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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L’OUEST | NANTES

DOSSIER
Projet encadré David EPIARD

Matière : Porjet encadré

Niveau : Licence 3 Mention : Economie-gestion Parcours : Gestion Finance

A l’attention de RAISON Christophe


Session : avril 2023 année

EPIARD DAVID

Faculté : DEG
Année Universitaire : 2022-2023
CHARTE DE NON PLAGIAT

Protection de la propriété intellectuelle

Tout travail universitaire doit être réalisé dans le respect intégral de la propriété intellectuelle
d’autrui. Pour tout travail personnel, ou collectif, pour lequel le candidat est autorisé à utiliser
des documents (textes, images, musiques, films etc.), celui-ci devra très précisément signaler
le crédit (référence complète du texte cité, de l’image ou de la bande-son utilisés, sources
internet incluses) à la fois dans le corps du texte et dans la bibliographie. Il est précisé que
l’UCO dispose d’un logiciel anti-plagiat dans lms.uco.fr, aussi est-il demandé à tout étudiant
de remettre à ses enseignants un double de ses travaux lourds sur support informatique .

Cf. « Prévention des fraudes à l’attention des étudiants »

Je soussigné(e), EPIARD DAVID étudiant(e) en Licence économie-gestion m’engage à


respecter cette charte.

Fait à MONTBERT le 04/05/2023


Signature (pour la version imprimée) :
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L’OUEST |NANTES

Sommaire

Introduction ............................................................................................................... II
1.Définition de la soutenabilité de la dette et situation actuelle en Europe ..... III
1.1 Définition de la soutenabilité de la dette et mesure de cette dernière ........................ III

1.1.1 Définition de la dette et de la soutenabilité .................................................................. III

1.1.2 Comment mesurer la soutenabilité de la dette souveraine ? ................................... IV

1.2 Cartographie de la situation européenne et causes de l’endettement européen .. VII

2 Enjeux autour de la dette souveraine : la dette comme frein ou moteur de


la croissance ? ......................................................................................................... XI
2.1 La dette comme frein à la croissance ..............................................................................XII

2.2 La dette comme moteur de la croissance ..................................................................... XIV

Conclusion ........................................................................................................... XVIII


Bibliographie .......................................................................................................... XIX
Introduction
« Je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite » tels sont les propos tenus par
François Fillon en tant que premier Ministre français de l’époque à l’occasion d’un discours en
Corse en 2007. 15 ans et une crise de la dette plus tard, le montant de la dette française
culmine à près de 110 % du PIB et le défaut souverain n’est toujours pas arrivée.
La question de l’endettement inquiète tout particulièrement puisque dans certains pays
l’endettement ne diminue pas et en parallèle la croissance n’est pas particulièrement forte,
dans cette situation de marasme les questionnements autour du défaut d’un état souverain se
posent
Cette revue de la littérature vise à aborder le concept de soutenabilité de la dette
publique et à déterminer l’impact que l’endettement peut avoir sur la croissance.
Après avoir défini et proposé plusieurs outils de mesure de la soutenabilité de
l’endettement public, nous pourrons nous intéresser aux enjeux de l’endettement.

II
1.Définition de la soutenabilité de la dette et
situation actuelle en Europe
Le concept de soutenabilité de la dette d’un état peut être complexe à définir et à
mesurer car dépendant d’une multitude de facteurs. Nous pouvons dans un premier temps
chercher à définir, à partir de la littérature ce concept, puis dans un second temps observer la
situation des dettes souveraines en Europe et comprendre les motifs qui expliquent la situation
d’endettement actuelle des pays européens.

1.1 Définition de la soutenabilité de la dette et


mesure de cette dernière
1.1.1 Définition de la dette et de la soutenabilité

La dette d’un état peut être défini comme l’accumulation des déficits passés majorée
par la charge d’intérêt qu’il implique, l’endettement des états est relativement similaire à celui
des ménages et des entreprises (Blancheton B., 2022). La plupart des états financent leur
endettement via l’émission d’obligations sur les marchés financiers. Les taux rattachés à ces
obligations sont généralement les plus bas du marché car les états sont supposés comme très
peu risqués. Le déficit public correspond au besoin de financement des administrations
publiques dans un sens large (déficit de l’état central, des collectivités locales et des
organismes de sécurité sociale), c’est-à-dire à la différence entre les dépenses et les recettes
publiques.

La notion de soutenabilité d’une dette souveraine renvoi à la capacité d’un état à


rembourser cette dernière sur le long terme sans nuire à sa capacité à générer de la
croissance. Le montant en volume d’une dette n’a pas forcément de sens en tant que tel, il
est nécessaire de s’intéresser aux revenus de l’agent économique pour appréhender son
endettement. En effet, un agent économique remboursera sa dette à partir de ses revenus,
c’est pour cela que l’on compare le montant de la dette en pourcentage du PIB et non en
volume pour la dette souveraine, de plus cela facilite les comparaisons internationales.
Cependant, le concept de soutenabilité de la dette souveraine reste complexe, voire
impossible à mesurer, on ne peut appliquer le raisonnement que l’on aurait pour une entreprise
à un état. En effet, l’état n’est pas un agent économique comme les autres, sa durée de vie
est infinie et il a donc une éternité pour rembourser ses emprunts (Menuet M. et Villieu P., 2022)
et il peut également faire rouler sa dette, c’est-à-dire emprunter pour payer ses dettes.
Néanmoins, cela n’assure pas que la dette est soutenable indéfiniment, si un état n’arrive pas
III
à faire face à ses engagements, la dette est alors considérée comme non-soutenable par les
investisseurs avec un risque de défaut important (Ragot X., 2022).

