hautement spécifié ca 600 au plus
tard, ne peut être considéré comme un «idiome détaché du provençal» ou
comme une «variété/forme» ou encore comme un «dialecte/groupe de par-
lers» de l’occitan. En effet, «si l’on cherche des innovations qui soient

(66) Le «southwestern group consisting of Lengadocian and Gascon» (on ne voit


pas très bien comment ce groupe que le gascon formerait avec le languedo-
cien conservateur est compatible avec l’indication sur la date de divergence
précoce du gascon citée ci-dessus § 0.1.).
(67) À lire Wüest (1979, 363-70), on ne sait trop s’il considère le gascon avec le
catalan comme des «dialectes occitans» [363] ou non («l’occitan et le gascon
se ressemblent» [369]).
(68) Rohlfs (1966, resp. 104 et 179) parle de «sehr selbstständige Stellung im Rah-
men der südfranzösischen Sprachentwicklung» et de «ziemlich selbstständiger
Sprachtyp». Rohlfs (1970, 1) considère la question de l’autonomie du gascon
comme «purement académique».

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NOTE SUR L’ÂGE DU (PROTO)GASCON 491

propres à tout le domaine occitan, on ne trouve que des changements


relativement insignifiants» (Wüest 1979, 369)(69). À la date où le gascon est
linguistiquement individualisé, l’occitan ne pourrait se définir génétique-
ment que par une seule innovation ancienne à la fois commune à tout son
espace et spécifique(70), à savoir l’évolution en [-jr-] des groupes -TR-, -DR-
primaires ou secondaires (Ronjat 1930-1941, 220, 226), c’est-à-dire du
groupe */dr/. Cette évolution est attestée, avec résorption de yod, entre ca
560 et ca 675 par Disirado < DESïD(E)R{TU sur une monnaie arverne
datant de ca 620-ca 640 selon Depeyrot (Chambon/Greub 2000, 174), et
par Peirucia < *PETRüCIA dans la charte de Nizezius, document (non ori-
ginal) de Moissac datant de 680 (Ravier 1999, 116-7)(71). Elle est nécessai-
rement postérieure aux sonorisations dans l’environnement [+ voc, – cons]
– [+ voc] («vers la fin IVe siècle», selon La Chaussée 1974, 182). Ce serait
trop peu que de dire, avec Ravier (1999, 117), que ce «traitement [...] a
joué un rôle important dans l’émergence du romano-occitan»: étant le seul
de son espèce, ce changement «relativement insignifiant» aurait joué le
rôle majeur dans cette émergence... si émergence il y avait eu. Car il y a
tout lieu de renoncer à définir génétiquement l’occitan par un seul chan-
gement mineur(72), comme la langue romane qui dit peira. Par voie de
conséquence, l’occitan (ou «romano-occitan» selon la pittoresque expres-
sion de Ravier) n’a jamais émergé. On peut penser qu’il a plutôt
convergé, d’abord de manière négativo-passive (cf. Chambon/Olivier 2000,
104-5).

(69) Wüest (l.c.) précise: «l’évolution -TR-, -DR- > -yr-, la vocalisation de /v/ final
secondaire, qui est aussi catalane, et à la rigueur, un certain traitement des
voyelles finales». La vocalisation de /v/ final étant à exclure comme non spé-
cifique et la dernière allusion nous demeurant obscure, la liste se réduit au
traitement de -TR- et -DR-.
(70) Encore conviendait-il d’introduire des nuances. En fait, l’évolution de -DR- est
partagée par le catalan, et celle de -D’R- par l’ancien catalan; cf. Badia i Mar-
garit (1981, 233) et Merk (1983, 351 n. 26). On trouve des traces du même
changement en aragonais (Wüest 1979, 256), qui connaît la même solution que
l’occitan (fraire), à côté des traitements -dr- et de la conservation (Saralegui
1992, 46). C’est l’unicité des issues qui est spécifique de l’occitan... et du ligu-
rien. Il faut aussi noter des exceptions (marginales) dans le domaine occitan
(maintien de -dr-; v. Ronjat 1930-1941, 220; Chambon, à paraître, b, § 2.1. et n. 6).
(71) V. ci-dessus § 6.2. et n. 61 et 62.
(72) Il est symptomatique que ce trait n’apparaisse justement pas parmi les carac-
téristiques canoniques de l’occitan énumérées par Ronjat (1930-1941, 1, 6-7) et
reprises par Bec (1995, 23-6). Les listes en question ne contiennent aucune
innovation commune ancienne (la fermeture de [o] à [u] est commune avec le
roussillonnais et «elle a dû se généraliser au cours du XIVe siècle», Bec 1995,
25). Ronjat (1930-1941, § 5) a vivement perçu l’impossibilité de définir géné-

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492 JEAN-PIERRE CHAMBON - YAN GREUB

7.5. En résumé, le gascon n’a pu se détacher d’un ensemble linguis-


tique qui n’existait pas – ou, si l’on préfère, qui n’existait pas encore(73) –
au moment où il était lui-même constitué. Il ne peut par conséquent être
considéré comme un dialecte ou une variété d’occitan au sens génétique
de ces termes («forme idiomatique évoluée de»). Du point de vue géné-
tique, le (proto)gascon est à définir comme une langue romane autonome.
On pourrait dire, en s’inspirant de la formule de Tagliavini (1969, 423),
que cette langue s’est coordonnée ensuite, sociolinguistiquement et, dans
une certaine mesure, linguistiquement(74), au provençal.

Université de Paris-Sorbonne. Jean-Pierre CHAMBON


Centre du FEW, Nancy. Yan GREUB(75)

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par une définition d’essence mathématique») et il tourne la difficulté par un
constat (tout personnel): «Je constate que les gens qui parlent provençal se
comprennent entr’eux, ne comprennent pas les autres et ne sont pas compris
par eux, et réciproquement, et je cherche à expliquer ensuite ce fait constaté
d’abord».
(73) Et qui ne peut être que post-défini d’un point de vue non génétique.
(74) Cf. Allières 2001, 230.
(75) Les auteurs adressent leurs vifs remerciements à Jean-Paul Chauveau (Nancy)
pour ses remarques et conseils avisés.

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Tagliavini (C.), 1969. Le origini delle lingue romanze, 5e éd., Bologne.
TLF = Trésor de la Langue Française, 16 vol., Paris, 1971-1994.
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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA
EN EL SIGLO XVI

1. Condiciones históricas de los sefardíes antes y después


de las expulsiones
Las variedades ibero-románicas habladas por los judíos de la Penín-
sula hasta al final del siglo XV no parecen, al estado actual de nuestros
conocimientos, tener una fisionomía propia, desde el punto fonológico y
morfo-sintáctico, frente a las variedades co-territoriales habladas por los
cristianos. Esto, a menos, es el resultado de varias investigaciones hechas
en los últimos años sobre documentación aljamiada (i.e. en caracteres
hebreos) procedente de diversas regiones españolas (Castilla, Aragón,
Navarra) y, en medida inferior, portuguesas.
La referencia a “variedades ibero-románicas” y, dentro de estas, a
“variedades hispánicas”, alude a la hipótesis de que los judíos prove-
nientes de distintas regiones de la Península Ibérica hablen de manera
distinta y de que, por tanto, no exista una koiné (variedad común sobre-
regional) judeo-española hablada antes de la oleada de expulsiones del
final del siglo XV.
Algunos hechos históricos parecen confirmarlo: al final del siglo XV
viven en la Corona de Castilla 75.000 ~ 80.000 judíos, en la Corona de
Aragón 10.000 ~ 12.000 judíos, el Reino de Navarra 200 ~ 250 familias
judías; la gran mayoría de los judíos hispánicos, entonces, se concentra
en la Corona de Castilla. Ahora, lo que caracteriza la población judía de
la Corona de Castilla durante el siglo XV es su extrema dispersión (ca.
400 lugares), su relativa instabilidad (come se deduce de la fuerte oscila-
ción de las cantidades de impuestos), y el predominio de las comunidades
rurales, con población escasa en las antiguas ciudades asiento de famosas
juderías(1).
Estas condiciones no son favorables al desarrollo de fenómenos de
koineización, como los que se encuentran después de las expulsiones. La

(1) Caro Baroja 1986, vol. I 193-226; Kamen 1988; Suárez Fernández 1988, 235-237;
Bel Bravo 1989; Ladero Quesada 1995.

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498 LAURA MINERVINI

formación de una koiné judeo-española, gradualmente alejada de las nor-


mas que se afirman en el español peninsular, es consecuencia de nuevas
condiciones históricas, sociales y culturales. Estas condiciones son el resul-
tado del desarraigo de personas pertenecientes a comunidades lingüística-
mente distintas, y de su reagrupamiento en comunidades mixtas en Mar-
rueco y en los territorios del Imperio Otomano.
La migración de judíos de la Península Ibérica, aunque tenga mucha
penetración e influencia sobre el judaísmo internacional, es más pequeña
numericamente y más lenta de lo que se piensa: el total de la migración
española, en 1492, sería de 40.000 ~ 50.000 personas(2), o, según otros
cálculos, de ca. 95.000 personas (casi toda la población judía), pero con
oleadas de retornos, debidas a los bautizos posteriores a la expulsión(3). A
esto se añade una fuerte migración de conversos a lo largo del siglo XVI,
consecuencia de la conversión forzada en Portugal en 1496, de la matanza
de cristianos nuevos en 1506, etc.
Marrueco es el país de África del Norte que recibe más expulsados.
Ya antes de 1492 hay en Fez congregaciones (qehalim) de castellanos,
mallorquines, quizás de catalanes, y de oriundos de Andalucía; en 1496
están documentadas congregaciones de castellanos, aragoneses, granadinos
y portugueses. A lo largo del siglo XVI los expulsados (megora‘im) se
imponen a los autóctonos (to‘avim), hasta que, a partir de 1545, son rati-
ficadas las taqqanot de los “castellanos” (denominación única de los judíos
ibéricos). A pesar de esto, al cabo de unas generaciones se asiste a la asi-
milación lingüística de los megora‘im en Fez y en lo demás de las comu-
nidades, con exepción de Tetuán; aquí la comunidad israelita, establecida
en forma de qehillah por el rabino H . aim Bibas de Fez, está compuesta, en
su gran mayoría, de judíos procedentes no directamente de la Península
Ibérica, sino de Ceuta, Tanger, Arcila y sobre todo Fez(4).
En el Imperio Otomano residen, al final del siglo XV, judíos roma-
niotas (yehudim romanyotim) y judíos arabizados (yehudim mista’aravim,
los que han residido en el Estado Mameluco), a los cuales se añaden, des-
pués de 1492, los sefardíes. Las principales comunidades judías desde el
siglo XVI en adelante son Istanbul, Salónica, Edirne y Safed; en el siglo
XVII se asiste a la subida de Smirna (Izmir) y Jerusalén. Elemento carac-
terístico del judaísmo otomano en este periodo es la ausencia de una

(2) Kamen 1988.


(3) Ladero Quesada 1995.
(4) Leibovici - Vilar 1992, 191, 197-199, 214; Barnai 1992b.

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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA EN EL SIGLO XVI 499

fuerte tradición jerárquica y la estructuración como sociedad de imi-


grantes heterogeneos, cada grupo (‘edah) con sus tradiciones, rituales,
costumbres, prácticas legales(5). La comunidad (qehillah) está organizada
en congregaciones (qehalim); cada qahal tiene sinagoga propia que sirve
como centro religioso, educativo y social, y constituye una unidad fiscal.
Los judíos de procedencia ibérica se organizan inicialmente muchas
veces en qehalim según su lugar de orígen, pero la repartición no es
duratura, sea en el sentido de ulteriores fragmentaciones por criterios no
geográficos, sea en el sentido de una sucesiva tendencia a la unificación y
a la mezcla. Así al fenómeno de progresiva fragmentación de las congre-
gaciones y de fundación de nuevas, por varios motivos (disentimientos
personales, problemas fiscales, etc.), sigue, del final del siglo XVI, una ten-
dencia centrípeta, con colaboración y unificación entre las congregaciones:
el centro de gravedad se traslada en la mayoría de las ciudades a la comu-
nidad, mientras que los qehalim mantienen competencias principalmente
en lo referido a la sinagoga, al culto y a la vida diaria(6).
Casi desde el principio, opera un proceso de integración y acultura-
ción, con mezcla de judíos de diferentes orígenes y con frecuencia de
matrimonios “mixtos”. Los cambios demógraficos en la estructura de los
barrios causan la pérdida del caracter de “paisanaje” de los qehalim, que
(aunque queden generalmente los nombres antiguos) se organizan sobre
base espacial de barrios y lugares de residencia. Este proceso, que se ace-
lera en las primeras décadas del siglo XVII y sigue durante los siglos
XVIII-XIX, produce la sefardización de la comunidad judía otomana: por
el predominio cantitativo y calitativo de los rabinos sefarditas, grupos dife-
rentes adoptan lengua, rituales, costumbres, tradiciones legales de los
sefardíes(7).
La situación aparece uniforme en las ciudades imperiales y en los dis-
tritos de Anatolia, de los Balcanes y de las provincias orientales, mientras
que en Istanbul el proceso es más lento, porque los sefardíes son minori-
tarios(8). En la parte arabófona del Imperio Otomano, los sefardíes ocupan
posiciones de liderazgo comunitario durante el siglo XVI, pero son cultu-
ralmente absorbidos por los judíos locales, y gradualmente abandonan el

(5) Levy 1992, 49.


(6) Heyd 1953, 307-308; Inalcik 1991, 514; Shaw 1991, 51-53; Hacker 1992, 113;
Barnai 1992a, 100; Rodrigue 1992, 166; Rozen 1994.
(7) Levy 1992, 62; Barnai 1992a, 100; Hacker 1992, 16; Rozen 1994.
(8) Levy 1992, 63.

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500 LAURA MINERVINI

uso del español; en algunas ciudades de grande importancia comercial


(Damasco, Alepo, el Cairo), mantienen su individualidad hasta al siglo
XVIII; en algunas ciudades palestinas (Jerusalén, Safed, Tiberias, Hebrón),
por la continua imigración de judíos sefardíes y por los fuertes contactos
con los centros otomanos, los sefardíes emergen como elemento domi-
nante y imponen su lengua y cultura.

2. La formación de la koiné judeo-española

Se ha hablado mucho del conservadurismo de las hablas judeo-


españolas, presentadas a veces como monumentos de arcaísmo, casi un
espejo fiel de la situación lingüística peninsular del final del siglo XV. Esta
actitud, que tiene paralelos en la consideración de otros aspectos de
la cultura sefardí, es muy antigua, pues la encontramos ya en las muy cita-
das palabras del canonico cordobés Bernardo de Aldrete: «Los quales [=
los judíos] en Italia, Salonique, i Africa los que fueron de España hablan
aun toda via el lenguage, que lleuaron della, i se reconoce que es de
aquella edad, diferente del desta»(9).
No deja de sorprender el hecho de que la mayoría de los lingüístas y
dialectólogos contemporaneos, siguiendo las huellas de sus antecesores
de principio del siglo XX, todavía caractericen a las hablas judeo-españolas
exclusivamente en términos conservativos. En realidad las investigaciones
sociolingüísticas de los últimos decenios han demonstrado que las comuni-
dades en que dominan redes sociales débiles son más expuestas al cambio
lingüístico, y, más en general, a las inovaciones sociales; la migración
implica relajamiento o disintegración de los lazos sociales fuertes, de
manera que en las comunidades de emigrados sería de esperarse un incre-
mento del cambio lingüístico(10). Esto es precisamente lo que pasa en el caso
de los judíos sefardíes, que con el destierro experimentan una verdadera
restructuración de sus redes sociales y de sus repertorios lingüísticos(11).
La restructuración de los repertorios lingüísticos en una situación de
contacto interdialectal se consiste, en un primer periodo, en la producción
de abundantes variantes en el habla de todos; después, hay selección de
ciertas variantes y abandono de otras, resultando al final un nuevo
dialecto. La reducción de variantes se hace a base de distintos factores:

(9) Aldrete 1614, 263.


(10) Milroy - Milroy 1985; Trudgill 1986.
(11) Penny 1992a, 1992b; 2000, 176-179.

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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA EN EL SIGLO XVI 501

demografía (no automaticamente), prominencia (consciencia de los


hablantes), simplicidad (regularización de los paradigmas), nivelación
(abandono de variantes infrecuentes o marcadas)(12).
Entre los judíos sefardíes, el proceso de nivelación interdialectal tiene
como base el castellano, lengua que por motivos de tipo político, econó-
mico y socio-cultural se va imponiendo desde hace siglos en todas las
regiones del país (y aún en Portugal). A este proceso se acompaña, como
se ha dicho antes, la gradual absorción lingüística y cultural de comuni-
dades judías de otras tradiciones lingüísticas (griegos, italianos, eslavos, y
en medida menor árabes), que parece ser muy precoz.
En los años 1546-1549 el naturalista francés Pierre Belon du Mans,
viaja por Grecia, Turquía y Medio Oriente; en la ciudad mineraria de Side-
rocapsa, en Macedonia, observa: «Les Iuifz en cas pareil y sont bien mul-
tipliez, qu’ils ont faict que la langue Espaignolle y est casi commune: &
parlants les vns aux autres, ne parlent autres langages»(13). Muchos
testimonios más tardíos de judíos y conversos antes el Tribunal de la Inqui-
sición confirman que el (judeo-)español se ha vuelto lengua de comunica-
ción general en el mundo judío mediterraneo: por ejemplo, el proceso
(Pisa, 1600) a Emmanuel hijo de Isaac Abuaf (alias Enrique Gomes), que
sostiene ser nativo de Salónica y emigrado a Italia a la edad de 10 años:
Interrogatus se lui habbia la lingua spagnuola e dove l’ha imparata,
respondit: Io so la lingua castigliana, se bene parlo italiano et l’ho imparata
domesticamente in casa di mio padre perché tutti gl’Hebrei levantini la
parlano universalmente come cosa certa. Interrogatus che non è verissi-
mile che s’impari la lingua d’una provincia estranea senza esservi stato
massime esattamente che, praticando con altri, si potria bene imparare
qualche parola ma non esattamente tutta la lingua e scriverla, respondit:
Io ho giurato dire la verità e la dirò, vostra signoria si potrà informare
che, non solamente in tutto il Levante, ma in Venetia et in Ancona e
Ferrara e qui in Pisa, i nostri fanciulli hebrei li precettori, che di sei anni
gl’incominciano a insegnare la Scrittura, gliela leggono in lingua spagnuola
interpretandola e tutti li traffichi e commertii in Levante si tengono in
spagnuolo con caratteri hebraici, ma io tengo li miei libbri in lingua
italiana con carattere italiano e così non vi è difficoltà che gl’Hebrei
sappino la lingua spagnola ancorché siano nati fuori di Spagna […](14).

(12) Sala 1970; Penny 1992a, 1992b; 2000, 179-192.


(13) Belon du Mans 1553, 45v.
(14) Ioly Zorattini 1997, 76-77.

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502 LAURA MINERVINI

Siempre en 1600, así se defiende Mair Lombroso, residente en Italia


desde 1569:
Io parlo italiano perché, sendo stato tanti anni a Venetia e qui, so
benissimo la lingua italiana et son nato nel Cairo, come ho detto, e non
sono mai stato in Spagna né in Portogallo e so la lingua turchesca e
moresca così bene come la spagnuola, almeno la moresca. E la lingua
spagnuola l’ho imparata in Salonic et anche nel Chairo, ma in Salonic tutti
gl’Hebrei e la maggior parte de Turchi parlano spagnuolo et qui et in
Venetia et in tutto il Levante li nostri rabini non fanno le prediche in altra
lingua che in lingua spagnuola e per questo l’intendo et anche la parlo non
perché io sia mai stato in Spagna né in Portogallo, né di questo vi possono
esser prove di altro che di quello che vi dico […] Io non tengo che quelli
che sanno parlare spagnuolo o portoghese, che son Hebrei, per questo si
possa dire che siano stati Christiani perché, come vi ho detto, tutti li fan-
ciulli, anche che siano italiani, imparano fra noi Hebrei parlare spagnuolo
e lo parlano benissimo et imparano a leggere e le nostre prediche si fanno
tutte in spagnuolo. Et in tutto il Levante tutti gl’Hebrei parlano spagnuolo
ancorché nati in Levante et in Turchia, come sono nato io(15).
La propuesta de M. L. Wagner(16) relativa a la génesis de las hablas
judeo-españolas orientales (hablas de Istanbul y de Asia Menor de orígen
castellana, hablas de Macedonia, Grecia, Bosnia, y parte de Bulgaria de
orígen occidental) ha sido eficazmente refutada por I. S. Révah(17) en un
importante artículo, donde se presenta una primera tentativa de periodi-
zación de la historia lingüística judeo-española. Según Révah, todas las
hablas judeo-españolas tienen orígen andaluz y nuevo-castellano; esta
teoría, aún si en formas más matizadas, circulaba ya antes del artículo de
Révah, y todavía está aceptada por la mayoría de los investigadores. Uno
de los problemas al cual se enfrenta esta teoría es de tipo demográfico:
los judíos andaluces representan una minoría en la masa de los expulsa-
dos, donde tanpoco los castellanos (nuevos y viejos) aparecen mayorita-
rios(18). Révah, consciente del problema, explica la supremacía de las varie-
dades castellanas nuevas y andaluzas con razones de prestigio(19), lo que
podría resultar aceptable por el castellano pero parece dificil (a esta
altura cronológica) por el andaluz.

(15) Ioly Zorattini 1991, 347-349.


(16) Wagner 1923, 1930.
(17) Révah 1965.
(18) Bel Bravo 1989, 57; Ladero Quesada 1971, 1995.
(19) Révah 1965, 1535.

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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA EN EL SIGLO XVI 503

Las investigaciones de los últimos años nos proponen una imagen de


la situación lingüística hispánica de los siglos XV-XVI bastante distinta de
la que tenía Révah y por tanto permiten tratar la cuestión de manera
diferente. En primer lugar, sabemos que coexisten en la España castellano-
hablante de este periodo distintas normas lingüísticas, cuya distribución
está conectada con factores sociales no menos que con geográficos; esta
coexistencia se explica por la duración y la gradualidad en la aceptación
social de las innovaciones(20). En segundo lugar, se ha adelantado la fecha
de aparición y ampliado la area de documentación de muchos fenómenos
que antes solían atribuirse a una fecha más tardía y a areas geográficas
más circunscritas, tales como el ensordecimiento de las consonantes sibi-
lantes sonoras, la debilitación de las africadas, la confusión yeísta (21). Final-
mente, por lo que atañe a la documentación de procedencia judía anterior
a 1492, se ha demonstrado no sólo que las variedades penínsulares escri-
tas por los judíos no se pueden caracterizar in toto como arcaizantes, sino
también que a veces aparecen más desarrolladas respecto a la koiné que
saldrá de la fase de nivelación del siglo XVI.
Así en la documentación aljamiada hebrea encontramos ejemplos de
defonologización de la oposición /b/ ~ /v/ (o /ß/) en posición inicial de
palabra: bezino (Tarazona 1391), billa (Valladolid 1432), bestidura (Valla-
dolid 1432), baca (Zaragoza 1488), buestro (Calatayud 1492), vandería
(Valladolid 1432), varón (Zaragoza 1465), etc.(22); de yeísmo: Bia Sarta
(Estella 1323), coy[a]r[e]te (Pamplona 1363), aveianas (Pamplona 1400),
etc.(23); de seseo - çeçeo: sidar (Huesca 1305), estop[a]so (Pamplona 1360
ca.), si[e]rta (Tudela 1370 ca.), disonobe (Aguilar de Campó 1381), nese-
sario (Zaragoza 1465), ç[o]ldero (Pamplona 1362), siseroç (Pamplona
1362), çiet (Tarazona 1391), ezmaltes (Valladolid 1432), çentençia (Zara-
goza 1465), etc.(24); de pérdida de la correlación de sonoridad entre
sibilantes: bixil[i]a (Pamplona 1362), judiçio (Zaragoza 1465), amenaça-
dores (Zaragoza 1488), plaçe (Calatayud 1492), façenda (frontera navarro-
castellana ca. 1474-1492), estopazo (ibidem), etc.(25).

(20) Alarcos Llorach 1988, 54; Varvaro 1992, 304; Penny 2000, 63-73.
(21) Frago Gracia 1989; Idem, 1993, 213-373, 501-508; Lope Blanch 1989, 188; Parodi
1995, 44, 90-91.
(22) Minervini 1992, vol. I 48-49.
(23) Assís et alii 1992, 10.4v.4, 36.2v.11, 42.1v.9.
(24) Minervini 1992, vol. I 60; Assís et alii 1992, 33.3.15, 33.2v.7, 40.2.8, 43.9.
(25) Assís et alii 1992, 35.6v.17; Minervini 1992, vol. I 60. La grafía aljamiada de
época medieval no señala distinción entre los fonemas /s/ - /z/.

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504 LAURA MINERVINI

Contrariamente a lo que creía Révah, las hablas judeo-españolas


orientales no son el resultado del desarrollo directo e ininterrumpido de
las hablas de Andalucía y Nueva Castilla en 1492; ellas son, como se ha
dicho antes, el resultado de un proceso de restructuración ocurrido a lo
largo del siglo XVI, y en particular de los mecanismos de selección de las
variantes aceptadas frente a las que se quedan marginadas y no serán
parte del judeo-español común. Debido a la documentación utilizada
(mayoritariamente de tipo literario) Révah parece tanbién sobrestimar la
velocidad del proceso de nivelación(26). En realidad la fase de selección
entre variantes está precedida por una larga fase de vacilación, en la que
abundan variantes de todo tipo, a veces con soluciones más “avanzadas”
de las que acabarán afirmandose.
Resulta por tanto evidente que la historia lingüística de las hablas
judeo-españolas no se puede describir como una trayectoria rectilínea:
esta afirmación es válida en relación a cualquier lengua natural, y aún más
a las que han experimentado fases de violenta crisis demográfica y social
e intenso contacto interdialectal como el judeo-español.

3. Hacia una caracterización del judeo-español del siglo XVI


Quisiéramos aquí proponer un esbozo de una investigación en curso,
que necesitará un análisis más aprofundizado de los textos y, posible-
mente, también la ampliación del corpus textual. Nuestra caracterización
de la fase formativa del judeo-español está basada sobre los siguientes
textos del siglo XVI y del principio del siglo XVII:
CY = Coplas de Yoçef (1533)
PC = Pentateuco de Constantinopla (Istanbul, 1547)
CA = Carta a Avraham alom (Safed, ante 1557)
RV = Regimiento de la vida de Mo‘eh Almosnino (1564) (Salónica,
1564)
OS = Ordenanza suntuaria de la comunidad de Salónica (Salónica,
¿1564?)
CRO = Crónica de los Reyes Otomanos de Mo‘eh Almosnino (¿Salo-
nica?, post 1567)
IJ = Traducciones de los libros de Isaía y Jeremía (Salónica, 1568)
H = Šul∞an hapanim, livro lyamado en ladino meza del alma (Saló-
nica, 1568)
H
.H = Hovat halevavot de Sadik b. Yosef Formón (Salónica, 1569)
OF = Traducción del Orlando Furioso (¿Turquía - Venecia?, 1580)

(26) Révah 1965, 1355.

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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA EN EL SIGLO XVI 505

H
. = H. e‘eq Šelomoh de Mo‘eh Cordovero (Salónica - Venecia,
1588)
BMA = Balada de la mujer adúltera (ca. 1580-1590)
R H = Responsa de R. elomoh Hakohen (Venecia, 1592)
R M = Responsa de R. emuel de Medina (Salónica, 1594)
ZI = Incipit de canciones españolas en el Zemirot Isra’el de R. Israel
Najara (Salónica 1599)
ST = Traducción del Siddur Tefillot (siglo XVI)
EM = Endecha de la madre que comió a su hijo (siglo XVI)
RM = Recetas médicas (1550-1600)
CM = Carta del pequeño Menahem (Smirna, principios del siglo XVII)
GB = Glosario bíblico de Ya‘aqov Lumbrozo (Venecia, 1639)(27)

Téngase en cuenta que PC, RV, OS (?), IJ, H, H . H, H


. , R H, R M,
ZI, GB son impresos, mientras que CY, CA , OF, BMA, CRO, ST, EM,
RM, CM son manuscritos (a veces copiados de ediciones impresas),
aunque la diferencia lingüística no sea automática.
Entre los fenómenos que se encuentran comunmente en la mayoría
los textos, hay:
– vacilación en el vocalismo átono, en particular por asimilación (Umlaut):
rincura (CY), entinçiones (OF), mochidumbre (ST), hermuzura (CY,
PC), estiryor (RV), ǰustidad (PC), absuluta (CRO), criación (CRO),
cosmogrofía (CRO), etc.
– vacilación en los diptongos (hypo- e hiperdiptongación): rogo (CA ),
bona (BMA), preba / preva (CY, PC, H . , ST), vestra (BMA), setembre
(CRO), conta (R M), longo (CRO), queren (CM), mostres (CM),
riquieza (ST), quierer (CRO, H . H), dientro (OF, ST, H), niegar (PC,
H. H), despyertar (H . ), requiería (CRO), quiedaron (CRO), puedí
(CRO), iermandad (IJ), cuerte (CRO), etc.
– seseo - zezeo: dulse (OF), alçasiones (PC), folgansa (H. ), enpesar (RV),
amanesca (OS), moso (R M), servisio (CM), ensima (CY), çiempre (ST),
çerbir (PC), cozas (RV), famozo (CY), guzano (CY), pozo (ST), pezar
(R H), mizeridad (H . H), bezar (CM), etc.(28)

(27) CY = Lazar 1990 y ms., Biblioteca Apostolica Vaticana, Neofiti 48; PC = Lazar
1988, Sephiha 1973, Amigo Espada 1990; CA = Gutwirth 1985; RV = Zemke
1999; OS = Danon 1900; IJ = Sephiha 1970, 1973, Bunis 1997; H = Bunis 1993;
H. H = Bunis 1993; OF = Minervini 1997; H . = Bunis 1997; BMA = Gutwirth
1984; R H = Benaim 1999; R M = Benaim 1996; CRO = Luzzatto y Ottolen-
ghi 1972, Romeu y Hassán 1992, Lleal 1992, Romeu 1998; ZI = Seroussi en pre-
paración; ST = Lazar 1995, Minervini 1998; EM = Gutwirth 1990-1993; RM =
Crews 1967, 1970; CM = Lewis 1981; GB = Bunis 1994.
(28) En el judeo-español moderno se conserva la correlación de sonoridad entre
sibilantes, mientras que se pierde la articulación africada.

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506 LAURA MINERVINI

– instabilidad articulatoria de las prepalatales (con pérdida de la correla-


ción de sonoridad): quiǰo (CA , PC, R M), quiǰeron (R M), diǰimos
(CRO), viǰitar (PC, H . , R M), diǰo (ST, R M), aleǰados (ST), ‘u‘ga
(ST), are‘istarsean (ST), trava‘o (GB), etc.
– asimilación de n en grupos consonánticos: encotro (CY), velutades (CY),
ricones (CY), denusiar (PC), preçipio (PC), sircusyones (H. ), renusyar
(ST), delatre (ST), etc.
– ue > gue : güerta (PC, CRO), güeso (PC, OF), güérfano (H . ), vigüela
(H. ), güeste (CRO), etc.
– metátesis: proveza (OF, H . ), estormentos (CRO), prostimerías (H . ),
sobrevyo (ST), ǰerenal (H
. H), pervilejos (H
. H), porpoziçyon (RV), motle-
picaßa (H . H), presonas (R M), cuadreno (R M), porporción (CRO),
intrepetar (CRO), etc.
– desinencias de 2° pers. pl. -a‘, -e‘, -o‘: estima‘ (OF), esté‘ (OF, CA ),
mandaré‘ (CA ), alcansaré‘ (H . ), so‘ (H . H), etc.
Entre los fenómenos que aparecen esporádicamente en nuestro cor-
pus textual y que se encuentran plenamente afirmados en el judeo-español
de los siglos XVII-XVIII hay:
– Ø < h-, f-: iǰo (CA , R M), erida (OF), oǰas (OF), avlar (H
. ), azer
(R M), etc.(29)
– yeísmo: fay[a]rme (CA ), yorar (CA ), yamar (ST), degoyado (EM),
tranquías (BMA), con casos de ultracorrección, lyugo (IJ, H
. ), algualya
(H. ), alyuda (ST), etc.
– palatalización de la sibilante en grupo -sc- : pe‘cadores (H. ), mo‘ca
(H. ), ari‘car (CRO), etc.
– vacilación entre r y l : folor (PC, ST), escolpión (ST), prenismo (H ,
ST), afreir / afriir (PC, H
. , ST), mortar (ST), flota / frota (CRO), etc.
– epéntesis de consonante nasal: muncho (CA , BMA, ST), sonporte
(H. ), mantansa (H
. ), fortenza (ST), malinsya (ST), epilencía (CRO),
etc.
– 1° pers. sg. y pl. del perfecto de los verbos de 1° conj. en -i, -emos /
-imos: llebí (R H), quedemos (CRO), olvidemos (H . ), falsimos (H. ),
demandimos (R M), arecabdimos (R M), etc.
– desinencia -stes 2° pers. pl. perf.: de‘astes (CAS), catastes (H
. ),

(29) En el judeo-español moderno de area balcánica nordoriental y de Marrueco f-


sigue pronunciado en muchas palabras, cf. Sala 1996, 363.

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LA FORMACIÓN DE LA KOINÉ JUDEO-ESPAÑOLA EN EL SIGLO XVI 507

despoǰastes (H
. ), etc.
– formas del pron. pers. y del adjetivo pers. de 1° pers. pl. mos, mosotros,
muestro (CA , ST, R M, R H)
– numerales vente (PC, CRO, H), trenta ( H, CRO), etc.
– sufijo -ico : minudico (BMA), hiǰicos (H
. H), mezurica (H
. H), paredica
(R H), pedasico (R M), etc.

Entre los fenómenos que aparecen más o menos esporádicamente y


que no tendrán general aceptación, aunque se encuentren a veces en
textos judeo-españoles posteriores hay:
– vacilación entre -s- / -ç- y -z- (pérdida de la correlación de sonoridad
entre sibilantes): cosa (CY, PC), caça (PC), desear (EM), susyeda‰ (H. ∑ ),
ǰuisyo (H
. ∑ ), bendesirá (ST), b[a]rveses (ST), ǰudesmo (H . H), mismo
(R∑ M), desían (GB), alzán (GB), almorzar (BMA), etc.
– vacilación b- ~ v-: bolverse (RV), bisioza (PC), bulba (H . ∑ ), beluntad
(ST), berdá (ST), vazyaron (H . ∑ ), visagüelo (CRO), verenjena (GB),
vibir (GB), etc.(30)
– debilitación y desaparición de -r y -d finales, con vacilaciones entre los
dos en todas la posiciones: susyeda‰ (H . ∑ ), prenizmeda‰ (H. ∑ ), estam-
padó (CY), sibdá (ST), berdá (ST), mersé (R∑ M), desbaratá (CY), ver-
dar (CY), ataur (CY), vegara (CY), resconsolada (CY), arbolera (ZI),
edar (R∑ M), etc.
– oe, oa por ue, ua (¿ultracorrección?): boeno, foego, lengoa, etc. (ST),
loego, toerto, coando, etc. (CY)
– vocal epentética en los grupos consonánticos iniciales: perisa, palaze,
teriste, etc. (BMA)
– Îeísmo: ǰubia, ǰamar, ǰoremos, etc. (ST)
– debilitación de g en posición inicial e interna: relanpaÁos (H
. ∑ ), ǰusÁar
(ST), aÁuas (ST), antiuuos (ST), uuardar (ST), etc.
– pron. pers. de 2° pers. pl. os (BMA, CY)
– infinito conjugado: seren (PC, H . H, R∑ M), fazieren (R∑ M)
– portuguesismos y en general no-castellanismos: falar (CY), fuerdes (CY),
oierdes (ST), seǰa (ST), dita (R∑ M, CRO), a letra (R∑ M), o dito (R∑ M),

(30) En el judeo-español moderno de area balcánica la distinción entre /b/ y /v/ o /ß/
en posición incial de palabra es fonémica.

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508 LAURA MINERVINI

etc.
La fase formativa de la koiné judeo-española aparece por tanto
caracterizada, de una parte, por la difusión de elementos propios de la
lengua hablada, vulgares o marginales en el español penínsular(31); de la
otra parte, por la proliferación de variantes, o sea por un acentuado poli-
morfismo. Los estados polimórficos son, en las palabras de M. Lope
Blanch, «situaciones de efervescencia lingüística [que] actúan en contra de
una posible homogeneidad. Son, en cambio, sinónimos de variedad, de
heterogeneidad, y síntoma inequívoco de intensa actividad lingüística,
impulsora de cambios, que no siempre siguen idéntico camino en todos los
territorios»(32). Y efectivamente los textos del siglo XVI, en su fuerte hete-
rogeneidad geográfica, temática, estilística, nos dan una imagen rica, vital
y caótica de la situación de las hablas sefardíes de la época; nos muestran
las potencialidades del sistema antes de la parcial fijación de una norma
(a menos a nivel literario) que se afirmará a partir del siglo XVII.
Quedan sin respuestas unas interrogativas básicas, relativas a los
mecanismos de selección entre variantes, al prestigio de cada una, a la
circulación de libros, personas y tradicciones lingüísticas. A penas podemos
mencionar el tema de la influencia (muy subestimada) del mundo mar-
rano y por su trámite del portugués sobre las hablas judeo-españolas
orientales (piénsase en la correlación de sonoridad entre sibilantes o en la
distinción entre b- y v-). Parece, de toda manera, fundamental abandonar
una actitud que identifique la historia del judeo-español con la pura y
simple conservación de la situación lingüística medieval, ignorando la vita-
lidad de la situación posterior, con el intenso contacto interdialectal, la
contienda entre modelos alternativos, la gradual afirmación de una norma
que nunca llegará a una estandardización definitiva.

Università di Napoli Federico II. Laura MINERVINI

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UN PRONOM ON EN ROUMAIN ?
OMUL – PRONOM INDÉFINI

1. L’étymologie de on (1)

«Le pronom indéfini on représente le nom latin homo développé


en position atone», écrit Wartburg, dans la deuxième édition (1950) du
Dictionnaire étymologique de la langue française (entrée homme). Dans la
première édition de son dictonnaire (1932), O. Bloch avait écrit: “L’ancien
nominatif huem a disparu devant une autre forme l’(h)om, refaite sur
homme, qui est devenue pronom indéfini, aujourd’hui on, l’on, par un
développement dû à l’influence de l’allemand man, cf. om, français, et man
germanique dans les Serments de Strasbourg.” Il reprenait l’hypothèse de
Diez, EW (uomo) appuyée par Meillet (cité dans FEW 4, 458b).
Dans le FEW (1949, entrée homo), Wartburg a écarté cette proposi-
tion par un raisonnement qu’il a ainsi formulé dans la seconde édition de
Bloch et Wartburg, parue en 1950:
“Puisque tous les parlers romans, y compris l’italien et l’espagnol,
connaissent aussi des représentants de homo comme pronom indéfini, il
est peu probable que, comme on l’a soutenu, le français on soit dû à une
imitation de l’allemand man, qui aurait été importé en Gaule par les
Francs. Tout au plus, c’est peut-être grâce à ceux-ci que l’usage de on est
devenu plus général et fréquent en français que celui des formes corres-
pondantes dans les autres langues.”
Dans le FEW, Wartburg soulignait aussi qu’en français, du fait de son
caractère atone, le pronom présente une forme bien distincte du substan-
tif, alors que les deux formes sont restées généralement identiques dans
les autres langues.
Cependant – il importe de le préciser – le on français n’est pas seu-
lement plus général et plus fréquent que les résidus peu uniformes du
latin homo dans les autres langue romanes: il est surtout plus grammati-

(1) Je remercie Gilles Roques de ses commentaires et de ses conseils.

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514 CHARLOTTE SCHAPIRA

calisé et par conséquent plus systématique, avec des emplois de pronom


indéfini mais aussi de pronom personnel (à emplois anaphoriques) (cf.
Grevisse § 587b et Dubois 1965: 113).
Le présent article se donne pour but d’étayer l’hypothèse de Wart-
burg selon laquelle on est d’origine latine et non germanique, en appor-
tant comme argument supplémentaire les similarités entre ce pronom et
les emplois indéfinis du nom omul en roumain. Nous croyons pouvoir
montrer, par ailleurs, que l’étude de ces emplois se révèle particulièrement
utile pour une meilleure compréhension du phénomène que représente le
pronom on en français.

2. ON en français

En français, on (et sa variante, avec l’article défini: l’on) est, d’après


la déclinaison en ancienne langue, le cas sujet (Hom) d’un substantif sujet
présentant les formes om, on, uem, oem, et dont le cas régime est
hom(m)e. Darmesteter (II: 141) classe on parmi les substantifs indéfinis,
au même titre que les autres indéfinis provenant de substantifs, mais qui,
peut-être, se laissent plus facilement identifier comme tels en français
moderne: personne, quelque chose et rien. On voit déjà paraître cet emploi
de on dans les Serments de Strasbourg:
«Si cum om son fradra salvar dift» (ainsi comme on son frère sauver
doit).
Darmesteter attire l’attention sur le fait que, dans cette phrase, on
peut encore se séparer du verbe et être interprété, de ce fait, comme un
substantif à part entière. Plus tard, il deviendra atone et ne constituera
plus un mot indépendant. Cependant, dans ses emplois indéfinis, on pré-
sente encore une autonomie sémantique qui le rapproche du nom. C’est
ce qui permet à Rey-Debove (2001: 281) d’affirmer qu’«en fait, on n’est
même pas un pro-nom, puisqu’[…]il n’est pas anaphorique d’une ou plu-
sieurs personnes déjà désignées (comme le sont il, ils).»
Aujourd’hui, on ne peut être séparé du verbe que par d’autres pro-
noms et, à la différence des pronoms personnels sujets (cf. Grevisse § 473)
et d’autres pronoms indéfinis (ex. (1a) et (1b) infra), il ne peut être effacé
devant plusieurs verbes successifs (ex. (2)).
1.a Elle s’en attribue uniquement la gloire, / Va, vient, fait l’empressée.
(La Fontaine, Le coche et la mouche, cité par Grevisse § 473)
(1b) Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. (Racine, Phèdre)

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UN PRONOM ON EN ROUMAIN ? 515

mais
(2) L’on respire un instant dans ces belles clairières couvertes; mais sitôt
qu’on en sort, on est tout empêtré dans l’enchevêtrement confus des
ramures; on se courbe, on se glisse, […] on rampe. (Gide, cité par le
TLF, entrée ON)
En français, comme on sait, on a acquis un nombre considérable d’accep-
tions qui ne sont plus compatibles avec l’étymon singulier hom. L’élargis-
sement de son aire sémantique est cependant loin d’être récent, puisque
le latin vulgaire employait déjà le singulier homo là où le latin classique,
le plus habituellement, demandait le pluriel: homo dicit, au sens du latin
classique homines dicunt (Darmesteter II: § 141). Parmi les nombreux sens
du pronom, reste cependant celui de homme, d’une part en tant que
représentant générique de l’espèce, d’autre part dans le sens de “être
supérieur, intellectuel et moral”. Dans cette dernière acception, on com-
mute avec le nom homme au singulier ou au pluriel: l’homme / les
hommes. En voici quelques exemples, tirés des Maximes de La Rochefou-
cauld, où on / l’on se laisseraient facilement remplacer par l’homme:
(3a) L’accent du pays où l’on est né demeure dans l’esprit et dans le cœur,
comme dans le langage. (324)
(3b) On ne loue d’ordinaire que pour être loué. (146)
(3c) On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres. (135)
Inversement, le sujet “l’homme” ou “les hommes”, non modifié, commute,
dans la maxime, avec on (Schapira 1997: 63-64):
(4) Les hommes rougissent moins de leurs crimes que de leurs faiblesses
et de leur vanité […] (La Bruyère, Les Caractères, IV, 74) = On rou-
git moins de ses crimes …
L’homme est plein de besoins […] Il n’aime que ceux qui peuvent les
remplir tous. (Pascal, Pensées) = On est plein de besoins … on n’aime
que ceux qui peuvent les remplir tous.

3. Trois omul en roumain

Le DEX (Dictionarul explicativ al limbii române) précise que le nom


roumain om dérive du nominatif latin homo. Le vocable est étiqueté
«substantif», et l’on n’y mentionne aucun emploi pronominal; omul n’est
pas non plus mentionné dans la liste des pronoms indéfinis figurant dans
Gramatica limbii române (1966: I, § 170).

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516 CHARLOTTE SCHAPIRA

Pourtant, le DEX (2) offre des exemples d’expressions idiomatiques où


le nom om figure avec le sens, soit de «n’importe qui»: la mintea omului
= évident, clair (aux yeux de n’importe qui: cf. § 5 infra); soit de «l’un,
l’autre»: din om în om = de l’un à l’autre; de la om la om = (littéralement:
d’un homme à l’autre) sincèrement, amicalement, qui, eux, apparaissent
bien dans la liste des pronoms indéfinis.
Ni les grammaires ni les dictionnaires roumains ne distinguent par
ailleurs des emplois sémantiquement différents des deux formes de om:
avec ou sans article défini. Si l’on regarde cependant de plus près le
fonctionnement de omul (avec article) en langue, fonctionnement qui
nous intéresse plus particulièrement ici, on s’aperçoit qu’il est possible de
distinguer trois emplois distincts de ce vocable:

I. – Le nom omul, om avec article défini (postposé en roumain),


prend le sens générique d’«être humain», soit envisagé comme un «être
appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la Terre» (le Petit
Robert):
(5) Omul merge în pozi#ie verticalâ = L’homme marche en position
verticale(3)
soit comme un être raisonnable et moral, considéré dans ses qualités et
ses faiblesses:
(5a) Omului îi e fricâ de bâtrâne#e $i îi e $i mai fricâ de moarte =
L’homme craint la vieillesse et craint encore plus la mort.
Il va sans dire que, dans ce sens générique, le vocable inclut tous les
représentants de l’humanité: hommes, femmes, jeunes, vieillards et enfants.
Dans cette acception, le nom omul est susceptible de fonctionner comme
noyau d’un syntagme à expansions diverses (épithètes, compléments du
nom, propositions relatives, etc.):
(5b) Omul care este harnic totdeauna are praznic. (L’homme travailleur
a toujours un repas abondant: Anton Pann, «Despre mâncare», Pove-
stea vorbii, p. 68)

II. – Omul anaphorique, reprenant un nom masculin singulier,


humain, déjà exprimé dans le texte (cf. S,âineanu: «individ de sex
bârbâtesc»):

(2) Entrée om.


(3) Tous les exemples ont été traduits en français par l’auteur.

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UN PRONOM ON EN ROUMAIN ? 517

(6) O slugâ flecarâ, pe unde slujise,


To#i tot îl bâtuse si tot îl gonise […]
Un negustor astfel portul prost vâzându-i
Odatâ ‘ntâlnindu-l, l-a‘ntrebat zicându-i:
– Ce o fi pricina ca nu-#i merge bine ? […]
– Jupâne, […]
Minciuna nu-mi place, vorbesc adevârul […]
Ii zise lui omul, auzind aceste:
– Câ spui adevârul, nici un râu nu este […](4) (Anton Pann, Povestea
vorbii, p. 19(5))
Omul reprend ici le nom «negustor» (commerçant); dans l’exemple sui-
vant, il reprend un nom propre:
(6a) «Grigore Priceputu s-a oprit în celâlalt capât al poienii […] M-am
dus spre dînsul. L-am intrebat cu glas coborît […]:
– Ai gâsit? […]
– Da, domnule colonel, […] îmi râspunse omul […]»(6) (Sadoveanu,
Morminte, p. 386)
Dans cet emploi, femeia (la femme) fait pendant, au féminin, à omul.
Les deux s’emploient avec les mêmes valeurs au pluriel (femeile, oamenii)
et portent les marques du genre, du nombre et du cas (le nominatif et
l’accusatif accusent la même forme et assument la fonction de sujet ou de
complément d’objet direct respectivement; le datif fonctionne comme
complément d’objet indirect). Dans toutes ces occurrences, omul prend la
valeur d’un pronom personnel de troisième personne singulier, puisqu’il
reprend un antécédent nominal défini. Il concurrence ainsi le pronom per-
sonnel de troisième personne el (avec ses variantes casuelles lui, pe el) et

(4) Un serviteur bavard, partout où il avait servi, avait été battu, puis chassé par
tout le monde. Un commerçant, voyant son apparence misérable, en le rencon-
trant, une fois, lui demanda:
– Quelle est la raison de ta misère?
– Monsieur, je n’aime pas le mensonge, je dis la vérité.
En entendant ceci, l’homme (le commerçant), lui dit […]
– Il n’y a pas mal à dire la vérité.
(5) Nous respectons, pour chaque texte cité, l’orthographe de l’édition dans
laquelle il a été pris. Ceci explique les versions différentes de mêmes vocables
dans les diverses citations.
(6) Grigore Priceputu s’est arrêté à l’autre bout de la clairière. […] Je suis allé vers
lui. Je lui ai demandé à voix basse:
– Tu as trouvé?
– Oui, mon colonel, répondit l’homme […]

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518 CHARLOTTE SCHAPIRA

surtout son équivalent dânsul, limité lui aussi aux humains (cf. Gramatica
limbii române 1966: I, § 148). Se colorant parfois d’une nuance populaire,
il offre une alternative stylistique au pronom personnel standard.

III. – Un troisième omul se révèle semblable, dans son mode d’em-


ploi, aux pronoms indéfinis. Il n’a encore jamais été signalé et, dans la
plupart de ses occurrences, il correspond au français on, qui en constitue
d’ailleurs la traduction française.
(7) Vorba de râu omul prea lesne o crede. = On croit trop facilement la
médisance. (Anton Pann, Povestea vorbii, p. 37)
Il est possible de dégager plusieurs constantes, caractéristiques de cet
emploi: omul sujet est le plus souvent postposé au verbe et, à l’encontre
des précédents, il ne présente jamais d’expansions syntagmatiques:
(7a) Face omul ce poate, zise el încet. = On (l’homme) fait ce qu’on(7) (il)
peut, dit-il doucement. (Sadoveanu, Strada Lâpu$neanu, p. 31)
(7b) N-are omul lini$te. = On n’est (jamais) tranquille.
(7c) Nu $tie omul ce sâ creadâ. = On ne sait que croire.
(7d) Sâ spui adevârul alta se-n#elege,
Nu de unul $’altul omul sâ se lege(8). (Anton Pann, Ibid., p. 20)

4. Omul – pronom indéfini

Le fait que omul n’ait pas été distingué formellement dans les gram-
maires roumaines comme un pronom indéfini, indépendant du substantif
homonyme, s’explique, avant tout, justement, par leur identité formelle. En
effet, à l’encontre du on français qui, étymologiquement, dérive d’une
forme de homo différente de l’étymon du nom homme (accusatif singu-
lier hominem: cf. supra) l’indéfini roumain n’a pas évolué, du point de vue
phonétique, de façon distincte; mais il existe aussi d’autres facteurs –
et des plus importants – qui estompent les différences entre les deux
éléments: omul nom et omul pronom:

(7) À la différence des autres pronoms personnels sujets, on est nécessairement


repris, en français, devant les verbes dont il est le sujet. Le problème ne se pose
pas en roumain, où le verbe n’a pas de sujet obligatoire. La langue évite par
conséquent systématiquement la répétition du sujet, nominal ou pronominal, et
n’y a recours que de manière emphatique.
(8) Par dire la vérité on entend tout autre chose, et non que l’on s’en prenne à
l’un et à l’autre.

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UN PRONOM ON EN ROUMAIN ? 519

Les pronoms personnels sujets (eu, tu, el, ea, noi, voi, ei, ele) ne sont
pas atones en roumain. Seuls sont clitiques les pronoms au datif et à l’ac-
cusatif, qui, eux, sont aussi intimement liés au verbe que les clitiques fran-
çais. Omul indéfini, n’est donc pas, lui non plus, atone, comme l’est on en
français. De ce fait, il est difficilement perçu comme distinct du substantif.

Comme en français, le sujet d’un verbe (qu’il soit exprimé par un


substantif ou par un pronom) n’a pas besoin d’être repris, en roumain,
devant les verbes suivants dont il est le sujet:
(8) Copiii se întorc veseli de la $coalâ, sar $i se joacâ pe drum. (Les
enfants rentrent joyeux de l’école, sautent et jouent sur la route.)

En emploi indéfini, omul n’est par conséquent, lui non plus, repris devant
plusieurs verbes successifs l’ayant pour sujet:
(8a) Mai vine omul, dar mai $i pleacâ. (On peut venir [en visite] mais il
faut aussi savoir s’en aller [à temps]: En s’attardant trop lors d’une
visite, on risque d’importuner ses hôtes.)

