Vous êtes sur la page 1sur 60

Investissement privé et soutenabilité de la dette

souveraine du BENIN: une analyse basée sur un


modèle à effet de seuils endogènes

Georges-Janvier VODOUGNON
MASTER/ IREEP

23 mars 2012
Résumé

Le poids écrasant du service de la dette et la persistance de la pauvreté


constituent des problèmes essentiels auxquels sont confrontés actuellement
les pays en développement comme le BENIN. Aussi, la place de l’investis-
sement privé dans la sphère économique dépend du niveau de la pression
fiscale qui ne fait qu’augmenter dans le pays.
Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir comment les in-
vestissements privés influent-ils sur la dynamique d’endettement du BENIN.
Nous apportons un fondement empirique aux critères de discipline budgé-
taire, en utilisant la méthodologie des modèles à seuils endogènes.
Les résultats de cette étude montrent que lorsque les investissements pri-
vés sont inférieurs à 73% de la dette extérieure, il est difficile d’assurer le
service de la dette, par contre lorsque ces derniers sont supérieurs à 73%,
la dette extérieure est maîtrisée et le paiement du service de la dette est
assurée.
Notre travail se prête assurément à des approfondissements. En effet, dans
la mesure où les critères de convergence, de l’UEMOA par exemple, portent
à la fois sur un seuil minimum de pression fiscale et sur un seuil maximum de
dépenses salariales, il serait intéressant d’approfondir l’analyse en mettant en
évidence des effets différenciés de l’ajustement budgétaire selon l’instrument
privilégié. On pourrait ainsi tester directement les effets de composition :
hausse des impôts contre baisse des dépenses publiques (dépenses salariales,
dépenses d’investissement, dépenses sociales, etc.).
Dédicaces

À mes parents !

I
Remerciements

♠ À DIEU, le Père de toute connaissance et de toute science.


♠ À Mme Vicentia ACACHA ACAKPO, Ph.D, ma directrice de mé-
moire, qui n’a ménagée aucun effort pour suivre ce travail.
♠ À M Charles SESSEDE, Ingénieur Statisticien Economiste, qui n’a
ménagé aucun effort pour conduire à bien cette étude.
♠ À Abouya K. N’BEBI pour son soutien moral, spirituel et matériel.
♠ À mes frères et sIJurs pour leurs soutiens moral, matériel, financier
et spirituel.
♠ À Denise AMOUSSOU pour son soutien logistique, spirituel et moral.
♠ À l’IREEP, son personnel et à son florilège d’enseignants pour cette
formation élitiste
♠ Aux membres du jury conviés à apprécier ce travail.

II
Liste des sigles

AFD : Agence Française pour le Développement


AID : Association Internationale de Développement
Aide Publique au Développement
BAD : Banque Africaine de Développement
BADEA : Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique
BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
BEAC : Banque des Etats de l’Afrique Centrale
BID : Banque Islamique de Développement
BM : Banque Mondiale
BOAD Banque Ouest Africaine de Développement
CAA : Caisse Autonome d’Amortissement
CADTM : Comité d’Annulation de la Dette du Tiers Monde
CAPE : Cellule d’Analyse de la Politique Economique
CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CNE : Commission Nationale de l’Endettement
DDP : Direction de la Dette Publique
DE : Direction des Etudes
DGE : Direction Générale de l’Economie
DRT : Direction de Recouvrement et de Trésorerie
DTS : Droits de Tirage Spéciaux
FAD : Fonds Africain de Développement
FCFA : Franc de la Communauté Financière d’Afrique
FIDA : Fonds International pour le Développement Agricole
FINANSTAT : Statistiques des Finances Publiques

III
FMI : Fonds Monétaire International
IBW : Institutions de Brettons Wood
INSAE : Institut National de Statistique et d’Analyse Economique
IPPTE : Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés
MEF : Ministère de l’Economie et des Finances
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG : Organisation non Gouvernementale
OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
PED : Pays En Développement
PVD : Pays en Voie de Développement
SMI : Système Monétaire International
TSA : Taxe Spéciale d’Amortissement
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

IV
Liste des tableaux

V
Table des figures

2.1 Ventillation sectrielle du pib . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30


2.2 Evolution sectorielle du pib . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.3 Contribution à la croissance du pib . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.4 Evolution des différentes variables de la dette extérieure bé-
ninoise en milliards de FCFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.5 Différentes formes de la dette . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.6 Encours de la dette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.7 Structure de l’évolution de la dette multilatérale du BENIN
(en milliards de FCFA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.8 Epargne-Investissement-Recette fiscale en % du P.I.B . . . . . 38
2.9 Investissement au BENIN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.1 Tests de linéarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3.2 Intervalle de non rejet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.3 Comparaison des deux modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

VI
Introduction

Le portefeuille de la dette publique 1 est souvent le portefeuille financier le


plus important des pays en voie de développement, notamment ceux des pays
subsahariens. Il contient fréquemment des montages financiers complexes, et
peut faire peser un risque substantiel sur le compte de patrimoine national.
En outre, s’il est gros et mal structuré, il rend le pays plus vulnérable aux
chocs économiques et financiers et est souvent l’une des principales causes
des crises économiques. La gestion de la dette publique, quant à elle, consiste
à établir une stratégie capable de mobiliser le montant de financement voulu,
de réaliser ses objectifs de coût et de risque ainsi que tous les autres objectifs
que les autorités peuvent avoir fixé à la gestion de la dette souveraine.
Dans un contexte plus large de la politique nationale, les États doivent
veiller à ce que le niveau et le rythme de croissance de la dette publique soient
fondamentalement tolérables, et que le service de la dette puisse être assuré
dans toute situation, tout en respectant les objectifs de coût et de risque.
Les gestionnaires de la dette souveraine doivent maintenir l’endettement du
secteur public sur une trajectoire viable et de mettre en place une stratégie
crédible pour réduire le niveau de l’endettement, lorsque ce dernier est ex-
cessif. Les variables permettant de déterminer si le degré d’endettement est
tolérable sont, par exemple, le ratio du service de la dette du secteur public,
le ratio de la dette publique/PIB et le ratio dette publique/recettes fiscales.
Il y a quinze ans déjà que le FMI 2 et la Banque mondiale ont lancé l’ini-
tiative en faveur des pays pauvres très endettés, en 1996, et l’ont renforcée
en 1999, dans le cadre d’une offensive généralisée pour réduire la dette in-
soutenable des pays les plus pauvres très lourdement endettés. En allégeant
la dette des PPTE qui affichent d’excellents résultats en matière d’ajuste-
ment et de réformes économiques, l’initiative devrait les aider à parvenir à
un endettement viable à moyen terme. On estime, en général, que le peu
1. Nous entendons par la dette publique, la dette négociable contractée sous forme des instruments
financiers échangeables sur les marchés financiers.
2. FMI : Fonds Monétaire International

1
TABLE DES FIGURES

d’attention accordée à la gestion de la dette publique a été l’une des prin-


cipales causes de la non soutenabilité de la dette de ces pays. Afin de sortir
durablement de cette situation, il est indispensable que les pays appliquent
une politique macroéconomique globalement saine et gèrent leur dette avec
prudence.
En effet, il est crucial de coordonner la gestion de la dette avec la poli-
tique macroéconomique et d’analyser régulièrement la viabilité de la dette,
non seulement pour répondre aux exigences du processus PPTE, mais aussi
pour éviter que ces pays ne retombent dans un endettement insoutenable.
En particulier, une coordination étroite entre, d’une part, les services bud-
gétaires, les structures de gestion des mouvements de trésorerie et celles
chargées de la planification, et, d’autre part, les gestionnaires de la dette
est essentielle et nécessaire. Par ailleurs, la dette intérieure joue un rôle de
plus en plus important dans la viabilité budgétaire de certains pays à faible
revenu, y compris les PPTE, alors que le sous-développement des marchés
financiers intérieurs limite la place de la dette intérieure dans la plupart des
PPTE. Cependant, pour que leur dette devienne viable à long terme après
le point d’achèvement, ils doivent mettre au point une stratégie d’emprunt
explicite, transparente et réaliste et instaurer un marché obligataire de façon
à élargir l’éventail des emprunts auxquels ils peuvent recourir.
D’ailleurs, le Bénin a bénéficié de l’initiative PPTE, en 1999 et mis en
place le DSRP 3 en 2003, qui donnait les directives pour réduire au mieux la
pauvreté en passant par tous les secteurs de l’économie, notamment par la
réduction et surtout par la bonne gestion de la dette du pays. Aussi, au len-
demain des élections présidentielles de 2006, ce document fut remplacé par
un autre qui tient compte de la croissance du pays, la SCRP 4 , en avril 2007.
Le rôle de l’Etat à travers ses politiques budgétaire, financière et extérieure
devra, dans l’atteinte de ses objectifs, contrôler, sinon gérer la dette souve-
raine pour ne pas retomber dans les griffes de l’avant PPTE. C’est d’ailleurs
pour cette raison que nous jugeons qu’une étude sur le thème : "Investis-
sement privé et soutenabilité de la dette souveraine du BENIN :
une analyse basée sur un modèle à effet de seuils endogènes" s’avère
utile et nécessaire.
La démarche consiste à analyser la soutenabilité et la solvabilité de la
dette publique, de 1987 à 2010, et à faire des projections en fonction de
3. DSRP : Document de Stratégie et de Réduction de la Pauvreté
4. Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté

2
TABLE DES FIGURES

seuils déterminés par la méthode d’HASSEN (1999). Pour y parvenir, nous


avons structuré la présente recherche en trois chapitres.
Dans premier chapitre, il sera traité le cadre théorique de l’étude, dans
lequel seront présentés la problématique, les objectifs, les hypothèses, la revue
de littérature, et l’approche méthodologique de l’étude.
Dans un second chapitre, sera exposée la dynamique d’endettement et
d’investissement du BENIN.
Dans un troisième chapitre, on procédera à l’analyse et l’interprétation
des résultats et aux solutions envisageables.

3
Chapitre 1

Cadre théorique de l’étude

1.1 Problématique, Objectifs et Hypothèses


1.1.1 Problématique
Le début de la décennie 80 a été marqué par de nombreux déséquilibres
macroéconomiques comme la chute des recettes publiques, l’accroissement
excessif de la dette extérieure des pays en voie de développement. En ef-
fet, la dette de ces pays a été multipliée par douze entre 1970 et 1980
(NAYLA,2007). Aussi, il importe de remarquer qu’une étude comparative
de la dette souveraine des PPTE entre 1970 et 1995 montre qu’elle est pas-
sée de 79% à 195% de leurs exportations et de 20,3% à 23,5% de leur Produit
National Brut selon (YAPO,2002). Ces déséquilibres ont entrainé rapidement
les PVD 1 , notamment les pays africains et le BENIN en particulier dans une
spirale d’endettement massif. Cet endettement provenait essentiellement de
trois sources :
– La faiblesse du niveau de l’épargne intérieure et les difficultés de sa
mobilisation dans les pays en voie de développement(SALIOU, 2003)
– Le fait que l’IDE 2 soit assuré par des multinationales occidentales, qui
ont pour la plupart du temps des motivations qui ne convergent pas
avec celles des pays d’accueil
– L’aide des partenaires techniques et financiers, c’est-à-dire l’endette-
ment extérieur bilatéral (avec un pays tiers) ou multilatéral (avec les
Institutions Financières Internationales).
Du fait de la faiblesse de l’épargne intérieure, l’endettement extérieur est
devenu le passage obligatoire en matière de financement du développement.
1. Pays en Voie de Développement
2. Investissement Direct Etranger

4
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

D’une manière générale, il existe une série de contributions sur la pro-


blématique de la dette souveraine qui montrent que tous les économistes
ne partagent pas les mêmes perceptions par rapport à la dette. Pour les
keynésiens, par exemple, l’endettement n’entraîne pas en général de coûts
ni pour les générations présentes, ni pour les générations futures, à cause
des nouveaux investissements qu’il génère. Pour eux, respecter le principe
de l’équilibre budgétaire n’est pas obligatoire ni forcement nécessaire, car
un déficit budgétaire maîtrisé et justifié pourrait être un facteur de relance
économique ou même de lutte contre le chômage. Par opposition aux keyné-
siens, les classiques considèrent l’endettement comme un report de l’impôt
sur les générations futures.
Cependant, le véritable problème, aujourd’hui, n’est pas de savoir s’il faut
s’endetter ou non pour financer le développement, mais plutôt celui du niveau
de la dette nécessaire pour le financement du développement d’un pays ou
encore le montant de la dette publique supportable par un pays dans son
processus de développement.
Le poids écrasant du service de la dette qui contrarie l’émergence des pays
en voie de développement, a amené les Partenaires Techniques et Financiers 3
à initier certaines politiques d’allègement de la dette en faveur des pays
du Tiers monde. Cependant, toutes ces politiques ont été sans succès. Les
plus récentes sont les initiatives PPTE suivie de l’IADM 4 qui ont été mises
en IJuvre en 1996 sous l’égide du FMI et de la Banque Mondiale, et sont
encore d’actualité. Le Bénin est l’un des premiers pays bénéficiaires de cette
initiative en 1999. Au cours de l’année 1999, l’allègement de la dette du
Bénin au titre l’initiative PPTE était de 11,8 Milliards FCFA , mais est
passé à 15,7 et à 17,8 Milliards FCFA 5 , respectivement en 2001 et en 2002.
Cet allègement a permis à l’Etat de pouvoir amortir le service de la dette.
De même, le Bénin bénéficie de l’IADM depuis 2006. Dans le même temps,
la dette publique du Bénin est passée de 267 Milliards FCFA en 1986 à 299,7
Milliards FCFA en 2007 avant d’atteindre 583,7 milliards 6 en juin 2011.
Quant aux évolutions des encours/PIB(%), des Encours/Export B & S(%),
du Service dette/Export B & S(%) et de Intérêt/Export B & S(%), elles ont
3. C’est la nouvelle appellation des IFI
4. IADM : Initiative pour l’Allègement de la Dette Multilatérale
5. FCFA : Franc de Communauté Francophone d’Afrique selon la CEMAC (Communauté Economique
et Monétaire d’Afrique Centrale) et Franc de la Communauté Financière dŠAfrique selon UEMOA (Union
Economique et Monétaire Ouest Africain)
6. Source : Evaluation des Dépenses Publiques sur la base des données de la C.A.A. et de la BCEAO,
juillet 2011

