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Geneviève Humbert

Le manuscrit arabe et ses papiers1

Abstract: Paper is an important element by which to date and localize Arabic manuscripts. Inver-
sely, Arabic manuscripts are themselves important for the history of paper since they have
been copied on numerous varieties of paper which came from the most diverse places: Chinese
and Sogdian paper, paper of Italian watermarked type, paper made in Samarkand (and the area
of Khurasan in general) as well as from Baghdad, Syria, Yemen, Egypt, Morocco, the Iberian
peninsula, Anatolia, Persia, Central Asia, India, Indonesia, etc. It is also important to distin-
guish between paper used for books – which is the best studied – and paper used by central
administrations and chancellery offices whose distribution was perhaps controlled and which
may have had their own paper manufacturers.
Résumé. Le papier est important comme élément de datation et de localisation des manuscrits
arabes, et inversement les manuscrits arabes sont importants pour l’histoire du papier, parce
qu’ils ont été copiés sur de nombreuses variétés de papiers qui provenaient de lieux de fabri-
cation très divers : papiers chinois et sogdiens, papiers fabriqués à Samarcande (ou au Khora-
sân en général), à Bagdad et en grande Syrie, au Yémen, en Égypte, au Maroc et dans la pénin-
sule ibérique, papiers de type italien à filigranes, papiers originaires de Turquie, Perse, Asie centrale,
Inde, Indonésie… Il convient sans doute aussi de distinguer les papiers de librairie, les mieux
étudiés actuellement, de ceux destinés aux administrations centrales et aux bureaux des grandes
chancelleries, dont la distribution était peut-être placée sous contrôle et qui pourraient avoir
eu leurs propres fabriques.

Dans son Fihrist, Ibn al-Nadîm raconte comment, dans une ville d’Irak nom-
mée al-Îadîtha, il avait rencontré un bibliophile qui possédait la plus riche

1. Dans son dernier livre, A. Gacek (2001), a bien voulu annoncer la parution de cet article, dont le titre
provisoire était « Le papier arabe : un état de la recherche ».

REMMM 99-100, 55-77


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bibliothèque qu’il lui ait été donné de voir. Cet homme se prit peu à peu d’ami-
tié pour lui et, un jour, surmontant la crainte des convoitises que suscitaient ses
collections, il finit par ouvrir devant lui une grande caisse à livres qui contenait
des trésors. On pouvait y découvrir, dit Ibn al-Nadîm, outre plusieurs sortes de
peaux de fabrication ancienne, « des papyrus d’Égypte, du papier chinois, du par-
chemin de la Tihâma2… du papier du Khorâsân » (1964 : 40).
Ibn al-Nadîm, à cause de son métier de libraire, semble bien connaître les sup-
ports anciens et en particulier les papiers, et son témoignage est d’autant plus pré-
cieux qu’il remonte au Xe siècle3. Il indique, toujours à propos des merveilles conte-
nues dans la caisse à livres, qu’un texte, dont l’auteur est considéré comme le plus
ancien grammairien arabe4, était copié, – assorti d’une attestation autographe de
YaÌyâ b. Ya‘mur (m. en 746) – sur
« quatre feuillets de papier dont je pense qu’il s’agissait de papier chinois. »
Enfin, après un développement consacré aux écritures (1964 : 21), il oppose
le papier de Chine « fait de Ìashîsh » (c’est-à-dire d’herbe, peut-être de chanvre)
au papier du Khorâsân « fait de lin » (kattân). On verra qu’il connaît le nom de
six papiers différents fabriqués au Khorâsân et qu’il sait probablement les distinguer.
Ainsi, Ibn al-Nadîm ne se contente pas de relever dans le Fihrist les titres et
les auteurs des livres arabes qu’il considère comme les plus remarquables. Il
mentionne aussi les styles d’écritures, s’intéresse aux autographes, et tient compte,
pour juger de la rareté et de l’ancienneté des livres, de la nature des supports sur
lesquels ils sont copiés. Il sait ce qui donne de la valeur aux livres, du point de
vue de leur contenu, de la main qui a tenu le calame et des matériaux dont ils
sont faits : dans l’histoire de la librairie arabe, il fait figure de premier codico-
logue. L’intérêt qu’il porte au papier mérite d’être relevé, et on peut essayer de
mesurer aujourd’hui la différence qu’il y a entre nos connaissances et les siennes.
L’étude du papier est importante à plusieurs points de vue. Comme produit
manufacturé d’époque médiévale, il a joué un rôle économique très important
et a fait l’objet d’une concurrence commerciale sans merci. Comme support de
l’écriture, le plus fréquemment utilisé dans les livres arabes depuis le Xe siècle, il
a facilité la diffusion des textes en langue arabe et le développement culturel de
la civilisation islamique à cette époque.
Pour l’histoire du manuscrit arabe, l’identification du ou des types de papier
qui lui servent de support est précieuse, et compte parmi les moyens de datation
et de localisation, le plus souvent par comparaison avec d’autres écrits datés et
localisés. Inversement, le manuscrit arabe est important pour l’histoire des

2. Le manuscrit Arab 3315 de Dublin, qui aurait été copié au Ve/XIe siècle selon Arberry (1956 : 31), est
la plus ancienne copie connue du Fihrist. Il contient ici une variante par rapport au texte édité : il ne s’agit
pas de papier de la Tihâma (waraq tihâmî), mais de parchemin de la Tihâma (raqq tihâmî).
3. Il serait mort exactement le dimanche 2 novembre 990, si on en croit une note d’al-Maqrîzî inscrite
sur la page de titre du Fihrist de Dublin.
4. Abû l-Aswad al-Du’alî (m. en 688).
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papiers, car il a été copié dans un grand nombre de régions du monde sur des
types de papiers très divers, du VIIIe siècle jusqu’à nos jours ou presque, puisqu’on
a continué, au moins jusqu’au milieu du XXe siècle, dans certaines régions, à copier
à la main des livres en langue arabe sur du papier de fabrication artisanale.
Dans les études sur les supports des livres médiévaux, le papier arabe occupe
une place étonnante. Alors que deux savants de premier plan, J. von Karabacek
en 1887 et Ch.-M. Briquet en 1888 avaient consacré sans hésitation apparente
une étude au “papier arabe”, ce papier devient difficile à rencontrer par la suite.
Dans le livre de D. Hunter, par exemple, édité pour la première fois en 1943 et
réédité de nombreuses fois depuis, qui compte plus de 600 pages dans l’édition
de 1991 et porte le titre Papermaking, the history and technique of an ancient craft,
il est fait allusion aux Arabes une fois (1991 : 140), mais il n’est fait nulle part
mention d’un “papier arabe”. Lorsqu’il est question de Játiva (que nous ren-
contrerons plus loin), le papier qu’on y fabrique n’est pas mis en relation avec
les Arabes (1991 : 153). Appelé par les Occidentaux “papier oriental” (alors
que, on le verra, il est utile de distinguer entre papiers arabes orientaux et papiers
arabes occidentaux) ou encore “papier non filigrané”, le papier arabe se perd dans
des catégories inadaptées, trop larges ou “européocentristes”. N’y aurait-il donc
pas de papier arabe ?
L’étude de ce papier, il est vrai, présente des difficultés. Il a cessé d’être fabri-
qué depuis quatre à cinq siècles, c’est-à-dire depuis que d’autres papiers l’ont rem-
placé dans les pays arabes. Il ne reste donc plus de traces de sa fabrication, même
si on trouve dans des pays voisins des papiers fabriqués selon des techniques sans
doute proches. À l’impossibilité de compter sur une observation directe s’ajoute
le fait que cette fabrication n’a pas donné lieu à l’iconographie qu’on peut trou-
ver sur le papier chinois par exemple ou sur le papier persan, qui lui est évidemment
apparenté mais qui est distinct.
Je prendrai pourtant le parti de parler de “papier arabe”, même s’il n’est pas
facile d’en donner une définition, car le papier fabriqué à Samarcande, ville de
langue et de culture persane, peut être considéré comme persan, et ceci alors
que certains pays arabes, comme le Yémen et même l’Irak, ont été, à des époques
différentes, compris dans l’aire d’influence de la Perse. Faudrait-il parler parfois
de papiers arabo-persans ? À quel moment et dans quelles régions peut-on esti-
mer que les papiers arabes et persans diffèrent par la technique de fabrication ?
Ces questions restent pour le moment sans réponse. Je prendrai ici le parti
d’appeler “arabes” les papiers qui ont été fabriqués, peut-être dès la fin du VIIIe
siècle, dans la capitale du califat, Bagdad, ainsi que dans plusieurs autres pays
qui font partie du monde arabe actuel auxquels il faut ajouter al-Andalus, et qui
ont été utilisés pendant sept à huit siècles par les habitants de ces pays et les popu-
lations voisines5. Ils sont beaucoup plus mal connus que les papiers chinois et
que les papiers que j’appellerai “italiens”, c’est-à-dire les papiers à filigranes

5. On trouve du papier fabriqué dans ces régions dans des livres arméniens, coptes, grecs, hébreux, per-
sans, syriaques, turcs, espagnols et latins d’Espagne.
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fabriqués depuis la fin du XIIIe siècle, d’abord en Italie puis dans plusieurs pays
d’Europe occidentale.
Je voudrais, dans les pages qui suivent, retracer les grandes lignes d’une his-
toire du livre arabe et de ses papiers, depuis le VIIIe siècle jusqu’à nos jours ou
presque, en privilégiant les papiers arabes. Je parlerai d’abord des origines, puis
du développement du papier dans le monde arabe, de l’invasion des papiers
“italiens” et des réactions des artisans du livre arabe à cette invasion. Bien que
l’objet de cette étude soit le livre manuscrit, il est impossible d’omettre le monde
de la chancellerie, qui nous est particulièrement accessible pour le XVe siècle, et
que j’aborderai surtout pour souligner ce qui reste à explorer.