Les compléments pronominaux direct et indirect se rapportant au


pronom sujet, sont les pronoms personnels datif et accusatif de troisième
personne singulier (ex. (9)), les mêmes que pour le substantif omul (ex.
(9a)):
(9) Nu $tie omul ce-l a$teaptâ nici ce-i rezervâ viitorul. (On ne sait pas
ce qui nous attend, ni ce que nous réserve l’avenir.)
(9a) Omul care lucreazâ în sec#ie cu mine nu $tie ce-l a$teaptâ nici ce-i
rezervâ viitorul. (L’homme qui travaille dans ma section ne sait ce qui
l’attend ni ce que lui réserve l’avenir.)
La reprise pronominale est donc identique pour le nom et pour le pronom
indéfini.
En français, en revanche, on doit, comme on l’a vu, être repris devant
tous les verbes dont il est le sujet, et les compléments qui s’y rapportent
sont soit de première soit de deuxième personne pluriel, comme on peut le
voir dans la traduction française des phrases roumaines (ex. (9) ci-dessus)
et dans l’exemple suivant:
(10) Quand nos amis nous ont trompés, on ne doit que de l’indifférence
aux marques de leur amitié […] (La Rochefoucauld, Maximes, 434)

Même en français, on dans le sens générique d’«être humain» ne dif-


fère pas fonctionnellement du substantif avec article défini «l’homme»,

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520 CHARLOTTE SCHAPIRA

avec lequel il commute d’ailleurs. On trouve même, occasionnellement, en


français, l’homme ou les hommes repris aussi bien par on que par il/ils:
(11) «Les hommes parlent de manière, sur ce qui les regarde, qu’ils
n’avouent d’eux-mêmes que de petits défauts […] Ainsi l’on se plaint
de son peu de mémoire […]; l’on reçoit le reproche de la distraction
et de la rêverie […]; l’on dit de soi qu’on est maladroit […]» (La
Bruyère, Les Caractères, XI, 67)

Qui plus est – et ce point est de loin le plus important pour les résul-
tats de cette étude – en prenant comme point de départ le on français, le
linguiste a du mal à concevoir un équivalent qui serait autre chose que
sujet. Cependant, les raisons historiques qui interdisent au pronom fran-
çais toute autre fonction syntaxique, n’existent pas en roumain, où le pro-
nom se décline comme tous les autres pronoms. Il n’est donc pas rare que
l’on trouve le pronom indéfini roumain, au génitif, comme complément du
nom:
(12) Mi-a venit veste la spital câ […] domnul câpitan Caprâ Anastase $i
domnul locotenent Irimescu Ilie […] s-ar fi prâpâdit. Se poate. Ce-i
via#a omului? (Sadoveanu, Morminte, p. 377)
(12a) Sâ trâi#i, domnule colonel, asta nu-i ru$ine. Asta-i o bucurie a omu-
lui lâsatâ de la Dumnezeu. (Ibid., p. 383)
On trouve aussi omul comme complément d’objet direct:
(13) Te crez, acel îi râspunse vâzându-se’nfundat
Fiindcâ nu-$i gâsi omul cu minciuni de-n$elat.
(Je te crois, lui dit celui-ci se voyant découvert,
Puisqu’il n’avait pas trouvé qui [l’homme à] tromper avec des men-
songes. Anton Pann, Ibid., p. 21)
ou indirect:
(13a) De ce sâ nu faci omului un bine dacâ po#i? (Pourquoi ne pas faire
du bien [à quelqu’un], si possible?
Bien entendu, ces occurrences n’ont pas de traduction systématique en
français.
Tout ce qui précède prouve que le pronom on a, en français, un
comportement grammatical totalement différent de celui du substantif
l’homme, alors que le roumain omul se comporte de manière identique
dans les emplois nominaux et ceux de pronom indéfini.

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UN PRONOM ON EN ROUMAIN ? 521

5. L’éclairage de la traduction

Comment traduire en français un pronom roumain équivalent, du


point de vue sémantique, à un pronom français, alors que le premier est
tonique et le second atone, que on est exclusivement sujet et omul peut
assumer aussi d’autres fonctions dans la phrase?
Nous avons déjà vu que le roumain omul, sujet, se traduit en fran-
çais par on ou, à la rigueur, par l’homme / les hommes, là où ces derniers
commutent avec on; mais d’autres solutions sont aussi à envisager:
l’impersonnel, par exemple:
(14) Omul la masâ când $ade,
Sa mânânce cum se cade.
([Quand on est assis] à table,
Il faut manger convenablement. Anton Pann, «Despre ru$inare $i
neru$inare», Povestea vorbii, p. 177)
En revanche, si omul assume une fonction syntaxique autre que celle
de sujet, sa traduction pose, naturellement, des difficultés, et demande des
solutions ad hoc. Le plus souvent, la traduction française peut se passer du
pronom:
(15) Pântecele omului n’are fereastrâ ca sâ-i vazâ ce a mâncat. (Le ventre
[de l’homme] n’a pas de fenêtre pour qu’on voie ce qu’on a mangé.
Pann, “Despre mâncare”, Povestea vorbii, p. 68)
De même, comme on peut le voir pour la traduction de (12) et (12a)
supra, via#a omului, bucuria omului, ou la locution la mintea omului, dans
laquelle le génitif “omului” est indéfini et non anaphorique, ne nécessitent
pas la traduction de ce mot en français. C’est aussi le cas pour d’autres
noms modifiés par le génitif omului: durerea / suferin#a omului (la souf-
france), datoria omului (le devoir), mângâierea omului (la consolation), etc.:
(15a) Prinde bine un ajutor la casa omului. (Il est bon d’avoir de l’aide à
la maison)
Quant à omul complément d’objet, il s’efface ou se traduit par qui (voir
l’exemple (13)) ou quelqu’un ((13a); cf. aussi Dubois 1965: 113 sur l’affi-
nité sémantique entre on et quelqu’un).
Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs (Schapira à paraître), l’aire
sémantique couverte par on en français est bien plus large que l’ensemble
relativement réduit des occurrences qui l’explicitent: nous voyons ici, par
exemple, toute une classe de compléments du nom correspondant à la
formule *NOM de on, où le complément du nom est effacé en français.

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522 CHARLOTTE SCHAPIRA

6. Conclusion
Outre son importance comme argument en faveur d’un on qui ne
serait pas nécessairement un calque du pronom germanique équivalent,
l’existence d’un pronom indéfini omul en roumain est susceptible d’appor-
ter une contribution précieuse à l’étude du pronom français. Comparé à
omul, qui ne se refuse à aucune fonction syntaxique, et qui, par conséquent,
n’a le plus souvent pas de traduction directe en français, on apparaît, du
coup, sous un jour nouveau: il se révèle, en effet, comme un élément séman-
tique qui ne peut certes être explicité que s’il est sujet; cependant – nous
l’avons vu – il reste implicite dans la phrase qui, en toute position autre que
celle de sujet, l’efface ou lui substitue d’autres indéfinis.
Haïfa. Charlotte SCHAPIRA

Textes cités:
Anton Pann, Opere complete. Povestea vorbii - O s,ezâtoare la t,arâ – Nastratin Hogea
– Int,eleptul Arghir – Osebite anecdote, 2e éd., Bucures,ti: Minerva, 1909.
Mihail Sadoveanu, Strada Lâpus,neanu. Oameni din lunâ. Morminte, Bucures,ti:
Minerva, coll. “Biblioteca pentru tot,i”, 1978.

Bibliographie
Atlani, F., 1984, «ON L’illusionniste», La Langue au ras du texte, Presses Universi-
taires de Lille, pp. 13-28.
Bloch, O. et W. von Wartburg, 1968, Dictionnaire étymologique de la langue française,
5e éd., Paris: PUF.
Darmesteter, A., 1934, Cours de grammaire historique de la langue française, 4 vol.,
14e éd. revue et corrigée, Paris: Delagrave.
Dubois, J., 1965, Grammaire structurale du français. Nom et pronom, Paris: Larousse.
Gramatica limbii române, 1966, 2 vol., Bucures,ti: Editura Academiei.
Grevisse, M., 1964, Le Bon Usage, 8e éd. revue, Gembloux: Duculot, Paris: Hatier.
Rey-Debove, J., 2001, “De on à je vers le nom propre: des pronoms personnels en
français”, in Boogards, P., Roorick, J., Smith, P. éds., Quitte ou double sens.
Articles sur l’ambiguïté offerts à Ronald Landheer, Amsterdam / N.Y.: Rodopi,
pp. 279-304.
S,âineanu, L., 1925 (c. 1896), Dict,ionar universal al limbii române, 5e éd., Editura
“Scrisul românesc” S.A.
Schapira, C., à paraître, “Qui est ON?”, Actes du XXIIIe Congrès de Philologie et
Linguistique Romanes, Salamanque.
Wilmet, M., 1997, Grammaire critique du Français, Paris: Hachette, Louvain-la-Neuve:
Duculot.

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ESTAR CON ADJETIVOS COMO EXPRESIÓN
DE CUALIDADES PERMANENTES
EN CATALÁN

Dentro de los usos copulativos de ésser y estar en el complejo lingüís-


tico catalán, se da un tipo de adjetivos (y participios en función adjetival)
que todavía hoy no son aceptados por la mayoría de gramáticos normati-
vistas catalanes como posibles atributos del verbo estar, a pesar de que la
atribución de esta clase de adjetivos mediante este verbo es normal en el
valenciano actual y de que su empleo se remonta al catalán medieval de
los siglos (XIV)-XV-XVI. Se trata de unos adjetivos que – confundidos
con otros de clase distinta – sí que son admitidos con estar por gramáticos
de actitudes más abiertas como J. Solà y A. Badia Margarit, aunque no sin
ciertas observaciones sobre el carácter pretendidamente innovador del
empleo de este verbo con dichos adjetivos.
Así, en los estudios que hace J. Solà sobre el usos de estar única-
mente sobre el catalán de Cataluña (!), constata lo siguiente:
“Avui la llengua usual de la major part del Principat presenta [también]
l’ús d’estar reflectit a[ls punts]
15 - 18 (a la vora de ser...):
15: (Amb subjectes animats ...)
a. [Aquell home està casat / mort / viu](1)
b. Aquest(a) noi(a) és ≠ està molt
[α](2) xerraire / comunicatiu-va / optimista /
[β] maco-a / alt(a) / calb(a) / boig-boja / jove
16: (Amb subjectes no animats ...)
a. [Mira si la finestra està oberta, que fa molt vent]
[β] L’armari està fet de fusta de melis ...
b. [Aquesta llet està freda: posa-me-n’hi de calenta] ...
c. [Aquesta moto és ≠ està molt neta / bruta]
d. [β] Que bo que està aquest pastis! com l’has fet?.
17. ... 18. ...

(1) Los adjetivos o participios de los ejemplos del autor citado, que he colocado
entre corchetes [ ], pertenecen a una clase de adjetivos distinta a la que consti-
tuye el objeto del presente trabajo.
(2) La división entre adjetivos [α] y adjetivos [β] en este y en otros apartados es
mía, no de J. Solà.

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524 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

Els gramàtics es resisteixen a afluixar [= a admitir estar] en els casos


de 15. Ja hem vist que 15b és un dels [casos] que amb més urgència cal
definir” (Solà-1994a, pàgs. 65-66).
El presente trabajo tiene como objetivo principal el estudio de la
atribución de la segunda clase de adjetivos contenidos en este apartado
conflictivo 15b mediante estar; en concreto, la de los adjetivos [β] maco-a /
alt(a) / calb(a) / boig-boja / jove. La clase de adjetivos reunidos por mí
bajo la letra griega [α] xerraire / comunicatiu-va / optimista ya han sido
objeto de otro estudio(3). La tercera clase de adjetivos, justo la de aquel-
los que pongo entre corchetes [ ] en las citas de los diferentes autores,
queda de momento aplazada para posteriores investigaciones.
En un segundo artículo de J. Solà encontramos una lista más amplia
de sendas clases de adjetivos, que yo he agrupado así mismo en torno a
[α] y [β] respectivamente; allí, adoptando una actitud más normativista
que descriptiva, recomienda el uso de ser o de estar, según una división
artificial e injustificada(4) entre sujetos animados y sujetos in-animados:
“7.1. Subjectes animats.
a) Amb adjectius que indiquen característiques permanents, defi-
nitòries o classificatòries: SER (única possibilitat)(5):
[α](6) llest, constant, bo (de caràcter apacible, etc.) treballador,
enginyós, viu (espavilat), espavilat, ...,
[β] alt, baix, coix, cec...
b) Amb participis passats ... i amb adjectius que indiquin qualitats
o afeccions passatgeres: ESTAR (única possibilitat, almenys
avui): [bo (sa), malalt, capacitat, gras, ...]
c) Amb certs adjectius hi ha ben clara (i s’admet plenament) una
oposició semàntica entre el dos verbs (SER ≠ ESTAR): [alegre,
trist, tranquil, quiet.]

(3) Véase Vañó-2000.


(4) El que el uso de los verbos ser y estar en catalán (tanto moderno como anti-
guo) venga determinado por la naturaleza del argumento semántico ‘sujeto’,
según sea éste animado o inanimado, constituye una regla fantasma que se va
transmitiendo de una gramática a otra de una forma irreflexiva y que, además,
queda desmentida por los hechos históricos de la lengua – como se puede ver
en el presente trabajo – y por el hecho de que el valenciano no atiende a esta
distinción artificial.
(5) En modo alguno se puede aceptar la pretendida exclusividad de ser con este
tipo de adjetivos. Precisamente, el fin primordial del presente trabajo no
es otro que el de demostrar la existencia – ya en el catalán o valenciano
medieval! – del empleo de estar con los adjetivos de la clase [β]. Para el uso
medieval de estar con los adjetivos de la clase [α], véase Vañó-2000.
(6) La distinción dentro de este grupo entre adjetivos [α] y adjetivos [β] es igual-
mente mía, no de J. Solà.

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ESTAR CON ADJETIVOS 525

c’) Vénen a parar en aquesta classe molts adjectius que tradicio-


nalment no coneixien estar(7) ...: En un mot: tots els adjectius
que admeten la doble perspectiva («característica definitòria»,
[ser] vs «qualitat o afecció transitòria, variable» [estar] ...) ...:
[α](8) jovial, amable, dòcil, genial, encantador, irresistible, elegant,
explosiu, espavilat, treballador, espaterrant (xerraire, comu-
nicatiu-va),
[β] vell, jove, bonic, maco, lleig, boig, preciós, atractiu, mara-
vellós, horrible, repugnant, alt (estatura), coix, sord, calb. ...
molta gent ja diu habitualment En Ramon està coix / sord /
cec / calb, exclusivament [!?](9) amb estar o bé sense dife-
renciar el significat de la construcció amb estar del de la
construcció amb ser [o sea, ser = estar en estos casos](10).
Amb l’adjectiu bo (significat ‘atractiu, ben fet, parençós,
desitjable’) es diu invariablement:
Aquest(a) noi(a) està molt bo(na)” ... (Solà-1994a,
pàgs. 71-72).
7.2. Subjectes inanimats:
a) Amb adjectius que indiquin característiques permanents (o, ...
una qualitat definitòria o classificatòria): SER:
[β] alt, bonic, bo, tou, car, ...
Amb participis ... i adjectius que indiquen qualitats transitòries:
ESTAR, però en convivència amb ser en la majoria dels casos ...
(ser = estar [!?]) [obert, tancat, ..., calent, fred, tebi](11), ...
[β] madur, verd (no madur), tendre, ... espès, bo, ..., clar, trans-
parent, dur, ...”
(Solà-1994a, pàg. 72 s.) y “El raïm ja és = està madur” (Solà-
1994b, pàg. 138).
c) Amb algun adjectiu hi ha oposició semàntica entre el dos verbs
(ser ≠ estar):
tort, fluix (i no sé si gaire més).

(7) El subrayado es mío, no de J. Solà.


(8) Véase nota 6.
(9) Me resulta difícil aceptar esta pretendida exclusividad en el empleo de estar
con este tipo de adjetivos, ya que una tal exclusividad no se da ni en castel-
lano, que – como se sabe – presenta un empleo de estar más desarrollado que
el catalán.
(10) Hay, sin embargo, una clara diferencia de significado – aunque no de designa-
ción o referencia a la realidad extra-lingüística – entre ell és calb y ell està calb,
entre ell estigué ahir molt amable y ell fou ahir molt amable. Como otros tan-
tos lingüistas, también J. Solà confunde, en este punto concreto de la gramática,
la igualdad de designación con la igualdad de significado. Véase, Vañó-1982:
págs. 34 s.
(11) Véase nota 1.

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526 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

c’) Aquesta classe està sofrint [también hoy día y, por lo tanto,
como en el caso de los adjetivos atribuibles a sujetos animados,
que tradicionalmente no conocerían el uso de estar] un eixam-
plament explosiu ... Els adjectius afectats són tots els que adme-
ten la doble perpectiva (“característica perenne, definitòria/
classificatòria [= ésser] vs. qualitat variable, constatació personal
[= estar]) que proporcionen els nostres verbs:
[β] espès, ..., [net, brut, ... humit, clar] ...
... molta gent ja diu habitualment:
[β] el conill està molt bo; el plàtan està més bo; el iogurt està
molt dolent ...
... En alguns parlars i en algunes persones encara es manté força
viu l’ús exclusiu o predominant de ser, sobretot en algun cas com ara
[β] Aquesta sopa està molt bona ...” (Solà-1994a. pàgs. 72 s.).

A. Badia Margarit, muy sensible a la complejidad de los usos de ésser


y estar en catalán, por una parte, propone unos nuevos planteamientos en
el estudio del uso de estar con esta (y otra) clase adjetivos:
“Així tenim una sèrie de dobles solucions (amb ésser i amb estar), en
les quals fa poc [temps] només jutjàvem [scl. A. Badia Margarit] pro-
cedents les que duen ésser (sentit duratiu, valor imperfectiu), però ara
[en la tercera edición de su gramàtica catalana] hi acollim també les
que duen estar (sentit del canvi, valor perfectiu):
12b. [β](12) el préssec està verd, ... està madur
14b. [β] el préssec està podrit [15b., 16b.]
17b.-18b. [el mocador està net, el mocador està brut](13)
Sembla, doncs, que cal prendre en consideració uns nous usos(14) d’estar
al costat dels tradicionals d’ésser. Ara bé, jutjo sense fonament l’exten-
sió que molts fan avui d’aquest nou valor perfectiu quan la verificació
del canvi és l’experiència personal. Convindrà evitar-la i emprar-hi ésser
sistemàticament:
19a. [la neu és freda] (qualitat en si mateixa)
19b. [*que freda està!] (quan la toco jo mateix)
19c. [que freda és!]
20a. [la sopa és calenta] (qualitat en si mateixa)
20b. [*la sopa està freda] (quan me la poso a la boca)]
20c. [la sopa és freda]” (Badia, pàg. 276-277).

Y, por otra parte, concede como aceptable – al menos en la lengua


habitual del N[ivel] 3 – el uso de estar dentro de la división entre sujetos
animados:

(12) La división entre los ejemplos con adjetivos de la clase [β] y con adjetivos de
la clase [α] es igualmente mía, no de A. Badia.
(13) Véase nota 1.
(14) El subrayado es mío, no de A. Badia.

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ESTAR CON ADJETIVOS 527

“N3 [α] els assistents estaven / eren condescendents


[α] el gos està / és obedient,
[β] el gerani està / és sec [animado!?]”,

y sujetos inanimados:
“[β] la salsa està massa espessa, [l’autobús està ple], ...
... be, que la solució més genuïna és [la del nivell elevat o N1; és a dir,
l’ús del verb ésser en aquests casos], no sembla rebutjable que la situa-
ció d’imperfecció mediatitzada s’expressi per mitjà d’estar” (Badia,
pàgs. 280-281).

En Vañó-2000 (págs. 458-464) ya me pronuncié sobre las dificultades


con que topan los principios semánticos propuestos por J. Solà y por
A. Badia Margarit a la hora de explicar y justificar la compleja realidad
de ser y estar también en catalán. El objetivo general del presente trabajo
– antes indicado – va a consistir particularmente, por un lado, en demos-
trar la antigüedad que tiene, por lo menos en valenciano, el uso de estar
con los adjetivos agrupados bajo la letra griega [β] en la citas de ambos
gramáticos mencionados, o sea aquellos adjetivos que, en el catalán de
Cataluña o “tradicionalment no coneixien estar” (J. Solà) o representan
“uns nous usos d’estar” (A. Badia) y, por otro lado, en caracterizar semán-
ticamente este empleo antiguo de estar, que – como insinué al principio –
hizo aparición de una forma muy esporádica (!) y como tendencia inci-
piente en las estructuras sintácticas tanto del valenciano (y del castel-
lano)(15) como posiblemente también del catalán así llamado occidental por
los siglos (XIV)-XV-XVI; de ahí que el corpus presentado en el presente
trabajo se componga, en su mayoría, de escritos de autores clásicos valen-
cianos de los siglos (XIV)-XV-XVI y de algún autor catalán como
Fr. Eiximenis (1347-1409), residente en Valencia. Se trata, pues, de un
fenómeno lingüístico bastante antiguo en valenciano (de hace más de
cinco siglos!), aunque algo más tardío con respecto a otros usos de estar
con otro tipo de atributos, como son las indicaciones adverbiales de lugar
(o de modo) y también con el tipo de adjetivos que precisamente he
puesto entre corchetes [ ] en las citas de los dos autores precedentes, los
cuales ya se daban en los escritos medievales catalanes y, sobre todo,
valencianos de los siglos (XIII-)XIV; eso sí, en éstos últimos escritos, de
una forma más decidida y más sistemática que en los catalanes, como se
puede ver ocasionalmente y como de pasada en el presente trabajo, donde
adelanto algunos casos valencianos medievales de estar con adjetivos del
tipo entre corchetes [ ], algunos de los cuales tampoco son admitidos

(15) Véase Vañó-1982, págs. 276-298.

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528 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

todavía para el catalán de Cataluña. En mi análisis apuntaré igualmente


a la posible causa de esta tardía aparición de estar con los adjetivos de la
clase [β] y del por qué no es aceptado plenamente aún hoy día por parte
de los gramáticos de corte normativista catalanes – pese a las actitudes
más abiertas, aunque titubeantes, de J. Solà y de A. Badia.
Si se repara atentamente en el contenido semántico de los adjetivos
agrupados bajo [β], tanto los del conocido y conflictivo “punt 15b... que
amb més urgència cal definir”
[β] maco-a / alt(a) / calb(a) / boig-boja / jove (J. Solà)

como los que he ido entresacando de las otras listas de ejemplos de nues-
tros dos autores
[β] L’armari està fet de fusta de melis ...
[β] vell, jove, bonic, lleig, boig, preciós, atractiu, maravellós, horrible,
repugnant, sord ...
[β] madur, verd, tendre, ... espès, bo, ..., clar, transparent, dur, ... (J. Solà)
y
[β] el préssec està verd ... madur ... podrit
[β] el gerani està sec [= marcit, no eixut]
[β] la salsa està massa espessa ... (A. Badia),

se puede constatar que mediante dichos adjetivos expresamos lo que tra-


dicionalmente se llaman cualidades o propiedades inherentes del sujeto,
etc., sean o no sean éstas – medidas según el eje temporal – de carácter
permanente, transitorio o accidental, etc., pero a las que yo vengo
llamándo desde 1982 cualidades constituyentes del sujeto de carácter o de
sentido sustantivo-intrínseco(16), por oposición a los adjetivos que indican
una situación en que se encuentra el sujeto, de sentido más bien relativo-
extrínseco a la constitución del mismo, como son los adjetivos de los ejem-
plos que justamente he encerrado entre corchetes [ ] en las citas de J. Solà
y A. Badia.
Para poder ver todo esto con claridad, paso a ilustrar en los
siguientes cinco apartados lo que entiendo por adjetivos (o adjetivos con
morfología de participio) en sentido sustativo-intrínseco y en sentido rela-
tivo-extrínseco, contrastando el contenido semántico de estos adjetivos que
acabo de presentar de nuevo agrupados bajo [β]:
1. Una persona (una niña, p. e.), que haya crecido y se haya hecho
muy maca o bonica o alta, posee estas notas como cualidades propias y
constitutivas de sí misma: ella, tras el proceso (o cambio cualitativo, ope-

(16) Véase Vañó-1982: pág. 21 et passim, y, sobre todo, págs. 154-231.

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ESTAR CON ADJETIVOS 529

rado en su constitución, y a través del tiempo, claro está) de crecer y de


hacerse maca, bonica, alta, ahora es así de pies a cabeza; ¿cómo? pues,
maca, bonica, alta. Se trata de notas o cualidades en sentido sustantivo-
intrínseco porque afectan a la constitución de dicha niña: de pequeña no
era maca, o alta, pero ahora (tras dicho cambio cualitativo) sí que lo es.
En estos casos, ser es el verbo propio para atribuir esta clase de adjetivos
y en este sentido, ya desde el latín hasta nuestros días, tanto en catalán
como en castellano. El empleo de estar en este terreno es algo especial y
se inicia como tendencia por los siglos (XIV)-XV-XVI en valenciano (y
también en castellano!), tal y como veremos en este trabajo(17). Ahora
bien, en sus comienzos, este uso de estar con adjetivos en sentido sustan-
tivo-intrínseco (= cualidades o propiedades) es muy raro; tan raro que
R. Ramos no lo pudo registrar en su corpus catalán de los siglos XIII-
XVI, ni en obras valencianas ni, mucho menos, en obras catalanas(18). Por
mi parte, lo máximo que pude recoger fue una quincena de casos, que
presento más abajo. Esta tendencia inicial de estar con este tipo de adje-
tivos llegará a desarrollarse completamente en valenciano, donde hoy día
son muy corrientes y completamente normales frases como:
Esta txiqueta és / està molt bonica, guapa, preciosa
Esta txiqueta és / està molt alta, ha crescut molt.

No obstante, si dicha persona, ‘adquiere’ las notas de maca, bonica, alta no


de una forma constitutiva o sustantivo-intrínseca (es decir, no mediante el
proceso o cambio cualitativo de hacerse, crecer o ‘devenir’ así), sino
pintándose la cara o poniendose un vestido precioso para estar bonita o
guapa, o simplemente subiéndose encima de la mesa para estar más alta,
hemos de concluir que dichas notas no la constituyen como tal, ya que
ella no es así ni tampoco se ha hecho así, sino que se ha puesto o colo-
cado de ese modo o a esa altura. Estas son notas relativas a las circuns-
tancias (maquillaje, vestido, mesa) y extrínsecas a la constitución del sujeto
en cuestión. En estos casos, por lo general, queda excluido el uso de ser,

(17) En este análisis contrastivo de los distintos sentidos dentro de un mismo adje-
tivo, prescindiré de adjetivos claramente cultos, como atractiu, horrible, repu-
gnant, transparent, por tratarse de adjetivos recientes y con poca historia (en
catalán, existen desde el Renacimiento).
(18) “[L’atribut adjectival] és un dels atributs més habituals del verb estar. Si en les
construccions amb el verb ésser, l’atribut adjectival podia indicar una propietat
o un estat, ara [con el verbo estar] solament hi ha casos d’indicació d’un estat”
(Ramos, pàg. 272), o sea que no encontró ningún caso de estar con adjetivos
que indican una cualidad o – como dice nuestro autor – una propiedad, sino
que todos los que halló eran expresiones de estado.

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530 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

por lo menos en valenciano(19), ya que no se trata de cualidades de la per-


sona, sino de situaciones en las que ella se halla sumergida y circunstan-
ciada; por este motivo, estar es el verbo apropiado para atribuir tales
notas extrínseco-relativas:
Esta txiqueta (*es) està molt guapa (pintada, vestida així)
Esta txiqueta (*es) está molt alta i va a càure de la taula.

Frente al rarísimo – pero real – uso de estar con adjetivos en sentido sus-
tantivo-intrínseco en los escritos valencianos de los siglos (XIV)-XV-XVI,
el empleo de este mismo verbo, por ejemplo, con alt/a en sentido relativo-
extrínseco ya estaba bastante difundido en aquellos siglos, incluso con
sujetos inanimados (!), lo que demuestra lo infundado de la división
fantasma entre sujetos animados e inanimados:
(1) 1. ... sobre los monts staran les aygües en los núvols. ... Stan los
monts alts, e los camps stan baxos cascuns en lo loch que Tu’ls
has fundat (Corella Ps. 103).
2. “Veus, mare mia, com està ordenada la glòria celestial”... E ell
dix-li que tots aquests starien dejús ella, que pus alta starie ...
(Ferrer-a III 78, 7-8).
3. E per contrari, en la ciutat de infern estan tres carçres, e estan
ordenades axí ... que la una està pus baxa que l’altra, e l’altra pus
alta (Ferrer-a I 185, 20-25).
4. E [David l’] appelle mar per dues rahons: la primera, perquè en
la mar no·y ha res ferm. La 2a, que adés està alta, adés baxa
(Ferrer-a IV 156, 3-5).
5. ¿Com no sta Déu en lo alt cel? Mira-l polo de les steles quant
altes stan (Conques 67).

2. Mediante la frase L’armari està fet de fusta de melis expresamos


una cualidad constitutiva del mismo: ‘el armario es (de) madera de melis’,
esto es, una nota sustantivo-intrínseca de dicho armario: la misma cuali-
dad constitutiva que expresamos en El hombre está compuesto de alma y
cuerpo: o sea, ‘el hombre es alma y es cuerpo’ o en la pared está hecha
de ladrillos y piedra: ‘la pared es (de) ladrillos y es (de) piedra’. La carga
semántica o el acento en estas frases no recae en el hecho de que una
cosa fue realizada, construida o llevada a cabo, sino en los materiales mis-
mos que la componen y le dan el ser de que consta. Pese a la morfología
de participio que tiene aquí el sintagma adjetival hecho de + materia, el
verbo normal para este tipo de atributos sustantivo-intrínsecos es desde

(19) No se puede sostener lo mismo de otras regiones catalano-parlantes, como


Cataluña y Baleares donde todavía reina una fuerte vacilación en el uso de ser
y estar, cfr. Vañó-1999.

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ESTAR CON ADJETIVOS 531

siempre, como acabo de indicar, el verbo ser. Así se puede constatar aún
hoy día en catalán (y en portugués) actual, donde ser prevalece en tales
construcciones. Y así se podía constatar también en castellano hasta el
Siglo de Oro inclusive(20). El empleo de estar con esta clase de construc-
ciones es así mismo algo especial y reciente también en valenciano, (al
igual que en castellano), aunque más antiguo(21) de lo que suponen para
el catalán autores como A. Badia y J. Solà, quien ante frases catalanas
actuales como
“Si l’embotit és fet en pedra ..., té el nom de mosaic; si està fet en fusta,
hom l’anomena marqueteria”

le da “tota la raó” a quien ve en ello “un ús desconcertant” de ser y estar


(Solà-1994a, págs. 26-27). Pero la verdad es que esto no tiene nada de des-
concertante: se trata, por una parte, del uso normal der ser con adjetivos
o construcciones en sentido sustantivo-intrínseco y, por otra, de un uso
analógico y algo reciente de estar con estos mismos adjetivos o construc-
ciones, motivado por la morfología de participio que pueden presentar
algunos atributos (claros adjetivos desde un punto de vista semántico), tal
y como se verá en el presente trabajo.

Otro sentido muy diferente, sin embargo, posee la expresión estar fet + Ø
en frases como
L’armari (ja) está fet, acabat, obert, tancat, pintat, lligat, etc.

Aquí empleamos estos sintagmas en función participial y en sentido rela-


tivo-extrínseco al acto mismo de ‘hacer’, ‘acabar’, ‘abrir’, ‘cerrar’, ‘pintar’,
‘ligar’, etc. el armario. Las notas de fet, acabat, arreglat, obert, tancat,
pintat, lligat, no constituyen dicho armario como tal, esto es, como
concepto de armario, sino que expresan situaciones en que éste se puede
encontrar (un armario, p. e., puede estar o encontrarse fet, desfet, obert,
tancat, etc.). En estas frases, el acento sí recae sobre el hecho de que ‘algo
fue realizado o llevado a cabo, hasta el final’. En los idiomas indicados,
estar es el verbo normal para con dichos atributos participiales en este

(20) Cervantes, por ejemplo, distingue muy consecuentemente en Don Quijote entre:
Algo es hecho, compuesto, formado, etc, de + materia (siempre con ser) y
Algo está hecho, acabado, arreglado, etc. (siempre con estar).
Véase Vañó-1982; págs. 107 y 197-203.
(21) Igual de antiguo que el caso de estar con adjetivos en sentido sustantivo-intrín-
seco e igual de raro para esa época inicial; tan raro, que tampoco lo registra
R. Ramos en su corpus (cfr. Ramos, págs. 274 s.).

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532 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

sentido relativo-extrínseco; ser queda excluido (salvo en los casos de clara


vacilación, que aún presenta el catalán de Cataluña y Baleares, sobre todo
el catalán oficial escrito, guiado en este punto concreto der ser y estar por
una normativa un tanto desconcertante; cfr Vañó-1999); no así en Valen-
cia, donde únicamente se emplea estar con atributos participiales en dicho
sentido, excepto cuando clasificamos la cualidad inherente, permanente,
etc. o el estado transitorio, accidental(!) en que se halla el sujeto(22) y
entonces, naturalmente, empleamos ser por motivos de la clasificación,
pero no por motivos de vacilación.
Frente al rarísimo uso de estar en construcciones como estar fet, com-
post, format de + matèria en los escritos valencianos de los siglos (XIV)-
XV-XVI, el empleo de este mismo verbo ya se le puede registrar en
construcciones participiales de sentido relativo-extrínseco como algo està
fet, desfet, obert, tancat, lligat, etc. + Ø con bastante regularidad en los
escritores de dichos siglos; he aquí una pequeña muestra igualmente con
sujetos in-animados:
(2) 1. Aprés levà los lançols e desféu tot lo lit, ... Pensà de tornar a fer
lo lit e de gitar-se en ell, però, com véu que tot stava desfet, dix:
... (Tirant 210, 12-14).
2. Lo cavaller ... fon pujat en una torre per una part del mur qui
derroquada stava per los passats combats (Tirant 784-785).
3. ¿Per què diu en temps carnal, lo cel està tancat? (Ferrer-b I 184).
4. ... e levà-li lo bacinet del cap taillant-li ab la dagua les tiretes ab
què stava ligat, e dix-li: (Tirant 89, 17-24).
5. Sols la tomba stava descuberta. E·n l’arch de part defora, staven
penjats los scuts de cavallers vençuts en camp clos de batalla ...
E sobre la tomba, ab letres d’or, staven sculpits aquests tres
versos: (Tirant 924-925).
6. “Laudate eum in sono tube”. Ara, la trompa ha tres canons, e
estan lligats uns ab altres (Ferrer-a IV 203, 34-35).
7. Com lo cambrer fon a la porta de la cambra de Tirant, sentí que
feya gran dol ...sentia bé les paraules ... encara que bé no les
comprengués perquè la porta de la cambra stava tancada (Tirant
610-611).

(22) y por eso se emplea ser en frases donde más bien se expresan estados o situa-
ciones en que se halla el sujeto, como en:
Este coche no és teu, este coche és robat o llogat (no pasiva!)
Este peix, el lluç, a deu pessetes el kilo? Però si açò és regalat (no pasiva!)
Este peix és congelat (no pasiva!), etc.
En cuanto al uso de ser, como verbo atributivo en la clasificación de cuali-
dades o de estados (transitorios, accidentales, etc.) en que se halla el sujeto,
véase Vañó-82, págs. 34-36 y 116-143.

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ESTAR CON ADJETIVOS 533

8. Y ... defora [l’arch] estaua pintat de groch y vermell a modo de


barres ... y per lo sotol de aquell estaua tot emparamentat y
cubert de draps de ditas colors (Gomis 12).

3. Lo mismo cabe distinguir dentro del adjetivo sec, que puede pre-
sentar igualmente los dos sentidos. En primer lugar, el sustantivo-intrín-
seco, que se da cuando el sujeto en cuestión (una planta, una persona,
etc.) tras un cambio cualitativo, operado en él a través del tiempo natu-
ralmente, ha perdido o tiene muy poca agua, como elemento constituyente
del mismo (el gerani és sec, Don Quijote de la Mancha era seco y arru-
gado, etc.). Sec en este sentido se opone a otras cualidades, así mismo
inherentes o constitutivas del sujeto, como son verd o tendre. También en
estos casos, el verbo atributivo es desde siempre el verbo ser; el uso de
estar es algo especial y estilístico, que tiene poco más de cinco siglos de
existencia en valenciano (y en castellano).

Y, en segundo lugar, el sentido relativo-extrínseco de sec, que lo tene-


mos cuando el sujeto en cuestión pierde o carece de agua o humedad, no
como entidades constituyentes de aquél, sino como elementos extrínsecos
a su constitución y relativos a una circunstancia, como por ejemplo, el
agua de lluvia:
Va ploure molt, però va eixir el sol; i al cap de cinc minuts el gerani
estava sec.

Aquí sec se opone a humit, banyat, mullat, etc. y, como en estos casos, va
siempre atribuido mediante estar, por lo menos en valenciano; cosa que no
se puede sostener de otras regiones catalano-parlantes como Cataluña y
Baleares, debido a la oscilación entre ser y estar, que todavía impera allí,
y esto a pesar de que el uso de estar con este tipo de adjetivos en sentido
relativo-extrínseco en valenciano data de la Edad Media:
(3) 1. O trista de mi, que la arena stà umida per les mies doloroses
làgrimes! (Tirant 634, 33).
2. Los nostres ulls, ... estaven no eixuts de piadoses llàgrimes ...
(Corella: Tragèdia, 54).
3. ... sos fills, qui eren aquí, ... callaven, mas certes los seus hulls no
staven exuts (Curial I 57, 20-25).
4. Y aprés de fer fora tots los fanchs, estava tot aquell rasser ... exut
(Antiquitats, pàg.172).

4. Las notas de vell y jove así como las de verd, tendre, madur, podrit,
atribuidas por ejemplo a seres vivos (animales o plantas), son igualmente
cualidades sustantivo-intrínsecas de dichos sujetos y por este motivo
vienen atribuyéndose desde el latín normalmente mediante el verbo ser;

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534 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

así, diremos de un niño que es jove o tendre, y de una fruta que és verda
o tendra; sin embargo, tras un cambio cualitativo operado en su cuerpo y
constitución a través del tiempo diremos Este home (ara) es vell, madur,
dur, etc. o Esta fruita es madura, podrida, etc. El empleo de estar en estos
casos responde a una finalidad estilística y ya se le puede documentar –
aunque muy esporádicamente – en los escritos valencianos del siglo XV,
como vengo diciendo y veremos más abajo.
En este apartado resulta difícil encontrar ejemplos, en donde estos
adjetivos presenten un sentido relativo-extrínseco, ya que todos ellos indi-
can cualidades constitutivas de los respectivos sujetos, bien sean éstas ori-
ginarias (jove, tendre, verd) o bien adquiridas tras un proceso o cambio
cualitativo (vell, madur, podrit). Únicamente si lográramos imaginarnos
algunas situaciones especiales, podríamos registrar el sentido relativo-
extrínseco de estos adjetivos, pero eso sí, en ocasiones con un significado
algo distinto.
Así, por ejemplo, si un muchacho de 15 años, para representar una
escena de teatro, se pone una peluca y barba canosa de viejo, se pinta
arrugas en la cara y camina tembloroso y encorvado, es decir, si se ‘hace’
o, mejor dicho, se transforma extrínsecamente en ‘viejo’, podremos decir
està (però no *és) vell.

Igualmente si se pinta todo él de verde o se le ilumina con una luz de


este color sobre el escenario, diremos està / *es verd (o roig, oscur, etc.),
tal y como se decía ya en el siglo XV:
(4) 1. Tostemps he vist que, com lo cel stà roig, senyal és de tempesta
(Tirant 500, 30).
2. Vehents nosaltres que quan en una cambra no·y ha candeles que
cremen, veus que està la cambra tenebrosa, mas si n’i ha, està
clara e bella. Axí és quan la ànima ha virtuts: és tota clara e bella
(Ferrer-a III 151, 25-28).
3. Vejats Isaïes com se trahe escarn de Lucifer: “Qui mane orie-
baris”, que estaves clar, etc. (Ferrer-a IV 45, 6-7).
4. ... vet en lo Vell Testament, car tot està velat per figures, e ara
tot està clar en lo Novell Testament (Ferrer-a IV 221, 19-21).
5. ... devem llevar los huylls contemplant en affectió ... quan ve de
nit, que·l cel està clar e ple de steles (Ferrer-a VI 70, 32-33).

5. Y finalmente el adjetivo espès, dentro del cual cabe distinguir igual-


mente los dos sentidos: El sustantivo-intrínseco, cuando el adjetivo espès
expresa la cantidad de partículas que constituyen o componen al sujeto en
cuestión, como en xocolata espessa o en bosc espès, donde los sujetos
‘xocolata’ y ‘bosc’ están compuestos de o consisten en muchas partículas

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ESTAR CON ADJETIVOS 535

de chocolate o de árboles concretos; por lo cual, cuantas más partículas de


este elemento añadamos o más árboles plantemos, tanto más espesos serán
el chocolate y el bosque, es decir, habrá más de lo mismo. En este sentido,
espès es equivalente a dens, compacte, sòlid, massís, etc. y antónimo de
clar, escàs, rar, magre, fluix, etc. Su atribución con estar, como queda
dicho, es bastante reciente en catalán y responde a una actitud estilística
por parte del hablante, como veremos más abajo.
Y, por otra parte, el relativo-extrínseco, que lo tenemos cuando el
adjetivo espès indica, no la cantidad de partículas que constituyen al
sujeto, sino la distancia o separación extrínseca a que se encuentran dife-
rentes sujetos entre sí, como en Estos arbres estan molt espessos, donde
espessos no indica la densidad o la cantidad de duramen, que forma o
compone los respectivos troncos, sino lo cercanos que, extrínsecamente,
están unos árboles de otros. En este sentido, espessos equivale a pròxims,
junts, contigus, concentrats, etc., es antónimo de separats, dispersos, disse-
minats, allunyats, etc. y desde la Edad Media se le viene atribuyendo
también en catalán, o por lo menos en valenciano, con el verbo estar :
(5) 1. Ells així lo [Jesucrist] gitaren [els veïns] de la ciutat, e muntaren-
lo a l’espenyador, [però] ell, ..., desaparec-los, que no el veren.
Així mostrà subtilitat, passà per mig d’ells, que estaven espessos
(Ferrer-b I 190-191).
6. Emperó ... les verg[u]es y rames tendres [de l’arbre], encara que
estiguen al sol, se alcen y creixen sobre la tanca del ort; les
soques y reals del qual arbre spesses estan ... (Conques 48).

Con lo dicho hasta aquí, no se puede negar la existencia del antiguo uso
de estar con algunos adjetivos (espès, clar, verd-roig, alt, humit-sec, etc.)
que o “tradicionalment no coneixien estar” (J. Solà) o que representan
“uns nous usos d’estar” (A. Badia): por lo menos, con adjetivos en sentido
relativo-extrínseco, como los presentados; pero no es éste ni el lugar ni el
momento de insistir sobre este punto(23).

(23) Más adelante me ocuparé del uso medieval de estar con adjetivos en sentido
relativo-extrínseco. No quiero, sin embargo, pasar por alto el uso bastante
extendido en los escritos medievales – sobre todo valencianos – de dicho verbo
con otros adjetivos en este mismo sentido (relativo-extrínseco) que figuran en
las listas de nuestros dos autores, como lleig, net, brut, plé, tanto con sujetos
animados como animados, y que, según ellos, tampoco conocerían estar:
1. E jassia que l’alcait no sia de la vostra ley ni los moros, vergonya haurien
de vós, si faÿen ço que letg los estegués (Libre-feyts, cap. 336).
2. Al cap de tants de anys, lo argent estava brut y encourat (Sermó de S. Vicent.
Alcover-Moll IV, encourat, pàg. 896).

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536 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

Mayor interés, sin embargo, tiene para el presente trabajo el uso de


estar con estos (y otros) adjetivos en sentido sustantivo-intrínseco; es
decir, estar con adjetivos que expresan cualidades o propiedades inhe-
rentes, permanentes, características, etc. del sujeto(!), o sea, con algunos(24)
adjetivos de la clase [β] en las citas de los gramáticos aducidos y que,
como vengo diciendo, contra la suposición de sendos autores, se le puede

3. Per estar la dita font molt bruta y sútzia de fanch (Doc. de 1635. Alcover-
Moll X, sutze, pàg. 88).
4. ... los regidors no [han de] sostenir adevins, ne jures, ne loch de daus,
ne puteries partulars; [que] estiguen netes les comunitats (Ferrer-a III 25,
4-6).
5. E Anna acompanyà la senyora sa filla [la Verge Maria] a casa de Josep, la
qual estava molt neta (Villena: 104).
6. Y així obrí lo sagristà lo sacrari, lo qual stava molt net y ben concertat
(Antiquitats, pàg. 39, 2).
7. Tota la casa està plena de dimonis sperant ... (Ferrer-a III 40, 25-26).
8. Hun dia, Jesuchrist preÿcava en lo Temple, e estave ple de gent (Ferrer-a IV
142, 21).
9. ... devem llevar los huylls contemplant en affectió ... quan ve de nit, que·l
cel està clar e ple de steles (Ferrer-a VI 70, 32-33).
10. Similitudo havem vist hun arbre gran, que estava ple de ocellets cantant,
saltant de rama en rama (Ferrer-a VI 271 mitat).
11. Hagues mercè de nosaltres, Senyor, hagues merè, que molt som plens de
menyspreu; que molt ne stà plena la nostra ànima (Corella Ps. 122).
12. Que los meus loms e la mia pensa stà plena de il·lusions, no tinc sanitat en
la mia persona (Nam lumbi mei pleni sunt inflammatione, nec quicquam est
sani in carne mea (Corella Ps. 37, 7)).
13. ... e lo cor d’aquests així presumptuós està contínuament ple de pensaments
infructuosos ..., així com lo mercat està ple de diversitat de gents (Villena:
Vita, 113).
Más casos de estar medieval con el adjetivo plé en sentido relativo-extrínseco
los tenemos en:
los carrers estaven plens de sang (Ferrer-b II 194), tot l’infant stava ple de sanch
[del moro ferit], ... (Tirant 41, 18-21), lo camí stà ple de cossos morts (Tirant
374, 23-26), la plaça estaua plena de gent (Gomis 17), perquè estich ple de [...]
(Conques 81), la mar está plena de canes (Conques 98), la bota estava plena de
le[n]ya (Antiquitats, pàg. 181), y estava tot ple de gent (Antiquitats, pàg. 247),
estava tota la església plena (Antiquitats, pàg. 283 y pàg. 293), Net estich
(Conques 82).
(24) Naturalmente no me ha sido posible registrar en los escritos medievales ejem-
plos del uso de estar con todos y cada uno de los adjetivos de la clase [β]
en las citas de los dos autores; y esto no sólo por lo raro que era dicho uso
incipiente en aquellos siglos, sino también por los mismos adjetivos: así, no he
encontrado casos de estar con adjetivos cultos del Renacimiento, como preciós,
atractiu, horrible, repugnant, transparent, etc., ni tampoco con adjetivos popu-
lares modernos en catalán, como maco, bonic, boig. En su lugar, sin embargo,
sí que lo he constatado con adjetivos sinónimos o equivalentes a éstos, como
garrit, magre.

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ESTAR CON ADJETIVOS 537

registrar ya – aunque de forma incipiente y muy esporádica (al igual que


en castellano!) – en los escritos medievales de los siglos (XIV)-XV-XVI,
sobre todo en textos valencianos y en autores catalanes residentes en la
Valencia Medieval. Veamos:
(6) Pare y senyor, si a vós plaurà, / dau-nos remey [que] pugam pasar
aquest gran riu que fondo està, / que allà [a la otra orilla] pugam
arribar
(Teatre-aII, pàg. 29, 41-44).

Tenemos aquí un ejemplo procedente de un auto religioso de la Valencia


de la primera mitad del siglo XVI(25); en el figura el verbo estar con un
adjetivo típico del mozárabe valenciano: fondo(26); no se trata, pues, de un
posible castellanismo. El contexto de la frase es el siguiente: unos pere-
grinos, se encuentran, ‘topan’, con “un gran riu”, que les impide la mar-
cha en su peregrinaje; para poder proseguir su camino, lo han de atrave-
sar; al constatar el enorme caudal que lleva el río sienten miedo, buscan
ayuda en Dios y dicen el texto de nuestro ejemplo. Hay que hacer constar
que, según el auto, estos peregrinos no han visto nunca dicho río, lo ven
primera vez; no saben, por tanto, cómo era antes ni cómo será después.
Según este contexto, es de subrayar el hecho de que el adjetivo fondo,
aplicado aquí al caudal de “un gran riu”, con el que se encuentran los
peregrinos, no expresa ningún “estat o afecció” del río (debido quizás a
una crecida por las lluvias), lo cual daría pié, según cree erróneamente la
gramática tradicional(27) catalana (siguiendo las pautas de la castellana), al
empleo de estar, ni tampoco expresa una “qualitat transitòria o passatgera”
del mismo, que luego pueda cambiar (¿qué saben de eso los peregrinos?),
ni mucho menos indica un “canvi”, operado en el caudal. Aquí tenemos el

(25) ... la llengua d’aquest misteri és la corrent [a la València] de la primera meitat


del segle XVI i és força més pura que la de les consuetes mallorquines (Teatre-
a I, pàg. 40).
(26) que, según J. Corominas, logró extenderse – desde Valencia – por todo el
territorio lingüístico catalán. Véase: (J. Corominas, Diccionari etimològic i
complementari de la Llengua Catalana, vol. IV fons, pàg. 94 ss.).
(27) Véase el último trabajo de R. Ramos Alfajarín sobre ser y estar en catalán
antiguo, en el cual se continúa asignando miméticamente a estar con adjetivos
los mismos valores que la tradición gramatical castellana y catalana viene atri-
buyendo mecánicamente a este verbo: ser = cualidad, propiedad, etc. ≠ estar
= estado, afección transitoria, etc. (Ramos, pàg. 272). Estos principios un tanto
maniqueistas responden a un espejismo y a la voluntad de querer ver a toda
costa en cualquier construcción con ser + adjs. la expresión de una cualidad y
con estar, en cambio, la de un estado. Los datos de la lengua, sin embargo, no
son tan simples y van, además, por otros caminos.

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538 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

adjetivo fondo empleado en sentido sustantivo-intrínseco, ya que significa


una “qualitat(28) o característica permanent, definitòria o classificatòria” del
río en cuestión: la cantidad o volumen de agua, la “fondària” del
río, calculada o imaginada desde la superficie hasta el suelo o lecho, son
elementos constitutivos de ese río como tal; dicho río es así: gran, fondo,
profund o preon y ni ha cambiado ni cambiará(29).
Seguramente habrá quien querrá ver en este ejemplo un uso de estar, en
lugar de ser, por motivos de la rima, ya que se trata de una pieza teatral
versificada y, en nuestro pasaje, la palabra està rima con pasar y con arri-
bar respectivamente. Pero aun en el caso de que se tratara de una licen-
cia métrica, no se podría argumentar nada contra la gramaticalidad de
este uso de estar; en primer lugar porque ambos verbos son, sintáctica y
semánticamente, muy semejantes, aunque no sinónimos; y si el autor de la
obra llegó a utilizar uno por otro, era porque la semántica de sendos ver-
bos se lo permitiría y los oyentes de la época no lo sentirían como falta
gramatical; en segundo lugar, porque hay – además de éste – otros ejem-
plos de estar con esta clase de adjetivos en escritos en prosa anteriores
incluso al siglo XVI, como se muestran en el presente trabajo; y final-
mente, porque en valenciano son muy corrientes frases como:
Este toll (esta bassa) està molt fondo (-a), jo ací no em tire a nadar, tinc
por d’aufegar-me.
Ahí (en eixe toll) no vos tireu (a nadar), que està molt fondo, etc.
Este sentido de fondo es muy distinto del que tiene el adjetivo en frases
como: El riu està molt fondo, que podemos decir al contemplar, situados en
la cima de una montaña, cómo fluye un río a los pies de la misma o en la
profundidad del valle; en este caso del adj. fondo posee un sentido relativo
a la distancia entre la situación del río y el lugar en que nos hallamos ubi-
cados y extrínseco a la constitución del río como tal, ya que la situación en
que éste se encuentra (o fluye) no afecta ni a su caudal ni a su constitución.
La lengua, o en concreto, la sintaxis es muy sensible a los dos tipos
de sentido que pueden poseer los adjetivos; así, mientras con fondo en
sentido relativo-extrínseco, se puede decir:
El riu ací està / es troba / *és molt fondo; des d’este lloc no el podràs veure,

(28) fondo: Pregon, profund “– profunditat: Qualitat de profund ... la profunditat


d’un llac” (Institut, fondo y profunditat).
(29) Hemos de prescindir del hecho real y ontológico de que en este mundo todo
cambia o todo puede cambiar (tal y como sostenía el filósofo pre-socrático
Heráclito de Éfeso), pues cuando hablamos normalmente no lo hacemos guia-
dos por categorías filosófico-ontológicas.

