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Charpente 145

je ne crois pas que Je ne crois pas qu'elle ait déjà eu lieu.


Charpente pensez-vous que... ? Pensez-vous qu'elle puisse avoir Heu?

9 Nuances et précisions
MODÈLE B et MODÈLE C.

Notez l'opposition: Je crois que . . . + indicatif (certitude)


Je ne crois pas que . . . + subjonctif (doute)
Croyez-vous que . . . ? + subjonctif (doute)
L'Expression des sentiments
Mais on peut trouver l'interrogation sous la forme d'une question sans
Idée simple et générale nuance de doute:
Vous pensez qu'il fera cela? (indicatif)
(1) de lui-même = MODÈLE A Pensez-vous qu'il fasse cela? (subjonctif)
Le sujet peut parler (2) sujet = MQDÈLE fi

MODÈLE C Le verbe peut changer de sens:


(1) même sujet Doute (MODÈLE C) Certitude (MODÈLE B)
verbe de certitude, d'espoir Je doute qu'ils sachent la vérité, Je me doute qu'ils la savent,
MODÈLE A + infinitif (doute) (opinion)
verbe de doute, de crainte, de regret, de souhait
II semble qu'ils aient tort, II me semble qu'ils ont tort,
(2) sujets différents (apparence) (opinion)
MODÈLE B: verbe de certitude, d'espoir 4- indicatif Supposez qu'ils soient malheureux, Je suppose qu'ils sont malheureux,
MODÈLE C: verbe de doute, de crainte, de regret, de souhait 4- subjonctif (hypothèse) (opinion)

A. La cçrtitude et le doute B. L'espoir et la crainte


MODÈLE A: verbe + infinitif
1. Même sujet
je suis sûr de Je suis sûr de gagner l'élection. ( = je gagnerai)
MODÈLE A : verbe + infinitif
je croîs II croit pouvoir gagner. (= il pourra gagner)
espérer Y espère trouver un travail cet été.
je pense Vous pensez réussir? (=vous réussirez?)
compter Je compte bien travailler aussi.
je doute de Elle doute de savoir parler en public.
craindre de Je crains de ne rien trouver.
je ne crois pas Charles ne croit pas perdre une seule voix.
de peur de De peur de manquer d'argent, j'ai fait une demande
pensez-vous.. Pensez-vous réussir? d'emploi.
MODÈLE B : verbe de certitude + indicatif
2. Sujets différents
je suis sûr que Je suis sûr que la grève aura lieu demain.
MODÈLE B : verbe d'espoir + indicatif futur
je crois Je crois qu'elle a déjà eu lieu.
espérer que S'espère que vous trouverez un travail.
MODÈLE C: verbe de doute + subjonctif
compter que Je compte bien que vous travaillerez.
je doute que Je doute que la grève ait lieu demain.

lAà
146 Le Moulin à Paroles
Charpente 147

MODÈLE C : verbe de crainte + subjonctif * Nuances et précisions


craindre que On craint qu'il soit trop tard pour sauver les mineurs. C'est... Il est (Référez-vous à la page 279.)
il est à craindre que // est à craindre qu'on ne puisse les sauver.
La politique c'est difficile à comprendre
Nuances et précisions
il est difficile de comprendre la politique
MODÈLE C
On ne votera
pas c'est regrettable
EXEMPLES: II est à craindre qu'on ne puisse pas les sauver, (on ne pourra pas)
II est à craindre qu'ils (ne) soient déjà morts.
il est regrettable qu' on ne vote pas.
Après les verbes de crainte, la particule (ne) est explétive, c'est à dire qu'elle
n'a pas le sens négatif. On peut donc supprimer le ne après les verbes de
crainte, sauf si le sens est négatif.