Aujourd’hui, au sein de l’UEM, les finances publiques et l’endettement des états sont
encadrés à l’échelle européenne. En 1992, les pays membres de la CEE signent le Traité de
Maastricht qui engendre la création d’une monnaie unique et de ses modalités d’application.
La monnaie unique crée une interdépendance entre les pays membres, le traité va alors
constituer le cadre à respecter pour rendre viable la zone euro. Il repose sur 4 grands critères
chiffrés que les états membres doivent respecter (INSEE) :
• Objectif de change : interdiction de dévaluer sa monnaie
• Objectif d’inflation : il ne peut excéder de plus de 1,5 point celui des trois États
membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix
• Contrôle des dépenses publiques : le déficit public ne peut excéder 3 % du PIB
et l’endettement 60 % du PIB
• Contrôle des taux d’intérêts : ils ne peuvent pas excéder plus de 2 % ceux des
trois États membres présentant les meilleurs résultats en termes de stabilité des
prix.
Le lien entre déficit et dette implique que pour un niveau de croissance économique
nominal de 5 % et un taux d’intérêt nominal de 2 %, si les états membres respectent règle des
3 % de déficit, l’endettement des pays membres devraient rester sous les 60 % d’endettement.

1.1.2 Comment mesurer la soutenabilité de la dette souveraine ?

L’analyse du seul ratio dette/PIB pour déterminer la soutenabilité d’une dette est très
incomplet puisqu’en réalité la soutenabilité dépend d’une multitude de facteurs. Par exemple,
ce ratio s’élève à 250 % du PIB pour le Japon en 2022, selon l’OCDE, or la dette nippone n’est
pas la plus inquiétante car elle en détenue en majorité par les Japonais qui ont confiance en
leur gouvernement et en sa capacité à rembourser ses dettes.
Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour pouvoir analyser l’endettement d’un pays
et sa soutenabilité.

Tout d’abord, pour analyser la soutenabilité d’une dette, il peut être pertinent de
comparer le taux de croissance au taux d’intérêt de l’endettement (Ecalle F., 2022). En effet,
si le taux de croissance du PIB est supérieur au taux d’intérêt, le ratio dette/PIB s’améliore et
inversement. Les états peuvent avoir pour objectif la stabilisation de leur d’endettement en
visant un déficit stabilisant, c’est-à-dire un déficit qui permet la stabilité du ratio dette/PIB. Le
choix des différents critères de Maastricht se base sur ce concept de déficit stabilisant. Or pour
atteindre cet objectif et éviter un effet auto entretenue ou boule de neige de l’endettement,

IV
l’état doit pouvoir générer un excédent primaire stabilisant. L’excédent primaire correspond à
un excédent public avant le paiement de la charge de la dette. Ainsi, la capacité d’un état
à générer un excédent primaire peut être un moyen d’appréhender la soutenabilité de la
dette des états.

Ensuite, si l’on s’intéresse au cas européen, il faut appréhender le taux d’intérêt comme
un prix de marché. La BCE (Banque Centrale Européenne) ne peut agir sur les taux de tel ou
tel pays à l’inverse des états avec une souveraineté monétaire (Sterdyniak H., 2022). Ainsi, les
taux des obligations souveraines sont constitués du taux directeur et d’une prime de risque (on
pourrait également ajouter des frais administratifs), et dès lors qu’un état est considéré comme
insolvable par les investisseurs, la prime de risque augmente. C’est ce qui s’est passé en Grèce
durant la crise de la dette souveraine, lorsque le gouvernement en place a été plus transparent
concernant les finances publiques grecques ce qui a entrainé une très forte augmentation des
spreads de taux. Les taux grecs s’élevaient à près de 25.9 % en janvier 2012 alors que le taux
allemand restait à 1.8 %. Ce type de phénomène est particulièrement problématique car la
surréaction des investisseurs peut, à la manière d’une prophétie auto-réalisatrice, rendre
l’endettement réellement insoutenable du fait de la hausse des taux. La question de la
confiance dans un gouvernement est alors primordiale. Toutefois, aujourd’hui, grâce à des
politiques non-conventionnelles la BCE arrive à rassurer les investisseurs quant à la solvabilité
des états membres. La prise en compte de la prime de risque comprise dans taux d’intérêt
ainsi que des spreads de taux sont alors importants pour déterminer la soutenabilité d’une
dette souveraine.