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ESTAR CON ADJETIVOS 539

no ocurre lo mismo cuando el adjetivo tiene un sentido sustantivo-


intrínseco:
El riu ací és / està / *es troba molt fondo; crec que em cubrix; jo ahí
no em tire a nadar.

En el primer caso, se puede ver cómo estar es equivalente de trobar-se y,


además, ha desbancado a ser en este campo de la sintaxis; en el segundo,
sin embargo, estar es equivalente (intercambiable a nivel sintáctico, que no
semántico!) de ser, pero no de trobar-se, inaceptable en este caso. Tene-
mos, por lo tanto, aquí dos tipos de estar: un primer estar1 – incompatible
con ser, pero compatible con otros verbos como trobar-se (en cast. encon-
trarse, hallarse) – con el que atribuimos adjetivos que expresan situaciones
en que se encuentra el sujeto o notas extrínsecas a la constitución del
mismo, y un segundo estar2 – algo más complejo a nivel semántico, compa-
tible con ser, pero incompatible con trobarse, etc.) – mediante el cual atri-
buimos cualidades (permanentes, características, etc.) que constituyen al
sujeto como tal.
Desde el latín (vulgar) hasta nuestros días, el verbo normal para atribuir
estas notas constitutivas del sujeto es ser. La presencia de estar2 con esta
clase de atributos es más reciente que la de estar1 con los suyos; procede
– tal y como vengo diciendo, por lo menos en valenciano y castellano
(posiblemente también en catalán occidental(30)) – de los siglos (XIV)-XV-
XVI y es un recurso libre y facultativo, del que puede servirse estilística-
mente el hablante para poner de relieve una serie de elementos semán-
ticos, de carácter cognoscitivo y, sobre todo, emotivo-expresivo, que no
podría expresar únicamente mediante el verbo ser.
Ya en Vañó-1982 hablaba yo de que también el empleo libre de estar
con adjetivos en sentido sustantivo-intrínseco respondía a la tendencia –
por parte del hablante – a concretizar y a circunstanciar plástica y emoti-
vamente la cualidad constitutiva del sujeto (págs. 155 ss.) y en Vañó-2000
enmarcaba yo esta tendencia particular de estar hacia la expresión concre-
tizante y plástica dentro de la tendencia o preferencia general de las
lenguas románicas por las palabras de contenido concreto y expresivo o
llenas de carga emotiva. Al igual que muchos vocablos de contenido algo
difuso y abstracto y/o polivalente fueron siendo sustituidos a lo largo del
tiempo por otros de contenido más expresivo y más concreto como:
invenire por afflare: ‘husmear, olfatear, soplar’ (hallar)
captare: ‘atrapar, coger, cazar’ (catar)

(30) Véase, más abajo, el ejemplo (8).

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540 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

*incontrare: ‘ir en contra’ (encontrar)


turbare (aquas) / *tropare: ‘ensuciar, enturbiar las
aguas’ (cat. trobar)
loqui por parabolare: ‘hablar usando parábolas’ (cat. parlar)
fabulare: ‘conversar, charlar, usar de fábulas’ (hablar)
edere por manducare: ‘masticar, comer a dos carrillos’ (cat. minjar)
comedere: ‘devorar, comer con avidez, coméserselo
todo’ (comer)
fell(it)are por mammare: ‘chupar de la mama’ (mamar)
os por bucca: ‘mejilla, carrillo’ (boca)
gula: ‘garganta, paladar’ (rum. gurâ) etc.,

así también fue siendo parcialmente sustituido en sus funciones sintácticas


el pro-verbo latino esse – especie de comodín sintáctico, fuertemente poli-
valente y de contenido abstracto y difuso – por otros verbos de contenido
más concreto y más expresivo como se afflare, se*incontrare, se turbare /
se *tropare, se sentire, se monstrare, ambulare(31), etc. pero, sobre todo, por
el verbo stare, el cual como verbo lleno poseía en latín una serie de semas
de carácter muy concreto y plástico, como [+Estar de pié], [+Estar dere-
cho, erguido], [+Estar delante de], [+Presencialidad], [+Verticalidad],
[+Situatividad], [+Permanencia?], [+Inmovilidad], [+Firmeza], etc. A lo
largo del tiempo y, en especial, en las lenguas romances de la Península
Ibérica, estar fue perdiendo algunos de estos semas lexicales para conver-
tirse en verbo copulativo y poder asumir de este modo algunas funciones
sintácticas del verbo ser, eso sí conservando o aportando, frente al difuso
esse, el sema general de [+Concreción] y [+Plasticidad].
De este modo, estar, como verbo atributivo, se convirtió en el instrumento
estilístico y libre (al lado de ser), sumamente apropiado para las expre-
siones copulativas de contenido concretizante y de carga expresiva y/o
emotiva, como en el caso que nos ocupa: aquest gran riu que fondo està,
en el sentido de que ‘es muy profundo’, ‘lleva mucha agua’ y por eso ‘nos
es difícil atravesar’, es decir, en el sentido de que expresa no un estado
(transitorio) ni una situación extrínseca o geo-orográfica en que se
encuentra el río, sino una cualidad permanente y característica del mismo.
Según todo esto, la diferencia que yo veo entre las dos posibles califica-
ciones sobre un mismo río que ven o ‘experimentan’ unos peregrinos por
primera vez en su vida, o sea, entre
1. Este riu és molt fondo (= tiene 5 m. de profundidad) y
2. Este riu està molt fondo (= tiene 5 m. de profundidad) es la siguiente:

(31) Por ejemplo: esp. se halla muy lejana, se encuentra enfermo, me siento muy feliz,
se mostró muy amable, anda medio loco, cat. es troba molt cansat, etc.

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ESTAR CON ADJETIVOS 541

Ambas frases indican o señalan el mismo hecho real más allá de la len-
gua: ‘el río es muy profundo’, ‘lleva mucha agua’; tenemos aquí, pues,
igualdad de designado: las dos frases se refieren a la misma realidad
extra-lingüística, fenómeno que podría inducir a interpretar falsamente
sendas frases como sinónimas. Sin ambargo, como se trata de dos ejem-
plos diferentes, o sea, de dos signos lingüísticos distintos (uno con ser y
el otro con estar), se puede concluir que en cada uno de ellos se tiene un
significado diverso, o sea, que en ellas tendríamos igualdad de designación
pero diferencia de significado: algo (tanto a nivel sintáctico-morfológico
como a nivel semántico) contiene una frase de las dos que no contiene la
otra o, lo que es lo mismo, algo comunicamos con una de ellas que no
comunicamos con la otra. ¿Qué es lo que manifestamos con cada una de
ellas?
En la frase con ser comunicamos simplemente una clasificación de la cua-
lidad (inherente, permanente, etc.) de hondo que posee o constituye el río:
Si un río (en general) tiene un caudal de 10 metros de profundidad, se
puede afirmar – con toda seguridad y sin peligro a equivocarse – que
es hondo (que és fondo).

es decir, clasificamos dicho río dentro de la categoría de hondo, profundo,


etc. a raíz de la cantidad de agua que lleva, y por eso decimos que es o
no es hondo. Aquí el acento recae sobre algo tan abstracto como el
número de metros de altura de su caudal o de su volumen. En la segunda
frase con estar, sin embargo, el adjetivo hondo no pasa automáticamente
a indicar un estado (transitorio o pasajero) del río por obra y gracia de
dicho verbo, tal y como quiere ver la gramática tradicional, no; aquí
hondo o fondo continúa expresando – pese a la presencia de estar – una
cualidad permanente e inherente del río, sólo que ahora no nos fijamos en
la cantidad de metros del caudal ni tampoco lo clasificamos; ahora la cua-
lidad de hondo en cuestión nos “afecta” (porque queremos pasar el río o
nadar en él) y la vemos inmersa en una serie de circunstancias de muy
compleja índole, que pueden ser tanto de tipo cognoscitivo como, sobre
todo, emotivo-expresivo. De hecho, la lengua (en castellano y en valen-
ciano, por lo menos) rechaza el uso de estar en frases desconcretizadas o
de carácter general, como:
Si un río (en general) tiene un caudal de 10 metros de profundidad, se
puede afirmar con toda seguridad que *está hondo (que *està fondo).

Algo posee el verbo estar que le hace incompatible, en este caso, con
elementos abstractos como números, volúmenes, clasificaciones o frases
exentas de contextos concretos como la expuesta. Ese algo no es otra cosa

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542 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

que el sema de [+Concreción] y [+Plasticidad] etc. que impregna este


verbo. Los peregrinos de nuestro ejemplo, pudiendo decir riu que fondo
és (ya que se trata, en realidad, de una cualidad del río), dicen riu que
fondo està, y lo hacen con la intención de poner de relieve las circunstan-
cias en que ven inmersa la cualidad de hondo de ese río y que les afecta
directamente: ellos experimentan, sienten, la profundidad del río como
algo peligroso para ellos, como algo con lo que ‘se las tienen que ver’ y
por eso recurren estilística y libremente – además de a Dios, para que los
salve – al verbo estar para concretizar y evidenciar plásticamente la cua-
lidad de fondo. Estar, en casos como éste, tiene una carga concretizante y
expresivo-emotiva, que no posee ser, verbo completamente vacío y mero
signo clasificatorio de cualidades, de estados permanentes, estados transi-
torios, situaciones, etc.
Lo dicho sobre un adjetivo en sentido sustantivo-intrínseco en un ejemplo
valenciano del siglo XVI, cabe aplicarlo también a otros adjetivos de este
tipo procedentes de ejemplos de nuestros días; de este modo redondearé
lo que vengo diciendo. Se trata de adjetivos que se refieren a las cuali-
dades gustativas (no nutritivas o energéticas) de los alimentos, como estos
casos a continuación, sacados de las citas de J. Solà:
[β] el plàtan està bo; el conill està molt bo; el iogurt està molt dolent
(= sabroso, no-sabroso)
[β] Que bo que està aquest pastis! (= apetitoso, sabroso, etc.)
[β] Aquesta noia està molt bona! (= apetitosa)
[β] Aquesta sopa està molt bona (= sabrosa)

El sabor agradable o desagradable de un alimento es una cualidad consti-


tutiva del mismo: dicho alimento es así. De ahí el uso normal de ser con
este tipo de adjetivos:
[β] el plàtan és bo; el conill és molt bo; el iogurt és molt dolent (= sabroso,
no-sabroso)
[β] Que bo que és aquest pastis! (= apetitoso, sabroso), etc.

en donde, mediante ser, clasificamos de buenos dichos alimentos, refirién-


donos – claro está – a su sabor, no a su valor nutritivo, energético, salu-
dable o nocivo, que se expresarían igualmente con ser (el plàtan és bo per
a la salut), ya que son así mismo cualidades constitutivas.
Ahora bien, en estas mismas frases con estar de la citas de J. Solà, el adje-
tivo bo-bona no pasa a significar de repente un estado por el mero hecho
de que sea atribuido ahora mediante este verbo, no. Aquí sigue indicando
una cualidad inherente y característica del sujeto; se trata del propio sabor
(agradable o desagradable) que tienen unos alimentos concretos. Así por

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ESTAR CON ADJETIVOS 543

ejemplo, si al comernos o saborear un plátano, decimos Qué bo que està


este plàtan!, no estamos expresando que se ha producido o que se va a
producir un cambio en el sabor de dicho fruto, como tampoco se puede
entender como un estado (transitorio o pasajero) en que se encuentra el
sabor del plátano. Lo único que estamos haciendo es circunstanciar de una
forma expresivo-emotiva el impacto que dicho sabor (o la cualidad de
bueno) produce sobre nuestros sentidos, es decir, nuestra experiencia del
sabor agradable del plátano. Es justamente la imposibilidad de experi-
mentar la cualidad o valor, por ejemplo, nutritivo y saludable de los
alimentos, lo que nos impide generar frases como
*El plàtan està bo per a la salut o
*El plàtan està bo [en el sentido de que]: té vitamines A, B, C [etc.] i
molta energia(32)

Resumiendo lo dicho: ser es el verbo normal, desde el latín hasta


nuestros días, a la hora de atribuir adjetivos en sentido sustantivo-intrín-
seco y de clasificar las cualidades que expresan dichos adjetivos, o sea,
aquellos que expresan cualidades constitutivas del sujeto y/o estados sus-
tanciales en que se encuentra éste (producidos o no tras un cambio en su
constitución). Estar (el estar2) fue apareciendo en las estructuras sintác-
ticas del valenciano (y del castellano), como recurso libre y estilístico en
la atribución de esta clase de adjetivos para poner de relieve, y de una
forma más expresiva y plástica que con ser, el impacto que tales cuali-
dades o estados sustanciales causan en él o para subrayar las circuns-
tancias en que el hablante ve inmersas dichas cualidades o estados sus-
tanciales. Se trata, pues, de un uso de estar – podríamos calificar de –
superfluo a nivel lógico-cognoscitivo, ya que todos los elementos semán-
ticos necesarios para el entendimiento en el acto de comunicación ya
están comprendidos en la frase con ser.
Precisamente el carácter de superfluo a nivel lógico-cognoscitivo que
afecta a este uso de estar2, sería, a mi parecer, la causa que explicaría, de
un lado, su tardía aparición en el valenciano (s. (XIV)-XVI-XVI: un siglo,
por lo menos, después del estar1 con sus adjetivos en sentido relativo-
extrínseco) y, por otro lado, su ausencia en las estructuras sintácticas del
catalán de Cataluña. A partir de esto se puede comprender, a la vez, su
rechazo por parte de los gramáticos catalanes actuales (inducidos – posi-
blemente – por la inexistencia real de este uso de estar2 en Cataluña) y
la actitud algo titubeante de gramáticos de talante más abierto y objetivo,

(32) Véase, además, Vañó-1982: pàgs. 177 ss.

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544 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

como J. Solà y A. Badia. No fue éste, sin embargo, el único caso que
pude recoger en los escritos valencianos medievales. Había otros tan
antiguos, como:
(7) [En una obra urbanística de la Valencia de 1.393!] ... fo pres dels
dits patis tant com fo obs per al dit passatge. ... Specialment sobre
la entrada estava, si·us recorda, tan letg [el dit passatge] .... que.l cel
se’n mirava, e alcunes bigues trencades estaven ligades ab cordes
(Epistolari, pàg. 86, 35-50).

En este ejemplo tenemos el verbo estar con un sujeto inanimado y con


lletg, uno de los adjetivos que, según J. Solà, “tradicionalment no coneixien
estar”. Posiblemente habrá quien querrá justificar el uso de estar en este
ejemplo aduciendo la eventual influencia del sintagma adverbial que le
precede inmediatamente Specialment sobre la entrada; la existencia, sin
embargo, de otros casos de estar con adjetivos de este tipo (sustantivo-
intrínsecos) sin ningún sintagma adverbial de lugar, me hacen descartar
esta posibilidad. También habrá quien querrá ver en lletg la expresión de
un estado en que se encuentra la obra, en un principio nueva y preciosa,
pero que se ha ido deteriorando (cambiando) a través del tiempo hasta
alcanzar el estado de ruina y fealdad actual, y por eso intentará justificar
el empleo de estar, siguiendo los principios tradicionales, según los cuales
este verbo se emplearía con adjetivos que indican estados o afecciones
pasajeras (A. Solà, Ramos, etc.). No tengo inconveniente en calificar esta
situación de deterioro como de un estado, pero un estado sustancial que
prácticamente constituye una nueva cualidad inherente; pero no se debe
a ello el uso del verbo estar con los adjetivos que nos ocupan.
Para entender todo esto hay que tener en cuenta lo siguiente: si queremos
calificar un edificio recién acabado de construir, diremos Este edifici es
molt nou i molt bonic(o) y entenderemos nou y bonico como cualidades
inherentes, propias, etc. de dicho edificio. Si con el tiempo, se va deterio-
rando, veremos que habrá mudado dichas cualidades por otras nuevas
(esto es, sus contrarias); y diremos entonces: Este edifici, que abans era
nou i bonico, s’ha deteriorat molt i ara és vell i lleig y seguiremos enten-
diendo vell y lleig como cualidades o estados sustanciales, adquiridos a
través del tiempo y debidos a un cambio, en este caso, cualitativo(33) en el
sujeto. No obstante y en contra de las teorías de los gramáticos, emple-

(33) Diferente del cambio accidental que tenemos en Este txiquet està molt lleig
porque se ha pintarrajeado la cara o se ha colocado un disfraz horrible de car-
naval y se ha puesto – extrínsecamente – muy feo. E este caso no se puede
decir *Este txiquet és molt lleig.

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ESTAR CON ADJETIVOS 545

amos aquí el verbo ser – sabiendo e indicando expressis verbis que ha


habido un cambio (abans ... s’ha deteriorat (34) ... ara) y que se ha adqui-
rido una nueva cualidad o estado sustancial (vell-lleig) – pues éste es
el verbo propio para la clasificación de cualidades, estados sustanciales,
clasificaciones, etc. desde el latín hasta nuestros días. El empleo de estar,
por el contrario, en Este edifici ara està molt vell i molt lleig y en el caso
del ejemplo valenciano aducido, no puede deberse a que se considere que
lleig indique ahora un estado pasajero o un cambio ocurrido en el sujeto,
tal y como pretende la gramática tradicional, ya que estos elementos
lógico-cognoscitivos figuran también en la estructura semántica de la frase
con ser. Es decir, que estar2 – por sí solo – no puede indicar un estado (ni
pasajero, ni transitorio) o un cambio (sustancial o accidental) ocurrido en
el sujeto; como tampoco lo puede indicar por sí solo el verbo ser ; esto nos
lo indicará el conocimiento que tengamos de la realidad, o sea, si sabemos
que se ha producido un cambio desde un punto de partida
A (estado sustancial o accidental, cualidad, situación, etc.) a un punto
de llegada
B (estado nuevo, cualidad nueva, situación nueva, etc.).
Con adjetivos en sentido sustantivo-intrínseco, los que indican cualidades
(constitutivas), el cambio de una cualidad a otra se clasifica desde siempre
mediante ser:
Este edifici abans (A) era bonico, però ara (B) és lleig
Cuando, en contextos donde realmente ha habido un cambio de cuali-
dades, aparece estar con este tipo de adjetivos, este verbo no responde al
hecho de que mediente él se quiera indicar el mero cambio objetivo, sino
más bien al intento libre y estilístico por parte del hablante de circunstan-
ciar o concretizar – de una manera más plástica y más emotiva que con
ser – la nueva cualidad adquirida y de expresar, a la vez, el impacto que
esta nueva cualidad causa en el hablante.
Otros casos de adjetivos en sentido sustantivo-intrínseco, es decir, de
cualidades – sean adquiridas mediante un cambio sustancial o cualitativo
o no lo sean (a veces no se puede determinar con claridad si ha habido
o no un cambio, o si el hablante lo tiene en cuenta o no lo tiene) y atri-
buidos con estar, los tenemos en:
(8) CAS: Y ara vejam, scoltau: / ¿està bell / lo mallol que fiu novell?
CORNEY: Per cert que stave garrit, / mes lo bo d’en Crespinell /
lo’ns ha, senyor, destruit. (Teatre-b I, pág. 94, 363-378).

(34) deteriorar: v. tr. Posar en mal estat, fer inferior en qualitat o en valor, fer anar
a pitjor (Institut deteriorar).

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546 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

Ejemplo del catalán occidental(35), en donde tenemos los adjs. bell y


garrit, los cuales, como equivalentes de maco y bonic(o), serían otros dos
adjetivos que, según Solà, “tradicionalment no coneixien estar”; aquí van
atribuidos a un sujeto inanimado y expresan las nuevas cualidades del
majuelo, adquiridas naturalmente a través de un cambio sustancial: el
viñedo ha ido creciendo y se ha hecho así: ahora es bello y garrido.
Mediante estar se refuerza emotiva y expresivamente la impresión que
produce su belleza en el hablante, a la par que se circunstancia plástica-
mente dicho cambio de cualidades.
(9) [Diálogo entre dos mujeres ya no tan jóvenes ni lozanas]
SENYORA: També dech estar guastada / als vostres ulls, en bon ora. ...
Y vos no·us deveu mirar / quant seca stau y perduda
(Teatre-b II, pág. 62, 101-104.)(36)

Sec, otro de los adjetivo que, según J. Solà no “conocía tradicionalmente


estar”, y que, atribuido con dicho verbo, representa “uns nous usos d’estar
al costat dels tradicionals d’ésser”, según A. Badia. Seca, en este caso,
expresa la nueva cualidad constitutiva del sujeto, adquirida mediante un
cambio sustancial; esa persona, si antes era joven, fresca y lozana, ahora es
seca y arrugada. Mediante ser, la Senyora clasifica a su interlocutora den-
tro de la categoría de seca; recurriendo estilísticamente a estar, la circuns-
tancia dentro de esa nueva cualidad y pone de relieve, al mismo tiempo,
el impacto que sobre ella causa la contemplación o experiencia de tal
cualidad; lo mismo que en:
(10) Dona, la tortura aqueixa no és en lo mirall, mas en la vostra cara,
qui és torta e dolenta; ... Vejats com sóts bé orada e encegada,
que ja estats gran e fada e que encara no sapiats ne cregats a
nengú que hajats la cara torta (Eiximenis 63, 21-26.)

Frase de Fr. Eiximenis (1327-1409, autor gerundense pero residente en la


Valencia medieval), donde figura el adj. gran que, como equivalente de
vella, tampoco debía conocer tradicionalmente estar, según J. Solà. Si una

(35) L’ambient i la llengua [de la ‘Farsa d’En Cornei’ Q 1571, Comarca “La Segarra”
català occidental] son ... ben populars, l’autor hi empra un llenguatge escaient,
ha sabut fer una obra força expressiva ... (Teatre-b, págs. 34-35) ... L’autor estava
penetrat de la llengua popular ... Tret de la seva relativa puresa, la llengua del
nostre text és la normal de la seva època (Teatre-b I, pàgs. 40-41).
(36) L’autor, Joan Fdez. de Heredia, nat a València l’any 1480 i mort a la mateixa
ciutat el 1549 (Teatre-b I, pàg. 51) ... La llengua dels fragments ... és de molt
bona qualitat ... No és gens adulterada ni artificiosa, ans molt pura, matisada i
rica en l’expressió col·loquial, àgil i amb una escaient vertebració interna, sobre-
tot quan el [sic] parla la Senyora, el personatge més ben resolt (Teatre-b I,
pàg. 55).

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ESTAR CON ADJETIVOS 547

persona se ha hecho vieja a través de un cambio cualitativo, es que es


vieja. Con estar se concretiza emotivamente la impresión y la experiencia
de dicha cualidad por parte del hablante o se intenta circunstaciar la
nueva cualidad.
(11) 1. La IIIIa, vox Domini super cedros, que són ... alts ... e signifi-
quen los Apòstols, que estan durs com a pedra, que no·y
crehien bé (Ferrer-a V 242, 33-34).
2. Aliud semen cecidit super petram, quan ell [Jesuchrsit] preÿcave
als juheus en lo Temple ...; e ells [juheus] estaven endurits
(Ferrer-a V 84, 29-30)

Dur (o endurit) también figura en la lista de adjetivos que, según


J. Solà, no conocían tradicionalmente el empleo de estar. Aquí expresa la
cualidad o la forma de ser incrédulas de unas personas; ellas eran así
¿cómo?: eran duras (‘de mollera’; cfr. cat. ésser dur d’orella, ésser dur de
cap); por lo tanto ser es el verbo normal para atribuir – clasificándolas –
dichas cualidades; mediante estar se quiere concretizar o expresar de una
manera plástica y emotiva la dureza característica de dichas personas. En
el caso del adjetivo endurit, la morfología de participio en ‘-it’ puede
haber contribuido a la hora de recurrir a estar, como veremos más abajo.
(12) Verets hòmens bé arreats e vestits, e, dins, l’ànima està podrida
(Ferrer-b II 77).

Podrit, otro de los adjetivos cuya atribución mediante estar, según


A. Badia, representa “uns nous usos [d’este verb]”. Podrida, aplicado al alma
de una persona o a una fruta, indica una cualidad o estado sustancial de la
misma; dicha alma es así: podrida. En este ejemplo, el uso de estar también
podría deberse a la forma participial del adjetivo podrit, cfr. más abajo.
(13) Tercio, los cels foren uberts ... en la sua ascenció de Jesuchrist, axí
com la figa, quan és bé madura, que s’obre, e quan més està
[madura?], molt més se obre; e tot axí los cels, quan Jesuchrist
vingué en aquest món, començaren a madurar, e per la sua mort
e resurrecció ... (Ferrer-a V 37-38)

Si en esta frase he interpretado correctamente el original “e quan més


està, molt més se obre” como “e quan més està [madura]”, tendríamos en
madur otro adjetivo de los que no conocerían tradicionalmente estar y
de los que representarían un nuevo uso de este verbo, según J. Solà y
A. Badia respectivamente. La madurez de una fruta es naturalmente un
estado alcanzado tras un proceso de maduración, pero un estado sustan-
cial que equivale a una nueva cualidad: ahora la fruta es así ¿cómo?:
madura; antes era verde, luego fue madurando y ahora es / está madura.
Mediante el verbo ser clasificamos dicha fruta dentro de un sistema,

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548 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

tomando como base de la clasificación precisamente esa cualidad nueva


adquirida o el estado sustancial alcanzado. Mediante su atribución con
estar, el adj. madur sigue indicando esa misma cualidad o estado sustan-
cial; sólo que ahora, gracias al contenido concretizante de este verbo, se
comunica de una forma más emotiva y plástica la experiencia de esa
nueva cualidad adquirida y, al mismo tiempo, se circunstancia o concretiza
el devenir o el hacerse de dicha cualidad.
En los adjetivos de los ejemplos que siguen a continuación, se trata
igualmente de cualidades inherentes o características de los respectivos
sujetos de la frase y por eso podrían ir atribuidos con ser. Sin embargo,
los tenemos atribuidos con estar. No descarto la posibilidad de que la pre-
sencia de este verbo en ellos se deba a la tendencia hacia la expresión
concreta y plástica que implica estar. No obstante, se puede ver en ellos,
además de esto, el mismo fenómeno que ya constaté en el uso de estar
con adjetivos en castellano: el empleo de este verbo también por motivos
morfológicos y sintácticos (Cfr. Vañó-1982, págs 193 ss.)
(14) E tot son mal [de la princesa] fitament stà compost de materials
de sola sperança e no sap compendre en si ni determenar, en la
primera vista que de vós haurà, de mostrar-se dolre’s, o no, del
vostre mal. E aquests dos contrasts li combaten la sua pensa ...
(Tirant 535, 7-10).
Cuando se dice que algo o alguien se compone o está compuesto de cier-
tos materiales como, p.e., L’home està compost de cos i ànima, estamos
expresando una cualidad inherente y constitutiva del hombre: ese ‘algo’ o
‘alguien’ es así, él es el material mismo que lo compone o le da ser que
tiene. Desde siempre, ser ha sido el verbo normal para atribuir tales
predicados en catalán; así:
(15) 1. E l’engüent era compost de tals materials que ... (Tirant 645, 19).
2. Bé veets tots que som formats e composts de dues substàncies,
de cors e de ànima (Ferrer-a III 276, 10-11).
3. Car yo só composta de tal metall que jamés prometí res que no
u atengués (Tirant 270, 32)(37).
El uso de estar en (14), pudiendo responder a la tendencia en la lengua
hacia la expresión concretizante y plástica, puede deberse así mismo a la

(37) Mas casos medievales con ser como verbo propio de estos predicados:
... si lo meu rahonar fos compost de batafalua daurada ... (Tirant 542, 29-30);
... mas [los àngels] ... no son ... com nosaltres, qui som fets de fanch (Ferrer-a II
126, 1-2); ... car nosaltres som composts de dues natures: ... espiritual ... e sem-
blant a bèstia (Ferrer-a IV 229, 21-24); ... e lo fruit ... era compost de maraches,
balaxos e safirs (Curial I 92-93).

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ESTAR CON ADJETIVOS 549

morfología de participio que presenta el atributo format, aunque de claro


sentido sustantivo-intrínseco, es decir, como expresión de una cualidad
constitutiva del ‘mal’ en cuestión: la Princesa tiene una serie de males
que consisten en, que son precisamente las esperanzas o dudas sobre el
comportamiento a adoptar en la primera vista que tendrá con Tirant.
Como vengo repitiendo, tanto en castellano como en catalán (dejando de
lado los claros casos de vacilación que todavía hoy presenta el catalán de
Cataluña y el de las Islas Baleares así como el propio catalán escrito,
según la normativa oficial!)(38), los participios en sentido relativo-extrín-
seco, esto es, como expresión del resultado final de una acción (ni consti-
tutiva del sujeto ni causante de un cambio cualitativo en el mismo) o
como expresión de una situación en que se halla el sujeto, vienen siendo
atribuidos desde la Edad Media de un modo bastante regular mediante el
verbo estar1:
(16) 1. ... e estaven bé aparelats ab lurs armes, que quant aquels dels
aguayts donassen salt, que éls atressí exissen defors (Desclot II
152, 12-14).
2. ... e agren-ne tans morts e abetuts de lur cavals, que·ls camps
n’estaven cuberts, sí que·ls cavals no pudien anar sinó sobre
cavalers mort (Desclot II 175, 15-22).
3. ... que·m donets part de la terra per aquels que yo menaré ... e
per les galees que stien armades per mi (Feyts, cap. 51).
4. E fiu estar oberts los postigos de la barbacana, ..., perço que
poguéssen acórrer lla on major ops fos (Muntaner 71, 19-20).
5. ... l’ànima ... va al juhí de Déu, ... e ha·y dues cartes, e en la
huna ha scrit lo bé que ha feyt ab letres d’or en la dreta, e en
la sinistra està scrit ab tinta negra lo mal que ha fet (Ferrer-a I
61, 6-10).
6. No pas; mas, ensemps en la predestinació, està scrit lo terme e
lo camí per lo qual hi ha anar ... Vet ací la predestinació com
està. ... Vet ací la ... predestinació com està escrita en la terme
o camí per lo qual hi ha a venir (Ferrer-a I, 138-139).
7. Dretament, aquell qui està cenyit ha major virtut que aquell qui
està descint (Ferrer-a IV 263, 29-33).
8. Si una qüestió és feta de hun arbre, si la rael és viva o no,
responch que ... no es pot saber, car no veen la rael, que ama-
gada està (Ferrer-a VI 237, 32-33).
9. Primo, d’esta nau que estava posada en gran fortuna (Ferrer-b
I 82), etc.

Siendo esto así, no es de extrañar que también aquellos participios que


expresan más bien cualidades de carácter intrínseco y constitutivo, es

(38) Véase Vañó-1999.

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550 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

decir, notas que no son debidas a ningún cambio (sustancial o no) ni que
se pueden entender como estados transitorios, vayan atribuidos por ana-
logía a estar1, en castellano y valenciano actuales, casi siempre con estar2
(y en el catalán actual de Cataluña y de las Baleares, con ser, como verbo
normal de estos atributos participiales de sentido sustantivo-intrínseco y,
además, ocasionalmente con estar, como uso así mismo analógico al
empleo de estar1 con participios en sentido relativo-extrínseco); he aquí
una breve selección de casos modernos con estar más participios, equiva-
lentes a cualidades inherentes del sujeto:
(17) 1. estèril: ... flor que està mancada d’androceu i de gineceu (Insti-
tut, estèril).
2. dotar: ... [en el caso de] La naturalesa [sic], adornar amb dots
o qualitats: Està dotat d’una veu deliciosa (Institut, dotar).
3. atomisme: Teoria segons la qual tot l’univers físic està compost
de partícules petitíssimes i indivisibles (Institut, atomisme).
4. vori: Substancia blanca, dura compacta, de què estan formats els
ullals de l’elefant (Institut, vori).
5. L’armari està fet de fusta de melis ... (Solà-1994a, pág. 66).
6. Si l’embotit és fet en pedra ..., té el nom de mosaic; si està fet
en fusta, hom l’anomena marqueteria (Solà-1994a, pág. 26 s.).
En ninguno de estos seis casos se puede sostener que el sujeto se
encuentre en un estado (transitorio o accidental), resultado de una acción,
el cual pueda cambiar con el tiempo, pues, en cada uno de ellos el parti-
cipio-adjetivo expresa una cualidad propia y característica de dichos suje-
tos. En el caso de la flor, por ejemplo – válido para todos los demás –,
mancada no indica el resultado de haber dejado privada a la flor del gine-
ceo y del androceo, no; ella es así por naturaleza, por especie y por sus
características ¿cómo?: carente de, falta de dichos órganos. Y, además,
seguro que el redactor del Diccionari no recurrió al verbo estar, pensando
en que las características de tal flor eran el resultado de la evolución de
las especies ni que, debido a la misma evolución, algún día en el futuro
se podría dar un cambio en la flor, mediante el cual adquiriría de nuevo
estos órganos reproductores que debió perder en la prehistoria de los
tiempos. ¿Qué hablante normal se sirve de la lengua pensando en tales
categorías evolucionistas?
Aquí mancada va atribuido con estar sencillamente porque el adjetivo
mancat-da – en sentido sustantivo-intrínseco (!) pero con morfología
participial – suena a participio del verbo ‘mancar’, esto es, en sentido
relativo-extrínseco, como resultado de la ‘acción’ de mancar.
Lo mismo se puede decir de una persona dotada – por naturaleza ! – de
las siguientes cualidades: ‘de una veu deliciosa’ o ‘de totes les virtuts’. El

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ESTAR CON ADJETIVOS 551

adjetivo dotat-da, en estos casos, expresa una cualidad inherente, perma-


nente y característica de dicha persona: ella es así, dotada de una voz deli-
ciosa, por naturaleza, por constitución y por las características de sus cuer-
das vocales o de su forma (virtuosa) de ser. Si nos alejamos de la
morfología de participio que presenta este tipo de atributos y los susti-
tuimos por otros semánticamente equivalentes pero con morfología de
adjetivos, veremos reaparecer el verbo ser como verbo normal en esta
clase de atributos en sentido sustantivo intrínseco:
Esta persona és (*està) posseïdora, portadora de una veu deliciosa.
Esta persona és (*està) rica, abundant en (de) virtuts, posseïdora,
portadora de virtuts.
Esta flor és (*està) deficient, pobre de, insuficient en, carent (39) de andro-
ceu i en gineceu.

Pues bien, este uso analógico de estar, debido a la morfología de participio


que pueden presentar ciertos atributos en sentido sustantivo-intrínseco, al
igual que en el caso del castellano, también en catalán (o, por lo menos, en
valenciano) arranca ya de la Edad Media, tal y como se puede constatar,
más allá del caso (14), en Tirant lo Blanc o en sant Vicent Ferrer:
(18) 1. La brodadura era tal com la garrotera, qui stava feta en sem-
blant forma, ço és, de una correja de senyir ab cap e ab civella
... e enmig de la garrotera stan scrites aquelles mateixes letres:
“Puni soyt qui mal hi pense” (Tirant 150, 31-37).
2. ... sapiats que aquesta vida del món tota està entremesclada
entre béns e mals, entre goygs e desplaers (Ferrer-a IV 63,
24-25) (si la entendemos como: “... la vida terrenal està
mesclada (= composta) de béns e mals, de goygs e desplaers”).

A la vista de este uso incipiente de estar con adjetivos que expresan cua-
lidades ya en los escritos medievales valencianos (y alguno que otro del
catalán occidental) de los siglos (XIV)-XV-XVI, la pregunta que ineludi-
blemente aflora es la siguiente: ¿este empleo de estar era autóctono del
valenciano o fue algo importado? y si fue importado ¿de dónde? ¿del cas-
tellano, del catalán medieval? Difícilmente pudo deberse a la influencia
del castellano, ya que también en este propio idioma, el empleo de estar
con adjetivos sustantivo-intrínsecos hizo aparición por los siglos XV-
XVI(40), de modo que se hace imposible su eventual influjo sobre los
sermones de S. Vicent Ferrer (†1412): ejemplos (11), (12), (13); sobre escri-

(39) El adj. culto carent de parece que no es catalán o, por lo menos, no está en el
diccionario; no obstante yo lo introduzco en mi análisis, motivado por el sust.
carència, que sí figura en el Diccionari.
(40) Véase, Vañó-1982, págs. 299-309.

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552 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

tores como Fr. Eximenis (†1409): ejemplo (10) o sobre los jurados valen-
cianos de 1393: ejemplo (7) . Por otra parte, tampoco pudo ser importado
del catalán medieval, ya que en este idioma todavía hoy día no se le reco-
noce ni se le da carta de naturaleza, a tenor de los gramáticos catalanes
que “es resisteixen a afluixar en els casos de 15” (Solà-1994a, pàg. 66),
motivados – con toda seguridad – por la ausencia real de este uso de estar
en el catalán del siglo XX.
Si esto es así, se ha de concluir que el empleo de estar con adjetivos en
sentido sustantivo-intrínseco, o sea, los adjetivos [β] que expresan cuali-
dades (como también aquellos otros adjetivos [α] del punto conflictivo
“15b” de J. Solà )(41) es un producto genuinamente valenciano y, quizás
también del catalán (occidental), que apareció como tendencia incipiente
por los siglos (XIV)-XV-XVI, fue evolucionando a lo largo de la historia,
y llegó a desarrollarse de una forma sistemática en el valenciano de nues-
tros días. Llegados a este punto, no cabe más que estar de acuerdo con las
sospechas que aventuran los dos gramáticos que venimos citando, cuando
hablan de estos “nuevos usos” del verbo estar en catalán:
Sens dubte hi ha ajudat la influència del castellà, però el sistema català
ja posseïa l’oposició(42) ... s’està potenciant una oposició que, en el cas
dels [subjectes] no animats, estava somorta (però ja existia!, be que no
veig clar que fos del mateix tipus)” (Solà, pàg. 71 y 73); y
... als registres més habituals i denoten una nova visió del fet. Certa-
ment aquesta visió pot haver estat precipitada per influx del castellà,
però el català no l’ha aconseguida sinó seguint una via que ja l’hi
menava(43), amb independència que hi coincidís amb el castellà (Badia,
pàg. 276).

Con el presente trabajo he aportado las pruebas históricas que confirman


las sospechas de ambos autores, por lo menos en lo que respecta al valen-
ciano medieval.
Este fenómeno sintáctico, que refleja el valenciano con su inclinación
consecuente y decidida por el verbo estar2 – ya desde la Edad Media –
refuerza su singularidad en este punto concreto de la gramática catalana.
Por este motivo juzgo como no pertinente alguna que otra conclusión

(41) Ya que el empleo de estar con este segundo tipo de adjetivos ([α] los de sen-
tido activo), rechazado igualmente por los gramáticos normativistas catalanes,
se empieza a registrar con la misma intensidad, en los mismos escritos valen-
cianos y por los mismos siglos (XIV)-XV-XVI que el de estar con los adje-
tivos [β], presentados en este trabajo; cfr. Vañó-2000.
(42) El subrayado es mío, no de J. Solà
(43) El subrayado es mío, no de A. Badia.

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ESTAR CON ADJETIVOS 553

aportada por R. Ramos en su trabajo de investigación sobre el uso de


estar en catalán medieval. Según este autor y por lo que se refiere al uso
de estar + adjetivos en las obras medievales escritas en Valencia, frente a
las escritas en territorio catalán,
“la variable de tipus geogràfica [valenciano frente a catalán de Catalu-
nya] no adquireix pertinència ... no sembla que tinga gaire rellevància”
(Ramos, pàgs. 290, 292, 295).

O sea que, según él, no se podría constatar diferencia alguna – digna de


ser tenida en cuenta – en lo que atañe al empleo de dicho verbo con atri-
butos adjetivales entre las obras valencianas medievales y las catalanas.
No obstante, he de subrayar que estas conclusiones están viciadas de
raíz. En primer lugar, por la exigua representación que constituyen las
obras aducidas. Para el período de tiempo hasta 1450, nuestro autor estu-
dia tan sólo una sola obra (!) por cada una de las tres regiones geo-
gráficas (valenciano – catalán occidental – catalán oriental) y para cada
época (hasta 1400 y hasta 1450). No es científicamente aconsejable el
sacar conclusiones, basándose en tan escaso material analizado para cada
variante regional y para cada época.
Y, en segundo lugar y sobre todo, por el carácter de las propias obras
analizadas, ya que tengo serias dudas sobre si las obras (valencianas?) que
investiga nuestro autor reflejan verdaderamente el empleo real del verbo
estar que ya se daba en la Valencia medieval. Así para el período com-
prendido entre 1400 y 1450, aporta R. Ramos un libro de Antoni Canals,
compuesto por los siguientes opúsculos: Scipió e Anibal. De providència.
De arra de ànima; estos opúsculos no son más que simples traducciones –
bastante deficientes, por cierto, por su literalidad(44) – de obras latinas.
Tratándose de una traducción literal, uno no puede dejar de preguntarse,
en general, si la lengua empleada en la traducción representaba verdade-
ramente la lengua valenciana hablada en la época y, en concreto – por lo
que afecta al uso de estar-, si el traductor no se dejó influir por el texto
original y tradujo servilmente las frases latinas con esse mediante el verbo
ésser o ser, cuando en alguna de ellas, la gente de la calle habría
empleado más bien estar. El hecho de que tradujera el título de la obra

(44) Según Martí de Riquer, editor del libro de Canals, aducido por R. Ramos, la
traducción Scipió e Anibal “és una traducció directa de l’Africa [de Petrarca]
... amb passatges literalment idèntics als del model, versos mal traduïts ...”
y, además, “una de les obres més característiques de l’estil classicitzant en la
literatura catalana” (A. Canals, Scipió e Anibal Edit. Barcino, Barcelona, 1935,
pàgs. 19 y 21).

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554 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

de Séneca De Providentia por De Providència en lugar de Sobre la Pro-


vidència (o también el Soliloquium de arrha animae por De arra ... en
lugar de Sobre la arra o la dot de l’anima) me refuerza en la idea de que
Canals se dejó influir demasiado por el texto latino en sus traducciones.
Para el período hasta 1400 aduce R. Ramos el libro de Arnau de Vila-
nova Confessió de Barcelona (escrita h. 1305) como obra valenciana (?),
la cual no es otra cosa que un tratado filosófico-teológico sobre los prin-
cipios doctrinales del autor. Según mis propias investigaciones sobre ser y
estar, tanto en castellano como en catalán, este último verbo – innovador
en la sintaxis ibero-romance – se da más en contextos narrativo-descrip-
tivos (épica, crónicas, anécdotas, fábulas, etc.) y, sobre todo, en diálogos
sobre asuntos concretos de la vida de cada día que en contextos científico-
especulativos (tratádos teóricos sobre cuestiones filosóficas, teológicas,
doctrinales, etc.); es decir, que estar, como verbo de la expresión concreti-
zante y circunstanciante, suele aparecer más en contextos concretos, expre-
sivos y ‘palpables’ o visuales que en contextos abstractos, teóricos o difu-
sos. Por este motivo no creo que la lengua de las Confessions de
Barcelona de A. de Vilanova refleje de verdad la lengua hablada, ni
mucho menos el verdadero uso del verbo estar, que se daba en las calles
de la Valencia medieval.
Para poder constatar este uso de estar hay que echar mano, en pri-
mer lugar, de la lengua de carácter más bien popular, tal y como la tene-
mos, p. e., en los sermones de sant Vicent Ferrer (1350-1419), dirigidos a
la gran masa de gente de todas las capas sociales, en donde se contienen
multitud de narraciones, anécdotas, interpelaciones a los fieles presentes
en el sermón, pasajes bíblicos, diálogos sobre cosas concretas, etc. Y, en
segundo lugar, hay que echar mano del mayor número posible de obras
representativas de la lengua lo más cercana posible a la hablada, tal
y como las tenemos, p. e., en las innumerables cartas y misivas de los
Jurados Valencianos, en las crónicas de los sacristanes de la catedral de
Valencia o en los ocho volúmenes (!) de sermones de sant Vicent Ferrer
(véase en mi bibliografía: Epistolari, Antiquitats, Ferrer-a y Ferrer-b).
Si R. Ramos, en vez de basar su investigación sobre obras – para mí
– dudosas en cuanto a su representatividad y en lugar de limitarse única-
mente al VI volumen de los sermones de Sant Vicent Ferrer, hubiera
analizado los siete restantes, con toda seguridad hubiese obtenido unos
porcentajes y unos resultados bien distintos a los presentados y hubiera
detectado, además, la singularidad del valenciano frente al catalán de la
Cataluña medieval en este punto concreto del uso de ser y estar. Y esto

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ESTAR CON ADJETIVOS 555

no sólo por lo que respecta al empleo de estar con el tipo de adjetivos [β]
que indican cualidades (objetivo del presente trabajo: véanse los ejemplos
(11), (12), (13), (18)) o los del tipo [α] que expresan comportamientos del
sujeto (objetivo del trabajo Vañó-2000: véanse allí los ejemplos (14) y
(15)), sino también y sobre todo, con los adjetivos en sentido relativo-
extrínseco que indican situaciones concretas en que se encuentra el sujeto,
los cuales he puesto entre corchetes [ ] y que son más antiguos y mucho
más numerosos que los de [α] y [β], tal y como he adelantado en la
pequeña lista o muestra que de ellos he incluido en el presente trabajo
(véanse los ejemplos (1), (2), (3), (4), (5), nota 23 y (16). Según el mate-
rial analizado en mis investigaciones, esta última lista de ejemplos se
puede incrementar muchísimo más.
Université de les Illes Balears.
Palma de Mallorca. Antonio VAÑÓ-CERDÁ

Bibliografía

1. Obras (medievales) consultadas para la extracción de ejemplos:


Antiquitats: El Libre de Antiquitats de la Seu de València. Volum I. Estudi i edició
a cura de J. Martí Mestre. València/Barcelona, 1994.
Conques: Jeroni Conques, (†Alzira, 1557), Llibre de Job. Edició a cura de Jaume
Riera i Sans. Barcelona, 1976.
Corella: Joan Roís de Corella (†València 1497), Psalteri. Edició i actualització a cura
de Joan A. López i Quiles i Vicent Ribes i Palmero. Barcelona, 1985.
~ Tragèdia de Caldesa i altres proses (1458). A cura de Marina Gustà 3a Edició.
Barcelona, 1994.
Curial: Curial e Güelfa (segle XV). Vols. I, II i III. A cura de R. Aramon i Serra.
Barcelona, 1930-1933.
Desclot: Bernat Desclot (finals segle XIII), Crònica (Vol. II-IV). A cura de M. Coll
i Alentorn. Barcelona, 1949.
Eiximenis: Francesc Eiximenis, Contes i Faules, a cura de M. Olivar. El Nostres
Clàssics. Barcelona, 1987.
Epistolari: Epistolari de la València Medieval. Introducció, edició, notes i apendix per
Agustín Rubio Vela. Institut de Filologia Valenciana. València, 1985.
Ferrer-a: Sant Vicent Ferrer, Sermons. Vols. I-II: a cura de Josep Sanchis Sivera.
Barcelona 1932 (1971). Vols. III-VI: a cura de Gret Schib. Barcelona, 1975-1988.
Ferrer-b: Sant Vicent Ferrer (1350-1419), Sermons de Quaresma (vols. I-II). Estudi
preliminar de M. Sanchis Guarner. València, 1973.

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556 ANTONIO VAÑÓ-CERDÁ

Gomis: Joanot Gomis, Llibre de la benauenturada vinguda d’l Emperador y Rey don
Carlos en la sua ciutat de Mallorques (1542). Palma de Mallorca, 1973.
Feyts: Llibre dels fets del Rei En Jaume. A cura de Jordi Bruguera. Barcelona, 1991.
Institut: Institut d’Estudis Catalans, Diccionari de la Llengua Catalana Barcelona -
Palma de Mallorca - València 1995.
Metge: Bernat Metge, Lo Somni, a cura de Josep Ma de Casacuberta. Edit. Barcino.
Barcelona, 1980.
Muntaner: Ramon Muntaner: L’expedició dels catalans a orient (extret de la
“Crònica”). Nova edició. Els Nostres Clàssics. Barcelona, 1951.
Teatre-a: Teatre Hagiogràfic, a cura de Josep Romeu. Vols. I i II. Els Nostres Clàssics.
Barcelona, 1985.
Teatre-b: Teatre Profà, a cura de Josep Romeu. Vols. I-II. Els Nostres Clàssics.
Barcelona, 1962.
Tirant: Joanot Martorell – Martí Joan de Galba, Tirant Lo Blanch. (Vols. I-II) Tran-
scripció, coordinació i notes d’Albert Hauf. València, 21992.
Villena: Isabel de Villena, Vita Christi. Edició a cura d’A.-G. Hauf i Valls. Barcelona,
1995.

2. Estudios sobre ésser y estar en catalán:


Badia: Antoni Badia i Margarit, Gramàtica de la llengua catalana, descriptiva, nor-
mativa, diatòpica, diastràtica. Barcelona, 1995.
Solà-1994a: Joan Solà, Qüestions controvertides de sintaxi catalana. Barcelona, 41994.
Solà-1994b: Joan Solà, Sintaxi Normativa: Estat de la Questió. Barcelona, 1994.
Ramos: J. Rafael Ramos Alfajarín, Ésser, Estar i Haver-hi en Català antic. Estudi
sintàctic i contrastiu. Institut Interuniversitari de Filologia Valenciana. València,
2000.
Vañó-1982: Antonio Vañó-Cerdá: Ser y Estar + Adjetivos. Un estudio sincrónico y
diacrónico. Gunter Narr. Tübingen, 1982.
Vañó-1998: Das Schwanken im Gebrauch der Verben ésser und estar im Altkata-
lanischen. Iberoromania. Zeitschrift für die iberoromanischen Sprachen und Lite-
raturen 47 (1998), 27-46.
Vañó-1999: La morfologia verbal com a una de les causes de la vacil.lació en l’ús
dels verbs ésser i estar en català, Zeitschrift für romanische Philologie 115 (1999)
Págs. 260-279.
Vañó-2000: Estar amable oder Ésser amable? Das ist die Frage! Untersuchungen zum
Themenkomplex von ‘ser’ und ‘estar’ im Katalanischen, Zeitschrift für roma-
nische Philologie 116 (2000) Págs. 456-486.