5
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

connu diverses variations sur la même période. Les Encours dette/Export B


& S(%) ont toujours été au dessus des 100% de 1987 à 2006 et ce ratio a
évolué en dents de scie sur cette même période. Il a atteint son pic en 1988
en faisant 305% ; mais après 1988 il était en moyenne de 248% jusqu’en 2005.
Depuis 2006, année au cours de laquelle le BENIN a bénéficié de l’IADM, ce
ratio est en dessous des 100%, même s’il connait une croissance relative ces
quatre dernières années.
En ce qui concerne le ratio Service dette/Export B & S (%), il a été tou-
jours en dessous des 50% sur toute la période de l’étude. Avant l’avènement
de la démocratie au BENIN, ce ratio était le plus élevé de toute la période,
mettant en relief les effets néfastes de la crise économique de l’époque révolu-
tionnaire qui a conduit à une crise sociale puis au renouveau démocratique au
BENIN. Mais, à partir de 1990, ce ratio connaît une tendance baissière et une
certaine stabilité depuis 2001. Par ailleurs, en ce qui concerne les ratios En-
cours de la dette extérieure/PIB(%) et Intérêt de la dette extérieure/Export
B & S(%), ils ont connu les mêmes fluctuations que les précédents, comme
l’indique le graphique 1.
En outre, s’il est vrai que les variables permettant de déterminer si le
degré d’endettement est tolérable ou non sont les ratios précités plus haut,
il n’en demeure pas moins que le ratio dette publique/recettes fiscales est
aussi important que lesdits ratios.
Le remboursement de la dette dépend de la pression fiscale qui induit
le niveau de l’investissement du pays, notamment l’investissement privé qui
dépend. Le BENIN, à l’instar de tous les pays exerce son autorité fiscale
sur l’ensemble des entreprises et industries du pays, qu’elles soient moyennes
ou petites. C’est pourquoi, nous croyons que la soutenabilité de la dette et
la solvabilité du pays vis-à-vis de sa dette dépendent également du niveau
de l’investissement privé ; d’où l’Etat tire l’essentiel de son impôt. Or, nous
savons que le service de la dette est assuré par les recettes fiscales. Il im-
porte donc pour nous de savoir, par exemple, quel niveau d’investissement
privé pourrait assurer au BENIN la soutenabilité de sa dette. Mais l’analyse
de l’évolution des investissements au BENIN montre déjà que ces derniers
connaissent une croissance sur ses vingt quatre dernières années si bien que
l’investissement privé occupe une place de choix dans l’investissement total
du pays. Cet type d’investissement a toujours été au-dessus de l’investisse-
ment public, comme l’indique le graphique 2.

6
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

Au regard de l’évolution des variables permettant de déterminer si le


degré d’endettement est tolérable et de l’investissement privé qui en découle.
Il serait intéressant d’analyser au delà de la volonté affiché par les pouvoirs
publics, la soutenabilité et la solvabilité de la dette souveraine du temps
après l’initiative PPTE afin d’éviter que le pays retombe dans la situation
précédant cette initiative. C’est pourquoi nous cherchons à savoir :
– Comment le niveau de l’investissement privé agit-il sur la solvabilité du
BENIN vis-à-vis de ses créanciers ?
– Quel est le niveau d’investissement privé qui assure la soutenabilité de
la dette extérieure ?

1.1.2 Objectifs
Objectif général

L’objectif de ce travail est d’évaluer l’impact de l’investissement privé sur


la dynamique d’endettement du BENIN.

Objectifs spécifiques

De cet objectif général, découlent les objectifs spécifiques suivants :


– Analyser l’évolution de la dette extérieure du BENIN, douze ans après
la mise en place de l’initiative PPTE.
– Déterminer le seuil à partir duquel l’investissement privé, n’assure plus
la soutenabilité de la dette extérieure.

1.1.3 Hypothèses
Deux hypothèses sous-tendent ces objectifs, à savoir :
1. La dette extérieure du BENIN s’est améliorée depuis le bénéfice l’ini-
tiative PPTE.
2. La soutenabilité de la dette extérieure du BENIN dépend, entre autres,
d’un certain seuil de son investissement privé

7
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

1.2 Revue de littérature


1.2.1 Cadre conceptuel de la dette souveraine
Plusieurs théories ont été développées sur l’endettement d’un pays. Elles
vont de la perception même de l’emprunt public à la capacité d’endettement
d’un pays. Nous allons présenter ces différentes théories en les renforçant si
possible par des études empiriques réalisées.
L’endettement de l’État n’a jamais fait l’unanimité chez les économistes.
Sa perception varie selon les écoles de pensée. C’est ainsi que certains éco-
nomistes pensent que la dette peut être nécessaire et même efficace pour
le développement d’un pays alors que d’autres rejettent systématiquement
l’emprunt public et pensent que tout emprunt public ne peut qu’être nuisible
pour les agents économiques.

La position des classiques

Pour les classiques, l’endettement public est un report de l’impôt sur les
générations futures, et, ils imputent à l’État une connotation négative. Se-
lon RICARDO (1817), les citoyens voient dans l’emprunt un impôt différé
dans le temps et se comportent comme s’ils sont contraints de payer un im-
pôt ultérieurement pour rembourser cet emprunt quel que soit le décalage
intergénérationnel. En d’autres termes, le comportement des agents écono-
miques est guidé par une anticipation à la hausse des impôts. Ils anticipent
alors une hausse des impôts destinés à rembourser l’emprunt en constituant
une épargne d’un montant équivalent à l’endettement public. Pour SMITH
(1759), la dette est pernicieuse et ne doit pas être encouragée. Elle incite le
souverain à des dépenses inutiles et favorise l’irresponsabilité.
J.B. SAY (1799) quant à lui pense qu’il faut limiter l’emprunt public parce
qu’en plus d’alimenter la consommation publique destructrice de richesse et
de valeur, il fait intervenir le paiement des intérêts. BARRO (1989) montre
qu’une politique de déficit budgétaire financée par l’emprunt reste sans effet
sur l’activité économique dans la mesure où les agents ne sont pas victimes de
l’illusion fiscale. Aussi, HAYEK (1989) dénonce l’endettement comme étant
une croissance artificielle, fondée sur un investissement supérieur à l’effort
d’épargne de la nation.
Des études empiriques dont celles de KRUGMAN (1988), SACHS (1989),
FROOT (1989) et de CALVO (1989) ont montré que l’accumulation de la

8
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

dette et de son service constituent une taxe sur la production future et décou-
ragent l’investissement par l’effet d’éviction. Ainsi, pour les classiques l’Etat
doit tout simplement assurer sa mission régalienne à partir des ressources
générées par l’activité économique. Toute intervention de l’État dans l’éco-
nomie est source de sous-optimalité et de nuisance. Aucun déficit budgétaire
n’est justifiable et par conséquent, l’emprunt public n’est pas envisageable.
Cependant, d’autres écoles contestent cette pensée et pensent à l’efficacité
du financement par l’emprunt, d’un déficit budgétaire justifié et maîtrisé.

Nécessité de la dette publique (Keynésien et HARROD-DOMAR)

Contrairement aux classiques, les keynésiens pensent que l’endettement


public en général n’entraîne pas de coûts ni pour les générations présentes,
ni pour les générations futures du fait des nouveaux investissements qu’il
génère. Ils pensent que le principe de l’équilibre budgétaire ne doit pas tou-
jours être respecté. Un déficit budgétaire justifié et maîtrisé peut être un
facteur de relance économique, de lutte contre le chômage : stimulation de
la demande et/ou de la consommation globale (infrastructures), qui par le
biais de l’effet multiplicateur, sont capables de promouvoir une croissance
durable. Dans cette approche, l’endettement public favorise la relance de la
demande qui par son effet accélérateur, entraîne une augmentation plus que
proportionnelle de l’investissement qui provoque à son tour une hausse de
la production, permettant ainsi de créer les emplois et de lutter contre la
pauvreté.
Selon HARROD et DOMAR, il peut toujours y avoir croissance. Un Etat,
pour atteindre le taux de croissance garanti, peut être amené à créer un dé-
ficit budgétaire et de le financer par un emprunt extérieur. En effet, l’hypo-
thèse de base du modèle de croissance de HARROD et de DOMAR est qu’il
n’y a pas de croissance si un pays n’investit pas et le taux de croissance de
la production est une fonction croissante du capital.

Efficacité de la dette extérieure

Contrairement aux idées développées supra, certains économistes s’inter-


rogent plutôt sur la capacité du financement extérieur à développer un pays
(puisque si un pays s’endette, c’est nécessairement pour concrétiser ses pro-
jets de développement). Autrement dit, ils se demandent si le financement
extérieur entraîne un effet de levier ou de massue pour un pays. Aujourd‘hui,

9
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

cette question est loin de faire l’unanimité chez les économistes. En effet, le
débat historique qui a opposé les partisans d’un financement extérieur enri-
chissant et d’un financement extérieur appauvrissant a pris, dans les années
80, une dimension nouvelle.
Pour les uns, notamment les radicaux, le financement extérieur ne peut
être qu’appauvrissant pour l’économie réceptrice puisqu’il n’est rien d’autre
qu’une manifestation nouvelle de l’impérialisme au stade suprême du capi-
talisme en développement dans un état de perpétuel asservissement. Pour
les libéraux, le financement extérieur est la manifestation de l’esprit de soli-
darité des pays dits développés qui mettent généreusement à la disposition
des pays en développement des capitaux pouvant leur permettre de combler
à la fois leur déficit d’épargne et de développement, et de les hisser ainsi sur
la voie royale de la croissance économique et du développement.
Entre les deux idées diamétralement opposées, un courant intermédiaire
établit une relation empirique entre le financement extérieur, l’épargne na-
tionale et la croissance économique. Les relations économétriques testées
montrent que dans bon nombre de PVD, le financement extérieur peut être
considéré comme nuisible à la croissance et au développement dès lors qu’il
exerce une influence négative sur le taux d’épargne et développe au niveau
des populations du Sud une propension élevée à la mendicité et à l’assistance
internationale.
Toujours est-il que les PVD ont besoin des financements pour assurer
leurs investissements. Depuis les indépendances, il est noté que l’épargne
nationale est faible dans ces pays, ce qui les contraint à recourir aux emprunts
extérieurs. Ainsi, le problème de l’endettement surtout pour les PVD peut
plutôt se poser en termes de capacité d’endettement.

1.2.2 Aspect empirique de l’étude


Depuis la crise de l’endettement des années 80, de nouvelles pistes d’ana-
lyse de l’emprunt public ont été ouvertes dans la sphère économique mon-
diale. Le problème au centre du débat ne se situe plus sur la nécessité de
l’emprunt public ou pas, mais plutôt sur la capacité d’endettement d’un pays.
En effet, pour RAFFINOT (2004), le problème de la crise d’endettement
du Tiers monde semble très illogique. Il se demande comment un Etat peut
avoir des difficultés à rembourser une dette contractée à des taux si faibles
(0,75 % dans le cas des prêts de l’Agence Internationale de Développement
(AID) de la Banque Mondiale) et à des conditions si favorables (durée de

10
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

40 ans, dont 10 ans de différé pour ces mêmes prêts) ? La situation est en-
core plus curieuse si l’on tient compte du fait que la part des dons dans le
financement total est également très élevée. Cette question remet en cause la
capacité d’endettement des PVD. Ainsi, nous pouvons nous interroger sur le
niveau optimal de la dette souveraine, c’est-à-dire, sur le montant maximal
de la dette qu’un pays peut emprunter sans avoir à compromettre sa crois-
sance et la création additionnelle de la richesse. C’est dans ce contexte que
nous examinerons dans les paragraphes suivants les théories de l’endettement
optimal et de la capacité d’endettement supportable.

