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LES DIFFERENTES INTERPRETATIONS THEORIQUES DE

LA DETTE EXTERIEURE PUBLIQUE

On peut regrouper ces différentes interprétations en deux conceptions. Les conceptions


anciennes et celles nouvelles.

1. Les anciennes conceptions

1.1. La conception keynésienne de l'endettement

Pour les keynésiens, l'endettement en général n'entraîne pas de coût ni pour les
générations présentes et futures du fait des investissements nouveaux qu'il génère. Dans
le modèle keynésien de l'endettement de l'Etat, la démarche globale et les effets
multiplicateur et accélérateur sont des caractéristiques fondamentales de leur théorie.
Dans cette approche, l'endettement favorisant la relance de la demande globale entraîne
par l'effet accélérateur une augmentation plus que proportionnelle de l'investissement, qui
provoque à son tour une hausse de la production. Le déficit budgétaire, qui conduit par
ses flux successifs à augmenter le stock de la dette produit l'expansion du cycle
économique par la demande et l'investissement autonome. Le déficit auquel correspond
l'emprunt stimule la demande et permet d'alléger le coût de son remboursement Cet
argument reste plausible tant que le sous-emploi des ressources productives existent,
selon la thèse keynésienne14(*).

1.2. La conception classique de l'endettement

Au contraire d'un endettement public qui favorise l'accumulation du capital et la


consommation des générations futures ou présentes, les classiques assimilent
l'endettement à l'impôt futur et imputent à l'Etat une connotation négative. Selon Ricardo
(1817)15(*), les citoyens voient dans l'emprunt un impôt différé dans le temps et se
comportent comme s'ils sont contraints de payer un impôt ultérieurement pour rembourser
cet emprunt quel que soit le décalage intergénérationnel. En d'autre terme, le
comportement des agents économiques est guidé par une anticipation à la hausse des
impôts. Toutefois, une réserve peut être introduite selon la nature ou la qualité des
dépenses (dépenses de transfert ou d'investissement) financées par l'emprunt.

1.3. La conception de l'école des anticipations rationnelles face à l'endettement

Il faut donc remarquer que Barro expose sa théorie grâce à un outil appelé fonctions
d'utilités inter temporelles à générations imbriquées, appelé principe d'équivalence
Ricardienne. La paternité revient à Ricardo mais le principe est attribué à Barro (1974)16(*) .
Il approfondit la thèse de Ricardo en combinant les thèmes d'évictions et d'anticipations
rationnelles. Selon lui, si le gouvernement finance un accroissement de dépenses
publiques en ayant recours à l'emprunt (cher aux keynésiens), ou s'il abaisse les impôts
en laissant la dépense publique et la masse monétaire inchangées, le public va anticiper
les hausses d'impôts qui seront nécessaires ultérieurement pour payer les intérêts de la
dette accrue et pour rembourser le principal. De ce fait, les agents savent a priori que ces
deux modalités de financement sont un recours aux déficits publics ; ils savent aussi qu'il
aura alourdissement de la dette publique et usage de la taxe inflationniste. L'accumulation
de l'inflation à long terme et l'augmentation des impôts finiront par rendre peu crédible
l'Etat. Les agents vont donc se préparer à la purge fiscale future. Ils vont accroître leur
épargne actuelle en prévision des alourdissements futurs des impôts et ne se
considéreront pas plus riches après la mise en oeuvre de la politique de relance. Il en
résultera que cette politique suivie par le gouvernement n'aura aucun effet stimulant sur
l'économie, quelles que soient les modalités de financement des déficits ; les effets à long
terme sont équivalents. Cette proposition générale signifie donc la neutralité de la dette
publique à long terme (multiplicateur fiscal et budgétaire tendant vers zéro).

II- THÉORIES DE L'ENDETTEMENT

Plusieurs théories ont été développées sur l'endettement d'un pays. Elles vont de la
perception même de l'emprunt public à la capacité d'endettement d'un pays. Le but de
cette section est de présenter ces différentes théories en les renforçant si possible par
des études empiriques réalisées.

II.1- Perception de la dette publique

L'endettement de l'État n'a jamais fait l'unanimité chez les économistes. Sa perception
varie selon les écoles de pensée. C'est ainsi que certains économistes pensent que la
dette peut être nécessaire et même efficace pour le développement d'un pays alors que
d'autres rejettent systématiquement l'emprunt public et pensent que tout emprunt public
ne peut qu'être nuisible pour les agents économiques.