Par ailleurs, le ratio dette/PIB ne rend pas compte de manière exhaustive de


l’endettement d’un pays. Du fait de leur structure, de leur fonctionnement, certains pays
peuvent avoir une dette implicite. Selon l’INSEE, « La dette au sens de Maastricht (…) couvre
l'ensemble des administrations publiques au sens des comptes nationaux : l'État, les divers
organismes d'administration centrale, les administrations publiques locales et les
administrations de sécurité sociale ». Alors qu’une dette implicite correspondrait aux
« engagements futurs de l’état » (Bouvet J., 2015 ; Blancheton B., 2022), c’est-à-dire qu’elle
tient compte des obligations futures de l’état, par exemple à l’égard des retraités… L’exemple
des retraites est tout particulièrement intéressant pour le cas européen et qui pourrait être
analysé à travers la notion de dette implicite. En effet, le vieillissement de la population va
entrainer d’une part, des dépenses d’allocations retraites importantes et d’autre part, une
diminution du taux d’activité et donc potentiellement des recettes fiscales (Deroose S., 2010).
Cet effet ciseaux risque d’avoir un impact important sur les finances publiques européennes
et pourrait être anticipé à travers le concept de dette implicite. Ainsi la dette au sens de
Maastricht sous-estimerait en quelque sorte l’endettement des états et la comparaison entre
V
les ratios des différents pays pourrait alors avoir moins de sens. De plus, l’analyse du niveau
d’endettement est presque toujours effectuée en termes brutes, c’est-à-dire que seuls les
passifs d’un état sont pris en compte, or les états disposent d’un patrimoine financier et
corporel (Bouvet J., 2015 ; Blancheton B., 2022). Il peut ainsi être pertinent de mettre ce
patrimoine dans la balance. Par exemple, pour la France, en 2019 le montant de
l’endettement brut s’élevait à 97.4 % du PIB alors que l’endettement net des actifs financiers
ne s’élevait plus qu’à 78 %.

Enfin, il est possible d’analyser la dette souveraine à partir de l’étude des politiques
budgétaires misent en place au sein d’un pays ainsi qu’à la
structure des dépenses publiques. Tout d’abord, en ce qui
concerne les politiques budgétaires, on peut observer une que
généralement les politiques budgétaires misent en place sont
contracycliques et visent à stimuler la demande durant les
crises. Par exemple pour le cas Français (Figure 1), on observe
cette croissance notamment des dépenses à chaque phase
Figure 1: Dépenses, recettes et déficit des APU
de crise avec un effet de cliquet. Françaises de 1993 à 2021

De plus, il peut être pertinent de s’intéresser à la structure des Source : INSEE

dépenses publiques pour pouvoir appréhender de manière plus précise comment sont
affectées les dépenses publiques, quels secteurs génèrent des recettes et si la dépense
Ensemble des

publique est investie pour créer de


Administrations Administrations Administrations de
administrations
publiques centrales publiques locales sécurité sociale
publiques1
Évolution Évolution Évolution En Évolution
En milliards En milliards En milliards
la valeur ou non. Toujours pour le
2021 / 2020 2021 / 2020 2021 / 2020 milliards 2021 / 2020
d'euros d'euros d'euros
(en %) (en %) (en %) d'euros (en %)
Total des dépenses1 611,9 +4,3 280,0 +4,1 683,1 +3,4 1 475,6 +4,0
Dépenses de fonctionnement2 , dont :
cas français (Figure 2), on peut par
193,4 +1,7 141,9 +4,3 114,6 +6,4 449,9 +3,7
consommations intermédiaires 2 40,9 +4,5 52,0 +6,9 32,0 +6,5 125,0 +6,0
rémunérations des salariés 150,1 +1,0 86,5 +2,8 75,7 +6,1 312,4 +2,7
Intérêts versés2 31,1 +21,6 4,0 -5,7 3,1 -8,6 38,1 +15,0
Prestations sociales en espèces et en nature
Transferts courants entre administrations publiques
126,0
62,3
-6,2
+0,0
27,4
3,7
+0,9
-15,7
518,7
20,0
+3,2
+5,9
672,1
0,0
+1,2
///
exemple remarquer l’importance
Autres transferts et subventions 167,8 +18,4 48,3 +4,0 20,0 -9,6 222,9 +12,5

de l’administration centrale dans le


Acquisitions nettes d'actifs non financiers, dont : 31,2 -4,0 54,7 +7,9 6,6 +7,4 92,6 +3,5
formation brute de capital fixe 30,4 +0,3 52,7 +8,7 6,6 +7,6 89,7 +5,6
Total des recettes1 468,5 +8,8 279,4 +5,2 666,4 +8,4 1 314,9 +8,4
Impôts et cotisations sociales 391,0 +5,2 163,5 +5,9 614,1 +8,6 1 168,6 +7,1
Ventes
Revenus de la propriété
27,0
8,2
+6,1
+45,9
45,3
3,1
+9,7
+15,4
22,1
3,7
+3,9
+14,2
94,4
14,9
+7,3
+30,0 fonctionnement du pays. De plus,
Autres transferts 42,2 +51,0 67,6 +0,5 26,6 +6,3 37,1 +66,7

les administrations sociales


Capacité (+) / Besoin (-) de financement -143,4 /// -0,6 /// -16,7 /// -160,7 ///

Figure 2: Structure des dépenses et des recettes des APU Françaises en 2021
Source : INSEE
occupent également une place
importante dans la dépense publique, ce qui peut s’expliquer par l’existence de stabilisateurs
automatiques en France et qui permettent, au prix d’un déficit plus important, une résilience
structurelle de l’économie Française face aux crises… Enfin on peut remarquer l’importance
des dépenses de fonctionnement, qui caractérisent le fonctionnement parfois bureaucratique
de la France et qui peut être mis en question car ces montants, plus efficiemment utilisés,
pourraient être consacré à l’investissement par exemple.
Enfin, l’analyse des différents soldes des comptes publics (solde structurel, solde primaire, solde
budgétaire…) peut aussi donner un aperçu de la situation du déficit et de l’endettement d’un
pays (Blancheton B., 2022).