Endettement optimal : modèle endettement-croissance

Dans la seconde moitié des années 90, les conséquences néfastes d’un
endettement exagéré sur la croissance des pays pauvres ont suscité une at-
tention croissante et particulière. Le fardeau virtuel de la dette ou "DEBT
OVERHANG" est défini comme étant une situation dans laquelle se trouve
un pays débiteur, telle que l’encours de sa dette est élevé au point que toute
stratégie d’investissement est dépourvue d’efficacité. Cette inefficacité des
stratégies d’investissement demeure, à moins qu’il n’y ait une réduction du
stock de la dette ou de son service (CLAESSEUS et DIWAN, 1989). La plu-
part des pays du tiers du monde a bénéficié pendant les décennies passées,
d’importantes entrées de capitaux étrangers à titre de prêts souvent contrac-
tés à des conditions concessionnelles (c.-à-d. des prêts dont la structure com-
porte un don supérieur à 25 %). Le constat montre que le remboursement du
stock de la valeur actuelle restante est "non seulement virtuellement impos-
sible mais également contre productif et contraignant pour les pays pauvres "
selon PATILLO et al. (2002). S’assurer des effets positifs d’un endettement
extérieur c’est savoir à partir de quel niveau la dette extérieure a un effet
nuisible sur les performances économiques du pays débiteur, c’est-à-dire le
niveau au-delà duquel toute accumulation supplémentaire n’est pas souhai-
table. Cette approche d’analyse de l’endettement nous conduit à parcourir
les études relatives à l’endettement et la croissance. La plupart des études
sur l’endettement public et la croissance émettent l’hypothèse selon laquelle
l’investissement est le canal indirect de transmission des effets de l’emprunt
extérieur sur la croissance.
Ces études révèlent que l’emprunt public ne fait pas systématiquement
obstacle à l’investissement et à la croissance. En effet, certains analystes
pensent que l’emprunt extérieur a un effet positif sur la croissance jusqu’à

11
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

un certain seuil au-delà duquel son effet devient négatif. En dŠautres termes
jusquŠà un certain seuil, les emprunts supplémentaires accroissent la proba-
bilité de remboursement. Car pour un pays peu endetté, un accroissement
d’emprunt extérieur peut stimuler la croissance dans la mesure où le capi-
tal supplémentaire financé à l’aide de ces nouvelles ressources rehausse la
capacité de production. Si la production augmente, il est plus facile pour
un pays de rembourser sa dette avec les intérêts. Au delà de ce seuil, les
investisseurs sont découragés, car leurs incertitudes augmentent au regard
des moyens par lesquels l’État doit s’acquitter de ses lourdes obligations du
service de la dette. En effet, lorsque la dette souveraine augmente, les inves-
tisseurs peuvent craindre que l’État finance ses obligations du service de la
dette par des mesures génératrices de distorsions, par exemple en augmen-
tant rapidement la masse monétaire (conséquence directe : l’inflation) ou en
augmentant le taux d’imposition (conséquence directe : fuite des investis-
seurs). Et même s’ils investissent, il y a de fortes chances qu’ils retiennent
des projets offrant des rendements rapides et élevés, et non des projets de
longue période qui pourraient rehausser durablement la croissance. Aussi,
au-delà de ce seuil, le gouvernement sous la pression des créanciers peut être
contraint de ne pas engager certaines reformes structurelles et budgétaires
qui pourraient affermir la croissance économique du pays et ses finances pu-
bliques. Une étude de PATILLO et al. (2002) portant sur 93 pays en voie
de développement, dont le BENIN, durant la période 1969-1998 confirme
solidement l’hypothèse d’une relation entre l’encours de la dette extérieure
et la croissance. Ces auteurs constatent que l’incidence de la dette extérieure
sur la croissance du PIB par habitant commence à être négative à partir du
moment où la VAN de la dette dépasse 160-170% des exportations et 35-40%
du PIB. Les résultats de leurs simulations ont abouti au constat suivant :
le doublement de la dette ralentit la croissance annuelle par habitant d’en-
viron 0,5 à 1%. Une étude complémentaire de PATILLO (2004) réalisée sur
61 PVD montre que le doublement du niveau moyen de leur dette réduit
de près de 1% la croissance tant du capital physique par habitant que de la
productivité totale des facteurs.
Par ailleurs, d’autres études dont celle de CLEMENTS et al. (2005)
montrent qu’à partir de 50 % du PIB pour la valeur nominale de la dette
extérieure ou à 20-25% du PIB pour sa valeur actuelle nette, la dette pèse sur
la croissance des pays à faible revenu. Ces résultats montrent que la réduc-
tion substantielle de la dette extérieure escomptée pour les pays bénéficiant

12
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

de l’initiative en faveur des PPTE aura pour effet d’ajouter directement


0,8 à 1,1 points à leurs taux de croissance du PIB par habitant. Aussi, en
moyenne, chaque fois que le service de la dette augmente dŠun point du PIB,
l’investissement public diminue d’environ 0,2%.
Enfin, les travaux d’EICHENGREEN et PORTES (1986) sur l’identifi-
cation des déterminants du stock de la dette montrent qu’un endettement
excessif et le défaut de paiement tendent à réduire le taux de croissance réelle
et la crédibilité de l’Etat.
Ainsi, le problème de gestion de la dette extérieure se pose aussi en termes
de capacité de remboursement, c’est-à-dire la capacité d’un pays à produire
et à gagner des devises pour le remboursement de sa dette extérieure.

Capacité d’endettement supportable : capacité de transfert élargi

Nous analysons, maintenant, l’endettement supportable d’un pays par sa


capacité de remboursement, c’est-à-dire sa capacité à transférer une partie
de sa production à l’étranger pour assurer le service de la dette extérieure.
En définissant la capacité de paiement d’un pays comme le maximum trans-
férable à l’étranger, KEYNES a réduit cette capacité de transfert au surplus
exportable. Il pense qu’un pays ne doit pas transférer tout son surplus de
production à l’extérieur au risque de briser le ressort de l’activité. Il semble
d’après TOUNA (1985) qu’entre la notion de surplus exportable et de sur-
plus total de production, il existe une notion intermédiaire de surplus plus
englobant qu’il assimile à la capacité de transfert élargi.

L’approche type "contrainte de solvabilité intertemporelle" de la soutenabilité


de la politique budgétaire

Aussi bien l’analyse de la soutenabilité de la politique budgétaire que


celle de la cohérence des différents objectifs macroéconomiques commence
par la spécification de la contrainte d’endettement du secteur public qui lie
l’évolution des passifs de ce secteur au surplus primaire.
Considérons la contrainte d’endettement du secteur public consolidé (gou-
vernement et banque centrale) et définissons le surplus primaire du secteur
public à la période t comme la différence entre les revenus totaux du secteur
public Tt et ses dépenses totales Gt nettes des intérêts :

SU RPt = Tt − Gt (1.1)

13
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

Les valeurs négatives de SU RPt représentent le déficit primaire. L’hypo-


thèse est faite que la dette publique extérieure Bt , supporte un taux d’intérêt
nominal it . La contrainte d’endettement du secteur public devient alors
Bt = (1 + it )Bt−1 − SU RPt (1.2)
Pour plus de commodité, la dette est réécrite en termes réels, en la divisant
par le niveau des prix Pt .
En posant PPt−1
t
= 1 + πt avec πt le taux d’inflation domestique entre t et
t-1, nous obtenons :
B Bt−1 SU RPt (1 + it )Bt−1 SU RPt
= (1 + it ) − = − (1.3)
Pt Pt Pt (1 + πt )Pt−1 Pt
L’équation précédente peut se réécrire de manière plus compacte. Les
caractères minuscules représentent les variables exprimées en termes réels :

bt = (1 + rt )bt−1 − surpt (1.4)


1+it
où rt est le taux d’intérêt réel domestique sur la dette avec rt = ( 1+π t
− 1).
La contrainte d’endettement du gouvernement de ce qui précède décrit la
dynamique d’accumulation de la dette .
La contrainte budgétaire de l’Etat a une dimension intertemporelle. Pour
déterminer celle-ci et la condition de solvabilité intertemporelle qu’elle im-
plique considérons la contrainte d’endettement en termes réels du gouverne-
ment. L’équation (1.3) peut être réécrite de la façon suivante :

bt surpt
bt−1 = + (1.5)
1 + rt 1 + rt
En résolvant cette équation dans le futur pour N périodes et en faisant
l’hypothèse simplificatrice que le taux d’intérêt réel est constant, on obtient :

N
X surpt+j bt+N
bt−1 = j+1
+ (1.6)
j=0
(1 + rt ) (1 + rt )t+N
L’hypothèse de taux d’intérêt réel constant est faite ici par souci de sim-
plicité. A ce stade, la condition de ń Non Jeu de PONZI ż (NJP) impose
que :
bt+N
limN →+∞ =0 (1.7)
(1 + rt )t+N
14
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

Cette condition impose que la valeur présente de la dette gouvernementale


dans un futur indéfini converge vers zéro.
Pour que ceci arrive, la dette réelle b au numérateur doit croître moins
vite que le taux d’intérêt réel r (qui est le taux de croissance du facteur d’ac-
tualisation). La condition de non jeu de PONZI (NJP) est souvent justifiée
par le fait que probablement les prêteurs ne permettront pas au gouverne-
ment de rembourser ses dettes par de nouveaux emprunts. S’ils le faisaient,
l’équation (1.3) montre que la dette à ce moment là, croîtrait à un taux égal
au taux d’intérêt réel. Par conséquent la dette actualisée en (1.7) ne conver-
gerait pas vers zéro. En faisant l’hypothèse que la condition NJP (équation
1.7) est satisfaite, à partir de l’équation (1.6) on déduit que la valeur de la
dette gouvernementale à chaque point du temps doit être égale à la valeur
présente de ses surplus primaires anticipés :

+∞
X surpt+j
bt−1 = (1.8)
j=0
(1 + rt )j+1

Cette condition, aussi appelée condition de transversalité, définit la contrainte


de solvabilité du gouvernement. Notons que le taux d’intérêt réel doit être
positif pour que la valeur présente des surplus futurs soit finie.

Une généralisation de la contrainte de solvabilité intertemporelle pour un


environnement stochastique : Bohn (1995)

Bohn (1995) a réexaminé les fondements théoriques de la soutenabilité de


la politique budgétaire en plaçant celle-ci dans un cadre d’équilibre général
stochastique. Son analyse a été motivée par une observation empirique. Les
taux d’intérêts sur les bons du trésor américain on été historiquement en
dessous du taux de croissance moyen de l’économie américaine. Dans un
cadre déterministe, de tels niveaux de taux d’intérêts auraient indiqué une
inefficience dynamique 7 .
7. L’inefficience dynamique caractérise l’état d’une économie à l’état stationnaire dans laquelle il y a
trop de capital (DIAMOND, 1965). L’économie investit plus qu’elle ne gagne. Pour mesurer l’efficience
dynamique on peut comparer la productivité marginale du capital ou les taux de rendements des actifs
peu risqués au taux de croissance de l’économie. Quand ceux-ci sont inférieurs au taux de croissance de
l’économie, l’économie est dynamiquement inefficiente. ABEL (1998) montre que dans un environnement
stochastique la mesure la plus appropriée est la comparaison du taux d’intérêt du capital risque au taux
de croissance de l’économie. Car le risque le plus important supporté par les agents n’est pas la baisse
de leurs dividendes, mais la chute de la valeur de leur actifs (baisse des prix des actifs si l’anticipation
des rendements futurs baisse).