II.1.1- Rejet de la dette publique (classiques)9(*)

Les classiques assimilent l'endettement public à un report de l'impôt sur les générations
futures et imputent à l'État une connotation négative. Selon RICARDO (1817), les citoyens
voient dans l'emprunt un impôt différé dans le temps et se comportent comme s'ils sont
contraints de payer un impôt ultérieurement pour rembourser cet emprunt quel que soit le
décalage intergénérationnel. En d'autres termes, le comportement des agents
économiques est guidé par une anticipation à la hausse des impôts. BARRO (1989)
montre qu'une politique de déficit budgétaire financée par l'emprunt reste sans effet sur
l'activité économique dans la mesure où les agents ne sont pas victimes de l'illusion
fiscale. Ils anticipent alors une hausse des impôts destinés à rembourser l'emprunt en
constituant une épargne d'un montant équivalent à l'endettement public. Pour SMITH
(1759), la dette est pernicieuse et ne doit pas être encouragée. Elle incite le souverain à
des dépenses inutiles et favorise l'irresponsabilité. J.B. SAY (1799) pense qu'il faut limiter
l'emprunt public parce qu'en plus d'alimenter la consommation publique destructrice de
richesse et de valeur, il fait intervenir le paiement des intérêts. HAYEK (1989) dénonce
l'endettement comme étant une croissance artificielle, fondée sur un investissement
supérieur à l'effort d'épargne de la nation. Ainsi, pour les classiques l'État doit tout
simplement assurer sa mission régalienne à partir des ressources générées par l'activité
économique. Toute intervention de l'État dans l'économie est source de sous-optimalité et
de nuisance. Aucun déficit budgétaire n'est justifiable et par conséquent, l'emprunt public
n'est pas envisageable. Cependant, d'autres écoles contestent cette pensée et pensent à
l'efficacité du financement par l'emprunt, d'un déficit budgétaire justifié et maîtrisé.

II.1.2- Nécessité de la dette publique (Keynésien et HARROD-DOMAR)

Contrairement aux classiques, les keynésiens pensent que l'endettement public en


général n'entraîne pas de coûts ni pour les générations présentes, ni pour les générations
futures du fait des nouveaux investissements qu'il génère. Ils pensent que le principe de
l'équilibre budgétaire ne doit pas toujours être respecté. Un déficit budgétaire justifié et
maîtrisé peut être un facteur de relance économique, de lutte contre le chômage :
stimulation de la demande et/ou de la consommation globale (infrastructures), qui par le
biais de l'effet multiplicateur, sont capables de promouvoir une croissance durable. Dans
cette approche, l'endettement public favorise la relance de la demande qui par son effet
accélérateur, entraîne une augmentation plus que proportionnelle de l'investissement qui
provoque à son tour une hausse de la production, permettant ainsi de créer les emplois et
de lutter contre la pauvreté.

Selon HARROD et DOMAR, il peut toujours y avoir croissance. Un État, pour atteindre le
taux de croissance garanti, peut être amené à créer un déficit budgétaire et de le financer
par un emprunt extérieur. En effet, l'hypothèse de base du modèle de croissance de
HARROD et de DOMAR est qu'il n'y a pas de croissance si un pays n'investit pas et le
taux de croissance de la production est une fonction croissante du capital.

II.1.3- Efficacité de la dette extérieure

Contrairement aux idées développées supra, certains économistes s'interrogent plutôt sur
la capacité du financement extérieur à développer un pays (puisque si un pays s'endette,
c'est nécessairement pour concrétiser ses projets de développement). Autrement dit, ils
se demandent si le financement extérieur entraîne un effet de levier ou de massue pour
un pays. Aujourd`hui, cette question est loin de faire l'unanimité chez les économistes. En
effet, le débat historique qui a opposé les partisans d'un financement extérieur
enrichissant et d'un financement extérieur appauvrissant a pris dans les années 80, une
dimension nouvelle.

Pour les uns, notamment les radicaux, le financement extérieur ne peut être
qu'appauvrissant pour l'économie réceptrice puisqu'il n'est rien d'autre qu'une
manifestation nouvelle de l'impérialisme au stade suprême du capitalisme en
développement dans un état de perpétuel asservissement. Pour les libéraux, le
financement extérieur est la manifestation de l'esprit de solidarité des pays dits
développés qui mettent généreusement à la disposition des pays en développement des
capitaux pouvant leur permettre de combler à la fois leur déficit d'épargne et de
développement, et de les hisser ainsi sur la voie royale de la croissance économique et
du développement.

