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Analyse sur les déterminants et la soutenabilité du déficit

courant en Haiti pour la période allant de 1974 à 2015

Shelsonnyna MICHEL
Karlotine WESHE

Résumé:

Depuis 1974, Haïti présente des déficits courants chroniques qui minent sa performance économique et
détériorent sa position financière extérieure nette. Fort de ce constat, en se basant sur l’approche
intertemporelle de la balance des paiements, la présente étude vise à identifier les déterminants du déficit
courant du pays, à l’aide d’un modèle ARDL, pour la période allant de 1974 à 2015 et à en analyser la
soutenabilité. Ainsi, dans un premier temps, la méthode de cointégration aux bornes introduite par
Persaran et Al a permis, d’établir que les déviations du taux de croissance, de la formation brute de capital
fixe et de l’épargne intérieure brute par rapport à leur niveau de long terme se répercutent sur l’évolution
du compte courant. Dans un second temps, la méthode de Husted a amené à conclure que le déficit courant
du pays n’est pas soutenable et l’approche de solvabilité de Reisen a permis d’évaluer le seuil de
soutenabilité du déficit courant à 2.7% du PIB.

Abstract:

Since 1974, Haiti has been showing chronic current deficits that undermine its economic performance and
deteriorate its net financial exterior position. Considering this fact, mainly through intertemporal method,
this paper aims to identify the main factor of the current deficits in this country by using an ARDL model,
starting from 1974 to 2015. Thus, the bound test methodology, pioneered by Persaran and Al, led us to
conclude firstly that the deviations of the economic growth rate, the gross fixed capital formation and the
gross national saving from their equilibrium level affected the evolution of the current deficits. On the
second note, Husted’s approach led us to infer that the current deficit of Haiti is not sustainable. Finally,
by using Reisen’s solvency framework, we estimate that the sustainability threshold of the current deficit
is 2.7% of GDP.

Mars 2020
Table des matières
1. INTRODUCTION ..................................................................................................................................................3
2. REVUE DE LITTERATURE.....................................................................................................................................5
2.1. Revue théorique ..........................................................................................................................................5
2.1.1 Littérature théorique : déterminants du solde des transactions courantes .............................................5
2.1.2 Littérature théorique : Approche de solvabilité .............................................................................. 13
2.2 Littérature empirique .......................................................................................................................... 18
3 MODELISATION ÉCONOMÉTRIQUE ET ANALYSE ........................................................................................... 21
3.1. Cadre méthodologique ................................................................................................................................. 22
3.1.1 Présentation du modèle ARDL ................................................................................................................... 22
3.1.2 Présentation des variables retenues .......................................................................................................... 23
3.2. Présentation des résultats de la modélisation ............................................................................................. 25
3.2.1 Test de racine unitaire ............................................................................................................................ 25
3.2.2 Bound Test .............................................................................................................................................. 26
3.2.3 « Graphe criteria » : choix du meilleur modèle ARDL ............................................................................ 28
3.2.4. Test de validation du modèle ............................................................................................................... 29
3.2.5. Interprétations des résultats des tests économétriques ...................................................................... 35
3.3 Analyse de la soutenabilité du déficit courant .............................................................................................. 38
4. CONCLUSION ....................................................................................................................................................... 41
5. LIMITES ................................................................................................................................................................ 43
6. BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................... 44

2
1. INTRODUCTION
Dès le XIXème siècle, les diverses avancées industrielles et technologiques, associées à la prédominance
des politiques libérales, ont conduit à l’intensification des échanges internationaux et par conséquent à
l’amplification croissante de la mondialisation1. Face à la dynamique de ce phénomène, les gouvernements
de la plupart des pays sont contraints d’élaborer leurs politiques économiques en tenant compte, non
seulement des spécificités économiques de leur pays, mais aussi et surtout des nouvelles exigences des
échanges internationaux afin de d’assurer sa compétitivité par rapport au reste du monde. Cette
compétitivité peut être mesurée à travers les différents comptes intermédiaires de la balance des paiements.
Cependant, dans la majorité des études, l’accent est surtout mis sur les déséquilibres du compte des
transactions courantes qui enregistrent les opérations d’importations et d’exportations de biens et services,
la rémunération des revenus des facteurs et les transferts publics et privés sans contrepartie. Ceci
s’explique par le fait que ce compte révèle le mieux la richesse nette d’un pays. Il renseigne non seulement
sur la capacité du système productif du pays, mais aussi sur son niveau d’épargne interne et donc sa
capacité à financer ses dépenses de consommations et d’investissement. Ainsi, un déficit courant récurrent
peut être lourd de conséquences et représente une des premières sources d’accumulation de dette
extérieure même pour des pays développés comme les Etats-Unis (Etudes Economiques de l’OCDE,
2005), en particulier pour les pays en voie de développement (PED) dont le solde courant est, en général,
structurellement déficitaire.

Haïti a commencé à présenter des déficits courants récurrents à partir de 1974. Le solde courant est passé
de HTG 41 MM en 1972, à HTG 5MM en 1973, pour s’établir autour de HTG -104 MM en 19742. Ainsi,
le système productif haïtien encore très faible et objet d’une considérable décapitalisation, dans le cadre
de la libéralisation de son économie, ne pouvait en aucun cas supporter le poids de la concurrence des
pays partenaires, particulièrement des Etats-Unis. Le volume des importations augmente à un rythme plus
élevé que celui des exportations. Par ailleurs, les importations en biens de capital ne représentent qu’une
faible part de l’ensemble des importations (J. R. Gilbert, 1984). La base d’exportation étroite se résume

1
« L’IDE est devenu la source la plus importante de financement externe de nombreux pays en développement. Son
encours total est passé de moins de 5% du PIB mondial en 1980 à plus de 25% en 2006 » (réf : Rapport de la
Conférence OECD-OIT sur la responsabilité sociale des entreprises à partir de l’impact social des Investissements Directs
Etrangers (IDE) dans les pays d’accueil, 23-24 juin 2008)
2
Ces données proviennent du site de la Banque Mondiale : https://donnees.banquemondiale.org/

3
principalement à quelques produits primaires et des produits textiles assemblés tandis que la structure des
importations est composée d’une très large variété de produits.

De plus, avec la persistance des déficits courants, l’accentuation de ses incidences sur les différents
comptes internes et la survenue de chocs structurels et/ou conjoncturels au niveau du commerce
international, la gourde a perdu de sa valeur et le pays a dû passer du régime de change fixe au régime de
change flottant administré vers la fin du XXème siècle. Pendant cette période, la monnaie locale subit
donc une dépréciation effrénée, qui se révèle néfaste pour toute économie faible, fortement importatrice
et endettée ; ce qui accentue davantage les déséquilibres du compte courant.

Le déficit courant représente en moyenne au cours de la période allant de 1974 à 2015, 3.26 % du PIB et
est donc inférieur au seuil de 5% au-delà duquel plusieurs économistes estiment que le déficit courant est
insoutenable. Cependant, on aurait tort de retenir ce seuil sans plus de considération dans le cas d’Haïti.
Gnaro souligne que « les déficits du compte courant, quel que soit leur niveau, ne sont pas sans
conséquences. Aucune économie ne peut soutenir indéfiniment un déséquilibre de sa balance courante ».
En d'autres termes, on ne peut vivre durablement au-dessus de ses moyens sans remettre en cause sa
solvabilité. Il existe un point où la tendance doit s'inverser, le solde courant amorçant alors un processus
d'ajustement avec une réduction progressive du déficit pour ramener le solde à son niveau d'équilibre de
long terme. Le processus d'ajustement, qu'il résulte de mesures délibérées de politiques économiques ou
qu'il soit forcé par le retournement de conjoncture, n'est pas sans conséquence pour l'économie3.

Milesi-Ferretti et Razin (1996) ont proposé une liste d’indicateurs reflétant la soutenabilité du déficit
courant et qui prend en compte la structure de l’économie en question, les politiques macroéconomiques
adoptées, les facteurs politiques : l’épargne, l’investissement, le degré d’ouverture, la structure des
échanges avec l’extérieur, le niveau et la structure de la dette extérieure. Ils en déduisent que des efforts
de résorption du déficit courant sont nécessaires lorsque la structure des exportations est mince, le niveau
d’épargne faible, le secteur financier dominé par un secteur bancaire faiblement supervisé et que le recours
au financement par émission d’actions est limité. Or tous les éléments soulevés par Milesi-Ferretti et Razin
sont observables dans l’économie haïtienne. Et, à cela s’ajoute le fait que le pays est confronté à des chocs

3
GNARO Adja-lelou, Dynamique du solde des transactions courantes du Togo : déterminants et soutenabilité, 2004

4
persistants des termes de l’échange (Kent et Cashin, 2003)4. De plus, Obstfeld et Rogoff (1996), analysant
le cas d’une petite économie ouverte, estiment qu'à l'état stationnaire, pour un ratio dette PIB de 15%, les
excédents commerciaux nécessaires au remboursement est de l'ordre de 45% du PIB. Or, pendant la
période sous étude la dette externe d’Haiti représente en moyenne 29.1% du PIB tandis qu’aucun excédent
commercial n’est enregistré.

Considérant les éléments susmentionnés, la présente étude vise à identifier les causes du déficit chronique
enregistré au niveau du solde des transactions courantes en Haiti pour la période allant de 1974 à 2015 en
se basant sur l’approche intertemporelle et en analyser la soutenabilité. De manière spécifique, il s’agit :

1. D’identifier les facteurs explicatifs du déficit courant en Haïti à court et long termes ;

2. De procéder à l’étude empirique de la soutenabilité du déficit courant en Haiti ;

3. D’identifier le solde courant soutenable pour Haïti

2. REVUE DE LITTERATURE
2.1. Revue théorique

2.1.1 Littérature théorique : déterminants du solde des transactions courantes


Le déficit courant peut être analysé théoriquement sous plusieurs angles. Vu les objectifs poursuivis par
la présente étude, nous considèrerons trois (3) approches théoriques s’inscrivant dans une perspective
structurelle et deux modèles permettant d’évaluer la soutenabilité du déficit courant (solvabilité).

A. Approche par absorption


L’approche par absorption interne de la balance des paiements a été proposée par Sidney Alexander au
cours des années 505. Elle se base sur la représentation de l’équilibre macroéconomique en économie
ouverte comme une égalité entre l’offre et la demande globale à travers l’identité ressources-emplois,
empruntée à la comptabilité nationale. Autrement dit, elle compare la production totale d’un pays à la

4
KENT Christopher et CASHIN Paul, 2003. The response of the current account to terms of trade shocks: Persistence matters. International Monetary Fund

(IMF) Working Papers, page 44

5
Gilles MORISSON, Equilibre macro-économique et financier, 2010

5
consommation en biens et services des secteurs privé et public. La démarche mathématique se présente
comme suit :

Le revenu global de l’économie est donné par la relation :

𝑌 = 𝑌𝑑 + 𝑌𝑓 + 𝑇𝑓 (1.1)

où Y est le revenu global, Yd le revenu domestique, Yf le revenu des facteurs et Tf les transferts des
facteurs. De cette relation, on peut déduire le revenu domestique qui s’exprime par :

𝑌𝑑 = 𝑌 − 𝑌𝑓 − 𝑇𝑓 (1.2)

Dans une économie ouverte, l’équilibre macroéconomique au temps t, suppose l’égalité entre le revenu
domestique et la demande domestique. Elle se traduit mathématiquement par :

Yd t = C t + Gt + I t + STt + X t − M t (1.3)

Où Ct représente la consommation, It l’investissement et ∆STt la variation de stock

En remplaçant Yd par sa valeur au niveau de l’équation (1.2), on obtient :

Yt − Yf t − Tf t = Ct + Gt + I t + STt + X t − M t (1.4)

Ainsi, le revenu global devient :

𝑌𝑡 = 𝑌𝑓𝑡 + 𝑇𝑓𝑡 + 𝑋𝑡 − 𝑀𝑡 + 𝐶𝑡 + 𝐺𝑡 + 𝐼𝑡 + ∆𝑆𝑇𝑡 (1.5)

D’où : 𝑌𝑡 − (𝐶𝑡 + 𝐺𝑡 + 𝐼𝑡 + ∆𝑆𝑇𝑡 ) = 𝑋𝑡 − 𝑀𝑡 + 𝑌𝑓𝑡 + 𝑇𝑓𝑡 (1.6)

En remplaçant les termes (𝐶𝑡 + 𝐺𝑡 + 𝐼𝑡 + ∆𝑆𝑇𝑡 ) et (𝑋𝑡 − 𝑀𝑡 ), respectivement par A (absorption interne)
et XN (les exportations nettes), l’approche par absorption interne se présente mathématiquement par
l’équation :

𝑌 − 𝐴 = 𝑋𝑁 + 𝑌𝑓 + 𝑇𝑓 (1.7)

ce qui implique :

BC = Y – A (1.8)

6
BC étant est la balance des transactions courantes. Il en découle que la différence entre le revenu global
et l’absorption interne correspond au solde de la balance des transactions courantes. Lorsque le revenu
global atteint le même niveau que l’absorption interne, la balance courante est en équilibre. Lorsque
l’absorption interne excède le revenu global cela correspond à un déficit courant. Il en ressort que la
balance courante n’est excédentaire que lorsque que le revenu global du pays est supérieur à son absorption
interne pour une période donnée.