VI
Pour terminer, un aspect capital, qui ne relève pas forcément de questions strictement
économiques, doit être pris en compte : la légitimité et la crédibilité d’un état. Effectivement,
pour assurer la confiance des investisseurs, les états doivent montrer que les politiques misent
en place ont des objectifs réalistes puisqu’elles sont jugées par les marchés (Parienty A., 2017)
Les taux des obligations souveraines ont la caractéristique de représenter le coût de l’argent
sans risque, il est donc primordial que les états ne soient pas risqués afin de garantir leur
financement.

Par conséquent, l’analyse de la dette souveraine et de sa soutenabilité relève de


l’étude d’une multitude de facteurs, d’indicateurs qu’il faut mettre en relation pour
l’appréhender avec le plus de précision possible. Pour chaque pays, on pourrait supposer un
plafond qui déterminerait la soutenabilité de la dette souveraine mais ce niveau est impossible
à déterminer avec précision.

1.2 Cartographie de la situation européenne et


causes de l’endettement européen
Les questionnements autour de la soutenabilité de la dette se posent aujourd’hui en
Europe du fait de l’augmentation de façon importante de l’endettement des états européens.
Pour appréhender de manière plus précise la situation actuelle en Europe, nous pouvons
réaliser une analyse de l’endettement des pays de la zone euro à la suite de la crise de la
COVID-19.
Tout d’abord, on observe que l’endettement de la zone euro (à 19 pays) s’élève à
environ 91.6 % du PIB selon Eurostat, en 2022. En 2019, avant la crise de la COVID-19, ce ratio
s’élevait à 84 %. Beaucoup de pays sont entrés dans la crise avec un ratio déjà dégradé et la
crise a aggravé la situation, c’est notamment le cas de la Grèce, de l’Italie, du Portugal et
de l’Espagne. Ces quatre pays avaient déjà été lourdement impactés par la crise de la dette
souveraine en 2012.

Figure 3: Endettement des états de la zone euro en 2022 en % du PIB Source : Eurostat

VII
On observe qu’une partie des pays de la zone euro ne respectent pas les critères de
convergence, ce non-respect n’est pas sanctionné mais il doit être « temporaire ». Au sein de
la zone euro, il existe une grande hétérogénéité des situations des finances publiques avec des
pays dont l’endettement demeure faible et maitrisé et à l’inverse des pays dont l’endettement
a explosé.

Figure 4: Déficit public des pays de la zone euro en 2019, en % du PIB Figure 5: Déficit public des pays de la zone euro en 2022, en % du PIB
Source : Eurostat Source : Eurostat

En ce qui concerne les déficits publics, on remarque toujours une forte hétérogénéité
entre les pays de la zone euro mais l’impact de la crise de la COVID-19 s’est lourdement fait
ressentir sur les finances publiques de tous les pays membres (Figures 4 et 5). Durant la crise, les
pays de la zone euro ont mis en place des politiques budgétaires contracycliques qui avaient
pour but de limiter les effets de la crise et de favoriser la relance une fois la pandémie
contrôlée. Même en 2022, soit un an après la crise les finances publiques des états demeurent
déséquilibrés.
Par ailleurs, cette tendance se traduit
directement au travers des soldes
primaires des états qui se sont dégradés
très rapidement à la suite du début de
la crise (Figure 6). On observe
également la stabilité des taux
d’intérêts entre 2019 et 2020, qui
correspondent à l’intervention de la
Figure 6: Soldes primaires et montant des intérêts de la dette souveraine en 2019 et 2020 BCE grâce à son programme de rachat
Source : OCDE
d’actifs qui a permis de garantir la
confiance des marchés et empêcher une hausse des taux.

Malgré les déficits et la hausse de l’endettement on remarque que les pays européens
ont réussi à renouer avec la croissance dès 2021, les plans de relance ont plutôt bien
fonctionnés désormais il reste à observer la gestion des finances publiques ...

VIII
Si les états de la zone euro ont pu mettre en place des coûteux plans de relance, c’est
en grande partie grâce à l’action de la BCE. Officiellement, la BCE a pour unique mandat le
contrôle de l’inflation (aux alentours de 2 %) et est indépendante du pouvoir politique, mais
dans la réalité, et tout particulièrement durant les crises de la dette souveraine et de la COVID-
19, la BCE est intervenue pour porter soutien à l’économie.

Figure 8: Taux des bons du trésor à 10 ans de 2011 à 2022 Figure 7: Taux d'inflation de 2011 à 2022
Source : Eurostat Source : Eurostat