15
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

Cependant dans un cadre stochastique l’efficience dynamique dépend des


relations entre le taux de croissance de l’économie et le taux d’intérêt du
capital risque. Par ailleurs Abel et al (1989) ont démontré par une analyse
empirique que l’économie américaine était dynamiquement efficiente. L’asso-
ciation de taux d’intérêts faibles et d’une économie dynamiquement efficiente
pose un certain nombre de questions. Le gouvernement peut-il financer son
déficit par jeu de PONZI ? D’autre part, l’efficience dynamique suggère que
celui-ci ne peut pas jouer à un jeu de Ponzi. BOHN prétend que le cadre
théorique de l’étude de la soutenabilité est trop simple et inapproprié. Les
contraintes de solvabilité et les conditions de non jeu de PONZI doivent
dériver d’un cadre stochastique.
Aussi il utilise un modèle d’évaluation des actifs contingents (contigent
claim) à la LUCAS (1978) avec un nombre discret d’états de la nature pour
chaque période future. Ainsi le gouvernement doit satisfaire un ensemble de
conditions de non jeu de PONZI (ou de manière équivalente un ensemble de
conditions de transversalité). Ces conditions empêchent le financement par
jeu de PONZI pour chaque état de la nature possible.
Les politiques budgétaires qui satisfont ces contraintes seront qualifiées
de soutenables. En faisant l’hypothèse que tous les individus sont identiques
et en se servant des conditions de premier ordre des modèles de (contigent
claim), Bohn formalise la contrainte budgétaire intertemporelle du prêteur
représentatif comme suit :

+∞
X
(1 + rt )Bt−1 = Et (st+j SU RPt+i ) + limN →+∞ Et (st+N (1 + rt+N )Bt+N −1(1.9)
)
j=0

u0 c j
Avec st+j = u0t+j
ct β le taux marginal de substitution intertemporel du prê-
teur entre la période t et la période t + j ;β le taux d’actualisation subjectif
de la fonction d’utilité de l’agent représentatif ; (1 + rt )Bt−1 la richesse du
prêteur (celle-ci inclut les paiements d’intérêt entre t et t − 1). La condition
de transversalité requiert que la valeur présente des passifs futurs du gouver-
nement qui correspond au second terme de l’équation (1.9) tende vers zéro
lorsque N tend vers l’infini.

limN →+∞ Et (st+N (1 + rt+N )Bt+N −1 ) = 0 (1.10)

16
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

La contrainte de solvabilité qui en résulte s’écrit alors :


+∞
X
(1 + rt )Bt−1 = Et (st+j SU RPt+i ) (1.11)
j=0

Les équations (1.10) et (1.11) sont différentes des équations (1.6) et (1.7)
en ce sens qu’elles utilisent le taux marginal de substitution intertemporel
au lieu du taux d’intérêt réel sur la dette gouvernementale. Contrairement
à la pratique généralisée dans la littérature, les facteurs d’actualisation de
la dette gouvernementale, des dépenses gouvernementales et des taxes dé-
pendent de la probabilité de distribution de ces variables dans différents états
de la nature. Aussi les conditions de non jeu de PONZI ou les conditions de
transversalité ne peuvent être actualisées avec des taux d’intérêts fixes que
dans des cas bien précis. Ces contraintes sont importantes lorsqu’elles sont
actualisées correctement. Une mauvaise spécification des taux d’actualisation
peut aboutir à des résultats erronés en ce qui concerne la soutenabilité de
la politique budgétaire. Cette généralisation de la contrainte d’endettement
pose ainsi le problème de l’actualisation de la dette par des taux d’intérêts
supposés constants.

Une brève revue de littérature sur les études utilisant la dette et le solde
primaire pour tester la soutenabilité de la dette publique dans les pays indus-
trialisés

A la lumière des travaux de FELWIN (2005) et de YOUMBI (2006),


les modèles d’analyse de la soutenabilité de la dette publique d’un pays sont
apparus avec les travaux de HAMILTON et FLAVIN (1986). En effet, ils sont
les premiers à tester empiriquement le respect de la contrainte budgétaire
intertemporelle de l’Etat. De nombreux autres chercheurs se sont ensuite
intéressés à ce domaine. C’est ainsi que les travaux de WILCOX (1989),
TREHAN et WALSH (1988), TREHAN et WALSH (1991) et HAKKIO et
RUSH (1991) ont proposé les modèles d’analyse de la soutenabilité de la
dette publique d’un pays. Ces modèles sont résumés dans le tableau 1

17
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

Tableau 1 : Récapitulatif des techniques économétriques d’analyse de la soutenabilité de la dette publique

Auteurs Année Méthode Séries Période Résutats Taux


d’actuali-
sation
HAMILTON 1986 Test de sta- Dettes et solde pri- 1960-1984 Stationnarité Taux réel
et FLAVIN tionnarité maire des USA
(ADF)
WILCOX 1989 Test de sta- Dettes et solde pri- 1960-1984 rejet de la Taux
tionnarité maire des USA stationna- constant
(ADF) rité
WALSH et 1988 Test de Dettes et solde pri- 1964-1984 rejet de la Taux
TREHAN cointégra- maire des USA stationna- constant
tion rité
WALSH et 1991 Test de Dettes et solde pri- 1964-1984 Stationnarité Taux du
TREHAN cointégra- maire des USA marché
tion
HAKKIO 1991 Test de Recettes et 1964-1984 rejet de la
et RUSH cointégra- dépenses gou- stationna-
tion vernementales rité
(charges d’intérêts
inclues)
Sources : Auteur

Les modèles proposés se basent soit sur des tests de stationnarité, soit
sur des tests de cointégration. Les tests de cointégration sont une générali-
sation des tests de stationnarité des séries de dettes et de surplus primaire.
Ils supposent que la soutenabilité nécessite que recettes et dépenses soient
cointégrées, c’est-à-dire qu’il existe une combinaison linéaire de ces deux va-
riables qui soit stationnaire. QUINTOS (1995) parle de soutenabilité forte
lorsque le coefficient de cointégration entre les deux variables est unitaire.
Dans ce cas, les recettes et les dépenses s’ajustent complètement, la différence
entre recettes et dépenses est stationnaire et la condition de transversalité
est respectée. Par contre lorsque le coefficient de cointégration est compris
entre 0 et 1, QUINTOS (1995) parle de soutenabilité faible. L’évolution des
dépenses s’accompagne d’une évolution des recettes de même signe, mais de
moindre amplitude. Dans ce cas, la série des déficits n’est plus nécessairement
stationnaire.
Ces notions de soutenabilité forte et faible soulèvent quelques questions.
Elles n’empêchent pas le ratio dette sur PIB d’atteindre des niveaux très
élevés. Maintenir un déficit stationnaire avec une dette constamment crois-
sante suppose que l’on doit dégager des excédents primaires eux aussi en

18
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

croissance continue, pour compenser la croissance de la charge de la dette,


ce qui semble peu réaliste. WICKENS et UCTUM (1993) et HENIN (1996)
notent à propos des tests de cointégration que leur principal intérêt réside
dans le fait d’apporter une estimation du coefficient de couverture des dé-
penses par les recettes. L’intuition que les tests de cointégration constituent
une généralisation plus flexible du test de stationnarité du solde global n’est
cependant pas vérifiée, elle n’est qu’un cas particulier de la cointégration
des recettes et des dépenses avec un coefficient unitaire. L’exigence requise
pour la stationnarité porte sur une couverture suffisante de la charge de la
dette par le solde primaire et non pas directement sur la couverture des dé-
penses par les recettes. Si le surplus primaire ne répond pas positivement à
un choc de la dette publique, la dette publique croîtra à un taux d’intérêt
supérieur au taux d’actualisation. La principale critique adressée aux tests
précités réside dans la faiblesse du cadre théorique sous-jacent. Hormis les
questions liées aux taux d’actualisation pertinents de la dette, ils se fondent
(en testant le respect de la contrainte budgétaire intertemporelle) sur une
notion de solvabilité actuarielle qui ne prend pas en compte les implications
en termes de politique économique d’un ratio dette sur PIB élevé.
Par ailleurs la plupart de ces études empiriques teste la linéarité qui existe
entre ces variables macroéconomiques. Aussi, la plupart des études empi-
riques qui testent la non-linéarité, le font à partir d’un modèle linéaire in-
corporant une variable indicatrice de régime déterminée de façon exogène. Il
semble plus approprié pour nous, d’un point de vue économétrique, d’estimer
plutôt un modèle capable d’identifier de façon endogène les changements de
régimes. L’approche méthodologique choisie dans cette étude s’inscrit dans
la lignée des modèles à effets de seuils endogènes.

1.3 Approche méthodologique


TONG et LIM (1980) ont été les pionniers des modèles autorégressifs à
seuils endogènes qu’ils ont introduit dans l’analyse économique à partir de
1980 ; leur approche a été bien documentée par la suite par de nombreux
auteurs (TSAY, 1989 ; CHAN, 1993 ; HANSEN, 1997, 2000 ; VAN DIJK,
TERÄSVIRTA et FRANSES, 2002). Ces modèles permettent d’analyser les
asymétries dans la relation liant des variables économiques. L’idée consiste à
postuler l’existence de plusieurs dynamiques autorégressives pour une même
série et à spécifier un mécanisme de transition d’un régime à l’autre. Le mé-

19
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

canisme de transition est endogène et la fonction de transition dépend dŠun


seuil. Néanmoins, chacun des régimes est caractérisé par une dynamique li-
néaire autorégressive.

1.3.1 Collecte des données


A cette étape les méthodes utilisées sont : des séances d’entretien avec des
personnes ressources, la recherche documentaire, la recherche sur internet.
La recherche documentaire a consisté à consulter les publications, mémoires
et ouvrages ayant abordé la question de la dette souveraine et les méthodes
de son analyse à moyen et long terme. L’outil internet a été d’un grand
support en ce sens qu’il nous a permis d’affiner et de toiletter la recherche
documentaire.
Les séances d’entretien avec les personnes ressources, spécialistes des ques-
tions de la dette et de la politique budgétaire nous ont permis d’avoir d’autres
compréhensions sur plusieurs aspects de l’étude.
Par ailleurs, les données utilisées dans le cadre de cette étude sont issues de
la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA), de la BCEAO et du Ministère
de l’Economie et des Finances (MEF). A cela s’ajoutent d’autres sources à
savoir les données provenant du FMI et de la Banque Mondiale.

1.3.2 Traitement des données


Dans la logique de ce qui précède, nous faisons l’hypothèse que l’impact de
l’investissement privé sur l’accumulation de la dette diffère selon un niveau
d’investissement à déterminer. Il existe deux catégories de modèles permet-
tant de modéliser un effet de seuil. Il y a les modèles dont le seuil est fixé
de façon exogène (TSAY, 1989). L’impact différencié des politiques budgé-
taires a été alors diversement mis en évidence. ALESINA et al (2002) ont,
par exemple, évalué l’impact des chocs budgétaires sur l’investissement privé.
Ils montrent que la composition de l’ajustement budgétaire, dépenses versus
recettes, est déterminante pour l’évolution de l’investissement privé avec un
effet de seuil non significatif. GIAVAZZI et al (2000) ont cherché à établir la
corrélation entre le solde budgétaire et l’épargne nationale. Leurs résultats
font apparaître des relations non-linéaires généralement significatives. Ces
modèles à effet de seuil exogène ont la souplesse de la modélisation, mais
leurs caractéristiques ad hoc en atténuent la portée analytique. Dans ce tra-
vail, notre préférence va pour la mise en évidence de seuil(s) déterminé(s) de

20
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

façon endogène selon la méthode de HANSEN (1997, 1999).

1.3.3 Spécification du modèle


Pour la vérification de nos hypothèses, l’approche méthodologique, uti-
lisée, sera basée sur le modèle autorégressif à effets de seuils endogènes de
HANSEN (1997, 1999).

La modélisation suivant la méthode d’HANSEN

Il s’agit d’une méthode de balayage suivant laquelle une équation de réfé-


rence est estimée pour différentes valeurs de la variable de seuil. En l’occur-
rence, on modélise l’encours de la dette publique, que l’on considère comme
conditionnel au niveau de l’impact de l’investissement privé, à partir de la
relation du modèle déterministe de LAWIN (2009). Dans le cas du Bénin, les
résultats de LAWIN(2009) font apparaître que les déterminants significatifs
de la dette extérieure du BENIN sont : le service de la dette par rapport aux
exportations, le taux de change US $ par rapport au FCFA, les termes de
l’échange, le degré d’ouverture commerciale, le taux de croissance du PIB et
le surendettement. Nous utiliseront donc ces mêmes variables significatives
tout en y ajoutant l’investissement privé comme étant notre variable à seuil.
Notre modèle endogène se présente donc comme suit :

DT pibt = α0 DT pibt−1 + α1 Sdexpt−1 + α2 T xchget−1 + α3 V T Et−1 + α4 Surdtt−1 + α5 T x

Les variables

DT pib est la variable dépendante et désigne le ratio de l’encours de la


dette en fin de période en pourcentage du PIB. Pour cette équation, les
variables explicatives suivantes ont été retenues,
Sdexp : le service de la dette par rapport aux exportations. On considère
que, si le ratio augmente cela a un effet positif sur la variable dépendante.
Donc le signe attendu est positif
T xchge : Le taux de change US $ par rapport au FCFA, pris en fin
d’année. La variation de ce taux à un effet positif sur le niveau de la dette.
Le signe attendu est positif.
V T E : les termes de l’échange donnent l’évolution de la valeur relative
des exportations par rapport aux importations. La dégradation de cette va-

21
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

riable agit positivement sur la variable dépendante. Ils saisissent l’incidence


de l’environnement international qui affecte fortement le prix relatif des pro-
duits de base. Les termes de l’échange sont associés à des effets d’offre et
de demande et leur évolution est supposée être dans une relation positive à
l’output DTpib. Le signe attendu est positif.
Surdt : désigne le surendettement ou l’accumulation de la dette. Le sur-
endettement apparaît lorsque la dette dépasse un certain niveau au delà
duquel on peut estimer que le débiteur aurait intérêt à ne pas rembourser.
La notion théorique est claire, mais il reste assez difficile à la traduire par
un indicateur quantitatif. Le signe attendu est positif. Dans le cadre de ce
travail, nous avons utilisé un indicateur dérivé de l’analyse traditionnelle de
la dynamique de l’endettement, le même utilisé par BARAK et RAFFINOT
(2001). Soit b le ratio dette extérieure/exportations. La relation classique
entre l’accroissement du taux d’endettement db et le taux d’endettement b,
le taux d’intérêt r auquel la dette est contractée, le taux de croissance en
valeur de l’économie (g) et le déficit primaire de la balance courante rapporté
au P IB(DEF ) s’écrit : db = b(r − g) + DEF . La valeur db ainsi calculée
peut être utilisée comme un indicateur de surendettement. En effet, si db
est positif, le ratio d’endettement b a tendance à croître indéfiniment. Dans
le cas inverse, le ratio b se réduit, indiquant une situation de solvabilité (la
dette s’annule à terme). En détaillant cette formule nous obtenons :
Surdt = RIDT Exp + (M − X)/P IB − RDT Exp ∗ T xpib
Surdt = surendettement
RIDT Exp = ratio intérêt de la dette sur exportation
M = importation
X = exportation
P IB = le produit intérieur brut
RDT Exp = ratio dette sur exportation
T xpib = taux de croissance réel du produit intérieur brut
T xpib : le taux de croissance réel détermine l’évolution quantitative du
développement économique en terme réel. Le signe attendu est négatif.
IN V P v : taux d’investissement privé en pourcentage du PIB. Ce der-
nier constitue des investissements des entreprises en relation avec des dettes
contractées dans le passé. En effet, lorsque l’endettement dépasse les capaci-
tés de remboursement, les services de la dette découragent les investisseurs
privés et pénalisent la croissance (KRUGMAN, 1988). Le signe attendu est
négatif.