La Chine et Samarcande : la question des origines


Le papier, on le sait, est né en Chine, où on avait commencé à l’utiliser
comme support de l’écriture six siècles au moins avant que la fabrication ne
commence dans une région contrôlée par les Arabes. En effet, selon une sorte
de récit des origines, en 751, à al-A†lakh, non loin de Samarcande – qui était pla-
cée depuis 712 sous l’autorité permanente d’un gouverneur nommé par le
calife –, les troupes musulmanes mettaient en déroute une armée qui avait enrôlé
un grand nombre de soldats chinois. Parmi les milliers de prisonniers chinois qui
furent conduits à Samarcande à l’issue des combats, certains y auraient introduit
la fabrication du papier.
Ce récit risque de masquer le fait que le papier était connu bien avant cette
date comme produit d’importation. Selon Drouin (1895 : 283), Chosroès I en
avait employé, vers 555, dans une lettre royale qui répondait à la lettre en chi-
nois (écrite sur satin) que lui avait envoyée le Khâqân des Turcs. Mais, ajoute
Drouin, le papier était alors un produit très rare et réservé aux écrits royaux. Les
Arabes, eux aussi, ont connu et utilisé du papier avant la bataille d’al-A†lakh. On
sait en effet, grâce à F. Grenet, cité par J. Irigoin (1993 : 268, n. 11), que les bureaux
de la chancellerie arabe de Samarcande en avaient utilisé presque trente ans
avant 751 : c’est ce que révèle l’analyse d’un paquet d’archives royales qui avait
été enfoui en 722 dans un château de montagne situé à 130 km au nord-est de
Samarcande. Redécouverts en 1933, ces documents ont été publiés à Moscou
trente ans plus tard. Sur un total de 76 documents, 22 sont écrits sur du papier
chinois d’importation et, parmi eux, se trouve une lettre, écrite en sogdien, éma-
nant d’un collaborateur du gouverneur arabe.
La diffusion de papier importé de Chine ne s’est pas limitée à l’Asie centrale
et à la Perse. Un récit transmis par al-JâÌiÂ6, dans le Kitâb al-Ìayawân (1940 :
373) semble indiquer que le papier était déjà parvenu, au premier tiers du VIIe
siècle, dans la péninsule arabique. Selon ce récit, le faux-prophète Musaylima,
mort en 632, voulant faire croire à une apparition, avait fabriqué un cerf-volant

6. Mort en 869.
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« avec du papier chinois (waraq Òînî) et du kâghad » et l’avait lancé dans le ciel,
de nuit, pour que les spectateurs ne voient pas la ficelle qui le reliait à la terre.
Le kâghad, (dont le nom, emprunté au sogdien, est utilisé par les Arabes dans
les sources anciennes), semble apparaître ici comme une seconde espèce de
papier d’importation.
Les papiers d’importation, déjà connus au VIIe siècle par les populations du
Proche-Orient, et utilisés comme support de l’écriture pour les actes des gou-
verneurs du Khorâsân et pour la copie de livres arabes, étaient donc, au siècle sui-
vant, des produits plus familiers qu’on ne l’a cru, et certains étaient déjà liés à
la Sogdiane. Pour des raisons qui tiennent peut-être à un accroissement de la
demande aussi bien qu’à l’arrivée accidentelle de prisonniers chinois à Samarcande,
on est passé dans cette ville de l’utilisation à la fabrication7. On ne sait pendant
combien de temps, après qu’on eut commencé à fabriquer du papier à Samar-
cande, les papiers chinois ont continué à être employés. Ibn al-Nadîm (1964 :
21) semble en tout cas, au Xe siècle, avoir gardé le souvenir de l’époque où le papier
continuait à assurer à la Chine un revenu important.
Sur les papiers du Khorâsân, nous disposons de renseignements beaucoup plus
précis que sur ceux dont il vient d’être question.

Les « papiers du Khorâsân »


L’essentiel de ce qu’on sait sur le papier fabriqué à Samarcande provient, une
fois encore, d’Ibn al-Nadîm (1964 : 21), pour qui le « papier du Khorâsân » fut
« fabriqué par des artisans chinois sur le modèle du papier chinois (‘alâ mithâl
al-waraq al-Òînî) ».
Ibn al-Nadîm connaît le nom de six différentes sortes de « papiers du Kho-
râsân », dont les noms sont clairement arabes. Le premier est le fir‘awnî (le pha-
raonique), appellation qui semble établir une relation entre papyrus et papier :
cela pourrait s’expliquer par le fait que le papier de Samarcande prétendait riva-
liser avec le papyrus par la qualité, ou peut-être parce qu’il était commercialisé,
comme lui, en rouleaux. La citation par al-Tha‘âlibî8 (1867 : 97) des mots d’al-
JaÌiÂ, pour qui « les papyrus d’Égypte sont à l’Ouest ce que les papiers sont à
Samarcande à l’Est » prend alors une résonnance particulière.
Les cinq autres papiers d’Ibn al-Nadîm ont pour point commun de porter un
nom qui les rattache à celui de personnages ayant eu des pouvoirs importants
au Khorâsân. Pour Karabacek (1991 : 30) le sulaymânî est appelé ainsi par réfé-
rence à Sulaymân b. Rashîd, le directeur des finances du Khorâsân sous le cali-
fat de Hârûn al-Rashîd (786-809) ; le ja‘farî porte un nom dérivé de celui du vizir
barmécide de Hârûn al-Rashîd, Ja‘far b. YaÌyâ b. Khâlid al-Barmakî (mort en

7. Sur une fabrication ancienne de papier à Samarcande dans une monastère manichéen, voir F. Déroche
(2000 : 57).
8. Mort en 1038.
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803), frère d’un gouverneur du Khorâsân et lui-même gouverneur de la province