avoir peur que J'ai bien peur qu'ils soient morts, (français parlé) RÉCAPITULATION
MAIS J'ai bien peur qu'on ne puisse les sauver. (On doit garder ne pour EMPLOI DES MODES (OBLIGATOIRE)
exprimer la négation.) Je suis sûr
Je crois
FAIT Je pense que + INDICATIF
C. Le souhait et le regret J'espère
Je compte
1. Même sujet
Je doute
MODÈLE A : verbe + infinitif Je ne croîs pas
PAS UN FAIT Pensez-vous que + SUBJONCTIF
souhaiter Je souhaite augmenter mes revenus, mais comment? Je crains
Je souhaite
aimer J'aimerais bien gagner plus d'argent. Je regrette
vouloir Je voudrais avoir de plus longs congés.
CHODt DU MODE (SELON LE SUJET DE LA PROPOSITION SUBORDONNÉE)
regretter de Vous regretterez rf'avoir cru ses promesses.
Sujet A Sujet B Sujet A
2. Sujets différents
Je crois qu'il part partir (je vais partir)
MODÈLE C : verbe + subjonctif J'espère qu'il partira partir (je partirai)
Je souhaite qu'il parte partir (je veux partir)
souhaiter que Tout le monde souhaite que la guerre finisse. Je regrette qu'il parte de partir (je pars)
Je crains qu'il (ne) parte de partir (je dois partir)
aimer bien que On aimerait bien que les prix baissent.
proposition proposition subordonnée
vouloir que Voudriez-vous qu'un dictateur vienne au pouvoir? principale
regretter que Je regrette que vous ayez perdu votre place.

Quel dommage que Quel dommage que je n'aie rien à vous offrir.
Matériau 149

PARTIS m. être d'accord POLITIQUE/ GAUCHE/ P.C. (Parti Communiste)


se disputer P.S.U. (Parti Socialiste Unifié)
Matériau défendre
attaquer
Parti Socialiste
CENTRE m. Parti Radical
faire P.D,M. (Progrès Démocratie
Moderne)
DROITE/ Républicains Indépendants
U.D.R. (Union de Défense de
la République)
Politique et économie
changer RÉGIME m. politique présidentiel Le judiciaire
s'effondrer parlementaire
dictatorial CONSEIL CITOYEN m. avoir DROIT m. GRÈVE/ JUGE m. OUVrîr ENQUÊTE/
D'ÉTAT m. VOTE m. instruire
DICTATEUR m. prendre POUVOIR m. LIBERTÉS/ PRESSE/ juger PROCÈS m.
avoir OPINION / payer AMENDE /
garder TORT m., RAISON/ condamner PRISON/
maintenir ÉQUILIBRE m. des POUVOIRS m, exécutif provoquer être conscient trouver coupable
CRISE/. rebelle innocent
menacer législatif empêcher résigné
judiciaire
L'économie
L'exécutif
SYSTÈME m. économique libéral LAISSEZ-FAIRE m.
LE PALAIS DE LE PRÉSIDENT DE décréter ÉTAT DE SIÈGE m.
LA R.F. gouverner PAYS m., ÉTAT^m. néo-capitaliste
L'ELYSÉE
dirigiste PLANIFICATION/
sagement, mal, adroitement
réunir CONSEIL m. DES MINISTRES m. INDUSTRIES/ grande ENTREPRISE/ nationalisée
présider PATRON m. diriger moyenne privée
petite
former CABINET m.
nommer MINISTRES m. INTÉRIEUR m. INGÉNIEUR m. faire tourner USINE/ produire à la chaîne CHARBON m., HOUILLE/
FINANCES/ manufacturer FER m., CUIVRE m,
ÉDUCATION/ creuser MINE/ profonde MATIÈRES premières
démissionner exploiter à ciel ouvert HOUILLE BLANCHE
CENTRALE /. électrique
Le législatif
TRAVAIL m.
LE PALAIS BOURBON L'ASSEMBLÉE/ NATIONALE promulguer LOI/
CONTREMAÎTRE m, embaucher OUVRIER m. spécialisé
discuter AMENDEMENT m.
surveiller non-spécialisé == MANŒUVRE m.
abroger
renvoyer
PEUPLE m. élire DÉPUTÉS m. siéger
SALARIÉ m. être bien/mal payé
être représenté
content déclencher
VOTE m. voter pour CANDIDAT m. promettre mécontent décider
SCRUTIN m. contre tenir PROMESSE / syndiqué appartenir SYNDICAT m. H faire GRÈVE/
donner voix / élu (élire) premier TOUR m. prolonger
recueillir SUFFRAGE m. second terminer
s'abstenir GRÉVISTE m.
150 Le Moulin à Paroles Matériau 151

MARCHÉ m. 1. Le peuple le Président de la République.