22
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

InvpvDT : le ratio de l’investissement privé sur encours de la dette


extérieure en pourcentage, qui est ici notre variable à seuil. On distingue
ainsi un régime "critique", lorsque le niveau de l’investissement privé mesuré
par le rapport de l’investissement privé sur l’encours de la dette extérieure
(InvpvDT) est inférieur ou égal au seuil γ, et un régime "normal" lorsque
celui-ci est supérieur. En l’occurrence, I(InvpvDTt−1 ≤ γ) est égal à 1
lorsque InvpvDTt−1 ≤ γ) et 0 sinon. On retient ici que les agents inter-
prètent l’impact de la dette en fonction de l’investissement antérieur dont le
niveau suscite potentiellement un changement de régime instantané.
OU V C : le degré d’ouverture commerciale représenté par le ratio de la
somme des exportations et importations sur le produit intérieur brut en
volume. Plus, ce ratio est élevé, plus le pays acquiert des devises qui lui
permettent de faciliter le remboursement des charges de la dette. En effet,
le signe attendu est négatif.
α0 , α1 , α2 , α3 , α4 , α7 et α8 sont les coefficients des différentes variables.
α5 et α6 sont les effets marginaux qui peuvent être différents suivant le régime
de la politique d’endettement. La présence de décalage entre l’investissement
et la dette extérieure suggère que les agents forment des anticipations en
utilisant toute l’information disponible à l’instant t − 1.
Le seuil endogène ainsi déterminé n’a pas de dimension normative. Sa
valeur ne préjuge pas d’un niveau de dette optimal ou soutenable dont le
calcul nécessiterait de mettre le solde budgétaire primaire en relation avec la
croissance du produit et le coût réel de la dette. L’impact de l’investissement
privé sur l’output DTpib peut être négatif en régime "normal", c’est-à-dire
lorsque le ratio InvpvDT est inférieure ou égale à un seuil endogène (effet
keynésien, α6 < 0. En régime "critique", c’est-à-dire lorsque ce ratio est
supérieur à ce seuil, l’impact peut être nul (effet non-keynésien, α7 = 0 ) ou
positif (effet anti-keynésien, α7 > 0). εt est un bruit blanc iid de moyenne
nulle et de variance constante.

Détermination du seuil, tests sur la linéarité du processus et l’intervalle de


confiance du seuil

Dans une première étape, on cherche à déterminer un niveau de seuil


optimal. On utilise pour cela la procédure de "trimming" impliquant de
balayer toutes les valeurs de la série considérée pour l’effet de seuil. Cette
procédure conduit à une partition des observations laissant suffisamment de
points dans chaque régime pour estimer les paramètres du modèle. Ainsi,

23
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

le niveau de seuil optimal γ̂, à la fois constant dans le temps est celui qui
correspond à la valeur de γ qui minimise la somme des carrés des résidus
(S1 ) : γ̂ = arg minγ S1 (γ), avec S1 (γ) = ε̂(γ)0 ε̂(γ)
Dans une seconde étape, à la suite de l’identification du niveau du seuil
optimal, l’hypothèse de linéarité du processus est testée (H0 : α5 = α6 versus
H1 : α5 6= α6 ). Dans l’hypothèse nulle de la linéarité, la non identification
du seuil interdit le recours aux inférences usuelles. Pour remédier à ce pro-
blème, HANSEN (1999) propose une statistique de Fisher (F1) qui permet
de comparer les modèles avec et sans rupture.
Soit S0 et S1, respectivement la somme des carrés des écarts dans l’hy-
pothèse H0 de linéarité et H1 de non linéarité et s r la variance estimée des
résidus. Dans l’hypothèse H0, nous avons :
S0 − S1 (γ̂)
F1 =
σ̂ 2 (γ̂)
La distribution de la statistique F1 est obtenue à partir d’un bootstrap
classique non paramétrique qui permet de dériver une distribution de la
statistique.
La troisième étape de l’estimation consiste à construire, selon HANSEN(1999),
un intervalle de confiance sur la base du ratio de maximum de vraisemblance
calculé pour tout γ afin d’établir un intervalle de "non-rejet" de la significa-
tivité du seuil :
S1 (γ) − S1 (γ̂)
LR1 (γ) =
σ̂ 2
Pour la valeur du seuil endogène identifié, c’est-à-dire γ = γ̂, le ratio de
maximum de vraisemblance (LR1 ) est nul et tend vers une variable aléatoire
ξ dont la fonction de distribution est P (ξ ≤ x) = (1 − exp(−x/2))2 . L’inver-
√ de cette distribution permet de dériver l’expression c(α) = −2log(1 −
sion
1 − α) nécessaire à la détermination de l’intervalle de confiance.
Ce dernier correspond, pour un seuil de risque de α%, à lŠensemble
convexe défini par : Q̂ = {γ : LR(γ) ≤ c(α)}.
Cet intervalle peut être déterminé graphiquement. On représente la sta-
tistique LR en fonction de γ, puis on trace la droite horizontale d’équation
LR = c(α) , pour a fixé. Une fois ces différentes étapes franchies, il est
possible d’estimer le modèle par les méthodes usuelles et d’utiliser la théo-
rie asymptotique standard (Hansen, 1997 ; Chan, 1993). Pour donner plus
de flexibilité au modèle et neutraliser les conséquences des biais d’omission

24
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

de variables et de spécification de forme fonctionnelle, HANSEN (1999) re-


commande de tester l’impact non linéaire de ces variables de contrôle en les
élevant au carré et au cube. Nous avons adopté la même démarche à titre de
test de robustesse.

1.3.4 Méthodes d’analyse des données


Les outils statistiques et économétriques ont été utilisés pour la vérifica-
tion des hypothèses formulées.

Tests de stationnarité

Lorsqu’on utilise des données temporelles, il est primordial qu’elles conservent


une distribution constante dans le temps. Ce concept de stationnarité doit
être vérifié afin d’éviter des régressions factices pour lesquelles les résultats
pourraient être "significatifs", alors qu’ils ne le sont pas. Si une série est non
stationnaire, la différencier peut la convertir en série stationnaire.
Afin de vérifier la stationnarité des variables, le test de Dickey-Fuller
amélioré(ADF) est utilisé ainsi que celui de Phillips et Perron (PP). Ce
dernier prend en compte une possible corrélation sérielle d’ordre élevé dans
les premières différences en utilisant une correction non paramétrique, et il
est souvent considéré comme étant plus puissant que le test ADF, surtout
pour des échantillons de petite taille.
Pour le test ADF, chaque variable est régressée sur une constante, une
tendance déterministe linéaire, une variable dépendante retardée et q retards
des premières différences :

lnXt = α + βt + δlnXt−1 + θ1 (lnXt−1 lnXt−2 ) + ... + θq (lnXt−q lnXt−q−1 ) + εt

Où Xt représente la variable qu’on teste. Toutes les variables sont trans-


formées en logarithme naturel. Suivant une méthode conventionnelle, la lon-
gueur du retard q est fixée à deux ans afin que les résidus et soient des bruits
blancs. Sous l’hypothèse nulle H0 : δ = 1, on est en présence d’une racine
unitaire et sous l’hypothèse alternative H1 : δ < 1, α 6= 0, β 6= 0, on est en
présence d’un processus stationnaire.
– Si ADF teststatistic < criticalvalue, alors on accepte H0 au seuil de
5% et on dit que la série est non stationnaire

25
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

– Si ADF teststatistic > criticalvalue, alors on rejette H0 au seuil de


5% et on dit que la série est stationnaire.
Le test PP fait également une régression de la variable dépendante sur
ses retards, où une constante et une tendance ont été rajoutées. Le nombre
de retards a été fixé à 2 pour toutes les séries.

Test de co-intégration

Un autre test à réaliser lorsqu’on travaille avec des séries temporelles est
celui de la cointégration.
Le but est de détecter si des variables possédant une racine unitaire, ont
une tendance stochastique commune. Si tel est le cas, il existe une relation
d’équilibre dans le long terme entre les variables ; et la combinaison linéaire
de deux variables provenant de séries non stationnaires est, quant à elle,
stationnaire. Dans une telle situation, la formulation en différence mène à
une mauvaise spécification du modèle et des termes de corrections d’erreurs
doivent être ajoutés.
Letestdeco − intgrationsurlesrsidus sera fait pour valider l’inexistence
de relation de cointégration entre les séries. Un test simple à utiliser est le
test en deux étapes de Engel et Granger(1987).
– Première étape
Estimer la régression suivante :

lnX1t = α1 + α2t + α3 lnX2t + α4 + lnX3t + α5 lnX4t + ut

Où Xit , i = 1, , 4,sont les variables sous étude et ut est un bruit blanc. Il faut
ensuite récupérer les résidus ut .
– Deuxième étape
Tester avec ADF si ût a une racine unitaire avec le modèle de régression
suivant :

ût = δût−1 + α1 (ût−1 − ût−2 ) + ... + αq (ût−q − ût−q−1 ) + εt

où εt est un bruit blanc et la durée du retard fixé à deux (q = 2).

Test de significativité des coefficients

Ici, l’on construit les statistiques de Student associées aux différents pa-
ramètres du modèle. Puis, nous les comparons au F-Théorique. Si FCal >

26
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

FT he , on rejette l’hypothèse nulle, donc ce paramètre est significativement


différent de zéro.
Si l’on montre que l’un ou plusieurs paramètres du modèle ne sont pas
significativement différents de 0, on estime à nouveau le modèle en excluant
les variables correspondantes (erreur de spécification).

Coefficients de détermination (la qualité de la régression R2 )

Le coefficient de détermination donne une information sur la part de la


variance de la variable endogène qui peut être expliquée par le modèle estimé.
Bien entendu ces coefficients (R2 et R2 -ajusté) sont proches P de 1 lorsque
l’ajustement du modèle aux données est parfait, c’est à dire si Tt=1 ε̂it tend
vers 0.

Test de bruit blanc

Lorsque le processus est bien estimé, les résidus entre les valeurs observées
et les valeurs estimées par le modèle doivent se comporter comme un bruit
blanc. On appelle bruit blanc un processus stationnaire à accroissements
indépendants. On parle aussi de processus i.i.d. (variables indépendantes et
identiquement distribuées).
– Test de nullité de la moyenne des résidus
Soit T le nombre de données disponibles. Si le processus {ε̂t , t ∈ Z} est
i.i.d (0, σε2 ), on doit avoir
T
1X
ε¯t = ε̂t → 0
T t=1

lorsque T → ∞
Par application du théorème central limite, on sait que :
ε̂t √
T → N (0, 1)
σ̂εt
lorsque T → ∞
Dès lors, on peut tester la nullité de la moyenne des résidus en construi-
sant l’intervalle de confiance sur ε̄t au seuil standard de 95%.
−1, 96σ̂εt 1, 96σ̂εt
P {ε¯t ∈ [ √ ; √ ]} = 0, 95
T T

27
CHAPITRE 1. CADRE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE

– Test d’autocorrélation des résidus


Si les résidus {εt , t ∈ Z} obéissent à un bruit blanc, il ne doit pas exister
d’autocorrélation dans la série. On peut alors utiliser le Test de Durbin
Watson : test de l’autocorrélation d’ordre 1.
– Test d’homoscédasticité
Un bruit blanc est par définition homoscédastique.

Le test de normalité

Pour vérifier si le processus des résidus {εt , t ∈ Z} est un bruit blanc


gaussien, plusieurs tests peuvent être utilisés, mais le test le plus courant est
celui de Jarque - Bera. Nous utiliserons donc le test de Jarque -Bera pour
tester la normalité du processus des résidus.
On construit la statistique :
T T
s= Sk + (Ku − 3)2 → χ2
6 24
lorsque T → ∞
Donc si s ≥ χ21−α on rejette l’hypothèse H0 de normalité des résidus au
seuil de α%. q q
1 µ µ
NB : (Sk ) 2 = 3 → N (0, T ) lorsque T → ∞ et Ku = µ2 → N (3, 24
3 6 4
T)
µ22 2

lorsque T → ∞ avec µi = moment empirique d’ ordre i.