pour quelques jours ; le †alÌî est ainsi nommé d’après ™alÌa b. ™âhir, de la puis-
sante famille des Tahirides, qui fut le deuxième gouverneur militaire du Khorâ-
sân, de 822 à 828 ; le †âhirî est un papier dont le nom fait vraisemblablement
référence à ™âhir II b. ‘Abd Allâh, gouverneur militaire du Khorâsân de 844 à
862 (un Tahiride lui aussi), et enfin le nûÌî tient son nom de NûÌ b. NaÒr, le
chef samanide du Khorâsân de 942 à 954. Cette liste de noms appelle plusieurs
commentaires.
La référence répétée aux noms de personnages ayant eu des responsabilités poli-
tiques au Khorâsân évoque une production sous surveillance, une sorte de mono-
pole d’État. On peut se demander si ces papiers portaient une marque qui per-
mettait de les reconnaître, et on peut rappeler ici la pratique qui avait consisté,
en Égypte, à inscrire le nom du responsable fiscal du lieu de la fabrication sur
un feuillet collé au dos de la première feuille des rouleaux de papyrus.
On peut ensuite se poser la question de savoir si le nom de ces papiers sub-
sistait après le départ du haut personnage qui lui avait donné son nom. On peut
formuler cette question différemment : certains de ces papiers pouvaient-ils être
distingués par une particularité de leur technique de fabrication, et a-t-on conti-
nué à fabriquer des papiers de cette qualité par la suite, indépendamment de ce
qui avait justifié leur appellation d’origine ?
Ceci nous conduit à la question de savoir jusqu’à quand les Arabes ont uti-
lisé du papier du Khorâsân. On sait que Samarcande a continué à fabriquer du
papier et les artisans de la ville ne peuvent manquer d’avoir voulu continuer à
l’exporter. Pour le khorassanien al-Tha‘âlibî (m. en 1038), on ne fabriquait du
papier, de son temps, qu’en Chine et à Samarcande (1867 : 126). D’autres
sources montrent que ces papiers anciens sont restés prisés par les personnages
de haut rang jusqu’au XIe siècle ; al-JâÌi reproche au vizir MuÌammad b. ‘Abd
al-Malik al-Zayyât (m. en 847) de l’avoir incité à utiliser du parchemin au lieu
« de papier (waraq) de Chine ou de papier (kâghad) du Khorassân » (Abbott, 1972 :
149). C’est sur des papiers chinois et du Khorâsân qu’Ibn Muqla (m. en 940)
copie un magnifique exemplaire du Coran ; lorsque Ibn al-Bawwâb (m. en 1022)
veut le restaurer, il trouve dans la bibliothèque du souverain buwayhide Bahâ’
al-dawla plusieurs variétés (un stock ?) de papiers anciens de Samarcande et de
Chine (Yâqût, 1927 : V, 446-7). Le voyageur persan Nasir-i Khosrau (1881 : 41),
lors de son passage à Tripoli, en 1045 ou 1046, constate qu’« on y fabrique un
bon papier semblable à celui de Samarqand, mais de meilleure qualité », ce qui
indique que ce dernier était encore une référence.
Si l’on suit Ibn al-Nadîm, pour qui le papier de Samarcande fut, en tout cas
au début, fabriqué selon une technique identique ou très proche de celle des Chi-
nois, on peut essayer de se faire une idée des papiers qui ont pu être fabriqués à
Samarcande par l’observation de papiers chinois qui leur sont contemporains.
On sait que, pour faire du papier, en Chine comme à Samarcande, il faut dis-
poser de pâte à papier et d’une “forme”. La pâte est recueillie sur la forme, sorte
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de tamis qui laisse s’écouler l’excédent d’eau et sert de moule à la feuille. Dans
la technique du puisage, la plus courante, la “toile” de la forme est tissée avec des
fils vergeurs (dans le sens de la longueur) et des fils de chaîne dans l’autre sens.
Les fils de chaîne sont beaucoup plus écartés que les fils vergeurs, qu’ils sont des-
tinés à soutenir (plus les fils vergeurs sont fins, moins ils sont résistants, et plus
les chaînettes doivent être rapprochées). Fils vergeurs (ou “vergeures”) et fils de
chaîne laissent, de façon plus ou moins nette, sur la feuille examinée par trans-
parence, des traces plus claires. Ces traces sont en quelque sorte le reflet de la toile,
dont la technique de fabrication a varié avec le temps, et elles peuvent donner
des indications sur l’origine du papier. On estime généralement que, dans les
papiers dont il est question ici, les vergeures étaient faites de fibres de bambous,
et que le crin animal était employé pour les fils de chaîne.
Les Chinois fabriquaient bien entendu différentes qualités de papier, comme
on peut s’en rendre compte en examinant quelques manuscrits choisis9 du fonds
Pelliot chinois à la BNF10. Certains papiers sont d’une qualité exceptionnelle,
comme le Pelliot chinois 2195 (copié en 675), mais d’autres papiers, plus ordi-
naires, ne sont pas sans rappeler celui de certains manuscrits arabes copiés dans
le Khorâsân. Le trait commun le plus frappant entre les quatre feuilles du Pel-
liot chinois 2704, copiées séparément en 933 et 934, et celui du manuscrit de
la BnF (Arabe 5902) qui a été copié à Balkh11 en 937, est l’épaisseur des vergeures,
même si le papier du manuscrit arabe se distingue de façon remarquable par sa
couleur très foncée en surface et par le fait qu’il apparaît, face à la lumière élec-
trique, véritablement rouge, phénomène noté par M. Zerdoun dans une publi-
cation récente (1999 : 98). Dans ces cinq papiers, on distingue très mal les fils
de chaînette, soit parce qu’ils sont rares et très écartés dans une forme à laquelle
les fibres de bambou donne naturellement une bonne tenue, soit parce qu’ils sont
très fins, ou pour les deux raisons à la fois. Curieusement, par l’aspect de la
feuille, son format, la visibilité et la largeur des vergeures, et surtout par le pliage
qui donne un sens vertical à ces vergeures, le papier du manuscrit arabe de la BNF
n’est pas sans rappeler certains papiers fabriqués au siècle dernier en Asie cen-
trale, si on ne prête pas attention à la couleur, puisque la feuille de ces papiers
récents est souvent très claire et même translucide.
Le papier du manuscrit copié à Balkh avait-il été fabriqué à Samarcande ?
Nous n’avons pas des papiers du Khorâsân la connaissance qu’en avait Ibn
al-Nadîm, à qui deux d’entre eux, le †alÌî et le sulaymânî, étaient familiers,
comme le donnent à penser plusieurs passages du Fihrist (1964 : 61, 107, 132,
159, 160). Dans les deux premiers cas, on voit qu’il appelle †alÌî le papier
utilisé pour des livres de prestige : l’un est destiné au vizir al-FatÌ b. Khâ-

9. Par H. Vetch, que je remercie.


10. Trouvés au XXe siècle par P. Pelliot dans la grotte de Dunhuang, à l’extrémité occidentale de la pro-
vince de Gansu en Chine.
11. Ville du nord de l’Afghanistan actuel.
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qân (m. en 861) et l’autre au calife al-Mu‘ta∂id (892-902) ; dans le cas du


recueil de poèmes d’Abû l-‘Atâhiya12, le papier utilisé est du demi-†alÌî.
Celui qu’il appelle sulaymânî pourrait être plus ordinaire : Ibn al-Nadîm
(1964 : 159), avant de commencer son chapitre sur les poètes, prévient que
lorsqu’il signalera par exemple qu’un poème compte 10 pages, il faudra com-
prendre que cela correspond à dix pages comportant 20 lignes d’écriture
copiées sur du sulaymânî13. Al-Marzubânî (m. en 994) aurait utilisé ce papier
pour un livre qui comptait 10 000 pages14. Une autre source (Yâqût, 1927 :
87) indique qu’Abû Sa‘îd al-Sîrâfî, mort nonagénaire ou centenaire en 979,
avait fait une copie de son Commentaire du Kitâb de Sîbawayhi (qui comp-
tait 3 000 pages) sur du sulaymânî. Plusieurs de ces livres sont énormes,
comme si le papier ne manquait pas.
On a là un début de réponse à des questions précédemment posées : les papiers
du Khorâsân étaient peut-être reconnaissables par quelque chose touchant à la tech-
nique de fabrication, ou du moins c’était le cas pour les papiers †alÌî et sulaymânî.
Les noms de ces papiers ont donc survécu aux gouverneurs. La question qui se
pose aujourd’hui est de savoir si ces deux papiers, que certains ont longtemps pré-
féré aux papiers arabes, ont continué à être fabriqués seulement au Khorâsân.
Il faut noter enfin que la recette de fabrication du †alÌî est parvenue jusqu’à
nous. C’était même, jusqu’à présent (c’est-à-dire avant la découverte de A. Gacek
infra), le seul papier dont la recette ait été rendue publique. On la désigne géné-
ralement sous le nom de « recette d’Ibn Bâdîs »15.

Les Arabes et leur papier :


les débuts du papier arabe
Cinquante années environ sépareraient le moment où les Arabes apprennent
des artisans de Samarcande à faire du papier et celui où commence la fabrica-
tion de papier arabe dans la capitale du califat. En effet, selon Karabacek (1991 :
33) on aurait commencé à fabriquer du papier à Bagdad en 794-5. Cette date
est devenue traditionnelle, mais on oublie qu’il s’agit d’une déduction, qui ne
convainc pas quelqu’un comme Grohmann (1967 : 100). En réalité, nous n’avons
pas de renseignement précis sur les débuts de la fabrication du papier au cœur
du monde islamique.
Cette datation peut être appréhendée de façon indirecte, puisqu’on sait que,
jusqu’au début du IXe siècle, les bureaux de l’administration abbasside se heurtaient
encore à de grandes difficultés pour se procurer des matériaux à écrire en quan-
tité suffisante : Ibn al-Nadîm (1964 : 21) indique en effet que, sous le califat d’al-