CLIENT m. commander 2. La baisse du niveau de vie a une crise politique.
L'OFFRE//LA DEMANDE/ produire/consommer 3. Les ouvriers leur salaire le samedi matin.
libre CONCURRENCE/ 4. Les députés rarement leurs promesses électorales.
passer COMMANDES/ en BAISSE/ provoquer CHÔMAGE m. CHÔMEUR m. chômer 5. Si vous ne voulez pas voter, vous.
faire militaires une CRISE/ 6. Est-ce que les manœuvres au syndicat?
manquer en HAUSSE/ PLEIN-EMPLOI m. 7. Combien d'impôts -vous chaque année?
POLITIQUE/ fiscale ÉTAT-PROVIDENCE m. payer TRAVAILLEURS m. SÉCURITÉ SOCIALE/ 8. Qu'est-ce qui a la grève, d'après vous?
RETRAITE/ 9. Voici les noms qui ont des suffrages.
CONTRIBUABLES m. verser IMPÔTS m. légers 10. L'usine va fermer parce qu'elle commandes.
lourds
injustes C. Donnez le contraire des mots ou expressions suivants:
élever NIVEAU m. DE VIE/: aider TIERS-MONDE m. 1. renvoyer un ouvrier 6. les produits finis vna
abaisser subventionner PAYS m. sous-développés 2. le chômage 7. un innocent
maintenir subvenir aux BESOINS m. 3. la demande 8. un salarié
4. le dirigisme 9. se rebeller
5. en baisse 10. l'expansion économique

EXERCICES (Oral)
A. Rappel de structure.
Formez une phrase complète avec les éléments suivants:

PROFESSEUR ÉTUDIANT

1. Mon candidat gagnera. J'en suis sûr, Je suis sûr que mon
candidat gagnera.
Parler à mois couverts
II gagnera. Je le souhaite.
Il ne tiendra pas ses promesses. Je le crains.
C'est toujours ainsi. Je le regrette. •- U IL* r
LEXICOTEST II ne faut pas croire les slogans. Je le pense.
A. Expliquez la différence qui existe entre : Nous avons le meilleur régime. Je ne le crois pas.
1. L'exécutif et le législatif 2. Je partirai. Il le désire. Il désire que je parte.
2. Se résigner et démissionner Tous les électeurs voteront. On l'espère.
3. Un grand politique et une grande politique Les femmes se sont abstenues. Je le crains.
4. Faire la grève et chômer Elles n'ont pas voté. On s'en doute.
5. Siéger à la Chambre et l'état de siège Elles ont eu raison. Le pensez-vous?
6. Un contremaître et un contribuable Il faut voter. Nous le pensons tous.
7. La houille blanche et le charbon 3. Vous réussirez: le croyez-vous? Croyez-vous réussir?
8. Un patron et un client Il trouvera un emploi. Il n'en est pas sûr. ? M ' CM- fOj^f
9. Le Tiers-Monde et le Centre Les ouvriers font la grève. Ils le souhaitent. 4. & \ CuH/- -r6wK
t?J
10. Une amende et un amendement . \wc?'dA ft' Us vont perdre leur place. Ils en ont peur.
Ils ont eu raison. Ils le croient.
B. Complétez les phrases suivantes avec le verbe approprié: (Une ou plu-
sieurs solutions possibles.) Vous serez en chômage. Vous le craignez?
152 Le Moulin à Paroles Matériau 153

4. Les salaires seront augmentés. Tu l'espères? Tu espères que les Mon patron souhaite que la grève finisse.
salaires seront Je
augmentés? espère
Je serai patron. J'y compte bien. je trouverai du travail.
Elle n'a pas voté. Elle a eu peur. Le manœuvre
Le syndicat veut la grève. Tu crois? a peur
Ils la feront. On le craint.
Je vous ai fait un discours. Je le regrette. C. Questions.
Voici des phrases. Faites-en des questions exprimant tel ou tel sentiment.