Considérant les fluctuations du taux de change, Alexander soutient qu’une dévaluation influence le solde
courant à travers la variation de revenus induite et à travers l’augmentation des prix domestiques qui réduit
le niveau d’absorption interne.

∆𝐵𝐶 = ∆𝑌 + ∆ 𝐴 (1.9)

L’absorption interne étant fonction du revenu global et des prix des biens et services, notons α et β les
effets revenu et prix induits par les mouvements de change sur A.

∆𝐴 = 𝛼∆𝑌 − 𝛽 𝐴 (1.10)

En remplaçant ∆𝐴 par son expression dans (1.9) on obtient :

∆𝐵𝐶 = ∆𝑌(1 − 𝛼) + 𝛽𝐴 (1.11)

∆𝑌(1 − 𝛼) et 𝛽𝐴 traduisent respectivement l’effet-revenu et l’effet-prix excercés sur la balance courante.


Au niveau de l’effet-revenu, il distingue l’effet des ressources oisives (yr ) et l’effet des termes de
l’échange (yt ), notant ∆𝑌 = y. D’où :

∆𝐵𝐶 = ( 𝑦𝑟 + 𝑦𝑡 )(1 − 𝛼) + 𝛽𝐴 (1.12)

Deux cas peuvent traduire une amélioration de la balance courante pour une économie en situation de
sous-emploi:

Lorsque 𝛼 < 1, ( 𝑦𝑟 + 𝑦𝑡 )(1 − 𝛼) > 0 si 𝑦𝑟 > | 𝑦𝑡 |

Dans une situation, où l’effet des ressources oisives domine l’effet des termes de l’échange, les capacités
de production additionnelles (antérieurement oisives), exploitées pour avoir un excédent exportable et/ou
une réduction des importations, exercent un plus grand impact sur l’effet revenu (y) que la variation des

7
termes de l’échange. Dans ces conditions une dévaluation contribue à l’amélioration de la balance des
paiements en raison de la hausse du revenu qui en résulte.

Lorsque 𝛼 > 1, ( 𝑦𝑟 + 𝑦𝑡 )(1 − 𝛼) > 0 si 𝑦𝑟 < | 𝑦𝑡 |

Dans une économie en situation de sous-emploi, une dévaluation contribue à l’amélioration de la balance
courante lorsque l’effet des ressources oisives est surpassé par l’effet des termes de l’échange. Or selon
Alexander, l’effet des ressources oisives étant généralement dominant en situation de sous-emploi, une
dévaluation induit, dans la plupart des cas, la détérioration du solde courant.

Notons en outre que l’effet prix exercé par la hausse du taux de change sur la balance courante tend à
diminuer l’absorption. Lorsque ( 𝑦𝑟 + 𝑦𝑡 )(1 − 𝛼)> 0 , avec un effet des ressources oisives dominant, on
obtient une améloration de la balance courante si les dépenses d’importation sont réduites.

On aura alors, ( 𝑦𝑟 + 𝑦𝑡 )(1 − 𝛼) > 𝛽𝐴

Il en ressort qu’une hausse du taux de change exerce un effet positif sur la balance des paiement lorsque
la production l’emporte sur l’absorption.6 En ce sens, une telle approche prescrit une meilleure gestion de
l’offre (politique structurelle) et de la demande (mesure conjoncturelle) via les politiques budgétaire et de
change.

B. Approche fiscale
L’approche fiscale de la balance des paiements se veut un prolongement des travaux de S. Alexander.
L’approche par absorption est enrichie par la prise en compte de l’allocation du revenu global qui est faite
entre la consommation (C), les taxes/impôts (T) et l’épargne (S) :

𝑌𝑡 = 𝐶𝑡 + 𝑇𝑡 + 𝑆𝑡 (2.1)

En remplaçant, l’expression du revenu global obtenu au niveau de l’équation (1.5), on a l’équation


suivante :

𝐶𝑡 + 𝑇𝑡 + 𝑆𝑡 = 𝑌𝑓𝑡 + 𝑇𝑓𝑡 + 𝑋𝑡 − 𝑀𝑡 + 𝐶𝑡 + 𝐺𝑡 + 𝐼𝑡 + ∆𝑆𝑇𝑡 (2.2)

D’où : (𝑇𝑡 − 𝐺𝑡 ) + (𝑆𝑡 − 𝐼𝑡 − ∆𝑆𝑇𝑡 ) = 𝑌𝑓𝑡 + 𝑇𝑓𝑡 + 𝑋𝑡 − 𝑀𝑡 (2.3)

6
OSSA Albert Ondo, 1999. Economie monétaire internationale, pages 188-190

8
Cette équation établit que le solde de la balance des transactions courantes correspond à la différence entre
l’épargne et l’investissement privés, ajoutée au solde budgétaire, en d’autre termes, à l’épargne nette d’un
pays. Il en découle que tout écart constaté entre le revenu global et l’absorption interne peut être explique
à partir du déséquilibre entre l’épargne et l’investissement privés d’une part et le solde budgétaire, d’autre
part. Pour un niveau d’épargne privée et d’investissement donné, une diminution de l’épargne publique,
qui équivaut à une détérioration du solde budgétaire, entraine une augmentation du déficit courant. Le
déficit courant peut donc être vu comme résultant d’une politique budgétaire expansionniste inadaptée par
rapport à l’évolution de l’économie et/ou des réactions inadaptées du secteur privé suite à une hausse des
dépenses publiques et/ou une baisse des impôts.

Par ailleurs, s’il s’agit d’une économie fortement productive, ledit déficit peut être alors le résultat du
niveau et du rythme de croissance très élevés de la demande en investissements, par rapport à l’épargne
interne disponible. La probabilité de défaut de paiement dans le futur est moindre, car le montant emprunté
est investi dans la production nationale. Ce qui permettra une augmentation des exportations et par voie
de conséquence, une hausse des entrées de devises qui pourront servir à honorer les engagements vis-à-
vis de l’extérieur. Toutefois, un pays qui s’endette sur le marché international pour pouvoir assurer sa
consommation, pourrait se trouver en difficulté pour rembourser un prêt non investi dans le système
productif.

C. Approche intertemporelle de la balance courante


L’approche intertemporelle de la balance des transactions courantes, développée par Obstfeld et Rogoff
(1995), consiste en l’intégration, au niveau de l’approche fiscale, des considérations d’ordre
microéconomique relatives aux décisions des ménages en fonction de leurs anticipations par rapport aux
chocs conjoncturels ou structurels touchant le marché national et le marché international. Ceux-ci sont
considérés comme rationnels et prennent donc des décisions optimales qui conduisent à une situation
d’équilibre dans l’économie.

Les consommateurs procèdent à un lissage de leur consommation dans le temps dans un souci de
maximisation de leur fonction d’utilité qui se présente alors ainsi pour deux périodes t et t+1 :

𝑈(𝐶𝑡 , 𝐶𝑡+1 ) = 𝑢(𝐶𝑡 ) + 𝛽𝑢(𝐶𝑡+1 ) (3.1)

Dans cette équation, β représente le taux d’escompte psychologique qui quantifie la préférence du
consommateur pour le présent qui dépend de ses anticipations relatives à l’évolution future des activités

9
économiques tant à l’échelle nationale qu’internationale. Le modèle de Fisher, présenté ci-dessous, permet
une compréhension assez claire de l’approche inter-temporelle. Il considère une petite économie ouverte
qui produit un seul bien échangeable avec le reste du monde, et un consommateur représentatif et suppose
également que :

1. Le taux d’intérêt réel mondial, notée « r » est exogène ;


2. Les anticipations du consommateur se feront à partir de « r » qui constitue aussi le prix relatif du
produit disponible entre le temps t et t+1 ;
3. Il y a une parfaite mobilité du capital. Ce qui permet au consommateur de prêter son surplus
d’épargne au reste du monde ou d’emprunter des capitaux de ce dernier;
4. La petite économie ne peut pas emprunter au temps t+1 pour rembourser une dette contractée au
temps t ;
5. Le consommateur ne fait pas d’accumulation d’épargnes/pas de constitution d’héritages.

Dans cette économie, le consommateur fait une allocation optimale de ses revenus entre consommation et
épargne sur la base de sa contrainte budgétaire qui s’écrit

𝐶𝑡 + 𝐸𝑡 ≤ 𝑌𝑡 (3.2).

Avec Et l’épargne nette au temps t

Ainsi, en se basant sur les hypothèses 3 et 4, suivant qu’il prête ou emprunte au temps t, en t+1, il devra
rembourser sa dette à partir de ses revenus ou recouvrer ses créances de telle sorte que, conformément à
l’hypothèse 5, l’épargne au temps t+1 se présente comme ci-dessous :

𝐸𝑡+1 = (1 + 𝑟)𝐸𝑡 (3.3)

Ainsi, la contrainte budgétaire en t+1 du consommateur s’écrira :

𝐶𝑡+1 + 𝐸𝑡 (1 + 𝑟) ≤ 𝑌𝑡+1 (3.4)

En remplaçant Et dans l’équation 4.3 par sa valeur dans 4.4, on obtient la relation ci-après qui traduit
mathématiquement le choix du consommateur sur la période t et t+1 en tenant compte de la valeur
actualisée d’une unité de consommation supplémentaire par rapport au profit qui découlerait en prêtant
une unité supplémentaire au reste du monde

10
𝐶
𝑡+1 𝑡+1 𝑌
𝐶𝑡 + 1+𝑟 ≤ 𝑌𝑡 + 1+𝑟 (3.5)

Le problème du consommateur représentatif s’écrit :

Max 𝑈(𝐶𝑡 , 𝐶𝑡+1 ) = 𝑢(𝐶𝑡 ) + 𝛽𝑢(𝐶𝑡+1 )

𝐶𝑡+1 (𝑡+1)
s. 𝑐: 𝐶𝑡 + ≤ 𝑦(𝑡) +
1+𝑟 1+𝑟

La résolution de ce problème de maximisation consiste à trouver le niveau de consommation assurant un


bien-être optimal au consommateur. Ce qui se traduit mathématiquement par l’égalité entre le taux
d’escompte 𝛽 et le prix relatif d’une unité de consommation 1/(1+r). Ceci suggère donc de déterminer la
condition de premier ordre qui permettra d’aboutir à

𝑢′(𝐶𝑡 )
𝑢′(𝐶𝑡+1 )
= 𝛽(1 + 𝑟) (3.6)

L’égalité de ces deux paramètres 𝛽 et 1/(1+r) implique donc que le consommateur reste indifférent quant
à l’allocation d’une unité supplémentaire de son revenu entre l’épargne ou la consommation. A ce stade
le bien-être optimal est déjà atteint.