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COMPTES RENDUS

REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS

Skripta, Schreiblandschaften und Standardisierungstendenzen. Urkunden-


sprachen im Grenzbereich von Germania und Romania im 13. und 14. Jahr-
hundert. Beiträge zum Kolloquium vom 16. bis 18. September 1998 in
Trier, édités par Kurt GÄRTNER, Günter HOLTUS, Andrea RAPP et
Harald VÖLKER, Trierer Historische Forschungen 47, Trèves, Kliomedia,
2001, 701 pages.
Le projet D7 du Sonderforschungsbereich 235 de l’Université de Trèves n’a plus
besoin d’être présenté aux romanistes car déjà il a produit des travaux importants
et du plus haut niveau sur cette région «entre Meuse et Rhin» qui est si importante
dans l’évolution et l’établissement même de la langue française. Le propre du tra-
vail de l’équipe menée avec éclat par Günter Holtus et Kurt Gärtner, c’est d’avoir
non seulement repris l’examen de cette zone si intéressante, mais d’avoir pu, en
même, temps, renouveler (surtout grâce à une exploitation systématique et fruc-
tueuse de l’informatique) la scriptologie et la dialectologie de l’ancien français. En
voici encore la preuve. 12 sur 23 des études dans ce gros volume portent directement
sur des documents français. Celles-ci peuvent être classées dans trois grands groupes:
1° des études surtout méthodologiques et théoriques; 2° des études d’ensemble, ou
des tours d’horizon; et 3° ce qu’on pourrait appeler des études plus ponctuelles, soit
d’une région (ou d’une ville) particulière, soit qui se concentrent sur un problème
particulier. Il va de soi que cette catégorisation (qui n’est pas sans poser des pro-
blèmes délicats de classification) n’implique nullement par exemple qu’une étude de
la première catégorie soit dénuée de renseignement précis, ou qu’un examen des
chartes de telle ou telle ville manque de fondement théorique; loin de là. Un des
points forts de la collection comme de tous les travaux de l’équipe de Trèves, c’est
précisément que réflexion théorique, rigueur méthodologique et précision philolo-
gique et textuelle vont ensemble. D’abord les études surtout méthodologiques: Jakob
Wüest, Sind Schreibdialekte phonologisch interpretierbar? [37-51], reprend un vieux
problème qui remonte sans doute aux débuts de la philologie: conclusion (sous toute
réserve) positive. Maria Selig, Überlegungen zur Erforschung der romanischen
Urkundensprachen im Mittelalter [53-73] insiste sur la nécessité d’étudier la situation
communicative des documents (et des locuteurs) médiévaux, donc sur la variabilité
non seulement diatopique mais également diaphasique et diastratique (dans la
mesure où ces éléments se laissent reconstruire), problématique reprise également
dans l’étude de Harald Völker, Die Skriptaforschung als eine Philologie der Varietä-
ten. Zur Negation mit (ne) … nient in den altfranzösischen Urkunden der Grafen von
Luxemburg (1237-1281) [75-104], étude qui non seulement insiste (à raison) sur l’im-

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558 COMPTES RENDUS

portance de l’informatique («so gut wie unumgänglich», 96), mais qui mériterait
d’être lue et relue par les spécialistes de l’histoire de la négation qui se sont penchés
ad nauseam sur les mêmes attestations, sans se rendre compte de l’élargissement de
leur champ de recherche que permettrait l’étude de documents non littéraires(1);
pour la méthodologie aussi, Alf Monjour, Scriptologie et analyse du discours. Élé-
ments textuels caractéristiques dans des chartes médiévales [147-167], se propose
d’analyser certains éléments de chartes du Hainaut et des Vosges, et où les deux
régions semblent utiliser des procédés systématiquement différents (ce qui permet-
trait éventuellement de retrouver l’origine d’un document grâce aux éléments ana-
phoriques qu’il utilise); Anja Körner, Kontinuität oder Variation? Die Sprache der
Luxemburger Grafenurkunden des 13. Jahrhunderts in Original und Kartularabschrift
[393-417], se penche sur le problème de l’utilisation des cartulaires, et réussit à mon-
trer que – menée avec précaution (et précision) – l’étude de ceux-ci peut être très
révélatrice, position qui rejoint celle du regretté Jacques Monfrin (RLiR 32, 17-47);
dans la même optique, Anja Körner et Günter Holtus proposent une étude sur la
Sprachvariation und Sprachwandel in statu nascendi: Zur Analyse der Kopialüberlie-
ferung einer altfranzösischen Urkunde (1275) in den ‘Balduineen’ [449-473] (les deux
études comportent des illustrations intéressantes de l’utilité de l’analyse par ordina-
teur des textes sous forme d’appendices)(2). Deux tours d’horizon magistraux sont à
retenir tout particulièrement: celui, vaste et remarquable, de Martin-Dietrich Gleß-
gen, Das altfranzösische Geschäftsschrifttum im Oberlothringen: Quellenlage und Deu-
tungsansätze [257-294] et celui de Martina Pitz, Volkssprachige Originalurkunden aus
Metzer Archiven bis zum Jahr 1270 [295-392]. Ce sont deux études qui seront désor-
mais absolument indispensables tant par la richesse de leur bibliographie et la pré-
cision de leur critique des sources que par la densité des renseignements minutieux
sur les textes qui survivent; on consultera, en appendice à l’étude de Pitz, une liste
de 297 chartes messines antérieures à 1270 [346-381]. Enfin, des études plus ponc-
tuelles: Marie-Guy Boutier, Études sur des chartes luxembourgeoises [419-447], dis-
cute 1° de l’emploi de certains traits dialectaux (le plus insolite étant sans doute sa
adj. poss. masc. – forme «absolument inconnue des descriptions de l’ancienne
langue» [423]) dans des textes luxembourgeois et 2° des signes de ponctuation d’une
charte de 1264, pour en tirer des conclusions plus générales soit sur les marques dia-
lectales, soit sur le rôle de la ponctuation (souvent négligée) dans des documents
médiévaux. Wulf Müller se penche sur un témoignage fribourgeois dans Die Urkun-
densprache von Fribourg im 14. (und 15.) Jahrhundert [245-256]: la ville est non seu-
lement importante car l’emploi du français dans les documents est rare en Suisse au
moyen âge, mais aussi parce que le FEW cite assez systématiquement l’«afrb.». (sou-
vent, d’après Gdf?). Hans Goebl et Guillaume Schiltz, Der ‘Atlas des formes et des
constructions des chartes françaises du 13e siècle’ von Anthonij Dees – dialektome-

(1) Signalons en passant par ex. les renseignements négligés par des études récentes
(FrSt 48, 63-85; JFLS 12, 23-40) et qui sont disponibles depuis longtemps dans
MantouFlandr 396-399, ainsi que dans des textes juridiques agn., YearbEdIIT 4,
155; YearbEdIIC 14, 309; YearbEdIIIP 20, 315 (absence de ne); voir aussi l’étude
de J.-P. Collas, YearbEdIIC 12, xcviii-cxxiii. Évidemment on ajoutera à la liste les
travaux de Harald Völker.
(2) Il s’agit ici comme ailleurs dans ce volume (voir par ex. l’étude de M.-D. Gleßgen,
257-294) de TUSTEP (Tübinger System von Textverarbeitungsprogrammen).

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX 559

trisch betrachtet [169-221] analyse les données de Dees, à l’aide de l’ordinateur, pour
produire des cartes de la variation diatopique de l’ancien français qui ressemblent
déjà à celles de l’ALF (étude complétée en quelque sorte par celle parue dans la
RLiR 66, 5-63); Max Pfister, Nordöstliche Skripten im Grenzbereich Germania-Roma-
nia vor 1300 [223-244] reprend ses études antérieures et fondamentales (1973, 1993),
et analyse de façon détaillée des documents lorrains et wallons pour en tirer des
conclusions de portée plus générale: d’abord, que la frontière entre wallon et lor-
rain est difficile à établir; ensuite, que les traits régionaux de l’Est remontent à
l’époque galloromane, auxquels s’ajoutaient après le IXe siècle des éléments centraux
surtout dans les grandes villes [242] – c’est donc le contraire du point de vue de
Straka et de Delbouille, selon lesquels il existait un «fonds commun» non dialectal
et témoin d’une unité perdue par la suite. Ce sont donc deux contributions qui mon-
trent comment la «longue durée» des historiens peut exister aussi en linguistique.
Voilà pour les études de la Romania dans ce volume dont l’importance est mani-
feste. Mais étant donné la proximité et le rôle linguistique (substrat, adstrat, super-
strat) des régions germanophones avoisinantes, il est clair que les études traitant de
la Germania intéresseront également les romanistes. Citons un seul exemple, l’étude
d’Ursula Schulze sur les Deutschsprachige Urkunden des Elsaß im 13. Jahrhundert
[475-495]. Or, quiconque s’aventure dans les Archives des Vosges à la recherche de
documents en ancien français, par exemple, tirera profit de cette étude: s’il y a des
chartes latines et françaises du chapitre de Saint-Dié, il existe aussi des documents
tardifs en allemand (XVe), appartenant au même chapitre, et portant sur ses biens en
Alsace (par exemple, Arch. Dép. Vosges G812 (Ammerschwihr); ADV G817 (Huna-
wihr), ADV G818, 5, texte en latin (Sigolsheim 1234), mais avec le mot d’emprunt
germanique banwart qui glose une expression latine). De même, si l’on s’intéresse à
l’écrit messin, il serait difficile de contourner l’histoire du Schriftwesen der Stadt Köln
im 14. Jahrhundert de Manfred Groten [549-562], car bien entendu c’est Cologne qui
a en quelque sorte créé le système du Schrein qui est à la base des arches de Metz
et donc du développement de l’écrit administratif municipal de Metz au début du
XIIIe siècle. C’est dire que partout dans cette Grenzregion, il faut compter avec des
contacts linguistiques qui ont joué un rôle important tout au long de l’histoire de la
la langue française, et qui font de cette partie de l’Europe un terrain d’exploration
particulièrement riche et particulièrement susceptible d’être éclairé par l’approche
plurilingue et pluridisciplinaire illustrée si brillamment par l’équipe de Trèves.

David TROTTER

PROBLÈMES GÉNÉRAUX

Robert MARTIN, Sémantique et automate, Paris, Presses Universitaires de


France («Écritures électroniques»), 2001, 190 pages.
À l’heure où l’informatique connaît des progrès indéniables et où les théories
sémantiques arrivent à une évidente maturité, la parution du livre de Robert Martin
fait date. Ce livre marque une avancée essentielle pour la théorie et la pratique des
«dictionnaires informatisés».

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560 COMPTES RENDUS

Fruit d’un théoricien de la sémantique logique du langage doublé d’un esprit


connaisseur des nouvelles technologies informatiques, le livre Sémantique et automate
défend l’idée que les «dictionnaires informatisés» (et tout particulièrement le Trésor
de la langue française (TLF), entièrement disponible sous format électronique)
peuvent contribuer de manière considérable au perfectionnement des analyseurs
sémantiques (qui n’en sont qu’à leur début) et du fait même augmenter la part de
la sémantique dans le traitement automatique des langues.
Conscient qu’«un traitement automatique, aussi subtil qu’il puisse être, est for-
cément réducteur» [13], conscient aussi des acquis et des défaillances des descriptions
sémantiques actuelles, Robert Martin plaide pour la construction d’un modèle
théorique qui préside à l’élaboration de la «sémantique automatisée».
Cette brillante démonstration s’articule en trois parties.
Dans la première, consacrée aux fondements et aux finalités d’une sémantique
automatisable, l’auteur rejette les conceptions qui peuvent compromettre toute auto-
matisation possible – le positivisme radical et le scepticisme absolu d’une part, le
nominalisme extrême de l’autre – et s’avère l’adepte d’une sémantique véri-relation-
nelle en soutenant qu’une théorie du sens doit s’appuyer sur le jugement que le
locuteur compétent d’une langue est en mesure de porter sur la relation de vérité
que les phrases entretiennent et sur les conséquences sémantiques que ces mêmes
phrases déterminent. Et l’auteur de postuler «le principe d’objectivité sémantique»
comme témoignant du fait que «le sens ne se définit pas en soi. Il est seulement
dans les conséquences qu’il emporte avec lui». Si l’on adopte ce principe, il découle
que l’unité à partir de laquelle la sémantique s’organise est la proposition. «Seule la
proposition et la phrase qui la comporte ont une valeur de vérité»; «la proposition
et la phrase se placent au centre de la construction théorique: ce sont les unités fon-
datrices de tout calcul du sens. Le sens d’une phrase est l’ensemble des conséquences
qu’elle entraîne, c’est-à-dire l’ensemble des phrases vraies quand elle-même est
vraie» [19-20].
Il s’ensuit qu’en matière d’analyse automatique la cheville ouvrière est l’inférence
et un analyseur sémantique débouchera forcément sur un moteur d’inférence, capable
de tirer des énoncés toutes les conséquences que ceux-ci entraînent.
Une des finalités de l’automatisation sémantique consiste dans la réduction des
ambiguïtés polysémiques et, à ce sujet, le rôle du dictionnaire est déterminant. La
polysémie relève de la sémantique universelle, de la sémantique générale: ses méca-
nismes y sont définissables indépendamment de toute langue particulière, puisque
dans toutes les langues sont à l’œuvre des universaux telles les relations d’extension
et de restriction, les relations de métonymie, les relations d’analogie. Robert Martin
ne souscrit pas à l’hypothèse constructiviste et ses arguments contre cette hypothèse,
qui ne distingue pas les principes de la construction du sens et les structures de la
langue construite, sont brillamment exposés [32-37]. Reprenant l’opposition de la
polysémie d’acceptions et de la polysémie de sens (établie dans Pour une logique du
sens, PUF, Linguistique Nouvelle, 1992: 76-86), l’auteur soutient que les polysémies
ne sont pas toutes de type relationnel, qu’il existe une communauté de traits entre
les sens distingués, mais indirecte et localement déterminable et qui échapperait
comme telle à toute prédictibilité et donc à tout calcul (soit le cas de campagne:
«spatial»/vs/ ville; «période d’activité, de propagande»: faire campagne. Il faudra

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX 561

passer par la campagne militaire («lieu de manœuvre» / «la manœuvre elle-même»)


pour établir un lien).
Beaucoup de configurations imprévisibles qui obligent à saisir le calculable réfé-
rentiel (le bureau désigne un «meuble» mais aussi la «pièce» qui le contient, mais
pas le lit ou le buffet [34]; on peut acheter un salon «mobilier qui meuble le salon»,
une cuisine, un bureau, une salle à manger, mais non une entrée ou une salle de
bains; une chambre d’enfants mais non une chambre d’amis [34]). «Qui peut prévoir,
à partir de règles universelles – se demande l’auteur –, que du veau, c’est de la
viande de veau (et pas du cuir de veau), du vison de la fourrure de vison (et pas de
la viande de vison) et que de l’olive ne peut être qu’une olive écrasée et pas de
l’huile d’olive?» [36]). Ces faits représentent un argument fort pour l’avènement des
procédures de filtrage qui permettront d’enregistrer dans le dictionnaire tous les sens
et toutes les acceptions que la polysémie engendre.
Ainsi Robert Martin rejoint-il la «sémantique des facettes» esquissée par
Georges Kleiber (1999: Problèmes de sémantique. La polysémie en question, Presses
Universitaires du Septentrion 89-101) et pose-t-il le grand problème de la limite
entre connaissances lexicales (plutôt lexico-sémantiques) et connaissances encyclopé-
diques (ou du monde), qui – selon l’auteur – est loin d’être tranché, «l’encyclopé-
disme étant le pire ennemi du lexicographe» [41](1).
Le modèle que Robert Martin élabore est à la fois construit et discret, basé sur
une approche nommée en toute modestie modulaire et réactive. Les exemples
proposés sont éclairants et vérifient par leur haut pouvoir explicatif la conception
théorique. Ainsi, par exemple, le couple de ces deux phrases:
(1) Il passe rue des Écoles.
(2) Il habite rue des Écoles.
«Dans les deux, rue a le sens ordinaire de ‘voie urbaine bordée d’immeubles’. Ce
contenu est indispensable à la vérité de ce qui est dit. Mais dans la première, moyen-
nant passer, c’est l’idée de ‘voie’ qui domine; dans la seconde, moyennant habiter,
c’est plutôt celle d’‘immeuble’. Bref, parmi les traits qui sont autant de ‘facettes’
d’une même réalité, c’est tantôt l’un et tantôt l’autre qui se trouve privilégié, foca-
lisé, sélectionné» – écrit l’auteur [41-42]. Le dictionnaire informatisé, appelé à
accroître les performances d’un analyseur sémantique, devra en tenir compte.
Robert Martin conçoit cet analyseur sémantique comme se déployant sur quatre
niveaux et débouchant sur un moteur d’inférence. Ces quatre niveaux de calcul sont:
– le calcul prédicatif (qui unit, dans une hypothèse de compositionalité, la phrase
et les mots et a pour but de fournir le schéma prédicatif de la phrase et de
réduire l’ambiguïté polysémique des mots qui la composent);

(1) Pour maints aspects théoriques et pratiques soulevés par le débat connaissances
linguistiques (sémantiques) /vs/ connaissances non linguistiques (encyclopé-
diques) on se rapportera avec intérêt à l’ouvrage The Lexicon – Encyclopedia
Interface, éditeur Bert Peeters, University of Tasmania, Australia, 2000, Else-
vier, Amsterdam – Lausanne – New York – Oxford – Shannon – Singapore –
Tokyo.

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562 COMPTES RENDUS

– le calcul référentiel (qui détermine les entités référentielles et construit une


représentation du lieu spatio-temporel où les prédications sont valides);
– le calcul modal (qui détermine les univers de croyance où les prédications,
positives ou négatives, sont prises en charge et les mondes possibles où ces
prédications sont localisées);
– le calcul textuel (qui conduit de la phrase au texte et du sens à son interpré-
tation).
Le dictionnaire de référence invoqué par les illustrations est le TLF et l’auteur
examine le fonctionnement de ces quatre dispositifs sur une phrase telle que p:
(p) Son banquier lui aurait conseillé de vendre ses actions X pour rembourser ses
dettes.
La pertinence et la clarté de l’analyse, la finesse des remarques, la construction
théorique s’appuyant sur plusieurs pistes de réflexion, le doute méthodique soulevé
par les difficultés insurmontables posées par le calcul référentiel, les suggestions
visionnaires à même d’orienter la recherche, tous ces faits donnent au lecteur le sen-
timent d’un ouvrage longuement attendu, d’un ouvrage fondamental pour la séman-
tique informatisée. Le lecteur sera éclairé sur les difficultés soulevées par le traite-
ment du temps dans le calcul référentiel s’il relit les remarques concernant l’analyse
de la phrase (p) sous le prisme des mécanismes présuppositionnels impliqués [56].
Les remarques au sujet du calcul modal sont également éclairantes. Ainsi, à pro-
pos de (p) Son banquier lui aurait conseillé de…, l’auteur soutient que cet énoncé
n’est pas pris en charge par le locuteur. Le conditionnel passé y a valeur de distan-
ciation assertive et non pas valeur hypothétique. «C’est faute de trouver dans le
contexte une protase, ou ce qui peut en tenir lieu, que l’automate est conduit, par
défaut, à écarter l’interprétation hypothétique» [57]. Les mécanismes des univers de
croyance permettent de saisir des aspects subtils de certains vocables (dans Pierre
veut se charger de cette mission suicidaire, suicidaire est un adjectif du locuteur;
«Pierre sait que cette mission est suicidaire» / «Pierre ne le sait pas»). À propos de
la phrase p ci-dessus, l’analyseur devra prévoir que vendre ses actions X s’inscrit, en
raison du sémantisme de conseiller, dans un monde potentiel.
«Informatiser un dictionnaire – écrit l’auteur –, c’est lui conférer une structure
hypertextuelle; c’est en démultiplier les fonctionalités, mais sans en modifier forcé-
ment la teneur» [66].
«Automatiser un dictionnaire, c’est, par-delà son informatisation, le réaménager
de telle sorte qu’il puisse entrer dans un automate sémantique» [55].
La démonstration du livre va dans cette voie, celle d’un TLF automatisé.
La deuxième partie, consacrée à la réduction polysémique, fait une large part aux
deux procédures qui conduisent à la résolution de la polysémie et aux conditions
contextuelles d’émergence des valeurs sémantiques: l’appariement textuel et le filtrage
du sens.
L’appariement textuel vise à détecter, vocable par vocable, des similitudes entre
le texte à analyser et le texte lexicographique. Le chapitre consacré à la part du
figement, phénomène encore insuffisamment pris en charge dans la lexicographie,
analyse les sources universelles de ce mécanisme (la restriction sélectionnelle, la

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX 563

non-compositionalité, l’usage intensionnel et non pas référentiel) et met en évidence,


dans un esprit critique et au moyen des exemples, le caractère global des procédures
d’appariement.
Quant au filtrage du sens, il se fonde sur deux types de critères: syntaxiques (la
position, la construction, la combinatoire) et sémantiques (la sous-catégorisation
sélectionnelle, les «classes lexicales», les «champs thématiques» et les domaines).
Pour illustrer l’aménagement du dictionnaire et les techniques de traitement,
l’auteur propose l’analyse des exemples éclairants: les substantifs haut, campagne,
date, quart; les adjectifs pur, quitte, rond; les verbes confirmer, puer, remettre [108-
121] ainsi que le traitement informatisé de quelques fragments textuels [121-134].
Nous aurions aimé voir aussi une suggestion de traitement informatisé pour une
préposition et pour un adverbe. Comment le modèle conçu par l’auteur pourrait-il
rendre compte de la distinction ‘adverbe de constituant’ (Il s’exprime naturellement )1

/vs/ ‘adverbe de phrase’ (Naturellement , il s’exprime sur le sujet).


2

La troisième partie du livre traite du moteur d’inférence, la clef de voûte de


l’analyseur sémantique que le dictionnaire informatisé devra renfermer.
Robert Martin souligne la pertinence de l’inférence analytique pour la logique
naturelle. Il établit une typologie des inférences qui tient compte des mécanismes de
déduction, d’abduction et d’induction, des implications monotones et non monotones,
des procédures d’équivalence, d’induction et de méréonymie. L’inférence déductive
peut être monotone ou non monotone; la première sera prédicative ou existentielle
et l’inférence déductive monotone prédicative pourra être basée sur l’équivalence,
sur l’inclusion ou bien être de type méréonymique.
Le lecteur trouvera [144-147] une intéressante analyse de la configuration du
calcul inférentiel appliqué aux données langagières qui ne saurait se satisfaire de la
seule déduction, mais qui fait recours aussi à des procédures abductives et à des
procédures inductives. L’originalité et la profondeur de la pensée de Robert Martin
engendrent un petit traité sur l’inférence en logique naturelle où, par exemple,
l’inférence ne s’explique pas seulement par le schéma suivant:
-| (p ⇒ q) ^ -| q
-| p
(où ⇒ est le signe de l’implication)
mais elle peut comporter aussi des implications non monotones et se présenter sous
la forme:
-| (p ≈ > q) ^ -| q
[145]
-| p
où -| = «il est vrai que» et ≈ > est le signe de l’implication non monotone.
«Pour être vraisemblable, l’inférence abductive doit se fonder sur des faisceaux
de propriétés: Kiki a des ailes et Kiki a des plumes; donc Kiki est un oiseau.
L’abduction gagne en légitimité à mesure que les propriétés évoquées rejoignent
l’ensemble des propriétés définitoires et que l’on se rapproche ainsi de l’équivalence»
– écrit Robert Martin [144].
Appelé à automatiser le calcul inférentiel, le «moteur d’inférence» est muni de
deux sortes d’instruments: (a) un dictionnaire qui explicite les formes proposition-

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564 COMPTES RENDUS

nelles des définitions et les inférences qui s’en dégagent et (b) un système qui,
moyennant ce dictionnaire, engendre un traitement approprié. Tel qu’il est conçu, le
système nous apparaît comme ayant une vocation interactive.
L’auteur nous invite à supposer que l’on cherche à trouver, dans une Base tex-
tuelle, la réponse à la question: Son voisin a-t-il fait du tort à Marie? et que la Base
comporte la phrase r: Marie a de la rancune pour son voisin, qui apparaît comme
une information pertinemment associable à la question posée. Le contenu p de la
question (Son voisin fait du tort à Marie) est équivalent à q (Son voisin porte préju-
dice à Marie) et la phrase r de la Base implique q (du moins dans l’esprit de Marie).
Dans ce schéma, p se trouve vérifié par une inférence déductive [150]:
question: p
or: p ⇔ q
Base: -| r
or: r ⇒ q
La description des étapes successives de la démarche et le commentaire sur le
rapport entre le type d’inférence et le type de question (totale ou partielle) sont
hautement éclairants. Éclairantes aussi l’analyse de la prédication définitoire de
l’article lexicographique et la typologie de la définition (hyperonymique, synony-
mique, dérivative/translative, méréonymique, approximative, métalinguistique).
Les principes du fonctionnement du «moteur d’inférence» sont brillamment illus-
trés par l’analyse du mot rançon, défini dans le TLF comme: «somme d’argent,
valeur que l’on exige contre la remise en liberté d’une personne captive». Cette défi-
nition induit un ensemble d’inférences, valides dans tout monde possible où il y a
rançon. Ainsi, écrit l’auteur [168-169], s’il y a rançon, alors
(1) qqn1 retient qqn2 captif
(2) qqn1 exige que qqn3 paie une somme (d’argent)
(3) si et seulement si qqn3 paie cette somme, qqn1 remet qqn2 en liberté.
Les formes propositionnelles (1) (2) et (3) sont à leur tour la source de nouvelles
inférences, qui, elles-mêmes, produiront récursivement des inférences, et ainsi de
suite. Placées sous les lemmes adéquats, ces inférences formeront la source de nou-
velles autres inférences, dont le fonctionnement sera récursif. Ainsi, à partir de (1),
on trouvera sous CAPTIF:
qqn1 retient / détient qqn2 captif ⇔ qqn1 retient / détient qqn2 prisonnier ⇒ qqn2
est (retenu / détenu) prisonnier
qqn2 est retenu / détenu captif ⇔ qqn2 est retenu / détenu prisonnier.
Les règles d’élaboration d’un «moteur d’inférence» dépendent largement de la
nature grammaticale du vocable défini. L’auteur esquisse une typologie des traite-
ments du verbe, du substantif et de l’adjectif. Là aussi la question surgit: et le
traitement d’un adverbe et d’une préposition?
Esprit lucide, Robert Martin ne se leurre pas; il sait bien que le modèle proposé
ne porte que sur le composant prédicatif et qu’à partir d’un TLF automatisé presque
rien n’est dit du calcul référentiel, du calcul modal et du calcul textuel. L’automati-
sation sémantique achoppe sur deux obstacles majeurs qui en marquent les limites
incontestables. Le premier tient à l’absence de toute intuition épilinguistique,

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DOMAINE IBÉRO-ROMAN 565

puisque, à la différence des locuteurs natifs, l’automate agit exclusivement selon les
règles apprises. Le second obstacle tient à l’incapacité de l’automate de saisir le sens
situationnel, son système étant «démuni de toute sensibilité à l’implicite et aux
formulations allusives» [182].
Nous nous trouvons devant une étude profondément originale, où la pertinence
du système théorique construit, la clarté de l’argumentation, le mariage heureux
de l’esprit de géométrie et de l’esprit de finesse, l’élégance de la pensée et du style
obligent le chercheur à une mûre réflexion.
Ce livre ouvre des voies enrichissantes aux recherches sémantiques de l’avenir.

Mariana TUT,ESCU

DOMAINE IBÉRO-ROMAN
ESPAGNOL

Germán COLÓN DOMÉNECH, Para la historia del léxico español. Edi-


ción preparada por Albert Soler y Núria Mañé, Madrid, Arco Libros 2002,
vol. 2, pp. 824.
Tra i molteplici motivi d’interesse che suscita questo nuovo volume in cui Colón
sintetizza lunghi anni di una ricerca aperta e segnata da uno straordinario impegno
scientifico e umano, metteremo dapprima in risalto la chiarezza del procedimento sin-
tetico (le riflessioni sul lavoro etimologico) e la raffinatezza analitica (con esiti di
grande sensibilità di lettura anche in testi letterari come il Buscón di Quevedo).
Ammirevole la capacità di lavoro preciso e la tenacia dell’accertamento, per cui ven-
gono risolti in modo definitivo temi e problemi che circolavano da anni: come il caso
costituito da quel romanticorum che veniva continuamente citato come antenato
dell’europeismo romantico. Se non che il gusto per l’accertamento esatto, la passione
e il senso di responsabilità, l’andare a verificare le cose, il non mai dare le cose per
scontate si rileva nelle pagine di alta scientificità, ma, pure, fruibilissime, con cui lo
studioso iberico e nel contempo basilese mostra come il citatissimo romanticorum
che viene da decenni ripreso di trattato in trattato attribuendolo ora all’Inghilterra
ora alla Germania, non è altro che un banale errore di lettura per romanciorum:
viene liquidato un ulteriore «fantasma lessicografico» [667].
Colpisce, in queste pagine, l’indipendenza di giudizio, che si esercita anche verso
figure di grande rilievo: così la rettifica [455] a certe interpretazioni avanzate da Leo
Spitzer per tafanario; e vedi, sempre su Spitzer, il distanziarsi dallo studioso austriaco
in rapporto a meleto [464]. Indipendenza di giudizio oltre che verso certe fragili posi-
zioni di Devoto [455] anche nel provare l’inconsistenza del frequente, facile ricorso
all’arabismo quando ci si trovi in difficoltà interpretative [454]: deve, invece, preva-
lere l’amore per la fattualità e la verità. Di qui anche la nota [456, n. 6] sul LEI, così
come [115] l’auspicio a disporre per le culture (non solo iberiche) di una rappresen-
tazione dizionariale che non metta in primo piano, nella sostanza in modo arbitrario,
il lemma latino, bensì si rifaccia alla lingua esaminata.

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566 COMPTES RENDUS

Il libro costituisce un motivo di alto interesse anche per gli storici: non solo per-
ché l’ordito della lingua permea spesso di sé il tessuto delle società, ma perché, con
acribia, vengono affrontati temi come quelli dei documenti sul diffondersi della sifi-
lide. Vedi gli accertamenti sul morbum Sancti Sementi, sul male dell’epidermide ecc.
(dal nome del Santo che veniva invocato a protezione di malati di psoriasi e altri
disturbi dermatologici). Nella chiave di una «filologia storica», è appassionante
l’esame interdisciplinare che permette di escludere che l’infermità sia stata portata
dall’America dalle truppe di Cristoforo Colombo: un’asserzione, questa, a lungo
propalata senza prove cogenti e che è dura a morire [530].
Gli storici della cultura prenderanno conoscenza con viva partecipazione delle
prove che vengono recate quanto all’impatto dell’esperienza giuridica nei meandri
della lingua: lindo (da legitimus) è qualifica che ha dapprima una utilizzazione legale
e che solo successivamente venne fatta passare in una sfera estetica, vedi paladino
[98-98] per cui si ventila anche un palam di ambito giuridico): bello, in proposito, il
metodo contrastivo – applicato pure in numerose altre pagine – di far sprigionare
scintille interpretative ed ermeneutiche dalla resa sia del testo originale sia della tra-
duzione. Esemplare, tra altri, l’esame di copia dove [531-546], facendo giustizia di
tante pseudointerpretazioni precedenti, Colón mostra come copia (e fotocopia: una
esperienza continua nella quotidianità di tutti noi) provenga da una pratica giuridica
e da usi del tipo alicui alicuius copiam facere, mettere qualcosa a disposizione di
qualcuno (in Terenzio), in particolare in ambiti cancellereschi e notarili. Con ciò,
reca anche un modello di analisi dell’uso semantico delle locuzioni e delle frasi fatte.
Non è purtroppo possibile fermarsi su tutte le pagine che ci hanno avvinto, come
quelle dell’utilizzazione di plagium e plagiarius che dall’accezione latina di ‚ratto di
una persona’ verrà poi, in periodi legati al Trecento e ai secoli successivi, condotto
ad applicazioni relative al furto intellettuale: una lettura che si inarca su tutte le
lingue europee e che si radica pure in un epigramma che Marziale dirige contro un
avversario (tale Quincianus). Se in francese plagiaire è, come voce, riconducibile tra
l’altro al geografo Thévet (1540), in contesti italiani si accerta – un divario crono-
logico significativo – solo nel 1723-211 (Salvini).
Una pagina di estrema delicatezza di lettura e raffinatezza è costituita – già vi si
è accennato – dal passo in cui, sulla scia del Buscón del Quevedo, Colón mostra la
necessità di fare delle esegesi in finezza per rendersi conto prima e apprezzare poi
certi sottili giochi di parola intertestuali e di doppio, triplice livello, in cui vengono
ad esempio allusivamente immessi componenti come il gioco delle carte, il flusso dei
denari sul tavolo dell’osteria e certa disponibilità di una donna. Un gioiello di acri-
bia testuale e di sapida lettura in trasparenza. Felice, a [654], il commento di «piro-
letta idiomatica». Ma sui calembour si deve tornare, in rapporto a basilea, ‚forca’,
applicato in usi gergali: uno dei numerosi calembour geografici con cui, proprio in
rapporto alla „sfortuna“ di finire sul patibolo, si sfogavano taluni gruppi di gerganti:
cfr. il semantismo e l’espressione essere impiccati da cui viene creato finire in Pic-
cardia (gerghi it. del Cinquecento) ‚essere impiccati’: anche qui l’allusione geografica
è secondaria.
Un modulo frequente tra i gerganti suscitò anche formulazioni come andare a
Carpi (1545) da carpire ‚rubare’ e toscano del 1960 andare a terra Cavolini ‚morire’,
un top. inesistente, frutto di un ricamo su andare a far cavoli ‚andare a marcire in
una fossa’. Nel caso di fue presto en basilea, fu impiccato, si faceva leva sul verbo
gergaleggiante basir(e), morire, che si ha (seppur sporadicamente) sia in ambiti

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ESPAGNOL 567

iberici, sia francesi, sia italiani; si spiega così anche l’aggettivo catalano basilea
‚mortecina (carne)’, del 1568 [339].
Di interesse morfologico e nel contempo stilistico sono le pagine dedicate a forme
a doppio imperativo [468-494] come cortapisa, quitapón, vaivén, bouillabaisse, tiramo-
lla, cantimplora. Di arrichimento per la lessicologia europea si rivelano poi notizie
come quelle su girigonça ‚gergo’, dal 1492 [91], estafar ‚sottrarre denaro in maniera
subdola’, che illumina anche motti italiani [65], listo che viene persuasivamente [93-
95] ascritto ad ambienti gergali: il che agevolerà domani una ricerca etimologica in
chiave culturale. Che si debba muovere da un semantismo iniziale del tipo ‚stare all’oc-
chio, stare attento’ per poi passare anche a ‚esser rapido, pronto a reagire, essere solle-
cito’ sembra assodato: sì che non mancano gli agganci con battute come quello è un
lestofante ,è un furbo’ e altri elementi che abbiamo esaminati nel 2001. Preziosi, poi, i
rilievi moderni, come quel rozagante di cui [372-401] si danno, con vivida attenzione,
riscontri da giornali del 1962, 1995 e da emissioni televisive del 1994.
Interessanti altri approfondimenti, come quello svolto su volcán/vulcan, catalano
volcà, portoghese vulcão: visti dalla gente come pertugi di sfogo dell’inferno collo-
cati soprattutto nelle isole Lipari, non a caso chiamate Vulcani insulae. Ma una dila-
tazione dell’esperienza e della voce comporteranno le scoperte del Nuovo Mondo da
parte di portoghesi e castigliani: così, una nozione siciliana verrà, per estensione,
applicata a realtà del mondo americano. Il ricercatore offre documentazione di prima
mano, che viene per molti riguardi a correggere delle precedenti interpretazioni
corominiane. Splendida, l’impostazione semantica e documentaria della problematica
di tafanario ‚deretano’ che [467] viene definitivamente riconosciuta come una lepi-
dezza, nella fattispecie di sacrestia. Che, con un che di irriverenza, tra certi gruppi
conventuali, si alludesse talora al sacro per indicare il profano e anche cose quanto
mai grossolane, emerge pure dal fatto che asperges, strumento per l’aspersione, venne
(non solo in Italia) fatto slittare ad indicare ‚phallus’; altri paralleli di simili audacie
in rapporto a tafanario sono del resto dati nel recente Dizionario dei modi di dire
(Milano, Garzanti, Grandi Opere 2001).
Originalità e sicurezza di approccio sono piene anche quando [554-571] viene
smontato dall’interno il mito linguistico della incisività del greco massaliota, che era
stato invocato come elemento suscettibile di recare una spiegazione per varie forme
ornitonime come compère-loriot e come compàre-peren, compare-Pietro che vanno
invece [566] interpretati nella chiave dell’animale totem: si vedeva nell’animale una
figura protettiva, di riferimento, di integrazione famigliare. Di qui il ricorso alla
personificazione.
Con questo nuovo volume Germán Colón imprime insomma una svolta coraggiosa
e forte alla ricerca sia filologica sia linguistica, aprendo a prospettive nuove che rendono
più intenso il nostro sguardo sulla lingua e sul suo radicarsi nella vita delle comunità.

Ottavio LURATI

Lidio NIETO JIMÉNEZ, Tesoro lexicográfico del español marinero


anterior a 1726. Madrid, Arco/Libros, 2002, 188 pp.
El Tesoro lexicográfico del español marinero (= TELEMA) es un adelanto del
Nuevo tesoro lexicográfico español que prepara el autor, quien en los años noventa

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568 COMPTES RENDUS

del pasado siglo se lanzó a planear un diccionario o tesoro de los diccionarios


españoles anteriores a la aparición en 1726 del Diccionario de Autoridades, obra con
la que comienza la moderna lexicografía española. El repertorio que aquí señalamos
se ciñe al campo específico del vocabulario marinero.
Samuel Gili Gaya trabajó durante muchos años en la gigantesca empresa de
publicar un Tesoro Lexicográfico, que abarcaba todos los vocabularios y diccionarios
castellanos desde 1492 y 1726, es decir la época comprendida entre el vocabulario de
Nebrija y el primer repertorio académico. Esta obra, que sólo ha llegado a la letra
E-, fue víctima de la Guerra Civil de 1936-1939 y de la desidia y mala voluntad de
quienes, tras la contienda, detentaron el poder. Los materiales inéditos fueron objeto
de un injustificado abandono y de muchos despojos y el autor estuvo confinado en
un alejado instituto de segunda enseñanza.
Lidio Nieto ha querido realizar un tesoro lexicográfico independiente, de nueva
planta, el NTLE, cuyo tope cronológico también lo sitúa en 1726 y da cabida a
más obras, pues tiene en cuenta diccionarios que van de una lengua extranjera al
castellano, mientras que en Gili Gaya el idioma fuente era siempre el castellano, y
así se dejaban de lado repertorios tan importantes como el Universal Vocabulario de
Alonso de Palencia (1490, latín-español) o el diccionario trilingüe de Hornkens
(1599, francés-español-latín), que es la base de los léxicos de Palet y de Oudin.
Ahora L. Nieto, con la ayuda de Manuel Alvar Ezquerra, está finalizando la
empresa y hay que desearle una feliz y rápida conclusión.
La singularidad del léxico marinero, su unidad temática es lo que justifica que
el TELEMA pueda publicarse aparte, como simple avanzadilla del gran repertorio.
El corpus está formado por doce obras lexicográficas marineras. Las cuatro prime-
ras en el tiempo, de 1538 a 1587 son independientes entre sí, pero a partir de hacia
1600, con el anónimo Bocabulario navaresco, empieza la transfusión lexical, la cual
con término más acertado el autor llama “filogenia” de los repertorios (pp. XI-
XLIII). Ello ocurre desde el momento en que hay impresa una fuente lexicográfica,
como la de Diego García de Palacio (Instrvción návtica para el buen vso y regimiento
de las naos, México, 1585). Digamos, de paso, que ahora se han publicado las
concordancias del primer repertorio de Alonso de Chaves (antes de 1538): Elena
Carpi, El léxico del Cuatripartitu en Cosmographía Práctica de Alonso de Chaves,
Madrid, UNED, 2001.
Dispuestos los materiales por orden alfabético de las entradas, tenemos una mina
de información extraordinaria. Ahora que el autor nos ha ofrecido las entradas y las
distintas definiciones resulta fácil ver lo que es original y lo que es mero calco o
plagio. Es lástima que a veces se pierdan algunos términos marineros, porque en los
repertorios no son objeto de un lema o entrada. Es lo que Lázaro Carreter llamaba
«pistas perdidas en el Diccionario». He aquí unos ejemplos:
– vaivén es durante los siglos XV y XVI un término marítimo (cf. Para la
historia del léxico español, Madrid, Arco/Libros, 2002, 483-486), aparece en el
repertorio bajo dar (Fdez. Navarrete 1675: dar bayvenes).
– honda se recoge en el Voc marít. 1722, pero ya está (s.v. eslinga) en Gamboa,
1690, con la grafía normal onda.
– rabiza no aparece, pero está s.v. ceguiñuela.
– gobernar comienza en Salazar 1600, pero ya se halla en Chaves, 1538, s.v.
gobernalle.

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CATALAN 569

– goruatón sólo está en Chaves 1538, pero el artículo escotera permite encon-
trarlo también en varios repertorios posteriores.
– galafatear, variante de calafatear, tiene una entrada con indicación del Voc.
Marit. 1722, pero el artículo carena consigna antes, en 1614, dicha variante.
Esto son sólo unos reparos mínimos que en nada afectan a la importancia de
esta obra, que, como tengo dicho, ofrece una riqueza de vocabulario técnico riquí-
sima, y las observaciones de tipo etimológico, semántico, etc., que permiten hacer
esos materiales son muchísimas. El TELEMA viene presentado con el buen gusto
con que Arco/Libros siempre imprime sus obras.
Germán COLÓN

Una CANGER, Mexicanero de la Sierra Madre Occidental. El Colegio de


México, 2001, 180 pages.
Ce volume porte le numéro 24 de la série de l’“Archivo de lenguas indígenas de
México” dû à l’initiative de Jorge A. Suárez et Yolanda Lastra.
Le mexicanero est un dialecte nahuatl (aztèque) de la région de Durango parlé
par 200 à 300 personnes. La description suit les principes de la collection: réponses
à un questionnaire grammatical et lexical, complété par un texte et une conversation.
Le bilinguisme avec l’espagnol a entraîné un nombre important d’emprunts et a
marqué aussi la syntaxe.
Dès 1692, Juan Guerra, dans son Arte de la lengua mexicana relevait cette
influence et en citait de nombreux exemples: “¿Quieren almorzar?” se disait ticne-
qui ti-almorçaro-z? comme aujourd’hui Una Canger signale
“el hombre mató al perro”,
u-ki mikti in pelo in taka-t.
ou encore
“esta casa es vieja”,
inin kal byeho.
Cet ouvrage intéressera particulièrement les chercheurs dans le domaine des
langues en contact.
Bernard POTTIER

CATALAN

Cristià CAMPS, Renat BOTET, Diccionari Català-Francès, Barcelona,


Enciclopèdia Catalana, 2001; XCIII + 1230 pages, format 14/21.
La très active Enciclopèdia Catalana vient de publier ce dictionnaire catalan-
français (D.C.F.) dû à Cristià Camps, professeur à l’Université Paul Valéry de Mont-
pellier, et Renat Botet, professeur de lycée honoraire, secondés par une dizaine de
collaborateurs. Il s’agit d’un ouvrage qui se veut avant tout pratique, tel que le récla-

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570 COMPTES RENDUS

ment les étudiants de catalan et tous les traducteurs, lesquels ne disposaient guère
jusqu’à présent que de vocabulaires succincts, voire entachés d’erreurs. Le volume
paraît présenter la solidité matérielle nécessaire à un manuel et le texte est d’une
présentation claire et agréable, encore qu’il soit permis de trouver agaçante l’absence
de point après les abréviations. La lecture en est facilitée par des instructions
détaillées. Outre les indications habituelles dans ce genre de dictionnaire on en
trouve de plus rares et qui seront sans doute fort utiles aux catalanisants, comme la
prononciation figurée qui est celle du dialecte central, de même que les éléments de
grammaire qui n’occupent pas moins de 93 pages. Dans sa préface fort louangeuse
M. Cl. Zimmermann souligne, entre autres qualités, l’ingéniosité des auteurs qui par
de brèves définitions, des synonymes, des champs d’application, en catalan, précisent
l’acception particulière d’un vocable avant de donner les équivalents français. Citons
par exemple :
badar |bedá| v tr (obrir al llarg) fendre. ~ el cap, fendre le crâne. ||
(guaitar) guetter, épier. || ~ els ulls ouvrir (écarquiller) les yeux. Bada
uns ulls com unes taronges, il ouvre tout grands les yeux (il fait, il
ouvre des yeux comme des soucoupes)...
Dans le même souci, les noms de plantes et d’animaux sont suivis du nom scien-
tifique (mais sans que soit précisé le systématicien):
canyota... f BOT (Sorghum halepense) sorgho m d’Alep.
ratolí... m ZOLL (múrid) souris f. | ~ comú (domèstic) (Mus muscu-
lus) souris communes...
La couverture annonce 60.000 entrées – noms propres compris –. À titre de com-
paraison le Diccionari Català-Valencià-Balear (D.C.V.B.) d’Alcover et Moll – qui a
d’autres ambitions – doit en comporter plus de 130.000; le Diccionari General de la
Llengua Catalana (D.C.LL.G.), de Pompeu Fabra, qui ne contient pas de noms
propres, environ 50.000. C’est dire la richesse du vocabulaire traduit par le D.C.F.
Dans l’introduction les auteurs exposent leur dessein : «Nous avons voulu présenter
un vocabulaire complet et actuel, faisant leur juste place aux tournures idiomatiques,
aux phrases exemples, aux néologismes les plus fréquents et aux termes techniques,
aux régionalismes, aux mots et locutions relevant de la langue familière, populaire,
vulgaire, voire argotique.» Par conséquent ils ont dû faire un choix et aussi large que
soit celui-ci il suscitera forcément quelques regrets. Par exemple l’expression perdre
l’esma est rendue par perdre la tête, mais non par perdre le sens, s’évanouir, sens
qu’elle a dans le Conflent.
Ce mot d’esma, un des plus délicats parfois à rendre en français lors de la tra-
duction d’un texte, mérite peut-être qu’on s’y attarde un instant. Le premier équi-
valent donné par le D.C.F. est courage. On peut supposer qu’il s’agit là de l’accep-
tion la plus actuelle et la plus courante. Voyons les sens donnés par quelques
ouvrages que nous avons sous la main:
– D.G.LL.C.: Aptesa a fer instintivament, maquinalment alguna cosa. Caminar
d’esma. Perdre l’esma.
– Diccionari Català General (M. Arimany):
1) Aptesa feta habitud fins a tal punt que permet de fer les coses sense pensar-hi.
2) Orientació natural per a fer les coses habituals.
3) No tenir esma, no tenir ànim, delit. Desesmar-se.

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CATALAN 571

– Diccionari Català Illustrat (E. Vallès): Hàbit o facilitat d’encertar, cast. tiento,
tino; fr. tact (sic); angl. tact, knack. || D’esma, loc. adv. de rutima.
– D.C.V.B. :
1) Ant...
2) Aptitud per a caminar o obrar instintivament maquinalment, sense veure o
atendre; cast. tino...
3) Estat conscient, noció d’allò que ens succeeix, cast. sentido, conocimiento.
4) Ús de les facultats intel·lectives; coneixement, seny; cast. conocimiento, seso.
5) Força d’esperit, coratge, delit; cast. ánimo. Etc.
On voit comme l’entreprise était nécessaire et malaisée.
Sans doute y a-t-il quelques équivalents à revoir:
abocar... || fig (diners, recursos) employer, consacrer, recourir intr. || ...
Peu versé dans la science financière, nous comprenons mal le sens du dernier verbe.
abeurar... couler du mortier dans les joints de carreaux pour les garnir.
Il ne s’agit pas d’une traduction, comme on le voit, mais d’une définition. L’équi-
valent français serait jointoyer qui figure dans le moindre dictionnaire et bien qu’à
vrai dire, si nous en croyons les souvenirs d’un ancien apprenti, les maçons et autres
ouvriers du bâtiment disent, sans recourir à un jargon plus précis, faire les joints.
Certes, un usage assidu permet de découvrir les petits défauts inhérents à cette
sorte d’ouvrage, mais nous ne doutons pas après avoir feuilleté celui-ci qu’il rendra
de grands services aux linguistes, et pas uniquement aux traducteurs étudiants ou
professionnels.
Louis BALMAYER

Olga CUBELLS BARTOLOMÉ, El parlar de la Palma d’Ebre (Ribera


d’Ebre), Pròleg de Pere Navarro Gómez, La Palma d’Ebre, Associació
Cultural l’Espona, 2001, 189 pp.
El llamado generalmente catalán occidental ha sido hasta hace poco una de las
parcelas de la lengua catalana más descuidada. Últimamente asistimos a un esperan-
zador cambio, en lo que respecta al catalán noroccidental. Pero las tierras tarraco-
nenses de la Ribera d’Ebre (al norte de Tortosa) apenas habían sido exploradas. Con
este cuidadoso y bien editado estudio microdialectológico de Olga Cubells sobre el
habla de Palma d’Ebre, su pueblo natal, el panorama da por completo un vuelco. La
autora nos ofrece un trabajo de una metodología bastante tradicional, pero con un
tratamiento moderno y además exhaustivo. Y es una suerte que se recoja información
lingüística sobre el mundo tradicional (la tierra, las tareas del campo o la evolución
agrícola de los último tiempos, etc.) salvando así muchos testimonios de un modo de
vida en constante cambio y en peligro de extinción. Han sido 3956 las cuestiones pre-
guntadas en un pequeño pueblo esencialmente agrícola y ganadero que, según la
autora [23], está bastante alejado de cualquier centro urbano y cuyo censo era de 421
personas en 1996. La situación para una encuesta es, pues, excelente.

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572 COMPTES RENDUS

Tras proporcionar información metodológica y tras exponer la historia, situación


geográfica y desarrollo socioeconómico de la localidad estudiada, pasa Olga Cubells
a describir el registro coloquial del catalán de la localidad: fonética, morfología, mor-
fosintaxis, sintaxis y léxico. Estos grandes apartados son tratados muy a fondo,
teniendo siempre presente lo que sobre cada fenómeno estudiado han dicho los
diversos autores y procurando dar razón de los hechos constatados. Es de agradecer
que todas las voces vayan acompañadas de la correspondiente transcripción fonética
de la API, en particular que también se presente la conjugación [68-85]. El léxico,
al que se dedica una buena parte del libro [104-152], viene presentado en catorce
campos semánticos, seguidos de una relación de frases hechas; luego la autora señala
qué voces coinciden con otros dominios del catalán (dominios occidental, norocci-
dental, leridanoi, tortosino, valenciano). Esta recogida del vocabulario, tan rico, -e
interesante además por la situación geográfica entre el noroccidental y el valenciano
septentrional y el tortosino- no merece sino parabienes. Si tuviera que hacer una
pequeña observación, diría que tal vez no era necesario que se definiesen tan por-
menorizadamente con metalengua científica los diversos lexemas, sobre todo los
nombres de plantas: «Pastanaga [transcripción fonética]: Planta herbàcia biennal de
la família de les umbel·liferes (Daucus carota), de fulles bipinnatisectes, flors
blanques o roses, fruits en diaqueni i d’arrel dobla i ataronjada, mengívola i molt
nutritiva» [116]. Bastaba quizá con el nombre científico, sin pecar por carta de más.
A continuación viene una recopilación de siete textos dialectales en ortografía
normal (cuando es necesario adaptada a la fonética del pueblo) y en transcripción
fonética [163-175] y cierra el libro una extensa bibliografía.
La autora prepara un estudio de caráter geolingüístico acerca de “els parlars
de la comarca de la Ribera d’Ebre” [8]. El trabajo que aquí hemos señalado hace
augurar un extraordinario avance en el conocimiento de una parcela del mayor
interés de la lengua catalana y completará los datos que ya nos ofrecen los recientes
atlas de la diócesis de Tortosa de Lluís Gimeno Betí y del conjunto del dominio por
Joan Veny y Lídia Pons.
Germà COLÓN

Míkel DE EPALZA, L’Alcorà. Traducció de l’àrab al català, introducció


a la lectura i cinc estudis alcorànics, amb la col·laboració de Josep Forca-
dell i Joan M. Perujo, Barcelona, Proa, 2001, 1277 pàgs.
¿Por qué razón señalo en una revista de lingüística una traducción del árabe?
Empiezo confesando que no soy arabista y que estas líneas no pueden ser más que
una bienvenida a la primera traducción del Corán o Alcorán a la lengua catalana,
acontecimiento editorial de gran trascendencia.
El conocido catedrático de estudios árabes e islámicos de la Universidad de
Alicante, Míkel de Epalza, vasco de nacimiento, buen conocedor de las lenguas
hispánicas y asimismo de la teología católica, se ha lanzado a una empresa de
altos vuelos, ayudado por dos filólogos de lengua catalana: Josep Forcadell i Joan
M. Perujo, ambos también de la Universidad de Alicante.

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CATALAN 573

Del Alcorán existen desde hace tiempo versiones directas o indirectas a los
principales idiomas de cultura; en español hay 28, con casi cien ediciones desde el
siglo XIX, y al portugués 9, con doce ediciones. Pero el catalán carecía de traduc-
ción, y ello paradójicamente ante el hecho de que, en la edad media, Ramon Llull
había intentado, con sus Cent noms de Déu y las Oracions de Ramon, mostrar que
la pretendida inimitabilidad del texto sagrado musulmán podía ser superada litera-
riamente por cristianos. Para problemas, censuras y polémicas en tierras de la
Europa central en torno a ese libro envío al capítulo dedicado a «Die Basler Kora-
nausgabe» de C. Gilly, Spanien und der Basler Buchdruck bis 1600, Basel/Frankfurt
a. M., 1985.
La larga espera para el catalán ha sido recompensada con la aparición del
texto de Míkel de Epalza, correcto y literario, en un lenguaje estilísticamente muy
agradable.
No me aventuraré a comprobar la justeza de la traducción del árabe. Sólo diré
que la lectura de esta versión, sobre todo si se realiza en voz alta, permite captar su
dulce melodia. En árabe Al-Qurân al-Karîm significa ‘la noble recitación’. Esta
traducción, con un lenguaje comprensible, pero esmerado y una denodada tensión
poética, ha conseguido precisamente el objetivo de conservar la musicalidad del
original; además la disposición tipográfica del texto catalán permite seguir fácilmente
el melodioso ritmo de los versículos o aleyas de cada sura o capítulo. La puntuación
encauza la lectura pausal del Alcorà. En cambio, se ha prescindido, naturalmente, de
dos elementos fundamentales del texto árabe: la prosa rimada saj` y las aliteraciones,
imposibles de integrar en cualquier traducción a las lenguas romances. Los intentos
de quienes han querido ir en esa dirección han llevado al fracaso.
El texto de esta edición va acompañado de una introducción a una lectura cata-
lana del Alcorán (págs. 7-27) y de cinco novedosos estudios: «1. Bibliografia hispà-
nica sobre Aràbia, Mahoma (Muhàmmad) i l’Alcorà», «2. L’Alcorà i la vida religiosa
dels musulmans», «3. Inimitabilitat de l’Alcorà. Valor de les traduccions segons
els teòlegs musulmans», «4. Traduccions hispàniques de l’Alcorà» y «5. Principis
d’aquesta traducció alcorànica de l’àrab al català» (págs. 983-1201). Siguen la corres-
pondiente bibliografía y varios índices. De estos eruditos estudios puede interesar a
los romanistas ante todo el número 5, en donde Epalza compara regularmente en
nota al pie de página esta traducciín catalana con otras versiones al español, portu-
gués, italiano y francés, y así se realzan las novedades metodológicas introducidas.
También los estudios 1 y 4 tienen una clara dimensión románica, en particular hispá-
nica (español, catalán, portugués).
Esta versión catalana está teniendo en España una gran aceptación y ha sido
recompensada con varios prestigiosos premios. En estos momentos va a aparecer una
segunda edición.
Míkel de Epalza, que tanto ha hecho por las letras catalanas con sus estudios
sobre Anselm Turmeda y, entre otras actividades, con la publicación junto a María
Jesús Rubiera desde 1984 de la revista Sharq Al-Andalus, se ha ganado el agradeci-
miento y la admiración no sólo de islamistas, sino también de los romanistas.