PROFESSEUR ÉTUDIANT

(Certitude) II y a une crise. Vous êtes sûr qu'il y a


(Doute) II y a une crise. une crise?
(Souhait) La grève aura lieu.
(Espoir) La grève aura lieu.
(Regret) Les salaires sont bas.
(Crainte) L'industrie est en stagnation.
D. Dialogue dirigé.
Faites des questions et des réponses contenant un verbe exprimant le
sentiment indiqué, suivi d'une proposition.
Demandez à X. s'il pense que l'élection aura lieu.
Répondez-lui que vous en doutez.
Demandez à Y. s'il espère que l'État contrôlera l'économie.
Nous avons un point commun
Répondez-lui que vous ne l'espérez pas mais vous en. avez bien peur.
Dites à Z. que vous doutez que les allocations familiales soient une
bonne chose.
5. II peut devenir ingénieur. Il en est sûr. Il est sûr de pouvoir Répondez-lui que vous êtes persuadé du contraire.
devenir ingénieur. Demandez à votre ami ce qu'il pense du dirigisme; est-ce une bonne
Il travaille dans une usine? Quel dommage. chose?
Il est ingénieur? J'en doute. Répondez-lui que non, à votre avis.
C'est un contremaître, je crois.
Peut-être la gauche viendra-t-elle au
EXERCICES (Écrit)
pouvoir? Je le voudrais.
Elle va perdre sa place. Elle en tremble. A. Joindre ensemble les éléments de phrase.
Il y a beaucoup de chauvinisme. C'est dommage.
B. Jeu structurai. La grève finira demain. C'est certain.
Répéter la phrase modèle puis y substituer les éléments proposés, en La crise ministérielle émeut la foule. C'est à craindre.
modifiant s'il le faut la structure de la phrase.
La gauche accepte de laisser aller l'économie au hasard. B. Exprimer la certitude, le doute, le souhait, le regret, l'espoir, et la crainte
La droite au sujet de dix phrases que vous choisirez dans le texte de Maurice
souhaite Duverger qui suit.
que C. Même exercice au sujet de vos projets de carrière.
_ la consommation EXEMPLE: J'espère devenir médecin, mais j'ai peur que les études ne
baisser. soient trop longues et je voudrais bien me marier jeune, etc.
Fenêtre I 155