Par ailleurs, le but principal de cette approche est de déterminer la position extérieure de l’économie
(déficit/surplus du compte courant), suivant que le consommateur représentatif a recours au prêt auprès
du reste du monde compte tenu de sa préférence pour la consommation en t, ou préfère l’épargne et décide
donc de prêter au reste du monde.

En intégrant cette approche micro économique dans un cadre macroéconomique tout en reprenant
l’équation de l’approche par absorption, l’épargne nationale nette en t+1 s’écrit comme la somme de
l’épargne de fin de période en t-1 (qui constitue l’épargne qui sera utilisée à la période t), du rendement
de cette épargne et du revenu brut à la période t duquel on soustrait les dépenses de consommation, du
gouvernement et d’investissement. D’où :

Et+1 = (1 + r)Et + Yt -Ct -Gt -It (3.7)

Ou encore : 𝐸𝑡+1 − 𝐸𝑡 = 𝑟𝐸𝑡 + 𝑌𝑡 − 𝐶𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡

Ce qui s'écrit aussi : 𝐶𝐶𝑡 = 𝑟𝐸𝑡 + 𝑌𝑡 − 𝐶𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 (3.8)

11
Yt représente le produit (revenu) brut, Ct la consommation, Gt les dépenses du gouvernement, et It
l’investissement au temps t.

On peut donc réécrire la représentation de la maximisation de la fonction d’utilité sous contrainte


budgétaire de la manière qui suit :


Max 𝑈 = ∑𝑡=0 𝛽 𝑡 𝑢(𝑐(𝑡))

s. 𝑐: 𝐸𝑡+1 = (1 + 𝑟)𝐸𝑡 + 𝑌𝑡 − 𝐶𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡

De l’équation de la contrainte budgétaire, on peut extraire la consommation au temps t :

𝐶𝑡 = (1 + 𝑟)𝐸𝑡 − 𝐸𝑡+1 + 𝑌𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 (3.9)

En reprenant l’équation de maximisation et en remplaçant 𝐶𝑡 par sa valeur dans l’équation (3.8), on a :


Max 𝑈 = ∑𝑡=0 𝛽 𝑡 𝑢((1 + 𝑟)𝐸𝑡 − 𝐸𝑡+1 + 𝑌𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 ) (3.10)

Cette nouvelle fonction de maximisation suppose donc que le consommateur a procédé à un lissage parfait
de sa consommation et a atteint son niveau de consommation optimale de telle sorte que 𝐶𝑡 = 𝐶𝑡+1 et 𝛽 =
1
. Il est maintenant question d’optimiser le niveau d’épargne et améliorer sa position extérieure nette.
1+𝑟


1
D’où : Max 𝑈 = ∑ (1+𝑟)𝑡 𝑢((1 + 𝑟)𝐸𝑡 − 𝐸𝑡+1 + 𝑌𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 )
𝑡=0


1
=∑ (1+𝑟)𝑡 𝑢((𝐸𝑡 + 𝑟𝐸𝑡 − 𝐸𝑡+1 ) + 𝑌𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 )
𝑡=0

La résolution de cette fonction nécessite de tenir compte de certaines conditions/hypothèses. En effet il


faut se rappeler de l’hypothèse 4 stipulant que l’économie ne peut emprunter pour rembourser ses dettes
pour éviter l’effet « ponzi ».

Ceci implique donc qu’à l’horizon infini, la valeur actualisée des dettes contractées doit être nulle, de sorte
1 𝑡
que : lim (1+7) 𝐸𝑡+1 =0
𝑡→∞

12
Par ailleurs, on peut trouver une écriture plus simplifiée de ladite fonction, en résolvant le terme
∞ 𝑡
1 1
∑ (1+𝑟) qui est une suite géométrique de raison 1+𝑟 . D’où :
𝑡=0


𝑟 1 𝑡
𝐶𝑡 = 𝑟𝐸𝑡 + ∑( ) ( 𝑌𝑡 − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 ) (𝟑. 𝟏𝟏)
1+𝑟 1+𝑟
𝑡=0


𝒓 𝟏
De cette dernière équation, on notera le terme 𝟏+𝒓 ∑ (𝟏+𝒓)𝒕 (𝒀𝒕 − 𝑮𝒕 − 𝑰𝒕 )qui constitue les valeurs
𝒕=𝟎

permanentes (de long terme) des variables 𝑌𝑡 , 𝐺𝑡 𝑒𝑡 𝐼𝑡. Dans les lignes qui vont suivre, lesdites valeurs
s’écriront : Y*, G* et I*

Et enfin, en reprenant l’équation (4.8), et en remplaçant 𝐶𝑡 par sa valeur après lissage, on obtient : :

𝐶𝐶(𝑡) = (𝑟)𝐸𝑡 + 𝑌𝑡 − (𝑟𝐸𝑡 + 𝑌 ∗ − 𝐺 ∗ − 𝐼 ∗ ) − 𝐺𝑡 − 𝐼𝑡 (3.12)

Enfin, le solde du compte courant s’écrit :

𝑪𝑪(𝒕) = (𝑌𝑡 −𝑌 ∗ ) − (𝐺𝑡 − 𝐺 ∗ ) − (𝐼𝑡 −𝐼 ∗ ) (3.13)

Suivant cette approche, une augmentation de la production permet une amélioration du solde du compte
courant. Car elle augmente le revenu disponible qui sera alloué entre dépenses de consommation et
d’investissement. Cependant, pour un niveau de revenu et d’épargne donnés, toute augmentation des
dépenses publiques et/ou de l’investissement de leur niveau d’équilibre, dégrade le solde courant. Car le
revenu disponible n’augmente pas à un rythme suffisant pour permettre l’accumulation d’une épargne
suffisante pour couvrir la hausse des dépenses de l’économie. Ce qui induit celle-ci à un recours aux
capitaux sur le marché international.

2.1.2 Littérature théorique : Approche de solvabilité

La notion de solvabilité est généralement définie comme étant la capacité d’un pays à assurer le service
de la dette pour un environnement et un ensemble de politiques économiques donnés. De nombreuses
études relatives au déficit courant traitent de la soutenabilité qui est une notion liée à la solvabilité. On y
incorpore un ensemble d’hypothèse caractérisant l’état stationnaire pour une économie donnée (Doisy et
Herve, 2003). On considère généralement que le niveau d’endettement extérieur est soutenable si la valeur

13
actualisée des excédents commerciaux anticipés permettra de financer les engagements contractés
aujourd’hui sans qu’une modification des politiques économique en vigueur ne s’impose ou qu’une crise
de change ne surgisse. Différentes méthodes permettent d’évaluer la soutenabilité du compte courant en
appliquant une contrainte de solvabilité. En général, dans le corpus théorique proposé à cet effet, le déficit
courant du pays en question est comparé à des valeurs de référence, calculés à partir de modèles devant
permettre de déterminer une trajectoire d’équilibre (Doisy et Herve, 2003). Nous utiliserons les critères
de Husted et de Reisen qui seront présentés dans les lignes suivantes.

A. Modèle de Husted
Le modèle de Husted tend à expliquer le déséquilibre extérieur d’un pays par la tendance de long terme
des principaux composants du compte courant. Ainsi, le comportement du déficit courant peut être saisi
en estimant l’équation de cointégration qui relie les importations et les exportations d’un pays.

La démonstration de Husted se situe dans le cadre d’une petite économie ouverte qui fonctionne sans
gouvernement, produit et exporte un seul bien. Il considère un consommateur représentatif qui peut
emprunter et prêter sur le marché international à l'aide d'un instrument financier qui arrive à maturité après
un cycle de la périodicité considérée. Les revenus de ce consommateur proviennent des intérêts générés
par les prêts accordés et des bénéfices redistribués par les entreprises ; il les utilise à des fins de
consommation et d’épargne. La contrainte budgétaire de ce consommateur pour la période initiale est
donnée par :

𝐶0 = 𝑌0 + 𝐵0 − 𝐼0 − ( 1 + 𝑟0 )𝐵−1 (4.1)

Où, 𝐶0 , 𝑌0 , 𝐼0 , 𝐵0 𝑟0 representent respectivement la consommation, la production, l’investissement , les


emprunts ou prets extérieurs et le taux d’intérêt mondial pour la période initiale. Le terme ( 1 + 𝑟0 )𝐵−1
représente la dette initiale du consommateur type et correspond à la dette extérieure du pays. Or, selon les
conditions d’équilibre du revenu national, l’offre globale est égale à la demande globale.

𝑋0 − 𝑀0 = 𝑌0 − 𝐶0 − 𝐼0 = 𝐵𝐶, où représente la balance commerciale et 𝑋0, 𝑀0 sont respectivement


les exportations et les importations

L’équation (5.1) devient en multipliant les deux termes par -1:

𝐵0 = 𝐵𝐶0 + ( 1 + 𝑟0 )𝐵−1 (4.2)

14
Les contraintes budgétaires de chaque période peuvent être combinées pour former la contrainte
budgétaire intertemporelle du consommateur. En itérant pour chaque période, cette contrainte peut être
ainsi traduite :

𝐵0 = ∑∞
𝐼=1 𝜇𝑡 𝐵𝐶𝑖 + lim 𝜇𝑛 𝐵𝑛 (4.3)
n→∞

Où 𝜆0 = 1/(1 + 𝑟0) et 𝜇𝑡 est un facteur d’actualisation, défini comme le produit des t premières valeurs
de λ. Cette équation sous-entend donc que, lorsque la limite de 𝜇𝑛 𝐵𝑛 tend vers zero, la dette exterieure
du pays est égal à la valeur actualisée des futurs excédents ou déficits courants. Si cette égalité n’est pas
vérifiée et que 𝐵0 prend une valeur positive, supérieure aux exportations nettes anticipées, alors le pays
encourt le risque d’une crise financière.

Considérons le cas où lim 𝜇𝑛 𝐵𝑛 = 0,


n→∞

En supposant que le taux d’intérêt mondial est stationnaire, avec une moyenne constante notée (r), et en
posant 𝑍𝑡 = 𝑀𝑡 + (𝑟𝑡 − 𝑟 ) 𝐵𝑡−1 , l’équation (5.2) peut être réécrite de la manière suivante :

𝑍𝑡 + ( 1 + 𝑟 ) 𝐵𝑡−1 = 𝑋𝑡 + 𝐵𝑡 (4.4)

Suivant, Hakkio et Rush7, l’équation (5.4) se résout comme suit :

𝑀𝑡 + 𝑟𝑡 𝐵𝑡−1 = 𝑋𝑡 ∑∞
𝑗=1 𝜆
𝑗−1
[ΔX1=j − 𝑍1−𝑗 ] + lim λ1+j 𝐵1+𝑗 (4.5)
j→∞

Δ represente l’opérateur de différence première et 𝜆 = 1/(1 + 𝑟). Le côté gauche de l’équation (5.5)
représente les dépenses d’importation et les intérêts versés pour le service de la dette. Si on soustrait 𝑋𝑡
de chaque coté de l’équation et qu’on multiplie par -1 on obtient l’expression du compte courant.
Supposons que X et Z sont non stationnaires en niveau et stationnaire en différence première

𝑋𝑡 = 𝛼1 + 𝑋𝑡−1 + 𝑒1𝑡 (4.6)

𝑍𝑡 = 𝛼2 + 𝑍𝑡−1 + 𝑒2𝑡 (4.7)

𝛼𝑗 étant un paramètre dérivé, par conséquent, l’équation peut être réécrite ainsi:

7
HUSTED Steven, 1992. The emerging U.S. current account deficit in the 1980s: a cointégration analysis. The Review of
Economics and Statistics, page 160-161

15
𝑋𝑡 = 𝛼 + 𝑀𝑀𝑡 − lim λ1+j 𝐵1+𝑗 + 𝜀𝑡 (4.8)
j→∞

1+𝑟)2
Ou MM =𝑀𝑡 + 𝑟𝑡 𝐵𝑡−1 , 𝛼 = [( )] (𝛼2 − 𝛼1 ) et 𝜀𝑡 = ∑ 𝜆𝑗−1 ( 𝜀2𝑡 − 𝜀1𝑡 )
𝑟

En supposant que la limite tend vers zéro dans (5.8), on obtient :

𝑋𝑡 = 𝛼 + 𝑏 ∗ 𝑀𝑀𝑡 + 𝜀𝑡 (4.9)

Si le pays satisfait sa contrainte budgétaire intertemporelle, on aura b = 1 et 𝜀𝑡 sera stationnaire. Alors, si


X et MM sont non stationnaires, elles sont cointégrées. L’équation de cointégration estimée correspond à
la relation d’équilibre de long terme entre ces deux variables. En d’autre terme, lors que les importations
et exportations convergent dans le long terme, les deux séries peuvent s’éloigner temporairement l’une de
l’autre mais les forces économiques les ramèneront à l’équilibre. D’où l’existence d’un solde courant
soutenable.

