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INTRODUCTION

L’activité bancaire est internationale par vocation parce que les échanges
internationaux sont indispensables dès qu’un certain seuil de développement
économique est atteint.

Des activités se sont multipliées pour former une gamme d’opérations très
complète et souvent très sophistiquée : le change des monnaies, la circulation et
la négociation de moyens de paiement, les opérations de crédit etc.

Le domaine du droit bancaire tend à devenir si vaste qu’il appelle des sous-
spécialisations : droit pénal bancaire, droit bancaire du travail… droit bancaire
international.

Cette dernière branche a émergé lentement en conséquence de l’organisation des


banques qui séparaient dans leur personnel, leurs structures et leurs moyens,
l’activité interne de l’activité internationale.

Le droit bancaire international a vocation à regrouper tant les effets particuliers


entraînés par le cadre international sur les opérations internes lorsqu’elles
interviennent dans cet environnement élargi, que les opérations spécifiquement
internationales de banque.

Le droit bancaire international se développe dans un cadre juridique où la


principale source du droit est constituée par l’autonomie de la volonté. La liberté
contractuelle a abouti à un phénomène d’autorégulation des opérations
bancaires.

Nous allons nous cantonner dans cette étude au financement des opérations
internationales de crédit par caisse et par signature.
Ce choix est guidé par l’impératif de se conformer à la réalité de la pratique des
banques locales et celles de l’UMOA.

Les Opérations internationales de crédit par caisse

1- Les préfinancements

Les besoins de trésorerie, engendrés par une période de fabrication plus ou


moins longue précédant l’exportation, sont souvent supérieurs aux acomptes
reçus de l’acheteur. Dans le commerce interne, les crédits usuels de
fonctionnement couvrent ces besoins. Dans le commerce international,
différentes possibilités existent :

Crédit acheteur, crédit documentaire ou préfinancements classiques.

Il existe deux catégories de crédits de préfinancement : d’un côté, les crédits de


préfinancement dits crédits spécialisés, qui servent à financer un contrat
individualisé ; de l’autre, des crédits dits revolving qui permettent d’assurer le
financement pour un volant d’affaires non individualisées.

A- Les crédits de préfinancements revolving

Ces crédits sont accordés à des exportateurs qui justifient d’un mouvement
continu d’exportations. Ces crédits sont des crédits à taux fixe aujourd’hui
banalisés : ils sont fusionnés avec les crédits de trésorerie mobilisables consentis
aux entreprises.

On développera donc davantage les crédits de préfinancement spécialisés.


B- Les crédits de préfinancement spécialisés

S’agissant de crédits mis en place opération par opération ils ne sont pratiqués
que pour les marchés d’une certaine importance nécessitant une longue période
de fabrication ou de production. En effet ils ne sont pas exclusivement réservés
aux ventes de biens d’équipement, les contrats de prestation de services pouvant
également en bénéficier.

Le crédit est consenti au titulaire du marché à l’exportation. S’ils sont plusieurs,


un préfinancement pourra être accordé à chacun d’eux séparément. Il en va de
même en matière de co-traitance.

Lorsque le contrat principal fait l’objet d’une sous-traitance de la part de


l’entrepreneur principal, plusieurs schémas sont possibles :

- Soit le préfinancement est consenti à l’entrepreneur principal seul qui


pourra régler ses sous-traitants de telle façon à harmoniser ses paiements
avec les besoins engendrés chez le sous-traitant pendant sa propre période
de fabrication. Ce schéma est le plus simple au plan administratif mais fait
reposer les risques financiers sur l’entrepreneur principal qui demeure le
seul emprunteur ;

- Soit en consentant à chaque sous-traitant le crédit correspondant à ses


besoins et à sa part dans l’exécution du contrat principal. Ce schéma est
imposé lorsque le montant du contrat de sous-traitance est important. Il est
également rendu souhaitable lorsque la surface financière de
l’entrepreneur principal apparaît incompatible avec les montants en cause.
Chaque préfinancement est alors juridiquement distinct.
Montant du crédit

Il est fixé librement d’accord entre la banque et l’exportateur. L’emprunteur doit


fournir un plan prévisionnel mensuel de trésorerie impliquant pour toute la
période de fabrication les dépenses à engager (leur prix de revient) et les recettes
à intervenir. C’est la différence cumulée de ces montants qui constituera le
besoin maximal. Peuvent être prises en charge les dépenses industrielles mais
également tous les frais engagés pour satisfaire aux clauses contractuelles
comme par exemple les frais d’étude et les frais financiers.

Durée du crédit

Elle est déterminée en fonction de la durée de fabrication. Elle est en général


limitée à un an. Cette limitation ne signifie pas que le crédit ne puisse être plus
long. Le renouvellement peut être obtenu mais est généralement conditionné à
un examen approfondi de l’exécution du contrat commercial et de la conformité
à la réalité du plan de trésorerie.

En cas de pluralité de préfinancements pour un même contrat le crédit sera mis à


disposition en fonction de chacun des plans prévisionnels de trésorerie.

Taux du crédit

Le taux des crédits de préfinancement est en principe flottant et articulé sur le


taux de base bancaire. Cette variabilité fait naître un risque évident de taux, ce
qui peut avoir des conséquences graves pour l’exportateur : il sera parfois
difficile à celui-ci de répercuter sur l’importateur le coût. Aussi existe-t ’il un
système dit de « préfinancement à taux stabilisé ». L’exportateur peut, grâce à
ce système, opérer un calcul exact des frais financiers à inclure dans le prix de
vente. Le système repose en fait sur une procédure de refinancement de la
banque prêteuse. Celle-ci peut se refinancer au plus bas de ces deux taux :
-taux du marché monétaire à un mois

-taux de référence indiqué lors de l’accord de stabilisation de taux.

Il faut préciser que cette procédure n’est ouverte que pour les contrats d’une
certaine importance. Elle n’est d’ailleurs plus utilisée actuellement les banques
consentant ces concours en toute liberté à des taux qu’elles fixent librement.

Garanties de remboursement

Le risque de l’emprunteur en période de fabrication est de voir le contrat


interrompu ou bien impayé des acomptes stipulés au contrat. Il a ainsi la
possibilité (mais non l’obligation) de s’assurer contre ces risques par des polices
souscrites auprès de la COFACE (compagnie française d’assurance pour le
commerce extérieur) : la police risque de fabrication, la police risque
économique et la police risque de crédit.
LA COFACE

Statut

La Coface est une société anonyme à statut spécial. Elle est cotée en bourse et
est gestionnaire des garanties de l’Etat à l’exportation.

Cette activité représente 10% de son chiffre d’affaires.

Les commissaires du gouvernement qui siègent au sein du conseil


d’administration disposent d’un droit de veto sur les décisions susceptibles de
compromettre l’exercice des missions gérées pour le compte de l’ETAT.

Rôle

La COFACE joue un double rôle.

Elle gère, pour le compte de l’Etat, le service public de l’assurance-crédit


concernant les risques définis par décret en Conseil d’Etat. Dans cette fonction,
elle n’a pas pouvoir de décision propre : elle instruit les dossiers mais les
décisions sont prises par la commission des garanties et du crédit au commerce
extérieur. Du point de vue juridique, il en résulte une conséquence fort
importante : la décision d’octroi ou de refus de garantie est un acte administratif
dont la contestation doit être portée devant les juridictions administratives.

La COFACE gère comme n’importe quel assureur, l’assurance insolvabilité des


crédits à court terme ; elle accorde encore sa garantie aux établissements de
crédit qui financent le commerce extérieur.
Garanties accordées par la COFACE

Garantie du risque économique

Cette garantie couvre l’exportateur contre le risque résultant d’une augmentation


anormale de ses prix de revient, lors de la fabrication de biens ayant fait l’objet
d’un contrat à prix ferme.

Garantie du risque de change

Les garanties de change concernent les contrats en monnaie étrangère : elles


couvrent très schématiquement les variations des cours des devises entre le
moment où le prix est fixé et le moment où le règlement est effectué. Le montant
de la prime varie selon les polices et les monnaies. En cas de perte de change, la
COFACE indemnise l’assuré ; en cas de gain, le bénéfice du change lui est
versé.

Certaines polices couvrent les variations de cours entre l’offre et l’entrée en


vigueur du contrat.

Il est des polices qui garantissent les exportateurs contre les variations des cours
des devises dans lesquelles sont libellés les contrats de sous-traitance nécessaires
à l’exécution d’un marché à l’exportation.

La COFACE assure encore les établissements de crédits qui prennent des


engagements de caution ou de garantie à première demande, en faveur de
l’exportateur, contre les variations du cours de la devise dans laquelle est libellé
leur engagement.

Garantie des engagements porteurs d’exportations


L’exportateur peut être conduit, pour conquérir ou conserver des parts de
marché, à effectuer des investissements divers à l’étranger. Il peut s’agir de
prises de participations dans des sociétés importatrices, d’acquisitions de
réseaux de distribution, d’implantations d’établissements fabriquant sur place
une partie du produit … Ces investissements sont générateurs de risques divers.
La COFACE assure certains d’entre eux.

Le risque politique couvert est celui qui résulte des atteintes au droit de
propriété de l’investisseur, nationalisation, expropriation, changement de
législation hostile aux investissements étrangers, guerre, révolution, émeute etc.
La fermeture du marché aux exportations peut également être assurée.

Le risque de transfert est constitué par l’impossibilité de rapatrier tout ou


partie des fonds investis, pour des raisons politiques ou économiques propres au
pays en cause.

Dans tous les cas, les indemnités décroissent en fonction de la date de réalisation
du sinistre en raison de l’amortissement de l’investissement.
2- La Mobilisation des créances nées sur l’étranger

Descriptif de la procédure

Cette procédure concerne des créances à court terme d’une durée maximale de
dix-huit mois. Les exportateurs qui ont consenti à leurs partenaires étrangers des
délais de paiement à court terme pourront recevoir le montant de la créance
qu’ils détiennent et ce, dès la naissance de celle-ci. Il s’agit donc d’une
procédure de mobilisation auprès des banques de créances sur clients étrangers.
Cette procédure fonctionne grâce à l’intervention de la Banque de France (ou la
Banque Centrale pour l’UMOA) auprès de laquelle les banques peuvent se
mobiliser elles-mêmes.