12. Mort en 826 environ.


13. Karabacek (1991 : 54) en déduit que la page mesurait 240 x160 mm, et la feuille 320 x 240 mm.
14. Al-Marzubânî était originaire du Khorâsân.
15. Du nom du sultan qui régna sur l’Ifrîqiyâ de 1016 à 1062, qui en fut le dédicataire.
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Amîn16 (809-813), fils de Hârûn al-Rashîd, on avait gratté, pour les réutiliser, des
registres (de peau ou de parchemin) qui avaient déjà servi. Les bureaux du cali-
fat et évidemment les libraires n’ont donc probablement pas disposé de papier de
qualité en quantité suffisante avant le milieu du IXe siècle, et on a dû continuer
à utiliser couramment du papier de Samarcande au moins jusque là. Il y a des
chances pour que les documents les plus anciens de la collection de l’archiduc Rai-
ner à Vienne (dont Karabacek estime qu’ils ont été écrits entre 795 et 815), ainsi
que le fameux Vaticanus graecus 220017, datable par son style d’écriture des alen-
tours de l’année 800, aient été copiés sur du papier de Samarcande.
Les seuls renseignements vraiment précis sur la fabrication de papier arabe dans
les régions qui nous intéressent sont les suivants : al-Muqaddasî, mort après
988, signale (1957 : 175) la fabrication de papier (kâghad) à Damas et à Tibé-
riade; Nasir-i Khosrau, en 1046 (1881 : 41) dit du papier de Tripoli de Syrie qu’il
est devenu meilleur que celui de Samarcande, et indique qu’au Caire les épiciers,
droguistes et quincaillers fournissaient aux clients le papier destiné à envelopper
leur marchandise (1881 : 153)18 ; Yâqût (m. en 1199) indique qu’on fabriquait
du papier dans un faubourg de Bagdad appelé Dâr al-qazz (Yâqût, 1956 : 422).
Au Yémen, la recette découverte par Adam Gacek (voir infra) prouve qu’on y fabri-
quait du papier au XIIIe siècle. De l’autre côté de la Méditerranée, à Játiva19, en
Andalus, une fabrique de papier aurait existé dès 1054, une seconde à Tolède en
1085 (Valls i Subirà, 1970 : 5). Au Maroc, al-Manûnî (1991 : 21) indique avoir
trouvé une source selon laquelle il y aurait eu 104 fabriques de papier à Fès, du
vivant de Yûsuf b. Tashfîn (m. en 1106) ; dans la même ville, sous les Almohades,
entre 1221 et 1240, on trouvait 400 « meules à fabriquer du papier20 ». Plus tar-
divement, on aurait commencé à fabriquer du papier en Anatolie à partir de 1400
à Amasya, de 1486 à Brousse (Tekin, 1993 : 29), et de 1453 non loin d’Istan-
bul, à KaÏithane, (Déroche, 2000 : 64).
On fabriquait donc, au XIIIe siècle, du papier en Irak, dans plusieurs villes
de Syrie, en Palestine, en Égypte, au Yémen, au Maroc et en Andalus, et, au XVe
siècle, en Turquie. Mais il existe aussi des pays ou régions qui ne sont jamais men-
tionnés, comme le nord de la péninsule arabique, la Libye, et l’Afrique du nord
en dehors du Maroc actuel. Au XVe siècle, selon l’auteur du texte contenu dans
un manuscrit de la BNF (Arabe 4439, f. 177), on utilise du papier de Damas
pour les documents officiels des « régions orientales, du Yémen, d’Asie mineure
(Rûm), et du Hedjâz ».

16. Nommé MuÌammad b. Zubayda dans le texte.


17. Je n’ai vu aucun de ces papiers à ce jour.
18. Ce qui fait sans doute référence à un produit peu cher et d’un usage courant chez les Égyptiens.
19. Ville de la province de Valence.
20. Îajar li-‘amal al-kâghid (Ibn Abî Zar‘, ms. BNF Arabe 1868 : f. 18, l. 17-18).
64 / Geneviève Humbert

Reconnaître les papiers arabes :


Orient et Occident
Les papiers arabes, fabriqués dans un espace géographique très vaste et sur une
durée de plusieurs siècles, sont très divers, et les spécialistes ont éprouvé depuis
longtemps le besoin de les classer pour pouvoir avancer des hypothèses sur leur
datation, leur lieu de fabrication et leur aire de diffusion qui, parce que le papier
circule beaucoup, peut être très étendue.
Pour décrire les papiers de façon à pouvoir les comparer et les classer, on peut
parler de la qualité générale de la feuille, de l’aspect de sa texture à plat et en trans-
parence, du poli de sa surface, de sa couleur, de sa fermeté ou de sa souplesse21.
Ces observations ont leur pertinence, surtout quand elles s’appliquent à une
collection homogène, comme celle sur laquelle a travaillé Karabacek (1991 :
58) pour sa classification des papiers de la collection Rainer. Mais il y entre une
part de subjectivité, surtout si on cherche à comparer des papiers dispersés.
Dans ce cas, on peut choisir de décrire les traits physiques mesurables du papier,
comme le format22 et les traces laissées par les fils vergeurs et les fils de chaînette
qui tissent la “toile” de la forme. C’est ce qu’a fait Jean Irigoin, grâce à qui on
connaît aujourd’hui les formats les plus courants des feuilles de papier arabe
utilisées en librairie, dont il a montré qu’ils sont différents en Orient et en Occi-
dent (1993 : 303-4). C’est J. Irigoin aussi qui a proposé, pour la première fois,
la datation de certains papiers (on les retrouvera plus loin) par les écarts entre
les fils de chaîne (1993 : 305).
Malachi Beit-Arié (1996, 1999), dans sa proposition de typologie générale des
papiers arabes, prend pour critère la présence et l’absence des traces laissées par
la forme. Il distingue trois types de papiers : les papiers “sans fils”, c’est-à-dire
sans vergeures ni fils de chaîne, les papiers sans fils de chaîne et les papiers avec
vergeures et fils de chaîne (qu’il subdivise en papier à fils de chaîne simples et
papiers à fils de chaîne groupés). Sa typologie repose sur l’observation d’un cer-
tain nombre de papiers très anciens, et il serait intéressant de savoir quelles sont
à son avis les causes de l’invisibilité des fils.
L’agencement des fils de chaînette, groupés ou non, peut être décevant. Il ne
fournit aucune information lorsqu’il est très fréquent et qu’on le rencontre sur
une longue période. C’est le cas en particulier des papiers à fils de chaînette
groupés par trois, qui sont attestés depuis 1058 au moins et qui ont fait dispa-
raître les autres agencements au XVe siècle. On peut trouver aussi des papiers où
la disposition des chaînettes est tellement rare qu’ils sont destinés à rester eux aussi
inanalysables, comme celui qu’on observe dans un manuscrit de la BNF23, avec
ses fils de chaîne écartés de 143 à 150 mm.

21. Voir à ce propos la dernière partie du livre de H. Loveday qui vient de paraître.
22. Malgré l’inconvénient, dans le cas des papiers de librairie, du rognage.
23. Arabe 6630.
Le manuscrit arabe et ses papiers / 65

Mais l’observation des fils de chaînette a permis, associé à d’autres observa-


tions, de proposer la localisation et la datation d’un certain type de papier, dans
un cas où les conditions ont été particulièrement favorables. C’est ainsi qu’un
papier à fils de chaînette groupés par deux, avec des écarts bien particuliers,
semble avoir eu une aire de diffusion circonscrite à l’Égypte aux alentours de 1350
(Humbert, 1999). Ce n’est pas le seul papier à être utilisé à cette époque dans
la région, mais c’est un papier qui n’a été rencontré jusqu’à présent que dans des
manuscrits dont il apparaît, lorsqu’ils sont localisés ou localisables, qu’ils ont tou-
jours été copiés en Égypte. L’étendue de son aire de diffusion peut avoir été
limitée par le fait qu’il s’agit d’un papier de qualité médiocre, qui n’était pas des-
tiné à l’exportation. Le fait qu’on peut le rencontrer non seulement dans les
manuscrits arabes mais aussi dans les manuscrits coptes est intéressant, parce que
ceux-ci ont pour particularité de très peu voyager.
Dans un autre essai de typologie ne concernant que les papiers où fils de
chaîne et fils vergeurs sont discernables, trois grands types de papiers ont pu être
dégagés, sur la base de la disposition des fils de chaîne (Humbert, 1998) : papiers
non arabes utilisés dans les manuscrits arabes provenant des régions les plus
orientales du monde islamique, papiers “arabes orientaux” et papiers “arabes
occidentaux”. Dans les papiers arabes orientaux, les fils de chaîne peuvent être
groupés ou simples mais, lorsqu’ils sont simples, ils ne sont jamais écartés de plus
de 25 mm en moyenne dans une feuille. Dans les papiers “arabes occidentaux”,
les fils de chaîne sont toujours simples et sont écartés de 35 millimètres au moins
(et jusqu’à 80 mm) en moyenne dans une feuille. Ce n’était pas la première
observation mesurable qui permettait de distinguer de façon précise les papiers
arabes orientaux et occidentaux : la même distinction avait déjà été établie par
J. Irigoin à partir d’une autre donnée mesurable, le format. Mais l’observation
avait l’avantage de confirmer la différence entre papiers arabes orientaux et occi-
dentaux, alors que ces derniers allaient être appelés à jouer un rôle capital dans
la suite de l’histoire du papier.