satisfaisante. Ces cornéliens1 décrivent la politique telle qu'elle devrait


être; plus raciniens, leurs adversaires la décrivent telle qu'elle est. Eux 30
Fenêtre I mêmes peuvent difficilement contester que leur peinture soit trop noire. Les
gouvernants les plus oppresseurs, les plus injustes, remplissent quelques
fonctions d'intérêt général, au moins dans des domaines techniques: ne
serait-ce qu'en réglant la circulation automobile, en faisant fonctionner les
P. & T.,2 en assurant l'évacuation des ordures ménagères. 35
En définitive, l'essence même de la politique, sa nature propre, sa véritable
Les Deux Faces de Janus* signification, c'est qu'elle est toujours et partout ambivalente. L'image de
Janus, le dieu à double face, est la véritable représentation de l'État: elle
MAURICE DUVERGER. Célèbre professeur de Sciences Politiques. Il écrit exprime la réalité politique la plus profonde. L'État—et, d'une façon plus
régulièrement dans la presse, surtout dans Le Monde des articles très suivis générale, le pouvoir institué dans une société—est toujours et partout à la 40
sur la vie politique en France. fois l'instrument de la domination de certaines classes sur d'autres, utilisé
par les premières à leur profit et au désavantage des secondes, et un moyen
Derrière tous les systèmes de valeurs et tous les jugements particuliers, d'assurer un certain ordre social, une certaine intégration de tous dans la
deux attitudes fondamentales se retrouvent généralement. Depuis que les collectivité, pour le bien commun. La proportion de l'un et l'autre élément
hommes réfléchissent à la politique, ils oscillent entre deux interprétations varie, suivant les époques, les circonstances et les pays: mais les deux co- 45
diamétralement opposées. Pour les uns, la politique est essentiellement une existent toujours. Les rapports entre la lutte et l'intégration sont d'ailleurs
5 lutte, un combat, le pouvoir permettant aux individus et aux groupes qui le complexes. Toute contestation de l'ordre social existant est image et projet
détiennent d'assurer leur domination sur la société, et d'en tirer profit. Pour d'un ordre supérieur, plus authentique, Toute lutte porte en elle un rêve
les autres, la politique est un effort pour faire régner l'ordre et la justice, le d'intégration, et constitue un effort pour l'incarner. Beaucoup pensent que
pouvoir assurant l'intérêt général et le bien commun contre la pression des lutte et intégration ne sont pas deux faces opposées, mais un seul et même 50
revendications particulières. Pour les premiers, la politique sert à maintenir processus d'ensemble, la lutte engendrant naturellement l'intégration, les
10 les privilèges d'une minorité sur la majorité. Pour les seconds, elle est un antagonismes tendant par leur développement même à leur propre suppression
moyen de réaliser l'intégration de tous les individus dans la communauté et à l'avènement d'une Cité harmonieuse.
et de créer la Cité juste dont parlait Aristote, déjà. Pour les libéraux classiques, l'intégration est engendrée par la lutte au fur
L'adhésion à l'une ou l'autre thèse est en partie déterminée par la situation et à mesure du développement de celle-ci: les deux phénomènes sont con- 55
sociale. Les personnes et les classes opprimées, insatisfaites, pauvres, mal- comîtants. La concurrence produit la plus forte expansion de la production
15 heureuses, ne peuvent considérer que le pouvoir assure un ordre réel, mais et la meilleure répartition de ses fruits: elle aboutit à chaque instant à la
seulement une caricature d'ordre, derrière lequel se masque la domination meilleure économie possible. La compétition politique entraîne des résultats
des privilégiés: pour elles, la politique est lutte. Les personnes et les classes analogues: à travers elle, les meilleurs, les plus aptes, l'élite, gouvernent au
nanties, riches, satisfaites, trouvent que la société est harmonieuse et que le profit de tous. Une harmonie politique, troublée seulement par les anor- 60
pouvoir maintient un ordre authentique : pour elles, la politique est intégration. maux, les perverts, les malades, est parallèle aux «harmonies économiques».
20 Souvent, les secondes réussissent plus ou moins à persuader les premières Pour les marxistes, la lutte est aussi le moteur de l'évolution des sociétés,
que les luttes politiques sont malpropres, malsaines, malhonnêtes, que leurs qui aboutit nécessairement à la fin des antagonismes et à l'avènement d'une
participants ne poursuivent que des intérêts égoïstes, avec des méthodes société sans conflits. Mais cette intégration n'apparaît qu'à la dernière
douteuses. En démobilisant ainsi leurs adversaires, elles s'assurent un grand phase d'un processus à très long terme, dans un avenir lointain. À chaque 65
avantage. Toute «dépolitisation» favorise l'ordre établi, l'immobilité, le étape, se produit une intégration partielle, une «synthèse», qui devient
25 conservatisme. aussitôt un nouvelle source de contradiction et d'antagonisme. L'harmonie
Bien entendu, ces deux attitudes n'expriment qu'une partie de la réalité. politique se développe de façon rythmique, jusqu'à cette fin de l'histoire que
Les conservateurs les plus optimistes ne peuvent nier que, même si la politique sera la «phase supérieure du communisme».
a pour but de réaliser l'intégration sociale, elle l'atteint rarement d'une façon 1
Allusion au célèbre passage des Caractères où La Bruyère écrit que Corneille peint les hommes
tels qu'ils devraient être, et Racine tels qu'ils sont.
1
'Maurice Duverger, Introduction à la politique. Paris, Gallimard, 1964. p. & T. = Postes et Télécommunications.
156 Moulin à Paroles Matériau 157

QUESTIONS 2. Choisissez un problème politique important dont on parle au moment


où vous écrivez. Essayez de l'analyser en lui appliquant les idées de
1. Quelles sont les deux interprétations opposées que Duverger donne de
Duverger.
la politique?
3. La Cité juste dont parlait Aristote (voir /. 12) existe-t-elle? Peut-elle
2. Qu'est-ce qui décide l'adhésion à l'une ou l'autre thèse? Comment? exister? (Classez et développez les raisons qui justifient votre réponse.)
3. Qu'est-ce que la «dépolitisation»? Quel en est le résultat?
4. Les deux attitudes décrites jusqu'ici, expriment-elles toute la réalité?
5. Pourquoi ce texte s'intitule-t-il: «Les deux faces de Janus»? Qui est
Janus ?
6. Pourquoi Duverger dit-il que «les rapports entre la lutte et l'intégration
sont complexes»? (/. 46 à 47).
7. Que pensent à ce sujet les libéraux classiques?
8. Dans quel sens les marxistes disent-ils que «la lutte est le moteur de
l'évolution»?
9. Qu'est-ce que «la fin de l'histoire»?
10. Est-ce que vos idées sur la politique se trouvent exprimées dans ce texte?
Qu'en pensez-vous?