Domaine d’utilisation de la procédure

La procédure vaut pour des ventes à direction de tous pays étrangers au sens de
la réglementation.

Les ventes doivent être des ventes fermes et non des ventes en consignation, par
exemple des avances de caractère financier au profit d’agences, de filiales
étrangères ou de concessionnaires.

Conditions d’éligibilité

Ce sont d’abord des conditions de durée : seules des créances à court terme
peuvent faire l’objet d’une mobilisation. Plus précisément, sont créances à court
terme des créances dont le délai de règlement n’excède pas dix-huit mois, à
compter de la naissance de la créance. Bien souvent en fait, le délai de dix-huit
mois se calcule à compter du franchissement de la frontière nationale tel
qu’attesté par le document de transport. En principe il n’y a pas de condition de
montant posée pour la réalisation des crédits, la mobilisation pouvant porter sur
l’intégralité de la créance.
Mobilisation

Un accord préalable de mobilisation de la Banque de France (Banque Centrale)


est indispensable dès lors que les créances ont un terme supérieur à six mois et
pour les créances correspondant à des exportations ne donnant pas lieu à
expédition de marchandises.

La règle vaut également pour des créances naissant après la réalisation de


certaines prestations postérieures à l’expédition des marchandises(montage).

Techniquement la mobilisation se réalise selon deux moyens pouvant être mis


en œuvre :

- Tirage d’une lettre de change

L’exportateur tire une lettre de change sur son banquier mobilisateur qui
l’accepte.

- Signature d’un billet

L’exportateur souscrit un billet à ordre de la banque sur lequel est apposé un


aval bancaire. L’aval de la COFACE n’est pas requis pour les opérations de
mobilisation.

Dans le régime normal, sont requises les références suivantes :

- Montant de la créance ;

- Nature des marchandises exportées ;

- Nom de l’acheteur étranger et du pays destinataire ;

- Dates d’expédition ;

- Date de règlement prévue au contrat commercial ;


- Part des divers intervenants pour les prêts accordés par un pool bancaire.

Dans le régime de dispense de références, il n’est plus nécessaire de fournir ces


diverses indications, la banque exerçant un contrôle annuel lors de la signature
de l’accord de mobilisation.
3- Les crédits fournisseurs et crédits acheteurs

Origine et évolution du crédit fournisseur

A l’origine le système du crédit fournisseur permettait à un exportateur français


de faire escompter des créances qu’il détenait sur un acheteur étranger, et cela
sans limite de montant puisque l’escompte pouvait atteindre 100%. Dans ce
système intervenaient obligatoirement la Banque française du commerce
extérieur, chargée d’un réescompte à taux préférentiel et la COFACE, chargée
de la garantie de certains risques. La BFCE assurait aussi un rôle de garantie
pour le risque commercial : elle intervenait en effet obligatoirement pour
conférer sa garantie de bonne fin.

Par la suite, la philosophie du système a changé. Dans le cadre de la


dérèglementation souhaitée par les pouvoirs publics, l’idée dominante a été de
favoriser le développement d’un « secteur libre ».

Le crédit fournisseur est un crédit de mobilisation de créances détenues par un


exportateur sur un acheteur étranger. Le banquier de l’exportateur procède à un
escompte des effets de commerce matérialisant les créances détenues par
l’exportateur sur son acheteur. Le crédit de mobilisation sera un crédit à taux
privilégié.

Un certain nombre de conditions sont ici requises pour que puisse être utilisée
cette technique.

- Les crédits fournisseurs concernent des exportations de biens


d’équipement ou de prestations de service. Ils peuvent aussi être accordés
pour des exportations de petits biens d’équipement, pour des exportations
de produits semi-ouvrés ou de biens de consommation et matières
premières (dans le cas de protocoles intergouvernementaux).
- La créance doit être une créance commerciale résultant d’un contrat
d’exportation réalisée par une entreprise locale avec un acheteur étranger.

- La créance commerciale doit être certaine dans son principe, son montant
et sa date d’exigibilité.

- Sont exclus du bénéfice de la procédure : les dépenses effectuées dans le


pays de l’acheteur et qui ne représentent pas des exportations ; les
acomptes réglés par l’acheteur directement.

Les partenaires dans les opérations de crédit fournisseur

On rencontre divers acteurs plus ou moins liés à la puissance publique.

- Administration : il s’agit en l’espèce de la commission des garanties et du


commerce extérieur qui donne des avis sur les demandes de crédit et sur
les conditions de leur octroi.

- COFACE : son intervention est en principe obligatoire dans les crédits


fournisseurs à moyen et long terme.

- BFCE : sa garantie de bonne fin consiste à assurer aux banquiers


escompteurs le remboursement du crédit consenti à l’exportateur si celui-
ci ne peut rembourser les impayés. Actuellement, les banques ont le choix
entre deux solutions : ou bien, elles conservent le risque final du crédit ;
ou bien elles s’abonnent par périodes d’un an à la garantie de la BFCE. Le
choix fait par la banque est irrévocable. La conservation du risque par la
banque lui donne droit à une rémunération. Si la banque est « abonnée »
c’est la BFCE qui recevra cette rémunération.
Crédits acheteurs

Contrat commercial et contrat financier

L’idée était de dissocier le contrat commercial de son financement en accordant


le crédit non plus à l’exportateur mais bien davantage à l’acheteur étranger. On a
donc ici deux contrats indépendants :

- Le contrat commercial entre l’exportateur et l’acheteur étranger ;

- Le contrat financier entre l’acheteur et la banque française.

Pour le reste, les mécanismes d’assurance et de financement sont assez


comparables à ceux du crédit fournisseur.

Le champ d’application et la durée des crédits acheteurs sont soumis aux mêmes
règles que les crédits fournisseurs de mobilisation de créances nées à moyen
terme.

Les taux des crédits acheteurs sont semblables aux taux des crédits fournisseurs ;
les possibilités de stabilisation des taux sont identiques.

L’exportateur n’a pas à se soucier du risque financier dans ce système ; il peut


négocier librement en ne prenant en compte que des considérations strictement
commerciales. En pratique cependant le contrat commercial doit respecter les
impératifs du financement.

Le crédit acheteur a connu un très beau développement qui s’est réalisé au


détriment du crédit fournisseur, voire au détriment des crédits de
préfinancement. En effet dans cette technique l’acheteur trouve un système qui
est clair quant aux conditions financières qui peuvent lui être accordées. Le taux
du crédit est ici mis en évidence ; dans le crédit fournisseur au contraire, le taux
est souvent dilué dans un ensemble d’autres éléments de coût financier.
Pour l’exportateur, ce système évite de voir s’accroître son endettement
bancaire ; par la technique des paiements progressifs, il peut bénéficier d’un
préfinancement qui n’entraînera pour lui aucun coût financier.

Autonomie et dépendance entre les deux contrats

Le contrat commercial doit prendre en compte un certain nombre d’exigences


financières.

- a - Clause de paiement

Le contrat commercial stipule au bénéfice de l’exportateur que les paiements


seront au comptant et auront un caractère irrévocable et définitif. Les clauses de
paiement doivent être précises et organisent le paiement autour de l’une de ces
trois formules.

1- Paiement en fin de prestations

On parle ici de crédit monobloc. La formule est surtout pratiquée pour les
contrats de petite ou moyenne importance. Elle peut être aussi utilisée pour des
ventes d’ensembles industriels : le règlement interviendra par exemple lors de la
mise en route.

2- Paiement progressif sur prestations externes

Les paiements se font au fur et à mesure des expéditions et de la réalisation des


prestations de services.

3- Paiement progressif sur prestations internes

Le paiement se fait au fur et à mesure des dépenses engagées par l’exportateur.


Pour déterminer le moment des paiements, on peut choisir un certain nombre de
clés techniques qui marquent le déroulement de l’opération : l’arrivée des
matières premières ; l’arrivée du matériel, etc.
Pour l’exportateur, il ne fait pas de doute que cette formule est très intéressante
car elle assure un paiement dans des conditions de parfaite rapidité ; en outre les
coûts de préfinancement disparaissent pour lui. C’est l’acheteur qui assume la
charge financière des paiements progressifs. Les risques du fournisseur sur
l’acheteur au titre de l’opération sont également limités grâce à ce système.

b- clause relative aux délais d’exécution

Le point de départ de la période de remboursement du crédit est fonction du


délai d’exécution du contrat.

L’Administration fixe une date butoir au-delà de laquelle le point de départ de la


période de remboursement ne peut pas se situer.

Mécanisme du crédit acheteur

De la relation directe emprunteur- banque, naît la nécessité de passer une


convention d’ouverture de crédit acheteur séparée du contrat commercial. Il y
aura ainsi, pour toute exportation financée par crédit-acheteur deux
conventions : le contrat commercial et l’ouverture de crédit. En fonction des
conditions acceptées par la Commission des Garanties, acheteur et vendeur se
mettront d’accord, dans le contrat commercial, sur un paiement du prix par
crédit-acheteur. Le contrat commercial contiendra généralement une condition
suspensive pour son entrée en vigueur : la signature d’une convention de crédit-
acheteur. Cette dernière sera négociée entre la banque et l’emprunteur. Une fois
signée, la convention doit être mise en place. Cette phase est également appelée
« montage » par les praticiens ; elle couvre la période s’étendant entre la
signature du crédit et son utilisation. Elle comporte deux opérations
importantes : la notification du crédit à l’exportateur et la levée des conditions
préalables qui permettront d’utiliser ce crédit.
Le crédit est consenti à l’emprunteur mais les fonds sont versés entre les mains
du fournisseur : il doit donc savoir si la banque lui versera ces fonds et à quelles
conditions. Comme en matière de crédit documentaire, le fournisseur jouant le
rôle de bénéficiaire, l’ouverture de crédit lui sera notifiée avec indication des
documents qu’il devra présenter à la banque pour justifier son droit au paiement.
Les paiements dus par l’acheteur étranger seront effectués par la banque sur
présentation des documents et seront imputés sur le montant du crédit.

En fait, ce système est assez proche du crédit documentaire : la banque demande


en effet à l’acheteur étranger de lui donner un mandat irrévocable de payer
directement l’exportateur en utilisation des fonds prêtés.

Les conditions préalables à l’utilisation devront être remplies par l’emprunteur.


