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Revue de l'Occident musulman et

de la Méditerranée

Dejeux (J.) : La littérature algérienne contemporaine


Charles Vial

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Vial Charles. Dejeux (J.) : La littérature algérienne contemporaine. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée,
n°23, 1977. pp. 248-250;

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La Nouvelle Revue du Caire (Littérature et sciences humaines, éditée par les Livres de
France, 36 rue Kasr El Nil, Le Caire; imprimée par les Editions Universitaires d'Egypte,
41 rue Chérif, Le Caire; Directeur Jean-Yves TADIE) vol. 1, 302 pp. Le Caire, 1975.

Il existait naguère une «Revue du Caire» qui permit longtemps contacts et échanges
culturels entre l'Egypte et la France. Après sa disparition nombre d'intellectuels des
deux pays espéraient qu'un nouveau périodique prendrait la suite, sur des bases peut-
être différentes. C'est maintenant chose faite avec ce premier volume de La Nouvelle
Revue du Caire à qui il faut sincèrement souhaiter bonne chance et longue vie.

Tel qu'il se présente, ce volume séduit par la variété des sujets traités. Plus de la
moitié intéresse la littérature, le tiers touche à l'histoire et aux sciences sociales tandis
que quarante pages entrent sous la rubrique Beaux-Arts. Pour nous en tenir à la
littérature à titre d'exemple on constate que ancien et nouveau s'interpénétrent, Egypte
et France s'imbriquent. Deux traductions de Tewfik El-Hakim, deux études sur T.
Hussein ouvrent ce volume par un hommage à ces fondateurs illustres et déjà
classiques de la jeune littérature arabe moderne, le portrait de Georges Henein atteste
l'originalité et l'intransigeance de ce grand poète d'expression française de l'après querre
tandis que quatre études signées par des chercheurs égyptiens sur Diderot, Zola, Giono
et Adamov illustrent quelques types - plus ou moins modernes - d'approche du texte
littéraire.
Ch.VIAL

Jean DEJEUX, La littérature algérienne contemporaine. Que sais-je?, P.U.F., Paris


1975,126 pp.

Il est toujours difficile de faire le tour d'une question en un si petit volume. Dans le
cas présent l'auteur y est parvenu parce que la question lui était familière. En effet,
J. DEJEUX a publié en dix ans une douzaine d'études sur la littérature maghrébine.

Il donne déjà la mesure de son talent dans l'introduction. Nous conduire en


quatorze pages des «signes» rupestres du Tassili aux productions en langue arabe de
l'Algérie indépendante n'est pas une mince performance. Clarté et concision caractérisent
ce début qui donne le ton de tout le volume.

C'est évidemment de la littérature en Algérie depuis 1830 qu'il s'agit ici, c'est-à-
dire en fait de plusieurs littératures : celle des Français, d'abord visiteurs de l'Algérie
puis nés en Algérie et y vivant - parfois depuis trois générations; celle des Algériens
qui se sont exprimés soit en arabe, soit en français; enfin il existe également une
littérature algérienne orale, arabe ou berbère.

En choisissant de diviser son étude en deux parties à peu près égales (Littérature
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des Français en Algérie, Littérature des Algériens) l'auteur se donne les moyens de
dire l'essentiel dans l'ordre et dans un minimum de temps. La lecture achevée on retire
l'impression que cette terre d'Algérie a toujours favorisé l'éclosion d'un art original.

A l'époque française • à toutes les époques françaises - il est certes impossible de


considérer qu'en prose ou en poésie l'Algérie innove et pourtant, utilisant la même
langue, suivant les mêmes maîtres, adoptant les mêmes modes que les
«métropolitains», les «Africains» affirment leur différence. Les Algérianistes après Louis
Bertrand et plus tard les membres de l'Ecole d'Alger avec Camus s'estiment dotés d'un
tempérament à part - violent, passionné, jouisseur, dynamique - et constituent
presque une race à part. Les uns au nom de la latinité, les autres au nom de l'hellénisme,
adorateurs du soleil ou de la mer, tous sont épris de leur pays que pourtant ils
dépassent ou dans le temps (rejoindre la Berbérie romaine) ou dans l'espace (chanter la
Méditerranée d'ouest en est). Tous, consciemment ou non, mettent entre parenthèse
le fait arabo-musulman.

Les Algériens commencent cependant à faire entendre leur voix - en français, à


partir des années 50 - si l'on excepte Jean Amrouche qui publia beaucoup plus tôt.
Et cette littérature aussi est originale. Romanciers et poètes expriment leur
déchirement personnel d'intellectuels algériens francisés et le malheur de leur peuple en
guerre. Les Faraoun, Dib, Mammeri, Malek Haddad se révèlent et révèlent une autre
Algérie.

L'indépendance n'a pas marqué la fin de la littérature algérienne d'expression


française. Les renseignements statistiques donnés ici p. 95 le prouvent de même que la
Bibliographie critique que l'auteur a publiée dans cette même revue (R.O.M.M., n° 10,
1971). Les anciens continuent de publier et les jeunes auteurs s'affirment à leur tour
dans la mesure où ils trouvent • en Algérie et hors d'Algérie • une revue ou une maison
d'édition. Poésie et roman manifestent des tendances nouvelles : recherches formelles
et critique sans concession de la société algérienne d'après l'indépendance.

J. DEJEUX ne pouvait, proportionnellement au reste, consacrer plus d'une vingtaine


pages à la littérature d'expression arabe. En effet si la poésie avec Moh. Laid est
présente encore que bien traditionnelle au début du siècle, des genres comme le roman
et le théâtre - du moins en arabe littéral - ne sont pratiqués qu'à la fin des années 60.
Notre auteur s'attache à faire sentir le parallélisme qui existe entre les deux littératures
algériennes actuelles, l'arabe et la française : le moralisme est important de part et
d'autre (p. 109), la nécessité d'une seconde révolution est ressentie ici (Dib) et là
(Ben Hadouga). Ces rapprochements ne manquent pas d'intérêt mais on aurait aimé
voir l'auteur essayer de définir la spécificité de la littérature algérienne d'expression
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arabe par rapport à celle du reste des pays arabes, de même que nous l'avons vu
précédemment signaler la spécificité de la littérature «africaine» d'expression française.
Sans doute la place lui a-t-elle manqué ?
Ch.VIAL

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