Depuis les années 2010-2011, l’inflation reste faible, certaines économies sont même
ponctuellement touchées par la déflation (Figure 7). Dans ce contexte, la BCE va chercher à
stimuler la demande pour atteindre son objectif d’inflation de 2 %. Les taux d’intérêts étant
déjà relativement bas (Figure 8), la BCE va mettre en place des politiques monétaires non
conventionnelles du fait de sa marge de manœuvre réduite. Elle va proposer des taux
d’intérêts négatifs pour, d’une part, faciliter le financement des états et d’autre part inciter les
banques commerciales à injecter de la liquidité dans l’économie réelle. La BCE va également
procéder à un programme d’achat des actifs obligataires souverain (quantitative easing).
Durant la crise de la COVID-19 la BCE va poursuivre cette politique pour assurer le
financement des états et soutenir l’efficacité des politiques budgétaires. Elle va lancer un vaste
programme de rachat d’actifs (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) et
maintenir ses taux directeurs faibles. Les banques centrales de l’Eurosystème ont absorbé au
total 86 % des dettes souveraines émises par les états membres. En conséquence, le bilan de
la BCE a très fortement augmenté. Le PEPP a comme principal objectif d’éviter un
emballement des taux d’intérêts pouvant potentiellement aggraver la situation des finances
publiques des pays européens. La crise suppose assez logiquement la mise en place de plans
de relance et donc d’une aggravation des déficits et de l’endettement dégradant la
soutenabilité des dettes. Dans les faits, ce programme de rachat d’actifs va permettre
d’empêcher une augmentation des spreads de taux pour les pays plus risqués (Blot C., 2021).
Au sortir de la crise de la COVID-19 début 2022, on peut noter que bien que la BCE ait
injecté beaucoup de liquidités dans l’économie réelle à travers sa politique monétaire
accommodante, l’inflation n’est pas de retour, il semblerait que l’intervention de la banque
centrale n’impacte que très peu le niveau général des prix (Martin P. et al, 2021). Il faut en
réalité attendre le début du conflit entre Russie et Ukraine, début 2022, pour que la flambée
IX
des coûts de l’énergie génère un retour soudain de l’inflation en Europe. Pour faire face au
choc, la BCE remonte alors ses taux et ralentie son programme de rachat d’actifs.

Pour résumer, face aux différents chocs auxquelles elles ont été confrontées, les
économies de la zone euro ont mis en place des politiques budgétaires de relance pour d’une
part éviter que la récession n’attaque trop fortement l’économie et d’autre part pour faciliter
le retour à la croissance une fois les mesures sanitaires levées. Ce type de politique
contracyclique avait déjà été mis en place en Europe pour contrer la crise des subprimes. La
stimulation de la demande a permis de nombreux bénéfices constatables à court termes
comme la préservation de l’emploi, le retour de la croissance en force dès 2021 (Figure 9) …

Figure 9: Taux de croissance du PIB de 2019 à 2022 Source : Eurostat

Néanmoins, il est important de noter que les économies européennes sont entrées en crise
avec des taux d’endettement très importants (plus de 100% d’endettement pour le Portugal,
la Grèce et l’Italie). Ces niveaux d’endettement avaient été mis en exergue par la crise de la
dette souveraine (2010-2012). Durant cette crise, la dette de certains états (Grèce, Irlande,
Portugal, Italie) a été mise en cause du fait de l’importance de cette dernière. Les marchés se
sont rendu compte que ces pays s’étaient comportés comme des passagers clandestins,
profitant des taux bas au sein de la zone euro pour se financer. En conséquence, les taux
d’intérêt de la dette de ces pays ont très fortement augmenté rendant notamment la dette
grec insoutenable et plaçant l’état grecque en situation de défaut.

Figure 10: Endettement des états de la zone euro en 2012 en % du PIB Source : Eurostat

Depuis cette crise, le montant de la dette de certains pays est resté élevé (Figure 10), ce qui,
à l’entrée de la crise la COVID-19, a posé beaucoup de questionnements : Comment des états

X
avec des taux d’endettement à près de 100 % de leur PIB pouvaient initier des plans de relance
qui n’entraineraient pas des chocs similaires à ceux vécus 8 ans plus tôt ? Dans un tel contexte,
l’action de la BCE a, comme nous l’avons vu, été providentiel. Le quantitative easing qualifié
de « bazooka », par Christine Lagarde, terme qui évoque explicitement l’ampleur des
programmes mis en place, a permis de faciliter le financement des politiques budgétaire des
états membres de l’Eurosystème.

Malgré le fait que la BCE rencontre des difficultés à stimuler l’inflation via sa politique
monétaire, son intervention s’est révélée capitale pour assurer le financement à bas coût des
états et stimuler la croissance. A court terme, on peut affirmer que ce policy-mix moderne,
alliant politique budgétaire de relance et politique monétaire non-conventionnelle
expansionniste, a permis un retour rapide et dynamique de la croissance en Europe.

Cependant, les questions de soutenabilité de la dette des états ne sont pas réglés, bien
au contraire. Actuellement, la BCE détient dans son actif des dettes souveraines importantes
dans le but de ne pas avoir une forte hausse des taux souverains. Les critères de Maastricht ne
sont plus respectés et il apparait éventuellement la nécessité d’une évolution des critères de
convergences qui devraient être adaptés à la situation économique actuelle. De plus, il serait
peut-être souhaitable d’élargir le mandat de la BCE, et ajouter à son mandat un rôle de
contrôle budgétaire plus important ainsi que de soutien à l’activité économique similaire à la
FED (Réserve fédérale des États-Unis) pour garantir plus d’efficacité des politiques monétaires
(Jacobsoone J., 2021). Enfin, le retour de l’inflation en Union Européenne risque de rendre les
marges de manœuvre de la BCE très réduite car la situation semble s’apparenter à de la
stagflation, situation caractérisée par de l’inflation et une faible croissance.

2 Enjeux autour de la dette souveraine : la dette


comme frein ou moteur de la croissance ?
Il peut être pertinent de déterminer dans quelle mesure l’endettement public peut être
un frein ou au contraire un moteur de la croissance économique ce qui peut permettre
d’appréhender la soutenabilité de la dette étatique.

XI
2.1 La dette comme frein à la croissance
Dans un premier temps, nous pouvons nous intéresser aux différents arguments
considérant que la dette publique et le surendettement peuvent constituer un frein à la
croissance.