Elles comportent généralement la souscription de billets à ordre en blanc
représentatifs du principal et des intérêts du crédit, la preuve de l’existence
légale de l’emprunteur et de ses pouvoirs, la fourniture des autorisations
administratives requises par le pays de l’emprunteur (autorisation d’acheter des
devises, de les transférer…) le paiement des commissions bancaires, la
constitution des garanties…

Simultanément sont délivrées les deux polices Coface l’une couvrant


l’exportateur, l’autre couvrant le banquier.

Mécanismes d’assurance

Le crédit-acheteur se réalise sur la base de deux contrats. Il est aussi à l’origine


de deux risques, ce qui peut conduire la Coface à délivrer deux polices.
a- Police au profit de l’exportateur

Ce dernier s’assure contre le risque de fabrication à concurrence de 90% si le


fait générateur du sinistre est de nature politique et 85% s’il est de nature
commerciale.

Par ailleurs, l’exportateur s’assure contre les risques dits de crédit et de non-
mise en place du crédit-acheteur. L’assurance ici protège contre les risques de
non-paiement courus par le fournisseur, dans le cas où le crédit ne pourrait être
utilisé.

Les deux risques peuvent être couverts ensemble ; ils peuvent également être
dissociés.

b- Police émise au profit de la banque

Celle-ci ne garantit que dans une limite de 95% contre le risque politique et le
risque commercial ou de carence.

Les banques sont couvertes contre deux sortes de risques :

Non-remboursement aux échéances convenues des sommes mises à la


disposition de l’acheteur ;

Non-paiement des intérêts et des commissions.


Utilisation du crédit

Pour que le crédit-acheteur puisse être utilisé, il est nécessaire que l’ensemble
des conditions préalables, tant du chef de l’emprunteur que de celui de
l’exportateur, soit rempli.

L’utilisation est faite dans un laps de temps déterminé appelé « période


d’utilisation ». Cette période s’étend de la date à laquelle les conditions
préalables sont remplies jusqu’à la date limite d’utilisation. Cette dernière date
est fixée en fonction de la fin des prestations incombant à l’exportateur.

L’utilisation est faite par la banque prêteuse aux termes des instructions
irrévocables qui lui sont données dans la convention de crédit-acheteur où
l’emprunteur lui enjoint de réaliser le crédit « pour son compte, en son nom et
son acquit ».

Comparaison crédit fournisseur- crédit acheteur

Le crédit acheteur répond mieux aux opérations de grande importance, de


longue durée et de montants élevés. L’inconvénient du crédit acheteur réside
dans l’existence de deux contrats indépendants impliquant une double
négociation ayant pour conséquence une lourdeur et une rigidité dans la mise en
place, et un coût excessif lié à la rigueur même du montage et à la gestion des
dossiers. Sous cet angle le crédit acheteur présente une moins grande simplicité
dans son usage que le crédit fournisseur.

Le crédit fournisseur par contre est une formule particulièrement indiquée pour
les petits contrats et avec de bons clients, car il présente plus de souplesse dans
la liberté de négociation avec le client et laisse la totale liberté de manœuvres à
l’exportateur. Par conséquent, ce dernier peut librement et efficacement gérer
ses dettes et ses relations avec la clientèle.
4- L’Affacturage à l’exportation

L’affacturage à l’exportation ne s’éloigne guère de l’affacturage sur le marché


intérieur. Aussi allons-nous présenter quelques généralités sur celui-ci.

L’affacturage (factoring en anglais) intervient dans le cadre d’une convention


préalable : un établissement de crédit (appelé factor ou affactureur) règle les
créances de son client (appelé adhérent ou fournisseur) sur ses propres clients
(acheteurs ou bénéficiaires de services) et lui rend divers services de gestion,
moyennant rémunération. Il s’agit donc à la fois d’un instrument de crédit par
mobilisation de créances à court terme et d’un outil de gestion.

L’affacturage est donc une opération ou une technique de gestion financière par
laquelle, dans le cadre d’une convention, un organisme spécialisé gère les
« comptes clients » d’entreprises en acquérant leurs créances, en assurant celles-
ci, en assurant le recouvrement pour son propre compte et en supportant les
pertes éventuelles sur les débiteurs insolvables. Ce service qui permet aux
entreprises qui y recourent d’améliorer leur trésorerie et de réduire leurs frais de
gestion est rémunéré par une commission sur le montant des factures.

L’affacturage n’est pas nécessairement un instrument de mobilisation des


créances commerciales de l’adhérent. Il est d’abord possible que le factor, sans
acquérir les créances, se charge néanmoins de leur recouvrement en tant que
mandataire.
S’agissant des factures dites « approuvées », celles que le factor acquiert, le
mécanisme financier se présente d’abord comme une garantie de l’insolvabilité
du débiteur de l’adhérent : le factor règle son client et, dans la formule
traditionnelle, il n’a de recours contre lui que si la créance transmise est nulle,
inexistante ou viciée. L’aspect financier de l’affacturage peut se limiter à cela
dans l’hypothèse où le factor ne paie qu’à l’échéance (affacturage à
l’échéance).

Le plus souvent, l’affacturage réalise une opération de crédit en ce sens que le


factor paie dès qu’il acquiert la créance c’est-à-dire avant son échéance
(affacturage traditionnel).

L’affacturage implique un service de gestion commerciale

La fourniture de divers services par le factor à l’adhérent est l’élément


caractéristique de l’affacturage.

Le premier de ces services découle de l’aspect financier de l’opération puisque


le factor décharge l’adhérent du soin de recouvrer ses créances et lui en garantit
le paiement.

Lorsque le factor n’acquiert pas la créance mais se charge de son recouvrement


pour le compte de l’adhérent, il agit comme un mandataire soumis aux
allégations classiques de ce représentant.

A ce service peut s’ajouter la fourniture d’un crédit : le factor, se comportant


comme n’importe quel établissement de crédit, peut accepter librement de
consentir à son adhérent des avances, au vu des factures qu’il a la mission
d’encaisser ; il conserve alors un recours contre l’adhérent en cas de non-
paiement.

L’affacturage se distingue de l’escompte


Alors même que le factor acquiert la créance et en verse immédiatement le
montant à l’adhérent, l’affacturage se distingue radicalement de l’escompte, du
point de vue de son mécanisme juridique, puisque le factor n’a pas, en principe,
de recours contre l’adhérent en cas de défaillance du débiteur.
L’affacturage ne peut être réduit à un mandat

Si l’on excepte l’hypothèse où le factor n’acquiert pas la créance mais se charge


seulement de son recouvrement, l’affacturage ne peut être réduit à un mandat
puisque le factor qui est devenu titulaire de la créance la recouvre en son nom et
pour son compte.

L’affacturage ne doit pas être confondu avec l’assurance-crédit

Quoique l’assurance-crédit fournisse également une garantie de paiement, elle


ne saurait être confondue avec l’affacturage. Elle ne couvre qu’une partie du
risque d’insolvabilité. Les paiements n’interviennent, dans son cadre, qu’une
fois l’insolvabilité établie.

En revanche, l’affacturage est très souvent associé à l’assurance-crédit : le factor


souscrit une police globale avec un avenant pour chaque nouveau client ; il
n’accorde de crédit à l’adhérent qu’après acceptation de son dossier par
l’assureur.

Risques particuliers à l’affacturage à l’exportation

Par rapport à l’affacturage sur le marché intérieur l’affacturage à l’exportation


présente des avantages plus considérables, compte tenu des risques particuliers à
l’exportation.

Un premier risque est celui de la médiocre connaissance de son partenaire


étranger : l’organisme d’affacturage peut ici apporter des renseignements dont il
dispose sur l’acheteur étranger.

Un second risque est celui du non-paiement. Par rapport aux services rendus par
l’assurance-crédit, l’affacturage donne une couverture à 100% sans risque
résiduel. Le règlement est ici opéré à l’avance. Par ailleurs toute la charge
administrative du recouvrement des créances sur l’étranger disparaît.
Le factoring est surtout intéressant pour les PME-PMI en croissance qui n’ont
pas une structure financière et administrative susceptible de faire face à leur
expansion.

Règlementation uniforme de l’affacturage

Elle découle de la convention sur l’affacturage international conclue à Ottawa en


1988 qui détermine les relations juridiques naissant du factoring international.

Les dispositions essentielles de cette convention sont les suivantes :

- La cession de créance doit être notifiée ;

- Le débiteur peut exercer contre le factor la compensation avec des


créances détenues sur le fournisseur : il conserve contre ce factor les
moyens de défense nés du contrat de vente ;

- Les clauses insérées dans un contrat de vente interdisant la cession de


créance sont sans effet.
5-Le crédit-bail à l’exportation

Notion de crédit-bail

Définition

Le crédit-bail se présente comme un mode de financement d’achats de biens


d’équipement, de biens de consommation durable effectués par des sociétés
financières spécialisées acquérant la propriété de ces biens pour le compte d’un
tiers et les lui confiant en location pour une durée plus ou moins longue. A terme
de la période locative, le preneur a en principe la faculté d’acquérir la propriété
du bien pour un faible prix, déterminé dès la conclusion du contrat.

Le mécanisme du crédit-bail suppose donc au départ un professionnel


(commerçant, industriel, agriculteur ou membre d’une profession libérale) qui,
ayant besoin d’un matériel, ne souhaite pas en assurer le financement par les
modes habituellement utilisés. Il a donc recours à une société de crédit-bail qui
va acquérir ce matériel afin de le lui louer par la suite pour la durée de la vie
économique ou de l’amortissement fiscal dudit matériel. D’une manière plus
précise, il va dans un premier choisir lui-même le matériel qui fera l’objet du
contrat de crédit-bail. Après signature de ce contrat, la société de leasing paye
intégralement le fabricant et met le matériel à la disposition du professionnel
moyennant un loyer. Préalablement à la conclusion du contrat, la société de
crédit-bail aura ouvert un dossier en vue de procéder à une étude et une enquête
de solvabilité et d’honorabilité tout à fait conforme à celles auxquelles procèdent
les banques sollicitées pour la concession d’un crédit : étude de la situation
financière, du bilan et du compte d’exploitation, références, rentabilité et utilité
du matériel demandé… Sa responsabilité risque en effet d’être engagée faute,
avant d’octroyer un prêt, d’effectuer un minimum de vérifications sur la
situation de l’emprunteur, afin de s’assurer que le montant des remboursements
proposés est compatible avec sa situation.
Quel que soit l’état d’avancement des pourparlers entre l’entreprise utilisatrice et
le vendeur de matériel, la société de crédit-bail conserve l’entière liberté de
donner suite ou non à l’opération qui lui est proposée.