Le modèle développé pour la troisième hypothèse est essentiellement un
outil d’analyse quantitative qui nous permet d’apporter notre modeste contri-
bution à la compréhension de l’incidence potentielle des ressources de l’Etat
sur le bien-être au Bénin.

28
Chapitre 2

Dynamique d’endettement et
d’investissement au Bénin

2.1 Bref aperçu sur l’économie béninoise


Pays de l’Afrique subsaharienne, le BENIN est parmi les pays les plus
pauvres du monde. Depuis la fin de la décennie 90 marquée par la mise en
IJuvre des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) et les conséquences
sociales assez mitigées qui en ont résulté, l’Etat béninois s’est engagé dans
une nouvelle ère de politiques économiques avec la conception et l’expéri-
mentation des générations de Documents de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (DSRP). Ces stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP et
SCRP) tirent leur essence des orientations définies dans la vision BENIN
Alafia 2025. C’est donc dans ce contexte de politique générale que les diffé-
rentes stratégies et actions ont été menées au cours de ces dernières années,
avec les différents résultats enregistrés et qui sont analysés aux plans bud-
gétaire et monétaire, d’endettement et de financement, sectoriel et social.
En effet, selon les données récentes de l’enquête sur la pauvreté, l’indicateur
composite de développement humain (IDH) est de l’ordre de 0.437 au BE-
NIN en 2009 plaçant ainsi le BENIN au 161e rang en la matière sur 182 pays
selon le même rapport. A ce jour, la pauvreté touche encore une grande par-
tie de la population dans la mesure où 33.3 % des béninois vivent en dessous
du seuil de pauvreté avec une forte inégalité entre le nord et le sud d’une
part, et entre le milieu rural et le milieu urbain d’autre part, selon la SCRP
(2007).
Par ailleurs, l’économie béninoise est très fragile et dépend dans sa grande
majorité de l’agriculture qui est encore rudimentaire, et du commerce. La
filière cotonnière est la principale branche d’exportation agricole du pays.

29
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

Toutefois, il importe de remarquer que la production du coton ne fait que


baisser ces dernières années, tandis que les droits et taxes indirects et la taxe
sur valeur ajoutée connaissent une légère hausse sur la même période. Cette
dernière information rend les investisseurs nationaux comme internationaux
septiques sur le pilier de l’économie béninoise, qui devient peu à peu les
taxes et impôts, c’est-à-dire une économie fiscale. Le graphique 3 ci-après
nous donne un aperçu de la photographie de l’économie béninoise en 2010.
sectorielle du pib.PNG

Figure 2.1 – Ventillation sectrielle du pib

De ce qui précède, nous pouvons dire que l’ensemble du secteur primaire


est prépondérant dans l’économie béninoise dont les exportations sont prin-
cipalement les fibres, les graines et les tourteaux de coton, sans occulter les
produits de mer. L’agriculture, la pêche et l’élevage ont une place majeure,
notamment dans la composition du PIB ; ces secteurs représentent à eux
seuls 30% (Graphique 3). Mais il est surtout particulièrement intéressant
de remarquer que l’agriculture du BENIN, dépend fortement de la pluvio-

30
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

sité et donc des aléas climatiques. Cela laisse supposer que l’évolution de
l’agriculture béninoise restera un enjeu important pour la croissance globale.
La croissance économique du pays est également très dépendante d’autres
facteurs exogènes tel que les prix internationaux des matières premières qu’il
exporte, en particulier celui du coton, qui ne cesse de baisser ces dernières
années. Cela se répercute négativement sur l’économie béninoise, notamment
sur sa position extérieure, de même que le taux de change Ă/$ qui impacte
de façon inégale les dépenses et les recettes. En effet, le secteur agricole dont
une grande partie des intrants est acheté en euro fort alors que le coton par
exemple est coté en dollars s’en trouve pénalisé. Ceci a un impact sur la
capacité de remboursement de la dette souveraine du pays.
Aussi, la contribution de chaque secteur à l’évolution du produit intérieur
brut met en exergue les distorsions sectorielles et déséquilibrées qui existent
dans l’économie béninoise.
sectoriel du pib.PNG

Figure 2.2 – Evolution sectorielle du pib

La croissance dans les différents secteurs affiche des performances très


mitigées. A l’observation, les secteurs primaire et secondaire évoluent inver-
sement, et ce, notamment depuis l’année 2003. En effet, une hausse dans le
primaire correspond à une baisse dans le secondaire (et vice versa), ce qui
laisse penser qu’un point de croissance gagné dans l’un de ces secteurs se fait
au détriment de l’autre.
Les secteurs primaire et tertiaire étant les plus importants dans la struc-
ture du PIB, il s’en suit que leur croissance tendant à la baisse entre 2007
et 2009 explique logiquement l’évolution du PIB global sur cette période.

31
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

L’analyse sectorielle approfondie permettra de dégager les spécificités sur les


causes et les implications desdites évolutions.
Par ailleurs, l’évolution structurelle des différents secteurs se présente
comme suit :
à la croissance.PNG

Figure 2.3 – Contribution à la croissance du pib

En termes d’évolution de la contribution à la croissance des différents


secteurs sur la période 2000-2009, Il est observé que la richesse nationale
au Bénin est produite notamment par les secteurs primaire et tertiaire, le
secteur secondaire étant encore peu significatif dans cette contribution à la
valeur ajoutée. Le tertiaire apparaît comme le secteur le plus prépondérant
dans la formation du PIB au cours de ces dix dernières années. Il est suivi du
secteur primaire qui reste aussi une part non négligeable dans la formation
de la richesse nationale. Toutefois, on note entre 2000 et 2009 une présence
effective des trois secteurs à la constitution de la valeur ajoutée du Bénin,
à l’exception des années 2004 et 2005 où, respectivement, le tertiaire et le
secondaire d’une part et le primaire d’autre part, ont été absents.
Ce fait pourrait s’expliquer par les difficultés liées au délestage en 2004 et
les restrictions imposées par le Nigéria dans les relations commerciales liant
les deux pays. Cependant, l’évolution de la contribution des secteurs à la
croissance montre que les efforts d’harmonisation des politiques portent peu

32
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

à peu leurs fruits.

2.2 Structure de la dette béninoise


2.2.1 De quelle dette s’agit-il ?
La stratégie d’endettement est la déclinaison annuelle de la politique na-
tionale de l’endettement. Elle est annexée à la Loi des Finances. La gestion
de la dette a pour objectif majeur de pourvoir aux besoins de financement
de l’Etat et à ses obligations de paiement futures au moindre coût possible à
long terme, et ce, en maintenant les risques à un niveau satisfaisant, tout en
réalisant les autres objectifs des autorités, tels que le développement durable,
la réduction de la pauvreté, le développement des marchés financiers, etc.
Elle fixe le plafond d’endettement pour l’année à venir ainsi que les termes
et conditions des nouveaux engagements à contracter au cours de l’année à
venir afin de garantir la viabilité de la dette, la soutenabilité des finances
publiques et le respect du critère de convergence de l’UEMOA relatif au
ratio de l’encours de la dette publique sur le PIB qui doit être inférieur à
70%. C’est pour respecter ce règlement communautaire que le Bénin s’est
doté d’un document de politique nationale d’endettement en 2009. Avant
cette date, la gestion de la dette visait les mêmes objectifs sans que le pays
ne dispose d’un document officiel de politique d’endettement.
Par ailleurs, la dette dont il s’agit principalement, dans notre étude, est la
dette publique extérieure du BENIN. D’ailleurs, comme généralement dans
les pays très pauvres, les dettes publique et extérieure ont tendance à se
confondre. En effet, le niveau de la dette interne est très faible (inférieure à
2% du PIB sur presque toute la période de l’étude ; c’est seulement à partir
de 2007 que la dette intérieure est devenue de plus en plus élevée au BENIN,
faisant même parfois 20% de la dette nationale ) et il n’y a quasiment que
l’Etat qui contracte des emprunts extérieurs. Sachant que notre étude se fait
sur vingt quatre années (1987-2010) et que la dette intérieure ne devient
élevée qu’à partir de 2007, nous avons jugé ne pas en tenir compte dans
notre étude, afin d’éviter certains biais liés à la conjoncture économique.
Cependant, étant donné que le BENIN fait partie de la Zone Franc, le fait
que l’endettement public soit extérieur ne risque pas de poser de problème
particulier en ce qui concerne la disponibilité de devise.
La dette extérieure, partie la plus importante de l’ensemble de la dette

33
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN
2.PNG

Figure 2.4 – Evolution des différentes variables de la dette extérieure béninoise en mil-
liards de FCFA

publique béninoise, présente deux caractéristiques importantes depuis 1990.


Au fil des ans, la part de la dette à court terme s’est amoindrie en laissant
la place à la dette de plus en plus concessionnelle à long terme. Ceci est le
résultat des réformes économiques mises en œuvre, au cours de la décennie,
pour restructurer la dette. Lesquelles réformes ont fixé le délai minimum de
maturité à 15 ans avec des taux d’emprunt concessionnels et privilégiés.
Par ailleurs, la dette multilatérale a pris le pas sur la dette bilatérale
contrairement à la période d’avant 1989. Aussi, peut-on considérer que de
1990 à ce jour, la gestion de la dette publique extérieure en particulier a
été satisfaisante au regard des normes. En effet, sur la période 1990-1994, le
ratio encours/PIB s’est établi en moyenne à 56% avec toutefois un niveau
très élevé de 75% en 1994 dû à la dévaluation. A partir de 1995, on a assisté
à une évolution à la baisse de ce ratio qui est passé de 69,9% à 36,9% en
2000, la norme admise en la matière par l’UEMOA étant de 70%.
Malgré cette évolution du ratio Encours/PIB, il reste cependant que la
dette extérieure a constitué un fardeau pour l’économie béninoise comme en
témoigne le comportement du ratio Service de la dette/Exportations.
Au lendemain des années de crise, le Service de la dette/Exportation a
baissé à 11,9% en 1990 contre 48,8% en 1989. La période 1991-1996 s’est
caractérisée par une légère amélioration du ratio qui s’est établi à 10,4%
en moyenne. Par la suite, le ratio s’est quelque peu dégradé puisqu’il s’est
situé autour de 13% ces quatre dernières années. Cette évolution traduit

34
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

bien le niveau élevé du service assuré de la dette qui, après avoir doublé en
1994 pour atteindre 23,5 milliards FCFA, s’est légèrement stabilisé à 24,3
milliards FCFA en moyenne entre 1995 et 1998. Puis, le service assuré de
la dette s’est établi en 1999 et 2000 respectivement à 40,4 milliards FCFA
et 38,4 milliards FCFA. Aussi depuis 1998, les arriérés sont ressortis nuls
montrant que la gestion de la dette extérieure devient de mieux en mieux
structurée.

2.2.2 Evolution de l’encours de la dette en fonction du type de


prêteur
Le BENIN, à l’instar des autres pays du monde a dans son portefeuille
de l’endettement, deux formes de dette : une dette bilatérale (avec un pays
tiers) et une dette multilatérale (avec les IFI). Au BENIN, l’évolution de ces
deux formes de dette a connu trois tendances notoires. De prime abord, la
dette bilatérale était plus élevée que celle des IFI avant l’avènement de la dé-
mocratie ; cela s’explique par le fait que pendant cette période le partenaire
privilégié du pays était la CHINE, à cause de l’option marxiste-léniniste des
démocraties populaires dans lequel vivait le pays. Après la conférence des
forces vives de la nation, en 1990, les institutions de Bretton Woods, à savoir
le FMI et la Banque Mondiale ont pris la relève de la Chine, afin d’encou-
rager la démocratie naissante dans le pays. Aussi, en 1994, la dévaluation
du franc CFA a fait doubler le niveau de la dette publique, ce qui explique
l’augmentation brutale de la dette multilatérale entre 1993 et 1994. A partir
de la dévaluation du franc CFA, la dette multilatérale est restée largement,
presque tout le temps, au dessus de la dette bilatérale, même si en 1998 et
1999, cette dernière a baissé du fait de la mise en place de l’initiative PPTE
par la banque mondiale et le FMI. Il fallait donc remplir certains critères
pour pouvoir bénéficier de l’aide des institutions de Bretton Woods. C’est
ce qui est mis en exergue par la baisse brutale de la dette multilatérale et la
montée de la dette bilatérale qui est venue essentiellement du trésor français
afin de financer le déficit budgétaire du pays pendant ces deux années. Il
importe de rappeler que le BENIN a bénéficié de l’initiative PPTE en dé-
cembre 1999 et de l’IADM à partir de 2006, donc d’une réduction de la dette
depuis lors.