B. Modèle de Reisen
Compte tenu des nouvelles orientations que peuvent prendre les politiques économiques, le déficit courant
peut être inévitable et même souhaitable, si les flux futurs anticipés en résultant et les entrées au niveau
du compte capital permettent d’honorer les engagements extérieurs. Cependant, si le déficit est
accompagné de faibles niveau d’investissement et de croissance économique, il y a lieu d’anticiper de
faibles retombées sur le long terme. Le financement sera dans ce cas assuré en contractant de nouvelles
dettes. Or, un déficit qui perdure ne peut être indéfiniment financé par l’endettement extérieur. Par
conséquent, il convient de comprendre non seulement les causes du déficit courant mais aussi l’ampleur
des ajustements à réaliser pour remédier à la situation ainsi que le temps nécessaire. Le modèle de Reisen
répond à cette problématique en proposant une méthodologie qui permet de mesurer le niveau de
soutenabilité de long terme du déficit courant.

Reisen considère l’approche portefeuille (portfolio approach8) de la balance courante dans le cas d’une
économie à l'état stationnaire9. La balance des paiements, équilibrée par construction, doit être compensé

8
Cette approche stipule que la variation du revenu d’un pays affecte uniquement la taille du portefeuille pays mais n’exerce
aucune influence sur sa composition. Le portefeuille pays étant la somme de toutes créances sur avoirs étrangers détenus
par les ressortissants du pays diminuée des créances sur actifs détenus par les résidents étrangers.
9
Une économie à l'état stationnaire correspond au stade où l’activité économique évolue au même rythme que la population.
L’économie atteint ainsi un niveau optimal où s’établi un équilibre entre la croissance, la consommation et la démographie.

16
par les flux nets du compte capital, de la balance financière et par la dette extérieure. Un compte courant
déficitaire se traduit par des sorties de monnaie nationale supérieures aux entrées. Cette offre excédentaire
de monnaie nationale sur le marché des changes entraine la dépréciation de la monnaie locale. Pour
contrebalancer cet effet, les autorités monétaires peuvent échanger des devises contre la monnaie locale.
Cette opération qui s’interprète comme une dette contractée auprès des autorités monétaires étrangères, et
induit une diminution de réserves de changes.10 Excluant les investissements directs étrangers de
l’évaluation du niveau d’équilibre, le modèle montre que la balance courante atteint la soutenabilité
lorsque le déficit enregistré est compatible avec un ratio dette sur PIB constant (d). La dette nette
accumulée, exprimée en proportion du taux de croissance de long terme du PIB, correspond alors à la
somme du solde courant (Dcour) en pourcentage du PIB et des avoirs extérieurs FX en pourcentage du
PIB.

Soit : Dcour + ΔFX = 𝛾d (5.1)

Où 𝛾 représente le taux de croissance de long terme.

La croissance économique de long terme peut exercer deux effets indirects sur le compte courant
compatible avec un ratio dette sur PIB constant. En premier lieu, dans une économie en pleine croissance
les besoins en avoirs extérieurs augmentent en raison de l’augmentation des importations. En supposant
que les autorités concernées définissent le niveau cible des avoirs extérieurs en termes de mois
d’importation, cet élément peut être intégré dans le modèle pour donner une prévision de l’évolution du
coefficient du ratio dette PIB à travers le temps. Désignons par 𝜂 la croissance réelle des importations
pour une année. La variation du niveau cible des avoirs extérieurs peut donc s’écrire :

ΔFX = ((1+ 𝜂)/ (1+ 𝛾))*FX- FX (5.2)

𝜂−𝛾
Portons (2) dans (1) : 𝛾𝑑 = 𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟 + (1+𝛾) 𝐹𝑋 (5.3)

En second lieu, prenant en compte le taux de change, Reisen signale que la croissance économique peut
conduire à une appréciation du taux de change induite par l’évolution de l’écart de productivité entre biens

10
Fonds Monétaire International, 2009, Manuel de la balance des paiements et de la position extérieure globale, page 245-
246

17
échangeables et biens non échangeables dans l’économie locale et le reste du monde. La variation du taux
de change réel en pourcentage du PIB (𝜀) réduit la dette et les avoirs extérieurs:

𝜂+𝜀−𝛾
(𝛾 + 𝜀)𝑑 = 𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟 + ( ) 𝐹𝑋 (5.4)
1+𝛾

Ce qui équivaut à :

𝜂+𝜀−𝛾
𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟 = (𝛾 + 𝜀)𝑑 − ( ) 𝐹𝑋 (5.5)
1+𝛾

Pour un ratio dette extérieure sur PIB constant, le solde courant est soutenable si le niveau cible des avoirs
extérieurs évolue de manière proportionnelle à la croissance des importations. Par conséquent, le seuil de
déficit courant soutenable varie d’une économie à l’autre. Il dépend de la croissance économique et des
variables qui influencent les décisions de portefeuille. (Aristovnik, 2006)

2.2 Littérature empirique


La littérature économique regorge d’études tournant autour du déficit courant ou du déficit commercial.
On constate que la majorité d’entre elles se rapportent aux pays industrialisés, les Etats-Unis en particulier.
Tout récemment, certains économistes ont choisi d’explorer différentes problématiques liées à la balance
des paiements des pays en développement. Ces études s’attèlent à identifier les déterminants du déficit
courant, à mesurer l’incidence d’une variable déterminée sur l’évolution du déficit courant ou à en évaluer
la soutenabilité.

Les termes de l’échange sont l’un des déterminants théoriques souvent mis en relation avec l’évolution du
solde courant dans les travaux empiriques, en particulier dans le cas des pays en développement. Kent et
Cashin (2003) ont évalué l’évolution du déficit courant face aux chocs des termes de l’échange sur 128
pays (dont Haïti), pour la période de 1970 à 1999. Ils ont réalisé une régression sur données de panel pour
estimer la relation entre les deux variables en question, en prenant notamment en compte la persistance
des chocs. Ils ont découvert qu’en moyenne la durée de vie de ces chocs est d’environ deux années et demi
(2.5), alors que pour Haïti elle tend vers l’infini. Pour les pays confrontés aux chocs les plus persistants
(permanents) ils constatent que les termes de l’échange sont négativement corrélés à la variation du solde
des transactions courantes. Le coefficient de corrélation moyen entre la variation des termes de l’échange
au t-1 et le solde courant est de -0.13 pour ce groupe de pays.

18
De son côté, considérant la période allant de 1972 à 1998, Mondy Pichoneau (2007) procède à une
évaluation empirique des possibles relations existant entre le solde de la balance courante et les termes de
l’échange dans l’économie haïtienne en utilisant un modèle VAR. Ses résultats suggèrent l’inexistence de
relation de causalité entre les deux variables. Toutefois, il souligne que la détérioration des termes de
l’échange exerce une certaine influence sur le niveau et la structure des exportations en incitant les
cultivateurs à moins pratiquer certaines cultures.

Du point de vue théorique, le rôle joué par le taux de change est démontré par différents modèles. En se
basant sur l’approche des élasticités, Henry et Longmore (2003) ont analysé l’impact de variations du taux
de change réel effectif sur les différents composants du solde des transactions courantes dans le cas de la
Jamaïque. Leurs résultats suggèrent que cette variable n’influence pas de manière significative l’évolution
des éléments constituant le solde courant et qu’il existe une faible élasticité de la demande d’exportation
à long terme.

Le rôle joué par le déficit budgétaire dans l’évolution du déficit courant est également analysé par les
spécialistes. Abbas, Bouhga-Hagbe, Mauro, Fatase et Velloso (2010) s’attèlent à déterminer le niveau
d’ajustement fiscal pouvant contribuer à la réduction du déficit extérieur en analysant 124 pays,
catégorisés en pays riches, intermédiaires et à faible revenu, par la modélisation VAR et des données de
panel. Ils concluent que le solde courant réagit moins que proportionnellement à toute variation du solde
budgétaire. Cependant, plus le degré d’ouverture est élevé, plus la relation entre les deux déficits est forte.
D’une manière générale, une amélioration du solde budgétaire représentant 1% du PIB entraîne une
amélioration du compte courant de l’ordre de 0.2 à 0.3% du PIB.

Calderon, Chong et Loayza (1990) réalisent une évaluation empirique relative à la relation existant entre
le déficit courant et chacun des déterminants du solde des transactions courantes proposés par la littérature
économique en considérant 44 pays en développement. Pour ce faire, ils ont développé un modèle
économétrique permettant d’estimer séparément les relations temporaires et les relations permanentes
entre le déficit courant et ces déterminants. Leurs principaux résultats suggèrent que l’augmentation du
taux de croissance des pays industrialisés contribue à réduire le déficit courant des pays en développement
par l’augmentation des importations des PED vers les PI. L’appréciation du taux de change réel, la
détérioration des termes de l’échange, la baisse du taux d’intérêt réel international induisent une
augmentation du déficit courant. Cependant, dans le cas des pays fortement endettés, la baisse du taux
d’intérêt réel sur le marché international ne produit aucun effet significatif sur le solde courant. De plus,

19
ils constatent que parmi les pays très endettés, ceux qui ont des taux d’épargne privée les plus élevés
présentent un déficit courant plus faible

En 2001, Calderon, Chong et Zanforlin ont mené une étude, sur les déterminants du déficit courant,
orientée vers les pays africains, en appliquant la méthode des moments généralisés sur certaines données
de la période allant de 1975 à 1995. Ils constatent qu’une augmentation de 1% de l’épargne privée en
pourcentage du produit national brut disponible peut réduire le déficit courant de 0.41%, une augmentation
de 10% des termes de l’échange contribue à réduire le déficit courant à hauteur de 0.62%, ce qui constitue
un plus grand impact que celui estimé pour les autres pays en développement. Cette étude révèle également
qu’une diminution de 1% du taux de change réel effectif réduit le déficit courant de 0.41% en raison de la
faible élasticité de la demande des principaux produits exportés par rapport au prix. En outre, une analyse
de la viabilité et des déterminants du déficit courant des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) montre qu’à court terme, les investissements ont un effet négatif sur le solde courant,
cela est dû à l’accroissement des importations en biens d’équipement qui en découle, ainsi que
l’appréciation du taux de change réel. L’amélioration du taux d’épargne a une incidence positive
transitoire sur le solde courant. Demba et Hamat (2013) identifient les facteurs suivants comme étant les
principales causes du déficit structurel du compte courant du Sénégal en utilisant un modèle ARDL : le
taux de change, le taux d’importation qui influencent le solde courant sous tous les horizons temporels
considérés et le gap d’investissement qui a une incidence à long terme.