Problème de la loi applicable au crédit-bail à l’exportation

A supposer que les parties n’aient rien prévu, quelle peut être la loi applicable ?
Pour MM Gavalda et Bey, le noyau dur de l’opération est constitué par le
contrat de location : le louage est ici le rapport fondamental. La convention
devra donc être soumise à la loi du pays du locataire, le locataire étant le
personnage principal dans l’opération. Au contraire, le Professeur Vasseur
affirme la primauté de la loi de l’établissement financier qui a consenti le crédit.
L’argument consiste à faire valoir le fait que le crédit-bail est une opération de
crédit, une opération financière. A l’heure actuelle cette controverse ne semble
pas avoir suscité d’applications pratiques.

Eligibilité aux procédures de garantie et de financement des exportations

Les sociétés de crédit-bail peuvent bénéficier d’une garantie Coface à


l’exportation.

Un certain nombre de conditions spécifiques sont fixées :

- Les matériels doivent relever de certaines catégories : les avions et


notamment les Airbus ont été pour l’essentiel les objets privilégiés du
crédit-bail ;

- Le contrat de crédit-bail doit être irrévocable pendant la durée garantie. Il


doit être prévu qu’en cas d’interruption de la location, tous les loyers
restant à percevoir seront dus même si le bien loué, propriété du bailleur,
lui est restitué ;
- La durée de la location ne peut pas dépasser la durée du crédit qui aurait
été admise s’il s’était agi d’une vente pure et simple à l’exploitation. La
valeur résiduelle du bien doit être aussi faible que possible, le cas échéant
strictement symbolique ;

- Le preneur étranger doit verser au plus tard à la livraison 15% de la valeur


du bien loué à titre d’acompte.
Les Opérations internationales de crédit par signature

A – Le crédit documentaire

Le crédit documentaire est un moyen et une garantie de paiement créé par la


pratique bancaire pour surmonter la méfiance entre partenaires commerciaux
éloignés et n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble.

Le crédit documentaire est un moyen de paiement du prix de prestations


commerciales qui présente pour les deux parties des garanties efficaces contre
les risques spécifiques du commerce. Il repose sur l’intervention d’une banque
qui, à la demande d’un partenaire à une opération commerciale (donneur
d’ordre), permet de payer le vendeur contre remise de documents.
Particulièrement efficace dans le commerce international, le recours à ce
mécanisme n’est pas exclu dans les relations internes, encore qu’il soit rare.

Schéma pratique des opérations de crédit documentaire

L’exportateur et l’importateur conviennent, lors de la conclusion du contrat, que


son règlement s’opèrera par crédit documentaire. L’importateur (donneur
d’ordre) fait ouvrir par sa banque (banque émettrice) un crédit documentaire,
sous forme « d’accréditif » ou de lettre de crédit, au profit de
l’exportateur(bénéficiaire). Le banquier émetteur notifie le crédit à l’exportateur
puis le paie (ou accepte une traite) contre présentation et après vérification des
documents prévus. Le plus souvent, pour faciliter les échanges et accroître les
garanties, intervient un autre banquier, dit intermédiaire, (généralement celui de
l’exportateur) par lequel passe la notification du crédit et qui fréquemment se
charge de payer ou(et) ajoute son propre engagement à celui du banquier
émetteur.
Le crédit documentaire a donc une fonction de paiement et une fonction de
garantie. Pour l’exportateur celle-ci résulte de l’engagement du banquier.

Droit applicable : règles et usances uniformes relatives aux crédits


documentaires

Institution née de la pratique, le crédit documentaire suit un droit qui a la même


origine. L’essentiel du droit en la matière est renfermé dans les « Règles et
usances uniformes relatives aux crédits documentaires » élaborées par des
praticiens (essentiellement des banquiers) sous l’égide de la chambre de
commerce internationale en 1993 et modifiées depuis à plusieurs reprises.

L’adhésion à ces règles est soit individuelle de la part des banques, soit décidée
par leurs organismes nationaux. La plupart des systèmes bancaires ont adhéré.

Le plus souvent, les crédits documentaires portent un renvoi exprès à ces règles
dont la force obligatoire découle donc de la volonté des parties. Faute d’un tel
renvoi, on considère que les règles s’appliquent à titre d’usage. Même si ces
règles et usances fournissent la solution à la plupart des difficultés, il faut
rattacher le contrat à une loi. Ce rattachement doit être opéré selon les règles
générales de conflit : la loi choisie par les parties. A défaut, la loi de la banque
émettrice et celle du lieu de réalisation du crédit ont vocation à s’appliquer.
Différentes formes de crédit documentaire

1- Selon l’objet du contrat de base

Sous l’empire des Règles et usances dans leur version ancienne, on pouvait se
demander si le crédit documentaire n’était pas réservé au financement des
opérations concernant des « marchandises » puisque les dispositions en cause ne
visaient que ce terme. En pratique, il était admis que le mécanisme pouvait
servir à propos des services. Les RUU font expressément référence aux «
marchandises, services et/ou autres prestations ».

2- Selon la force de l’engagement du banquier

Crédit documentaire irrévocable

Le plus souvent la banque s’engage personnellement à l’égard du bénéficiaire.


Pour autant que les documents stipulés soient remis et les conditions du crédit
respectés, le banquier est tenu de manière ferme, directe et autonome. Les
Règles et usances prévoient, qu’à défaut d’indication contraire, le crédit est
réputé irrévocable.

- Engagement ferme

L’engagement du banquier est ferme en ce sens qu’il doit payer, accepter ou


négocier la traite, aux dates prévues, conformément aux stipulations du crédit. Il
ne peut modifier son engagement ou y revenir, de sa propre initiative ou à la
demande du donneur d’ordre, qu’avec le consentement de toutes les parties,
bénéficiaire et banquier confirmateur notamment.
- Engagement direct

L’engagement du banquier est direct : le bénéficiaire agit en vertu d’un droit


propre et non d’une créance appartenant au donneur d’ordre qu’il aurait reçu
mandat d’exercer.

- Engagement autonome

Le caractère direct de l’engagement ne procurerait pas la sécurité attendue s’il


était accessoire ou dépendant de quelque autre. La caractéristique majeure du
crédit documentaire réside dans l’autonomie de l’obligation de l’émetteur (et du
banquier confirmateur). L’engagement du banquier envers le bénéficiaire est
indépendant des rapports entre ce même banquier et son donneur d’ordre. La
révocation du crédit par celui-ci, sa faillite, son décès ne permettent pas au
banquier de se libérer. De même le bénéficiaire du crédit ne peut en aucun cas se
prévaloir des rapports contractuels existant entre les banques ou le donneur
d’ordre et la banque émettrice. L’engagement du banquier est indépendant des
relations existantes entre l’importateur donneur d’ordre et l’exportateur
bénéficiaire : le banquier ne peut invoquer aucune des exceptions liées à
l’inexécution du contrat de base. La résolution du contrat de base n’entraîne pas
celle du crédit documentaire. Le donneur d’ordre ne peut faire défense au
banquier de payer pour les mêmes raisons. Seule la fraude permet de paralyser
l’obligation.

L’indépendance doit être bien comprise : elle ne signifie pas que l’engagement
soit sans lien avec le contrat de base qui le prévoit, en détermine les conditions
et précise les documents à considérer ; elle signifie que l’exécution de
l’engagement pris par le banquier ne peut dépendre de celle du contrat de base.
- Date

Les droits du bénéficiaire à l’encontre du banquier émetteur naissent à la


réception de la notification et non pas dès la conclusion de la convention entre
le donneur d’ordre et le banquier.

Crédit documentaire révocable

Le crédit révocable peut être amendé ou annulé par la banque émettrice à tout
moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable. La situation du
bénéficiaire est donc précaire mais il ne l’ignore pas puisqu’il a accepté cette
modalité. Le banquier peut révoquer soit de sa propre initiative, soit à la
demande du donneur d’ordre. Il ne faut pas conclure que l’engagement
révocable n’a aucune réalité. Tout d’abord, le banquier et le donneur d’ordre ne
disposent pas d’une liberté totale ; le droit commun de la révocation des
ouvertures de crédit a vocation à s’appliquer dans les relations entre le banquier
et le donneur d’ordre et le contrat de base peut limiter le droit de révocation dans
les rapports entre importateur et exportateur. Par ailleurs, la révocation ne
dispense pas la banque émettrice de rembourser l’autre banque qui a réalisé le
crédit avant d’avoir reçu l’avis d’amendement ou de révocation. Enfin si le
banquier n’est pas tenu ab initio envers le bénéficiaire, son engagement devient
irrévocable en vertu des lois du change, lorsqu’il a accepté la traite qui lui a été
présentée.

3- Selon le rôle du banquier intermédiaire

Notification, réalisation, confirmation du crédit

Le banquier qui ouvre le crédit étant généralement celui de l’importateur,


l’exportateur exige, le plus souvent, l’intervention d’une autre banque (la sienne)
pour sa sécurité et commodité.
Ce banquier intermédiaire peut se borner à notifier le crédit au bénéficiaire en
vérifiant seulement avec un soin raisonnable, l’authenticité apparente du crédit,
sans engagement de sa part.

Le banquier intermédiaire peut être chargé de réaliser le crédit ; il est dit


« banquier désigné ». Sans engagement propre de sa part, il paie, accepte ou
négocie pour le compte de son mandant, le banquier émetteur, qui lui devra
remboursement.

Il est enfin fréquent que le banquier intermédiaire s’engage personnellement


envers le bénéficiaire ; il « confirme » le crédit irrévocable de l’émetteur en
souscrivant un engagement analogue au profit du bénéficiaire, qui dispose alors
de deux engagements bancaires directs et autonomes l’un vis-à-vis de l’autre et
naturellement vis-à-vis de celui du donneur d’ordre.

4- Selon l’exécution

a- Paiement à vue

Le crédit documentaire, dans le cas le plus simple, implique un paiement à vue.


