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Hamza Bejja.

  Faut-il s’endetter pour booster la croissance économique  ?


CNAEM 2016.

En 1982, Le Mexique comme l’un des débiteurs importants des banques a annoncé son
incapacité à rembourser ses dettes, ce qui a déstabilisé sa sphère réelle et rendre son système
financier insoutenable. Ce lien entre la croissance et l’endettement n’a laissé les économistes
indifférents à l’analyser. D’emblée, la dette est définie comme l’ensemble des engagements
financiers pris sous forme des emprunts par l’Etat ou des collectivités publiques, ainsi, elle est
souvent comparée avec le PIB (Taux d’endettement= Dette/PIB), qui mesure le niveau de la richesse
créée au sein d’un pays, son évolution constitue la croissance économique. Par conséquent, nous
pouvons constater un lien de causalité entre ces deux variables, voire une dépendance de l’un vis-à-
vis de l’autre. Il ne serait probablement pas de question plus brulante que celle de l’impact des dettes
sur la croissance économique, faut-il accuser la dette au profit de la croissance ? Ou, propulser le
rythme de l’endettement pour accélérer la croissance ? Pour traiter minutieusement cette
problématique, un examen précis s’efforcera de montrer l’impact positif de la dette sur la croissance
économique, ensuite, nous essayerons d’illustrer que la dette peut être un fardeau pour la croissance
économique.

I - La dette permet le financement des sources de la croissance :


accumulation de capital, l’investissement, l’innovation … .

Les pays en voie de développement trouvent souvent des difficultés à relancer leur
économie à cause de l’insuffisance du stock de capital, donc la volonté de créer des investissements
générateurs des externalités positives pour l’ensemble de l’économie ne peuvent être envisagés vue
l’ampleur du budget permettant le financement de ceux-ci.

En effet, l’accumulation du capital est considérée parmi les piliers de la croissance économique « Les
pays pauvres sont pauvres car ils sont pauvres ». Dans sa théorie du cercle vicieux de la pauvreté de
Nurkse, explique la pauvreté des pays sous-développés par l’insuffisance de leur épargne nationale
qui va de pair avec l’évolution de la production nationale. Ce qui l’a laissé à proposer le recours à
l’endettement afin de combler l’insuffisance de l’épargne qui est une composante essentielle pour
l’investissement et la croissance, comme l’a illustré Domar (g=i/v) c’est-à-dire que la croissance (g)
est la résultante d’un rapport entre l’investissement (i) et le coefficient du capital (v).Toutefois,
l’investissement matériel n’est pas le seul critère mais aussi avec Solow l’investissement immatériel
est considéré comme un facteur de la croissance, le facteur capital et travail ne sont pas suffisants
pour garder le même rythme de la croissance car cette dernière va atteindre l’état stationnaire à
cause de la rareté des ressources, quant à lui un facteur exogène qui intervient pour retarder l’état
stationnaire, c’est le progrès technique, mais qui nécessite un lourd financement, en se référant à la
théorie de la croissance endogène, ce progrès technique est expliqué par la Recherche et
développement, les infrastructures, la formation … . En effet, ces variables nécessitent un budget
important que certains pays se trouvent dans l’incapable à financer ce genre d’investissement, d’où
le rôle de l’endettement comme l’a illustré Schumpeter en insistant sur la place de la banque à
financer les innovations. Le Maroc n’est pas à l’abri de cette situation, En visite au Maroc, Christine
Lagarde la directrice du FMI a signalé les autorités marocaines d’investir davantage en terme de
recherche et développement, ainsi le dernier rapport de la Banque Mondiale a constaté que le
modèle de la croissance marocaine est gourmand en capitaux et génère peu de gains de productivité.
Cependant, l’insoutenabilité des finances marocaines s’abstient et se trouve comme un véritable
obstacle pour l’économie marocaine justifiée par 84% du taux d’endettement et un contexte de crise
mondial surtout que le Maroc a comme principal partenaire économique un pays européen qui est la
France.

En effet, l’insuffisance des capitaux qui objecte le développement des pays à faible stock de capital,
ne les laisse que de penser à l’endettement pour combler leurs défaillances. Cependant, le recours à
l’endettement est-il toujours propice pour ces pays ?

Il est souvent entendu dire que la dette est un bon palliatif à l’insuffisance des capitaux,
cependant, cette fin risque un effet contre-productif, le paradoxe de la dette est le suivant : primo,
plus que la dette augmente, plus elle sape l’économie nationale et la rendre incapable à rembourser
ses dettes et de ne pas respecter ses engagements financiers. La courbe de Laffer associée à la dette
met en lumière ce paradoxe (figure 1), en effet « Trop de dette, tue la dette » et effectivement, la
Grèce qui se situe dans la phase négative de la courbe a annoncé son incapacité à rembourser sa
dette(taux d’endettement de 177% du PIB), en passant par la crise de la dette des années quatre-
vingts justifiée par la baisse du cours des matières premières et l’échec de la stratégie du
développement des Pays en voie de développement, leur dette nécessite 664% des exportations
pour qu’elle soit remboursée ce qui peut les conduire à une croissance appauvrissante comme l’a
affirmé Baghwati : une dégradation des termes d’échange à cause des exportations massives, laisse
les autorités à accélérer davantage leur rythme d’exportation afin de combler cette dégradation
cependant ce constat ne fait que détériorer les ressources naturelles. Secundo, « les anticipations
rationnelles faussent l’action de l’état ». En effet les agents économiques voient dans
l’augmentation de la dette aujourd’hui, une augmentation de l’impôt pour demain c’est pour cette
raison que l’économiste Robert Barro dans le théorème ricardien des équivalences voit que la dette
n’a aucun effet sur la relance de l’économie. Par ailleurs, le remboursement de la dette peut se faire
au détriment des agents économiques adoptant des politiques procycliques (dans une phase de
récession) ce qui laisse les agents économiques d’opter pour des stratégies d’évitement fiscal
(désinvestissement, expatriation fiscale, fraude fiscale …). Tertio, l’endettement publique peut
provoquer un effet d’éviction cet effet est dû à l’emprunt par l’Etat de fortes sommes pour son
besoin de financement. De ce fait la masse des crédits disponibles pour le financement des
entreprises diminue ; dans le même temps le recours accru à l’emprunt de l’Etat exerce une pression
à la hausse sur les taux d’intérêts. Ces deux mécanismes combinés provoquent un renchérissement
du coût du crédit ce qui pénalise les investissements.

Figure 1 
La dette peut être un instrument pour un activisme budgétaire qui donne à l’Etat des
possibilités d’adopter des politiques discrétionnaires permettant un ajustement des fluctuations
économiques. Cependant, un activisme budgétaire exagéré risque une insoutenabilité des finances
publiques qui ne fera que pénaliser la sphère réelle de l’économie.

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