Germà COLÓN

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574 COMPTES RENDUS

DOMAINE GALLO-ROMAN

Jean-Claude CHEVALIER, Histoire de la grammaire française, Paris,


Presses Universitaires de France (Que sais-je?, 2904), 1996, 128 pages.
Ce Que sais-je? offre une histoire de la grammaire française(1) qui respecte la
progression chronologique, tout en essayant d’enrichir la périodisation externe par
une articulation «intrinsèque». Les titres des différents chapitres reflètent cette
volonté d’aller au-delà d’une «annalistique» et d’une prosopographie: «Les premières
grammaires» (chap. I, pp. 7-12); «Les grammaires françaises à la Renaissance»
(chap. II, pp. 13-28); «Les grammaires de l’âge classique» (chap. III, pp. 29-47);
«Les débuts de la grammaire générale» (chap. IV, pp. 48-61); «Les grammaires du
XVIIIe siècle» (chap. V, pp. 62-99); «Le XIXe siècle. Les grammaires scolaires et le
mouvement scientifique» (chap. VI, chap, pp. 100-110); «L’irruption de la linguistique
dans la grammaire ‘traditionnelle’» (chap. VII, pp. 111-126).
Le lecteur de cette synthèse fera bien de recourir à l’œuvre maîtresse de Jean-
Claude Chevalier, Histoire de la syntaxe. Naissance de la notion de complément dans
la grammaire française (1530-1750) [Genève, 1968], non seulement parce que l’ana-
lyse qui y est offerte pour la période 1530-1750 (correspondant aux pp. 13-88 de ce
Que sais-je?) est beaucoup plus détaillée et nuancée, mais aussi parce que Chevalier
y proposait déjà une visée de la grammaire (et de la linguistique, et aussi – au plan
réflexif – de l’historiographie et de l’épistémologie de la linguistique) qui sous-tend
son œuvre entière de grammairien et d’historien de la grammaire et de la linguis-
tique. On pourra ainsi lire avec plus de profit encore cette synthèse très dense, dans
laquelle l’auteur a dû prendre plusieurs options [cf. 4-5], imposées par les contraintes
d’espace.
D’emblée, Chevalier ne laisse planer aucun doute sur son objectif: il s’agit de
décrire l’histoire de la grammaire française dans ses rapports multiples à des tradi-
tions de réflexion et de pratique grammaticales (en Occident); en même temps, il
s’agit de situer la place (changeante) de la grammaire (française) dans un contexte
institutionnel, sur le marché des produits culturels et scientifiques, dans la vie des
sociétés: c’est ce que Chevalier appelle «le champ d’exploitation». Pourquoi, pour
qui, comment, et où a-t-on (un on impersonnel qui cache, malheureusement, toute la
personnalité – parfois si captivante – des «grammatistes», «grammairiens» et
«linguistes» auteurs d’ouvrages grammaticaux) écrit et publié des grammaires du
français? Voilà la perspective adoptée.
C’est dans une visée de longue durée que Chevalier envisage l’activité du gram-
mairien: comme il l’indique à plusieurs reprises, les objectifs, les méthodes et les
concept(ion)s des grammairiens ont (eu) la vie plus longue que leur carrière. Métier

(1) L’auteur a privilégié les grammaires françaises écrites en France (ou par des
francophones); pour une perspective moins restreinte, voir nos articles «Franzö-
sisch: Grammatikographie» et «Geschichte der Grammatiken und Sprachlehren
romanischer Sprachen», dans G. Holtus - M. Metzeltin - Chr. Schmitt (Hrsg.),
Lexikon der romanistischen Linguistik, respectivement Bd. V/1 (1990) et Bd.
I/1 (2001).

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DOMAINE GALLO-ROMAN 575

atavique, mais les grammairiens n’ont pas manqué d’astuce pour mettre du vin nou-
veau dans de vieilles outres ni pour couler du vieux vin dans des outres neuves...
D’ailleurs, les mânes d’Apollonios Dyscole, de Donat et de Priscien continuent à
nous hanter; à travers l’ambition d’une syntaxe explicative, à travers la présence
incontournable d’un schéma de parties du discours, ou encore à travers le concept
de transitivité.
Dans le premier chapitre, Chevalier rappelle cette dette à l’égard de la gram-
maire grecque et latine, mise à de nouvelles sauces par les grammairiens du Moyen
Âge. Le contact avec les vernaculaires, en l’occurrence le français, a été pénible: la
mise en grammaire du français se fera (par besoin pratique) en Angleterre, mais à
coup de bricolages (le modèle latin ne se plie pas entièrement aux faits du français,
et vice versa) et sans donner des résultats très convaincants: on sait que le Donait
françois (rédigé vers 1410) est lacunaire et qu’il laisse en suspens beaucoup de pro-
blèmes(2). Mais la présence de textes «sur la langue» – esquisses grammaticales,
lexiques, listes de conjugaisons, Manières de langage, etc. – est un indice significatif
de l’importance croissante du français, tout particulièrement de la variété parisienne.
Mais c’est bien au XVIe siècle que la grammaire du français prend des contours
très nets: c’est là à la fois le mérite d’auteurs importants comme Palsgrave, Dubois,
Meigret, Ramus – il faudrait y ajouter les efforts, passés sous silence par Chevalier,
de Robert Estienne, Antonius Caucius et Johannes Serreius(3) – mais c’est aussi le
mérite d’une technique, l’imprimerie, qui met des textes uniformes (et mieux orga-
nisés spatialement) à la disposition d’un large public de lecteurs. Comme le montre
Chevalier, c’est au XVIe siècle que le champ de la grammaire française est débrous-
saillé et articulé: on fixe les cadres de description (graphophonétique et morpholo-
gique, et parfois timidement syntaxique), on discute le problème de l’usage (et de la
norme) et on affronte des problèmes de taille (détermination du nom; diathèses ver-
bales, etc.), tout en restant fidèle à l’articulation globale des modèles latins. On hési-
tera sans doute à suivre Chevalier quand il écrit que Dubois (1531) constitue «une
sorte de morphophonétique générale» [17] et que son analyse des formes et des
fonctions «marque un souci profond d’interpréter un monde en pleine expansion»
[18], mais on ne peut que savourer les belles pages consacrées à Meigret [20-22] et
à Ramus [22-26](4). En fin de chapitre [28], Chevalier note l’écart entre la produc-
tion en grammaire latine et celle en grammaire française au XVIe siècle.

(2) Cf. nos articles «La plus ancienne grammaire du français», Medioevo romanzo 9
(1984), 183-188 et «Les premières grammaires des vernaculaires gallo-romans
face à la tradition latine: stratégies d’adaptation et de transformation», in
I. Rosier (éd.), L’héritage des grammairiens latins de l’Antiquité aux Lumières
(Paris, 1988), 259-269.
(3) Sur ce dernier, voir notre contribution «Les débuts de la grammaticographie
française à Strasbourg: la Grammatica Gallica de Jo(h)annes Serreius», in J. De
Clercq - N. Lioce - P. Swiggers (éds), Grammaire et enseignement du français
1500-1700 (Louvain/Paris, 2000), 425-459. Madame A. Jacquetin (Paris) prépare
une édition (avec traduction française) de la grammaire de Serreius.
(4) Mais pourquoi diable n’utiliser que l’édition de 1572, alors que celle de 1562
présente tout le charme de la démarche tâtonnante du grammairien?

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576 COMPTES RENDUS

Le chapitre III concerne les grammaires du XVIIe siècle. Figurent au premier


plan les ouvrages de Maupas (un peu déprécié – à tort, à mon avis, car l’auteur four-
nit une fine analyse des temps et étudie en détail l’emploi des articles)(5), d’Antoine
Oudin (le premier grammairien de la langue classique) et de Vaugelas(6), l’observa-
teur-juge qui recourt à l’usage de la plus saine partie de la Cour, mais aussi à l’ana-
logie et à des critères subjectifs (harmonie, élégance) et qui fait dévier la descrip-
tion de la langue vers la stylistique et la lexicologie, genres plus distrayants. Le
chapitre s’arrête sur la mention de travaux plus didactiques, la grammaire de
Chiflet(7) et celle de Mauger. On regrettera l’absence de grammairiens intéressants
comme Vairasse d’Allais(8) et de la Touche.
La scansion chronologique par siècles des chapitres est alors rompue, car le cha-
pitre IV concerne lui aussi le XVIIe siècle; il est entièrement consacré à «ce petit
livre de 108 pages paru en 1660» [48](9), la Grammaire générale et raisonnée de Port-
Royal. De cet ouvrage, Chevalier esquisse le contexte (janséniste), résume la portée
épistémologique, discute le contenu et brosse la réception. Chevalier insiste sur
la perspective sémiotique des auteurs de la Grammaire générale et raisonnée de
Port-Royal, qui entraîne une nouvelle répartition des classes de mots et instaure
des concepts syntaxiques opératoires. Il ne cache pas son admiration devant l’effort
d’Arnauld et Lancelot: «On espère avoir donné en ces quelques pages une idée de
cette grammaire saisissante. Elle tire toute sa force de son ambition: réduire tout
domaine, si complexes qu’en soient les apparences, au fonctionnement de quelques
principes combinables. La pratique n’avait de sens que dans la rationalité» [59].
Le chapitre le plus long [62-99] est celui consacré au XVIIIe siècle. Chevalier s’y
concentre sur quelques auteurs: Régnier-Desmarais [62-64], Buffier [64-68], Girard
[68-69 et 73-79], Du Marsais [70-72 et 79-85], Beauzée [85-88], Condillac [88-91],
Domergue [91-93], Silvestre de Sacy [95], Thiébault [96] et Destutt de Tracy [97-99].
Il y retrace, dans des pages serrées, le développement de la syntaxe au XVIIIe siècle;
le chapitre est plein d’analyses judicieuses. On pourrait regretter le peu de place fait
à Restaut [72-73] et l’absence de Vallart et de Sicard.
Le chapitre VI, consacré aux grammaires scolaires et le mouvement scientifique
raconte d’abord une triste histoire: celle de la morosité des grammaires scolaires

(5) P. 32, l. 33-34: le «mon» dans la formule affirmative c’est mon n’est pas un «curieux
enclitique», c’est un pronom tonique au sens plein, à valence substantivale [cf.
cependant FEW 6, 3, 216b].
(6) «C’est donc un mondain intelligent qui mit ses talents de grammairien au ser-
vice des princes. Avec une certaine malchance: il fut gouverneur des enfants de
la maison de Carignan, dont l’un, dit la tradition, était bègue et l’autre muet»
(pp. 39-40).
(7) À la p. 47, l. 10-11, on corrigera le passage à son propos: le père Laurent
Chiflet était déjà mort quand sa grammaire fut publiée en 1659, non pas à
Bruxelles, mais à Anvers (on corrigera aussi le titre signalé par Chevalier en
Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise).
(8) Voir P. Swiggers, «Méthode et description grammaticales chez Denis Vairasse
d’Allais», in P. Swiggers (éd.), Grammaire et méthode au XVIIe siècle (Louvain,
1984), 68-87.
(9) En fait, l’édition de 1660 comporte 147 pages.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 577

– grammaires d’enseignants, d’inspecteurs ou d’amateurs épris d’édification natio-


nale – véhiculant une analyse logique à côté d’une analyse grammaticale, toutes les
deux au service de l’orthographe(10). Inutile de faire le procès des ouvrages de Letel-
lier, Noël et Chapsal, Larive et Fleury et autres Girault-Divivier: c’est un éclectisme
mal digéré et n’offrant guère de description satisfaisante des véritables problèmes
grammaticaux. À cela s’ajoute que le XIXe siècle nous réserve encore un autre sujet
d’apitoiement: la grammaire (historico-)comparative, pourtant préparée par des tra-
vaux français, passe devant le nez des Français, qui ont les yeux braqués sur leur
langue universelle et sur le culte du génie français. Belle occasion ratée, qui fera
grincer les dents, un demi-siècle plus tard, à Michel Bréal et Gaston Paris.
Le dernier chapitre est consacré à la difficile relation entre la grammaire et la
linguistique(11). La complexité est accrue par le peu de distance réflexive à l’égard
d’une période en cours; on notera aussi que Chevalier ressent un autre malaise: celui
de faire le départ difficile entre grammaire et lexicographie [120-121]. S’y ajoute la
prolifération de modèles théoriques, structuralistes et post-structuralistes: la diversi-
fication prend le pas sur l’unification (en dépit d’efforts récents pour créer des
«grammaires d’unification»). Pour les grammairiens, il s’agi(ssai)t donc d’éviter l’éti-
quette de «grammaire traditionnelle»; mais les déclarations d’intention sont vite
faites, autre chose est de les réaliser. À l’autre bout, on notera que la modernité affi-
chée n’est pas nécessairement porteuse de progrès descriptifs (osera-t-on évoquer
l’utilité didactique?). Au milieu de cette broussaille (parfois plutôt une grisaille),
Chevalier dégage des personnalités fortes (Brunot, Guillaume, Tesnière), des projets
de longue haleine menés à bout (Damourette et Pichon, Sandfeld), des éclats de
réussite (Grevisse, Togeby), des catastrophes (la Grammaire de l’Académie). Pour les
années 1950 et suivantes, Chevalier a préféré nous offrir un panorama égalisé.
Il est significatif que ce Que sais-je? se termine par ces lignes quelque peu agnos-
tiques: «Autant que l’évolution des disciplines, c’est leur répartition à l’intérieur du
champ qui importe. L’avenir nous dira ce qu’il adviendra de mouvements très
rapides, liés aux mutations non moins rapides des institutions et des technologies
professionnelles» [126].
Qu’il me soit permis de proposer quelques corrections et observations critiques,
qui pourraient être mises à profit pour une nouvelle édition de ce livre dense et
stimulant.
P. 8, l. 23: mieux vaut écrire «notation» au lieu de transcription; p. 9, l. 21-22: il
vaut mieux ne pas désigner les dialectes français comme des «amalgames d’origine
diverse»; p. 13: seule une partie de Lesclarcissement de la langue françoyse (1530) de
Palsgrave circulait en manuscrit avant l’impression; p. 27, l. 10-11: la grammaire de
Robert Estienne fut d’abord publiée en version française (Traicté de la grammaire-

(10) Voir à ce propos les travaux d’André Chervel, tout particulièrement son
ouvrage Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français. Histoire de la
grammaire scolaire (Paris, 1977).
(11) Pour cette problématique, on se reportera désormais à la thèse de doctorat de
P. Lauwers, La description du français entre la tradition grammaticale et la
modernité linguistique: une étude historiographique et épistémologique de la
grammaire française entre 1907 et 1948 (K. U. Leuven, 2001).

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578 COMPTES RENDUS

françoise, 1557) et c’est en 1558 qu’Estienne publia son Gallicae grammatices libel-
lus (les Hypomneses de son fils Henri Estienne apporteront un complément au texte
latin); p. 28, l. 11: la première édition de la Minerva de Sanctius est de 1562; p. 30,
l. 23-24: «il va de soi qu’elle est en français» (il s’agit de la grammaire de Maupas):
non, car Maupas s’explique justement, dans son épître «A tous seigneurs et gentils-
hommes d’autre langue & païs, amateurs de la langue Françoise», pourquoi il a
rédigé sa grammaire en français; p. 31, l. 15-16: «assemblages faits artistement, dit-
il, au sens, sans doute, où l’on parle de flou artistique»: non, artistement signifie
«selon les règles du métier, de la profession, de la discipline»; p. 35, l. 12-25: dans
la citation d’Oudin (préface de la grammaire de 1632), on corrigera: reso1u ... ie ne
tiens .. esprits. le tascheray ... meilleur estat»; p. 39, l. 22-23: si Vaugelas n’a pas
regroupé ses Remarques selon le plan d’une grammaire, un auteur anonyme se char-
gera de le faire en 1657 (Grammaire françoise avec quelques remarques sur cette
langue, selon l’usage de ce temps, Lyon); p. 44, l. 31-32: en fait, Port-Royal corrigera
Vaugelas par une règle plus générale à propos des pronoms relatifs; p. 46, l. 33-34:
«le temps n’est pas loin où un spécialiste du russe comme l’abbé G. Girard...»: mais
par rapport aux «remarqueurs» du XVIIe siècle, cela fait plus d’un demi-siècle!;
p. 58, l. 32-33: dans la Grammaire de Port-Royal, les conjonctions sont définies
comme des mots exprimant la manière de nos pensées, il n’en est pas de même des
négations et des interrogations; p. 60, l. 15-29: à mon avis, les remarques de Duclos
à propos de la bipartition en mots qui signifient les objets de nos pensées et mots
signifiant la manière de nos pensées ne reflètent pas une «fâcheuse confusion», mais
expriment une critique tout à fait fondée (l’article et la préposition n’expriment pas
des objets, et les adverbes constituent une classe ambiguë)(12); p. 61, l. 17: on n’attri-
buera pas à Chiflet une véritable «vénération pour Vaugelas»(13); p. 65, l. 7: de la
Touche n’est pas un «auteur d’Amsterdam»: il vivait en Angleterre, mais a fait
paraître sa grammaire à Amsterdam(14); p. 66, l. 24-38: il faudrait réécrire ce passage,
vu que la notion de «modificatif»(15) n’entraîne pas une redéfinition de la proposition
chez Buffier, mais le conduit à définir la fonction de formes et groupements de
formes en termes d’insertion phrastique(16); p. 67, l. 9-20: les termes de supplément
chez Buffier ne sont pas des opérations de paraphrase, ce sont des éléments linguis-
tiques dont le statut s’éclaircit à partir d’une paraphrase; dans la citation de Buffier,

(12) Voir notre article «La Grammaire de Port-Royal et le ‘parallélisme logico-


grammatical’», Orbis 33 (1989), 29-56.
(13) Voir J. Stéfanini, «Méthode et pédagogie dans les grammaires françaises de la
première moitié du XVIIe siècle», in P. Swiggers (éd.), Grammaire et méthode
au XVIIe siècle (Louvain, 1984), 35-48 (surtout pp. 46-47).
(14) De la Touche était au service du Duc de Glo(u)cester; dans la préface de sa
grammaire (1696), il signale que l’ouvrage n’a pas été imprimé sous ses yeux.
(15) Voir J. Roelandt - P. Swiggers, «La ‘modification’ comme relation sémantico-
syntaxique chez Claude Buffier», Travaux de Linguistique et de Philologie 28
(1990), 63-70.
(16) En ce qui concerne les pp. 66-80, où il est constamment question de la phrase,
on aura recours à l’ouvrage très détaillé de J.-P. Seguin, L’invention de la
phrase au XVIIIe siècle (Paris - Louvain, 1993); à propos de cet ouvrage, voir
l’article de compte rendu de N. Lioce - P. Swiggers dans Orbis 41.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 579

on apportera une correction: le «ou» de «ou quand viendrez-vous» ne doit pas être
en lettres grasses; p. 76, l. 22: remplacer «illyrienne» par «serbo-croate»; p. 83, l. 23-26:
le couple «identité-détermination» chez Du Marsais concerne le plan des mots, alors
que dans la Logique de Port-Royal, le même couple concerne le plan des idées;
p. 108, l. 7-8: ni Herder, ni Windischmann ne peuvent être présentés comme des
sources des idées comparatistes de Schlegel et de Bopp; p. 109, l. 13: il ne faudrait
pas mentionner ici le lituanien, qui sera inclus seulement plus tard par Bopp dans
la comparaison des langues indo-européennes (à partir des années 1830); p. 116,
l. 27-29: l’opposition entre Bally et Brunot est plus tranchée que ne le laisse
entendre Chevalier; p. 118, l. 25: il n’y a pas eu de Congrès de linguistique à
«Bruxelles-Gand» en 1939 (à cause de la guerre); p. 118, l. 33-36: il ne faut pas asso-
cier la Structure immanente de la langue française de Togeby à son Précis historique
de la grammaire française, ouvrage bien différent en portée et en valeur; p. 120, l.
14: Grevisse était professeur dans des écoles militaires (à Namur, Seilles et
Bruxelles), non dans un lycée; p. 121, l. 32-33: peut-on dire que la Syntaxe structu-
rale de Tesnière (1959; en 1953 fut publiée l’Esquisse d’une syntaxe structurale)
«apportait une approche neuve de la syntaxe par le lexique»?
P. 16, l. 21, dans le titre de l’ouvrage de Sylvius, lire: Isagˆge; p. 18, l. 11: «induit
par»; p. 18, l. 24: l’apprẽdre et curieusemẽt; p. 21, l. 17: comprend; p. 29, l. 23: l’édi-
tion de 1625 de la grammaire de Maupas est en fait la troisième édition française;
p. 39, l. 1: lire Savoyard; p. 45, l. 26: goût violent des Français; p. 48, l. 18: E. Itko-
nen; p. 50 n. 2: Mardaga; p. 55, l. 38: hoti grec; p. 85, l. 37: le syriaque; p. 95, l. 1:
Thiébault; p. 116, l. 7: plutôt «inspecteur du primaire» que «inspecteur primaire»;
p. 121, l. 7: français fondamental; p. 121, l. 11 et l. 20: Quemada; p. 123, l. 16-17:
favorisaient; p. 124, l. 28: Zribi-Hertz.
Pierre SWIGGERS

Sophie PRÉVOST, La postposition du sujet en français aux XVe et


XVIe siècles. Analyse sémantico-pragmatique, CNRS Éditions (Collection
Sciences du Langage, dirigée par Christian Hudelot), 2001, 325 pages.
Le présent ouvrage est issu d’une thèse de doctorat préparée sous la direction de
Christiane Marchello-Nizia, et soutenue en 1997 à l’Université de Paris 7 - Denis
Diderot sous un titre légèrement différent: Les énoncés à sujet post-verbal en fran-
çais aux XVe et XVIe siècles. Analyse sémantico-pragmatique. S’il en réduit le contenu
(l’on passe de 627 pages dans la publication de thèse à 324 pages présentement), il
en orchestre les relevés dans des tableaux synthétiques, en creuse les analyses
statistiques en recourant aux tests du X2, dont sont rappelés les enjeux et les moda-
lités, resserre la matière, augmente et met à jour la bibliographie (plus de onze titres
d’ouvrages parus après 1997, et dix ouvrages de référence ajoutés). Dans ce travail
de récriture, la thèse se trouve à la fois allégée, affinée, affermie et concentrée, ce
qui en rend la lecture plus aisée et plus stimulante.
L’ouvrage est bien construit.
L’introduction en définit les objectifs: contribuer à l’étude de la postposition du
sujet – nominal et pronominal – dans la phrase déclarative indépendante ou princi-

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580 COMPTES RENDUS

pale, en dehors du verbe à l’initiale absolue, à l’étape du moyen français, couvrant


les XVe et XVIe siècles, plus précisément dans la période 1450-1550, en analysant les
motifs de son emploi et de sa régression, au-delà des explications phonétiques et
fonctionnelles, jugées insuffisantes; le corpus de référence est un corpus de textes
littéraires en prose, largement dépouillés sur des échantillons représentatifs grâce,
entre autres, aux ressources électroniques de l’UMR 8503 «Analyses de corpus
linguistiques, usages et traitements», illustrant trois coupes synchroniques: milieu et
fin du XVe siècle, milieu du XVIe siècle.
La première partie définit le cadre théorique de l’étude: l’approche information-
nelle, dont sont passés au crible les concepts opératoires: thème/topique, connu/
nouveau, pour en souligner les approximations et les ambiguïtés, au-delà des points
d’accord. Est retenue, au total, l’approche de K. Lambrecht, mettant en œuvre
l’identifiabilité du référent – processus de saturation référentielle du point de vue du
locuteur – et de son activation – dans l’esprit du destinataire. Cette approche fait
l’objet de mises au point précisant les paramètres qui concourent à l’identification
et à l’activation du référent, et définissant:
– le topique comme un élément a priori actif ou au moins hautement accessible,
«à propos de quoi il est pertinent de dire quelque chose» [64], saisi dans une
relation de topicalité avec d’autres éléments;
– les différents types de structure informative en jeu:
- Topique-Commentaire, prédiquant sur un référent déjà établi, avec possibi-
lité d’enchâssement,
- Identificatrice, mettant en relation un argument et une proposition déjà
évoquée,
- Thétique, en proposition indépendante non liée à un topique ou une propo-
sition établi(e), soit événementielle quand elle introduit un événement, soit
présentative quand elle introduit un référent [69].
Les témoins du corpus, présentant des difficultés propres aux textes anciens,
seront examinés à l’aide de ces outils, augmentés de critères additionnels pour dis-
criminer les types de structure Topique-commentaire des Thétiques, et à l’intérieur
de celles-ci les présentatives/événementielles, et accompagnés d’une réflexion sur la
présupposition de l’assertion et le rôle des adverbiaux tant logico-pragmatiques que
circonstanciels, importants dans la perspective informationnelle.
La deuxième partie est consacrée à l’analyse du corpus, reposant sur Le Roman
du conte d’Artois et le Jehan de Saintré d’Antoine de la Sale pour le milieu du
XVe siècle, le Livre I des Mémoires de Philippe de Commynes et Le roman de Jehan
de Paris pour la fin du XVe siècle, et L’Heptaméron et le Tiers Livre de Rabelais
pour le milieu du XVIe siècle, des textes annexes étant appelés occasionnellement en
renfort.
Appuyé sur une ensemble statistiquement représentatif, un premier aperçu
permet des dégager des tendances fortes dans l’évolution des postpositions prono-
minales et nominales, ces dernières subissant une baisse proportionnellement plus
importante que les premières.
L’analyse se poursuit sur deux étages: celui de l’analyse informationnelle des
énoncés, et, en dépassement, celui de l’analyse sémantico-pragmatique appelée à
rendre pleinement compte des spécificités des énoncés à sujet postverbal.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 581

L’analyse informationnelle des données quantitatives est assortie de quelques


précisions enrichissant et ajustant les paramètres des structures informatives pré-
sentes dans les énoncés du corpus touchant:
– les identificatrices;
– les présentatives: mixtes - indiquant une opération de recentrage et la prédi-
cation sur le sujet [122] - nominatrices - sans prédication subséquente, dans les
séries stéréotypées des cortèges ou des entrées en lice [124] – ou enchâssantes,
présentant un topique cadre et un topique 2, comme dans et de ce furent les
autres esmerveillez;
– le Topique-Commentaire: nominatrices, introduisant un référent inactif mais
pourvu d’un commentaire.
Un tableau [129] résume l’ensemble.
Des paramètres supplémentaires sont pris en compte, comme la hiérarchisation
discontinue ou non des formes verbales composées intervenant dans la discrimina-
tion événementielles/topique-commentaire [134], ou le rôle de cadres topicaux
dévolus aux adverbes.
Les statistiques permettent de conclure à la rareté des structures identificatrices
et à la prévalence des structures Topique-Commentaire, prévisible pour les sujets
nominaux, mais beaucoup moins pour les nominaux, le Saintré apparaissant comme
atypique.
Après ces grandes tendances sont analysés, sur des cas exemplaires:
– les énoncés à sujet postverbal nominal
- sujets non identifiables, globalement rares, les plus largement représentés
dans les structures thétiques [149] présentatives, nominatrices ou événemen-
tielles [149 sqq.], beaucoup moins dans les structures Topique-Commentaire
[153 sqq.],
- sujets identifiables dans les mêmes structures, identificatrices, du type et aussi
fist la royne, thétiques toujours selon les mêmes modes, présentatifs, événe-
mentiels, et Topique-Commentaire enchâssant/non enchâssant [177]/Com-
mentaire-Focus [191], des schémas récurrents du type de ce/de ce N + dire +
nom propre + discours direct/indirect apparaissant dans Saintré dans des
réflexions moralisatrices et exemplaires;
– les énoncés à sujet postverbal pronominal en personnels, impersonnels, indé-
finis et autres [194 sqq.]
- pronominaux apparaissant très majoritairement dans des structures Topique-
Commentaire, simples ou enchâssantes,
- impersonnels dans des structures thétiques et des structures Topique-Com-
mentaire, Commentaire-Focus, où la position du pronom vise à mettre en
valeur l’élément introduit,
- indéfinis (chascun, tout, nul) dans les structures thétiques événementielles,
Topique-Commentaire, enchâssantes ou non,
- les autres pronoms, très peu représentés [234].
Au total se dégage, dans les énoncés en verbe-sujet, la rareté des structures iden-
tificatrices, la nette prévalence des structures Topique-Commentaire, qu’il s’agisse des
sujets nominaux ou pronominaux – à l’exception de Saintré –, qui profite de la

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582 COMPTES RENDUS

régression dans le temps des énoncés à sujet postverbal [236], et de la régression des
formes verbales discontinues dans un processus de linéarisation [238].
Le bilan de l’analyse de la structuration informative des énoncés à sujet post-
verbal, tel qu’il est formulé [241], montre in fine que «si tous sont marqués par rap-
port au principe grammatical en train de s’installer, un bon nombre l’est aussi par
rapport au principe fonctionnel», la postposition du sujet ne pouvant dès lors se
réduire au maintien de ce principe, d’où la nécessité de compléter l’examen des
énoncés à sujet postverbal par la recherche de leur dimension sémantico-pragma-
tique et textuelle, objet du troisième chapitre.
Y sont examinées les implications sur la structuration interne de l’énoncé, tant
informationnel que syntaxique, de la relation discursive et sémantico-pragmatique
avec ce qui le précède. Sont répertoriés en ce sens les éléments initiaux accompa-
gnant ces structures avec les deux types de sujets postverbaux:
– avec les sujets nominaux s’observe dans le temps la raréfaction de si, la varia-
tion de la fréquence de et, et l’apparition d’éléments lourds en tête [249],
– avec les sujets pronominaux s’observe la présence régulière d’éléments expri-
mant une relation logique et/ou des morphèmes à caractère anaphorique.
Deux points communs se dégagent cependant: la présence globalement forte
d’éléments intensifs, et surtout le caractère thématique de bon nombre d’éléments
initiaux, renvoyant plus ou moins explicitement à l’énoncé qui précède, dont la
palette met en œuvre, au-delà de leur diversité, des opérations voisines. Entrent en
jeu, dans ce domaine, des cadres et repères topicaux et temporels, points de départ
au niveau de l’énoncé pour les prédications qui suivent, balises de transition assurant
la cohérence tant narrative qu’énonciative: dans le sillage d’études antérieures déjà
consacrées, comme celles de C. Marchello-Nizia, M. Perret, C. Fuchs, entre autres,
sont analysés en ce sens si, repère topical; ores, au seuil d’une nouvelle situation
d’énonciation qu’il légitime et autorise, encore(s), frontière préalable attendue et
finalement dépassée; ainsi conclusif. Autant d’éléments beaucoup plus rares, voire
absents dans les énoncés à sujets préverbaux, une sorte de distribution complémen-
taire s’établissant ainsi, selon la position du sujet, entre les éléments initiaux [265].
Ces repères topicaux se voient cependant progressivement concurrencés, vers la
fin du XVe siècle par des adverbes spatio-temporels et des subordonnées temporelles
marquant la concomitance, la postériorité et la localisation, éléments plus lourds
s’appuyant sur leur propre énonciation, et qui participent d’une opération analogue:
repères et relais, ils assurent la transition et la continuité vers des éléments en
rupture, qui offrent un large éventail de modalités:
– dans les énoncés à sujet nominal: transitions narratives réactivant, recentrant
le référent à l’aide d’outils anaphoriques; ruptures énonciatives dans le passage
du récit au discours ou inversement, des énoncés précédant ou suivant la prise
de parole; enchaînements inattendus associés le plus souvent au marqueur
énonciatif et, appuyant une surenchère informative, ou à aussi, chez Rabelais
en particulier; ruptures syntaxiques antéposant au verbe un complément essen-
tiel en saillance sémantique, ou des éléments intensifs en tournures passives:
autant de «transitions séquentielles» entre clôture et ouverture;
– dans les énoncés à sujet pronominal: ruptures syntaxiques, ruptures logico-
pragmatiques mettant en suspens la relation prédicative ou opérant un retour-

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DOMAINE GALLO-ROMAN 583

nement argumentatif avec mais ou plus largement dans l’ensemble des énon-
cés adversatifs, où «l’on valide un énoncé malgré un énoncé précédent qui
aurait dû s’opposer à sa validation» [307]: autant de cas où le pronom post-
verbal, analysé sur les traces de G. Kleiber, acquerrait une fonction nouvelle
qui serait de valider une relation problématique.
Au total, «si la position postverbale du sujet, tant nominal que pronominal, s’ins-
crit presque toujours dans un énoncé en continuité – souvent explicite – avec celui
qui précède, elle demeure indissociable d’une forme de rupture, encore accrue dès
lors que la postposition se marque syntaxiquement, et devient, pour tous les sujets,
synonyme d’inversion.» [309]
Telle est la forte conclusion d’une étude qui accuse, au fil des pages, les spécifi-
cités des textes-témoins, et qui mériterait sans doute d’être étendue à un corpus plus
large: tous les énoncés à sujet postverbal traduiraient une continuité à l’égard de ce
qui précède, mais indissociable d’une rupture, souvent synonyme de mise en valeur,
qui s’accroît d’autant plus que l’inversion du sujet se marginalise [312].
Animatrice du GDR 2349 (CNRS) «Diachronie du français», avec B. Combettes
et C. Marchello-Nizia, promoteurs du premier colloque Diachro-1 en janvier 2002 à
l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, sur le thème «Grammaticalisations en
français», dont elle est désormais une spécialiste, engagée dans le traitement et l’ex-
ploitation automatique des corpus de français médiéval, Sophie Prévost offre aux lin-
guistes médiévistes une thèse importante par ses données et ses perspectives, déjà
illustrée par des mises au point dérivées (cf., entre autres, l’examen de «La notion
de thème: flou terminologique et conceptuel», Cahiers de praxématique, 30, 13-35).
Le travail présente toute la rigueur d’une démonstration menée pas à pas, dans
un cadre théorique fortement charpenté et appuyé sur un appareil théorique dûment
explicité(1) offrant dans son parcours un ensemble d’analyses finement ciselées des
exemples collectés (cf., entre autres, l’exemple de Saintré [214-216], celui de Rabe-
lais [282-284], objet d’un examen gigogne, «tant l’interprétation et l’analyse de ce
texte sont sans fin», l’explicitation du processus argumentatif engagé par mais/si
[298-303]).
Ces analyses éclairent aussi, quand elles sont assemblées, l’aspect stylistique des
textes du corpus: des modèles récurrents, des régularités contribuent à les caracté-
riser, comme le type ce dis je dans le Roman du conte d’Artois [201], le type Or voy
je et les séries des cortèges ou des entrées en lice ordonnées et hiérarchisées, codi-
fiées en rituel dans Saintré, qui apparaît à bien des égards comme un texte atypique
par l’ensemble de ses particularités structurelles (faible pourcentage d’inversions, et
dans ce cadre, peu de structures Topique-Commentaire, forte présence des structures
enchâssantes), au regard de Commynes, offrant un pourcentage élevé d’inversion
nominale, et de Rabelais, qui présente nombre de traits marginaux, dont le jeu
fréquent avec les attentes du locuteur/destinataire.

(1) On appréciera la soigneuse distinction opérée entre postposition et inversion,


non-expression et omission du sujet, si souvent confondus dans les grammaires,
les premiers désignant un phénomène neutre et majoritaire, les seconds un
phénomène quantitativement marqué car minoritaire.

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584 COMPTES RENDUS

Plus amplement, le travail est à l’image même des conclusions qu’il offre sur les
énoncés à sujet postverbal, marqués à la fois par la continuité et le renouvellement:
continuité car il se situe dans la lignée des études de typologie sérielle portant
sur l’ordre des mots dans la langue médiévale, et en particulier celles de Bernard
Combettes, et renouvellement car, avec toute une promotion de linguistes alliant
avec bonheur la synchronie et la diachronie, il applique au moyen français au sens
large, le meilleur des approches pragmatiques les plus récentes. À ce titre, il a une
portée heuristique: les types de structures qu’il propose et le paramètre sémantico-
pragmatique peuvent, sous réserve d’aménagements éventuels, s’appliquer à d’autres
textes médiévaux antérieurs, romans et chroniques, pour compléter des études limi-
tées au plan fonctionnel/informationnel, comme celle de Jean Rychner sur L’articu-
lation des phrases narratives dans la Mort Artu, dont la distinction des phrases en
sujet nominal et en sujet pronominal enregistre précisément l’orientation prospective
et rétrospective des composants articulatoires (cf. entre autres, p. 25).
La thèse rejoint aussi un faisceau d’études typologiques qui font du moyen fran-
çais une période charnière dans l’histoire du français, comme la thèse de Gabrielle
Eckert, inspirée de la typologie intégrale d’E. Coseriu (Sprachtypus und Geschichte.
Untersuchungen zum typologischen Wandel des Französischen, Tübingen, Gunter
Narr, 1986) mais elle leur donne un éclairage et une dimension supplémentaires dont
il faudra tenir compte à l’avenir. Dans un cadre typologique large, celui des langues
de type Sujet-Verbe-Objet, les structures mises en évidence peuvent être situées dans
l’ensemble des séquences Verbe-Sujet, qui ont fait l’objet de nombreuses études,
orchestrées en large partie par A. Siewierska (Word Order Rules, Croom Helm,
1988). Il est loisible d’y distinguer les séquences à verbe à initiale absolue et les
séquences à élément initial différent du verbe: dans l’antéposition absolue, l’ordre
Verbe-Sujet est fondamentalement un ordre ouvert sur une (con)séquence attendue,
avec une valeur sémantique qui se retrouve dans toutes ses variétés, mais différente
selon le mode employé – procès posé dans un univers de croyance avec l’indicatif,
procès envisagé comme hypothétique dans un univers possible ou dans un anti-
univers inefficient avec le subjonctif ou éventuellement le futur –: dans l’histoire du
français, la possibilité d’antéposition absolue s’est considérablement restreinte, sur-
tout aux structures présentatives, au regard des autres langues romanes, comme nous
l’avons souligné («L’ordre Verbe-Sujet en ancien français et son évolution vers le
français moderne. Esquisse de comparaison avec les langues romanes», Typologie des
langues, universaux linguistiques, Actes du colloque organisé les 27 et 28 novembre
1998 par l’Université Paris X - Nanterre, l’IUF et l’ENS Fontenay - St-Cloud,
A. Sörés et C. Marchello-Nizia éd., Université Paris X - Nanterre, Numéro Spécial
de Lynx, 167- 202). Dans l’antéposition «relative», l’élément initial apparaît majori-
tairement comme le lien thématique avec ce qui précède, et ce non seulement dans
l’histoire du français, comme le montre notablement cette étude dans une tranche
diachronique limitée, à la charnière d’une transformation typologique profonde, mais
également dans d’autres langues: on constate avec intérêt que le même type de
structure se retrouve en anglais contemporain, dans les exemples rassemblés par
G. M. Green en 1982, illustrant son étude sur l’inversion par des exemples dont les
struments de balisage, superficiellement regroupés selon le registre de langue, pour-
raient tout à fait s’inscrire dans les structures mises en place par Sophie Prévost,
comme pivots de l’argumentation (Semantic and Syntactic irregularity, Bloomington,
Indiana, Indiana University Press). Avec des «topicaux de cadrage» (locative and

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DOMAINE GALLO-ROMAN 585

directional adverb inversions): a. At the stern sat Princess Tiger Lily... b. Down the
road came a bunch of fellows with bigpipes. Avec des adverbes de manière et d’in-
tensité (positive frequency, degree and manner adverbial inversions): a. Often did she
visit the inhabitants of the gloomy village. Avec des struments comparatifs engagés
dans un processus argumentatif d’adversation, de dénégation ou de confirmation
(inversions after pronominal so, neither, nor and pronominal as... Inversions after
preposed comparative constructions with so and such) a. So safe did the boys feel (...)
that... b. Such is the impact of work on some people that... Avec un référent intro-
duit par un démonstratif anaphorique (inversions after abstract prepositional
phrases): In this category belong... L’anglais présentant au total une palette d’inver-
sions plus large que le français, où elles se sont réduites pour se situer essentielle-
ment dans un registre soutenu.
Claude BURIDANT

Meri LARJAVAARA, Présence ou absence de l’objet. Limites du possible


en français contemporain, Academia Scientiarum Fennica, 2000, 299 pages.
[Distributeur : Bookstore Tiedekirja, Kirkkokatu 14, 00170 Helsinki].
Comme son titre l’indique, cette thèse publiée (comme l’est toute thèse présen-
tée à soutenance dans les pays nordiques) est consacrée aux verbes français qui se
construisent avec un objet direct et plus particulièrement aux formes «non conven-
tionnelles» de ce type de constructions qui correspondent aux trois cas suivants:
«présence de l’objet quand, conventionnellement, il n’y en aurait pas» (A la vue de
mes blessures, il éternue des interjections en caractères gothiques, San Antonio), «son
absence quand, par contre, conventionnellement il y en aurait un» (Faut d’abord que
je fignole. T’as le temps d’aller faire un tour, Picsou) et les «cas où le référent de
l’objet est d’une nature différente de ce qui serait conventionnel» (Je l’ai retrouvé à
la cuisine, sa tête de poète maudit plongée dans ses bras repliés, parmi les assiettes
sales, les pelures de pommes et autres reliquats que nous n’avons pas eu le temps de
débarrasser, Pennac). L’objectif de l’étude, rapidement présenté dans un premier cha-
pitre introductif, est de déterminer «les procédés productifs en français contemporain
qui permettent que le verbe apparaisse avec un schéma actanciel différent du schéma
conventionnel» [10].
À partir du principe que «ce qui arrive jusqu’au dictionnaire reflète l’usage et
est, de ce fait ‘conventionnel’» [13], le Petit Robert (1986) a été choisi comme
ouvrage de référence pour décider de la conventionnalité des constructions attestées
et, en complément avec d’autres dictionnaires, de leur degré de conventionnalité.
Ont donc été décrétés non conventionnels tous les emplois qui ne sont enregistrés
dans aucun de ces dictionnaires. L’objet et les objectifs spécifiques de l’étude sont
précisés dans le chapitre suivant, intitulé Objet, qui procède à une délimitation de
la catégorie grammaticale du même nom dans un cadre à la fois communicatif (l’ob-
jet est une expression référentielle) et valenciel (l’objet occupe la position du second
argument verbal construit directement). D’un point de vue interprétatif, la diversité
des rôles sémantiques spécifiques que le sens lexical des verbes (mieux, de leurs
emplois) assigne à cette fonction est ramenée à des instanciations plus ou moins

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586 COMPTES RENDUS

typiques du protorôle de «patient» que Dowty (1991) définit par une conjonction de
cinq propriétés interprétatives. Ce qui permet de réduire parallèlement la transiti-
vité à une simple configuration architecturale (une structure d’accueil pour des
couples sujet / objet aux relations variées mais vérifiant tous respectivement les pro-
torôles d’agent et de patient) et de minimiser voire de nier la spécificité des verbes
créateurs ou modifieurs d’objet [39-42] ou encore de ce qu’il est convenu d’appeler
les constructions à «objet interne» [42-43]. La justification de ce nivellement gram-
matical, qui repose sur une réduction de la syntaxe à du marquage morphologique,
a de quoi surprendre.
L’argument, déjà défendu dans Larjavaara (1997)(1), est que «ce qu’on appelle les
objets internes ne [sont] morphologiquement marqués ni en français ni en finnois»
[79] et il résume bien la conception étriquée et réductrice de la syntaxe qu’elle
affiche ici et ailleurs, mais – heureusement et comme on va le voir – qu’elle n’ap-
plique pas dans sa pratique analytique. Elle part du fait qu’en manam le verbe suivi
d’un objet (effectué, en l’occurrence) porte une marque flexionnelle de transitivité
et présente la double marque d’une conjugaison à la fois subjective et objective,
alors qu’en français un verbe suivi de ce que l’on appelle un objet interne ne porte
aucune de ces trois marques. Ce qui revient pratiquement à assimiler la syntaxe à un
pur marquage morphologique et faire table rase des phénomènes de sous-catégori-
sation qui conditionnent l’architecture des phrases et plus généralement des pro-
priétés de construction différentielles liées aux catégories syntaxiques (pronominali-
sation, passivation, etc.). Ainsi tout en admettant que les objets internes ne sont pas
de «vrais objets» – ce qui est tout à fait juste – elle se propose de «mettre en cause
le droit d’existence de la catégorie en tant que telle dans ces deux langues [français
et finnois]» [79-80], alors que les objets internes présentent des propriétés très dif-
férentes des objets dits argumentaux. On se contentera d’en citer ici deux. D’abord
le verbe des objets internes peut plus ou moins facilement être remplacé par un
verbe support plus général (ce qui n’est pas étonnant si l’on admet que l’objet
interne est prédicatif et qu’alors le verbe a la fonction d’un verbe support, simple-
ment plus approprié puisqu’il répète le prédicat nominal), ce qui n’est jamais le cas
d’un objet argumental: Je veux vivre ma vie → Je veux faire / mener ma vie ou Il
va son chemin → Il fait son chemin ou encore Il souffre de terribles souffrances →
Il subit de terrible souffrances. Les objets internes ont également un comportement
spécial par rapport à l’interrogation partielle, qui ne peut pas porter sur l’ensemble
du SN objet, mais seulement sur son modifieur. Ainsi Il a pleuré des larmes de sang
ne répond pas à la question Qu’a-t-il pleuré? car on ne peut pleurer que des larmes,
mais à Quelle sorte de larmes a-t-il pleurées? de même que Il veut vivre sa vie répond
à Quelle (sorte de) vie veut-il vivre? / Qu’est-ce qu’il veut vivre comme vie? et non
pas à Que veut-il vivre? où d’ailleurs le verbe vivre aurait le sens de «connaître /
expérimenter» (cf. J’ai vécu une histoire d’amour / une tragédie). Détail piquant,
M. L. réfute comme critère distinctif «le fait que les objets internes ne soient pas
pronominalisables» par un simple renvoi à Choi-Jonin (1995) où le lecteur est invité
à trouver des contre-exemples. Vérification faite, il s’avère que cet auteur affirme

(1) L’article a paru dans le numéro 35 de Travaux linguistiques, qui regroupe une
douzaine de communications du colloque international de Gand (23-24 mai
1997) consacrées à l’objet dans la langue française.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 587

pratiquement le contraire, à savoir que «si bien des objets internes ne peuvent pas
être pronominalisés, il existe des exceptions» et que de surcroît l’acceptabilité de ces
pronominalisations exceptionnelles est soumise à de fortes contraintes!
Dans ce même article, M. L. défendait également l’idée, reprise succinctement
ici, que la «relation sémantique entre le verbe et l’objet est une affaire extralinguis-
tique» [82] et sans répercussion syntaxique, et s’en remet à la toute-puissance du
contexte pour décider de l’interprétation sémantique de la relation verbe – objet:
«C’est d’ailleurs toujours, en dernier lieu, le contexte qui permet à l’allocutaire de
savoir comment interpréter l’énoncé» [80]. C’est vraiment faire bon marché de la
connaissance que tout locuteur a du sens conventionnel, intersubjectivement stable
des verbes, c’est-à-dire des types de procès qu’ils désignent et des rôles sémantiques
qu’ils distribuent sur leurs actants respectivement sujets et objets. On objectera à
M. L. l’existence de cinq catégories de verbes transitifs directs très typées dont les
constructions se distinguent par des caractéristiques syntaxiques fines liées aux types
de procès qu’ils dénotent:
– procès qui créent ou annihilent leur objet (dont le référent ou bien ne
préexiste pas à l’effection du procès ou bien ne lui survit pas): construire /
creuser / écrire (un livre) vs raser / combler (un trou) / dissoudre
– procès qui affectent leur objet (changement d’économie ou de disposition
interne): démolir, repeindre, laver, repasser, etc.
– procès dénotant un sentiment où le complément d’objet dénote une entité qui
est à la fois son objet (le point d’application intentionnel) mais aussi la cause
qui le produit et l’entretient: aimer, haïr, envier, admirer, etc.
– procès de nature perceptive où c’est plutôt le sujet percevant qui est affecté
par l’intermédiaire de ses sens: percevoir, voir, entendre, sentir, etc.
– procès (mais est-ce encore un procès?) de repérage spatial du référent du sujet
par rapport à celui de l’objet (longer, surplomber, traverser, précéder, etc.).
La phrase La route longe la rivière, ne répond ni à Que fait la route? ni à Qu’ar-
rive-t-il à la rivière? ni même à Que se passe-t-il?, toutes choses possibles pour les
verbes des trois premiers groupes. Et le verbe de ce type de phrase, contrairement
à ceux des deux premiers groupes, est incompatible avec la locution aspectuelle être
en train de: *La route est en train de longer la rivière. On pourrait multiplier les
exemples qui incitent à sous-catégoriser la classe générique des compléments d’objet.
Et M. L. reconnaît d’ailleurs à la fin de son ouvrage [214] que «si l’inaccusativité
se révèle par des tests syntaxiques, elle doit être sémantique [...]. L’inaccusativité
sémantique se reflète ensuite dans la syntaxe.» Ce qui revient à prendre acte du
fait que la syntaxe, ses catégories et ses sous-catégories sont conditionnées par la
sémantique!
Le troisième chapitre (Emploi sans objet), de loin le plus important (97 pages)
traite des emplois traditionnellement dits absolus ou intransitifs des verbes qui ont
conventionnellement un objet. Après un bref survol de l’abondante littérature consa-
crée au sujet (M. Noailly n’y a pas consacré moins de cinq articles, auxquels
M. L. apporte des prolongements substantiels), M. L. range ces emplois dans deux
types selon que l’objet absent est latent ou générique. Bien qu’il n’ait pas de réali-
sation syntaxique, l’objet «latent» (le terme est emprunté à Fonagy), p. ex. Alors
comment avez-vous trouvé? pour Alors comment avez-vous trouvé le spectacle? est

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588 COMPTES RENDUS

toujours présent, et donc identifiable, dans l’univers de discours de la phrase énon-


cée. Une analyse fine des procédures d’identification/récupération du référent cor-
respondant à cette place fonctionnelle non instanciée dégage les principaux critères
de saillance: référent fortement suggéré par le cadre actanciel du verbe, jouant le
rôle de topique de l’énoncé, objet stéréotypique du verbe (les gens qui boivent, Tu
devrais aller consulter), objet d’une collocation verbale abrégée (allonger pour allon-
ger le pas), etc. Sont ensuite examinés plusieurs facteurs déterminant l’aptitude pour
un verbe donné à avoir un objet latent: nature de l’objet (propositionnel, humain),
verbe à plus d’un schéma valenciel, nécessité d’éviter l’ambiguïté et cooccurrence des
formes clitiques de l’objet avec celles du pronom datif lui, leur (d’où haplologie). Il
apparaît finalement que l’association au vide formel d’une contrepartie interprétative
opérée par les objets latents se justifie essentiellement par des principes fonctionnels,
dont celui que plus un référent est accessible, plus facilement il est restituable et
moins il a besoin d’être marqué.
Pour M. L., un verbe conventionnellement transitif direct comme acheter appa-
raît en emploi «générique» dans le slogan publicitaire Avec la carte Cofinoga, on
commence par acheter, on finit par s’envoler. Obtenez des billets d’avion en cumulant
les Points Ciel lors de vos achats avec la carte Cofinoga ou dans As-tu déjà mangé?
qualifié d’exemple type [142]. Le terme générique a été retenu comme une variante
du terme plus traditionnel absolu parce qu’il caractériserait mieux le référent de
l’objet absent, au motif qu’«à l’emploi générique, ce référent est générique» [103,
note 68]. L’ennui, c’est que dans la majorité des cas, le référent de l’objet non
exprimé n’est absolument pas générique, si l’on entend par ce terme qu’il renvoie à
la classe entière des référents désignés par une expression nominale, comme par
exemple les chat(s) dans Les chats sont agiles ou Il n’aime pas les chats. Or la thèse
plusieurs fois répétée de M. L. est qu’en emploi dit générique l’absence d’objet s’in-
terprète «comme renvoyant à n’importe lequel parmi tous les objets possibles du
verbe (c’est-à-dire, parmi tous les référents dont le contenu sémantique du verbe
permettrait la représentation linguistique comme objet)» [106] ou encore que «le
référent de ce qui pourrait être l’objet [de As-tu déjà mangé?] est générique» [142].
On vérifiera sur les exemples précédents qu’en réalité le référent de l’objet absent
reste fondamentalement sous-déterminé, pour la simple raison que le locuteur entend
référer à la seule occurrence du procès, abstraction faite du référent de son objet
(qui peut être spécifique dans J’ai déjà mangé ou virtuel dans Il ne voit pas (= Il est
aveugle) ou A trois ans, il lisait déjà (= il savait lire) ou encore Il fume (= C’est un
fumeur). Cette désactivation de l’argument final du schème valenciel, d’ailleurs
reconnue par M. L. («[...] l’attention se concentre sur le procès désigné par le verbe.
L’accent est mis sur le procès seul» [117] est favorisée par différents facteurs qu’elle
passe en revue et dont elle caractérise bien l’impact interprétatif: négation du procès
verbal, énoncés génériques et/ou habituels, trait humain du référent implicite, indé-
termination du référent du sujet (Ça canardait dans tout l’étage), emploi séquentiel
de verbes nus et forme infinitive du verbe. Le chapitre se termine par un examen
critique de l’analyse des objets latents et génériques dans l’article de Lambrecht et
Lemoine (1996) consacré aux «compléments zéro en français parlé». Il en ressort que
si ces auteurs ont bien mis en évidence les différents facteurs favorisant l’emploi
d’un objet zéro, ils ont surestimé le poids des traits lexicaux du verbe au détriment
des facteurs contextuels au sens large du terme, ce qui explique à la fois que l’éten-
due du domaine d’emploi de l’objet latent soit plus vaste que ne le prévoit leur

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DOMAINE GALLO-ROMAN 589

modèle d’analyse et qu’il soit parfois difficile d’opérer la distinction entre objet
latent et générique. Avec les réserves sur l’usage équivoque du terme et de la notion
de «généricité», ces pages constituent une remarquable monographie sur l’objet
absent, à la fois synthèse complète des travaux précédents bien revisités et mise en
perspective stimulante des paramètres phrastiques et discursifs qui gouvernent et
expliquent cette absence.
Le chapitre suivant (IV Emploi avec objet) traite des cas, inverses de ceux du
précédent, «où il y a un objet bien que, conventionnellement, le verbe n’ait pas d’ob-
jet, et cela sans que la relation entre sujet et verbe soit affectée». Le problème posé
par les couples d’énoncés comme [...] il haleta un résumé des faits (Échenoz)/Il haleta
est de déterminer le type de relation sémantique qui s’instaure entre le verbe et son
objet non conventionnel. La thèse de M. L. est que cette sorte d’objets grammati-
caux(2) s’interprètent comme le résultat du procès verbal, donc comme ce qu’il est
convenu d’appeler des objets effectués. Dans Elle grimaça un rictus résigné (Dantec),
par exemple, le rictus serait le produit de l’action de grimacer. Elle n’écarte cepen-
dant pas la possibilité, pour certains objets, de considérer le verbe comme un verbe
support plus expressif [147], une solution qui pourrait sans doute être étendue à un
plus grand nombre de constructions de ce type. Chemin faisant, M. L. envisage les
cas où l’objet non conventionnel est un segment au discours direct et, plus intéres-
sant, un énoncé au discours indirect. Ce qui nous vaut des analyses tout à fait
instructives sur le degré d’intégration syntaxique du discours direct et une typologie
fonctionnelle des verbes introducteurs dits rapportants. Sont également examinés,
sous l’étiquette de relation dénudée, les alternances entre construction directe et indi-
recte de l’objet (accoucher (de) quelque chose) et les rares verbes qui, comme
vendre, acheter et payer, peuvent se construire avec un double objet; et enfin les
constructions où l’objet d’un verbe n’est pas celui qu’on attendait, donc est non
conventionnel, à la suite de différents types de décalages actanciels tous bien carac-
térisés et justifiés. Le chapitre se clôt par une réflexion générale sur la «sémantique
de la construction transitive», en écho à un développement antérieur sur le «statut
des objets effectués» [151-4], et situe les écarts de construction par rapport à un
schéma décrété prototypique qui manifeste ainsi la plasticité et l’adaptabilité de la
transitivité aux besoins de l’expression.
Le dernier chapitre est consacré aux Verbes labiles, un titre et un terme évocateurs
pour désigner une construction beaucoup étudiée en français et sous diverses appel-
lations (verbes symétriques, neutres, à renversement, réversibles). Il s’agit des verbes
comme casser et culpabiliser, qui se construisent avec et sans objet, mais où le réfé-
rent de l’objet de la construction transitive correspond au sujet de la construction
intransitive et où le verbe de la première construction s’interprète comme la version
causative de celui de la seconde: Marie culpabilise / Jean culpabilise Marie. M. L.
montre qu’en français contemporain le passage de l’une des constructions à l’autre
est hautement productif (cf. Je t’explose la tête en langage des banlieues) et qu’il
convient donc de parler d’emplois labiles plutôt que de verbes labiles. Elle examine
ensuite la concurrence entre la construction objectale (Il cuit le poulet) et la
construction causative analytique avec faire (Il fait cuire le poulet): causation directe
ou indirecte, agentivité ou passivité du référent de l’objet semblent être les facteurs

(2) Que l’on pourrait appeler «adventices» pour les opposer aux objets dits «latents».