Le paiement du bénéficiaire par le banquier intervient contre remise des
documents immédiatement après leur vérification.

b- Paiement différé

L’engagement du banquier est à terme ; le banquier paie à l’expiration d’un


certain délai suivant, notamment, la date du document de transport.
Concrètement, le paiement n’a souvent lieu qu’après réception des marchandises
par le donneur d’ordre.
c- Acceptation

L’engagement du banquier se réalise par acceptation, contre remise des


documents, de la lettre de change tirée par le bénéficiaire. Celui-ci désormais
créancier cambiaire, peut faire escompter sa traite selon le droit du change.

d- Négociation

En même temps que les documents, le bénéficiaire présente une lettre de change,
à vue ou à terme, qu’il a tirée. Le banquier réalisateur négocie cet effet en
l’escomptant. A la différence de l’hypothèse précédente, le paiement est ici
intégré dans le mécanisme même du crédit.

5 Modalités particulières

- Crédit transférable

Le crédit transférable est celui en vertu duquel le premier bénéficiaire peut


demander au banquier autorisé à payer (banque transférante) de permettre
l’utilisation du crédit en totalité ou en partie par un ou plusieurs tiers (second
bénéficiaire). Le crédit n’est transférable que si l’émetteur l’a expressément
qualifié de tel. Il doit s’agir d’un crédit irrévocable. Le transfert ne peut être
opéré qu’une fois, en ce sens que le second bénéficiaire ne peut transmettre à
son tour le crédit sauf naturellement stipulation contraire. En revanche le
transfert peut avoir lieu par fractions pourvu que les expéditions partielles ne
soient pas interdites. Concrètement, le premier bénéficiaire donne au banquier
réalisateur, ordre de transférer le crédit (il supporte les frais de l’opération) et le
banquier émet un second accréditif au profit du second bénéficiaire.

- Crédit revolving, tirages partiels, tirages fractionnés

Le crédit documentaire peut être revolving ou « permanent » c’est-à-dire


renouvelable automatiquement.
Le crédit peut être utilisable en plusieurs fois, chaque tirage partiel doit alors
donner lieu à présentation d’un jeu de documents.

La réalisation du crédit peut avoir lieu en plusieurs fractions intervenant à des


périodes déterminées, par exemple une partie lors de la remise des
marchandises, une partie lors de l’embarquement.

- Crédit subsidiaire ou adossé

Le crédit subsidiaire, encore appelé crédit adossé ou contre-crédit ou « back-to-


back crédit », est un second crédit documentaire ouvert, à la demande du
bénéficiaire du crédit principal, au profit d’un de ses fournisseurs, par la banque
chargée de la réalisation du crédit principal.

Les deux crédits sont juridiquement distincts ; leurs conditions et documents


peuvent être différents. Les crédits sont cependant liés entre eux car au moment
de la réalisation du crédit subsidiaire le banquier garde les documents que lui a
remis le fournisseur et ne les transmet à l’intermédiaire que lorsque celui-ci lui
remet les documents du crédit principal ; par ailleurs, les fonds du crédit
principal sont affectés au remboursement de la banque qui pour la réalisation du
crédit subsidiaire a payé le fournisseur lors de la présentation de ses documents.

Réalisation du crédit documentaire

La réalisation du crédit est subordonnée à la présentation des documents.


Doivent être présentés tous les documents que mentionnent l’accréditif ou la
lettre mais seulement ceux-là.

Les banques n’examinent pas les documents non requis dans le crédit ; elles les
réexpédient sans encourir quelque responsabilité que ce soit.
Le contrôle porte sur les documents, à l’exclusion des marchandises services ou
autres prestations auxquels ils peuvent se rapporter. Il porte aussi sur l’apparente
conformité avec les conditions du crédit. L’examen doit être fait avec un soin
raisonnable. Des divergences mineures et purement formelles ne pouvant prêter
à confusion ne font pas obstacle à la conformité. Les RUU accordent un délai
raisonnable pour la vérification ; ce délai court de la réception des documents et
varie de deux à six jours ; il ne peut dépasser sept jours ouvrés.

Les documents

Objets d’une vingtaine d’articles des Règles et usances, les documents sont au
centre du crédit documentaire. Ils établissent le lien entre le crédit et le contrat
tout en fondant l’indépendance de celui-là par rapport à celui-ci. Puisque tout
s’ordonne autour d’eux seuls, il est nécessaire qu’ils soient précisément définis
par les parties au contrat de base (afin que le paiement réponde à l’exécution
correcte du contrat) et qu’ils soient repris par la convention entre le donneur
d’ordre et la banque. Les documents varient naturellement selon les contrats
commerciaux en cause. Il est traditionnel de les présenter en les regroupant en
quatre catégories.

1- Documents de prix

La facture commerciale est le document essentiel. Elle doit présenter


l’apparence d’être émise par le bénéficiaire désigné (souvent le vendeur) et être
établie au nom du donneur d’ordre. Elle n’a pas besoin d’être signée. La facture
comporte souvent les conditions de vente. Elle doit indiquer la nature, la
quantité, le prix des marchandises ou, plus généralement, tout ce qui est
déterminant dans l’intention commune des parties (par exemple le
conditionnement) et qui doit correspondre aux conditions du crédit.
La facture consulaire est un document portant le visa du consulat du pays
destinataire ; elle rapporte la valeur et l’origine de la marchandise importée ; elle
permet de contrôler le respect des règlementations concernant l’origine des
marchandises ainsi que de déterminer le tarif douanier applicable.

La facture douanière a une fonction voisine.

2- Documents de transport

Connaissement : c’est le titre représentant la marchandise et le document de


transport constatant qu’elle a été chargée ou reçue pour être chargée à bord du
navire. Le connaissement maritime, comme tous les documents, doit
correspondre aux conditions prévues. Généralement en plusieurs exemplaires
originaux, il peut être établi à personne dénommée ou à ordre et peut être
transmissible alors par endossement ; il est le plus souvent en blanc ou au
porteur.

Le connaissement de transport combiné couvre plusieurs modes différents de


transport (maritime, aérien, ferroviaire …)

D’autres documents de transport peuvent être établis : le document de transport


multimodal (divers modes de transport), les documents de transport aérien
(marchandises expédiées par avion), la lettre de voiture internationale CMR
(transport de marchandises par route), la lettre de voiture CIM (transport de
marchandises par chemin de fer).
3- Documents d’assurance

Le crédit documentaire utilise largement les documents d’assurance.

La police, au nom du souscripteur, devant profiter à celui auquel la marchandise


est transférée. Parmi les documents d’assurance, il faut distinguer ceux qui ne
sont que de simples attestations de couverture et ne confèrent donc aucun droit
au porteur et ceux, transmissibles, qui confèrent un droit direct contre l’assureur.
Les polices peuvent être « au voyage », c’est-à-dire concerner une seule affaire
ou « flottantes », c’est-à-dire couvrir un courant d’affaires.

4- Autres documents

Les autres documents sont généralement en relation étroite avec la marchandise.


Il peut s’agir de certificats d’origine, de poids, d’usine, de documents sanitaires
ou vétérinaires, d’analyses, de documents d’ordre juridique (documents
douaniers).
C- La lettre de garantie pour absence de connaissement

Il n’est pas rare, en pratique, que des marchandises voyageant par voie maritime,
arrivent à destination avant un exemplaire du connaissement original qui permet
d’en prendre livraison. Bloquer le navire dans l’attente de la réception du
document (qui peut tout aussi bien être perdu et n’arriver jamais) serait un
remède inadapté, tant les frais d’immobilisation d’un navire sont prohibitifs.
Une marchandise périssable risquerait également de ne pouvoir attendre.

Par ailleurs, un expéditeur- chargeur confiant une marchandise à acheminer à un


transporteur se voit remettre un document (le connaissement, généralement
endossable) qu’il va adresser à son acheteur. Ce dernier peut revendre la
marchandise encore flottante et ainsi endosser le titre à un nouvel acquéreur, qui
sera alors porteur du connaissement. Aussi, pour un transporteur, remettre une
marchandise sans recevoir en échange un original du connaissement, revient à
s’exposer à un double risque :

- Tout d’abord, celui de la demande d’un porteur de bonne foi du


connaissement, qui, désigné par le titre, a le droit de réclamer la
marchandise, qu’il en soit propriétaire ou créancier gagiste ;

- Ensuite, celui de l’intervention du chargeur qui peut légitimement attendre


du transporteur qu’il respecte son obligation légale. Le chargeur a très
bien pu ne pas adresser le connaissement au destinataire car, entretemps,
il aura appris que celui-ci avait des difficultés financières, ou bien n’avait
pas exécuté une promesse qu’il lui avait faite. Le chargeur peut
également, si le destinataire ne paye pas la marchandise (qu’il soit en
faillite ou que la marchandise ne soit pas conforme) être tenté de
rechercher la responsabilité du transporteur.
L’intervention bancaire

En présence de ces deux ordres de préoccupations, tous les deux aussi légitimes,
l’intervention d’un tiers fournira seule une solution.

Celui-ci sera généralement une banque, celle du destinataire, qui viendra


apporter le crédit attaché à sa signature pour garantir le transporteur des
conséquences qu’il encourt en remettant la marchandise sans recevoir le
connaissement. Cet engagement bancaire est connu sous la dénomination de
lettre de garantie pour absence de connaissement. Dans la pratique
internationale, il est appelé letter of indemnity ou par abréviation, L.O.I.
Cette dénomination est aussi utilisée dans la pratique pour désigner des
engagements dont l’objet est de garantir un transporteur qui accepte de dérouter
un bateau vers une destination autre que celle mentionnée sur le connaissement
qu’il a délivré.
Les lettres de garantie pour connaissement irrégulier.

La garantie pour absence de connaissement, délivrée par le destinataire et son


banquier, ne doit pas être confondue avec la garantie pour connaissement
irrégulier délivrée par le chargeur. Cette pratique, assez largement répandue
correspond à une situation tout à fait différente. En effet, souvent les
connaissements font partie des documents requis par un acheteur pour effectuer
le paiement, soit au titre d’une remise documentaire, soit au titre d’un crédit
documentaire. Il est alors d’usage de préciser que les connaissements doivent
être nets (clean) c’est-à-dire, ne comporter aucune réserve sur l’état de la
marchandise ou de son emballage. Un carton mal cerclé peut entraîner une
réserve et ainsi bloquer le processus de paiement. Aussi les chargeurs
convainquent-ils les transporteurs de ne pas faire état de réserves sur les
documents de transport, contre remise d’une lettre de garantie. Cette façon
d’opérer, si elle peut permettre de satisfaire des transporteurs pointilleux dans
des cas sans gravité, peut aussi être une source de fraude. Aussi est-elle
expressément condamnée par la loi sur les contrats d’affrètement et de transport
maritimes.