Caroline L. Freund (2000) a cherché à comprendre comment les pays industrialisés avaient réussi à
combattre les déficits courants croissants et importants dans le passé en analysant comment les variables
macro-économiques s’ajustent. Elle constate qu'un renversement de compte courant typique commence
lorsque le déficit du compte courant est d'environ 5 pour cent du PIB, qu'il est associé au ralentissement
de la croissance du revenu et à une dépréciation significative du taux de change réel sur une période
d'environ trois ans. En dépit du fait que le déficit budgétaire augmente le déficit courant, une réorientation
de la politique fiscale ne contribue pas nécessairement à améliorer le solde courant. Ce renversement
semble être associé à une stabilisation de la position extérieure, une importante diminution du ratio
investissement sur PIB. Une baisse du taux d’importation réelle a un effet transitoire positif sur la balance
courante, alors que la hausse du taux d’exportation réelle constitue le moteur de l’amélioration continue
du compte courant. Considérant le cas des Etats-Unis, Sebastian Edwards (2005) de son côté s’est penché
sur l’analyse de la soutenabilité du solde des transactions courantes en s’intéressant spécifiquement à

20
l’ajustement du taux de change réel nécessaire pour atteindre un déficit soutenable. Ses résultats
démontrent que même en supposant que la demande de actifs américains en pourcentage du PIB double
durant les cinq années à venir, un ajustement au niveau du comte courant s’avère nécessaire. Et selon les
simulations effectuées, cet ajustement pourrait impliquer une dépréciation du taux de change réel de
l’ordre de 21 à 28% durant les trois années qui suivent l’ajustement. Des recherches similaires se
rapportant aux pays non industrialisés semblent ne pas être disponibles.

Sachant que le déficit du solde des transactions courantes fournit en lui lui-même peu d’informations sur
la solvabilité d’un pays, l’intérêt est accordé à l’analyse de la soutenabilité. Perena et Verna (2008)
prouvent l’inexistence de relation de long terme entre les importations et les exportations au Sri Lanka,
entre 1950 et 2006, en appliquant des tests de racine unitaire et de cointégration au modèle de Husted.
Ohlan (2013) utilise la même méthodologie pour analyser le cas de l’Inde et prouve la soutenabilité du
déficit courant. En recourant à la méthodologie de Reisen, Boljanovic (2012) montre que le déficit courant
de la Serbie a dépassé le niveau soutenable. Les calculs suggèrent qu’un solde courant soutenable pour ce
pays serait de 1.17 % du PIB alors que le solde réel est de -13.5% du PIB.

Le survol de ces documents montre que les déterminants du déficit courant ainsi que le niveau de
soutenabilité ne sont pas stables à travers le temps et l’espace. Ils varient en fonction de la forme
d’intégration dans l’économie mondiale, du régime fiscal, et plusieurs critères peuvent être retenus pour
en apprécier la soutenabilité.

3 MODELISATION ÉCONOMÉTRIQUE ET ANALYSE


La présente section est dédiée à la modélisation économétrique des relations dynamiques de court et de
long terme entre le déficit courant et des indicateurs économiques choisis conformément à l’approche
intertemporelle qui constituera le socle théorique du travail. Cette approche offre l’avantage de pouvoir
procéder à une analyse micro fondée des mécanismes de l’évolution du solde courant. Elle semble donc
plus appropriée compte tenu de l’impact des décisions d’épargne/d’investissement des agents
économiques sur la balance courante suite aux politiques économiques appliquées et leurs impacts sur le
revenu disponible.

21
3.1. Cadre méthodologique
L’asymétrie d’information, les anticipations, les barrières technologiques sont autant de raisons qui
expliquent que les effets des décisions des différents agents économiques ne soient pas instantanés, mais
étalés dans le temps. Il en ressort notamment que les relations de causalité qui prévalent entre certaines
grandeurs économiques doivent être analyser en tenant compte de ce décalage temporel. De plus, la
variable considérée comme endogène peut être expliquée par ses valeurs passées. Par conséquent, le
modèle Autoregressive Distributed Lag (ARDL), qui se veut à la fois autorégressif et à retards échelonnés,
sera utilisée dans le cadre de cette étude.

3.1.1 Présentation du modèle ARDL


Le modèle ARDL, dont l’utilisation a été préconisé par Pesaran et al (1999), permet de modéliser
conjointement les dynamiques de long et court terme qui existent entre des variables explicatives et
dépendantes retardées à condition que leur ordre d’intégration11 soit inférieure à 2. La méthode de
cointégration qui y est associée convient le mieux dans le présent cas pour les raisons suivantes.
Premièrement, selon Pesaran et al (2001), le test de cointégration aux bornes convient aux échantillons de
faible taille. En effet, nous avons eu des difficultés à trouver les données nécessaires sur une plus longue
période ou sur une périodicité trimestrielle, l’étude s’étend sur quarante-deux années. Deuxièmement, les
variables retenues ne sont pas intégrées du même ordre. Sachant que le modèle ARDL offre un estimateur
convergent pour les coefficients de long terme indépendamment du fait que les variables soient I (0) ou I
(1).

Le modèle ARDL se présente sous la forme réduite d’une équation où des structures de retard d’ordre p
et r affectent respectivement la variable endogène et les variables exogènes. Considérons un modèle
simple, où p = q =1 :

𝑌𝑡 = 𝐶0 + 𝛼1 𝑌𝑡−1 + 𝛽0 𝑋𝑡 + 𝛽1 𝑋𝑡−1 + 𝜀𝑡

On suppose que 𝑌𝑡 et 𝑋𝑡 sont stationnaires et 𝜀𝑡 est bruit blanc12

En intégrant plusieurs variables explicatives au modèle, la forme générale s’écrit comme suit.

11
Le processus de différenciation permet d’obtenir la stationnarité des séries en supprimant les tendances et la saisonnalité. Une série temporelle est dite
intégrée à l’ordre d s’il convient de la différencier d fois afin de la rendre stationnaire.

12
Un processus stochastique est dit bruit blanc, si la variable est centrée, non corrélée et de variance constante.

22
𝑝 𝑞

𝑌𝑡 = 𝐶0 + ∑ 𝛼𝑖 𝑌𝑡−𝑖 + ∑ 𝛽𝑖 𝑍𝑡−𝑖 + 𝜀𝑡
𝑖=1 𝑖=0

Zt étant le vecteur des variables explicatives.

D’où, les déterminants du déficit courant seront identifiés à travers l’équation suivante :

𝑝 𝑞

𝐷𝐶𝑂𝑈𝑅 = 𝐶0 + ∑ 𝜌𝑖 𝐷𝐶𝑂𝑈𝑅𝑡−𝑖 + ∑ 𝛽𝑖 𝑍𝑡−𝑖 + 𝜀𝑡


𝑖=1 𝑖=0

En vue d’estimer ledit modèle, nous procèderons aux différentes étapes suivantes dont la teneur sera
détaillée dans les lignes subséquentes :

1. Réalisation du test de stationnarité sur les séries en utilisant le test Dickey Fuller Augmenté afin
de vérifier qu’aucune des variables n’est stationnaire en différence seconde ;
2. Détermination du nombre de retard maximal (p) à l’aide des critères d’information comme
AKAIKE et Schwartz ;
3. Estimation du modèle ARDL par la méthode des moindres carrés ordinaires (OLS) ;
4. Réalisation du test de cointégration des séries à l’aide de l’approche de cointégration aux bornes
de Pesaran.
5. Validation à partir des tests économétriques classiques (Test de spécification globale du modèle,
test de normalité, test d’autocorrélation, test d’hétérocédasticité, test de stabilité des séries sur la
période sous étude, test de normalité de l’erreur, test d’autocorrélation sur les résidus)

3.1.2 Présentation des variables retenues


Dans le cadre de ce travail, nous avons consulté plusieurs travaux empiriques portant sur l’analyse
intertemporelle du solde courant et avons donc identifié certaines variables qui leur sont communes et
jugées pertinentes par rapport aux spécificités de l’économie haïtienne et surtout conforme à la théorie
sous-jacente.

23
Tableau 3.1 : Présentation des variables retenues

Variables Abréviation Description/ Sources

Le déficit courant correspond à une sortie de devises


supérieure aux entrées dans le cadre des transactions
courantes avec le reste du monde. Dans le cas de ce travail,
nous considérerons le déficit courant hors transferts
Déficit courant hors
publics et privés vu que ceux-ci correspondent à des
transferts sans DCOUR BM
entrées nettes de fonds dont l’évolution ne dépend que des
contrepartie
activités des pays dont ils sont issus. Ainsi, il s’agit d’un
élément dont on ne maitrise pas les « paramètres » et qui
entrave l’appréciation efficace des déterminants
(conjoncturels et structurels) du déficit courant

L'épargne intérieure brute résulte de la différence entre le


PIB et les dépenses en consommation finale. Cependant,
les valeurs utilisées représentent l’écart entre l’épargne
Epargne Interne Brute EIBGAP BM
brute observée et son niveau de long terme extrait à l’aide
du filtre Hoddrick-Prescott conformément à l’approche
intertemporelle.

Le déficit budgétaire se définit comme le solde négatif du


Déficit budgétaire DB budget de l’Etat, où les dépenses du gouvernement sont MEF
supérieures aux recettes fiscales.

La formation brute de capital fixe mesure l’investissement


en capital fixe des différents agents économiques. Les
Formation brute de
FBCFGAP valeurs utilisées dans ce travail découlent du même BM
capitale fixe
traitement employé pour l’épargne intérieure brute,
conformément à l’approche intertemporelle.

Rapport entre valeur des exportations et celle des


importations au cours de la période sous étude. Cet
Termes de l’échange TEC indicateur permettra d’analyser l’évolution du solde courant BM/Calcul des auteurs
à travers les changements dans les échanges du pays avec
l’extérieur

Variation annuelle en pourcentage du produit intérieur brut


(PIB) mesuré a prix constant. Il informe donc sur le niveau
des activités economiques et se présente donc comme l’un
Taux de croissance réel TXRGAP des déterminants immédiats de la balance commerciale qui IHSI
représente une grande part dans la balance courante. Cette
variable a fait l'bjet du même traitement que la formation
brute de capital fixe et l'épargne intérieure brute.

Expression du taux de change nominal multiplié par l’indice


des prix à l’importation et divisé par l’indice de prix des
Taux de change réel TCR BRH/Calcul des auteurs
biens exportables. Cette est, au même titre que le taux de
croissance, un déterminant immédiat de la balance courante

24
3.2. Présentation des résultats de la modélisation

3.2.1 Test de racine unitaire


Un processus (xt, t = t1,..., tn ) est dit stationnaire si sa distribution de probabilité ne change pas au cours
du temps. Ainsi, un processus stationnaire ne comporte pas de tendance (trend), ni d’effet de saisonnalité.
Ceci implique mathématiquement que la variation dudit processus tend vers une moyenne constante et se
traduit de la manière qui suit :

E(Yt)=µ ;

Pour tout t VAR(Yt) = E(Yt2) = δ2

COV(Yt Yt+k)= E[(Yt- µ)- (Yt+k- µ)]= γk,

La stationnarité des séries assure le potentiel de prédictibilité du modèle, car il peut être utilisé en dehors
de la période à laquelle il a été estimé. Or, la majorité des séries économiques présentent des moyenne
et/ou variance qui sont instables, étant donné les chocs structurels/conjoncturels (ex : changement de
régime change, changement de politique monétaire, catastrophe naturel, etc.) et les effets de saisonnalité
qui induisent à des changements importants dans l’économie. Ceci conduit donc à la non-stationnarité des
séries qui, non traitée, pourrait entrainer des régressions fallacieuses.

Dans le cadre de notre travail, les cas de non stationnarité qui seront identifiés à partir du test Dickey
Fuller Augmenté (ADF) seront traités par une procédure de différenciation.

Le processus se déroule comme suit :

1. Tester la stationnarité du modèle qui s’écrit : Yt=α0+ αi Yt-i+ αit+εt. Ce test est effectué par la
vérification de la significativité des coefficients α (α0 : constante, αi : coefficient de tendance) et
sur la base des hypothèses :

H0: α i=1 Existence d’une Racine unitaire (La série suit un processus non-stationnaire)

H1: α i<1 Pas de racine unitaire (La série suit un processus stationnaire)

La conclusion consiste à rejeter l’hypothèse nulle de non stationnarité de la série lorsque la valeur critique
tabulée par MacKinnon (1996) est supérieure à la valeur observée du « t de Student » (valeur mise en

25
gras) au seuil considéré (T-student<Valeur tabulée) et que la probabilité associée à la statistique de
student est inférieure à 5%.