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590 COMPTES RENDUS

déterminants, quoique non exclusifs. Et pour terminer, et de façon symétrique, sont


étudiés les cas d’emploi labile sans objet (Pierre culpabilise) de verbes qui en ont
conventionnellement un, en contraste avec les constructions pronominales concur-
rentes (Pierre se culpabilise), où les choses sont certes moins claires et les paramètres
plus diversifiés, mais où l’emploi labile semble véhiculer une sémantique moins tran-
sitive que la construction pronominale.
En définitive, cet ouvrage atteint largement l’objectif qu’il s’était fixé: décrire et
expliquer jusqu’où, en matière d’emploi ou d’absence non conventionnel(le) de l’ob-
jet, le locuteur peut aller trop loin. Au risque de prendre parfois pour argent comp-
tant des énoncés qui sont manifestement mal formés et seraient, même en contexte,
jugés déviants par des locuteurs ordinaires, comme *J’ai divorcé Pierre, même si cet
exemple a été suggéré par Irène Tamba, ou encore *J’ai embauché il y a quatre ans
au sens non actif, même attesté dans un texte littéraire où le locuteur pourrait bien
avoir oublié l’auxiliaire être du passif après celui du passé. Les analyses et l’argu-
mentation de M. L. sur ces aspects encore peu connus de la complémentation verbale
sont assez solides pour se passer de tels renforts.
Safa CHEBIL

Michaela KRELL, L’imparfait qui commente. Analyse d’un corpus jour-


nalistique, Vienne, Praesens (Salzburger Beiträge zur Sprach- und Kultur-
wissenschaft, 1), 2001, 308 pages.
L’«éternel imparfait» de Flaubert n’a pas usurpé non plus son titre parmi les
grammairiens. Issu d’une thèse de doctorat, le livre de Michaela Krell (désormais
M. K.) vient grossir une bibliographie très fournie, où les linguistes de langue alle-
mande sont traditionnellement nombreux. S’il fallait classer les auteurs, on y distin-
guerait au moins trois familles: (1) les taxinomistes, attachés à décrire ce que Gus-
tave Guillaume appelait les «effets de sens» ou les «signifiés d’effet», et toujours
prompts à en allonger la liste; (2) les polysémistes, cherchant à dériver d’un emploi
basique l’éventail des autres utilisations discursives; (3) les monosémistes, qui voient
l’imparfait pareil à lui-même à travers la multiplicité des réalisations autorisées par
le cotexte (l’entourage lexical) et/ou le contexte (la situation ambiante).
M. K. appartient sans conteste au groupe 1. Dès l’lntroduclion, elle revendique
la découverte d’un «type d’imparfait non encore décrit dans les grammaires ni exa-
miné par la recherche linguistique: l’imparfait de commentaire» [1] et renchérit en
Conclusion générale: «Nous espérons donc introduire dans la recherche un emploi de
l’imparfait qui s’est révélé être suffisamment fréquent dans les journaux pour méri-
ter d’être ajouté aux emplois communément énumérés dans les grammaires» [269].
Honnêtement, on ne saurait lui donner tort. Elle apporte d’ailleurs une nouvelle
preuve de son acribie en retenant à la seule enseigne des «valeurs temporelles de
l’imparfait», outre les classiques imparfaits «descriptifs», «d’habitude», «de cause» ou
«de rupture», les beaucoup moins courants imparfaits «de détail», «de contraste»,
d’«illustration», «de contenu», de «style indirect», «de style indirect libre» et «d’accé-
lération».

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DOMAINE GALLO-ROMAN 591

En quoi consiste alors l’imparfait «de commentaire»? M. K. établit son corpus de


588 occurrences à partir d’une série de numéros du Monde (accessibles sur
CD-Rom) s’échelonnant du 1er avril 1995 au 31 mars 1997, mais le premier exemple
cité devrait suffire. Je retranscris l’essentiel d’un entrefilet paru en date du 6 sep-
tembre 1997:
LES ÉCOLOGISTES RELANCENT L’OFFENSIVE CONTRE LES
PLANTES TRANSGÉNIQUES (...). En autorisant, en décembre 1996,
la commercialisation du maïs transgénique de Novartis, la Commission
européenne ouvrait une longue période de réflexion ou plutôt de
cafouillage.
L’extrait illustre le «scénario» majoritaire du gérondif introducteur («en autori-
sant... ouvrait»). Six déclencheurs jouent un rôle analogue: 1° participe présent,
2° anaphore adverbiale ainsi, 3° anaphore adverbiale donc, 4° préposition avec,
5° préposition par, 6° anaphore résomptive.
Le meilleur de l’ouvrage est consacré à l’interprétation fine des imparfaits
(«incontestablement le temps le plus chatoyant et le plus difficile à cerner qui soit»
[4], «le temps le plus chatoyant qui soit» [18], bref à des espèces de paraphrases
sémantico-stylistiques ou d’analyses textuelles. Le moins bon réside dans le plan
d’étude, plutôt chaotique: l’«élargissement du scénario de base» en 2.1.1 précède la
«présentation du scénario de base» en 3.1; le «procédé de recherche avec Le Monde
sur CD-Rom» en 2.1.2 anticipe le chapitre 3 intitulé «Définition du scénario de com-
mentaire: les critères de recherche dans Le Monde»; la littérature théorique autour
de l’imparfait en particulier et du verbe en général – un panorama assez complet,
quoique rapide et parfois allusif jusqu’à l’injustice – est évoquée à la lumière de la
réflexion sur l’aspect et la modalité d’action alors que la critique aurait gagné à
tester les possibilités des théories ou à démontrer leurs éventuelles carences par
confrontation directe avec l’emploi litigieux de l’imparfait; le chapitre 6 intègre le
«scénario de commentaire» au «système temporel de Harald Weinrich», dont, à ce
stade, rien n’avait fait prévoir le traitement privilégié, etc.
À mon avis, c’est pourtant le flou des définitions et des critères qui risque le plus
de déranger les sémanticiens du verbe. Déjà, l’imparfait un peu hâtivement baptisé
«de commentaire» se démarque mal de l’imparfait «d’illustration»: «le type d’énoncé
que les grammaires, à condition que ce genre d’exemples leur soit connu, classent
simplement sous la rubrique de «commentaire» [38] – et le développement ultérieur
relatif à l’expression ou non «d’un lien logique d’ordre inductif entre le fait à
commenter et le commentaire» rend perplexe et se heurte au Besprochene Welt de
Weinrich («...le plan du ‘Besprechen’ [...], traduit inconvenablement en français par
‘commentaire’...» [45]). On en dirait autant de la «transitionnalité forte ou faible»,
de la «force énonciative» ou de la «faiblesse énonciative», de la «périphérie infor-
mative», du «commentaire engagé» et du « commentaire narratif», du «premier plan»
et de l’«arrière-plan»... Que pourrait tirer un non-francophone de semblables indica-
tions en vue du maniement correct des temps du passé en français?
Il reste que M. K. propose bel et bien un nouvel avatar d’imparfait à la sagacité
des spécialistes. Voici ce que j’avancerais personnellement. Les sept «scénarios»
fixent aux procès un terminus a quo et laissent ouvert le terminus ad quem. Relisons
l’exemple mentionné plus haut. Borne de gauche: décembre 1996 (la Commission

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592 COMPTES RENDUS

européenne autorise la commercialisation du maïs transgénique). Ouverture à droite:


une «longue période de réflexion ou plutôt de cafouillage» (la relance de l’offensive
écologiste, non terminée à la parution de l’article). Imparfait «d’aperture» convien-
drait décidément mieux qu’imparfait «de commentaire». Le passé composé envisa-
geable («En autorisant la commercialisation du maïs transgénique, la Commission
européenne a ouvert une longue période de réflexion...») bornerait provisoirement le
procès au moment de l’énonciation et surtout l’envisagerait rétrospectivement au lieu
que l’imparfait le considère prospectivement. Le passé simple, lui (qui n’est pas, ou
pas encore, n’en déplaise à M. K., synonyme du passé composé), ferait coïncider le
procès ouvrit et le gérondif en autorisant (accentuant en quelque sorte la ligne de
départ au détriment de la course). En fin de compte, les démarches empirique,
inductive et hypothético-déductive se révèlent pour ce qu’elles sont: complémen-
taires, donc mutuellement indispensables.
Anne-Rosine DELBART

Christina LINDQVIST, Corpus transcrit de quelques journaux télévisés


français, Uppsala, Uppsala Universiteit, 2001, 289 pages.
L’ouvrage de notre collègue suédoise constitue un outil très précieux pour les
«chercheurs et étudiants qui s’intéressent au français parlé» auxquels il est destiné
(Avant-propos, p. 5). Il se présente comme la transcription d’un corpus d’extraits de
vingt journaux télévisés de chaînes françaises (TF1, France 2, France 3 et TV 5)
s’échelonnant entre février et septembre 1993, accompagné d’un cédérom contenant
les enregistrements sur fichier MP3 du corpus transcrit. Base d’une recherche de
l’auteur sur la langue des journalistes de télévision, ce corpus qui nous a semblé
assez représentatif par la diversité des chaînes représentées, des présentateurs et de
leurs invités, n’est cependant transcrit que partiellement puisque ne sont reproduites
que les interventions du présentateur du journal télévisé et de ses invités (le lec-
teur/auditeur ayant toujours la possibilité d’écouter sur les fichiers MP3 les repor-
tages qui illustrent le journal). Dans la première partie (pp. 5-19), l’auteure présente
avec clarté et de façon détaillée les principes de transcription qu’elle a adoptés en
s’inspirant très largement des méthodes élaborées par le Groupe Aixois de
Recherches en Syntaxe (GARS). Le choix de cette méthode permet de conserver au
texte sa lisibilité même si l’adoption de transcriptions respectant globalement l’ortho-
graphe traditionnelle fausse un peu la lecture et l’interprétation: l’adoption de trans-
criptions telles que v’ (pour vous), mèt’ (pour mètre), etc., afin d’indiquer certaines
élisions ou troncations, ne nous a pas paru heureuse car, faute d’être systématisée,
elle semble artificielle et arbitraire. Plus judicieux nous ont semblé les aménagements
et les enrichissements des principes de transcription de l’équipe aixoise dans le
domaine de la notation prosodique, généralement le parent pauvre de ces types de
transcription: la chercheuse s’est efforcée d’indiquer les changements d’intonation ou
d’accentuation (marque des accents d’insistance ou didactiques, coups de glotte). Sur
le plan phonétique également, la transcription indique systématiquement la présence
de [e] instable, y compris quand il possède une valeur épenthétique, les liaisons
(dont le caractère «obligatoire», «facultatif mais réalisé» ou «facultatif mais virtuel»
est systématiquement indiqué par des notations abrégées souscrites). Elle mentionne

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DOMAINE GALLO-ROMAN 593

aussi les assimilations de sonorité (du type une tasse de thé → [yntazdete]. Ces
informations prosodiques et phonétiques sont bienvenues et contribuent à enrichir la
transcription. On regrettera d’autant plus les maladresses, voire les erreurs d’écoute
et d’interprétation qui émaillent les transcriptions: la graphie des noms propres
(même quand il s’agit de personnalités ou de marques bien connues, au moins du
public français) est souvent estropiée, voire même remplacée par des points d’inter-
rogation. Une recherche documentaire, même sommaire, dans la presse écrite des
années 1990 aurait permis de graphier correctement le nom du président bosniaque,
du ministre algérien de la Défense ou du fournisseur d’électroménager Darty. Moins
vénielles sont les fréquentes erreurs d’interprétation qui faussent la transcription:
omission de certains mots (chef de l’État devenu chef d’état, p. 31, Georges Marchais
à quelques semaines transformé en Georges Marchais quelques semaines, p. 34), rem-
placement d’un mot par un autre: blanchisserie transcrit blancherie, p. 26, un autre
mot devenu l’autre mot, p. 30, entrent dans le capital transformé en entrent par le
capital, p. 30, serve à interprété comme sert à, p. 31, renforçons devenu renforcerons,
p. 37, chômeur en fin de droits transcrit chômeur enfin de droit, p. 42), erreurs por-
tant sur des syntagmes entiers (exploits en direct devenu explorants directs, p. 28, les
agriculteurs mécontents entendent être présents transformé en les agriculteurs mécon-
tents en tant d’être présents, p. 24, se portent acquéreurs transcrit se portent à cœur,
p. 30), mots non transcrits (les trois nationalisées ou du moins leurs filiales transformé
en les (?-?) nationaliser au moins leurs filiales, p. 31, ce qui est devenu ce qui, p. 36,
allez y donc sur les pouvoirs du parlement transcrit allez y donc pour (?) le parle-
ment, p. 37), erreurs sur l’identité même de l’émetteur (les paroles prononcées par
Alain Lancelot: il y a d’autres problèmes n’est-ce pas c’est que nous nous sommes mis
d’accord sur des choses plus importantes décomposées en deux répliques, l’une de
Paul Amar: il y a d’autres problèmes n’est-ce pas, l’autre de Alain Lancelot si nous
nous sommes mis d’accord ce sont des choses plus importantes aussi, p. 37). Nous
avons concentré nos relevés d’erreur sur le deuxième corpus transcrit pour montrer
l’abondance des écarts d’interprétation. Nous avons noté aussi un certain nombre
d’erreurs dans la transcription des adverbes de négation ne dont l’auteure relève sys-
tématiquement en marge la présence ou l’absence. La multi-écoute impliquant plu-
sieurs locuteurs de français langue maternelle (que nous avons fait pratiquer lors de
ce compte rendu) aurait permis d’améliorer la transcription et de la rendre plus
fiable. Telle quelle, la transcription de Christina Lindqvist, à condition d’être traitée
avec prudence et d’être confrontée avec l’enregistrement original figurant sur le
cédérom, reste fort utile pour le syntacticien souhaitant bénéficier d’un témoignage
authentique sur un français oral produit par des lettrés en situation formelle.

Ambroise QUEFFÉLEC

Lionel MENEY, Dictionnaire Québécois Français, Montréal, Guérin, 1999,


XXXIV + 1884 pages.
La lexicographie québécoise nous a donné ces dernières années d’excellents
dictionnaires, au premier rang desquels il faut citer le remarquable Dictionnaire
historique du français québécois de l’équipe du TLFQ, dirigée par C. Poirier (v. ici

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594 COMPTES RENDUS

RLiR 64, 235). Le présent ouvrage ne peut naturellement pas être placé sur le même
plan et son sous-titre provocateur «pour mieux se comprendre entre francophones»
n’est pas de nature à apaiser les passions. Évidemment, au plan de la méthode lexi-
cographique l’ouvrage ne correspond pas à ce qu’on est en droit d’attendre. Mais il
serait inéquitable de ne pas signaler l’abondance des matériaux ici réunis et orga-
nisés dans une perspective uniquement différentielle; il n’y en a pas actuellement
d’équivalent, au moins à ma connaissance. L’auteur a réuni une abondante collection
d’exemples contemporains puisés dans la presse et la littérature. Le danger de ce
genre d’ouvrage est de mettre sur le même plan des choses très diverses et de
donner ainsi une image confuse du français québécois, susceptible de scandaliser ses
locuteurs. L’attitude scientifique consistera à utiliser cet ouvrage comme un recueil
de faits lexicaux, réunis par un Français, ayant longtemps vécu au Québec et qui
donne du français québécois une image extérieure et dérangeante, mais dont il serait
dommage de se priver.
Gilles ROQUES

Changements politiques et statut des langues. Histoire et épistémologie 1780-


1945, Marie-Christine KOK ESCALLE / Francine MELKA (éd.), (Faux
Titre, 206), Amsterdam/Atlanta, Éditions Rodopi, 2001, 374 pages.
La SIHFLES (Société internationale pour l’histoire du français langue étrangère ou
seconde) est une société qui regroupe des centaines de membres s’intéressant à l’his-
toire de l’enseignement du français, dans le cadre de l’histoire générale de la didactique
des langues et de la contextualisation sociale de l’apprentissage des langues. La société
publie une revue (Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde) et
organise annuellement des colloques internationaux; les actes de la plupart de ces col-
loques ont été publiés comme numéros thématiques des Documents (1). Le colloque qui
a été organisé par la SIHFLES à Utrecht en décembre 1999, et dont l’organisation a
été confiée à deux romanistes de l’Université d’Utrecht, Marie-Christine Kok Escalle et
Francine Melka, avait pour thème un sujet d’actualité brûlante dans l’histoire externe
des langues et dans l’historiographie de la didactique des langues: le lien entre chan-
gements politiques et pratiques sociales, culturelles et éducatives, ainsi que le rôle et la
fonction des langues comme instruments politiques. Sujet fascinant, dont la richesse et
la complexité transparaissent à travers les nombreuses contributions contenues dans ce
recueil, soigneusement édité par les deux organisatrices du colloque(2).

(1) Voir par ex. les numéros 5 et 6 (actes du Colloque d’Aix-la-Chapelle, 1989),
8 (actes du Colloque de Parme, 1990), 10 (actes du colloque de Genève, 1991),
12 (actes du colloque de Bologne, 1993), 14 (actes du colloque de Potsdam,
1993), 15 (actes du colloque d’Édimbourg, 1994), 17 (actes des journées de
Saint-Cloud, 1992), 18 (actes du colloque de Tarragone, 1995), 19 (actes du col-
loque de Linköping, 1996), 20 (actes du colloque de Grenoble, 1996).
(2) L’exécution matérielle de l’ouvrage est presque impeccable. À part quelques
traces mineures d’uniformisation non complète (par ex. présence ou absence de
point derrière les références bibliographiques; emploi ou non-emploi de petites

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DOMAINE GALLO-ROMAN 595

On appréciera surtout la «couverture» géographique et chronologique: on trouve,


sur une plage chronologique qui va du XVIIIe siècle à nos jours, des contributions sur
le français en Suède (en concurrence avec l’allemand et l’anglais)(3), sur le rayonne-
ment du français dans le royaume de Naples(4), sur l’emploi de la langue française à
Malte (à la fin du XVIIIe siècle)(5), et encore sur la diffusion du français en Europe
de l’Est(6) et dans le Bassin méditerranéen(7). À cela s’ajoute une grande diversité d’ap-
proches méthodologiques: à côté de contributions plutôt prosopographiques (par ex.
sur Isabelle de Charrière(8), sur F. Araujo Gómez(9), ou sur Jean Marx(10)), il y a des
articles qui prennent pour objet les manuels d’enseignement(11), et parfois même spé-
cifiquement les grammaires d’apprentissage, alors que d’autres contributions sont
consacrées au contexte idéologique et institutionnel(12), dans ses rapports étroits avec
la planification et la politique linguistiques(13), d’autres encore s’inscrivent d’emblée

capitales pour les noms d’auteur dans les notes infrapaginales), je n’ai relevé
qu’une poignée d’erreurs: p. 10, l. 2 francophones; p. 11, l. 13: postnapoléo-
nienne; p. 14, l. 14: Pays-Bas; p. 36, n. 1: Catálogo; p. 46, n. 14: Lettre; p. 130,
l. 26: différends; p. 132, l. 4-5: André-Georges Haudricourt; p. 132, l. 26: Wal-
ther von Wartburg; p. 135 et p. 139, p. 140, p. 142: Ljubljana; p. 139, l. 5:
Chlumský; p. 141, l. 34: Adolphe Terracher; p. 189, l. 12: fantasme; p. 189, l. 18:
fantasmatiques; p. 266, l. 12: Viëtor; p. 266, l. 14-15: Revue des patois, plus tard
Revue de philologie française et provençale; p. 266, l. 17: Kritischer Jahresbericht
über...; p. 280, bibliographie, lire: Bergounioux; p. 280 sub Brachet, lire: Hert-
zel; p. 280 sub Bréal, lire: étudiants; p. 282 sub Huot, lire: (éd. 1991); p. 282 sub
Sanz Díaz, lire: Servicio.
(3) «L’essor et le déclin du français, de l’allemand et de l’anglais en Suède 1807-
1946» [145-160].
(4) «Le rayonnement du français dans le Royaume de Naples de 1799 à 1860»
[75-86].
(5) «La langue française à l’époque des Chevaliers et pendant la domination napo-
léonienne: les années 1780-1800» [53-73].
(6) «Diffusion du français en Europe de l’Est: 1920-1939» [129-143].
(7) «La création de l’Alliance Israélite Universelle ou la diffusion de la langue
française dans le Bassin méditerranéen» [103-118].
(8) «Le statut du français, langue seconde selon Isabelle de Charrière: langue de
culture, langue utilitaire?» [41-52].
(9) «Contexte administratif et scientifique d’une grammaire pour l’enseignement du
français en Espagne (1907)» [265-283].
(10) «Jean Marx (1884-1972) entre-deux-guerres» [119-127].
(11) Voir par exemple «Le discours idéologique véhiculé par les manuels de fran-
çais en Espagne au XIXe siècle: quelques repères» [199-214].
(12) «De la monarchie à la Première République, l’évolution dans la continuité:
l’enseignement du français au Portugal de 1894 à 1926» [253-264]; «L’ensei-
gnement de la langue et de la littérature françaises au Portugal entre 1910 et
1936: aspects idéologiques et institutionnels» [285-302].
(13) «Politique linguistique et enseignement des langues étrangères en Espagne pen-
dant le Triennat libéral (1820-1823): à propos de l’Academia civica de Barce-
lone» [87-102]; «L’enseignement du français mis au service du régime de
Franco (1936-1940)» [303-323].

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596 COMPTES RENDUS

dans une historiographie de la francophonie(14) ou s’interrogent sur les enjeux du


monolinguisme et du multilinguisme(15). On comprendra que les méthodologies sous-
jacentes aux contributions sont très souvent interdisciplinaires et/ou éclectiques; les
études réunies ici montrent l’utilité, voire la nécessité d’un solide soubassement épis-
témologique, permettant d’affronter la thématique dans toute son envergure. Les
références à Derrida et à Bourdieu sont fort significatives à ce propos.
Les fils conducteurs à travers cette série de contributions passionnantes sont des
objets (comme les manuels scolaires), des faits (politiques et institutionnels, dans
divers pays européens), des figures (hommes politiques, les conceveurs ou exécuteurs
de projets de politiques linguistiques, mais aussi des «maîtres de méthode(s)» et des
linguistes/grammairiens), enfin (et souvent de façon subreptice), des concepts et leurs
subtils glissements cognitifs et idéologiques («génie de la langue (française»), «uni-
versalité», «culture/civilisation (française)», «nationalisme/nationalité», «droits lin-
guistiques», etc.)(16). Les forgerons de l’Europe (des langues) actuelle trouveraient ici
matière à réflexion, si du moins de telles lectures pouvaient retenir leur attention (la
culture des hommes politiques n’est malheureusement plus ce qu’elle fut aux XVIIIe
et XIXe siècles – simple question de progrès).
Les romanistes – et tout particulièrement les francistes – trouveront ici une riche
documentation(17), qui complète sur plus d’un point l’histoire (externe) du français
que nous brossent des ouvrages pourtant richement informés comme la monumen-
tale Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot. Ce recueil – qui ne
contient pas d’index de noms ou de concepts – se clôt... par des «Questions
ouvertes» (pp. 371-374), transcription du débat qui a clôturé le colloque; on y trouve
des suggestions pour des recherches futures (approche comparative de l’enseigne-
ment des langues dans son rapport avec les institutions), des propositions d’ordre
méthodologique (définition de concepts opératoires et élargissement par une visée
écolinguistique), des observations «empiriques» (le rôle de l’apprentissage sauvage de
langues étrangères; l’utilité de connaître «la langue de l’ennemi»). La vive interac-
tion entre les participants au débat constitue une autre preuve de l’actualité, de l’im-
portance et de la «fraîcheur» de cette thématique qui, il n’y a pas l’ombre d’un
doute, restera à l’avant-plan des recherches en histoire (de la didactique) des langues
[de l’Europe nouvelle].
Pierre SWIGGERS

(14) «La moitié perdue: changements politiques et francophonie au Luxembourg,


1780-1945» [161-174].
(15) «La langue de l’autre au croisement des cultures: Derrida et Le monolinguisme
de l’autre» [175-198].
(16) Voir par exemple: «La discussion sur l’universalité de la langue française et la
comparaison des langues: une rupture épistémologique» [15-39]; «‘L’Italie est
faite, il faut faire les Italiens’: la construction de l’identité nationale dans
les manuels scolaires» [215-233]; «Le français à l’école primaire en Flandre
vers 1880-1890: identités nationales et techniques d’enseignement» [235-252];
«L’antagonisme linguistique en Belgique 1830-1850: tensions et conflits politico-
linguistiques» [325-370].
(17) À savoir: inventaires bibliographiques, analyses de textes d’archives, d’extraits
de journaux, de brochures officielles et de pièces de circonstance.

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DOMAINE GALLO-ROMAN 597

Jean TABI-MANGA, Les Politiques linguistiques du Cameroun. Essai


d’aménagement linguistique, Paris, Karthala, 2000, 237 pages + 1 carte.
La mutation rapide, la complexification et la diversification des situations lin-
guistiques en Afrique noire francophone sont rarement prises en compte par les gou-
vernements et institutions africaines qui, dans leur politique des langues, préfèrent
s’en tenir à des discours lénifiants et conservateurs, en décalage avec les réalités lan-
gagières de leurs pays. Cette inertie des décideurs, leur immobilisme et leur apparent
désintérêt (les choix linguistiques sont presque toujours absents des programmes des
partis) contrastent fortement avec le bouillonnement idéologique que suscitent les
questions linguistiques au Maghreb(1), s’expliquent de plusieurs façons: négligence
(d’autres priorités paraissent s’imposer à court terme), prudence (des aménagements
linguistiques intempestifs risqueraient de bouleverser le fragile équilibre ethnico-
régional), intérêt supposé du pays (le discours francophile vis-à-vis de l’extérieur per-
met de conserver des liens privilégiés avec les autres pays francophones). Ainsi sévit
une langue de bois institutionnalisée que viennent sporadiquement contredire des
déclarations nationalistes de réhabilitation des langues nationales, souvent démago-
giques et irréalistes et donc presque toujours sans suite. On ne peut que se réjouir
de la publication de l’ouvrage de Jean Tabi-Manga qui nous propose une étude intel-
ligente et bien informée concernant la politique linguistique, la planification linguis-
tique et l’aménagement linguistique du Cameroun, troisième pays d’Afrique noire
par le nombre de locuteurs francophones. À la fois universitaire (professeur de lin-
guistique française et africaine), responsable académique (recteur de l’Université de
Yaoundé I), proche des centres de décision (cf. l’hommage appuyé au président
actuel Paul Biya, p. 174) et surtout ancien directeur des programmes linguistiques à
l’Agence de Coopération Culturelle et Technique devenue l’Agence de la Franco-
phonie, l’auteur parle en connaissance de cause dans ce livre qui se veut à la fois
«bilan», «manuel», «travail de recherche» sur un état plurilingue complexe. Fort de
huit chapitres, l’ouvrage comporte trois parties assez équilibrées correspondant à un
historique, un état de la situation actuelle et une prospective contenant des proposi-
tions concrètes d’aménagement.
La partie historique qui occupe les trois premiers chapitres [15-67] permet de
décrire et de comparer les politiques linguistiques mises en œuvre par les trois puis-
sances européennes qui ont exercé leur protectorat sur le Cameroun: l’Allemagne de
1884 à 1914 [15-31], puis les deux puissances qui lui succèdent jusqu’à l’indépendance
de 1960, la France qui exerce son mandat sur la zone orientale [33-51] et la Grande-
Bretagne qui gouverne la zone occidentale [53-67]. Cette partie, inspirée étroitement
de R. Stumpf (La politique linguistique du Cameroun de 1884 à 1960. Comparaison
entre les administrations coloniales allemande, française et britannique et le rôle joué

(1) Sur la place centrale de la question des langues dans la politique maghrébine,
cf. par exemple Bah Ould Zein et Ambroise Queffélec, Le français en Maurita-
nie, Paris, Edicef-AUPELF, 1997, 191 p., Fouzia Benzakour, Driss Gaadi et
Ambroise Queffélec, Le français au Maroc. Lexique et contacts de langues,
Bruxelles, Duculot-AUPELF, 2000, 356 p., Ambroise Queffélec, Yacine Derradji
et alii, Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues, Bruxelles,
Duculot-AUPELF, 2002, 590 p.

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598 COMPTES RENDUS

par les sociétés missionnaires, Bern-Frankfurt am Main-Las Vegas, Peter Lang, 1979),
montre les tâtonnements, les hésitations, les revirements et les contradictions des
politiques coloniales, beaucoup plus pragmatiques, évolutives, voire incohérentes
qu’on ne l’a souvent cru. Elle rappelle les conflits souvent ouverts sur la question
des langues avec les Églises qui, bien implantées sur le terrain, ont mené des poli-
tiques autonomes, globalement plus favorables aux langues africaines véhiculaires,
mais variables suivant les lieux (nord musulman versus sud et centre chrétiens ou
animistes), les religions (catholiques, baptistes, luthériens) et les nationalités des mis-
sionnaires. L’auteur expose aussi la montée en puissance non seulement des deux
idiomes coloniaux, français et anglais, qui deviendront les deux langues officielles du
futur État réunifié (réunification: 1961; unification: 1972) mais aussi du pidgin-english
devenu langue véhiculaire dans l’Ouest anglophone et dans les régions côtières
orientales francophones.
La partie centrale de l’ouvrage fait le point sur la situation actuelle. Le chapitre 4
[69-109] consacré aux langues camerounaises reprend les résultats des travaux de
l’Atlas Linguistique du Cameroun de M. Dieu et alii (Yaoundé, ACCT-Cerdotola,
1983) et de l’Atlas administratif des langues nationales du Cameroun de R. Breton
et B. Fohtung (Paris, ACCT-Cerdotola, 1991). Il présente, carte à l’appui, les
248 langues camerounaises classées d’après leur appartenance aux différentes familles
linguistiques et expose la situation prévalant dans les dix provinces camerounaises.
À cet inventaire précis mais un peu fastidieux succède l’évocation des tentatives
(souvent avortées pour des raisons tant techniques que politiques) d’enseignement
des/en langues camerounaises et du rôle (limité) de ces langues dans les médias
nationaux et régionaux. Le chapitre 5 [111-131] expose l’originalité de la politique
de bilinguisme anglais-français menée avec constance par les autorités et développée
surtout (avec des succès inégaux) dans le système éducatif et dans l’administration.
L’auteur y regrette que «le déploiement du bilinguisme officiel, à l’évidence, n’a pas
suffisamment fait cas de la place des langues nationales camerounaises. En effet, la
définition de l’identité culturelle et linguistique du Cameroun ne saurait se résumer
à la seule composante bilingue [...] Une complémentarité fonctionnelle et nécessaire
devrait pouvoir s’établir entre les langues officielles et les langues camerounaises.
C’est une synergie qui serait de nature à garantir l’harmonie et la solidité d’une cul-
ture camerounaise respectueuse de ses valeurs authentiques et ouverte sur la moder-
nité» (p. 125). Examinant dans le chapitre 6 [133-172] la place prépondérante du
français (au moins dans les provinces «francophones» les plus peuplées), T.-B. foca-
lise sa réflexion sur les méthodes d’enseignement, sur l’évolution du français came-
rounais et sur la vernacularisation et l’appropriation dont il est l’objet par les locu-
teurs nationaux (dont il ne se risque pas à donner le nombre et qu’il se refuse à
catégoriser, ce qui constitue à nos yeux une lacune). On regrettera aussi que dans
sa description de la norme endogène qui tend à s’instaurer comme norme de réfé-
rence, il se contente de reprendre les analyses de Paul Zang Zang (Le français en
Afrique: Normes, tendances évolutives, dialectalisation, Munich, Lincom Europa, 1998)
dont nous avons montré ici même les limites, et qu’il fasse la part trop belle aux par-
ticularités lexicales au détriment des spécificités morpho-syntaxiques à peine évo-
quées. Par ailleurs, les analyses qu’il propose du camfranglais «parler mixte issu du
mélange du français, de l’anglais, des langues nationales et même du pidgin»,
employé surtout à l’origine par les jeunes à des fins ludiques mais devenu aussi «la

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DOMAINE GALLO-ROMAN 599

langue des exclus, des marginaux» (p. 167), nous semblent, faute de s’appuyer sur
des corpus fiables, un peu réductrices (en particulier l’affirmation p. 167, selon
laquelle «sur le plan syntaxique, le camfranglais est d’une grande simplicité»).
La troisième partie est sans doute la plus personnelle et la plus originale, puisque
son analyse de la dynamique des langues le conduit à proposer (chapitre 7) une
«politique d’aménagement des langues au Cameroun» [173-198]. S’appuyant sur des
principes constitutionnels selon lesquels le Cameroun «adopte l’anglais et le français
comme langues officielles d’égale valeur», «garantit la promotion du bilinguisme sur
toute l’étendue du territoire» et «œuvre pour la protection et la promotion des
langues nationales» (Constitution de 1995) , il propose un aménagement fonctionnel
des langues reposant sur les trois principes de respect du multilinguisme, de conso-
lidation de l’unité nationale, d’intégration régionale ou sous-régionale (p. 183). Pos-
tulant l’existence d’un quadrilinguisme articulé sur quatre strates fonctionnelles
(langues maternelles, langues communautaires, langues véhiculaires, langues interna-
tionales), il propose, après avoir interrogé le degré de véhicularité des diverses
langues, que l’État camerounais confie à six des langues véhiculaires «qui se déta-
chent nettement» (fulfuldé, béti-fang, duala, bassa, fe’efe’e et mungaka) un «statut
fonctionnel précis» aux côtés des langues officielles. Sans remettre en cause cette
sélection que l’auteur présente comme susceptible d’évolutions ultérieures en fonc-
tion du marché linguistique, on est surpris de le voir faire l’impasse (sans apporter
d’explication convaincante) sur le pidgin-english pourtant largement véhiculaire dans
toutes les régions côtières (et aussi dans l’immense Nigeria voisin). T.-M. suggère en
outre la «prise en compte raisonnable» (p. 194) du français camerounais dans l’ins-
titution scolaire pour réduire l’insécurité linguistique de l’école camerounaise qui «vit
très mal le conflit qui oppose la norme standard à la norme endogène en vigueur
dans la société» (p. 194). Cette prise en compte concernerait surtout les camerou-
nismes lexicaux dont l’acceptabilité serait définie en fonction de critères objectifs
(conformation, fréquence, vitalité). Le huitième et dernier chapitre «essentiellement
méthodologique» [199-223] expose les «stratégies opérationnelles pour un aménage-
ment des langues camerounaises». S’y trouve développée une série de mesures
concrètes juridiques, administratives, didactiques, etc., destinées à rendre opératoire
et finaliser ce projet.
Dans sa rapide conclusion [225-230], l’auteur réfléchit sur la typologie des situa-
tions de francophonie et insiste sur la nécessité de concevoir une nouvelle didactique
du français langue seconde en Afrique, différente de celles du français langue mater-
nelle et du français langue étrangère. L’ouvrage se clôt par une bibliographie assez
représentative d’une quarantaine de titres où l’on regrettera l’absence du recueil col-
lectif pourtant centré sur le Cameroun dirigé par G. Mendo Ze, Le français langue
africaine. Enjeux et atouts pour la francophonie, Paris, Publisud, 1999, 383 p.
Synthèse convaincante des travaux de spécialistes souvent difficilement acces-
sibles (ne serait-ce que matériellement), rédigé avec élégance et clarté, l’ouvrage de
Tabi-Manga constitue un outil fort utile pour comprendre la dynamique des langues
au Cameroun et faire entendre aux responsables africains la nécessité de développer
des politiques linguistiques réalistes, seules susceptibles de permettre le développe-
ment des pays.
Ambroise QUEFFÉLEC

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600 COMPTES RENDUS

Dictionnaire des lettres françaises publié sous la direction du cardinal


Georges GRENTE. Le XVIe siècle. Édition revue et mise à jour sous
la direction de Michel SIMONIN †, Paris, La Pochothèque-Fayard, 2001,
I-XLII et 37-1217 pages.
La nouvelle édition du «Grente» poursuit son cours. Dès 1994, le tome consacré
au Moyen Âge avait été très sérieusement rénové; ceux qui parurent ensuite
(XVIIIe siècle, 1995 et XVIIe siècle, 1996) étaient toutefois nettement moins satisfai-
sants. Voici après une longue attente Le XVIe siècle, qui avait bien besoin d’être
revu, puisque sa première version fut entreprise en 1936 pour être finalement
publiée en 1951, comme l’indique la préface de M. Simonin. Ce savant éditeur est,
hélas, décédé avant d’avoir pu relire toutes les épreuves, et le travail a été terminé
par des membres de son équipe. Est-ce à cette rupture de continuité qu’il faut impu-
ter l’absence, peut-être accidentelle comme pourrait le suggérer la bizarre pagination,
d’une table des abréviations bibliographiques? Mais plus de 80 collaborateurs (selon
la couverture; «quelque soixante-dix» selon la préface) apportant «de profondes et
indispensables restaurations», que d’espoirs cette annonce ne fait-elle pas naître!
La déception est à la hauteur de l’espoir. Peu après la mise en vente de l’ou-
vrage, l’auteur de la présente note a communiqué aux responsables de la collection
le relevé d’une centaine d’erreurs de personnes et de dates, d’éditions modernes
oubliées, d’auteurs omis, de données fantaisistes, de renvois à des articles inexistants
et d’incohérences diverses. Il serait vain de reprendre ces pages ici(1). Citons un
unique exemple de révision malencontreuse: la brève notice sur le théologien Jean
de Lespine, mort en 1594, enjolive absurdement son nom par «[du Pont-Alais, dit
Songecreux]», et renvoie à un article de J. Frappier, lequel concerne bien entendu
l’acteur décédé vers 1540, auteur présumé des Contreditz de Songecreux... Si
quelques jours de vérification par un seul lecteur font découvrir autant d’erreurs, de
lacunes et de confusions dans une poignée de notices, qu’en est-il du reste? Pour
apporter les corrections nécessaires, il faudrait lire l’ouvrage à la loupe. Et sa
conception même résiste mal à l’examen; plutôt que de rapetasser au petit bonheur
un corpus établi de façon incertaine, c’est l’ensemble qui était à repenser (la pré-
sence d’articles tels que culture en Touraine, seul de son espèce, ou picaresque, qui
renvoie aux XVIIe et XVIIIe siècles français, n’a pas grand sens). L’usager se soucie peu
de révérence envers feu Mgr Grente et ses collaborateurs de jadis, il souhaite un
outil de travail fiable. Ce n’est pas ce dictionnaire qui en tient lieu.
On n’aura pas la prétention de définir ici un projet idéal. Posons seulement que,
pour élaborer un ouvrage de référence de cet ordre, il est hautement souhaitable,
entre autres, de fixer des critères d’inclusion très précis; de calibrer les articles selon
l’importance de leurs sujets; de collationner toutes les indications susceptibles de
figurer aussi sous d’autres entrées; d’éviter avec soin les références inutiles; de tenir
compte systématiquement des autres répertoires bibliographiques modernes; et sur-
tout de confier sinon sa rédaction entière, du moins sa supervision ligne après ligne
aux meilleurs spécialistes de France et d’ailleurs. En outre, un usage intelligent de

(1) Nous les communiquerons volontiers, le cas échéant, à tout lecteur qui en ferait
la demande.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 601

l’internet pourrait constituer aujourd’hui une inestimable force d’appoint, permettant


des interventions, des relectures, des débats même, un travail collectif dans le vrai
sens du terme, avant l’impression définitive. Un dictionnaire conçu sur de telles bases
aurait eu, lui, une réelle utilité pour les chercheurs.
Pierre ENCKELL

PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES

Giuseppina BRUNETTI, Il frammento inedito «Resplendiente stella de


albur» di GIACOMINO PUGLIESE e la poesia italiana delle origini,
Tübingen, Niemeyer (Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie,
304), 2000, VII + 398 p., 26 ill.
Les quelques romanistes qui ont la chance de fréquenter directement les sources
médiévales et qui ont la vertu de la curiosité ont parfois le bonheur de mettre la
main sur des textes non encore inventoriés, versions inédites de textes par ailleurs
connus ou, dans le meilleur des cas, textes encore inconnus, ignorés ou perdus. Le
livre ici recensé est né d’une telle rencontre, avec un fragment inédit contenant les
quatre premiers couplets d’une canzone de Giacomino Pugliese, poète de la cour
sicilienne de Frédéric II, point de départ d’une thèse de doctorat sous la direction
de R. Antonelli, dont les résultats partiels ont été périodiquement présentés, ali-
mentant avec bonheur le débat sur l’histoire de la tradition manuscrite, l’origine et
la diffusion de la poésie de l’école sicilienne dont ce fragment constitue le témoi-
gnage le plus ancien, contemporain de sa production.
La communauté scientifique dispose ainsi d’un témoignage d’autant plus précieux
qu’il date d’avant le processus de toscanisation des textes, caractéristique des chan-
sonniers qui nous les ont conservés. Découvert en septembre 1991, le fragment a pu
bénéficier des soins les plus attentifs, et ce long délai a permis à l’auteur de propo-
ser une étude qui n’aura rien laissé au hasard. Divisé en trois parties, l’ouvrage
donne d’abord une description codicologique, paléographique et historique du ms. de
Zurich (Zentralbibliothek C 88) qui comporte 70 folios et contient une copie du
XIIe siècle du Priscianus minor, laissant vides les deux derniers folios sur lesquels
une main plus tardive a transcrit un fragment d’écrits grammaticaux, des passages
liturgiques, un Directorium chori et un Landfriede latin promulgué par Henry VII de
Souabe, fils aîné de Frédéric II, daté du 11 février 1234 à Francfort-sur-le-Main, suivi
du fragment lyrique qui serait de la même main que les deux textes précédents.
Dans la seconde partie sont édités la constitution de Francfort et Resplendiente. Ces
textes seraient en effet liés selon l’auteur qui propose, après discussion, de les dater
d’entre la promulgation du Landfriede et celle, par Frédéric II, de la constitution de
Mayence dix-huit mois plus tard. L’auteur examine les données dont nous disposons
sur l’histoire poétique contemporaine liée aux cours de Henry et de Frédéric, et
estime que Giacomino devait aux alentours de 1232 avoir au moins composé
Lontano amore.

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602 COMPTES RENDUS

Le travail d’édition est particulièrement exemplaire, à la hauteur d’un texte aussi


exceptionnel. En plus des planches reproduisant le fragment, en contexte et isolé-
ment, est fournie une édition diplomatique(1) accompagnée de notes paléographiques
qui ne négligent aucun détail. Les abréviations, la ponctuation et les graphies font
l’objet d’inventaires méticuleux assortis de commentaires interprétatifs. Suit une édi-
tion diplomatico-interprétative accompagnée d’une analyse métrique et linguistique
circonstanciée(2), concluant à un système primaire relevant du vénète oriental, avec
des traits frioulans et une possible influence française. Quelques traits témoigneraient
de la langue de l’auteur, dont albur et amur (contre splandore, amore), l’article lu
ou le possessif articulé lu men (= meu). Une édition synoptique apporte un dernier
toilettage au texte zurichois, avec la version de V en regard, qui contient quatre
autres couplets, dont une édition diplomatique est également donnée. Les vers en
commun sont soigneusement annotés, Brunetti cherchant au-delà de la confrontation
des leçons à mieux cerner le texte original(3). Les Concordanze della lingua poetica
italiana delle origini d’Avalle (CLPIO) ont ici été mis à profit pour exploiter les
enseignements que peuvent apporter les rapports intertextuels avec le corpus
poétique italien ancien.
La troisième partie donne au texte tout son éclairage en le recadrant dans l’his-
toire littéraire. Articulée en trois sections, l’auteur établit d’abord la cartographie des
centres littéraires de la première moitié du XIIIe siècle, de l’aire italo-germanique de
l’Italie du Nord à travers les sources dont nous disposons, fussent-elles picturales,
comme pour la réception du Chevalier au lion via le récit de Hartmann von Aue à
travers les fresques de Castel Rodengo ou de Schmalkalden. L’étude de la biblio-
thèque de Frédéric II vient compléter le panorama, avec une attention spécifique
pour la diffusion et la réception des textes de la poésie italienne des origines dont
l’auteur établit de façon précise la topographie, de Bergame et Trévise à Monte
Cassino. Cet inventaire méticuleux est suivi d’une étude des rapports entre l’école
sicilienne et la poésie courtoise du Nord, dont les onze pièces du ms. des Gonzague
(Paris, B.N. fr. 7516) constituent des témoins privilégiés, s’appuyant selon le cas sur
les rapports intertextuels d’ordre métrique (schèmes, présence éventuelle de rimes
siciliennes…), phonologique ou graphémique, lexical et stylémique. L’auteur trouve
même dans la canzone Eu ò la plus fina druderia un lien intertextuel avec Resplen-
diente, précisément dans la version du ms. de Zurich. Consciente de la nécessité
d’étendre l’étude à d’autres textes tels que les Versi d’amore exhumés par Stussi, sur
lesquels est revenu Castellani dans un ouvrage annoncé par l’auteur et maintenant
paru(4), l’auteur pense néanmoins que ces éléments mettent en évidence la circula-
tion des textes siciliens, sinon des poètes, comme l’illustre le cas documenté de Folco
Ruffo di Calabria. L’égarement de certains unica dans le ms. Barberino 3953 de la

(1) P. 68, l. 4, séparer du ze, comme à la p. 70 (cf. p. 77: «-z-», 81).


(2) P. 97, vocalisme atone, ajouter dupler (v. 23), trait qui doit naturellement être
pris en compte p. 93, à propos de l’évolution de A tonique libre.
(3) P. 115, l’occitanisme zoi de Z contre zoia de V est garanti par la mesure (mais
on pourrait en dire autant du gallicisme dupler du v. 23, contre adoblare de V).
(4) A. Castellani, Grammatica storica della lingua italiana, Bologne: Il Mulino,
2000.

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 603

Vaticane constitue un autre témoignage de cette diffusion. L’auteur termine son étude
avec un substantiel examen de la place de Giacomino Pugliese dans l’apparition de
l’école sicilienne, avec un inventaire des différentes thèses sur l’identité du poète dont
celle de Torraca (Giacomo di Morra) et une discussion de l’interprétation d’une
fresque du Palazzo Finco où Meneghetti a vu de part et d’autre du supposé Frédéric
II et de la supposée Isabelle d’Angleterre, Uc de Saint-Circ et Pier della Vigna: la
conclusion nous ramène avec sagesse à la seule évidence philologique d’un Giacomino
d’origine sans doute continentale. Brunetti est depuis revenue sur la question des rap-
ports entre son propre fragment et les vers d’amour exhumés par Stussi, estimant que
l’aire bolognaise (Ravenne) qui correspondrait le mieux, selon Castellani, aux traits
linguistiques de Quando eu stava in le tu cathene, avec une variante d’auteur d’ori-
gine, constitue une donnée fondamentale pour notre connaissance de la gestation de
la littérature italienne des origines, dans la mesure où cette aire correspond à divers
séjours de Frédéric II ainsi qu’à la localisation de nombreux textes épars(5).
Pour en revenir au présent volume, l’auteur explore ensuite la question du mys-
térieux libro di Giacomino, évoquant les divers procédés de transmission connus et
attestés, du rotulus – dont celui de Reinmar von Zweter, Minnesänger lié au cercle
de Frédéric II, est évidemment un témoin plus significatif –, au Liederblatt dont sem-
blerait provenir le fragment de Zurich dans un état peut-être primitif, et qui confir-
merait l’hypothèse de Brugnolo selon laquelle la tradition poétique sicilienne n’a pas
connu de collection d’envergure, représentative, mais une transmission désordonnée.
Examinant les caractéristiques métriques et thématiques du petit chansonnier de
Giacomino, l’auteur explore l’intertextualité au sein de l’école sicilienne, avec un
excursus sur le sonnet [197-8] dont il faudra tenir compte, attirant l’attention sur
l’extension relativement faible du genre parmi les auteurs siciliens identifiés, et
l’importance des anonymes relativement à ce qui se passe pour le genre de la
canzone, ce qui suggère une chronologie plus ou moins avancée pour l’apparition du
genre. Dans une dernière section, l’auteur passe en examen un certain nombre de
questions relatives à la naissance de la lyrique italienne qui évacue d’emblée les allu-
sions aux problèmes politiques (à la différence de la lyrique des troubadours, p. ex.),
se privant ainsi d’indices précieux pour leur ancrage historique. Le chansonnier de
troubadours T qui joue un rôle essentiel dans la transmission du corpus occitan
auprès des poètes siciliens et que connaît bien l’auteur est ici mis à contribution, de
même que le rôle que Madonna, dir vo voglio de Giacomo da Lentini (placé en tête
de V comme de L), et de façon générale celui que joue le Notaire dans le transfert
en langue de sì de modèles thématiques et stylistiques des troubadours. Plus qu’une
possible antériorité fondatrice, on peut en effet estimer que son excellence propre lui
a permis d’infléchir le courant de l’histoire littéraire qui aurait vu la concurrence de
différents courants dont témoigne, parmi d’autres, l’œuvre de Giacomino.
En appendice sont jointes diverses études. La première est consacrée au chan-
sonnier V (Lat. 3793 de la Vaticane) dont l’auteur examine d’abord quelques parti-
cularités de structure, donne ensuite des éléments intéressants sur les erreurs

(5) Dans «Reperti di un uso lirico italiano settentrionale», in Ezzelini. Signori della
Marca nel cuore del potere imperiale di Federico II (Bassano del Grappa,
Palazzo Bonaguro, 16 settembre 2001 - 6 gennaio 2002) a cura di Carlo Bertelli
e Giovanni Marcadella. Catalogo Skira, Milano 2001, pp. 186-189.