La responsabilité juridique du transporteur

Dans le droit français, le transporteur est responsable des pertes et dommages


subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison contre
remise d’un exemplaire du connaissement original. La livraison marque la fin du
contrat de transport. Les règles de responsabilité du transporteur sont d’ordre
public. Il n’est pas possible de les modifier par voie conventionnelle ou bien de
renverser la charge de la preuve telle qu’elle est prévue par la loi.
Aussi, le manquement au contrat de transport qu’implique la livraison en
l’absence de remise d’un connaissement constitue-t-il une faute et même une
faute volontaire pour laquelle le transporteur ne peut dégager sa responsabilité.
Il ne pourra y parvenir en pratique qu’en se faisant relever des conséquences
pécuniaires de cette responsabilité, au moyen d’une lettre de garantie délivrée
par une partie solvable. Elle s’avère d’autant plus indispensable que ce risque ne
peut pas être couvert par voie d’assurance.

L’émission de la lettre de garantie

Les circonstances donnant lieu à l’émission de cet engagement se caractérisent


par le fait que l’armateur est en position de force et ainsi en mesure de dicter les
termes de la garantie qu’il souhaite recevoir.

Mais chaque armateur, a sa propre perception de la situation et des risques qu’il


encourt. Aussi n’existe-t-il pas en pratique de modèle unique de lettre de
garantie. Leur formulation est variable. Elle peut prendre la forme juridique du
cautionnement ou bien celle de la garantie à première demande. L’engagement
peut être souscrit par le destinataire seul, par le transitaire seul, ou bien à la fois
par l’une de ces personnes et son banquier. L’étendue des risques couverts peut
également varier tout comme la durée de l’engagement. Il conviendra dans
chaque cas, pour porter une juste appréciation, d’examiner le texte de la garantie
lui-même.
Son contenu

La lettre de garantie simple : cet engagement est celui souscrit par le réclamateur
de la marchandise ou le transitaire seul. Le transporteur s’en satisfera dans la
mesure où la marchandise a voyagé sous connaissement nominatif. En effet,
dans ce cas, le risque est réduit puisque le transporteur connaît le nom du
destinataire et qu’il lui est alors aisé de vérifier que le réclamateur est bien la
personne indiquée au connaissement. Il est toutefois prudent pour le transporteur
de recueillir l’accord préalable du chargeur pour livrer la marchandise contre
lettre de garantie simple, car l’erreur sur le destinataire n’est pas la seule cause
de préjudice possible.

Le souscripteur de la lettre s’engage à remettre le connaissement au transporteur


dès qu’il le recevra ou, à défaut, à en supporter les conséquences financières.

Sur certaines destinations importantes, la pratique du DATA FREIGHT


RECEIPT(DFR) permet d’éviter la lettre de garantie simple. Cette pratique
consiste pour le chargeur à admettre que le destinataire mentionné sur le DFR
puisse prendre livraison sans production du connaissement original en
produisant l’avis d’arrivée de la marchandise, et en justifiant de son identité. Sa
pratique nécessite cependant une transaction automatisée.

La lettre de garantie bancaire : il s’agit de la lettre signée soit par la seule


banque du réclamateur, mais le plus souvent par celui-ci et son banquier. Elle est
exigée par le transporteur lorsqu’un connaissement à ordre a été émis. Celui-ci
étant transférable par simple endos et incorporant physiquement, comme un titre
cambiaire, le droit de retirer la marchandise, le transporteur court un risque élevé
de voir le réclamateur ne pas être en droit de recevoir les marchandises.

La situation est la même lorsque le connaissement est au porteur.


Les mentions

Malgré l’extrême variété des textes utilisés, certaines caractéristiques


communément répandues peuvent être relevées.

Un cautionnement solidaire ou un engagement de payer à première


demande

Parfois clairement, parfois de façon assez confuse en utilisant des termes


approximatifs ou contradictoires, la lettre de garantie opte pour le cautionnement
solidaire du réclamateur par sa banque ou bien l’engagement de payer à
première demande. Cette dernière forme devient toutefois dominante.

L’obligation de restitution du connaissement

Toutes les lettres de garantie mentionnent l’obligation, pour le réclamateur, de


devoir remettre au transporteur le connaissement original dès réception. De son
côté, le transporteur s’engage à restituer, dans ce cas, la lettre de garantie. On
s’est interrogé sur les dangers pour le transporteur de voir sa responsabilité mise
en cause après avoir reçu le connaissement manquant et libéré la garantie. Le
risque pour le transporteur parait difficile à cerner dans la mesure où la remise
du connaissement démontre bien que le réclamateur avait bien un titre sur les
marchandises et qu’ainsi le transporteur a bien exécuté son obligation de
livraison.
L’obligation de payer une somme indéterminée.

L’obligation de livraison de certaines marchandises peut laisser à penser que le


dommage pouvant résulter de l’inexécution est limité à la valeur de la
marchandise, elle-même restreinte en vertu des règles de limitation de
responsabilité des transporteurs, la livraison à un tiers sans titre étant alors
assimilé à une perte totale de la marchandise. Certaines lettres de garanties
comportent cette limitation ; mais elles sont l’exception. La formulation de
l’engagement est telle que l’obligation souscrite est indéterminée, même si elle
est déterminable. Nombre de lettres de garanties couramment utilisées font
obligation de « garantir l’Armement contre tous les préjudices directs ou
indirects pouvant résulter pour lui de l’irrégularité de la livraison sans
connaissements ».

Cette indétermination ne va pas sans poser de problèmes tant pour la


comptabilisation de l’engagement que pour la détermination de l’assiette de la
commission à percevoir par le banquier émetteur auprès de son client. Les
solutions les plus empiriques semblent retenues par la pratique.

L’absence de détermination de la durée

De pratique constante, les lettres de garantie ne comportent pas de limitation


expresse dans le temps.
D – La garantie à première demande

La garantie à première demande est un engagement par lequel le garant, à la


requête irrévocable d’un donneur d’ordre, accepte de payer en qualité de
débiteur principal, sur simple demande, une somme d’argent à un bénéficiaire
désigné, dans les termes et conditions stipulés dans la garantie, en renonçant par
avance à exercer tout contrôle externe sur les conditions de mise en jeu de son
engagement.

Elle est usuellement émise par écrit et souvent, entre banques par message
SWIFT, comportant une clé de protection appelée « test ». Des textes modèles
sont proposés, notamment par la CCI.

La désignation des parties

Le donneur d’ordre, le bénéficiaire et la banque garante doivent être


expressément mentionnés. La désignation du bénéficiaire est particulièrement
sensible. En effet, délivrée dans le cadre d’une opération ou d’un marché précis,
la garantie à première demande et la rigueur d’exécution qu’elle assure au
bénéficiaire doivent amener à conclure qu’elle est fortement marquée d’intuitu
personae, rendant incessible son bénéfice. Rien n’interdit cependant de stipuler
expressément qu’elle sera cessible, voire qu’elle pourra être transférable par
voie d’endos. De même, le caractère non-cessible et non-transférable de la
garantie n’empêche pas en soi, même en l’absence de stipulation expresse, la
cession de la créance que représente la garantie pour le bénéficiaire. Il y a lieu
de faire la distinction entre la cession de la garantie et la cession de la créance
que représente la garantie. Dans cette dernière cession, le droit d’appeler la
garantie n’est pas cédé. Il a été jugé que l’appel d’une garantie ne pouvait être
fait par un avocat, en cours d’instance, sans justification d’un pouvoir à cet effet.
L’objet de la garantie

Il convient de mentionner l’objet de la garantie afin d’éviter que l’appel d’une


garantie ne se fasse pour un contrat différent de celui pour lequel elle a été émise
et pour un risque différent de celui qu’elle a pour objet de couvrir. Le caractère
strict de ce cette forme d’engagement ne permet pas d’étendre son objet à un
autre, fut-il similaire.

Le défaut d’indication de la dette garantie, en l’absence de risque possible de


confusion, ne disqualifie pas la garantie.

Le montant

Il doit être exprimé de façon claire. La référence à un pourcentage du contrat de


base risque d’entraîner automatiquement une modification du montant de la
garantie en cas de révision du contrat de base. Il est usuel de prévoir dans les
garanties de restitution d’acomptes et de bonne fin émises pour des contrats à
exécution successive, une réduction du montant de la garantie au fur et à mesure
de l’avancement du marché. Ce lien entre le contrat de base et la garantie ne
contredit pas le caractère indépendant de celle-ci.
La durée de validité

L’expiration dépend généralement d’une date calendaire ou d’un évènement. La


stipulation d’un évènement entraînant échéance de la garantie (signature d’un
contrat, réception provisoire …) n’a de sens que si la survenance dudit
évènement ne peut prêter à contestation et que le garant est sûr d’en avoir
connaissance personnelle (par exemple par remise à ses caisses des documents
d’expédition). A défaut elle est source d’incertitude. La combinaison des deux
stipulations « la garantie expire à la réception définitive des travaux et au plus
tard le 31 décembre 2020 » par exemple, implique l’extinction de la garantie dès
que l’une des branches de l’alternative se réalise. L’une des difficultés les plus
fréquentes tient au fait que les garanties étant appelables à première demande, la
tentation est grande pour les bénéficiaires d’exiger, quelques jours avant la date
limite de validité fixée, soit la prorogation, soit le paiement. Nombreux sont
ceux qui y succombent. Cette attitude, qui s’apparente parfois à un véritable
chantage, laisse peu de choix au banquier et à son donneur d’ordre. Entre la
réalisation du paiement immédiat et la prorogation qui laisse une éventualité de
régler les problèmes en cours, cette dernière solution sera généralement préférée.
Si le donneur d’ordre s’oppose à la prorogation et au paiement, son banquier
devrait être en droit de faire librement le choix entre les deux solutions en vertu
du caractère autonome de son engagement.