La fin du papier arabe et ses remplaçants


Le papier arabe occidental va en effet se trouver à l’origine de l’apparition du
papier italien, qui lui-même va provoquer la disparition, en quelques siècles, de
la fabrication de papier dans le monde arabe.
C’est par l’intermédiaire de l’Espagne reconquise24, qui elle-même la tenait d’al-
Andalus, que les Italiens ont connu la technique de fabrication du papier, comme
le montrent certains traits qui ne sont communs qu’aux papiers italiens et aux
papiers “arabes occidentaux”. Comme dans les papiers dits “catalans”, qui ont servi
d’intermédiaires, les premiers papiers italiens ont en commun, avec les papiers arabes
occidentaux, de porter l’empreinte de fils de chaîne disposés à intervalles constants

24. Valence est définitivement reconquise par le roi d’Aragon en 1239-40, Játiva en 1248.
66 / Geneviève Humbert

(et ce sera le cas dans les papiers européens en général) ; Jean Irigoin (1993 : 298-
300) a montré aussi que les formats des feuilles du papier arabe occidental sont
plus petits que ceux du papier arabe oriental, et ce sont de ces formats que déri-
vent les papiers catalans et italiens. On va même rencontrer dans certains papiers
catalans et italiens un trait caractéristique du papier arabe occidental, le zigzag.
Le zigzag qui est une marque, parfois en forme de zigzag mais qui peut aussi se
présenter comme une suite de traits discontinus, laissée au centre de la feuille, vrai-
semblablement de façon délibérée, par le papetier. Lorsqu’apparaîtra le filigrane,
il sera possible de trouver des manuscrits copiés sur papier italien où, sur la même
feuille, on observera à la fois filigrane et zigzags : on en a un exemple à la BNF,
avec le manuscrit Arabe 2291 (Bavavéas, 1999).
À partir du moment où les italiens savent faire du papier, ils semblent, pendant
une période de transition, avoir cherché sans trêve les moyens d’améliorer la tech-
nique de fabrication. Jean Irigoin (1993 : 304-5) a montré qu’en trente ans, la forme
s’est modifiée de façon continue : les écarts entre les chaînettes sont passés de
100 mm vers 1250 à 75 mm en 1255, et enfin à 60 mm en 1280. Dans le même
temps, le format de la feuille diminuait aussi, passant de 490 x 350 mm à 464 x
290 mm, avant de se stabiliser à 410/450 x 275/300 mm. La diminution de l’écart
entre les fils de chaîne pourrait être liée à la finesse croissante des vergeures.
À la fin de cette période, les Italiens parviennent à maîtriser une technologie
qui leur permet de fabriquer une forme dont la “toile”, entièrement métallique,
est faite de fils beaucoup plus fins et réguliers qu’auparavant. Ils y ajouteront bien-
tôt une marque de fabrique en fil de laiton, le filigrane. Le filigrane ne marque
pas en soi une avancée technique, mais il met peut-être en lumière la vivacité de
la concurrence qui oppose rapidement les fabricants les uns aux autres. D’autres
améliorations techniques vont donner aux Italiens, peut-être dès le début du XIVe
siècle, les moyens de produire davantage, plus vite et moins cher des papiers qui
vont envahir le marché et faire disparaître le papier arabe en un peu plus d’un
siècle et demi en Occident et en deux ou trois siècles au Proche-Orient.
Au Maghreb et dans la péninsule Ibérique, on commence à trouver du papier
filigrané dans les manuscrits arabes dès la première moitié du XIVe siècle. On en
a un exemple dans le manuscrit n° 39 de la Bibliothèque nationale d’Alger, daté
de 745/1344 et dans un manuscrit de la Bibliothèque générale et archives de Rabat
daté de 134925. Au Proche-Orient, où le papier filigrané s’impose plus tard, on
remarquera un manuscrit de la BNF26 daté de 147927, parce que les cinquante
premiers folios sont copiés sur du papier arabe, puis le texte continue (écrit par
la même main) sur du papier “italien”. Signalons aussi la présence de papier
“italien” dans un manuscrit arabe chrétien copié en 1486 dans l’île de Rhodes28.

25. Il s’agit du manuscrit D 529. Je remercie M.-G. Guesdon d’avoir bien voulu me communiquer ces
renseignements.
26. Arabe 1258.
27. La date a peut-être été retouchée.
28. Arabe 155.
Le manuscrit arabe et ses papiers / 67

La rapidité de la pénétration du papier italien s’explique peut-être par le fait


que le papier arabe n’a jamais été fabriqué en quantité suffisante. Mais le nouveau
support a rencontré quelques résistances. On trouve à la BNF un manuscrit29 copié
sur du papier arabe et du papier italien, où le papier arabe “encarte” systémati-
quement le papier italien (tous les bifeuillets externes des cahiers sont faits de papier
arabe). Des réticences envers le papier s’étaient manifestées de la même façon, et
on avait, à l’époque médiévale, dans un premier temps, “encarté” le papier entre
des bifeuillets de parchemin30. Une autre forme de réticence nous est révélée, indi-
rectement et cette fois devant le filigrane seulement, par le fait que les Italiens ont
été conduits, à partir du XVIIe siècle, à inventer un filigrane spécial pour les papiers
destinés à l’exportation vers les pays musulmans (Velkov et Andreev, 1983) : il s’agit
du filigrane dit des tre lune (ou “trois croissants”). Ce qui semble indiquer que cer-
tains filigranes des papiers italiens, inspirés de l’héraldique et de symboles chré-
tiens, déplaisaient aux utilisateurs orientaux.
Au XVIe siècle, les manuscrits arabes sont fréquemment copiés sur des papiers
italiens, bien reconnaissables grâce au filigrane. Pourtant, on va continuer à trou-
ver dans ces manuscrits du papier non filigrané alors que la fabrication de
papier arabe a cessé, et on s’aperçoit que les manuscrits arabes peuvent être
copiés sur des papiers qui ne sont ni italiens ni arabes. Il s’agit de papiers qui
ont été fabriqués dans les régions orientales du monde musulman (Perse, Asie
centrale, Inde), dont la fabrication n’a pas été interrompue par l’invasion du papier
italien en Méditerranée. De telle sorte qu’il reste difficile, aujourd’hui encore,
de dater avec précision la fin de la fabrication du papier arabe, parce qu’on ne
le distingue pas toujours de papiers plus “orientaux”, dont il est proche par la
technique de fabrication.
On notera qu’on peut aussi, à date tardive, trouver des papiers à filigranes autres
qu’italiens dans les manuscrits arabes : il s’agit de papiers fabriqués en Turquie
ottomane, du début du XIXe siècle au (milieu ? du) XXe siècle. Ils sont de tech-
nique italienne, c’est-à-dire faits sur une forme métallique qui a laissé sur les feuilles
l’empreinte de fils vergeurs fins et réguliers et de divers types de filigranes. ¥. Tekin
(1993 : 90-1) reproduit plusieurs filigranes, dont l’un au moins daté de 1219
(1804-5). Il semble être composé du filigrane lui-même (un croissant entourant
une étoile à huit branches) et d’une contremarque en osmanl¬ avec la mention
« Islâmbôl sene 1219 ». Un autre papier ottoman, qui semble avoir été fréquem-
ment utilisé au Yémen jusqu’au XXe siècle, est reconnaissable à son filigrane, un
profil lunaire, et à sa contremarque, en osmanl¬ où apparaissent les mots « beyaz31
Abû Shabbâk Stambûlî » (la BNF a acquis récemment un manuscrit32 où se dis-
tinguent par transparence ce filigrane et sa contremarque).

29. Arabe 1292, copié en 957/1550-1551, peut-être en Turquie.


30. C’est le cas par exemple du manuscrit de la BNF, Arabe 6499, copié en 1212, peut-être à Séville.
31. Faruk Bilici me signale qu’on emploie en turc le mot beyaz (au lieu de kâÏit) pour parler du papier
qu’on utilise pour les écrits déjà mis au propre (par opposition au papier brouillon).
32. Arabe 7264.
68 / Geneviève Humbert

Mais, la plupart du temps, les papiers qui ne sont ni italiens ni arabes, dans les
manuscrits arabes, sont sans filigranes et servent de support à des manuscrits copiés
dans des régions, parmi les plus orientales du monde islamique, qui sont restées
extérieures au monde ottoman. Ils peuvent avoir été fabriqués en Perse (où la
fabrication s’est poursuivie jusqu’au XVIIe siècle), en Asie centrale (où elle n’a appa-
remment, dans certaines régions, jamais cessé depuis le VIIIe siècle et pourrait avoir
duré jusqu’au début du XXe siècle33) et en Inde, où le papier aurait commencé, dit-
on, à être fabriqué vers le XIe siècle et où la fabrication se poursuit jusqu’à nos jours.
Dans ces pays où la fabrication est de type traditionnel, il semble qu’on pro-
duise des papiers très différents des beaux papiers arabes de l’époque “classique”,
parce que la conception de ce qu’est un beau papier n’est pas la même. Les
beaux papiers arabes seraient plutôt des papiers fermes et souples, où la finesse
de la feuille ne paraît pas être la qualité la plus recherchée, ni la transparence. Alors
que les papiers “orientaux” non arabes sont souvent très fins, et même parfois
trop fins car la minceur de la pâte entraîne des parties très claires et même des
trous. Dans de nombreux cas, la feuille examinée par transparence, tout en ayant
des parties de couleur beige, est assez bien caractérisée par l’adjectif “translucide”.
Dans ces papiers très minces, les traces de la forme peuvent être extrêmement
visibles mais, dans certains papiers translucides, elles sont comme effacées et
rendues illisibles par cette translucidité34. Dans d’autres papiers d’Asie centrale,
les vergeures paraissent très épaisses, comme dans le papier du manuscrit copié
à Balkh dont il a été question plus haut, et elles sont, là aussi, souvent verticales.
Ces papiers sont comme les héritiers des papiers de Samarcande, avec cette dif-
férence, on l’a vu, qu’ils sont très clairs et même “translucides”.