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604 COMPTES RENDUS

anciennes rectifiées survenues dans la transcription des textes, puis des éléments de
reconstitution de l’antécédent de V à partir des indices fournis par la répartition des
textes et des espaces dans le chansonnier, pour finir avec la présentation du fragment
florentin M (B.N., Magliabechiano II. III. 492) qui s’inscrit dans la tradition de V. Un
second appendice donne le texte des passages liturgiques du ms. de Zurich. Un troi-
sième s’intéresse à Lo doloroso amor de Dante dont les particularités linguistiques
et structurales témoignent d’influences primitives siciliennes, l’auteur examinant plus
spécialement le cas de la rime imparfaite morto : scorto : ricolto. Le dernier appen-
dice établit la chronologie de l’itinéraire de Frédéric II.
Brunetti nous fournit ainsi une somme remarquable centrée autour des 32 vers
retrouvés, montrant ainsi de façon exemplaire ce que la démarche philologique,
nourrie d’une expérience sans failles de ses diverses méthodes et angles d’approche,
peut avoir de stimulant et de fécond en jetant un nouvel éclairage sur la naissance
de la poésie italienne.
Dominique BILLY

Charles RIDOUX, Évolution des études médiévales en France de 1860


à 1914, Paris, Champion (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge), 2001,
1187 pages.
À l’heure où les recherches sur l’épistémologie de nos disciplines sont en plein
essor, le livre de Charles Ridoux (= Ch. R.) arrive à point nommé pour nous offrir
un panorama extrêmement large sur cinquante années décisives de la recherche en
philologie romane, qui est en même temps un véritable «Who’s who» du médiévisme
français. Le titre de l’ouvrage est sans ambiguïté: tout y est vu du point de vue de
la France, mais les aperçus ne manquent heureusement pas totalement sur la
recherche dans les autres pays, même si ceux-ci sont traités de manière inégale; on
se permettra ainsi d’être étonné de ne voir, dans une bibliographie de plus de
quatre-vingts pages, que deux items consacrés aux États-Unis, un à l’Angleterre, huit
à l’Allemagne, mais vingt à l’Espagne, dont l’apport est quand même légèrement
moins déterminant en la matière que celui de l’Allemagne! Quant à la coupe chro-
nologique, elle a le grand avantage de traiter en phénomène cristallisateur plutôt
qu’en traumatisme déclencheur la guerre de 1870, vision qui nous paraît tout à fait
justifiée, car on oublie parfois que, si la Romania n’a commencé de paraître qu’en
1872, elle est le fruit d’une décennie de préparation, au cours de laquelle les deux
pères fondateurs que sont Gaston Paris et Paul Meyer ont entre autres soutenu leurs
thèses et fondé, en 1866, la Revue critique (la même remarque s’appliquerait aux
beaux-arts et à la musique française, dont on date le grand renouvellement de 1870,
alors que le mouvement est amorcé dès la deuxième moitié du Second Empire).
Nous sommes ainsi entièrement d’accord avec Ch. R. lorsqu’il minimise le rôle des
arguments idéologiques et patriotiques dans l’œuvre des fondateurs du médiévisme,
estimant que «certaines critiques formulées à leur propos [...] nous semblent man-
quer de justesse et d’équilibre, soit qu’elles s’apparentent au règlement de comptes,
soit qu’elles témoignent d’une approche étroitement institutionnelle du développe-
ment des études romanes à leurs débuts» [71]. La limite inférieure de 1914 se justi-
fie de manière peut-être moins évidente, mais il est vrai que cette date historique-

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 605

ment cruciale correspond en gros à la retraite de Paul Meyer (qui mourra en 1917)
et à l’arrivée de nouveaux paradigmes qui, liés aux profonds changements politico-
culturels provoqués par la guerre, donneront à la philologie romane d’après 1918 un
visage bien différent de celle d’avant-guerre. De ce point de vue, la dernière partie
du travail de Ch. R., consacrée à la période allant de 1903 à 1914, apparaît plutôt,
dans sa brièveté [999-1044] comme un épilogue que comme une suite des longs dos-
siers thématiques qui font le cœur de l’ouvrage: d’une part, ceux-ci ne se privaient
pas de franchir la limite assez arbitraire de 1903 (et ce à bon droit, car la mort de
Gaston Paris n’eut pas de répercussion immédiate dans l’évolution des paradigmes
scientifiques); d’autre part, l’évocation des quelques travaux qui pouvaient annoncer
l’arrivée d’un nouvel esprit (Les Légendes épiques de Bédier, l’entrée des musico-
logues dans le champ de la lyrique, les travaux de Faral sur les sources antiques)
gagne en effet à bénéficier d’une telle ouverture. Mais quant à accorder à la période
1903-1914 une autonomie réelle, il y faut d’autant moins songer que Ch. R. fait à
deux reprises très opportunément remarquer que les théories de G. Paris ne sont pas
si éloignées de celles de Bédier que ce dernier a voulu le faire croire [685 et 911].
Remarquons en passant que le classement des domaines est plus cohérent dans
cette troisième partie que dans la deuxième ou dans la bibliographie, où l’on ne
comprend pas bien que la section «romans de la Table ronde» soit séparée des sec-
tions «Chrétien de Troyes» et «Tristan». Très empirique et d’une systématique mini-
male, ce classement appellerait de nombreuses remarques de détail (par exemple,
«littérature anglo-normande» [898] détonne dans ce répertoire thématique, et il eût
tout de même été préférable de transférer les deux pages sur Jean Renart, qui fer-
ment bizarrement le chapitre «Chrétien de Troyes» [738-39], après la p. 905, et de
renvoyer les pp. 939-42 à leur place logique à la fin du chapitre «la poésie lyrique
aux XIVe et XVe siècles» [869]), mais, en fin de compte, il permet d’organiser une
série de discussions closes avec quelques redites (de peu d’importance), le tout
constituant autant de «fiches» que le chercheur pourra aisément consulter pour se
faire une idée d’ensemble des diverses polémiques de l’époque. Ayant défini le
«médiévisme» comme «cette rencontre entre un objet – la littérature française du
Moyen Âge – une méthode – la philologie romane – et une constellation institu-
tionnelle» [14], Ch. R., dans cette deuxième partie qui constitue l’essentiel de l’ou-
vrage, passe ainsi systématiquement en revue institutions, organes, champs de
recherches et chercheurs à travers de petites monographies pour certaines desquelles
Ch. R. n’a pas toujours pu s’empêcher de rendre sensible son plus ou moins de pré-
dilection: il admettrait d’ailleurs sans doute lui-même avoir plus amoureusement
traité les études celtiques [509-43] que la dialectologie gallo-romane [478-95], pour
ne rien dire de la grammaire historique [442-50, chapitre commençant symptomati-
quement par un excursus – certes historiquement justifiable – sur «les celtomanes»].
Mais le tout se lit très agréablement, et on gardera le souvenir de quelques moments
d’anthologie, comme le récit de l’affaire du vol de manuscrits par Libri dans laquelle
«Léopold Delisle et Paul Meyer devaient jouer un rôle essentiel de justiciers, à la
fois fins limiers et juges d’instruction perspicaces et implacables» [379].
Quant à la première partie, consacrée au médiévisme français du début du
XIXe siècle, elle prépare bien le terrain: on appréciera en particulier la réhabilitation
de l’attachante figure de Guessard, tout en déplorant, eu égard aux développements
dont bénéficient à bon droit Fauriel et Raynouard, que Francisque Michel soit très
peu évoqué et, surtout qu’Achille Jubinal et Génin soient pour ainsi dire passés sous

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606 COMPTES RENDUS

silence, mais ce sont là des détails, le livre de Ch. R. n’ayant pas à s’augmenter
encore de considérations périphériques à son objet.
On comprendra aussi que le but de l’auteur n’était pas de donner des références
systématiques aux travaux qui font actuellement autorité dans les domaines évoqués,
raison pour laquelle la mention, trop sporadique, de tels travaux gêne plus qu’elle
n’aide le lecteur, d’autant plus que le principal problème qui peut se poser à ce der-
nier en lisant le livre de Ch. R. est peut-être la difficulté à séparer le discours de
l’auteur de celui des érudits qu’il cite. Ainsi voit-on cités sans autre commentaire, à
propos des savants dont on retrace la carrière et brosse la personnalité, de larges
extraits nécrologiques dont la prose souvent lénifiante laisse planer quelques doutes
sur l’objectivité de leurs rédacteurs. Certes, Ch. R. nous a prévenus dès son intro-
duction [16] qu’il se réservait pour plus tard l’étude des correspondances, mais si l’on
ne peut nier qu’un tel avertissement soit de bonne méthode, il y aurait eu dans cer-
tains papiers privés aisément accessibles de quoi ponctuellement affiner des éclai-
rages parfois gauchis par des témoignages trop officiels. Il n’en reste pas moins que
le relevé des nécrologies [1124-35] ainsi que le «dictionnaire» («répertoire» eût
peut-être mieux convenu) des principaux médiévistes français [1137-51] sont deux
instruments d’une grande utilité.
De manière générale, Ch. R. fait ainsi davantage office de compilateur que de
commentateur, et si cette objectivité l’honore, car elle a l’avantage de nous offrir un
tableau non tronqué d’une discipline à un moment crucial de son développement,
l’usage des comptes rendus (presque exclusivement français, d’ailleurs!) et des syn-
thèses déjà existantes semble néanmoins par trop systématiquement le dispenser d’al-
ler vérifier son information à la source. Le Grand Larousse du XIXe siècle lui-même
est cité de seconde main [90]! Certes, on ne peut mettre en doute l’honnêteté de
Ch. R., et le fait que la citation du haut de la p. 492 s’arrête en réalité quatre lignes
après la fermeture des guillemets doit sans doute être mis sur le compte de la dis-
traction. Le problème est que le manque de références directes rend certains déve-
loppements par trop schématiques et laisse démuni le lecteur qui rechercherait des
renseignements plus précis. Ainsi, par exemple, de la Revue des langues romanes,
dont on nous dit que, malgré leur manque de formation spécialisée, ses premiers
rédacteurs remplirent «dignement leurs fonctions, comme le reconnurent d’ailleurs
les maîtres parisiens» [335], dont on nous apprend ensuite que l’ouverture aux autres
langues romanes suscita «une rivalité courtoise, parfois pimentée d’aigreur, entre la
revue montpelliéraine et la Romania» (id.), pour nous rappeler, enfin, que les rédac-
teurs de cette dernière «contestent l’existence» [337] d’une frontière linguistique
claire entre domaines d’oc et d’oïl: Ch. R. perd ici un peu de vue que, contrairement
à lui, son lecteur ne connaît pas forcément la Romania par cœur!
Quelques remarques ponctuelles: p. 404, Ch. R. m’attribue une bipartition de la
«carrière d’éditeur» de Bédier en «deux périodes bien distinctes»; il revient sur le
même passage en p. 984 pour me faire dire plus simplement que la carrière de
Bédier se répartit en «deux pans». J’avais seulement dit que les recherches respec-
tivement sur Tristan et sur Roland représentaient «chacune l’ossature des deux
moitiés de la carrière de Bédier» (Joseph Bédier, écrivain et philologue, 510), ce qui
me semble tout de même moins caricatural; pp. 435-36, Ch. R. dit tour à tour que
Darmesteter voit dans la richesse des dépouillements «l’une de ses tares les plus
manifestes» et «le principal mérite de Frédéric Godefroy»: si l’analyse est exacte, il

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PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES 607

faudrait au moins souligner la contradiction; p. 439, «dès la fin des années 1850,
Adolf Tobler, de Berlin […]»: rappelons qu’à l’époque, Tobler, qui venait de Berne,
n’était pas encore professeur à Berlin; p. 472, «Malory inspirera, après la guerre,
l’adaptation de Jacques Boulenger»: à moins qu’elle ne signifie que Boulenger a fait
pour la littérature française le même travail de condensation de la matière arthu-
rienne que Malory pour la littérature anglaise (ce qui n’est guère obvie!), cette indi-
cation est fausse: Boulenger adapte le Lancelot-Graal; p. 569, je ne comprend pas
bien le statut de l’affirmation selon laquelle «une mort prématurée (à 38 ans)
empêcha [Georges Mohl] de renouveler l’étude des langues romanes comme il
en avait manifesté l’intention»; p. 604, on relève une allusion très intéressante au
folkloriste russe Veselovski, dont on pourrait rappeler que Propp le cite, dans sa
Morphologie du conte, comme le seul précurseur de sa méthode digne d’être
signalé… avec Bédier; p. 945, on crédite Jeanroy et Lot d’avoir travaillé «jusque dans
les années 1960»: ils sont en fait morts dans les années 1950; p. 982, je n’ai jamais
dit que la découverte de La Chanson de Roland par Bédier avait éveillé sa «voca-
tion pour l’histoire de France»; p. 1020: il serait préférable d’appeler exemplaires plu-
tôt que «manuscrits» les exemplaires subsistants de l’édition Vérard du Jardin de
Plaisance; p. 1049, il n’était pas nécessaire de copier la date erronée de 1903 attri-
buée par Jeanroy au Roman de Tristan et Iseut de Bédier, qui est de 1900.
L’empiétement des sources dans le commentaire se marque aussi au niveau de
quelques détails d’écriture qui peuvent gêner la lecture: certaines références devien-
nent obscures lorsque des œuvres sont mentionnées sous un titre autre que celui
entériné par l’usage moderne: il faut ainsi choisir entre Voyage de Charlemagne et
Pèlerinage de Charlemagne [624], réserver le terme «chansons de croisade» [662] à
des poèmes lyriques et préférer Ysopet de Lyon à «Lioner Ysopet» [564], Paradis
de la Reine Sibylle à l’invraisemblable périphrase citée sans autre commentaire par
Ch. R. [581], Ludwigslied à «Rythmus teutonicus» [665], Dieudonné de Hongrie à
«Charles le Chauve» [674 et 1040] et Guiron le courtois à «roman de Palamède»
[837]. Signalons aussi l’usage flottant qui est fait des titres et des prénoms étrangers.
Apparemment influencé par l’usage de certaines de ses sources, Ch. R. parle par
exemple de «Louis Uhland» [143]; que n’évoque-t-il pas à la même page *Charles
«Bartsch»? On rapprochera de ce flottement celui induit par la reprise très fréquente
des «M.» et des «Miss» attribués en l’occurrence, contre tout usage, à des person-
nages décédés, les «M.» pouvant malencontreusement passer pour des initiales de
prénoms qu’ils ne sont évidemment pas.
Cela nous mène à signaler quelques problèmes liés à l’index des noms de
personnes. D’abord, il ne cite pas les noms de personnages littéraires, ce qui aurait pu
avoir son intérêt. Ensuite, de faire figurer les prénoms en entier et non seulement leur
initiale aurait peut-être évité quelques confusions. Ainsi: le vrai prénom d’Aubanel est
Théodore; Amaury-Duval aurait dû être classé sous A et non sous D; l’une des deux
références à «W[ilhelm]» von Humboldt renvoie en réalité à son frère Alexandre
[359]; il y a trois Privat cités à la p. 339 et le glossaire n’en mentionne qu’un; tous les
Wolf sont classé sous «F[erdinand]», alors que celui de la p. 44 est George Wolf et
celui des pp. 262 et 392 le grand helléniste Friedrich-August Wolf. Certains prénoms
sont tout simplement manquants et s’il est vrai qu’il en est de difficiles à retrouver,
ce n’est sans doute pas une tâche insurmontable pour Linné, Schleiermacher, Swin-
burne, Villemain ou Villiers de l’Isle-Adam. Certains renvois auraient pu être organi-

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608 COMPTES RENDUS

sés; ainsi aurait-il été utile de renvoyer «Iolo Morgwang» (pseudonyme) à «E. Wil-
liams», d’ailleurs cité. Enfin, un sondage effectué sur les pp. 300-360 nous signale qu’il
faut ajouter à l’index les noms suivants: Achery (Père d’), 308; Baguenault Gustave,
348; Bayet Charles, 352; Beaucourt (marquis de), 348; Bessin (dom), 308; Boucherat,
328; Bouquet (dom), 309; Bourzéïs, 328; Carpentier (dom), 308; Caron P., 347; Cham-
pagny, 310; Chapelain Jean, 328; Charencey Hyacinthe de, 348; Christine de Stommeln,
321; Clémencet (dom), 310; Constant (dom), 308; Cousin (le président), 328; Cuvier
Georges, 329 et 358; Dantine (dom), 308; Daupeley, 304; Decourchant, 302; Devic
(dom), 339; Douceline (sainte), 321; Eichtal Eugène d’, 354; Epinois Henri de l’, 348;
Favier Jean, 347; Foncin P., 350; Francesco de Barberino, 339; Gay-Lussac, Louis, 329;
Geoffroy-Saint-Hilaire Barthélémy, 358; Gide Charles, 354; Girart d’Amiens, 324;
Gomberville, 328; Havard J., 302; Hatzfeld Adolphe, 340; Hédouville (sieur d’: pseu-
donyme de D. de Sallo), 328; Jaffé, 355; Jean de Montreuil, 339; Laîné A., 302; Lan-
grand, 302; La Roque (abbé de), 328; La Rue (abbé de), 358; Lazarus, 355; Ledos
Gabriel, 304; Leroy-Beaulieu Anatole, 354; Martène (dom), 308; Michelet Athanaïs,
355; Minghetti, 354; Mircesco-Alecsandri V., 346; Montfaucon Bernard de, 308; Moss-
mann Xavier, 352; Nitzsch Frédéric (érudit allemand du XVIIe siècle: ça ne s’invente
pas!), 328; Petit-Radel, 317; Raimond de Béziers, 324; Raoul-Rochette, 329; Ritschl,
354; Roque-Ferrier, 336; Roussel, 328; Sagnac Ph., 347; Sainte-Marthe (le P. de), 308;
Schneider, 302; Schopenhauer Arthur, 355; Tassin (dom), 309; Toustain (dom), 309;
Vaucher Pierre, 352; Véron (Dr.), 341.
En fin de compte, il faut se réjouir de la parution de ce livre qui, en dressant
la carte d’une des périodes les plus foisonnantes de l’histoire de nos études, saura
donner à plus d’un chercheur des suggestions précieuses pour approfondir l’étude
particulière de la réception, de la fortune critique et de l’épistémologie des divers
cantons d’une recherche toujours en mouvement, sur laquelle nous ne devons pas
nous lasser de continuer de réfléchir.
Alain CORBELLARI

Perceforest, deuxième partie, tome II, édition critique par Gilles ROUS-
SINEAU, Droz (Textes Littéraires Français, 540), Genève, 2001, XCIII
+ 779 pages.
Heureusement, à la différence du héros éponyme, Perceforest n’aura pas attendu
dix-huit ans pour faire sa réapparition. La seconde partie du Roman paraît deux ans
seulement après la première partie (v. ici RLiR 63, 621). L’édition de Gilles Roussi-
neau est en tous points impeccable. On est sensible à l’amélioration de la qualité
d’un travail pourtant excellent dès son début; mais l’éditeur ajoute de petites touches
de perfection à chaque volume, preuve qu’il ne se lasse pas d’une entreprise qui lui
vaut notre admiration et notre reconnaissance. Ici, pour l’anecdote, on appréciera le
recours assez intensif à La Curne, qui sauf erreur n’était pas cité dans les tomes
précédents. Effectivement, Perceforest a été assez bien dépouillé par La Curne, dont
Gdf n’a pas repris tous les matériaux.
Le texte se lit toujours avec plaisir et le retour de Perceforest, qui va créer la
compagnie du Franc Palais, un ordre de chevaliers d’élite, constitue le moment
fort du Roman. G. R. reste fidèle à l’hypothèse, émise jadis par Y. Renouard,
selon laquelle l’institution du Franc Palais aurait servi de modèle, dès 1344, au roi

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REVUES, ACTES DE COLLOQUES, RECUEILS 609

d’Angleterre Edouard III pour ce qui deviendra en 1348, l’Ordre de la Jarretière.


Cependant, il rappelle aussi [XII n. 10] que le Perceforest que nous possédons est
«une œuvre du milieu du XVe siècle, issue du remaniement d’une version plus
ancienne et perdue, achevée vers 1337».
L’introduction est sobre mais suffisante. La partie linguistique réunit commodé-
ment des matériaux intéressants, souvent commentés dans les notes. La part consacrée
au lexique est excellente. Peut-être faudrait-il ouvrir une catégorie consacrée aux
archaïsmes, qui pourraient remonter à l’œuvre originelle, c’est-à-dire à des mots ou
sens qui ne dépassent pas le milieu du 14e siècle? On conforterait ainsi l’hypothèse,
qui me paraît très douteuse, de la version ancienne, sans oublier qu’il peut s’agir d’ar-
chaïsmes volontaires. J’y placerais par exemple achanlé «pourvu de clients», qui a un
prédécesseur unique, mais très proche par le sens, chez Adam de la Halle. J’ai honte
de n’avoir à signaler que de menus détails: LXI, assauter lire assauder; - cantourner lire
531, 8; - LXII, n’estre mie bien a soy lire 315, 18; - n’avoir vaine qui y pense à mettre
en italiques; - LXIII, congnoissable lire 650, 13; - LXIV, impetuosité est mieux à sa
place sous 4, où il est relevé; - LXVI, compartir lire 534, 4 C et noter une autre attes-
tation dans un ms. de David Aubert ds StraubDavid-Aubert 53; - seul lire 60, 13. On
pourra peut-être étoffer la liste des régionalismes avec: adheriter cf. DMF; - assauder,
autre attestation à Douai en 1257 ds RoquefortSuppl; - baulz cf. T. Matsumura ds
RLiR 62, 133; - bouseré voir note et ajouter une attestation ds FlorOctAlL 2537 var;
- effoudre cf. RLiR 58, 593; - esseulé cf. RLiR 63, 627; - horion cf. FEW 25, 995a
et n. 17; - taillant cf. TL 10, 37, 19-29, Gdf 7, 625b et FEW 15, 1, 42a; - tangre cf.
RLiR 56, 483 et 645; 60, 297.
Le texte est parfaitement édité. Les variantes [419-537] et les notes [539-607]
sont à l’unisson. En 550, 140, 7 on supprimera Rutebeuf, qui s’est introduit par
erreur; - en 555, 197, 4 on lira Deschamps; - en 579, 556, 13 on signalera que les
exemples de Froissart cités entre crochets dans La Curne, ont été introduits par
Favre à partir du glossaire de Scheler; - en 606, lire 644, 7. La liste des proverbes et
expressions sentencieuses [613-619] est large mais il faudrait songer à en donner des
clefs, par exemple, en menant une étude d’ensemble. La Table des noms propres
[621-635] est parfaite. Le vaste glossaire [637-777] ne mérite que des éloges; dans son
utilisation lexicographique, on tiendra compte de ce qu’il est peut-être un peu trop
contextuel. Le fait est frappant par des doublons définitionnels comme s.v. acompter
«faire cas de, tenir compte de»; «tenir compte de, être affecté par», adextrer «être
aux côtés de»; «être aux côtés de, accompagner», congnoistre «manifester son affec-
tion à»; «dire des paroles affectueuses, manifester son affection à», esbatre «se dis-
traire»; «se distraire, se promener» ou encore estrange «étonnante, extraordinaire»;
«étrange, extraordinaire». Quelques remarques: adonner lire 588, 226; - apertement
lire 463, 6; - cueillier, les deux attestations de c. cœur ne permettent pas de privilé-
gier la vedette cueillier et ne peuvent pas être séparées de c. cœur, rangé sous cueillir
avec une définition différente; - domestiqué (de C, donc de 1459-1460) est une
première attestation; - emplouldrez lire empoudrez; - ens, ne pooir ens lire 467, 6; -
froter «caresser, flatter» ajouter 56, 11 et citer ds la note M. Plouzeau ds R 119, 260;
- guimple lire 510, 24; - haultesse lire haut lieu en italiques; - rayere lire 714, 9.
Bref, Perceforest continue d’être magnifiquement servi par son éditeur moderne,
qui a visiblement à cœur de nous donner un texte digne d’une œuvre somptueuse.

Gilles ROQUES

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TRIBUNE LIBRE

L’article de Michael Kramer, «Sources littéraires des Curiositez françoises»


(RLiR 66, 131-157), aborde une question fort intéressante. L’auteur y donne des
listes de correspondances, qu’il juge convaincantes, entre ce dictionnaire d’Antoine
Oudin paru en 1640 et quatre ouvrages antérieurs: l’anonyme Comédie des proverbes
de 1633, l’Histoire comique de Francion et Le Berger extravagant, romans de Charles
Sorel (1623, 1627), et Les Ramonneurs, comédie de ca 1622-1624 attribuée à
Alexandre Hardy.
On ne doit cependant tenir aucun compte des pages consacrées à ce dernier
texte, car celui-ci n’a pu être lu par Oudin. Dans son édition de 1957, Austin Gill
soulignait que c’était un manuscrit jusque-là inconnu qu’il publiait, et que Les
Ramonneurs n’avaient jamais été imprimés auparavant. Quand on sait avec quelle
jalousie possessive les chefs de troupes théâtrales conservaient par devers eux les
manuscrits des auteurs dramatiques(1), on doit juger impossible qu’un exemplaire
unique ait été confié à quiconque pour en copier libéralement des passages. Il ne
s’agit donc ici que de coïncidences entre le répertoire des Curiositez et le vocabu-
laire de cette pièce pleine de verve, que le hasard nous a transmise.
Mais le fait même que de telles coïncidences se produisent jette un doute sur la
méthode de l’auteur. S’il aligne en guise de preuves 127 «expressions idiomatiques
ou clichés» présents à la fois dans la comédie et dans le dictionnaire [148-155], et
que ce ne sont en réalité que de simples occurrences fortuites, il faut en déduire que
ses critères sont inopérants. De fait, les comparaisons proposées concernent souvent
des termes et locutions attestés avant Les Ramonneurs, et qu’Oudin aurait pu lire
ailleurs. En outre, de nombreux parallèles s’avèrent fort imparfaits, comme toucher
au blanc et donner dans le blanc de ses desirs, canarder un homme et tirer comme
canards, c’est un bon chaland et quelle chalande [149], ou encore la coquille luy
demange et la coquille ne laisse pas de baailler, belle deffaitte et defaite malicieuse,
perdre l’escrime et j’y perdrai mes escrimes [150], etc. Il n’y a évidemment pas d’iden-
tité formelle entre ces expressions.
Or, c’est justement la répétition exacte d’une même forme qui permet dans le cas
d’un dictionnaire de démontrer, ou du moins d’envisager l’existence d’une source.
Des analogies n’y suffisent pas. Après tout, les entrées d’Oudin concernent, par défi-
nition, des mots et phrases couramment employés dans le discours familier et popu-
laire, et il n’est donc nullement surprenant d’en rencontrer des formes voisines dans

(1) Voir par exemple S.W. Deierkauf-Holsboer, Le Théâtre de l’Hôtel de Bour-


gogne (1968), I, 129-130, et Id., Vie d’Alexandre Hardy (1972), 113-114.

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TRIBUNE LIBRE 611

des textes littéraires de l’époque(2). La preuve négative est plus facile à apporter:
tout ouvrage présentant en nombre des locutions figées absentes des Curiositez ne
peut constituer une source présumée. Tel est le cas, par exemple, des morceaux
réunis dans Les Jeux de l’incognu, recueil attribué, comme la Comédie des proverbes,
au comte de Cramail ou à ses proches(3). Cette constatation n’encourage pas la
recherche des très hypothétiques «Cahiers du comte de Cramail» [157] issus de
l’imagination romanesque de l’auteur.
Ajoutons que la suggestion d’un «moment M» à partir duquel «Oudin et ses col-
laborateurs [supposés] ont arrêté [...] d’harmoniser le recueil» [136-137] ne tient pas
compte du «facteur N», c’est-à-dire de la banale négligence humaine. M. Kramer est
lui-même victime de ce phénomène quand il cite deux fois dans une même liste la
même attestation de la p. 52 des Ramonneurs, et qui plus est de deux façons diffé-
rentes: il jure comme un chartier embourbé [149] et jurer comme un charretier
embourbé [152]. On n’aura pas l’outrecuidance d’en tirer des déductions sur le mode
de composition de son article.
Quant à l’Histoire comique de Francion, Oudin nomme en effet ce roman sous
l’entrée Bains de Valentin [147]. Le passage en question est à la p. 74 et non 53 de
l’édition citée(4): «encore aujourd’huy l’on s’en souvient, et lorsqu’il y a quelqu’un
qui a froide queuë, l’on luy dit par mocquerie qu’il s’en aille aux bains de Valentin.»
Il s’agit là d’une auto-référence, Sorel renvoyant à un épisode et à un personnage
qu’il vient d’inventer lui-même, et Oudin peut avoir péché par naïveté en s’inspirant
de ce passage; on ne semble pas avoir repéré ailleurs cette locution peut-être fictive.
Les autres correspondances [138-143], comme celles se rapportant au Berger extra-
vagant [144-147], suscitent des objections semblables à celles formulées plus haut; les
cas d’identité formelle y sont très rares, et, quand il s’en trouve, ils concernent en
général des termes ou locutions attestés antérieurement. Il n’est donc pas démontré
que ces romans soient des sources des Curiositez françoises, et l’idée d’une partici-
pation de Sorel et d’Oudin à un même cercle [147-148] perd ainsi le peu de consis-
tance qu’on pouvait lui accorder.
Reste la question bien réelle des véritables sources imprimées d’Oudin, littéraires
ou non, outre ce qu’il a pu puiser dans le fonds commun de la conversation. M. Kra-
mer détermine utilement que les Curiositez françoises reproduisent à l’identique des
fragments signifiants de la Comédie des proverbes [132]. Il est dommage que l’auteur
ne fournisse que cinq exemples sur les 508 qu’il invoque; néanmoins, l’influence de
la comédie sur le dictionnaire doit être considérée comme certaine. J’étais parvenu

(2) A. Gill avait déjà remarqué il y a quarante-cinq ans que «les très nombreux
mots ou locutions du langage familier que l’on relève dans Les Ramon-
neurs [...] font tous partie du langage courant de l’époque de Francion et de
la Comédie des proverbes» (Les Ramonneurs, XV).
(3) La bibliographie de cet ouvrage est complexe, mais on sait qu’il en existe une
édition de 1630, et que certaines des pièces qu’il contient ont été publiées à
partir de 1620. J’ai consulté l’édition de Rouen, Cailloué, 1645.
(4) M. Kramer aurait pu améliorer son dépouillement de Francion en utilisant
l’éd. E. Roy (STFM, 1924-1931), dont l’annotation renvoie à Oudin aussi sou-
vent, pour le moins, qu’il le fait lui-même.

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612 TRIBUNE LIBRE

à la même conclusion, en suggérant il y a peu (RLiR 63, 178, notes 3 et 4) que la


Comédie des proverbes constituait une source d’Oudin.
Il ne s’agit là que d’un seul ouvrage, et d’autres pistes restent à explorer. Sans
doute conviendrait-il de suivre celles indiquées par Oudin lui-même dans son avis
Aux Estrangers, f° aiv r°, où sont nommément cités Le Soldat suedois, les Dialogues
de Samuel Bernard, le dictionnaire de Hulsius, et surtout quatre textes de Daniel
Martin, apparemment tous publiés à Strasbourg: sa Grammaire, ses Complimens, un
«Nomencl.” qui ne paraît pas être répertorié sous ce titre, ainsi que ses Colloques.
Dans la préface de ce dernier livre, Martin dit avoir publié en 1625 «les plus com-
muns proverbes et façons de parler metaphoriques et proverbiales qui sont les idio-
tismes de notre langue» (Les Colloques françois et allemands éd. J. Hatt, 20). On
peut supposer qu’Antoine Oudin, qui a tant pratiqué cet auteur, en aura tiré parti.
Comme tout lexicographe, il savait sûrement utiliser le travail de ses prédécesseurs.
Un dépouillement de ces textes par rapport au dictionnaire serait donc néces-
saire, et peut-être profitable. Dans les DDL (19 et 38 en particulier), il m’est arrivé
de fournir un certain nombre d’exemples où non seulement les entrées des Curiosi-
tez françoises reproduisent textuellement de brefs passages des Colloques françois et
allemands de 1627, mais où les locutions en question semblent attestées pour la pre-
mière fois à cette date. Une comparaison systématique, et rigoureuse cette fois-ci,
devrait permettre de confirmer – ou d’infirmer! – cette présomption de preuve.

Pierre ENCKELL

Dans son Compte rendu de la parution du fascicule 5, vol. 1, du Deonomasticon


Italicum, de W. Schweickard (RLiR 66, 284-285), G. Roques signale dans cette publi-
cation un article Cognac, dans lequel «on trouvera un coniaciàno agg. et m. «rela-
tivo alla) suddivisione inferiore del piano senoniano...» qui laisse supposer un fr.
co(g)niacien, qu’il faudrait chercher dans les œuvres de naturalistes français, tels les
D’Orbigny».
Apparemment G. Roques n’a pas pu trouver ce mot dans les dictionnaires
d’usage qu’il n’a pas manqué de consulter. De fait, ni le Petit Robert (édition 2000),
ni le TLF (version informatisée actualisée en juin 2002: http://atilf.inalf.fr/tlfv3.htm)
ne le donnent. Par contre, il figure dans Le Robert en 9 volumes (1985) et dans le
Grand Dictionnaire terminologique canadien (www.granddictionnaire.com, actualisé
en juin 2002). La situation est la même pour le mot Sénonien.
Ces mots font partie, avec quelques dizaines d’autres, de la série des noms
d’étages stratigraphiques qui constituent les subdivisions, internationalement accep-
tées, des temps géologiques. Ils sont d’usage actuel courant dans différentes disci-
plines des Sciences de la Terre. On rencontre ces termes dans les publications
géologiques sous des formes adaptées selon les langues: it. et port. Coniaciano, Seno-
niano; esp. Coniaciense, Senoniense; angl. Coniacian, Senonian; all. Coniac, Senon,
etc.
Les étages stratigraphiques ont été définis pour une grande partie d’entre eux au
19e siècle, principalement en France ou en Grande-Bretagne. La définition de chaque
étage est basée sur une coupe géologique de référence, formée d’une série de strates
sédimentaires. Cette coupe-type constitue le stratotype. C’est généralement le nom

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TRIBUNE LIBRE 613

latin du lieu où se trouve celui-ci qui a servi à nommer l’étage stratigraphique cor-
respondant. Ceci explique qu’à partir d’un stratotype situé dans la région de Cognac
on ait le terme Coniacien (ou coniacien pour l’adjectif), créé par H. Coquand en
1857, et non *Cognacien. Quant au Sénonien, il a été défini par A. d’Orbigny en
1842, à partir de terrains sédimentaires de la région de Sens. Ce même d’Orbigny est
à l’origine de nombreux autres noms d’étages stratigraphiques, notamment le Céno-
manien, défini en 1847 dans la région du Mans, ou le Turonien, défini en 1843 en
Touraine. Tous ces étages appartiennent au Crétacé, dernière période de l’ère secon-
daire.
La lexicographie française prend en compte ces noms d’étages de façon assez
variable: les dictionnaires de la maison Robert semblent avoir fait le choix de ne pas
faire figurer ces mots dans ses ouvrages en un volume et de les réserver pour les
ouvrages en plusieurs tomes. La politique du TLF est plus difficile à comprendre:
Coniacien et Sénonien n’y figurent pas mais Cénomanien et Turonien sont présents
(avec d’ailleurs des dates de première attestation légèrement différentes de celles
que donnent A. Foucault et J.-F. Raoult dans leur Dictionnaire de Géologie (Dunod
édit.) et que j’ai utilisées ci-dessus).
Lorsque des mots de cette série sont enregistrés dans les dictionnaires non spé-
cialisés, les définitions sont elles-mêmes très variables. On peut suggérer un certain
nombre d’éléments qui devraient figurer dans la définition d’un nom d’étage strati-
graphique: le nom du créateur de l’étage et la date de la première définition; la loca-
lisation du stratotype avec remarques étymologiques; la fourchette d’âge dans
laquelle se place l’étage et la position de celui-ci dans l’échelle stratigraphique inter-
nationale; des précisions sur les événements d’échelle mondiale que l’on rapporte à
cet étage (par ex.: haut ou bas niveau marin; apparition ou disparition de tel groupe
animal ou végétal important; phase tectonique majeure). En ce qui concerne les
exemples destinés à illustrer ces termes, s’il peut être intéressant de faire figurer, à
titre historique, des exemples anciens, il est indispensable de faire figurer aussi des
exemples récents car, dans le domaine des Sciences et Techniques, un exemple datant
de plusieurs dizaines d’années peut être inadapté. C’est le cas pour certains exemples
des années 1940-1960 que fournit le TLF, non seulement dans les définitions des
noms d’étages mais plus généralement pour tout ce qui concerne le domaine de la
Géologie.
On peut enfin souhaiter que les dictionnaires généralistes prennent mieux en
compte les dictionnaires spécialisés: ces derniers fournissent souvent les définitions
les plus appropriées mais par contre ils n’ont pas toujours la fiabilité des premiers
pour les étymologies ou d’autres exigences de la lexicographie moderne.

Philippe OLIVIER

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NÉCROLOGIES

Anthonij DEES
(1928-2001)
Anthonij Dees, professeur émérite de l’Université Libre d’Amsterdam, est
décédé le 25 décembre 2001 des suites d’un cancer contre lequel il luttait depuis
quelques années. Malgré sa maladie, il a poursuivi jusqu’à la fin, sans se lasser et
avec sa détermination habituelle, la recherche qui l’animait depuis le début de sa
carrière et qui consistait à vouloir comprendre et à décrire la nature de l’ancienne
langue française dans toutes ses variations dialectales et chronologiques, jusque dans
les détails de sa phonétique, de sa morphologie et de sa syntaxe. Ce fut la vocation
de Dees que de proposer de nouvelles bases à la dialectologie et à la philologie.
Dees avait attaqué cet ambitieux projet de recherche, véritable travail d’Hercule, à
partir de trois axes, en premier lieu celui de la dialectologie, ensuite celui de la
stemmatologie et troisièmement par le biais de l’étude de la rime et de l’assonance.
Dans son admirable thèse de 1971 sur l’évolution des démonstratifs en ancien et
en moyen français, Dees avait démontré comment une recherche serrée fondée sur
l’utilisation extensive et précise des chartes peut nous renseigner sur la restructura-
tion d’une partie importante du système morphologique de la langue française. Sa
thèse fut très favorablement accueillie par la communauté scientifique – c’est ainsi
que W. Labov l’avait qualifiée de «brilliant monograph», contenant «perhaps the
most extensive use of quantitative analysis in historical linguistics». En fait, cet
ouvrage, le premier d’une longue série de travaux incontournables, développe déjà
l’essentiel du cadre méthodologique de Dees pour la reconstruction des variations
et les évolutions linguistiques du passé.
L’approche dialectologique de Dees se base – contrairement à la tradition acceptée
– sur l’utilisation des chartes, considérées comme le matériel linguistique de base le
plus fiable puisque l’origine et la date de production de ces documents originaux sont
connues. Après sa thèse, Dees, dorénavant à la tête d’une équipe de collaborateurs à
l’Université Libre d’Amsterdam, entama un vaste projet de compilation d’un corpus
informatisé de chartes françaises du XIIIe siècle. Un premier corpus de 3.300 chartes
datées et localisées a permis la réalisation d’un atlas dialectal publié en 1980: l’Atlas
des chartes, qui contient à peu près 300 cartes couvrant des traits linguistiques souvent
mal connus ou même ignorés jusqu’alors. La base des chartes fut ensuite complétée
et élargie de plusieurs façons. Elle accrut sa couverture de certains dialectes, tels que
les dialectes de l’Aube et du Hainaut, elle incorpora le dialecte anglo-normand qui
n’avait pas encore été abordé et, finalement, s’ouvrit sur le XIVe siècle pour la région
parisienne. Cette base reste une mine pour toute recherche dialectologique.
L’importance attribuée par Dees et son équipe aux chartes comme source de
connaissances de l’ancienne langue ne fut pas partagée par tous les chercheurs tra-

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NÉCROLOGIES 615

vaillant dans le domaine de la dialectologie médiévale. Si les idées de Dees surent


susciter l’enthousiasme chez un grand nombre de collègues et d’anciens élèves, elles
provoquèrent aussi des discussions et des échanges de points de vue parfois assez
aigres avec les chercheurs qui étaient en désaccord avec ses choix méthodologiques.
Ceux-ci minimisaient la valeur linguistique des chartes en insistant sur le fait qu’elles
se caractérisent par un langage figé, loin des habitudes de la langue de tous les jours.
En effet, dans les chartes, le vocabulaire est plus restreint et la gamme des construc-
tions plus limitée. Il est évident aussi que les chartes ne sont pas à considérer comme
des reflets fidèles des dialectes, mais les traits dialectaux qu’elles permettent de
dégager sont confirmés par le fait important qu’ils se retrouvent en grande partie
dans les cartes dialectales de Gilliéron et même dans les dialectes plus récents.
Quoiqu’elles soient des documents écrits, et, qu’en conséquence, elles ne reflètent
qu’imparfaitement ou même parfois incorrectement la langue parlée de l’époque, les
traits linguistiques qu’on peut entrevoir à travers les graphies forment de vraies
cartes dialectales, dans la mesure où la langue des chartes provenant de la même
région et de la même époque forme un tout relativement homogène. Ceci vaut pour
la graphie, pour la morphologie et même pour la syntaxe. Tel fut le point de départ
de la réflexion innovatrice de Dees.
L’analyse dialectale de l’ancienne langue, telle qu’elle était conçue par Dees, se
fait à partir d’un certain nombre de traits scripturaires considérés comme étant
propres ou “typiques” du système scripturaire régional considéré. Ces traits varient
suivant trois dimensions diasystémiques: espace, temps et genre de texte (voir Goebl
1988: 64). Le choix des chartes comme point de départ méthodologique permit à
Dees d’éviter deux interférences très gênantes pour la recherche en diachronie: la
superposition des couches distinctes dans les textes littéraires amenées par la
succession des copies et la variation stylistique des différents genres littéraires. Ainsi,
il put se concentrer sur l’identification des traits scripturaires régionaux, compris
comme des combinaisons spécifiques de traits, chacun de ces derniers pouvant cepen-
dant avoir un usage suprarégional, et ne pas être l’apanage d’une région détermi-
née. Comme le signale justement Lebsanft (1988: 151), Dees – en se fiant complète-
ment aux graphies des chartes – considéra les chartes comme les dialectologues
modernes considèrent leurs témoins. Mais ce point de vue est difficile à défendre,
dans la mesure où nous sommes mal renseignés sur l’activité et la formation de ceux
qui composaient les chartes. Aujourd’hui, les recherches continuent dans ce domaine,
avec une perception plus nuancée du langage des chartes (voir par exemple les
travaux de M.-D. Gleßgen).
Dees refusa de se servir du terme de scripta pour désigner l’ensemble des traits
scripturaires, car pour lui ce terme évoquait une conception anachronique selon
laquelle depuis le XIIIe siècle chacune des régions du nord de la France aurait eu
tendance à se forger une norme écrite régionale, soumise à l’influence du dialecte
francien. Cette conception de la notion de scripta que Dees trouvait par exemple
chez Remacle, était pourtant assez caricaturale et provoqua des réactions justifiées
dans la communauté scientifique, qui fut choquée par les formulations souvent peu
diplomatiques de Dees. Les divergences terminologiques ne recouvraient pourtant
pas nécessairement de réelles différences conceptuelles, elles n’incitèrent malheureu-
sement pas au développement d’échanges fructueux entre Dees et son équipe d’un
côté et les chercheurs travaillant différemment.

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616 NÉCROLOGIES

Dans un second temps, les données primaires des chartes servirent à déterminer
la provenance d’un grand nombre de textes littéraires, grâce à une comparaison
systématique des formes linguistiques de ces textes avec les formes étudiées dans
l’Atlas des chartes. Pour la dialectologie les résultats de cette entreprise permirent
d’élaborer l’Atlas des formes linguistiques des textes littéraires de l’ancien français, de
1987, qui fournit non seulement 517 cartes dialectales souvent complémentaires de
celles de l’Atlas des chartes, mais encore la localisation de 250 textes littéraires. Ce
projet de recherche très important rassemblait les deux domaines de prédilection de
Dees depuis les années 70: la dialectologie et la stemmatologie. En effet, son désir
était de pouvoir suivre le voyage d’un texte dans le temps et dans l’espace, et pour
cela, il lui fallait des connaissances précises non seulement sur la dialectologie de
l’ancienne langue mais aussi sur la transmission des textes.
Les recherches de Dees sur la stemmatologie prirent comme point de départ les
réflexions de Joseph Bédier, qui, en discutant le stemma des sept versions du Lai de
l’Ombre, avait proclamé l’impossibilité de reconstruire l’arbre généalogique du texte,
le nombre des constellations possibles étant peut-être infini. Dans son étude consa-
crée à ce sujet, A. Dees reprit l’analyse de Bédier pour prouver qu’il existait une
solution mathématique au problème. Étant donné que pour une tradition manuscrite
de sept versions il y a théoriquement 2.381.408 arbres possibles, il proposa de pro-
céder par étapes successives: c’est sa «théorie des niveaux discrets» (en anglais: «dis-
crete level theory»). Concrètement, il distingua au moins le niveau sous-jacent (où
sont rejetées les parentés impossibles), le niveau non orienté (qui fait entrer en ligne
de compte l’éventuelle intermédiarité des manuscrits), et le niveau orienté (réservé
à la détermination du point de suspension de l’arbre). C’est dans ce domaine que
Dees fut réellement le plus innovateur et ébranla le plus la tradition établie. Il
publia une série d’études qui provoquèrent bien des réactions et des discussions viru-
lentes. Dees travaillait encore sur les traditions manuscrites du Perceval et du Char-
roi de Nîmes lorsque la mort le surprit.
Le troisième volet de la recherche de Dees concernait l’étude des rimes et des
assonances. Ce projet est étroitement lié aux deux volets précédents. Pour les chartes,
Dees cherchait à reconstruire les prononciations régionales directement à partir des
graphies médiévales et des correspondances que l’on pouvait établir avec les dialectes
modernes des mêmes régions. L’interprétation phonétique des textes littéraires est
beaucoup plus complexe. On ne peut espérer trouver la prononciation d’un texte lit-
téraire que dans la mesure où la succession des copies a laissé un texte relativement
homogène du point de vue dialectal (ce qui est possible lorsque le dernier copiste a
retravaillé complètement le texte pour le conformer à son usage, ou qu’il a fait une
copie relativement fidèle d’une copie précédente elle-même dialectalement homogène,
et dans quelques autres cas encore). En comparant les graphies des formes lexicales
communes aux textes littéraires et aux chartes, on peut établir qu’un texte littéraire
est plus ou moins dialectalement homogène et de quelle tradition graphique régionale
il se rapproche le plus. Les 250 textes littéraires retenus pour l’Atlas des formes lin-
guistiques des textes littéraires sont ceux pour lesquels la concordance était suffisante
pour localiser l’usage dominant révélé par les graphies et ainsi extrapoler l’usage gra-
phique régional des formes lexicales peu ou pas attestées dans les chartes.
Pour les textes littéraires en vers, cependant, il a longtemps été reconnu que les
interventions des copistes étaient moindres pour les mots à la rime et qu’on pouvait

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NÉCROLOGIES 617

donc, avec une certaine marge d’erreur évaluable, retrouver la couche la plus
ancienne – celle de l’auteur – dans ces mots.
Dees continua donc sa recherche sur les textes littéraires en vers pour examiner
la distribution dialectale des terminaisons à la rime. Cette étude mènerait à identi-
fier les cas d’invariants, donc de stabilité phonétique et – plus intéressant encore –
à identifier les cas de variations locales. Ceux-ci sont donc censés refléter la pro-
nonciation locale. Dees n’eut pas le temps de terminer cette partie de sa recherche
par une publication faisant le point de ses réflexions.
Dees fut un chercheur visionnaire qui rompit avec la tradition de la philologie et
de la dialectologie diachronique, tout en proposant des méthodes pour renouveler
ces disciplines. Pendant toute sa carrière professionnelle, ses recherches empruntè-
rent des voies convergentes visant le même but, avec une rigueur et une détermina-
tion admirables. Ce fut un homme intransigeant, très exigeant envers lui-même et
envers les autres, mais aussi d’une générosité exemplaire envers ses très nombreux
collègues des Pays-Bas et de l’étranger qui venaient le consulter dans leurs
recherches. Il mit son savoir ainsi que sa précieuse base de données à la disposition
de tous, et tous ceux qui l’ont ainsi connu reconnaissent sa très grande influence sur
leurs travaux. On peut se référer à Reenen, P. Th. van & L. Schøsler (2000), qui
contient l’inventaire complet des recherches publiées jusqu’à l’an 2000 par Dees ou
qui ont été directement inspirées par sa recherche. L’influence de son œuvre restera
durable. Dans le domaine de la dialectologie, il désirait aussi pouvoir établir un pont
entre ses observations sur les dialectes médiévaux du français et celles des dialecto-
logues français du début du siècle dernier. À sa grande satisfaction cette recherche
est aujourd’hui entreprise par Yves Charles Morin à Montréal qu’il avait encouragé
dans cette voie. Les recherches de Dees sur la stemmatologie se poursuivent tou-
jours, surtout dans un cercle de collègues néerlandais. De tempérament sensible,
Dees s’est souvent senti blessé par l’incompréhension de chercheurs et par leur cri-
tique, parfois vive, de ses publications, qui rompaient avec la tradition établie. Une
autre source de déception fut de voir que l’œuvre à laquelle il avait voué sa vie pro-
fessionnelle n’a pas été poursuivie à l’Université Libre d’Amsterdam. Personne ne
fut nommé pour le remplacer, et sa banque de données ne fonctionne plus. Elle a
été partiellement transférée à d’autres institutions, à l’étranger, ce qui rend néan-
moins possible une utilisation future.
Lene SCHØSLER

Références

Dees, A. (1971), Étude sur l’évolution des démonstratifs en ancien et en moyen français,
Groningen, Wolters-Noordhoff.
Dees, A. et al. (1980), Atlas des formes et des constructions des chartes françaises du
13e siècle, Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, Band 178, Tübingen,
Max Niemeyer Verlag.
Dees, A. et al. (1987), Atlas des formes linguistiques des textes littéraires de I’ancien
français, Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, Band 212, Tübingen,
Max Niemeyer Verlag.

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618 NÉCROLOGIES

Dees, A. (1989): «La reconstruction de l’ancien français parlé», in Schouten


M. E. H. & P. Th. van Reenen (eds.) (1989), New methods in dialectology,
Dordrecht, Foris, pp. 125-133.
Goebl, H. (1988): «Analyse diatopique, diachronique et diatextuelle d’un trait scrip-
turaire normand (*aliore + s latin > aillours, etc.)», in Reenen & Reenen-Stein
(1988), pp. 63-75.
Lebsanft, F. (1988): Compte rendu de Dees 1987, Romanistisches Jahrbuch 39,
pp. 149-151.
Reenen, P. Th. van & K. van Reenen-Stein (1988), Distributions spatiales et tempo-
relles, constellations des manuscrits. Études de variation linguistique offertes
à Anthonij Dees à l’occasion de son 60e anniversaire, Benjamins, Amsterdam/
Philadelphia.
Reenen, P. Th. van & L. Schøsler (2000): “Corpus et stemma en ancien et en moyen
français. Bilan, résultats et perspectives des recherches à l’Université libre
d’Amsterdam et dans les institutions collaboratrices”, dans Buridant C. (éd.), Le
moyen français. Le traitement du texte, Presses universitaires de Strasbourg,
pp. 25-54.