Une création de la pratique

La garantie à première demande est une création assez récente de la pratique


commerciale et bancaire internationale. Son utilisation à grande échelle date des
années 1970. La bonne compréhension des mécanismes qu’elle met en jeu
nécessite de toujours garder à l’esprit ce à quoi elle s’est historiquement
substituée : un dépôt en argent ou en titres aisément négociables et non pas un
cautionnement.
Cet aspect est souvent occulté par le fait qu’aujourd’hui la garantie à première
demande est émise là où, il y a encore peu, un cautionnement aurait été délivré.
La pratique n’est pas passée sans transition du dépôt en espèces ou en titres,
nécessairement pesant pour la trésorerie des entreprises exportatrices, à la
garantie à première demande. Un palier a existé où le cautionnement classique
était usuel. Il n’a duré, à l’époque moderne, que le faible laps de temps où le
marché international a été un marché dominé par les vendeurs. Les crises
pétrolières, la nécessité persistante d’exporter pour les pays industrialisés a
renversé la tendance.

Les circonstances d’émission

Les marchés internationaux représentent la grande majorité des cas dans lesquels
les garanties à première demande sont émises. Un acheteur désirant, par
exemple, construire une usine clé en main s’adressera généralement à
l’ensemble du marché par voie d’appel d’offre international. Chaque
cocontractant potentiel intéressé répondra à cet appel en soumissionnant, c’est-à-
dire en déposant une proposition chiffrée. Le sérieux de son offre sera attesté par
une garantie de soumission dont la fonction est d’assurer que l’offre ne sera
pas prématurément retirée et, si elle est acceptée, que le marché définitif sera
bien conclu, voire que les subséquentes seront bien mises en place. Le point le
plus sensible concerne sa date d’expiration. A défaut d’indication précise dans le
texte lui-même, on peut considérer qu’elle expire dès la signature du contrat
commercial. En cas de limitation par une date calendaire, si la signature du
contrat intervient avant ladite date, elle n’entraîne pas davantage l’expiration de
la garantie. En effet, une garantie de soumission a pour objet d’assurer le sérieux
d’une offre, mais peut également viser la mise en place des garanties de bonne
fin par exemple.
A défaut d’indication, le garant ne sera délié que par la survenance de la date
limite de validité ou le défaut de signature du contrat du fait du maître de
l’ouvrage.

Le marché signé, il stipulera généralement le versement immédiat d’une partie


du prix : l’acompte. L’acheteur voudra cependant s’assurer pouvoir le récupérer
aisément si, par exemple, le marché était interrompu à un niveau de prestation
inférieur à l’acompte versé. Il prendra cette assurance par la réception d’une
garantie de restitution d’acompte. Alors qu’il est d’usage qu’une garantie
rentre en force dès sa réception et son acceptation (fut-elle tacite) par le
bénéficiaire, la garantie de restitution d’acompte suppose un préalable : le
versement de l’acompte dans les conditions prévues à la garantie. De même est-
il courant d’organiser la réduction du montant de la garantie au fur et à mesure
de l’exécution des travaux. Une telle clause doit cependant être expressément
stipulée et ne saurait être sous-entendue.

Le marché initié, il convient de l’achever et cette obligation fait appel à un autre


type de garantie à première demande : la garantie de bonne fin. Son objet est
de permettre de payer le supplément de prix que devrait quasi certainement
supporter l’acheteur s’il devait faire achever le marché par un tiers.

Le marché accompli, s’ouvre une période de garantie pendant laquelle, soit une
partie du prix n’est pas payée, soit au contraire si le prix est intégralement versé,
une garantie de dispense de retenue de garantie est émise couvrant le risque
de mauvais fonctionnement et la restitution d’une partie du prix qui en
découlerait.

Les intervenants
Dans la plupart des cas, il y aura quatre intervenants, plus rarement trois, parfois
davantage dans les opérations plus complexes. En conservant le cadre pratique
du marché clé en main, on trouvera :

Un vendeur-exportateur appelé le donneur d’ordre de la garantie

La banque du donneur d’ordre qui jouera généralement le rôle de banque contre


garante et plus rarement celui de banque garante

L’acheteur-importateur, bénéficiaire de la garantie

Une banque locale généralement située dans le même pays que le bénéficiaire,
dont l’intervention n’est pas systématique. Si elle intervient, elle peut le faire de
deux façons différentes :

En cas de garantie directe, elle jouera le rôle de banque authentificatrice


transmettant au bénéficiaire, sans engagement de sa part ;

En cas de garantie indirecte, elle sera banque garante ou émettrice et recevra en


sa faveur l’engagement de la banque contre garante. De façon exceptionnelle,
elle pourra également confirmer l’engagement.

Les rapports garant- bénéficiaire

L’obligation de payer
Si toutes les conditions prévues à la garantie sont réunies, le garant est tenu, à la
première demande du bénéficiaire, de payer. Le caractère absolu et immédiat de
l’obligation a donné son nom à ce type de garantie, la pratique ignorant les
appellations « garantie indépendante » proposées par la doctrine juridique. Le
fondement de l’obligation se trouve dans l’engagement pris par le garant au
terme duquel il a renoncé à se prévaloir des exceptions inhérentes au contrat de
base intervenu entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire. Le refus injustifié de
payer est constitutif de faute pour le garant et peut engager sa responsabilité.
Cette responsabilité peut aller au-delà des intérêts de retard et emporter
condamnation à des dommages- intérêts, si la mauvaise foi est reconnue et
qu’elle a entraîné un préjudice distinct. La banque n’est toutefois tenue de payer
que si la demande lui parvient, à son siège émetteur de la garantie, dans les
délais convenus. La demande de paiement doit être présentée clairement.
L’alternative « « prorogez ou payez » doit être considérée comme une demande
de paiement, avec faculté de proroger à la discrétion du bénéficiaire.

L’obligation de vérifier

Le caractère impératif de l’obligation de paiement ne doit pas conduire à


conclure que le garant n’a pas une obligation précise de vérifier que les
conditions de mise en jeu objectives sont bien réunies. Il s’attachera à examiner
tout d’abord si la garantie n’est pas échue, puis, en cas de garantie documentaire,
à vérifier que les documents sont fondés. Il doit se limiter, comme en matière de
crédit documentaire, au contrôle de l’apparence de conformité. Il a également
l’obligation de s’assurer que le montant du paiement exigé correspond bien à
celui pour lequel la garantie est toujours en force, compte tenu du jeu éventuel
des clauses de réduction qui y étaient insérées. Enfin s’agissant d’un
engagement intuitu personae, le garant doit s’assurer que la demande provient
bien du bénéficiaire et non de l’un de ses créanciers.
L’obligation d’informer le donneur d’ordre

Le garant a la responsabilité personnelle de déterminer si les conditions de mise


en jeu de la garantie sont bien réunies et ne saurait s’abriter derrière l’avis de
son donneur d’ordre. Cette obligation résulte du caractère personnel et
indépendant de son engagement. Cependant cela ne le libère aucunement de
l’obligation d’informer son client donneur d’ordre de la mise en jeu. En effet
seul ce dernier pourra faire valoir et démonter le cas échéant, le caractère abusif
ou frauduleux de l’appel. Payer sans l’informer le priverait de cette possibilité.
Le garant, devant une objection au paiement formulée par le donneur d’ordre,
aura la responsabilité de déterminer si elle peut ou ne peut pas paralyser son
obligation de payer. Cette responsabilité lui est également personnelle.

La nullité du contrat de base


En application du caractère indépendant de la garantie, la nullité du contrat de
base survenue entre l’émission et la mise en jeu de la garantie n’est pas de
nature à paralyser l’obligation de payer. Le mécanisme de première demande a
pour corollaire de laisser intacte l’obligation de paiement du garant nonobstant
toute procédure en cours portant sur la réalité ou les effets du contrat de base.
Par contre, si, par extraordinaire, le bénéficiaire faisait appel d’une garantie
après que la nullité du rapport de base a été prononcée de façon définitive, le
garant ne serait pas tenu de payer, l’appel ayant alors un caractère
manifestement abusif. Le non-paiement serait alors fondé non pas sur la nullité
de la garantie présentée comme une conséquence même de la nullité du contrat
de base, mais sur les effets de l’appel devenu abusif. En effet, en application du
caractère indépendant de la garantie, la nullité du contrat de base n’entraine pas
automatiquement celle de la garantie émise à son propos. Mais par l’effet de la
nullité qui replace donneur d’ordre et bénéficiaire parties au contrat commercial
dans le statu quo ante, l’appel par le bénéficiaire deviendrait manifestement
abusif (sauf, toutefois si la garantie a pour objet de couvrir les conséquences
d’une nullité ou sert à remettre les parties dans le statu quo ante – restitution
d’acompte par exemple).
Résolution ou résiliation du contrat de base

Le raisonnement à tenir est similaire à celui tenu sur la nullité. L’indépendance


de la garantie implique nécessairement que ces évènements graves relatifs au
contrat de base n’aient pas d’effet sur elle. Le garant ne saurait s’abriter derrière
l’affirmation par le donneur d’ordre de la résolution (malgré son effet rétroactif)
ou de la résiliation du contrat de base pour refuser le paiement. Par contre, si une
décision définitive les constatait en attribuant la responsabilité au bénéficiaire,
l’appel deviendrait manifestement abusif. Si la responsabilité n’était que
partiellement mise à la charge du bénéficiaire, l’appel n’apparaîtra pas, à due
concurrence, comme étant alors abusif et le principe d’indépendance de la
garantie jouerait avec toute sa force, laissant le garant dans l’obligation de payer.
Les instances, judiciaires ou arbitrales en cours, relatives au contrat de base, ne
permettent pas davantage de surseoir à statuer sur une demande de paiement de
la garantie.