Les papiers de chancellerie au XVe siècle


Alors que les papiers italiens envahissent les pays producteurs de papier arabe
dès le XIVe siècle, il existe des sources du XVe siècle qui apportent un témoi-
gnage très détaillé sur la permanence de l’utilisation du papier arabe dans les ser-
vices officiels de l’administration et la chancellerie, dont il a été question à plu-
sieurs occasions. Ces sources ont été peu exploitées dans les études récentes sur
le papier alors que, pour des raisons de sécurité et de prestige35, on utilisait
peut-être dans ces services des papiers particuliers.

33. F. Richard m’indique que la fabrication de papier, dans les pays musulmans d’Asie centrale, semble
s’être interrompue au moment de leur intégration à l’URSS, et que les papiers qui, dans certains manus-
crits arabes, portent une sorte de marque de fabrique obtenue à l’aide d’un timbre sec à caractères cyril-
liques, ont été fabriqués en URSS. Ils paraissent plus fréquents dans les manuscrits persans, copiés jusque
dans les Balkans. On en a un exemple dans le papier d’un manuscrit arabe conservé à l’École nationale
supérieure de la rue d’Ulm à Paris (ENS 138).
34. Sous l’effet d’un lissage particulier ?
35. Selon l’auteur du texte contenu dans le manuscrit Arabe 4339 de la BNF (f. 177v), on utilisait rare-
ment le papier de Damas dans la chancellerie mamelouke parce que ses correspondants étaient très sen-
sibles au prestige du papier égyptien.
Le manuscrit arabe et ses papiers / 69

Deux livres ont été écrits sur le sujet dans l’Égypte mamelouke du xve siècle, par
des personnages qui semblent avoir tous deux été des familiers du dîwân al-inshâ’
(bureau des correspondances). Le ∑ubÌ al-a‘shâ36, achevé en 1412 par al-Qalqashandî,
n’a pu être utilisé, parmi les arabisants les plus éminents qui se sont intéressés à la
question, que par A. Grohmann (1960). Ceux qui l’avaient précédé, comme Kara-
bacek, n’avaient eu connaissance que d’un texte anonyme et sans titre contenu
dans un manuscrit de la BNF37, par l’intermédiaire de la traduction française de Qua-
tremère. Catalogué sous le titre Dîwan al-inshâ’, ce livre est postérieur à 1430, c’est-
à-dire qu’il est un peu plus tardif que celui d’al-Qalqashandî.
À la lecture de ces textes, on voit que dans les bureaux de la chancellerie du
XVe siècle, et déjà à l’époque du califat de Bagdad, à laquelle ces textes se réfè-
rent, le papier était défini par son format et le nom même de plusieurs d’entre
eux est simplement celui d’un format. Celui-ci varie selon le type d’acte ou de
document et, surtout pour les correspondances officielles, en fonction du rang
du destinataire : plus celui-ci est élevé, plus le format de la feuille est grand. Le
Dîwân al-inshâ’ précise (Arabe 4439 : f. 178) que « la dimension du papier est
proportionnée à l’élévation de la place, et non pas à celle du titulaire » (traduc-
tion de Quatremère, 1836 : cxxxvii).
En plus du “papier de Bagdad”, sur lequel on a peu de renseignements pré-
cis car ce qu’on désigne par baghdâdî au Caire semble se référer à un format, les
deux auteurs consacrent un développement spécial aux papiers “syriens” (les
papiers shâmî). On peut se demander s’il s’agit de papiers fabriqués sur place et
importés par la chancellerie mamelouke, mais cela paraît peu vraisemblable et
on verra (cf. le n° 8 de la colonne de droite du tableau ci-dessous) qu’il semble
qu’on ait utilisé dans la chancellerie mamelouke un seul papier shâmî, et qu’il
s’agisse là aussi d’un type de format38.
Il paraît donc important de commencer par rassembler les renseignements sur
les formats des papiers de chancellerie en Égypte. Le sujet mérite une recherche
approfondie, et il s’agira ici plutôt d’une évaluation du travail à accomplir dans
cette direction que d’une étude achevée.

Le vocabulaire et l’échelle des formats


Avant de passer à l’énumération des formats de papier dans la chancellerie
mamelouke, il paraît nécessaire de faire quelques remarques sur le vocabulaire
technique utilisé.

36. Dont la première édition en 14 volumes date de 1913-1920.


37. Arabe 4439.
38. Le papier fabriqué traditionnellement en Syrie avait joui d’un prestige particulier, et il demeurait spé-
cial à plusieurs égards. Nos auteurs ressentent la nécessité de lui consacrer un développement à part, quit-
tant à cette occasion le sujet qui les intéresse : les papiers utilisés dans la chancellerie mamelouke à leur
époque.
70 / Geneviève Humbert

Le mot qa†© peut, dans tous les contextes semble-t-il, être traduit par “format”
(ou “formatage”)39. Le papier lui-même est généralement appelé waraq, mais par-
fois aussi qir†âs, qui désignait à l’origine le papyrus, mais qu’on a employé par
la suite, par extension, pour “papier”40.
La feuille entière (avant toute découpe et peut-être même telle qu’elle sortait
de la forme du papetier) est désignée chez nos auteurs, dans le strict contexte des
formats, par le mot †ûmâr 41. Dans les autres contextes, comme ils le précisent
(al-Qalqashandî, 1987 : VI, 180; voir aussi Arabe 4439 : f. 177v) « la feuille aujour-
d’hui est appelée farkha » (al-murâd bi-l-†ûmâr al-waraqa l-kâmila, wa-hya al-
mu‘abbar ‘anhâ fî zamâninâ bil-farkha).
D’une façon générale, les formats concernent non pas des “feuilles” mais des
durûj (pluriel de darj). La racine comprend la notion d’enroulement, et un darj
est sans doute, une fois écrit et expédié, un “rouleau”. Ici, le darj est simplement
le support de ce qui sera plus tard acte ou missive. Dans nos sources c’est « un
waraq musta†îl (une feuille “rectangulaire” ou, peut-être, “allongée” ?) composé
de plusieurs awÒâl » (al-Qalqashandî, 1987 : I, 173 ; Arabe 4439 : f. 109)42. Il
faut donc, pour comprendre ce qu’est le darj, s’assurer d’abord du sens de waÒl
(singulier de awÒâl).
L’acception technique de waÒl pose des problèmes et aucun des dictionnaires
que j’ai consultés ne propose de solution satisfaisante. La difficulté est en partie
résolue quand on s’aperçoit que, en réalité, le mot désigne deux choses différentes.
Dans la phrase qui précède, il a le sens de feuille (ou peut-être de “découpe”) de
papier destinée à être raccordée par collage – le collage, l’assemblage sont les notions
de base de la racine – à un ou plusieurs autres awÒâl pour former un darj. De ce
fait, le darj est un rouleau de papier à déroulement vertical résultant de l’assemblage
de plusieurs waÒl-s de même largeur43.
Le darj a une longueur indéterminée puisqu’il peut avoir été allongé par plu-
sieurs awÒâl, si bien que, la plupart du temps, lorsqu’al-Qalqashandî parle des
formats des papiers, il donne seulement, comme dimension, la largeur du darj.
Et lorsque, à une occasion, il précise la longueur du baghdâdî complet (1987 :
VI, 181), il donne non pas la longueur du darj mais celle du waÒl 44 qui, lui, semble
avoir une longueur fixe pour chaque format.

39. À comparer avec Quatremère (1836 : CXXXII).