2. Si les conditions de stationnarité ne sont pas respectées alors, il faudra procéder à la différenciation
de la série. Pour cela, on introduira un opérateur de décalage « L » où on aura Yt - Yt-s= (1-L)sYt,
avec s=1 ,2. On effectue à nouveau les tests de stationnarité. Si, pour un niveau s, les conditions
de stationnarité sont respectées, la série sera dite stationnaire d’ordre s et notée Yt(s).

Tableau 3.2. Test de stationnarité des variables


STATIONNARITÉ
CONSTANTE STATIONNARITÉ EN
VARIABLES EN DIFFÉRENCE
/TENDANCE NIVEAU
PREMIÈRE

DCOUR C (-4.89<-2.94)

DB C (-5.24<-2.95)*

EIBGAP C (-4.16<-2.93)

FBCFGAP C (-5.72<.-2.93)

TEC C (-5.46<-2.93)

TCR C (-5.71<-2.93)

TXRGAP C (-6.27<-2.93)

C et t indiquent un modèle avec constante et tendance. Le seuil de significativité retenu est de 5%


Au seuil de 5%, l’hypothèse nulle de non stationnarité est rejetée, en niveau, pour les variables : Epargne
Intérieure Brute, Taux de Croissance Réel, et en différence première, pour les variables : Déficit
Budgétaire, Déficit Courant, Formation Brute de Capital Fixe, Termes de l’Echange et Taux de Change
Réel.

3.2.2 Bound Test


Un test de cointégration doit être effectué afin de vérifier si les variables sont liées par, au moins, une
relation d’équilibre de long terme. Cette relation sous-entend que même si les variables s’éloignent de la
situation d’équilibre pendant un certain temps, les forces économiques les y ramèneront. Il existe de
nombreux tests de cointégration, cependant nous optons pour l’approche de Pesaran ; étant donné les
résultats obtenus du test Dickey Fuller Augmenté présentés ci-dessus, où certaines des séries sont
stationnaires en niveau et d’autres en différence première.

26
Selon Pesaran et al (2001), le test de cointégration aux bornes se construit en commençant par établir une
relation de long terme à travers un vecteur autorégressif (VAR) d’ordre p. Soit 𝑥𝑡 , un vecteur aléatoire qui
contient les variables du modèle.

𝑥𝑡 = 𝐶0 + 𝐵𝑡 + ∑𝑝𝑖=1 𝛼𝑖 𝑥𝑡−𝑖 + 𝜀𝑡 , t = 1,2, …, T (1)

Où, 𝐶0 représentant un vecteur de k + 1 constantes et β désignant un vecteur de k + 1 coefficients de


tendance.

Le modèle à correction d’erreur (VECM) correspondant à :

∆𝑥𝑡 = 𝐶0 + 𝐵𝑡 + 𝜋𝑥𝑡−1 + ∑𝑝𝑖=1 𝜃𝑖 ∆𝑥𝑡−𝑖 + 𝜀𝑡 , t = 1,2, …, T (2)

Avec la matrice π de dimension (k+1) x (k+1) , π = 𝐼𝑘+1 + ∑𝑝𝑖=1 𝜔𝑖 ,et, 𝜃𝑖 = − ∑𝑝𝑖=1 𝜔𝑖 , ,pour i= 1,2,3,
…, p-1, qui traduisent les dynamiques de long et de court terme du VECM.

Soient, 𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟𝑡 , la variable dépendante intégré d’ordre 1 et 𝑍𝑡 , le vecteur de variables explicatives I(0)
et I(1). En supposant qu’il existe une seule relation de long terme entre ces variables, la relation (2)
devient :

∆𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟𝑡 = 𝐶𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟0 + 𝐵𝑡 + 𝛿𝐷𝑐𝑜𝑜𝑢𝑟 𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟𝑡−1 + 𝛿𝑍 𝑍𝑡−1 + ∑𝑝−1 𝑝−1


𝑖=1 𝜗𝑖 ∆𝐷𝑐𝑜𝑢𝑟𝑡−𝑖 + ∑𝑖=1 𝜆𝑖 ∆𝑍𝑡−𝑖 +

𝜀𝑡 (3)

Ou 𝛿𝑖 représente la force de rappel vers la valeur de long terme. Notons que le retour vers l’équilibre de
long terme de la variable dépendante est possible dans le cas où ce paramètre est significatif et négatif.

La démarche du test de cointégration aux bornes consiste à estimer l’équation et effectuer le test de
significativité globale de Fisher afin de tester l’absence de relation de long terme entre le déficit courant
et les variables explicatives du modèle. Deux valeurs critiques sont attribuées à la statistique, à chaque
niveau de risque, en considérant les hypothèses suivantes :1) la borne supérieure, notée CV-I(1), est obtenu
en supposant que toutes les variables du modèle sont I(1), la borne inférieure, notée CVI(0), est obtenu en
supposant que toutes les variables du modèle sont I(0).

Les hypothèses du test de cointégration aux bornes sont les suivantes :

H0 : 𝛿𝑖 = 0 , i=1, 2, 3, …, p ( Absence de relation de cointégration)

27
H1 : : 𝛿𝑖 ≠ 𝛿𝑗 ≠ 0 , pour tout i ≠ j (Existence d’une relation de cointégration)

Trois cas peuvent se présenter:

Si F-statistic < CV-I(0), on accepte l’hypothèse nulle

Si F-statistic > CV-I(1), on rejette l’hypothèse nulle

F-stat est comprise entre les deux (2) valeurs critiques, aucune conclusion ne peut être tirée.

Tableau 3.3 : Présentation du « bound test »

Au seuil de 5%, le F-stat étant supérieur au CV-I(1), il existe au moins une relation d’équilibre de long
terme entre le Déficit courant et les variables explicatives : déficit budgétaire, épargne intérieure brute,
formation brute de capital fixe, les termes de l’échange, taux de croissance réel et le taux de change réel.

3.2.3 « Graphe criteria » : choix du meilleur modèle ARDL


A partir du nombre de retard maximal (p) déterminé suivant les critères d’Akaike et Schwarz, le logiciel
Eviews procède à un ensemble de régressions correspondant à toutes les combinaisons possibles de retard
égaux ou inférieurs à p. Ainsi, parmi (p+1)k modèles ARDL possibles, le logiciel fait choix du modèle
optimal dont la barre correspondante sur le graphe est la plus grande.
Figure 3.1: Akaike information criteria

28
Le modèle optimal, suivant le
graphe ci-dessus généré par le
logiciel Eviews, est celui
correspondant à une structure de
retard de 2,1,3,0 respectivement
pour les variables DCOUR, DB,
EIBGAP et TXR. Les autres
variables (FBCFGAP, TCR, TEC)
étant considérées comme des « fixed regressor.

3.2.4. Test de validation du modèle


A. Test de significativité des coefficients (test de student)

Ce test permet d’établir la significativité des coefficients d’un modèle pour un niveau de confiance (en
général 95%). Ce test consiste à tester la probabilité α (en général 5%) de se tromper en rejetant
l’hypothèse nulle portant sur la non significativité des coefficients relatifs aux régressions.

Les hypothèses retenues sont les suivantes:

H0 : Ci = 0, (statistiquement non significatif)

H1 : Ci ≠ 0, (statistiquement significatif),

Pour i=0,1….k (k=le nombre de variables/coefficients)

L’intervalle de confiance est ainsi déterminé :

Ci-tα/2*σCi ; Ci+tα/2*σCi avec Ci : le coefficient estimé de la variable i, tα/2 : la valeur statistique


correspondant au risque α dans la table de student ; σCi : l’écart-type estimé du coefficient.

La statistique est ainsi calculée : ti* = Ci / σCi~ t (n-k-1)

Règle de décision : Si | ti* | > tα/2 (n-k-1), alors on décide H1

Pour i=0,1, 2, 3, 4, 5, 6,7 α = 0.05 et tα/2 (95)=1.96

Dans le cas de ce modèle, le test de student sera effectué sur les coefficients de l’équation de cointégration
dont l’écriture se présente comme suit:

29
Tableau 3.4 : Présentation de l’équation de cointégration

Pour la dynamique de court-terme, les coefficients significatifs sont ceux du déficit courant décalé d’une
année, du déficit budgétaire, de l’épargne intérieure brute (sans décalage et décalé d’une année), de la
formation brute de capital fixe, du taux de dépendance démographique décalé d’une année, des termes de
l’échange et du taux de change réel, car leurs t-student sont supérieures à 1.96 en valeur absolue. Et pour ce
qui est de la relation de long terme il n’y a que les coefficients se rapportant aux variables taux de
croissance, formation brute de capital fixe et taux de change réel.

B. Test de normalité des résidus

La vérification de l’hypothèse de normalité est indispensable pour calculer les estimateurs du maximum
de vraisemblance et pour réaliser les tests mettant en évidence les caractéristiques du modèle de régression
(test de Student des paramètres, test de Fisher du r² etc …). Nous optons pour le test de Jarque et Béra
𝐵2 (𝑘−3)2
construit autour des principes d’asymétrie et d’aplatissement. La statistique JB = 𝑛 [ 6 + ] suit
24

asymptotiquement une loi du Khi2 à 2 degrés de liberté, le test s'effectuant sur les résidus. Notons que n
= Nombre d'observations, k = Nombre de variables explicatives

Hypothèses :

30
H0 : les données suivent une loi normale

H1 : les données ne suivent pas une loi normale

Figure 3.2: Test de normalité de Jarque-Bera

La probabilité associée à la statistique Jarque-Bera est supérieure à 0.05. On accepte donc l’hypothèse de
normalité des résidus.

C. Test d’autocorrélation (Test de breusch-godfrey base sur le multiplicateur de lagrange (LM test)

Le LM test permet de statuer sur l’autocorrélation des résidus (la reproduction de l’erreur d’une période à
l’autre) du modèle avec un certain risque α de se tromper. Cette autocorrélation peut être due à plusieurs
faits comme : l’absence d’une variable explicative cruciale, mauvaise spécification du modèle retenu ou
encore un lissage par moyenne mobile au niveau des séries à la base du modèle.

Ce test se révèle important, car la présence d’une autocorrélation des erreurs pourrait impliquer que les
estimateurs obtenus ne sont pas à variance minimale ou encore, de manière plus technique que les
éléments hors diagonale de la matrice de covariance de l’erreur sont différents de 0. Ceci peut constituer
une entrave majeure à la validité du modèle.

Le test LM qui consiste à détecter une régression du résidu sur sa valeur décalée, se fait donc de la manière
qui suit :

a. Estimation du modèle par la technique des MCO


b. Estimation d’une équation intermédiaire portant sur une régression du résidu sur toutes les
variables explicatives du modèle ainsi que sur le résidu lui-même décalé : et=a1x1t+….+akxkt+a0+

31
β1 et-1+….+ βpet-p+ut(avec k : le nombre de variables explicatives, p :le nombre de retard
maximal)
c. Test de l’hypothèse nulle (H0) de non autocorrélation des résidus à partir de l’équation
intermédiaire : β1= β2=….=βp=0 (avec p=le nombre de retard maximal attribué au modèle)

La règle de décision consiste à accepter H0 si la probabilité associée à la statistique de Fisher est supérieure
à 5%.

Tableau 3.5. : Présentation du test d’autocorrélation

La probabilité associée à la statistique de Fisher, pour les deux équations, est supérieure à 0.05 ; donc on
accepte l’hypothèse nulle de non autocorrélation des résidus.

D. Test d’hétérocédasticité (test de White)

L’hypothèse d’homocédasticité sous-entend que la variance des termes d’erreur est constante pour chaque
observation, et ne varie donc pas en fonction du nombre d’observation. Le test de White, fondé sur une
relation significative entre le carré du résidu et une ou plusieurs variables explicatives en niveau et au
carré au sein d'une équation de régression nous permettra de détecter un éventuel cas d’hétérocédasticité.
La statistique de ce test, généralement notée LM, est le produit de la valeur du coefficient de détermination
de la régression R2 et taille de l’échantillon n. Il suit une loi Khi-deux, le nombre de degré de liberté égal
étant au nombre de paramètres estimés moins 1. Les hypothèses du test de White s'écrivent ainsi :

H0 : Homoscédasticité, donc variance (εi) = σ 2i= σ2, Ɐ i =1,2,3.., N.