35
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN
de dettes du Bénin.PNG

Figure 2.5 – Différentes formes de la dette

2.2.3 Le niveau de la dette résiduelle du BENIN


Depuis toujours, le financement du solde budgétaire du pays s’est fait
par l’endettement. Le BENIN, comme maints pays en voie développement,
présente les mêmes caractéristiques que les pays pauvres très endettés. Dans
ces pays le solde budgétaire est toujours déficitaire, l’économie nationale
repose sur un binôme de cultures d’exportation et très souvent sur une seule
culture ou sur un minerai ou le pétrole seul ; il importe de rappeler que la
corruption est souvent le maître mot dans ces pays, ce qui creuse davantage
le fossé de l’endettement. Mais à partir de 1996 avec l’initiative PPTE et
l’initiative PPTE renforcé, le rouleau d’étranglement de la dette publique
s’est vu vidée pour peu de temps de son carquois nuisible. Le pays a donc
bénéficié de cette initiative, puis il a bénéficié l’IADM en 2006.
Suite aux massives remises de la dette à partir de 1999, le niveau actuel
d’endettement ne parait plus trop inquiétant, d’autant plus que les nou-
veaux prêts consentis principalement par les bailleurs internationaux com-
portent un fort degré de concession (taux d’intérêt de 0.5% à 0.75%) selon les
bailleurs), en respect du programme d’ajustement structurel du FMI interdi-
sant les prêts non concessionnels aux pays bénéficiant de la FRPC (Facilité
pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance).

36
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN
dette sur pib.PNG

Figure 2.6 – Encours de la dette

2.2.4 Les différents bailleurs du BENIN et l’évolution de leur


prêt
Les différents prêteurs multilatéraux du BENIN depuis son indépendance
sont nombreux et nous les retrouvons dans les IFI mondiales que régionales 1 .
Au regard du graphique 8, nous constatons que de toutes les Institutions
Financières Internationales, l’IDA (Banque Mondiale) est celle qui finance
plus le BENIN depuis toujours. Aussi, avec la dévaluation du franc CFA,
cette aide s’est doublée à partir de 1994. Juste après l’IDA, le Fonds Africain
de Développement est le deuxième pourvoyeur de prêt souverain au BENIN.
Ce n’est qu’à partir de 1996 que l’aide du FMI est restée au dessus des
cinquante milliards de francs CFA par an sinon elle était inexistante pendant
la période révolutionnaire et très faible juste après la conférence des forces
vives de la nation. Par ailleurs, les "petits" bailleurs du pays sont les Fonds
de la CEDEAO et de la Banque Islamique de Développement dont les fonds
viennent essentiellement des pays de la Ligue Arabe.
1. IDA : Association Internationale de Développement de la Banque Mondiale, BAD : Banque Afri-
caine de Développement, BADEA : Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique, BID :
Banque Islamique de Développement, BOAD : Banque Ouest Africaine de Développement, FAD : Fonds
Africain de Développement, FIDA : Fonds International pour le Développement Agricole, FMI : Fonds
Monétaire International, OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, CEDEAO : Commu-
nauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest

37
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

Toutefois, ce financement n’a pas empêché le BENIN d’avoir des parte-


naires privilégiés qui lui offrent des prêts et des dons sur la même période, il
s’agit des partenaires bilatéraux du BENIN. La Chine est et a été l’un des
partenaires les plus sûrs du pays depuis 1974, quant aux royaumes du Pays
Bas et du Danemark, leurs aides au BENIN ne sont apparues qu’à partir
des années 90 donc à l’avènement de la démocratie. L’action de la France
a été visible à deux époques de l’histoire du BENIN, c’est-à-dire, avant la
période dite révolutionnaire et après les années 1990. Pendant les premières
heures de la démocratie béninoise, le Japon, les Etats Unis sont devenus
des partenaires au développement du pays. En outre, à partir de 2006, avec
l’offensive diplomatique instaurée par le Président Boni YAYI, le BENIN a
diversifié ses partenaires financiers et techniques ; en plus de ceux précités,
nous pouvons entre autre citer le Brésil, l’Inde, le Canada et encore la Chine
et les pays du monde arabe, tel que le Koweït . En guise d’illustration, le
graphique 8 montre un peu les différents partenaires multilatéraux du pays
de 1986 à 1999.
multilatérale du BENIN.PNG

Figure 2.7 – Structure de l’évolution de la dette multilatérale du BENIN (en milliards


de FCFA)

2.3 L’évolution structurelle de l’investissement au BE-


NIN
La mise en IJuvre effective de la SCRP en 2007 a permis de porter le taux
moyen de croissance économique de 3,5% sur la période 2004-2006 à 6,5%

38
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

sur la période 2007-2009 pour une croissance démographique de 2,9% sur la


période. Ceci a porté la croissance du PIB par tête à 2,5 en moyenne sur la
période 2007-2009. L’accélération de la croissance provenait essentiellement
du dynamisme attendu des activités de commerce et des transports, ainsi
que de la diversification et une plus grande contribution de la production du
secteur primaire tournée vers les exportations (agriculture d’exportation).
Cette croissance est induite aussi par une augmentation d’environ 3 points du
taux d’investissement, passant de 22% du PIB en 2006 à 25% en 2009, grâce
à un accroissement sensible des investissements publics et aux effets attendus
de l’amélioration du cadre des affaires sur l’épargne et l’investissement privé.
3.PNG

Figure 2.8 – Epargne-Investissement-Recette fiscale en % du P.I.B

Grâce à la mise en IJuvre des mesures d’intensification de la mobilisation


des ressources, notamment l’élargissement de l’assiette fiscale et à l’améliora-
tion du rendement des régies financières, le ratio des recettes fiscales au PIB
connaît une progression favorable, passant de 15,1 % du PIB en 2006 pour
atteindre l’objectif communautaire de 16,7% en 2009. Ces ressources sur la
période ont été consacrées à des dépenses courantes représentant en moyenne
15% du PIB et des dépenses d’investissement représentant en moyenne 9%
du PIB. Le volume des dépenses rapporté au PIB s’est stabilisé autour de
24% entre 2007 et 2009 contre 21% entre 2003 et 2005, en raison des dépenses
supplémentaires nécessaires à la mise en IJuvre des programmes prioritaires
de la SCRP. Comme conséquence de l’amélioration des recettes et la crois-
sance prudente des dépenses, le déficit budgétaire reste contenu, passant de
5% en 2006 à environ 7% du PIB entre 2007 et 2009. En outre, la croissance
de l’investissement au BENIN, montre que l’investissement privé occupe une
place de choix dans sa croissance. En réalité, tout au long de ces vingt quatre
dernières années l’investissement privé a toujours été supérieur à l’investis-

39
CHAPITRE 2. DYNAMIQUE D’ENDETTEMENT ET D’INVESTISSEMENT AU BÉNIN

sement public, même si, entre 1987 et 1991 ces deux variables ont quasiment
sinon sensiblement été les mêmes. Entre 2008 et 2009, la baisse brutale de
l’investissement privé s’explique par la conjoncture économique de la fin de
l’année 2008, due à la crise financière de cette année ; malgré cela, l’investis-
sement privé est demeuré au dessus de l’investissement public qui était en
hausse sur la même période.
au BENIN.PNG

Figure 2.9 – Investissement au BENIN

40
Chapitre 3

Analyse, interprétation des résultats et


suggestions

Dans ce chapitre, il s’agira d’estimer le modèle économétrique puis d’in-


terpréter les résultats afin de dégager les principales conclusions et les re-
commandations en matière de politique économique.
L’analyse de l’incidence de l’investissement privé sur la soutenabilité de
la dette extérieure se fera selon le modèle à effet de seuils endogènes de
HANSEN(1999), comme nous l’avions précisé dans le chapitre 1.
Ainsi, les résultats nous permettrons de vérifier nos hypothèses et de-
vraient montrer l’influence économique de l’investissement privé sur la dette
souveraine du BENIN, c’est à dire à partir de quel seuil, de ce dernier, la
soutenabilité de la dette est en péril. Cependant, les données utilisées pour la
vérification des hypothèses sont essentiellement tirées de la Caisse Autonome
d’Amortissement (CAA), de la BCEAO et du Ministère de l’Economie et des
Finances (MEF). Les données couvrent la période allant de 1987 à 2010.

3.1 Estimation du modèle


L’estimation du modèle comprend trois étapes essentielles : une première
étape consiste à déterminer un niveau de seuil optimal de l’investissement
privé. Ensuite dans une seconde étape, nous testons l’hypothèse de linéa-
rité contre la non linéarité du modèle. Enfin, la troisième étape consiste
à construire, selon HANSEN(1999), un intervalle de confiance sur la base
du ratio de maximum de vraisemblance calculé pour tout γ afin d’établir
un intervalle de "non-rejet" de la significativité du seuil. Nous retiendrons le
modèle définitif après tous les tests de validation qui s’imposent. La méthode
d’estimation est les moindres carrées ordinaires.

41
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

La détermination du nombre de retard s’est fait dans le cadre de notre


modèle linéaire de référence. L’ordre optimal du processus autorégressif est
alors déterminé sur la base des critères d’information usuels (AIC, SC et HQ)
et du test de significativité du dernier retard le plus élevé introduit dans le
modèle. Selon ces critères, le modèle retenu est un processus autorégressif
avec un retard pour toutes les variables.

3.1.1 Vérification de la présence de linéarité ou non

des tests de linéarité.PNG

Figure 3.1 – Tests de linéarité

Les tests de linéarité vont nous permettre de vérifier la présence de non


linéarité dans la dynamique du ratio de la dette extérieure sur le produit
intérieur brut. Les statistiques de WALD reportées dans le tableau 4 ne
rejettent pas l’hypothèse d’un seuil de l’investissement privé sur la dette
extérieure conditionnant l’impact différencié de la politique d’endettement.
Pour les autres variables, l’hypothèse nulle de linéarité ne peut être rejetée.
La valeur estimée du seuil endogène suggère que le changement de régime
intervient à un niveau d’investissement privé correspondant à 73% de la
dette extérieure, et ce, après 1300 réplications bootstrap. Ce seuil permet
donc d’identifier deux régimes distincts. Le premier régime sélectionne les
années pour lesquelles les investissements privés sont inférieurs à 73% de la

42
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

dette extérieure et le second régime retient les années d’accroissement des


investissements privés, donc de soutenabilité de la dette extérieure par les
investissements privés.

3.1.2 L’intervalle de confiance du seuil endogène

deconfiance du seuil.PNG

Figure 3.2 – Intervalle de non rejet

L’intervalle de "non-rejet" du seuil admet comme bornes 59,83% et 82,88%


(Graphique 10). Cela montre que le seuil endogène (73%) que nous avons
retenu est significatif et qu’il peut être utilisé dans nos analyses et interpré-
tations avec 5% de marge d’erreur.

3.1.3 Comparaison du modèle linéaire au modèle autorégressif


Les tests de linéarité ont montré que la répercussion des investissements
privés sur la dette extérieure change selon l’évolution du ratio des investis-
sements privés sur la dette extérieure (InvpvDT ).
Nous allons maintenant estimer ce résultat dans le cadre d’un modèle
à seuil pour vérifier si cette spécification donne un intérêt particulier par
rapport à un modèle linéaire classique. Pour se faire, nous présentons suc-
cessivement les estimations du modèle linéaire puis celles du modèle à seuil

43
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS
des deux modèles.PNG

Figure 3.3 – Comparaison des deux modèles

dans un même tableau. Les résultats reportés dans le tableau 5 nous per-
mettent de faire plusieurs analyses. Premièrement, l’estimation de l’équation
de DT pib en considérant un seul régime ne met pas en exergue d’effet signi-
ficatif des investissements privés. Au regard de la significativité de tous les
coefficients à partir des statistiques de STUDENT, le ratio dette extérieure
sur le PIB suit simplement un processus autorégressif linéaire d’ordre un, ce
qui traduit un effet de répétition dans le processus d’endettement de l’Etat.
Deuxièmement, nous pouvons mettre en évidence l’amélioration de la qua-
lité d’ajustement quand on estime la fonction du ratio dette sur PIB dans
le cadre du modèle à seuil. Nous observons en effet que le critère AIC du
modèle à seuil est plus faible que celui du modèle linéaire. On peut observer
également une diminution remarquable de la variance résiduelle. Le modèle
à un effet de seuil domine donc le modèle linéaire à un seul régime.

44
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

Troisièmement, nous constatons que la réponse de la dette extérieure aux


variations des investissements privés change d’ampleur lorsque l’on passe
d’un régime à l’autre. Les coefficients du ratio de l’investissement privé par
rapport au PIB sont en effet statistiquement différents selon que le niveau de
l’investissement privé est inférieur ou supérieur au seuil de 73% de la dette
extérieure. Dans le premier cas, qui traduit un régime économique "critique"
dans lequel l’activité économique du secteur privé est très faible, le coefficient
est de -0,146 et est significatif à 95%. Il en résulte une situation économique
de type keynésien où l’investissement privé laisse place à l’investissement
public du fait de l’effet dŠéviction. Le signe négatif du coefficient d’impact
au-delà du seuil d’investissement privé de 73%, met également en évidence
un effet keynésien.