40. L’acception “papier” pour qir†âs est encore habituelle aujourd’hui en Syrie, et, selon l’auteur du
MuÌî† al-muÌî†, « al-qir†âs al-ÒaÌîfa qabl al-kitâba ».
41. Du grec tomarion. Le †ûmâr désignait en principe, à l’origine, le1/6e d’un rouleau de papyrus.
42. Al-murâd bil-darj fi-l-‘urf al-‘âmm al-waraq al-musta†îl al-murakkab min ‘iddat awÒâl, wa-hwa fî
‘urf al-zamân ‘ibâra ‘an ‘ashrîn waÒlan lâ ghayr.
43. Il me semble que le darj est un rouleau à déroulement vertical fait de plusieurs feuilles qui se dis-
tingue du †abaq, support fait d’autres feuilles (peut-être spécialement à déroulement horizontal). C’est
ainsi qu’est désigné le support d’une carte de géographie dans un manuscrit de la BNF, Arabe 2324,
f. 1, l. 10.
44. ©Ar∂ darjihi dhirâ‘ wâÌid… wa-†ûl kull waÒl min al-darj al-madhkûr dhirâ‘ wa-niÒf.
Le manuscrit arabe et ses papiers / 71

La deuxième acception de waÒl est la ligne qu’on laisse en blanc, par exemple
pour aérer une missive, qu’on peut traduire par “ligne blanche” ou “alinea” dans
certains cas. La hauteur de ce “blanc” dépend du format de la feuille : par
exemple, il peut être soit de deux soit de trois lignes dans le format ordinaire ou
le (petit) manÒûrî (al-Qalqashandî, 1987 : VI, 187).
L’exposé le plus systématique d’al-Qalqashandî sur le format des papiers uti-
lisés dans la chancellerie mamelouke se lit au volume VI (p. 180-184), mais on
trouve dans d’autres parties de son livre des exposés qui le complètent (ou le com-
pliquent), par exemple lorsqu’il explique le type d’écriture qu’il faut adopter
pour chaque format, ou encore lorsqu’il indique le nombre de lignes blanches
(awÒâl) qu’il faut laisser entre les différents éléments d’une missive.
À l’origine des formats des papiers de chancellerie, explique-t-il pour com-
mencer45, il y a une échelle de mesures qui remonte « au temps des califes ». Elle
provient d’un auteur d’époque abbasside dont l’identité pose un problème,
MuÌammad b. ‘Alî (mais le plus souvent b. ‘Umar), al-Madâ’inî46, auteur d’un
livre (malheureusement perdu) intitulé Le Livre du calame et de l’encre, qui dit ceci :
« on employait, pour écrire aux califes les deux tiers d’une feuille (†ûmâr) de papier
(qir†âs), aux émirs une demi-feuille, aux intendants et aux secrétaires un tiers de
feuille, aux commerçants et personnages de même rang un quart de feuille, et aux
spécialistes des calculs et arpenteurs un sixième de feuille. »
Al-Qalqashandî commente cette citation de la façon suivante : « on a là
l’échelle des formats de papier dans l’ancien temps : deux-tiers, demi, tiers, quart
et sixième ». Il ajoute que c’est de cette échelle que s’inspirent toujours les for-
mats de papier du bureau des correspondances en Égypte. Il est intéressant de
noter qu’il ajoute ensuite, à propos d’al-Madâ’inî :
« il est clair qu’il veut parler du format baghdâdî, qui se prête à ce type d’échelle
de dimensions contrairement au shâmî, parce que Bagdad était alors le siège du cali-
fat : il ne convenait pas de mesurer à partir d’un autre papier, étant donné qu’il avait
toutes les qualités. »
Ainsi, le baghdâdî, qui a signifié d’abord “de Bagdad” avant de devenir le
nom du format-étalon pour le papier, ne s’appelait probablement pas ainsi chez
al-Madâ’inî, et n’aurait pris ce nom qu’en s’exportant.

Les papiers égyptiens


Les deux auteurs, à propos des papiers « utilisés aujourd’hui dans le dîwân al-
inshâ’ », sont d’accord sur le nombre de formats. Mais ils ne donnent pas tou-
jours leur nom sous sa forme la plus développée et la plus explicite, et les for-

45. Id., dans le manuscrit de Paris, f. 177.


46. Il pourrait s’agir de MuÌammad b. ‘Alî al-Madâ’inî (135-215 ou 225), mais il est presque toujours
nommé, aussi bien par al-Qalqashandî que par l’auteur du manuscrit de Paris, MuÌammad b. ‘Umar al-
Madâ’inî.
72 / Geneviève Humbert

mats, dans les deux listes, ne concordent pas exactement. Les mesures sont expri-
mées en coudées des étoffes du Caire (une coudée = 48,8 cm) mais on a aussi
comme mesures le doigt, le carat et l’empan. On s’est efforcé de les présenter le
plus clairement possible dans le tableau ci-contre.
Ce tableau comparatif appelle quelques commentaires : sur le vocabulaire, sur
le nombre de formats total utilisé dans la chancellerie, sur les différences que l’on
observe entre les deux tableaux.
Le mot †ûmâr, dans le sens de feuille complète, est bien attesté dans la chancel-
lerie mamelouke du XVe siècle. Le format le plus grand chez l’auteur du Dîwân al-
inshâ’ est absent chez al-Qalqashandî à cet endroit de son livre, mais il le connaît
et l’avait mentionné plus haut, dans le développement qu’il avait consacré aux écri-
tures qui conviennent à chaque format (1987 : III, 54) : de sorte que, alors qu’il avait
annoncé que le papier utilisé par la chancellerie égyptienne se présentait sous neuf
formats, il connaît dix formats – mais on peut penser que le plus grand n’était uti-
lisé qu’en des circonstances exceptionnelles. Le nom le plus complet de ce format
est « †ûmâr complet du manÒûrî » (feuille entière de manÒûrî), mais ce nom est par-
fois abrégé en †ûmâr complet, en †ûmâr al-manÒûrî ou même en manÒûrî tout court
(n° 5 de la colonne de droite), et ceci alors que la chancellerie utilise deux papiers
de format différent appelés manÒûrî (le premier et le n° 7 de la colonne de droite).
Al-Qalqashandî est le seul à parler d’un (petit) manÒûrî, qui a une largeur d’un
quart de coudée, et chez lui le papier ordinaire a pour largeur un sixième de cou-
dée. Ces deux formats sont confondus en un seul chez l’auteur du Dîwân al-inshâ’,
qui connaît un format ordinaire qui mesure une coudée plus un carat. Il y a donc
chez al-Qalqashandî deux petits formats, dont aucun ne correspond à celui du
Dîwân al-inshâ’ de Paris48.
Il semble y avoir eu, comme feuilles complètes employées dans la chancelle-
rie en Égypte, le manÒûrî complet, le baghdâdî complet et le shâmî complet. On
a aussi le format ordinaire (qa†© al-©âda) et le (petit) manÒûrî, et encore un papier
très fin, le papier des dépêches et celui du courrier par pigeon (les deux se
confondent semble-t-il par la qualité, mais diffèrent par le format49). La chan-
cellerie se serait donc peut-être approvisionnée, chez le papetier, en six types de
papier. À ce propos, l’auteur du Dîwân al-inshâ’ (Arabe 4439, f. 178v), ajoute
à la fin de la présentation des formats des papiers de la chancellerie cette remarque
importante :
« Tous ces papiers de format bien arrêté sont mis sur le compte du Dîwân al-
inshâ’ et sont payés sur ordre du Secrétaire d’État (Kâtib al-sirr) à la Teinturerie de
la soie au Caire50… »

47. Voir le n° 3 du ∑ubÌ et les remarques qui suivent le tableau.


48. Dont l’auteur tient peut-être, comme il l’a fait cf. tableau, (n° 2) à signaler un format qui avait été
employé dans une circonstance exceptionnelle.
49. Chez les deux auteurs, il semble que pour le “petit format” (utilisé pour les dépêches ?) on emploie
le papier du courrier par pigeon.
50. Est-ce le nom d’une entreprise elle aussi placée sous contrôle ?
Le manuscrit arabe et ses papiers / 73

Dîwân al-inshâ’ (ms de Paris) ∑ubÌÌ al-a‘shâ d’al-Qalqashandî

1 0
« ûmâr complet » [« ûmâr complet du manÒûrî »
largeur 1,5 coudée cf. ∑ubÌ III, 54]47
2 1
papier « ayant la largeur du baghdâdî » « baghdâdî complet »
largeur 1 coudée largeur : 1 coudée
[sauf dans un cas exceptionnel, longueur (du waÒl) : 1, 5 coudée
où la largeur avait été diminuée de 2 doigts]
3 2
« baghdâdî incomplet » « baghdâdî incomplet »
largeur : celle du baghdâdî moins 4 doigts largeur : celle du baghdâdî moins 4 doigts
4 3
“2/3” (de †ûmâr complet du manÒûrî) “2/3” (de †ûmâr complet du manÒûrî)
largeur : 2/3 de coudée
5 4
“1/2” (de †ûmâr complet du manÒûrî) “1/2” (de †ûmâr al-manÒûrî)
largeur : 1/2 coudée
6 5
“1/3” (de †ûmâr complet de manÒûrî) “1/3” (de manÒûrî)
largeur : 1/3 de coudée
7 6
“format ordinaire” « format connu sous le nom de manÒûrî »
largeur : 1/4 de coudée plus un carat largeur : 1/4 de coudée