H1 : Hétérocédasticité

Tableau 3.6. : Présentation du test d’hétérocédasticité

32
La probabilité associée à la statistique Fisher est supérieure à 0.05. Le modèle est donc homocédastique
(à variance constante).

Test de stabilité de CUSUM

Le test de stabilité de Cusum (CummulativeSum), consistant à étudier l’évolution de l’erreur de prévision


normalisée, permet de statuer sur la stabilité structurelle des équations de régression à travers le temps/sur
la période sous étude. Compte tenu du fait que le modèle de court terme est, par essence, dynamique, ledit
test s’appliquera exclusivement sur le modèle de long-terme.

Figure 3.3 : Présentation du test de CUSUM

Pour pouvoir conclure à partir de ce test, il suffit d’interpréter le graphe ci-dessus, généré par eviews. La
courbe, qui correspond à l’évolution des résidus récursifs, ne coupant pas l’une ou l’autre des deux lignes
en pointillé, alors on acceptera l’hypothèse de stabilité des équations de régression à travers le temps.

E. Test de Ramsey Reset

Le test de Ramsey reset est un test de spécification générale qui indique sur la capacité des variables
indépendantes à expliquer l’évolution de la variable dépendante. Il prend en compte tous les paramètres
relatifs à la bonne spécification d’un modèle, comme :la significativité des paramètres, l’omission de
variables explicatives pertinentes, l’homocédasticité des erreurs, adéquation de la forme fonctionnelle. Ce

33
test consiste donc à estimer des modèles artificiels non linéaires en introduisant des composantes élevées
au premier ou au deuxième ordre au modèle initial spécifié et de les comparer à ce dernier. Par la suite, il
sera question de tester la significativité des coefficients associés à ces nouvelles composantes. Si ceux-ci
se révèlent significatifs, cela impliquera que le modèle initial n’est pas bien spécifié ou est inadéquat pour
faire ressortir la relation théorique sous-jacente au modèle.

Il s’effectue de la manière suivante :

a. Estimation de la forme linéaire du modèle initial :

yt=a0+a1x1+….+akxk+ u

b. Simulation de la variable prédite ŷ


c. Estimation du modèle artificiel non linéaire

yt=a0+a1x1+….+akxk+ β1ŷ2+ β2 ŷ 3+vt

d. Procéder au test F de Fisher pour la significativité des paramètres β1, β2

Les hypothèses retenues sont :

H0 : β1=β2=0

H1 : β1 et/ou β2≠0

Tableau 3.7. : Présentation du test de Ramsey Reset

La règle de décision consiste à accepter H0 si la probabilité associée à la statistique de Fisher est supérieure
au risque α retenu. Dans ce cas, ceci impliquera que, dans le modèle, il n’y a pas d’omission de variables
explicatives, ni de problème au niveau de la forme fonctionnelle. Suivant les résultats présentés ci-dessus,
le modèle est globalement bien spécifié

34
3.2.5. Interprétations des résultats des tests économétriques
Les résultats des différents tests statistiques effectués sur le modèle indiquent qu’il est globalement bien
spécifié. L’agencement au niveau des équations relatives à la dynamique de court et long terme est adéquat
et permet non seulement de représenter la situation sous étude, mais aussi de faire de bonnes prévisions à
partir des variables retenues compte tenu de l’évolution des résidus à travers le temps. Cette évolution des
résidus indique que les valeurs découlant des estimations et les valeurs réelles évoluent dans le même sens
et présentent des différences presque négligeables.

A court terme, eu égard au test de significativité des coefficients, le déficit courant est déterminé par :

➢ Le déficit courant décalé d’une année : la significativité de cette variable conforte l’idée de la
persistance dudit déficit à travers le temps. Cela implique que tout déficit courant enregistré pour
une année donnée est susceptible d’induire à un déficit l’année suivante, compte tenu des
incidences du recours aux réserves nettes de change et aux prêts sur le marché international pour
financer le déficit antérieur. En effet, ces deux moyens de financement peuvent conduire à la
dégradation de la position extérieure du pays, la dépréciation de la monnaie nationale (ce qui peut
engendrer le renchérissement des importations), l’augmentation du stock de la dette externe et du
service de la dette.

➢ Déficit budgétaire : On constate qu’à court terme, la variable DB influence significativement


l’évolution du déficit courant. Toutefois, il semblerait que les dépenses de consommation finale
du gouvernement constituent le principal canal à travers lequel les dépenses publiques influent sur
le déficit courant. Les données recueillies n’ont pas permis d’extraire la part des importations
imputable au secteur public. Cependant, on constate d’une part que la propension moyenne à
importer pour la période sous étude est de 46%. D’autre part, les dépenses de consommation finale
du gouvernement représentent entre 75% à 128% des recettes publiques. Par conséquent, lorsque
les dépenses publiques augmentent, les importations publiques de biens et de services finaux, qui
constituent une part importante de la consommation publique, contribuent à l’envolée des
importations. Ce qui laisse croire que la persistance du déficit budgétaire est un déterminant majeur
de la détérioration du solde courant à court terme, d’où la validation de l’hypothèse des déficits
jumeaux dans le cas d’Haïti.

➢ L’épargne intérieure brute sans décalage : vu le signe négatif de son coefficient, le lien mis en
évidence dans le présent modèle correspond parfaitement à l’idée que toute augmentation de
35
l’épargne intérieure brute par rapport à son niveau de long terme, pour un niveau de production et
d’investissement donné, améliore le solde courant. Car plus le niveau d’épargne d’un pays est
élevé, plus il a les moyens d’assurer le financement de ses dépenses de consommation et
d’investissement, et moins il aura donc recours au financement externe.

➢ L’épargne intérieure brute décalée d’une année : le signe positif du coefficient de cette variable,
dans le cadre de ce modèle, renvoie au fait que pendant certaines périodes, compte tenu du niveau
élevé de son stock de dettes, se voit obliger d’employer les ressources disponibles au paiement
d’arriérés/à l’amortissement des dites dettes. Ce qui réduit les disponibilités nécessaires au
paiement des transactions courantes avec l’extérieur et détériore le solde courant par conséquent.
Ainsi, une baisse de l’épargne intérieure brute par rapport à son niveau d’équilibre détériore la
balance courante. Aussi, cette alternance au niveau du signe du coefficient de l’épargne intérieure
brute à travers le temps, met clairement en évidence l’impossibilité d’une économie à s’endetter
indéfiniment pour ses transactions courantes avec le reste du monde ou encore à s’endetter
indéfiniment pour payer ses dettes. En ce sens, cette alternance permet de voir cette
interdépendance entre les choix relatifs à l’utilisation des ressources internes à travers le temps.

➢ La formation brute de capital fixe : le signe positif de son coefficient est cohérent par rapport à la
théorie économique car il renvoie à l’idée que, pour un niveau d’épargne donné, une augmentation
de l’investissement par rapport à son niveau d’équilibre, détériore le solde courant. Par ailleurs,
compte tenu du fait, que la formation brute de capital fixe consiste en l’acquisition de biens de
production (biens durables) que le pays ne peut qu’importer de l’extérieur vu qu’il n’en est pas
producteur, ceci fait donc augmenter les importations et détériore par conséquent le solde
commercial et par conséquent les solde courant.

➢ Le taux de croissance réel : Le signe positif du coefficient de cette variable permet de conclure
que, pour un niveau d’épargne donné, une hausse du taux de croissance réel par rapport à son
niveau d’équilibre, induit à la détérioration du solde courant. Car une augmentation de la
production nationale implique des investissements en terme d’acquisition d’équipements et autres,
ce qui fait augmenter les importations et creuse le déficit courant par conséquent.

➢ Taux de change réel : le signe positif du coefficient de cette variable indique que l’augmentation
de celle-ci, soit la dépréciation de la monnaie nationale, dégrade le solde courant, car elle induit à

36
une hausse des sorties de devises et fait chuter la valeur des exportations. Ceci peut être appuyé,
dans une certaine mesure, par l’indice de Bonilla qui a été avancé par l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC) pour évaluer la vulnérabilité alimentaire des pays par rapport aux changements
de prix des produits sur le marché international. Cet indice correspond au rapport entre les
importations et exportations de produits alimentaires à prix constant. Quand cet indice est inférieur
à 1, le pays est dit exportateur net de produits alimentaires. Et quand il est supérieur à 1 le pays est
dit importateur net de produits alimentaires, et dans ce cas, tout choc sur le marché national ou
international pouvant conduire à une dépréciation de la monnaie nationale (augmentation du taux
de change) détériore le solde du commerce extérieur (La facture des importations augmente tandis
que celle des exportations diminue). En ce sens, étant donné que sur la période sous étude, l’IB est
supérieur à 1, alors toute hausse du taux de change fera chuter davantage le solde commercial, qui
par conséquent, détériorera le solde courant hors transfert sans contrepartie.

En comparant la valeur des coefficients significatifs de ce modèle qui s’interprète en termes d’effet
marginal, celles du déficit budgétaire, suivi de l’épargne intérieure brute, du taux de croissance et du
déficit courant décalé d’une année sont les plus importantes. Ceci indique donc, que ces variables
influencent davantage le solde courant que toutes les autres variables considérées dans ce modèle.

A long terme, les résultats de la modélisation indiquent que la hausse du taux de croissance par rapport à
son niveau de long terme détériore la balance courante, compte tenu de la tendance à la baisse de l’épargne
intérieure brute (des ressources internes) qui, à long terme ne permet pas de couvrir les dépenses de
l’économie. Il en est donc évidemment pareil pour la formation brute de capital fixe. Et pour ce qui est du
taux de change réel, le signe positif de son coefficient, implique que même sur le long terme, sa
dépréciation impacte négativement le solde courant.

De tels résultats suggèreraient donc la mise en place de dispositifs visant à augmenter le revenu
domestique disponible, puis la coordination des politiques économiques de telle sorte que les décisions
optimales des agents économiques dans l’allocation « consommation-épargne-investissement » puisse
conduire à l’ajustement nécessaire au niveau de l’épargne nationale pour assurer les besoins de
l’économie.

37
3.3 Analyse de la soutenabilité du déficit courant
L’identification des déterminants du déficit courant est certes un exercice qui revêt une grande importance,
toutefois, elle permet difficilement d’apprécier la soutenabilité du déficit courant. De ce fait, nous
proposons une analyse de la soutenabilité du déficit courant et l’estimation de son niveau soutenable.

La méthode de Husted, très utilisée dans la littérature économique, part de l’hypothèse que la cointégration
est une condition nécessaire pour qu’une économie réponde à sa contrainte budgétaire intertemporelle
(Hakkio et Rush, 1991). Elle requiert l’utilisation de deux variables : les exportations de biens et services
notées XPt et les importations qui, dans ce cas, sont définis comme la somme des importations de biens et
de services, des paiements d’intérêt nets notées YPt.

Contrairement à ce qui a été fait dans le modèle théorique, il nous a paru préférable de laisser de côté les
transferts nets, vu que ce solde constitue une rentrée nette pour Haïti. Les deux séries sont mesurées en
pourcentage du PIB sur la période allant de 1974 à 2015. Les données proviennent de la Banque Mondiale.
La vérification de l’hypothèse de soutenabilité sera effectuée à l’aide d’un modèle ARDL, par conséquent,
les démarches et la présentation théorique des différents tests réalisés en vue de valider le résultat trouvé
ne seront pas présentés à nouveau.