SITUATIONS
1. Débat: un conservateur et un libéral présentent les problèmes politiques
de votre université selon le schéma de Duverger.
[Note: vous pouvez varier le débat en y introduisant: un professeur
conservateur, un professeur libéral, un étudiant modéré, un étudiant
radical.]
2. .En prenant comme point de départ le texte de Duverger, discutez le
problème des minorités (raciales et économiques) dans une société
démocratique.
3. Débat: «Le rôle de la politique à l'université.»
[Chaque étudiant qui participe au débat a toute liberté de soutenir le
point de vue qu'il choisit. Mais pour que le débat soit net, il faut que
deux positions extrêmes s'affrontent.
Par exemple :
(a) La politique n'a aucune place à l'université. Les étudiants sont là
pour étudier, et oublier tout le reste. Vive la tour d'ivoire.
(b) L'université, en tant qu'institution, fait partie de l'appareil répressif
de la société. Le devoir des étudiants est de lutter contre tout
symbole d'oppression bourgeoise.
Chaque position peut être défendue par un ou plusieurs étudiants. Un
modérateur arbitre le débat.1

COMPOSITIONS
1. Discutez le mot célèbre de Napoléon: «La tragédie aujourd'hui, c'est la
politique».

,
Fenêtre II 159

Le Premier me coule une œillade d'odalisque.4 Les huissiers convoqués


Fenêtre II apportent urne et bouts de papier.
Le dépouillement du scrutin donne une forte majorité de bulletins blancs.
Le Premier a trois voix, Gano aussi, j'en ai une (la mienne, naturellement).
Courte suspension de séance. 30
Tous les ennemis de Gano m'entourent. Ils veulent, à tout prix, le mettre
en échec. Je leur recommande de voter pour le Premier, comme moi.
Comment prendre le pouvoir* «Mais il est nul. C'est de la folie.»
Je lève les bras au ciel.5
JACQUES DE BOURBON-BUSSET. Né en 1912. Diplomate de carrière qui s'est À la reprise, je fais proposer par mon voisin que les voix se portent uni- 35
lancé dans la littérature avec: Antoine mon frère (1957), court récit de style quement sur les noms qui ont déjà recueilli des suffrages.
néo-classique très «à la française». Moi, César dont est extrait le texte Le Premier et Gano approuvent énergiquement, craignant un nouveau
suivant, déguise sous forme de récit des réflexions de moraliste sur le pouvoir concurrent de taille à les départager.
Les résultats du second tour sont annoncés par le Premier d'une voix
La mort du Président nous a tous pris de court. Nous n'y comptions plus. faible où affleurent les sanglots. 40
Ministre de la Propagande, j'ai été le premier prévenu. Le coup de téléphone II est tombé de trois à deux. Gano monte de trois à cinq. J'ai six voix.
du Quirinal,1 à l'aube, m'a tiré du sommeil et de la quiétude. Tous les Je prends la parole et déclare apporter mes voix au Premier.
problèmes posés d'un coup. Le troisième tour a Heu, sans désemparer.6 Gano garde ses cinq voix. Le
5 Chacun de nous, en entrant dans la salle du Conseil, jette un regard vers Premier n'a plus que la sienne. J'obtiens huit voix, la majorité absolue.
le grand fauteuil. Impossible. Il est en retard. Chuchotements qui s'enflent. Tout s'est fait si vite que la surprise est totale. Le Premier, égaré, lève la 45
Le Premier lit, d'une voix ampoulée, le testament du Président: «II ne séance. Nous sommes tous debout, langues et bras en mouvement. J'entends,
m'appartient pas d'entrer dans le détail de l'opération qui tendra à remplir sur ma gauche, un collègue, s'écrier: «Prenons le temps de la réflexion. Et
le vide causé par ma disparition. Je souhaite que le gouvernement se mette surtout gardons le silence le plus absolu.»
10 d'accord sur un nom et le propose au peuple.» J'approuve de toutes mes forces.
Surprise. On s'attendait à une désignation. Le Premier est effondré. Il Rentré au ministère, je convoque un journaliste à qui j'ai rendu un service 50
se croyait le Dauphin,2 II était le seul. sérieux et le charge d'annoncer la nouvelle, sous le sceau du secret, à quelques
Gano, fort de sa position de ministre d'État, prend la parole. Il est plus confrères bien placés.
jaune que jamais. Sa mèche couvre presque son œil droit. Il commence un Deux heures plus tard, mon nom s'étale en première page de tous les
15 cours. journaux du soir. Aussitôt, j'annonce à mes collègues que je fais ouvrir
«Il faut assurer la continuité de l'État, rester fidèle au principe de l'équilibre une enquête sur l'origine de la fuite. Je menace de révocation mes directeurs. 55
des pouvoirs, donner à l'exécutif les moyens de gouverner. Cette triple Pendant trois jours, je m'enterre à la campagne. Toutes les heures, par
condition ne sera remplie que . . . » fil direct, j'appelle mon cabinet.
« . . . par moi-même.» Mon interruption scandalise, puis déchaîne des La presse est favorable. On vante ma modestie, ma connaissance précise
20 fous rires. des dossiers, mon affabilité envers les journalistes.
Le vacarme s'installe. Le Premier a renoncé à présider. Il contemple, Je n'ai plus qu'à paraître à la télévision, à agir sur la masse par la masse. 60
derrière ses lunettes, son rêve en miettes.3 Gano se ronge les ongles. Le J'annonce que, la mort dans l'âme, j'ai accepté le fardeau.
ministre des Armées, long et sinistre, suggère de décréter l'état de siège. Le reste fut routine.
Les choses mûrissent rapidement. De mes anciens collègues, il n'en reste plus au gouvernement un seul. Je
25 Je lève le doigt : «Je propose le Premier ministre et demande un vote secret. » les ai éliminés peu à peu, un par un au début, puis trois par trois. Le dernier
à partir a été le Premier. C'était le moins gênant. Quand je lui ai proposé 65
* Jacques de Bourbon-Busset, Le Protecteur. Paris, Gallimard. de devenir Chancelier (n'était-il pas plus honorable d'être mon second que
1
1
le Quirinal le palais présidentiel de ce pays (l'Italie? la France?).
le Dauphin le successeur désigné par le Président. 4
tfillade d'odalisque un regard plein de coquetterie.
3
en miettes pulvérisé, en morceaux. ' /<•.¥ bras au ciel ucste d'impuissance et de résignation.
" .«m tfesfinpnrtr «uni utlcndre.
160 Le Moulin à Paroles