Tout d’abord, des études empiriques menées par les économistes Reinhart et Rogoff ont
mis en évidence la relation entre croissance, inflation et niveau d’endettement pour les
économies développés et les économies émergentes. L’étude empirique expose différentes
relations entre ces grands indicateurs macroéconomiques.
L’étude explique qu’il n’y aurait pas de lien entre l’inflation et le niveau de dette publique au
sein des économies développés entre 1970 et 2009.
De plus, il existerait un lien autre l’endettement public et le taux de
croissance. Jusqu’à un certain taux d’endettement, le lien est très
faible, presque inexistant. Mais à partir d’un certain seuil (estimé à
90 % d’endettement public) il y aurait une « intolérance à la dette »
et les taux de croissance économique deviennent inférieurs à ce
qu’ils auraient dû être. Les deux économistes américains
expliquent, statistiques à l’appui, que ce lien est tout autant
existant pour les économies développées que pour les économies Figure 11: Résultats de l'étude empirique sur
une relation croissance, endettement et
émergentes. Pour justifier cette relation, est avancé l’argument inflation
Source: Growth in times of debt
que la hausse de l’endettement jusqu’à un certain seuil
entraînerait une hausse des taux d’intérêts. Cette hausse de la charge de la dette se répercute
à travers des politiques budgétaires restrictives affligeant la demande et donc la croissance.
Cette analyse empirique va constituer un argument tangible pour favoriser un contrôle du
déficit et de l’endettement souverain. De plus, elle apporte un argument sur le fait que les
politiques budgétaires de relance nuiraient à la croissance dans le cas où l’endettement serait
trop élevé.
L’article de Reinhart et Rogoff a fait beaucoup de bruit dans le monde économique et
politique et a été la justification de l’austérité budgétaire des états. Cependant, nous pouvons
porter des questionnements sur plusieurs aspects. Premièrement, il est important de rappeler
que corrélation ne signifie pas causalité, les réponses apportées sur l’existence du lien entre
l’endettement souverain et la croissance ne sont pas précises et détaillées, les études
empiriques ne suffisent pas à justifier un phénomène si l’on n’apporte aucune explication et
de justifications des mécanismes liant deux variables. En outre, le lien découvert part de
l’endettement vers la croissance mais rien ne le prouve, nous pourrions établir la corrélation
dans le sens inverse : une croissance faible entraine une hausse de l’endettement du fait de la
diminution des recettes fiscales par exemple… Deuxièmement, plusieurs économistes (Thomas

XII
Herndon, Michael Ash et Robert Pollin) ont tenté de répliquer les travaux de Reinhart et Rogoff
sans succès. Effectivement, les travaux comportaient des erreurs méthodologiques (sélections
incomplètes, les pays de l’étude n’étaient pas toujours tous pris en compte…) qui ont influencé
les résultats de l’étude. Après correction, les conclusions de l’étude sont toutes autres, la
croissance moyenne pour les économies endettées à 90 % de leur PIB s’élève à 2.2 % (contre
-0.1 % dans l’étude de Reinhart et Rogoff) (Herndon T. et al 2014).
Malheureusement, bien que les résultats de l’étude initiale soient faussés, ils ont servi de
justification pour des politiques d’austérité budgétaire notamment aux USA.

Ensuite, l’existence du risque souverain peut constituer un argument en faveur d’un


meilleur contrôle budgétaire et en défaveur du surendettement des états. Le risque souverain
correspond au risque que l’état soit en situation de défaut, c’est-à-dire qu’il ne puisse procéder
au remboursement de ses dettes. Le risque de défaut pour un état est très particulier, à l’inverse
d’une entreprise, les créanciers ne peuvent venir « se servir » sur l’actif de l’état du fait de
l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public (LégiFrance).
Plusieurs conséquences peuvent être observées en cas de défaut souverains :
La dette, qui est le plus souvent sous forme d’obligation, va perdre de la valeur, les possesseurs
de cette dernière vont chercher à la vendre car les chances de remboursement sont
anticipées comme trop faibles. Par effet de contagion, la dette privée peut également être
remise en question. En effet, le non-remboursement par l’état de sa dette génère une perte
sèche pour le prêteur qui peut alors rencontrer des difficultés pour faire face à ses propres
dettes. Ce phénomène en spirale a
pu être observé en Grèce durant la
crise de la dette souveraine, sur les
marchés financiers. Entre 2009 et
2012, l’indice des principales
sociétés grecques chute de plus de
83 % (Figure 12). Ce phénomène va Figure 12:Evolution Athex (indice boursier grec) de 2009 à 2020
Source : Boursorama
alors impacter au-delà des marchés
financiers l’ensemble de l’économie entrainant une dévalorisation globalisée de la valeur des
actifs (immobiliers, financiers, corporels…). Non seulement les agents économiques perdent
confiance quant à la conjoncture et surtout en ce qui concerne la capacité du gouvernement
à gérer la crise mais ils vont également anticiper une future hausse de la fiscalité. Cette pression
fiscale à la manière d’un choc de demande négatif va amplifier les effets de la crise (Maillard
D., 2013).
Enfin, la notation de la dette va être impactée, les agences de notations vont estimer que la
dette de l’état en défaut est risqué et vont abaisser la note de cette dernière (Gaillard N.,2014).
Pour le cas grecque on observe que dix ans après la crise, l’état grec n’a pas réussi à retrouver
XIII
un niveau de notation de sa dette équivalent à celui pré-crise. De plus, les taux d’intérêts, qui
se basent sur la notation des agences mais qui fluctuent de façon plus volatile vont également
augmenter même si à moyen terme on peut supposer qu’ils diminueront plus facilement en
fonction de la politique de la banque centrale.
En ce qui concerne le risque souverain, on peut observer que celui-ci est existant en Europe,
mais à court/moyen terme peu probable. Cela est notamment due à l’intervention de la BCE
sur les marchés financiers qui permet de garantir des facilités de financement pour les états
(autant du point de vue de l’accessibilité que du coût de la dette). Toutefois, même si l’action
de la BCE est vitale à court-terme, on peut craindre les effets que le surendettement des états
pourrait avoir sur l’économie européenne, de plus on peut se questionner dans quelles limites
la BCE va agir en soutien des états.