III.5.1. Etude de la stationnarité des séries

Tableau 3.8. : Présentation de la stationnarité des séries pour la soutenabilité


ADF PP
Constante/t Différence Constante/t Différence
endance première endance première
C,T -8.951293 C -8.336645
C -8.441589 C -8.436782
C et T indique respectivement un modèle avec constante et tendance le seuil de significativité retenu est de 1%
Les résultats du test de stationnarité de Dickey-Fuller et Phillipe Perron indiquent que les deux séries sont
non stationnaires en niveau. Les mêmes tests révèlent qu’elles sont stationnaires en différence première
I(1) au seuil de 5 % car les statistiques ADF et PP sont supérieures à leur valeur critique. L’ordre de
stationnarité étant le même pour les deux séries, il convient maintenant d’effectuer les tests de
cointégration. Nous utiliserons le test de cointégration aux bornes présenté dans la partie précédente.

III.5.2. Analyse de la cointégration

38
Tableau 3.9. Présentation du « bound test » pour la soutenabilité
ARDL Bounds Test
Date: 08/15/17 Time: 13:45
Sample: 1978 2015
Included observations: 38
Null Hypothesis: No long-run relationships exist

Test Statistic Value K

F-statistic 2.762293 1

Critical Value Bounds


Significance I0 Bound I1 Bound

10% 4.04 4.78


5% 4.94 5.73
2.50% 5.77 6.68
1% 6.84 7.84

En ce qui a trait à la cointégration, le bound test suggère l’inexistence de relation de long terme entre les
importations et les exportations d’Haiti, la valeur du F-stat étant inférieur au CV-I (1) pour tout seuil
considéré, on accepte l’hypothèse nulle de non cointégration. Si les orientations actuelles des politiques
économiques en vigueur ne changent pas en une politique pro-croissance, une augmentation de
l’endettement extérieur n’est ni soutenable, ni souhaitable. La tendance que suit le solde des transactions
courantes en Haïti n’étant pas compatible avec la contrainte budgétaire intertemporelle, il convient de
déterminer l’équilibre de long terme dudit solde. Notons que tous les tests de validation de modèle
présentés précédemment (test de normalité, test de White, test de Breusch-Godfrey, test de Ramsey) ont
été effectués.

III. Estimation du solde courant soutenable

Les pays de toutes les régions du globe ont tendance à accumuler des déficits courants qui excèdent le
niveau soutenable, durant certaines périodes. Ce qui les conduit à prendre des mesures d’ajustement
pouvant rapprocher le déficit courant de son équilibre de long terme. Vu qu’il a été prouvé que le déficit
courant haïtien n’est pas soutenable en utilisant la méthode de Husted, il convient de s’intéresser à la taille
des ajustements nécessaire pour s’aligner à la contrainte budgétaire intertemporelle. Ce travail est effectué
à l’aide de l’équation de Reisen.

Cependant, l’omission des investissements directs étrangers (IDE) dans ce modèle doit être reconsidérée
compte tenu du fait qu’ils sont considérés comme des flux financiers stables. D’autant plus que, les IDE
contribuent généralement à la hausse des exportations, donc à l’amélioration du solde courant sur le long
terme (Aristovnik,2006). Il en ressort, que les IDE doivent être pris en compte dans le calcul du solde

39
soutenable. Le niveau de déficit courant qui permet d’atteindre une soutenabilité à long terme est
représenté de la manière suivante :

𝜂+𝜀−𝛾
𝑆𝐶 = (𝛾 + 𝜀)𝑑 − ( ) 𝐹𝑋+ NIDE
1+𝛾

SC : Le solde courant

𝜀: Taux de variation moyen du taux de change réel bilatéral Haïti-Etats-Unis (TCB) en rapport à la
croissance économique Le taux de change réel bilatéral dollar américain- gourdes est retenu puisque de la
dette extérieure d’Haïti est en moyenne libellé à 81.4% en devise monétaire américaine au cours de la
période considérée.

𝛾: Taux de croissance du PIB tendanciel

𝑑 : Niveau cible du ratio dette extérieure sur PIB qui rassure les investisseurs sur la capacité du pays à
honorer les dettes contractées ; il s’agit d’une contrainte de solvabilité par la stabilisation du ratio de la
dette extérieure. Nous retenons le seuil de 35% du PIB, seuil pour lequel l’hypothèse du seuil optimal
de la dette publique extérieure a été vérifiée pour Haïti (DESCIEUX et DALEXIS, 2012).

𝜂: Taux de croissance réelle des importations

FX : Niveau cible des avoirs extérieurs en % du PIB. On suppose qu’il équivaut à 4.5 mois d’importations.
Nous avons adopté l’un des critères de convergence de l’union monétaire de la communauté de l’Afrique
de l’Est, étant donné que cette communauté est constituée de pays à faible revenu.

NIDE13 : Moyenne de la valeur nette de investissements directs étrangers par rapport au PIB.

Nous considérons la période allant de 2005 à 2015 pour effectuer ces calculs, compte tenu des avancées
réalisées en terme de stabilité macro-économique sur cette période.

13
Selon la Banque mondiale, (BM) les investissements directs étrangers nets montrent le total net des investissements étrangers directs à destination de
l'économie déclarante et provenant de sources étrangères moins les investissements étrangers directs effectués par l'économie déclarante dans le reste du
monde. Les données sont en dollars américains courants.

40
Variation
moyenne Taux de
Niveau cible
du TCB par croissance Taux de Niveau cible
du ratio IDE moyen
rapport à la réel des croissance des avoirs
dette nets
croissance importation réel (2005- extérieurs
extérieure
économiqu s (2005- 2015) en % du PIB
sur PIB
e(2005- 2015)
2015)
(2005-2015)

-0.02 0.14 0.016 27.4 35 -0.02

-3.5 • Déficit courant (dons publics inclus) en % du PIB en 2015

• Déficit courant hors dons publics en pourcentage du PIB en


-8.8 2015

• Solde courant soutenable selon la méthode Reisen


-2.7

Maintenir un solde courant inférieur ou égal -2.7% du PIB assure la solvabilité intertemporelle sur les
engagements extérieurs. Ce seuil corrobore les résultats fournis par le modèle de Husted. En effet, selon
les données du Fonds Monétaire International, le déficit courant (dons publics inclus) représentait environ
6.3% du PIB en 2013 et 2014. Les niveaux de déficits enregistrés ces dernières années sont supérieurs au
déficit soutenable selon la méthodologie de Reisen. De plus, le seuil soutenable de 5%, généralement
considéré dans la littérature économique, est trop élevé compte tenu des spécificités du pays. On remarque
également que les investissements directs étrangers nets ne peuvent financer ne serait-ce que partiellement
le déficit courant en Haïti, sa valeur étant négative. La prise en compte de cette variable a de très faibles
influences sur le seuil soutenable.

4. CONCLUSION
Trois objectifs sont poursuivis dans le cadre de ce travail ; il s’agit d’identifier les déterminants du déficit
courant en Haïti, de vérifier si les conditions de soutenabilité du compte courant sont respectées, puis de
déterminer le solde courant soutenable, le cas échéant. Les résultats suggèrent que les chocs que subissent
le revenu, l’investissement et l’épargne se répercutent sur l’évolution du compte courant. On retiendra

41
notamment qu’à long terme : une augmentation de 1% du taux de change réel induit une hausse de
0.0043% du déficit budgétaire, vu qu’elle entraine le renchérissement des importations d’une part et la
hausse de la valeur du service de la dette en monnaie nationale (ce qui réduit les disponibilités internes
pour les transactions courantes avec le reste du monde). Une augmentation de 1% du revenu détériore le
solde courant de 0.47%. Une hausse de 1% du niveau d’investissement induit à une augmentation de
0.32% du déficit courant, vu la tendance à la baisse de l’épargne interne sur le long terme.

Pour ce qui est de la soutenabilité, les tests effectués ont révélé que le niveau actuel du déficit courant
n’est pas soutenable. Ainsi, nous avons essayé de déterminer le niveau auquel ledit déficit peut l’être
suivant la méthode de Reisen et avons obtenu le seuil de 2.7% du PIB.

Au regard des résultats des deux modèles portant sur les déterminants et la soutenabilité du déficit courant,
pour amener le déficit courant, le déficit commercial en particulier, à des niveaux soutenables, il faut une
amélioration de la compétitivité par des investissements visant à renforcer le tissu productif du pays. En
effet, en considérant le niveau élevé de l’indice de Bonilla développé par l’OMC, la faible productivité
des secteurs tournés vers l’exportation et la faible élasticité de la demande des produits exportés, les
politiques visant la dépréciation du taux de change risquent de ne pas fournir des résultats favorables.
Dans une pareille situation, il convient d’accorder la priorité à des politiques pouvant conduire à une
amélioration du rythme de croissance du revenu réel domestique (Bineau, 2008). De telles politiques
peuvent influer sur l’évolution de deux des déterminants identifiés par la présente étude. Premièrement,
une hausse du revenu réel domestique peut entrainer une amélioration du niveau de l’épargne.
Deuxièmement, elle peut conduire à une baisse du déficit budgétaire si l’augmentation des dépenses
publiques est inférieure à l’augmentation des recettes qui en découlera. Ainsi, l’Etat pourrait mettre en
place les dispositifs nécessaires qui viseraient à réduire ses dépenses de consommation finale, à augmenter
ses investissements dans le système productif, à stimuler l’offre locale et par voie de conséquence, à
augmenter la demande de travail (ce qui réduirait le taux de dépendance démographique) et le revenu
disponible. La combinaison de ces dispositions conduirait d’une part à une meilleure couverture des
besoins en produits alimentaires par la production locale (baisse de la vulnérabilité alimentaire) ; ce qui
améliorerait le solde commercial. Et d’autre part, celle-ci pourrait entrainer la baisse du déficit budgétaire,
la hausse des disponibilités pour l’épargne privé et les investissements privés. Ce qui, conformément à
l’approche intertemporelle de la balance courante, pourra permettre l’amélioration du solde courant.

42
Par ailleurs, l’augmentation du rythme de croissance du revenu réel domestique peut être, en partie,
obtenue grâce aux échanges extérieurs. Nous avons vu que l’augmentation du PIB nourrit le déficit courant
du pays, cependant un cercle vertueux peut être enclenché entre le solde commercial et PIB. Considérant
le fait qu’Haïti dispose de très peu d’avantages comparatifs, le gouvernement doit concevoir et mettre en
œuvre une politique industrielle nationale (développement de zones industrielles, renforcement de la
compétitivité des entreprises, incitation à l’investissement, formation…). Pour plus d’efficacité, il est
primordial de considérer d’une part, la valeur des exportations additionnelles pouvant être réalisées grâce
aux mesures prises, d’autre part, la valeur des importations nécessaires à la production des biens et services
qui seront exportés. Ainsi à moyen et à long terme, la valeur ajoutée à l’exportation augmentera, si par la
diversification nous parvenons à réduire la dépendance de l’appareil productif aux intrants acquis sur le
marché international.

5. LIMITES
En réalisant ce travail, nous avons pris le soin de bien nous documenter, cependant il présente quand même
certaines limites. En analysant la situation de la balance des transactions courantes d’Haïti, nous avons
volontairement omis de prendre en compte les transferts sans contrepartie dans la modélisation. Et ceci,
tout en sachant qu’ils constituent le flux de devises le plus important et le plus stable enregistré pour le
pays. L’effet de transferts courants sur la croissance étant un sujet controversé dans la littérature
économique, nous avons jugé préférable d’accorder l’attention aux facteurs susmentionnés pour améliorer
la solvabilité de la balance des paiements.

De plus, l’hypothèse d’état stationnaire posée dans le cadre de l’estimation du déficit courant soutenable
est une hypothèse forte puisqu’il s’agit d’un pays à faible revenu. On souligne également que nous n’avons
pas tenu compte des changements structurels qui auraient pu affecter l’ordre de stationnarité des
différentes variables utilisées et l’analyse de cointégration dans les modèles ARDL estimés. Il n’en
demeure pas moins que cette étude pourrait contribuer à une meilleure compréhension des tendances de
long terme du compte courant en Haïti, ainsi que des ajustements à effectuer. Elle doit néanmoins être
complétée par l’estimation des fonctions d’importation et d’exportation de biens et services en vue de
faciliter les prises de décisions portant sur la résorption de ce problème.

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