le premier de mes commis?) il a hésité. Sa femme tenait au titre de Premier.


Une ambassade a mis fin à ses tergiversations.

QUESTIONS
1. Expliquez en français: prendre de court, effondré, fous rires, égaré, la
mort dans l'âme.
2. Caractérisez par une phrase complète tous les sentiments exprimés dans
cette petite comédie politique. Par exemple, «les ministres ont été surpris
que le Président soit mort,» «ils n'espéraient plus .qu'il meure,» etc.
3. Expliquez «Impossible. Il est en retard.» (/. 6).
4. Expliquez «II était le seul.» (/. 12) Le seul à quoi faire?
5. Quel était le but de l'interruption (/. 19)?
6. Pourquoi le ministre de la Propagande propose-t-il que le Premier
ministre succède au Président?
7. Pourquoi continue-t-il à le soutenir?
8. Racontez la «fuite» qui fait connaître le nom du Président désigné par
le Conseil des Ministres.
9. Quelle comédie le ministre de la Propagande a-t-il jouée?
10. Expliquez «agir sur la masse par la masse».
11. «Le dernier à partir a été le Premier.» Commentez cette phrase.
12. Que pensez-vous de cet homme politique?

SITUATIONS
1. Jouez la scène de l'élection (/. 25 à 44) exactement comme dans le texte,
avec les discours, les résultats de chaque tour, et les remarques des
ministres (acteurs: le Premier, les autres ministres, les huissiers).
2. Jouez l'élection du Président (1) des étudiants, (2) de l'université,
(3) du pays. (Au choix.)
3. Vous essayez d'expliquer le système d'élections présidentielles à un
étranger cynique et sceptique.
4. Que pensez-vous du Ministère de la Propagande dans une démocratie?

COMPOSITIONS
1. Répondre par écrit à la question 2. (Expression des sentiments)
2. Faites le portrait d'un ambitieux.

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