2.2 La dette comme moteur de la croissance


Malgré le fait que l’endettement puisse avoir un impact négatif sur la croissance dans
certains cas, le contraire peut également être vrai. L’endettement est un moyen permettant
de stimuler cette dernière.
Une analyse préalable des caractéristiques de la croissance d’un pays peut alors être
nécessaire afin de déterminer quelles politiques pourront être mises en place afin que
l’endettement public créé le plus de croissance possible.

Premièrement, dans un cadre Keynésien, si une politique budgétaire de relance est mise
en place, la dépense publique et le déficit vont augmenter et la demande va être stimulée.
Les politiques budgétaires expansives vont être des stimulateurs pour la croissance sur différents
aspects
En premier lieu, la mise en place de programmes soutenant la consommation tout en évitant
la fuite par l’épargne va entrainer une hausse de la demande des ménages stimulant alors la
production globale. Par exemple, en France la mise en place de mesures telle que la prise en
charge du chômage partiel a permis aux ménages de conserver un revenu stable et continuer
à consommer. De la même façon mais cette fois-ci pour les entreprises, les prêts garanties par
l’état ont empêché la dégradation de la trésorerie des entreprises et ont permis d’assurer la
continuité de l’activité. Ce type de mesures ponctuelles amortit les conséquences des chocs
de demande mais ont la particularité d’être coûteux
En second lieu, l’existence de stabilisateurs automatiques peut permettre une plus forte
résilience de l’économie aux fluctuations économiques (Farvaque E. et al, 2005), ces
stabilisateurs vont permettre de lisser la conjoncture et d’absorber les chocs. Par exemple, en
France, l’existence d’un système de prise en charge du chômage performant ou encore de
divers minimas sociaux permettent d’atténuer la violence des chocs. Les stabilisateurs ont tout
XIV
de même pour défaut d’entrainer un retour à l’équilibre plus lent. L’existence de tels
stabilisateurs entraine mécaniquement une hausse des dépenses publiques durant les crises.
Ce type de politiques purement keynésiennes peuvent être la solution à des crises passagères,
sur le court terme, elles ont pour défaut d’aggraver le déficit et l’endettement des états.
Elles reposent en grande partie sur l’hypothèse du multiplicateur keynésien qui suppose que
toute hausse de la demande globale stimulera plus que proportionnellement la production
globale (et inversement pour une baisse). Dans ce contexte, la prise en compte du
multiplicateur dans le cadre des politiques d’austérité ou de relance est déterminante pour
assurer la croissance. S’il est sous-estimé, les conséquences à court terme peuvent être
dramatiques. Cette situation s’est déroulée durant la crise grecque, lorsque l’état grec a
adopté les recommandations en matière budgétaire de la commission européenne, la
croissance s’est effondrée. En effet, le multiplicateur de la dépense publique avait été sous-
estimé et la rigueur budgétaire (hausse de l’impôt et baisse des prestations sociales diverses)
a lourdement impacté la croissance.
Pour assurer la stabilité de l’endettement, il est alors nécessaire de mettre en place des
politiques de rigueur durant les phases de croissance. Ce lissage conjoncturel se révèle en
pratique difficile à effectuer car les économies européennes, lorsqu’elles ne vivent pas des
périodes de crises, ont une croissance peu élevée, laissant alors peu de marge de manœuvre
aux politiques de rigueur.

Deuxièmement, la dette peut financer la croissance sur une temporalité plus longue, en
Europe, on observe une stagnation séculaire dans beaucoup de pays. A ce titre, des politiques
de l’offre peuvent sembler être la solution. Ce type de politiques permettrait de renforcer les
capacités de production et donc d’élever la croissance potentielle des pays. Selon l’OCDE,
hormis sur la récente phase de crise, l’écart entre croissance potentielle et effective reste assez
faible en France (Figure 13). Il peut alors paraître opportun de mettre en place des réformes
d’ordre structurelles afin d’améliorer les capacités de production.

Figure 13: Evolutions et perspectives de la croissance potentielle et effective de 1995 à 2023 Source : OCDE

Cette augmentation des capacités de production peut passer par une politique
d’investissement de l’état dans des infrastructures publiques, dans la recherche et le

XV
développement tout cela dans le but d’attirer de nouvelles sociétés innovantes et favoriser le
cadre dans lequel évoluent déjà les entreprises françaises. A cela, peuvent s’ajouter la
nécessité de réforme du marché du travail, avec notamment des améliorations de la
formation pour régler les problèmes d’appariement sur le marché du travail mais aussi pour
développer le capital humain. Ce type de mesures, au-delà d’augmenter la capacité de
production de l’économie peuvent permettre un accroissement de la productivité
multifactorielle. La productivité multifactorielle est la résultante tout autant du développement
du capital humain et de l’innovation il est donc important pour l’état de stimuler ces deux
facteurs afin d’éviter de rester dans une croissance stationnaire caractérisée par la baisse de
la productivité et un taux de croissance faible (Etude économique de l’OCDE, 2012).