Causes graves d’inexécution et modification du contrat de base

Qu’il s’agisse de la faute caractérisée du bénéficiaire ou de la force majeure, ces


éléments n’atteignent pas l’obligation du garant qui ne pourra refuser le
paiement. Mais ici encore sous réserve de l’exception d’appel manifestement
abusif ou frauduleux que peut constituer un appel, nonobstant un cas de force
majeure. De même la modification, en cours d’exécution, du contrat de base
n’entraîne pas ipso facto modification des rapports issus de la garantie.
En résumé, il faut souligner que le caractère indépendant a pour conséquence
que la garantie à première demande ne s’éteint que par ses causes propres
d’extinction et non par ricochet de celles qui éteignent le contrat de base. Le
correctif de l’exception d’appel manifestement abusif ne jouera
qu’exceptionnellement car elle ne peut être accueillie que dans des conditions
particulièrement restrictives. En pratique, elles sont souvent incompatibles avec
l’urgence du paiement. Alors que la caution qui ne veut pas risquer de mal payer
est dans l’obligation de surseoir à son paiement en cas de mise en doute de la
réalité de son obligation par le débiteur cautionné, le garant à première demande
est, au contraire, tenu de passer outre aux simples déclarations de son donneur
d’ordre. Il n’en va différemment que si ce dernier est en mesure de lui fournir,
dans l’instant, les preuves manifestes et incontournables de la véracité de ses
affirmations et à condition que celles-ci soient constitutives de l’abus manifeste
ou de la fraude du bénéficiaire.
Les différentes garanties

On peut distinguer, selon les conditions de mise en jeu quatre formes de


garanties à première demande :

- La garantie sur simple demande : le bénéficiaire doit simplement


formuler la demande de paiement et la banque garante la recevoir pour
que l’obligation de payer s’impose. Cette forme est, de très loin, la plus
fréquente en pratique ;

La garantie à première demande justifiée : elle permet de soumettre la


demande de paiement à l’articulation de son motif mais sans que la forme de
cette articulation soit enfermée dans un moule prédéterminé, comme c’est le cas
en matière de garantie documentaire. La Cour de Cassation a estimé que « la
demande justifiée » ne pouvait s’entendre que « d’un appel motivé de la contre-
garantie, et non d’une requête assortie de justifications ». L’obligation de
motiver l’appel par sa cause ne modifie pas la nature de la garantie à première
demande. C’est la norme que voudrait désormais imposer la Chambre de
Commerce Internationale ;

- La garantie documentaire : la demande de paiement doit s’accompagner


de documents dont la liste a été fixée conventionnellement et d’avance :
simple attestation écrite du bénéficiaire du motif de la mise en jeu,
certificat d’expert, voire une sentence arbitrale. Les documents, sans
remettre en cause le principe de l’obligation de payer à première
demande, ont le mérite de faciliter la preuve a posteriori par le donneur
d’ordre de l’abus éventuel au titre du contrat commercial ;
- La lettre de crédit standby : cette pratique est née de l’interdiction
générale faite aux banques américaines d’émettre des cautionnements,
sauf pour les opérations dans lesquelles elles ont un intérêt direct. Pour
contourner cette défense, les banquiers américains prirent l’habitude de
garantir leurs clients en émettant des lettres de crédit irrévocables pour les
opérations commerciales mais plus encore pour des opérations
financières. Leur nature juridique est celle d’un crédit documentaire où
cependant les documents sont réduits à leur plus simple expression. Les
Règles et Usances relatives aux Crédits Documentaires, leur ont donné
une reconnaissance officielle.

Le contentieux de la garantie à première demande

Pendant de nombreuses années, les garanties à première demande, création de la


pratique, ont vécu dans un relatif vide juridique. A l’absence de base textuelle
s’ajoutait celle de la jurisprudence.

Aujourd’hui, c’est à l’élaboration d’un véritable droit jurisprudentiel que nous


assistons. La jurisprudence française a bien accueilli la garantie à première
demande et l’a acclimatée dans un univers causaliste. En 1982 la Cour de
Cassation a reconnu que cette dernière « ne constitue pas un cautionnement… ».

Les appels en garantie, tout en restant d’un nombre très limité au regard du
nombre de garanties émises et en circulation, ont sérieusement augmenté et ont
entraîné une multiplication du contentieux à l’origine d’une réelle détérioration
des relations banque-client. En effet la mise en jeu d’une garantie, avec la
brutalité qu’entraine le mécanisme de la première demande, est souvent mal
acceptée par le donneur d’ordre qui, s’il en comprend le principe, en rejette
souvent les conséquences pratiques.
La gravité des répercussions de l’appel de garanties, principale source pratique
du contentieux, est réelle à plusieurs égards. Tout d’abord, les montants en cause
sont souvent élevés car liés à des marchés importants. Ensuite certains pays ont
un système judiciaire incertain et un corps de règles juridiques imprécis qui
rendent souvent aléatoire la récupération a posteriori des montants dont il
apparaîtrait, après un jugement u fond, qu’ils auraient été indûment reçus.

Par ailleurs, la banque du donneur d’ordre se trouve placée dans l’obligation


juridique de payer, qu’elle a prise, à la demande de celui-ci, et le souci
commercial de ne pas mécontenter son client d’une part, et son correspondant
d’autre part. Devant cette accumulation de soucis souvent contradictoires, elle
est obligée d’établir une hiérarchie. Et dans cette hiérarchie, elle décidera
généralement de respecter la valeur qui s’attache à la réputation internationale
de sa signature. Cette attitude concilie le souci juridique et commercial :
juridique car il respecte l’engagement pris, commercial parce qu’une qui
refuserait de payer se verrait rapidement interdite de signature dans le pays de
l’acheteur, comme la pratique l’a plusieurs fois démontré. C’est alors le reste de
sa clientèle, indépendamment de son propre fonds de commerce, qui pâtira de
cette situation. Plus généralement, c’est le système bancaire national de la
banque défaillante qui en souffrirait au bénéfice de banques étrangères comme
l’ont remarqué plusieurs décisions.
Les mesures visant à retarder ou interdire le paiement

A La saisie-attribution et la saisie conservatoire

Elle est la première forme procédurale tentée par les donneurs d’ordre pour
paralyser les garanties, sous la forme de la saisie-arrêt. Dans une discussion vive
sur le plan doctrinal certains soulignaient le caractère saisissable de la créance
du bénéficiaire sur le garant justifiant ainsi la saisie. D’autres invoquaient le
précédent, aujourd’hui lointain du crédit documentaire où la Cour de Paris, le 16
juin 1950, avait admis que le donneur d’ordre pouvait paralyser son ordre par
voie de saisie. Ce moyen est pratiquement abandonné aujourd’hui, à juste titre.
En effet, une première difficulté se pose : en vertu de quelle créance saisir ? La
saisie en vertu d’une créance éventuelle que précisément le donneur d’ordre
tente d’empêcher de naître par le biais de la saisie paraît impensable. Ce n’est
qu’après le paiement de la garantie, et à condition que ce paiement soit indu, que
le donneur d’ordre sera alors créancier de ce montant envers le bénéficiaire.

Seconde difficulté : comme la Cour de Cassation l’a finalement reconnu en


matière de crédit documentaire, le donneur d’ordre en demandant l’émission de
la garantie a pris un engagement irrévocable qui implique renonciation à
pratiquer une saisie.

Le fondement juridique est le caractère irrévocable de l’engagement du donneur


d’ordre.
La banque pour protéger le crédit attaché à sa signature, peut prendre elle-même
l’initiative de demander la mainlevée d’une saisie qui aurait néanmoins été
pratiquée. Elle peut également passer outre une interdiction et payer. Dans ce
cas, elle effectue le paiement à ses propres risques, étant toutefois entendu que le
seul fait de payer malgré la saisie n’entraîne pas sa responsabilité. Encore
faudrait-il qu’un préjudice ait été subi par le donneur d’ordre saisissant.

B L’interdiction de payer

Deuxième moyen d’intervention du donneur d’ordre il est relativement rare


compte tenu des conditions draconiennes mises par la jurisprudence à
l’appréciation des conditions d’interdiction de paiement.

C Le séquestre

La saisie étant apparue inadaptée et inefficace et l’interdiction de payer trop


définitive dans sa formulation, une solution intermédiaire s’est développée. Le
souci des magistrats était, d’une part d’affirmer l’obligation au paiement, mais
d’autre part de temporiser en faisant déposer les fonds en séquestre,
généralement entre les mains de la banque contre-garante. Ces décisions ne sont
pas fondées sur le plan juridique. En effet, le paiement fait entre les mains d’un
séquestre n’est pas libératoire de la garantie. Cette technique apparaît davantage
comme un moyen artificiel pour refuser le paiement temporairement, sans le dire
officiellement.
D Le paiement de la garantie contre caution

Cette dernière tentative des tribunaux consistait à ne pas paralyser directement le


paiement mais à permettre au donneur d’ordre de récupérer facilement les
sommes versées en ne les remettant que contre une caution de restitution que
devait fournir le bénéficiaire, en l’absence de tout engagement préalable de ce
type. Cette dernière défense, certes plus subtile que les précédentes, a été
clairement condamnée par la Cour de Cassation.
La fraude et l’abus

La nécessité de la fraude ou de l’abus manifestes

En application de l’adage « fraus omnia corrumpit », la fraude caractérisée dans


l’appel d’une garantie ne pourrait prospérer sous la couverture de la rigueur de
l’engagement à première demande. La fraude joue son rôle de limite corrective
de toutes les règles de droit et « fait échec au principe de l’autonomie en matière
de garanties et de contre-garanties à première demande ».

Il en va de même de l’abus, à condition qu’il soit manifeste.

Mais comment peut-on définir la fraude « caractérisée » ou « l’abus


manifeste » ? Il s’agit de notions de fait qui seront de l’appréciation des parties
et des juges du fond, mais sur la qualification desquelles la Cour de Cassation
exerce son contrôle. Le professeur VASSEUR a proposé un critère qui a retenu
l’attention de la jurisprudence : « la fraude ou l’abus qui crèvent les yeux ».

L’appel frauduleux est celui effectué manifestement sans droit du bénéficiaire au


titre du contrat de base. L’intention de nuire sépare la fraude de l’abus
manifeste. La fraude ne doit pas prêter à interprétation sinon le doute jouera
nécessairement en faveur du bénéficiaire.

Le garant ne doit pas arbitrer les litiges qui surviennent entre donneur d’ordre et
bénéficiaire. Il n’a pas davantage, sauf motif légitime, à faire décider par un
tribunal s’il se trouve ou non devant un abus ou une fraude manifeste. Toutefois,
lorsqu’une décision de justice intervient pour limiter ou suspendre l’obligation
de paiement, le garant doit, en principe, en tenir compte. Il engagerait sa
responsabilité envers le donneur d’ordre s’il passait outre une mesure de saisie,
si celle-ci cause un préjudice au saisissant. Il lui appartient toutefois, s’il
l’estime utile, d’exercer des voies de recours contre la décision.

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