Albert HENRY
(1910-2002)

Albert Henry nous a quittés le 22 février 2002. Il s’est éteint, dans la région nan-
céenne où il s’était retiré, chez sa fille, depuis presque deux ans. Avec lui, nous
avons perdu un des esprits les plus vigoureux de notre Société, qui eut le bonheur
de pouvoir se consacrer, jusqu’à ses dernières années, à ce qui fut la passion de sa
vie, la linguistique. La mort de sa femme, survenue en 2000, l’avait privé d’une de
ses raisons de vivre et depuis il attendait stoïquement d’aller la rejoindre. Beaucoup
d’entre nous ont pu encore le voir, en 1998, lors de notre Congrès de Bruxelles, où
il fut un président d’honneur à l’esprit toujours vif, qui nous avait accueillis en
commentant un poème du père Jean Guillaume, en wallon central, et plus précisé-
ment namurois, ce parler qui fut celui de son enfance et pour lequel il avait gardé
une tendresse toute particulière.
Il était né le 20 mars 1910 à Grand-Manil. Après des études brillantes de philo-
logie romane à l’Université de Bruxelles, c’est en tant que boursier de la Fondation
Universitaire qu’il vint à Paris de novembre 1934 à mai 1935. En ces quelques mois,
il se lia avec deux condisciples, G. Contini et G. Straka, d’une amitié qui se pour-
suivit fidèlement jusqu’à la mort de l’un et de l’autre. Paris fut une découverte extra-
ordinaire pour le jeune wallon, qui en même temps se servait de la clef du roma-
nisme pour se frotter au monde extérieur. Il fréquenta en élève appliqué les cours
de Bédier au Collège de France, de Millardet à la Sorbonne, de Brunel, de Bloch et
de Roques à l’École pratique des hautes études. C’est ce dernier qui lui fit la plus
forte impression; sous son influence, le romaniste généraliste, attiré principalement
vers le monde ibérique, qu’il était alors, se tourna vers l’ancien français avec son pre-
mier compte rendu, publié dans la Romania, celui de l’édition Hilka de Florimont.

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NÉCROLOGIES 619

Sa première édition d’un texte médiéval fut, en 1936, celle d’un poème en l’honneur
de la Vierge, conservé aux Archives de l’État à Namur; l’année suivante, son édi-
tion du Dit de Cointise marquait son entrée dans le monde littéraire arrageois. Aspi-
rant du FNRS depuis 1936, il était reparti de Paris avec un sujet d’édition, le Roman
du Hem de Sarrasin, qui lui valut, en avril 1938, le titre d’élève diplômé de la Sec-
tion d’histoire et de philologie de l’École pratique des hautes études et qui parut à
Bruxelles en 1939, dans les Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres. Il est
piquant de noter qu’à quelques années de distance, il rivalisait ainsi avec son aîné
liégeois, M. Delbouille, qui avait publié en 1932, à Liège, Le Tournoi de Chauvency
de Jacques Bretel, texte tout à fait voisin, postérieur de quelques années mais d’une
qualité littéraire bien supérieure. La comparaison des deux éditions montre que
Henry avait pris comme référence le travail de Delbouille; ce fut d’ailleurs un trait
des plus constants chez lui que ce désir d’émulation qui l’amenait à la joute intel-
lectuelle avec autrui et nous le retrouverons plus tard avec Pottier, Rychner et dans
les éditions remaniées de ses œuvres où il entame souvent le dialogue avec les recen-
seurs de la version précédente. Dans ces années aussi, il exerçait son esprit critique
dans de nombreux comptes rendus sur des sujets très variés. On remarquera égale-
ment les nécrologies de deux Maîtres, très dissemblables, mais dont il se sentait le
disciple, Meyer-Lübke et Brunot. Il eut encore le temps, avant de partir sous les dra-
peaux en septembre 1938, de donner une anthologie de textes wallons anciens et
modernes, publiée à Modène en 1940. On imagine sans peine la rupture que provo-
qua, dans cet esprit habitué à l’effort philologique et linguistique sur les textes, la
détention dans un camp de prisonniers au nord de l’Allemagne de 1940 à 1945. Il
nous en est resté le fameux article consacré à choubinette «petit réchaud à papier»,
qui partant d’une description précise du style Wörter und Sachen, combine étude
étymologique et historique, enquête auprès de témoins, analyse sémantique, étude
des dérivations morphologiques et sémantiques, en appelant à la rescousse Miglio-
rini, Bréal, Bally, Spitzer, etc.
À sa libération, il est nommé professeur à l’Université de Gand, où il côtoie De
Poerck. Il reprend la publication de courts articles et de comptes rendus, tout en
s’engageant dans une œuvre de longue haleine, la publication des œuvres d’Adenet.
Il s’intéressait depuis 1937 à ce poète qui, venu de Flandre, avait lui aussi été ébloui
par Paris et par la France. C’est que Henry ne limite pas l’horizon du texte au seul
travail des copistes; il veut rentrer en contact avec l’auteur lui-même et le choix
d’Adenet est lié au fait qu’il s’agit peut-être du premier homme de lettres de la lit-
térature française, sur lequel nous avons des documents précis concernant ses acti-
vités. Dans la même optique, il publie, en 1948, dans la collection de l’Université de
Gand, l’œuvre lyrique du premier protecteur d’Adenet, Henri III, duc de Brabant,
histoire de mieux cerner le milieu où a d’abord évolué le trouvère. En 1951, paraît
dans la même collection le tome premier des Œuvres d’Adenet; c’est le début d’une
entreprise qui s’acheva 20 ans plus tard avec les 815 pages du cinquième tome,
consacré au chef-d’œuvre du trouvère, son Cleomadés. Grâce à lui et à son mer-
veilleux cheval, nous pouvons tous voyager des Mille et une Nuits à Don Quichotte
et nous réveiller en Toscane, à Séville, à Salerne, en Grèce et dans bien d’autres
contrées. Entre-temps, A. Henry avait lui-même voyagé et il avait transporté son
Adenet de l’Université de Gand à celle de Bruxelles, où il fut nommé professeur de
philologie romane en 1958, en le publiant dans la collection où il avait déjà donné
son Roman du Hem. Ce qu’on retiendra de sa méthode d’éditeur, c’est son pragma-

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620 NÉCROLOGIES

tisme. Ayant commencé son travail avant guerre en pleine période bédiériste, il ne
s’enferme pas dans ce carcan étroit – peut-être sous l’influence de Contini –, et
cherche à appliquer la méthode opposée, celle de dom Quentin, qu’il suit dans sa
première opération, mais qu’il renonce à mettre en œuvre dans son aspect méca-
nique; reprenant ensuite son travail en pleine phase d’effervescence théorique des
années 1947-1950, il met au point sa propre voie: «Sans vouloir absolument chercher
un stemma, tout en espérant toujours le ‘trouver’, nous avons, sans idée préconçue,
poussé aussi loin que possible, sous tous les aspects, l’examen comparatif des manus-
crits, en tirant parti de toutes les expériences et en essayant de contrôler une
démarche par une autre». Ainsi pour le Cleomadés, il ne retient au terme d’une ana-
lyse serrée que trois mss; il choisit A comme ms. de base mais donne la totalité des
variantes, même seulement graphiques, de G, qui aurait pu constituer aussi le ms. de
base, ainsi que les variantes importantes de Y, très tardif, et il n’hésite pas à corri-
ger A, s’il donne un texte inférieur à l’accord des deux autres. Mais il n’était pas
homme à se contenter d’être l’éditeur, même définitif, des œuvres d’Adenet.
Avec la même régularité, il continue à produire des articles sur des sujets très
divers, des notules et des comptes rendus ainsi qu’un ouvrage sur Langage et poésie
chez Paul Valéry en 1952 et sa très remarquable Chrestomathie de la littérature fran-
çaise en ancien français en 1953, qui a été le bréviaire de générations d’étudiants au
temps où n’existait pas la photocopie. Cette Chrestomathie venait prendre le relais
de celle de Bartsch-Wiese, en donnant des introductions littéraires et codicologiques
brèves mais denses et en fournissant des apparats critiques allégés par rapport au
modèle lachmanien de sa devancière. Il s’agissait selon ses propres mots «de faire
une chrestomathie de caractère en même temps littéraire et philologique». À mon
avis, elle n’a pas été remplacée et, même si l’on peut penser qu’elle a vieilli dans sa
conception pédagogique, elle reste un excellent outil de travail qui mérite toujours
d’être placé à portée de main dans l’établi du médiéviste, par la variété des textes
utilisés, la qualité des introductions, des notes et du glossaire. En 1958, il publie Les
grands poèmes andalous de Federico Garcia Lorca, avec textes et traductions, études
et notes.
En 1960, il réunit des articles antérieurs, remaniés et accompagnés d’index excel-
lents, dans deux volumes. L’un, Études de lexicologie française et gallo-romane,
constitue un de ses maîtres livres. Nous avons là un véritable manuel de lexicologie
française (avec sa conclusion, l’article de 1972, Études de lexicologie française et
gallo-romane, Lexicologie géographique et ancienne langue d’oïl) qui a conservé et
qui conservera longtemps encore toute sa valeur; cette association des méthodes de
la philologie la plus scrupuleuse et de la dialectologie la plus largement ouverte sur
l’ensemble du domaine roman, qui constituait alors une profonde innovation, admi-
nistre la preuve de sa parfaite efficacité, quand il s’agit, dans un mouvement perpé-
tuellement dialectique, d’«éclairer le passé par le présent, l’histoire par la géographie,
et réciproquement». L’autre, Études de syntaxe expressive (ancien français et français
moderne), plus original, car à cheval sur les domaines de la linguistique et de la
stylistique et qui eut 24 comptes rendus, a bénéficié d’une seconde édition en 1974,
enrichie en appendice de discussions avec les critiques formulées, en particulier celles
de Pottier sur le commensuratif.
Toujours en quête d’auteur, il rencontre Jehan Bodel. Celui-là, il est de la trempe
des poètes qu’il apprécie et sur lesquels il a écrit, les Valéry, les Rimbaud, les Saint-

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NÉCROLOGIES 621

John Perse! Écoutons-le à propos du Jeu de saint Nicolas: «Ce qui compte c’est que
Jehan Bodel s’est montré un véritable homme de théâtre et un écrivain doué, parti-
culièrement sensible aux ressources stylistiques de la langue de son temps: le créa-
teur, c’est là qu’il faut le chercher». Il s’agit d’une édition majeure, qui fut constam-
ment remise sur le métier entre 19621 et 19803 et qui marquera à jamais un moment
capital dans la lecture du Jeu. D’autres éditions la remplaceront sur les rayons des
libraires, auront d’autres points de vue et même certaines la dépasseront sur certains
aspects, mais les érudits savent qu’ils devront toujours s’y référer car ils y trouveront
des éléments de réponse aux questions qu’ils se poseront. Il est sûr qu’elle peut
encore servir de modèle à qui voudrait éditer de façon magistrale un de ces textes
importants et difficiles de notre littérature médiévale, comme Le Jeu de la Feuillée
ou Le Garçon et l’Aveugle.
Et l’artisan continue inlassablement le travail quotidien; articles, notules et
comptes rendus en témoignent. Pour se délasser il écrit un essai sur Amers de Saint-
John Perse: une poésie du mouvement. Vient alors le moment de se ressourcer. Dans
un moment particulièrement éprouvant, en captivité dans la plaine baltique, il a
trouvé l’apaisement auprès de la terre natale, en composant un essai, Offrande
Wallonne, publié en 1946. C’est maintenant la Wallonie qui souffre, et Henry ressent
la nécessité de lui dire son amour autrement qu’en en faisant une matière d’étude
linguistique. À Uccle, en septembre 1964, il prononce le discours de clôture de la
cérémonie traditionnelle de l’Hommage à la Terre Wallonne qu’il termine ainsi: «Au
lieu d’un hommage, je fais un serment: c’est de tout mettre en œuvre pour défendre,
maintenir et, si possible, illustrer ma langue, ma culture et toutes les valeurs univer-
selles et humaines qu’elles impliquent». Et pour illustrer sa culture, il publie, en
1965, Wallon et Wallonie: esquisse d’une histoire sémantique, qui deviendra en 1972,
dans une édition augmentée, Esquisse d’une histoire des mots Wallon et Wallonie. En
1968, il revient à la syntaxe avec un ouvrage intitulé drôlement, en hommage à
Saint-John Perse, C’était il y a des lunes. Étude de syntaxe française, où il examine
complètement les caractéristiques du tour il y a temporel, sans négliger l’histoire et
le comparatisme roman, à l’aide d’une extraordinaire collection d’exemples. En 1971,
dans Métonymie et métaphore, il cherche d’abord à découvrir ce que recouvrent
exactement ces deux termes clefs de la rhétorique, très en vogue alors chez les sty-
listiciens et les lexicographes, et ensuite à explorer le rôle de la métaphore dans
l’œuvre elle-même, ici c’est Hugo qui est abondamment convoqué.
Dans son travail de philologue médiéviste, Henry s’était essentiellement consacré
aux 12e et 13e siècles. Certes on note une édition d’un poème trilingue de Jean
de Stavelot, un wallon, en 1937, une étude de quelques mots difficiles dans les
Chroniques de Molinet, en 1939, une édition d’un poème d’Oton de Grandson, en
1952, des matériaux lexicographiques extraits de l’Ovide Moralisé en prose du
15e s., en 1956. Il faut attendre 1966 pour le voir aborder, dans un article de deux
pages en hommage à I. Siciliano, un passage du Testament de Villon. Quelques
années plus tard, il se lie d’amitié avec J. Rychner, qui est, lui, parti du 15e s. pour
remonter le temps. Ces deux hommes, attachés à leur terroir hors de l’Hexagone, et
qui sont restés insensibles aux sirènes du bédiérisme, conjuguent des qualités com-
plémentaires. Rychner, chartiste de formation, s’intéresse au premier chef à la récep-
tion des œuvres; Henry se concentre davantage sur le talent de l’écrivain. Ils se
rencontrent pour penser que le travail de l’éditeur ne se limite pas à établir méca-

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622 NÉCROLOGIES

niquement un texte mais qu’il doit ouvrir toute la palette des investigations possibles
et les confronter. Henry nous a laissé un témoignage sur leur comportement: «Les
deux collaborateurs, unis dans l’admiration questionneuse du Testament, n’étaient
certes pas des frères jumeaux: l’un, dans ses premières réactions, du moins, était plus
immédiat, plus naïvement intuitif, plus dangereusement imaginatif; l’autre [c’est de
lui qu’il s’agit], toujours sur ses gardes, soucieux de ne pas se laisser séduire incon-
sidérément, préoccupé avant tout de bien distinguer ce qui était raisonnablement sûr
de ce qui était hypothèse, ou impression, ou rêve». Ils ont fourni en 5 volumes, de
1974 à 1985, l’édition de référence des œuvres de Villon, celle à laquelle il faut tou-
jours revenir même pour aller plus loin, tant elle a marqué un tournant dans l’his-
toire du texte de Villon.
Les années suivantes sont davantage consacrées à Saint-John Perse. Mais l’ancien
français reste toujours présent dans ses préoccupations par un texte dont il avait déjà
inséré un extrait dans sa Chrestomathie de 1953, la traduction wallonne des Sermons
de saint Bernard, à laquelle il consacra toute une série d’articles remarquables jus-
qu’en 1995. Son dernier livre, paru en 1996, Langage œnologique en langue d’oïl
(XIIe-XVe s.), est un monument longuement mûri (sans doute plus de 20 ans), qui
réunit un choix bien représentatif de textes très divers et des commentaires lexico-
graphiques d’une sûreté admirable. Quelques articles encore, dont le dernier paru,
en 1999, commence ainsi:
«En novembre 1934 – il y a plus d’un demi-siècle! – trois jeunes boursiers se
rencontraient à Paris dans les locaux de l’École pratique des hautes études de la
Sorbonne. L’un venait de l’est, Georges Straka; l’autre du sud, Gianfranco Contini,
un troisième, le moins dégrossi, quoique géographiquement le plus proche de l’Ile-
de-France, n’avait guère quitté son village natal wallon, quelque part vers le nord».
La boucle était bouclée!
Un tel parcours reçut des honneurs mérités: il fut élu, en 1962, correspondant
puis, en 1968, membre de la Classe des Lettres de l’Académie Royale de Belgique
et il remplit pleinement son rôle d’académicien, par sa présence, par ses interven-
tions et par ses publications. Pour son soixantième anniversaire, il lui fut offert un
beau volume des TraLiLi. À l’occasion de son départ à la retraite, en 1977, on a
réuni, sous le titre Automne, un choix des articles qu’il estimait les plus représenta-
tifs de ses préoccupations. Il fut professeur invité ou associé à Strasbourg, à Bonn,
à Québec, à la Sorbonne, à la Yale University. Il donna des conférences dans
diverses universités de France, d’Italie, d’Allemagne et de Suisse.
Il participa activement à la vie de notre Société. Membre du Bureau en 1977-
1983, membre d’honneur depuis 1983, il était assidu à nos Congrès au cours desquels
il était d’un abord facile, en particulier dans les couloirs où il aimait flâner entre
deux communications; nombre d’entre nous se souviennent de l’indulgence avec
laquelle il accueillait les débutants. Il a donné à la Revue des articles très variés; j’en
ai compté 12 (entre 1960 et 1997), qui sont parmi les meilleurs que nous ayons
publiés. Il nous faisait, en outre, l’honneur de lire attentivement chaque fascicule.
Il avait l’art de la mise en scène. Ses communications dans les colloques étaient
soignées dans leur présentation orale, avec ces rebondissements dont il était friand
et qui se retrouvent aussi dans le cours de maints articles. Il fut un professeur
admiré, qui sut communiquer à ses étudiants sa passion pour les recherches intel-

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NÉCROLOGIES 623

lectuelles. Il maniait aussi l’humour, mais sans méchanceté. En témoigne ce type de


remerciements que l’on trouve plusieurs fois à la fin de ses préfaces: «Je ne peux
plus vraiment revendiquer que les insuffisances et les erreurs qui subsistent dans
l’ouvrage».
Mais il était intraitable sur la question de la défense du français; ce fut encore
le sujet de sa dernière intervention à l’Académie Royale de Belgique, prononcée et
publiée en 1999. Pessimiste de nature, il disait, et pensait aussi sans doute, qu’il
s’agissait d’un combat perdu. Mais à son gré, les Français manquaient singulièrement
de vigueur dans la sauvegarde de leur culture. Le mouvement québécois et «une
certaine idée de la France» furent des idées qu’il comprenait, non par un esprit de
clocher qui ne l’a jamais effleuré, mais parce qu’il était profondément persuadé que
la France et le français (dont le wallon est un élément important) ont produit au
cours des siècles des valeurs universelles qui ont encore à parler aux hommes, et de
préférence en français!
Gilles ROQUES

Ernest NÈGRE
(1907-2000)
Le chanoine Ernest Nègre nous a quittés le 16 avril 2000. Né à Saint-Julien de
Gaulène dans le nord de l’Albigeois le 1er octobre 1907, il apprit le français sur les
bancs de l’école communale. Professeur au séminaire de Valence d’Albigeois puis de
Saint-Sulpice-la-Pointe, il poursuit ses études à l’Institut Catholique de Toulouse et
à l’Université de Toulouse où il rencontre d’abord Joseph Anglade puis Jean Séguy.
Il acquiert une solide formation classique, latin, grec, ancien français, phonétique
historique.
La rencontre avec Séguy est décisive quant à l’orientation de sa carrière. C’est
sous sa direction qu’il rédige sa thèse Toponymie du canton de Rabastens – il a déjà
publié Les Noms de lieux du Tarn. La Toponymie du canton de Rabastens est la
grande œuvre d’Ernest Nègre tant par la conception du travail scientifique qu’il éla-
bore que par le fait qu’elle est encore aujourd’hui l’ouvrage de référence pour la
recherche onomastique en domaine d’oc. La Toponymie du canton de Rabastens
représente l’esprit même de Nègre qui organise son travail autour de trois impéra-
tifs auxquels il ne dérogera jamais: la notation phonétique des toponymes recueillis
auprès des autochtones, la recherche des attestations anciennes et la vérification sur
le terrain de la présence de l’adéquation du référent à l’étymon proposé. Puis vien-
dront Les Noms de lieux en France et la Toponymie Générale de la France, monu-
mental répertoire de 35.000 noms de lieux de France.
Pour Ernest Nègre la linguistique et en particulier la phonétique historique est
la base de toute approche en onomastique. Le discours linguistique s’appuiera sur les
attestations des formes anciennes. La rigueur scientifique d’Ernest Nègre n’est
qu’une des facettes de la rigueur de l’homme même si celui-ci savait souvent faire
preuve d’humour. Humour qu’il saura dispenser dans les Contes de Gaulena, humour
avec lequel il traitera les thèses sur le pré indo-européen dont il se méfie. «Rien ne
peut être avancé sans preuve, tout doit être vérifié scrupuleusement.» S’il reconnaît

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624 NÉCROLOGIES

l’existence de racines pré-indo-européennes il regrette fort que l’on ne commence


pas par étudier les langues pré-celtiques.
Ernest Nègre nous a légué une œuvre considérable. Sur 170 publications, 80 sont
consacrées à la toponymie. Il nous a laissé également deux remarquables éditions
avec traduction, notes et commentaires – celles d’Auger Gaillard et de Mathieu
Blouin – qui sont les meilleures éditions scientifiques de ces deux auteurs du
baroque occitan. Et c’est avec la même rigueur qu’Ernest Nègre, romaniste, a tra-
vaillé sur la suffixation ou sur l’accentuation graphique dans la morphologie verbale
de l’occitan moderne. La bibliographie que nous avons dressée témoigne de la diver-
sité des champs d’investigation d’Ernest Nègre. Il fut le plus grand toponymiste du
domaine occitan après la mort d’Albert Dauzat, un linguiste, un lecteur attentif des
troubadours, un éditeur – il est le responsable des dernières éditions de la grammaire
de Salvat et des lexiques de Roger Barthes – et un conteur.
Un colloque s’est tenu en octobre 2001 dans le village natal d’Ernest Nègre,
Saint-Julien de Gaulène, Tarn. Quatre communications ont été présentées. Jacques
Taupiac présenta le professeur que fut Nègre et sa longue carrière à l’Institut Catho-
lique de Toulouse; Jòrdi Passerat présenta le travail d’édition des œuvres d’Augier
Gaillard et de Mathieu Blouin, deux auteurs occitans du XVIe siècle; Jean Thomas
dressa un état des travaux du toponymiste et Jean Fourié s’intéressa au directeur du
Collège d’Occitanie et de la revue Lo Gai Saber. Ces actes, comprenant un portrait,
deux inédits et une bibliographie complète, doivent paraître dès cet hiver aux
éditions Vent Terral.
Enfin, nous garderons le souvenir de ce Maître ès jeux floraux et membre de
l’Institut d’Études Occitanes qui fut le successeur de l’abbé Joseph Salvat comme
directeur de la revue littéraire Lo Gai Saber et directeur du Collège d’Occitanie au
sein duquel il dispensa, de nombreuses années durant, un cours de langue et littéra-
ture occitanes.
Jean THOMAS

Bibliographie sélective(1)

1952, Les finales -os dans le Tarn, Revue Internationale d’Onomastique.


1954, Les Noms de Lieux du Tarn, chez l’Auteur.
1955, En et Na honorifiques au début des noms de lieux du Sud-Ouest, Bulletin
Philologique & Historique.
1955, Les noms de lieux du Sud-Ouest commençant par En, Lo Gai Saber.
1956, Les Noms de personnes à Rabastens (Tarn), Revue Internationale d’Onomas-
tique.
1956, Rectification concernant l’A.L.F.: Valdériès (Tarn), Revue des Langues Romanes.
1958, À propos de Caramancio - Carmaux, IIe Congrès langue et littérature du Midi
de la France, 1961.

(1) Vu l’abondance de la production d’Ernest Nègre, nous ne présentons ici qu’une


bibliographie sélective, allégée de surcroît des indications de tomes et de pages que
l’on trouvera dans la bibliographie complète, établie pour les Actes du colloque.

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NÉCROLOGIES 625

1959, Le livre de l’Arc, [...] polycopié, Archives du Tarn, Albi.


1959, Les Noms de Lieux du Tarn, Ed. D’Artrey, Paris.
1959, Saint-Didier et l’Albigeois, Revue du Tarn.
1959, Toponymie du Canton de Rabastens, Ed.D’Artrey.
1960, «CR de Åke Grafström», Revue du Tarn.
1960, Les origines d’Auger Gaillard, Revue du Tarn.
1960, Toponymie albigeoise d’après la vie de Saint-Didier, Les Annales du Midi.
1961, Albi & Albigeois, Revue Internationale d’Onomastique.
1961, Le mythe d’Obrege, Les Annales du Midi.
1961, Les divers aspects du suff. -anum dans la toponymie languedocienne, Revue
Internationale d’Onomastique.
1961, Mélanges Frank et Congrès d’Avignon, Lo Gai Saber.
1962, «CR de Hamlin» Le suff. -acum dans la toponymie de l’Hérault, Les Annales
du Midi.
1962, Le livre de l’Arc de Rabastens, Les Annales du Midi.
1963, La vie agitée d’Auger Gaillard, Revue de Langue et Littérature d’Oc.
1963, Les Noms de lieux en France, Armand Colin.
1963, La vie agitée d’Auger Gaillard, Écho de Rabastens.
1964, «CR Dauzat et Rostaing», Dictionnaire des Noms de Lieux en France, Les
Annales du Midi.
1964, «CR de Cambell», Vies occitanes de St-Auzias et Ste-Dauphine, Revue d’His-
toire Ecclésiastique.
1964, Problèmes de francisation, Revue Internationale d’Onomastique.
1964, Traits caractéristiques de l’Albigeois, Revue de Linguistique Romane.
1965, «CR de J. Linskill», The Poems of the Troubadour R. de Vaqueiras, Les
Annales du Midi.
1965, «CR de Peter Ricketts», Les poésies de Guilhem Montanhagol, Les Annales
du Midi.
1965, «CR de S. Pellegrini», Studi rolandiani e trobadorici, Les Annales du Midi.
1965, «CR de Moreu-Rey», Els noms de lloc, introducció a la toponimia, Les
Annales du Midi.
1965, Le suff. -anicum en pays d’oc, Revue Internationale d’Onomastique.
1965, Le traitement -anu, -ane > -o , Xe Congrès International de Linguistique &
Philologie Romanes.
1966, Évolution de /l/ intervocalique et implosif à la limite de l’Albigeois et du
Rouergue, Mélanges Mgr Gardette.
1968, À propos du nom d’Albi, Le Tarn Libre du 26/01.
1968, Berniquaut - Verdun, Revue du Tarn.
1968, «CR de F. Garavini», L’empèri dòu soulèu, la regione dialettale nella Francia
d’oc, Les Annales du Midi.
1968, «CR de Hamlin, Ricketts, Hathaway», Introduction à l’étude de l’ancien
provençal, textes d’études, Les Annales du Midi.

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626 NÉCROLOGIES

1968, Le Congrès de Bucarest, Lo Gai Saber.


1968, Le mystère des derniers ouvrages d’Auger Gaillard, Annales de l’I.E.O.
1968, Une aire de rhotacisme en Rouergue et Albigeois, XI Congreso Internacional
de Lingüística y Filología Románicas.
1969, «CR de C. Anatole», Suzon de Terson, Poésies diverses, Les Annales du Midi.
1969, En «Monsieur» et Na «Madame» dans la toponymie du S.-O. de la France,
IXe Congrès International d’Onomastique 1966.
1969, Les divers aspects de podium dans la toponymie de la France, Xe Congrès
International d’Onomastique.
1969, Quelques lignes sur La Lèze, Les Annales du Midi.
1969, Sor et Sorèze, Revue Internationale d’Onomastique.
1969, Un Verdun oublié à Sorèze (Tarn), Revue Internationale d’Onomastique.
1970, Auger Gaillard, Œuvres complètes, PUF / IEO.
1971, À Québec, XIIe congrès de linguistique romane, Lo Gai Saber.
1971, Aux origines de Castres, Revue Internationale d’Onomastique.
1971, Concordances entre gascon et languedocien, Les dialectes romans de France,
CNRS N° 930.
1971, L’œuvre d’Auger Gaillard, VIe Congrès Langue et Littérature d’oc.
1971, Les œuvres d’Auger Gaillard, Mélanges Jean Boutière.
1971, Origine de l’article et pronom toulousain /le/, XIIè Congres Internacional de
Linguistica y Filologia Romanica.
1972, Auger Gaillard et Gaillac, Millénaire de Gaillac, s.l., s.d.
1972, Les Noms de Lieux du Tarn, Ed. D’Artrey.
1972, Séjours d’Auger Gaillard à Montauban, XXVIIe Congrès des Sociétés acadé-
miques et savantes.
1972, Un exemple de toponymie dialectale: Le Puy, Le Puech, etc., en France, Revue
Internationale d’Onomastique.
1973, Bibliografia del Canonge Salvat, Lo Gai Saber.
1973, Gustave Farenc, Flore Occitane du Tarn, Cap e Cap.
1973, Le Chanoine Joseph Salvat, nécrologie, Revue de Linguistique Romane.
1974, À propos du loup en toponymie, Revue des Langues Romanes.
1974, «CR Joan Coromines». Du nouveau sur la toponymie occitane, Revue Interna-
tionale d’Onomastique.
1974, Joseph Salvat, Le poète A. Fourès, Collège d’Occitanie.
1974, Origine de l’article et pronom toulousain /le/, Ve Congrès de Langue et littéra-
ture d’Oc.
1974, Système verbal en Albigeois au XVIe siècle, Revue de Linguistique Romane.
1975, Du nouveau sur Tulle, Revue Internationale d’Onomastique.
1976, Le dialecte de la Chanson de sainte Foy, XIIIe Congrès international de
linguistique romane.
1976, Mathieu Blouin, les troubles à Gaillac, Collège d’Occitanie.
1977, Combats de rues à Gaillac, Revue du Tarn.

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NÉCROLOGIES 627

1977, Les Noms de lieux en France, Ed. D’Artrey.


1977, Mathieu Blouin, poète occitan du XVIe siècle, Revue des Langues Romanes.
1978, De Tutela à Tulle, XIIe Congrès International d’Onomastique, 1975.
1978, En complément à un terroir viticole, L’Écho de Rabastens.
1978, L’article et pronom toulousain le, Mélanges Ch. Camproux.
1981, Toponymie du canton de Rabastens, 2e éd., Collège d’Occitanie.
1982, «CR de Mircea Homorodeam», Revue des Langues Romanes.
1982, De Montpellier au Férétra, Onomata.
1982, L’hydronyme Alzonne en France, Hommages Hubschmid.
1983, «CR Adellach Baro...». Les Valls d’Andorra, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1983, Toponymie du buis en France, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1984, Études de linguistique romane et de toponymie, Collège d’Occitanie.
1984, Garric, Garrigue, Jarrie dans la toponymie de la France, Colloque Société
Française d’Onomastique.
1984, Les noms de lieux Combres, Combret, Combrailles en France, Nouvelle Revue
d’Onomastique.
1984, Roger Barthe, Lexique français-occitan, 2e éd., Collège d’Occitanie.
1984, Roger Barthe, Lexique français-occitan, 3e éd., Collège d’Occitanie.
1985, «CR G. Taverdet». Les noms de lieux de Bourgogne, Revue de Linguistique
Romane.
1985, Deux arbustes de la toponymie de la France, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1985, Le toponyme Bouleau en France, Mélanges Skok, Zagreb.
1985, Les divers aspects du suff. -ing, -ingos dans la toponymie de la France,
Colloque Société Française d’Onomastique.
1986, Le chêne dans la toponymie de la France, XVIIe Congrès International de
Linguistique et Philologie Romanes.
1986, Le gaulois -ialo en France, Mélanges R. Sindou.
1986, Le nom de lieu Marcasius, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1986, Les Noms de lieux du Tarn, Eché.
1987, Cambon, Chambon en France, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1987, Du nouveau sur Bouris, com. de Saussenac (Tarn), Revue du Tarn.
1987, Le Férétra, L’Auta.
1987, Toponymie du châtaignier en France, Ier Congrès de l’Association Internationale
d’Études Occitanes - Southampton.
1987, Toponymie du hêtre en France, Nouvelle Revue d’Onomastique.
1988, Des Pyrénées à Grenoble, Onomata.
1989, Les toponymes Marais, Marchais, Margastaut en France, XVIIIe Congrès Inter-
national de Linguistique et Philologie Romanes.
1989, Oratorium et Monasterium dans la toponymie de la France, Mélanges G. Gasca
Queirazza.

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628 NÉCROLOGIES

1991, Toponymie Générale de la France, 3 vol., Droz.


1991, Un refrain en langue d’oc, Revue de Linguistique Romane.
1992, Contes de Gaulena, Collège d’Occitani et éditions Vent Terral.
1993, Roger Barthe, Lexique français-occitan, 4e éd., Collège d’Occitanie.
1996, Cantayrac serait-il Uxellodunum, Bulletin de Littérature Ecclésiastique.
1996, La cuèissa de Foleta. Contes de Gaulena, Lo Gai Saber.
1996, Quelques toponymes toulousains, L’Auta.
1997, Errata à Auger Gaillard, Œuvres Complètes, s.l., s.d.
1997, Le Férétra, Le Bazacle, L’Auta.
1997, Place Stes-Scarbes; Cuisines (St-Pierre des); Basse Cambe, L’Auta.
1998, Du nouveau sur Albi, Revue du Tarn.
1998, Errata et Addenda à la Toponymie Générale de la France, Droz.

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CHRONIQUE

COLLOQUE INTERNATIONAL
SUR
LA TRANSMISSION DES SAVOIRS
DU XIIE AU XVIE SIÈCLE

L’équipe Poétique des Genres et Spiritualité de l’Université de Franche-


Comté et le Centre d’Études supérieures de la Renaissance de l’Université
François Rabelais de Tours organisent, du 24 au 29 mars 2003, un colloque
international sur La transmission des savoirs du XIIe au XVIe siècle.
Il se déroulera sur deux sites: à Besançon du 24 au 26 mars et à
Tours du 27 au 29 mars.
Les organisateurs annoncent le programme suivant:

LUNDI 24 MARS (XIIE-XVE SIÈCLES)

13.30 Ouverture du colloque à l’université de Besançon

RELIGION
14.00 Gilles ECKARD, Université de Neuchâtel (Suisse),
«Traduction et adaptation en vers français d’un traité moral et recueil d’exem-
pla du XIIe siècle: la Disciplina Clericalis de Pierre Alphonse et le Chastoie-
ment d’un père à son fils»
14.30 Jean-Marie FRITZ, Université de Bourgogne
«Translatio et Vitae Philosophorum au Moyen Âge»
15.00 Denis HÜE, Université de Rennes
«Bestiaire et culte marial: entre tradition patristique et vocation encyclopé-
dique»
15.30 Pause
16.00 Geneviève HASENOHR, École pratique des Hautes Études
«Un Ars bene vivendi comme Ars bene scribendi dans l’Angleterre du XVe siècle»
16.30 Julia SZIRMAI, Université de Leiden (Pays-Bas)
«La transmission de l’Aurora de Petrus Riga dans un fragment biblique du
XIVe siècle»
17.00 Marie-Geneviève GROSSEL, Université de Valenciennes
«Une pédagogie de la sagesse?: la traduction romane des Vitae Patrum pour
la comtesse de Champagne Blanche de Navarre (ca 1210/1220)»

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630 CHRONIQUE

MARDI 25 MARS

LANGUES ET TRANSLATION DES SAVOIRS

9.00 Frédéric DUVAL, Université de Metz


«Glossaires et histoire romaine en français: des Fets des Romains à Jean Miélot»
9.30 Danièle JAMES-RAOUL, Université Paris IV-Sorbonne
«Les arts poétiques des XIIe et XIIIe siècles face à la rhétorique cicéronienne:
originalités et nouveautés»
10.00 Pieter DE LEEMANS et Michèle GOYENS, Université de Leuven (Belgique)
«La transmission des savoirs en passant par trois langues: le cas des Proble-
mata d’Aristote traduits en latin et en moyen français»
10.30 Pause
11.00 Françoise VIEILLIARD, École Nationale des Chartes
«La transmission des auteurs anciens dans les traductions du XIIIe au XVe siè-
cle. Bilan provisoire d’un inventaire»
11.30 Christine FERLAMPIN-ACHER, Université de Rennes 2
«La vulgarisation du savoir encyclopédique dans les romans des XIIIe et
XIVe siècles»
12.00 Joëlle DUCOS, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3
«La glose scientifique comme transmission du savoir»

* * *

15.00 Francine MORA, Université de Versailles (Saint-Quentin-en-Yvelines)


«Modalités et fonctions de la transmission des savoirs dans le Commentaire
sur l’Énéide attribué à Bernard Silvestre»
15.30 Valérie GALENT-FASSEUR, Université d’Avignon
«Incarner le savoir. L’érotisme didactique de Jean de Meun»
16.00 Pause
16.30 Catherine CROIZY-NAQUET. Université Charles-de-Gaulle, Lille III
«La traduction du Romuleon de Sébastien Mamerot ou la transmission du
savoir antique au XVe siècle»
17.00 Annie COMBES, Université de Nantes
«Le Livre du Trésor: discours de savoir, discours de vérité»
17.30 Joachim LEEKER, Université de Chemnitz (Allemagne)
«Formes médiévales de la vénération de l’Antiquité»

MERCREDI 26 MARS

9.00 Jean-Yves TILLIETTE, Université de Genève


«L’organisation des savoirs au XIIe siècle d’après la littérature encyclopédique,
d’Honorius Augustodunensis à Alexandre Neckham»

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CHRONIQUE 631

9.30 Richard TRACHSLER, Université de la Sorbonne, Paris IV, et Gabriella


PARUSSA, Université François Rabelais de Tours
«Regards dans quelques ateliers de production de livres au XVe siècle.
Quelques copistes vernaculaires au travail»
10.00 David TROTTER, University of Wales, Aberystwyth
«Langue et transmission du savoir artisanal: la construction navale en Angle-
terre au Moyen Âge»
10.30 Pause
11.00 Jean RICHARD, Université de Dijon, Membre de l’Institut
«La relation de voyage, instrument de la transmission du savoir géographique»
11.30 Robert HALLEUX, Directeur du Musée d’Histoire des Sciences de Liège
«L’insaisissable médecine populaire, XIIe-XVIe siècles»
15.00 Départ pour Tours

JEUDI 27 MARS (XVE-XVIE SIÈCLES)

9.30 Ouverture du colloque au Centre d’Études supérieures de la Renaissance à


Tours
SAVOIRS DU CORPS

10.00 Chiara LASTRAIOLI, Université de Tours, CESR, Université de Tours


«Rire du savoir de l’autre: une querelle médicale du XVIe siècle»
10.30 Jacqueline VONS, Université de Tours, CESR, Université de Tours
«Le rôle des analogies dans la transmission d’un savoir scientifique (Vésale,
La fabrique du corps, 1543)»
11.00 Jacky PIGEAUD, Université de Nantes, Institut Universitaire de France
«Le traité sur la Vérole de Fracastor»
11.30 Pause
12.00 Walter STEPHENS, John Hopkins University, Directeur du Charles S. Single-
ton Center for italian Studies, Villa Spelman
«Anatomie et physiologie du corps diabolique: la connaissance du surhumain
aux XVe, XVIe et XVIIe siècles»

* * *

ÉSOTÉRISME

14.00 Jean-Marc MANDOSIO, École pratique des Hautes Études


«John Dee: ses pérégrinations à travers l’Europe et ses différents publics»
14.30 Jean-Pierre BRACH, École pratique des Hautes Études
«Les courants ésotériques à la Renaissance comme enjeux de la transmission
de la connaissance»

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632 CHRONIQUE

15.00 Marco BERTOZZI, Université de Ferrare


«Giovanni Mercurio da Correggio, prophète et ambassadeur de la tradition
hermétique en France»

15.30 Pause

16.00 Mino GABRIELE, Université d’Udine


«Sources médiévales dans la magie Imaginative de Giordano Bruno»
16.30 Didier KAHN, CNRS
«Alchimie, poésie et transferts culturels dans le Discours d’autheur incertain
sur la pierre des philosophes (1590)»

VENDREDI 28 MARS

IMAGES

9.30 Nicoletta GUIDOBALDI, CESR, Université de Tours


«Sources et métamorphoses de l’iconographie musicale à la Renaissance»
10.00 Colette NATIVEL, Université de la Sorbonne, Paris I
«La transmission du savoir artistique: de la recette au traité»

10.30 Pause

11.00 Silvia FABRIZIO COSTA, Université de Caen


«Rapports textes/images dans l’Historia de gentibus septentrionalibus de Olaus
Magnus (L’histoire des Pays Septentrionaux par Olaus le Grand, 1555): la
femme»
11.30 Valentina CONTICELLI, Université de Sienne
«Innovation et tradition dans les choix iconographiques de Vincenzo Borghini
pour le Stanzino de François de Médicis»
12.00 Philippe MOREL, Université de la Sorbonne, Paris-I
«Du texte à l’image: transmission des savoirs magiques»

* * *

14.00 Lina BOLZONI, Scuola Normale, Pise


«Transmission des savoirs et mémoire au XVIe siècle»
14.30 Luisa DOLZA, CESR, Université de Tours, Marie Curie Fellow
«Les supports sensibles de la pensée aux diverses époques: les premiers
théâtres des machines»
15.00 Paul SMITH, Université de Leyde
«Le cerf / cerf ivre. De l’exemplum à la table emblématique (XIIe-XVIe siè-
cles)»

15.30 Pause

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CHRONIQUE 633

LITTÉRATURE ET / DES SAVOIRS

16.00 Pascal BRIOIST, CESR, Université de Tours


«L’artilleur entre théorie et pratique au XVIe siècle»
16.30 Gérald CHAIX, CESR, Université de Tours
Titre à préciser

SAMEDI 29 MARS

9.30 Michel PLAISANCE, Université de la Sorbonne, Paris III


«L’Académie des Alterati au travail»
10.00 Virginie GAUGEY, Université de Franche-Comté
«L’académie des Elevati de Ferrare et le manuscrit AC13-6 de la Bibliothèque
de Brera»
10.30 Pause
11.00 Bruno PINCHARD, CESR, Université de Tours
«Transmission ou dissémination: De Pantagruel à Panurge»
11.30 Carlo VECCE, Université de Macerata (Italie)
«Les découvertes de manuscrits en France et en Italie au XVIe siècle»

* * *

14.00 Susanna GAMBINO-LONGO, Université de Lyon III


«La transmission de l’épicurisme dans les commentaires à la physique d’Aristote»
14.30 Marie-Élisabeth BOUTROUE, Institut de Recherche et d’histoire des textes, Paris
«Transmission des textes et des savoirs scientifiques: les herbiers du XVe siècle»
15.00 Conclusions du colloque

IIIE COLLOQUE INTERNATIONAL


sur la Littérature en Moyen Français
21-22-23 mai 2003

La prochaine rencontre d’études comprendra trois sections:


La réception de la littérature en moyen français aux XVIe,
XVIIe et XVIIIe siècles;
François Villon;
Sujets variés.
Comité organisateur: Sergio Cigada, Anna Slerca, Maria Colombo Timelli,
Giovanna Bellati, Monica Barsi
Secrétariat: Monica Barsi
Università Cattolica
Largo Gemelli 1 - 20123 Milano
Tél. 02 7234 2920 - 02 5031 3524
monica.barsi@unimi.it

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634 CHRONIQUE

PARU EN OCTOBRE

La Société de Linguistique romane publie le premier volume de sa


nouvelle collection, la Bibliothèque de Linguistique Romane.

Nous avons enfin le complément


indispensable aux trois volumes de
l’Atlas linguistique et ethnographique
de la Franche-Comté, publiés par
Colette Dondaine. Présenté sous forme
d’un dictionnaire, il regroupe la quasi-
totalité des mots enregistrés dans
l’Atlas et en fournit le sens et l’étymo-
logie, avec des renvois précis au FEW et
au Glossaire des patois de la Suisse romande. Il permet désormais l’analyse
linguistique des cartes de l’Atlas, à l’instar de ce que Pierre Gardette et
Paulette Durdilly avaient fait dans le tome 5 de l’Atlas linguistique du
Lyonnais.
1 volume 16 × 24,5 cm, 600 pages, au prix de 64 m. ISBN 2-9518355-0-7

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TABLE DES MATIÈRES

E. BLASCO FERRER, La carta sarda in caratteri greci del secolo XI.


Revisione testuale e storico-linguistica . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321-365
J.-P. CHAMBON, Sur le système latin de dénomination des localités
(toponymie de la Gaule) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119-130
J.-P. CHAMBON, Y. GREUB, Note sur l’âge du (proto)gascon . . . . . . . . . . . . . . 473-495
S. DÖRR, La terre est un globe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209-214
I. EVRARD, Le temps, c’est de l’agent! Être + Participe passé: structure
prédicative et référence aspecto-temporelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245-260
H. GOEBL, Analyse dialectométrique des structures de profondeur de l’ALF . 5- 64
Y. GREUB, J.-P. CHAMBON, Note sur l’âge du (proto)gascon . . . . . . . . . . . . . . 473-495
M. KRAMER, Sources littéraires des Curiositez françoises d’Antoine Oudin . . 131-158
R. LAFONT, Nouveau regard sur le «Fragment d’Alexandre» . . . . . . . . . . . . . . 159-208
S. LAZARD, La structuration du lexique dans le Vocabularium de Papias . . . . 221-244
J. M. LIPSKI, La lingüística románica en los Estados Unidos: logros principales
del último siglo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367-402
T. MATSUMURA, Sur le texte de la Vie des Pères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65- 78
L. MINERVINI, La formación de la koiné judeo-española en el siglo XVI . . . 497-512
P. NOBEL, Les translateurs bibliques et leur public: l’exemple de la Bible
d’Acre et de la Bible anglo-normande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451-472
A. PET,AN, Sur les mots latins hérités seulement en roumain . . . . . . . . . . . . . . . 215-220
M. PITZ, Nouvelles données pour l’anthroponymie de la galloromania: les
toponymes mérovingiens du type Avricourt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421-449
C. SCHAPIRA, Un pronom ON en roumain? Omul - pronom indéfini . . . . . . . 513-522
R. SORNICOLA, Sulla dialettologia sociologica . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79-118
M. TYSSENS, Philologie «chevronnée», nouvelle philologie . . . . . . . . . . . . . . . . 403-420
A. VAÑÓ-CERDÁ, Estar con adjetivos como expresión de cualidades
permanentes en catalán . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523-556

NÉCROLOGIES:

M. Alvar, par B. POTTIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313-314


A. Dees, par L. SCHØSLER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 614-618

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636 TABLE DES MATIÈRES

G. Gorcy, par G. ROQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314


A. Henry, par G. ROQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 618-623
E. Nègre, par J. THOMAS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 623-628
A. Sakari, par D. BILLY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315-316
R. Sindou, par J.-P. CHAMBON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316-318

TRIBUNE LIBRE:
À propos des Curiositez françoises (P. ENCKELL) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610-612
À propos d’it. coniaciàno, fr. coniacien (P. OLIVIER) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612-613

CHRONIQUE:
Parution du Trésor étymologique des mots de la Franche-Comté . . . . . . . . . . . . . 319 et 634
Colloque international sur la transmission des savoirs du XIIe au XVIe siècle . . . 629-633
IIIe Colloque international sur la Littérature en Moyen Français . . . . . . . . . . . . 634
IVe Congrès international de la Societad española de Historiografía Lingüística 320

COMPTES RENDUS:
M. Alvar, El español en Venezuela (B. POTTIER) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276-277
K. Baldinger / N. Hörsch, Dictionnaire onomasiologique de l’ancien occitan
(DAO), fasc. 8 (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285-286
R. Botet v. C. Camps
G. Brunetti, Il frammento inedito «Resplendiente stella di albur» di Giacomino
Pugliese e la poesia italiana delle origini (D. BILLY) . . . . . . . . . . . . . . . . . 601-604
C. Camps / R. Botet, Diccionari Català-Francès (L. BALMAYER) . . . . . . . . . . 569-571
U. Canger, Mexicanero de la Sierra Madre Occidental (B. POTTIER) . . . . . . . 569
J.-P. Chauveau v. W. v. Wartburg
J.-Cl. Chevalier, Histoire de la grammaire française (P. SWIGGERS) . . . . . . . . 574-579
G. Colón Doménech, Para la historia del léxico español (O. LURATI) . . . . . . . 565-567
O. Cubells Bartolomé, El parlar de la Palma d’Ebre (G. COLÓN) . . . . . . . . . . 571-572
M. De Epalza, L’Alcorà. Traducció de l’àrab al català, introducció a la lectura
i cinc estudis alcorànics (G. COLÓN) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572-573
G. Grente / M. Simonin, Dictionnaire des lettres françaises. Le XVIe siècle
(P. ENCKELL) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 600-601
Y. Greub v. W. v. Wartburg
N. Hörsch v. K. Baldinger
Cl. Kraus v. W. Stempel
M. Krell, L’imparfait qui commente. Analyse d’un corpus journalistique
(A. DELBART) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590-592

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TABLE DES MATIÈRES 637

M. Larjavaara, Présence ou absence de l’objet. Limites du possible en français


contemporain (S. CHEBIL) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585-590
C. Lindqvist, Corpus transcrit de quelques journaux télévisés français
(A. QUEFFÉLEC) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592-593
R. Martin, Sémantique et automate (M. TUT,ESCU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 559-565
L. Meney, Dictionnaire Québécois Français (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . 593-594
L. Nieto Jiménez, Tesoro lexicográfico del español marinero anterior a 1726
(G. COLÓN) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567-569
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J. Rini, Exploring the Role of Morphology in the Evolution of Spanish
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J. Tabi-Manga, Les politiques linguistiques du Cameroun (A. QUEFFÉLEC) 597-599
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J. Veny, Llengua històrica i llengua estàndard (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . 277-278
W. v. Wartburg, Französisches etymologisches Wörterbuch (FEW), fasc.159,
t. 22, dir. par J.-P. Chauveau. Table des matières et index des concepts des
volumes 21 à 23 établis par Y. Greub (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . 286-289
Zamboni, Alle origini dell’italiano. Dinamiche e tipologie della transizione dal
latino (J. J. GARCÍA SÁNCHEZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278-284
P. Zang Zang, Le français en Afrique: norme, tendances évolutives, dialecta-
lisation (A. QUEFFÉLEC) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291-295

PHILOLOGIE ET ÉDITIONS DE TEXTES:


L’œuvre de Barras de la Penne, III, L’apologie des galères; IV, La description
des galères, p. p. J. Fennis (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309-310
École Nationale des Chartes, Conseils pour l’édition des textes médiévaux, fasc. I,
conseils généraux; fasc. II, actes et documents d’archives (G. ROQUES) 296
Duo Glossaria. Le Glossaire latin-français du ms. Montpellier H236, p. p. Gron-
deux; le Glossaire français-latin du ms. Paris lat. 7684, p. p. B. Merrilees /
J. Monfrin (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300-303

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638 TABLE DES MATIÈRES

Pierre Gringore, Le Jeu du Prince des Sotz et de Mere Sotte, p. p. A. Hindley


(G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308-309
Histoire de la Reine Berthe et du Roy Pepin, p. p. P. Tylus (G. ROQUES) . . . 305-308
La Mort Aymeri de Narbonne, p. p. P. Rinoldi (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . 297-300
Perceforest, deuxième partie, t. II, p. p. G. Roussineau (G. ROQUES) . . . . . . . 608-609
The earliest branches of the Roman de Renart, p. p. A. Lodge / K. Varty
(G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296-297
Textes français privés des XVIIe
et XVIIIe
siècles, p. p. G. Ernst / B. Wolf
(G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310-312

MÉLANGES, RECUEILS D’ÉTUDES


ACTES DE CONGRÈS ET DE COLLOQUES:
J. Baudry, Ph. Caron (éd.), Problèmes de cohésion syntaxique de 1570 à 1720
(G. ERNST) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263-265
K. Gärtner / G. Holtus / A. Rapp / H. Völker (éd.), Skripta, Schreiblandschaften
und Standardisierungstendenzen. Urkundensprachen im Grenzbereich
von Germania und Romania im 13. und 14. Jahrhundert (D. TROTTER) 557-559
C. Guimier (éd.), La thématisation dans les langues (L. JOSÉ) . . . . . . . . . . . . . 268-270
M.-C. Kok Escalle / F. Melka (éd.), Changements politiques et statut des
langues. Histoire et épistémologie 1780-1945 (P. SWIGGERS) . . . . . . . . . 594-596
N. Mocanu / I. Anghel / H. Hoffmann (éd.), A. Rosetti e A. Lombard,
Coresponden#â, vol. I (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
J. Mondéjar, Dialectología Andaluza (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
J. Monfrin, Études de Philologie Romane (G. ROQUES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261-262
D. Van de Velde / N. Flaux (éd.), Les noms propres: nature et détermination
(N. GAGEAN) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266-268

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