Troisièmement, nous pouvons nous intéresser à la théorie monétaire moderne (TMM).


Cette théorie monétaire datant des années 90 a refait surface à la suite de la crise de la
COVID-19. En fait, durant la crise, on a pu observer une situation assez particulière : des états
fortement endettés, des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes et une inflation
extrêmement faible. Cette situation paradoxale était difficile à expliquer car l’excédent de
richesse injecté dans l’économie depuis la crise des subprimes, notamment à travers le
quantitative easing, n’a jamais entrainé d’inflation jusqu’en 2022, or l’un des principaux
facteurs d’inflation est l’excédent de création monétaire. Plusieurs économistes pensaient
même que l’inflation avait disparu.
C’est dans ce contexte que la théorie monétaire moderne s’est profilée au-devant de
la scène. Cette théorie monétaire, qualifiée de postkeynésienne, vise à atteindre le plein-
emploi (au mépris de la stabilité des prix selon certains économistes).
La TMM se base sur deux piliers : d’une part, que la monnaie n’est pas un intermédiaire des
échanges mais plutôt une « créature de l’état » (Knapp, 1924 ; cité par L’Œillet G., 2022) qui
est créé afin de financer les dépenses de l’état et d’autre part, que l’équilibre budgétaire n’est
pas une obligation, l’état peut s’autofinancer sans contrainte pour atteindre ses objectifs
macroéconomiques. Dans ce cadre, l’état et banque centrale sont rassemblés et c’est la
politique budgétaire qui domine (Piluso N., 2019).
De façon plus concrète, la TMM stipule que les états pourraient monétiser leur dette sans limites
et à un coût nul pour financer leurs différents grands objectifs dans le but d’atteindre le plein-
emploi. Les notions d’endettement et de soutenabilité deviendraient alors obsolètes. Un
endettement, théoriquement, infini de l’état permettrait de stimuler sur le court terme la
demande et sur le long terme des plans d’investissement structurels favorisant la transition
écologique et numérique, l’amélioration des infrastructures publiques…
Cette théorie est souvent qualifiée de sophisme et utilisé à des fins politiques malgré ses
défauts. Toutefois, d’un point de vue économique elle demeure cohérente (L’Œillet G., 2022)

XVI
mais sa réelle application n’a jamais été observé de façon durable ce qui la rend très
incertaine.
Des critiques doivent être apportés à cette théorie. Même si aujourd’hui, la dette des
états qui est détenue par la banque centrale pourrait s’apparenter au commencement de la
mise en place de la TMM il faut rappeler que la volonté de la détention de ces titres n’est pas
durable.
L’une des principales critiques est l’inflation, en effet un excès de création monétaire risque de
créer de l’inflation. L’excès de liquidité peut entrainer une hausse des revenus et donc de la
demande. Si, en parallèle, l’offre ne croît pas aussi vite ou reste stable, le risque de tensions sur
le niveau général des prix s’accroît (L’Œillet G., 2022). De plus, on remarque que l’inflation
pourrait ne pas toucher le secteur des biens et des services mais plutôt celui des actifs. En effet,
le surcroît de revenus n’est pas forcément dépensé mais il est investi dans des actifs divers :
immobilier, actions… En conséquence, on peut craindre la création de bulles spéculatives,
notamment dans le secteur immobilier qui risque renforcer les inégalités, réduire l’accès au
logement…
De plus, dans le cadre d’une économie ouverte, pour un régime de taux flottants, la création
monétaire sans limite risque de déstabiliser les taux de change (Summers L., 2020).
La TMM est une théorie qui s’est développée durant la crise de la COVID-19 notamment du
fait de l’inexistence de l’inflation et de la crainte des pays quant à leur endettement et la
soutenabilité de leur dette. Cependant, le retour de l’inflation en 2022 à l’échelle
macroéconomique a ralenti la diffusion de ces idées car il rendrait l’application d’une telle
mesure complexe du fait d’un contexte très incertain.

XVII
Conclusion
Pour conclure, on peut estimer que la soutenabilité de la dette souveraine est un
concept difficile à appréhender car il dépend d’une multitude de facteurs qui peuvent être
propres à chaque pays. Les récentes évolutions conjoncturelles qui ont engendré une
augmentation de l’endettement public renforcent tout de même la nécessité pour les états
d’un meilleur contrôle de leur déficit à l’échelle européenne. La grande hétérogénéité des
situations au sein de la zone euro présente la nécessité de revoir le cadre réglementaire dans
lequel évoluent les états. Les missions de la BCE devraient être redéfini, les critères de
convergences pourraient évoluer pour être plus réalistes mais aussi plus adaptés.

Il pourrait être intéressant d’analyser la possibilité du renforcement de l’UE en matière


budgétaire, notamment à travers la mise ne place d’un vrai budget européen permettant
de soutenir réellement les états membres en cas de chocs et afin de limiter la dominance
budgétaire actuelle.

XVIII
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