3.2 Analyse et interprétation


La croissance économique est tributaire de nombreux facteurs tels que la
stabilité sociopolitique, la qualité du capital humain, de la politique budgé-
taire, la dynamique de l’activité économique, la pression fiscale, l’inflation,
le poids du service de la dette, les chocs exogènes liés à la crise mondiale,
sans oublier les ressources nationales dont dispose le pays. Nous venons de
constater que l’activité économique, sinon la dynamique de cette dernière,
surtout celui du secteur privé a un impact majeur sur le service de la dette
à partir d’un certain seuil.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire, avec 5% de marge d’er-
reur, que l’investissement privé influence la dynamique d’endettement du
BENIN.
En réalité, lorsque l’investissement privé est inférieur à 73% de la dette
extérieure, la soutenabilité de la dette se trouve en difficulté. Ceci s’explique
par le fait que, lorsque la pression fiscale devient de plus en plus élevée, du
fait du service de la dette, les investisseurs privés préfèrent ne pas investir
dans les projets longs qui permettent une croissance continue et soutenue
dans le temps, et ce d’autant plus que le poids du service de la dette amène
l’Etat à augmenter les impôts futurs. Par ailleurs, ces investisseurs choisissent
des projets courts pour ne pas avoir à supporter le poids de la pression
fiscale à venir. D’où, une croissance de la dette souveraine via de nouveaux
investissements publics, à long terme, évincent les investissements privés.
Par ailleurs, lorsque l’investissement privé est supérieur 73% de la dette

45
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

extérieure, le BENIN peut assurer le service de la dette à partir de l’inves-


tissement privé. En effet, la dynamique d’endettement et de paiement du
service de la dette est mise en relief par la pression fiscale conjuguée avec
l’inflation. Lorsque le niveau de l’impôt est bas, les investisseurs privés sont
attirés dans une période inflationniste, du fait qu’ils en tirent plus profit.
Aussi, de nouveaux investissements sont faits par dans le secteur privé. Ces
investissements permettent à l’Etat de résoudre à une certaine hauteur, et
ce, un temps soit peu, l’éternel problème du chômage. Au BENIN, à partir
de 2006, ce ratio est passé de 74% à 114% et 104%, respectivement en 2007
et 2008. En outre, il importe de souligner qu’avant 2006, ce ratio n’a jamais
atteint 73%.

3.3 Suggestions
Partant de ces résultats, nous pouvons considérer que les politiques de ges-
tion contrôlée des finances publiques et surtout de la dette publique peuvent
contribuer à la réduction de la pauvreté. Toutefois, l’Etat devra mieux orien-
ter sa politique budgétaire en mettant l’accent sur le poids de la pression
fiscale, car trop d’impôts tue l’impôt (A. LAFFER). En d’autres termes,
trop d’impôts chassent les investisseurs privés. Une gestion dynamique et
prudente de la politique fiscale est alors indispensable à la réalisation des
objectifs ambitieux de développement sans compromettre de nouveau la via-
bilité de la dette extérieure, même si, en 2010, le ratio investissement privé
sur dette était de 87%, ce qui voudrait dire que le BENIN dispose actuelle-
ment dŠun secteur privé qui peut lui assurer le service de la dette sans en
être opprimé. Malgré tous es efforts développés par l’Etat béninois force est
de noter que le besoin de financement de l’économie nationale reste de loin
non comblé.
C’est pourquoi nous formulons les recommandations suivantes :
– Mettre en place une stratégie de mobilisation de l’épargne nationale par
le développement du marché des emprunts obligataires
– Mobiliser l’investissement direct étranger en régulant l’inflation afin
d’assurer la disponibilité des fonds de financement de l’économie na-
tionale
– Elaborer des stratégies d’emprunt qui privilégient les prêts concession-
nels et les dons
Notre travail se prête assurément à des approfondissements. En effet, dans

46
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

la mesure où les critères de convergence de l’UEMOA portent à la fois sur


un seuil minimum de la pression fiscale et à un seuil maximum de dépenses
salariales, il serait intéressant d’approfondir l’analyse en mettant en évidence
des effets différenciés de l’ajustement budgétaire selon l’instrument privilégié.
On pourrait ainsi tester directement les effets de composition : hausse des
impôts versus baisse des dépenses publiques (dépenses salariales, dépenses
d’investissement, dépenses sociales, etc.).

47
Conclusion

Notre étude, nous a permis d’analyser l’influence de l’investissement privé


sur la soutenabilité de la dette extérieure du BENIN. Elle nous a permis
également d’expliquer comment à partir d’un certain seuil d’investissement
privé, la soutenabilité de la dette extérieure est remise en question. L’objectif
de ce travail entre dans le cadre des travaux empiriques qui mettent en
exergue l’impact de la politique budgétaire sur la dette publique, notamment
celle de la politique d’investissement.
Nous avons utilisé dans le cadre de ce travail, un modèle autorégressif à
effet de seuils endogènes (HANSEN, 1999), qui autorise que la dynamique
de soutenabilité diffère selon un seuil qui établit deux régimes. Le modèle
obtenu conditionne l’impact des investissements privés sur le ratio de la dette
au PIB.
Au total, les résultats des estimations sont plus compatibles avec une lo-
gique keynésienne, mais lorsqu’un régime d’expansion fiscale est établi, les
investissements privés diminuent, entrainant une fragilisation de la soute-
nabilité du service de la dette avec un effet d’entraînement plus important
sur la dette qu’un régime d’expansion budgétaire, caractérisé par une baisse
relative de l’impôt sous toutes ses formes. Dans une situation où les investis-
sements privés se trouvent au-dessus du seuil de 73% de la dette extérieure,
un supplément d’investissements d’un point entraîne ceteris-paribus une
amélioration de 0,893% du niveau de la dette. En d’autres termes, un in-
vestissement au-dessus du seuil permet d’assurer le service de la dette sans
compromettre les objectifs de l’Etat sur la période considérée. Ces résultats
permettent de conclure favorablement à l’existence d’une asymétrie dans
la relation entre la dynamique d’endettement et l’investissement privé. La
connaissance de ce seuil apporte, par ailleurs, un fondement empirique aux
critères de surveillance multilatérale en montrant que les chocs budgétaires
ont des effets keynésiens plus importants sur la dette extérieure lorsque le
pays contrôle ses finances publiques à travers un budget essentiellement fis-

48
CHAPITRE 3. ANALYSE, INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET SUGGESTIONS

cal.
L’examen de la dynamique d’endettement public du BENIN montre que la
dynamique endogène joue un très grand rôle dans le désendettement du pays.
Cependant, pour poursuivre les efforts de désendettement et de garantie du
paiement du service de la dette, le BENIN doit davantage compter sur la
dynamique autonome de son investissement privé, en renforçant la qualité de
sa politique économique intérieure surtout sa fiscalité, et ce, en trouvant les
moyens de mieux protéger son économie des chocs exogènes, par le biais de la
redynamisation du secteur privé, de l’assainissement des finances publiques
et de la mobilisation de l’épargne intérieure.

49
Bibliographie

[1] [ADAM C.S. et BEVAN D. 2005] "Fiscal Deficits and Growth in Developing Coun-
tries" , Journal of Public Economics, vol. 89, no 4, pp. 571-597.
[2] [ALESINA A., ARDAGNA S., PEROTTI R. et SCHIANTARELLI F. (2002).] "Fis-
cal Policy, Profits, and Investment", American Economic Review, vol. 92, no 3, pp.
571-589
[3] [ARAUJO C., J.-F. BRUN et COMBES J.-L. (2004).] Économétrie Bréal édition,
France.
[4] [ARY Tanimoune N. et PLANE P. (2005)] "Performance et convergence des poli-
tiques économiques en zone franc" Revue Française d’Economie, vol. no 20,no 1, pp.
235-268.
[5] [BACKUS D. et KEHOE P. (1992).] "International Evidence on the Historical Pro-
perties of Business Cycles" , American Economic Review, vol. 82, no 4, pp. 864-888.
[6] [BARRO R.-J. (1974).] "Are Government Bonds Net Wealth ?" Journal of Political
Economy, vol. 82, no 6, pp. 1095-1117.
[7] [BERTOLA G. et DRAZEN A. (1993). ] "Trigger Points and Budgets Cuts : Ex-
plaining the Effects of Fiscal Austerity" American Economic Review, vol. 83, no 1,
pp. 11-26.
[8] [BOUTHEVILLAIN C (2002)] "Filtre de Hodrick-Prescott et choix de la valeur du
paramètre l " Note d’Etudes et de Recherche 89, Banque de France, pp. 1-21.
[9] [BURNSIDE, C (1998)] "Detrending and Business Cycle Facts : a Comment" ,
Journal of Monetary Economics, vol. 41, no 3, 513Ű532.
[10] [ CANOVA F. (1998)] "Detrending and Business Cycles Facts" Journal of Monetary
Economics, vol. 41, no 3, pp. 475-512.
[11] [CHAMBAS G. (2005)] "L’Afrique au Sud du Sahara. Mobiliser des ressources fis-
cales pour le développement", Economica, Paris, France.
[12] [COLLANGE G. et PLANE P. (1994)] "Dévaluation des Francs CFA : le cas de la
Côte d’Ivoire" Economie Internationale, vol. 58,no 2, pp. 3-25.
[13] [COLLIER P. et GUNNING J.-W. (1996)] "Policy Toward Commodity Shocks in
Developing Countries" International Monetary Fund Working Paper,no 96/84
[14] [COOPER R. N. (1991)] Economic Stabilization in Developing Countries, ICS Press,
San Francisco.
[15] [DEVARAJAN S. et WALTON M. (1994)] "Preserving the CFA Zone", World
Bank Policy Research Working Paper, WPS 1316, World Bank, Washington, DC.

50
BIBLIOGRAPHIE

[16] [DIOP P.-L. (2000)] "Estimation de la production potentielle de l’UEMOA" Etudes


et Recherches, BCEAO, août-sept., no 506.
[17] [GIAVAZZI F. et PAGANO M. (1990)] Can Severe Fiscal Contractions be Expan-
sionary ? Tales of two Small European Countries, NBER Macroeconomics Annual,
MIT press, Cambridge, MA, pp.95-122.
[18] [GIAVAZZI F., JAPPELLI T. et PAGANO M. (2000)] "Searching for Non-Linear
Effects of Fiscal Policy : Evidence from Industrial and Developing Countries" ,
European Economic Review, vol. 44, no 7, pp.1259-1289.
[19] [GUILLAUMONT P. et GUILLAUMONT Jeanneney S. (1988)] Stratégies de déve-
loppement comparées. Zone franc et hors zone franc , éditeurs, Economica, Paris,
France.
[20] [HANSEN B.-E. (1999). ] "Threshold Effects in non-dynamic Panels : Estimation,
Testing, and Inference" , Journal of Econometrics, vol. 93, pp. 345-368.
[21] [HANSEN B.-E. (1997).] "Inference when a Nuisance Parameter is not Identified
under the Null Hypothesis" Econometrica, no 64, pp. 413-430.
[22] [LAWIN K. G.(2009)] Analyse des déterminants de lŠendettement extérieur public
des Pays a faible revenu : cas du BENIN , IREEP 2009, pp 19-22
[23] [LLAU P. (1999) ] "Les contractions budgétaires en Europe. Les enseignements des
ajustements danois, irlandais et suédois" , Revue Française de Finances Publiques,
no 68, pp. 17-31.
[24] [RAND J. et TARP F. (2002)] "Business Cycles in Developing Countries : are they
Different ?" , World Development, vol. 30, no 12, pp. 2071-2088.
[25] [RAVN M.-O. et UHLIG H. (2002).] "On Adjusting the Hodrick-Prescott Filter for
the Frequency of Observations" Review of Economics and Statistics, vol. 84, 371Ű376.
[26] [SEMEDO G. et VILLIEU P. (1997)] La zone franc-mécanismes et perspectives
macroéconomiques , Ellipses, Ed Marketing SA.
[27] [VODOUGNON G.-J. et SYLLA M. (2011)] Dépenses sociales et réduction de la
pauvreté au BENIN : une analyse économétrique basée sur les données de panel
FASEG-Université d’Abomey-Calavi, pp.12-14

51
Table des matières

1 Cadre théorique de l’étude 4


1.1 Problématique, Objectifs et Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.1 Problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.2 Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.3 Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2 Revue de littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.1 Cadre conceptuel de la dette souveraine . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.2 Aspect empirique de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3 Approche méthodologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.3.1 Collecte des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.3.2 Traitement des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.3.3 Spécification du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.3.4 Méthodes d’analyse des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2 Dynamique d’endettement et d’investissement au Bénin 29


2.1 Bref aperçu sur l’économie béninoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.2 Structure de la dette béninoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.2.1 De quelle dette s’agit-il ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.2.2 Evolution de l’encours de la dette en fonction du type de prêteur . 35
2.2.3 Le niveau de la dette résiduelle du BENIN . . . . . . . . . . . . . 36
2.2.4 Les différents bailleurs du BENIN et l’évolution de leur prêt . . . 36
2.3 L’évolution structurelle de l’investissement au BENIN . . . . . . . . . . . 38

3 Analyse, interprétation des résultats et suggestions 40


3.1 Estimation du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3.1.1 Vérification de la présence de linéarité ou non . . . . . . . . . . . 41
3.1.2 L’intervalle de confiance du seuil endogène . . . . . . . . . . . . . 42
3.1.3 Comparaison du modèle linéaire au modèle autorégressif . . . . . 42
3.2 Analyse et interprétation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.3 Suggestions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Vous aimerez peut-être aussi