7
“format ordinaire”
1/6 de coudée
8 8
papier des dépêches « shâmî complet »
(il s’agit souvent du papier largeur : « celle du †ûmâr shâmî
du courrier par pigeon) dans sa longueur » (?)
Pas de dimension obligatoire
9 9
papier du courrier par pigeons “petit format”
largeur : 3 doigts largeur : 3 doigts
(soit la largeur du papier du courrier
par pigeon)

Si ma lecture de ce passage délicat (à comparer avec celle de Quatremère,


1836 : cxxxvii) est bonne, cela signifierait qu’on a le nom de l’endroit où la
chancellerie mamelouke du Caire se fournissait en papier.
Une fois arrivé à la chancellerie, le papier restait sous surveillance, et l’auteur
du Dîwân al-inshâ’ de Paris dit, à propos du “tiers” (sans doute le papier le plus
courant) :
74 / Geneviève Humbert

« Le papier de ce format n’est jamais découpé ni assemblé par collage que par le
warrâq51 de la chancellerie. Celui-ci ne sort jamais de feuille de la rame52 de papier
que pour la donner à celui qui doit la recevoir, et seulement sur ordre du Chef du
dîwân. Le formatage du papier (qa†© al-waraq) est du ressort du fonctionnaire qui
en a la charge, jamais d’un suppléant » (f. 178).
Ceci semble vouloir dire que le “tiers” était reconnaissable, et que, d’un usage
très courant pour les documents administratifs, il était particulièrement impor-
tant d’éviter qu’il ne soit utilisé par des faussaires.

Papiers des correspondants


de la chancellerie et des particuliers
On trouve chez nos auteurs, en plus des formats des papiers de chancellerie,
quelques indications sur le papier utilisé par les correspondants de la chancellerie.
Selon le manuscrit de Paris, les princes étrangers choisissaient, pour corres-
pondre avec la chancellerie, plutôt du baghdâdî s’ils le pouvaient (Arabe 4439 :
f. 177). Il ajoute que, lorsque le papier de Bagdad vint à manquer (on ne sait mal-
heureusement pour quelle raison), on fabriqua à Damas un papier qui lui res-
semblait de près. On aimerait savoir si ce papier conservait dans ce cas son
appellation, ce qui expliquerait pourquoi il n’est pas rare que les copistes disent
avoir utilisé du baghdâdî (par ex. Quatremère, 1836 : cxxxii-cxxxiii, note 214).
En Égypte même, selon al-Qalqashandî (1987 : XIV, 364), les correspon-
dants de la chancellerie utilisaient du papier de format ordinaire (qa†© al-©âda),
ou du papier baladî (“du pays”). Les correspondants syriens utilisaient du waraq
shâmî, mais il existait, à côté du shâmî de couleur ordinaire un shâmî de couleur
rouge, qu’avaient seuls le privilège d’utiliser les représentants du sultan à Damas
et à al-Karak pour leur correspondance officielle (al-Qalqashandî, 1987 : VIII,
56). Le papier baladî est à nouveau mentionné par al-Qalqashandî à propos des
autorisations de prononcer des fatwa-s et d’enseigner (ijâzât bil-futyâ wal-tadrîs)
délivrées par des cheikhs à leurs disciples : elles étaient d’ordinaire écrites sur un
papier de bonne largeur (yuktab fî qa†© ©arî∂) qui était du shâmî « ou toute autre
sorte de baladî » (wa-naÌwahâ min al-baladî) (1987 : XIV, 364).
En dehors de la chancellerie, on utilisait donc trois sortes de papiers : deux
papiers qui portaient un nom qu’on retrouve parmi ceux dont se servaient les
bureaux de la chancellerie (le baghdâdî et le papier ordinaire appelé qa†© al-
©âda), et un troisième, dont la chancellerie n’avait pas l’usage : le baladî.

Papiers de librairie
À ce stade de la recherche les sources, on le voit, donnent à la fois à penser que
les papiers utilisés dans les services de l’administration et de la chancellerie étaient

51. Sans doute le personnage affecté à la distribution du papier dans les bureaux de la chancellerie.
52. Je lis (comme Quatremère me semble-t-il), rizma au lieu de la mizra du copiste.
Le manuscrit arabe et ses papiers / 75

fabriqués spécialement pour eux, et que certains papiers pouvaient être com-
muns avec ceux des particuliers et donc des libraires. Il serait donc intéressant de
réussir à comparer concrètement papiers de chancellerie et papiers de librairie.
Le seul point sur lequel la comparaison peut porter actuellement est le for-
mat, car on a la chance de disposer des observations de Jean Irigoin (1993 :
303-4), qui nous apprend que le papier utilisé pour la confection des livres au
Proche-Orient, à partir du IXe siècle, se présentait sous trois formats qui se
situent (par reconstruction) dans les limites suivantes :
• grand format : 660-720 mm x 490/560 mm (format proche du baghdâdî)
• format moyen : 490/560 mm x 320/380 mm (format proche du “2/3”)
• petit format : 320/370 mm x 235/280 mm (format proche du “1/2”)
Il ajoute qu’en librairie, les dimensions de chaque feuille sont telles que la
largeur d’un format donné est égale à la longueur du format directement infé-
rieur et à la moitié de la longueur du format directement supérieur, ce qui
revient à dire que la surface de la feuille est doublée quand on passe d’un for-
mat au format supérieur, et que les différents formats sont ainsi aisément com-
patibles, par l’intermédiaire du pliage. Contrairement à ce qu’on a vu pour les
papiers des bureaux officiels, les feuilles de papier ne sont jamais obtenues par
collage et leur longueur, qui est fixe, se trouve dans un rapport bien défini avec
leur largeur.
Si on compare ces formats avec ceux des papiers de chancellerie, ou du moins
leurs largeurs, on s’aperçoit que la largeur du baghdâdî, qui équivaut à une
coudée, est de 488 mm, alors que la largeur du plus grand des formats d’Irigoin
est de 490 mm au minimum : tout en paraissant proches à première vue, les deux
formats sont donc incompatibles en réalité, et le baghdâdî employé dans la
chancellerie égyptienne ne pouvait être utilisé au XVe siècle pour obtenir du papier
de librairie du plus grand format53. Il faudrait toutefois mieux connaître les for-
mats des autres papiers, en particulier ceux qu’on fabriquait en Syrie, où la
coudée (de 70 cm environ) n’est pas la même que celle du Caire, pour voir si
les formats des papiers arabes de librairie et de chancellerie sont réellement
incompatibles.
***
Les textes arabes et l’observation codicologique apportent ainsi leur lot de ren-
seignements. On a vu que deux auteurs anciens, Ibn al-Nadîm et al-JâÌiÂ, distin-
guaient différentes sortes de papier de librairie que nous ne sommes plus en mesure

53. Dans une communication récente (Melcom, 2001), F. Bauden a indiqué que les archives, détruites
en principe lors des changements de dynastie, étaient parfois vendues pour leur papier. Selon lui, al-
Maqrîzî (m. en 1441) en avait souvent utilisé, par exemple dans un manuscrit autographe de la BNF
(Arabe 2144). Ce manuscrit est fait de plusieurs papiers : un papier de librairie “ordinaire”, et deux
papiers traversés par une ligne d’écriture de chancellerie. Le plus grand (et le plus beau) des deux
mesurait, avant pliage, 498 mm x 290-298 mm (f. 163) : sa largeur est donc inférieure à la largeur mini-
mum du format moyen d’Irigoin.
76 / Geneviève Humbert

de reconnaître aujourd’hui. On a vu aussi que les secrétaires qui travaillaient dans


le bureau des correspondances de la chancellerie mamelouke savaient opérer des
distinctions – qui nous échappent pour le moment – entre les papiers qu’on y
employait. La codicologie pour sa part a permis elle aussi d’opérer des distinctions,
surtout entre les papiers utilisés en librairie, et de commencer à proposer des typo-
logies. Mais les concordances entre les renseignement fournis par les textes et par
l’observation des papiers sont rares. L’écart entre les deux séries reste considérable
et donne la mesure du chemin qui reste à parcourir, dans un domaine encore
insuffisamment exploité. De ce fait, chaque découverte, source inédite – comme
la recette de fabrication publiée par Adam Gacek dans les pages qui suivent – ou
observation nouvelle est précieuse parce qu’elle fait naître des interrogations plus
précises et donne de nouvelles chances d’unifier nos connaissances.

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