Entre les deux idées diamétralement opposées, un courant intermédiaire établit une
relation empirique entre le financement extérieur, l'épargne nationale et la croissance
économique. Les relations économétriques testées montrent que dans bon nombre de
PVD, le financement extérieur peut être considéré comme nuisible à la croissance et au
développement dès lors qu'il exerce une influence négative sur le taux d'épargne et
développe au niveau des populations du Sud une propension élevée à la mendicité et à
l'assistance internationale.

Toujours est-il que les PVD ont besoin des financements pour assurer leurs
investissements. Depuis les indépendances, il est noté que l'épargne nationale est faible
dans ces pays alors contraints de recourir aux emprunts extérieurs. Ainsi, le problème de
l'endettement surtout pour les PVD peut plutôt se poser en termes de capacité
d'endettement.

II.2- Capacité d'endettement

La crise de l'endettement a ouvert de nouvelles pistes d'analyse de l'emprunt public. Le


problème ne se situe plus au débat sur la nécessité de l'emprunt public ou pas, mais
plutôt à la capacité d'endettement d'un pays. En effet, RAFFINOT (2004) trouve paradoxal
le problème de la crise d'endettement du tiers monde. Il se demande comment un État
peut avoir des difficultés à rembourser une dette contractée à des taux si faibles (0,75 %
dans le cas des prêts de l'Agence Internationale de Développement (AID) de la Banque
Mondiale) et à des conditions si favorables (durée de 40 ans, dont 10 ans de différé pour
ces mêmes prêts) ? La situation est encore plus curieuse si l'on tient compte du fait que la
part des dons dans le financement total est également très élevée. Cette question remet
en cause la capacité d'endettement des PVD. Ainsi, nous pouvons nous interroger sur le
niveau optimal de la dette souveraine, c'est-à-dire, sur le montant maximal de la dette
qu'un pays peut emprunter sans avoir à compromettre sa croissance et la création
additionnelle de la richesse. C'est dans ce contexte que nous examinerons dans les
paragraphes suivants les théories de l'endettement optimal et de la capacité
d'endettement supportable.

II.2.1- Endettement optimal : modèle endettement-croissance

Dans la seconde moitié des années 90, les conséquences négatives d'un endettement
excessif sur la croissance des pays pauvres commencent à susciter une attention
croissante. Le fardeau virtuel de la dette ou « debt overhang » est défini comme étant
une situation dans laquelle se trouve un pays débiteur, telle que l'encours de sa dette est
élevé au point que toute stratégie d'investissement est dépourvue d'efficacité. Cette
inefficacité des stratégies d'investissement demeure, à moins qu'il n'y ait une réduction du
stock de la dette ou de son service (CLAESSEUS et DIWAN, 1989)10(*).

La plupart des PVD ont bénéficié pendant les décennies passées, d'importantes entrées
de capitaux étrangers à titre de prêts souvent contractés à des conditions
concessionnelles (élément don supérieur à 25 %). Le constat montre que le
remboursement du stock de la valeur actuelle restante est «non seulement virtuellement
impossible mais également contre productif et contraignant pour les pays pauvres »
(PATILLO et al., 2002). S'assurer des effets positifs d'un endettement extérieur c'est
savoir à partir de quel niveau la dette extérieure a un effet négatif sur les performances
économiques du pays emprunteur, c'est-à-dire le niveau au-delà duquel toute
accumulation supplémentaire n'est pas souhaitable. Cette approche d'analyse de
l'endettement nous conduit à parcourir les études relatives à l'endettement et la
croissance.

La plupart des études sur l'endettement public et la croissance émettent l'hypothèse selon
laquelle l'investissement est le canal indirect de transmission des effets de l'emprunt
extérieur sur la croissance. Ces études révèlent que l'emprunt public ne fait pas
systématiquement obstacle à l'investissement et à la croissance. En effet, certains
analystes pensent que l'emprunt extérieur a un effet positif sur la croissance jusqu'à un
certain seuil au-delà duquel son effet devient négatif. Jusqu'à un certain seuil, les
emprunts supplémentaires accroissent la probabilité de remboursement. Car pour un pays
peu endetté, un accroissement d'emprunt extérieur peut stimuler la croissance dans la
mesure où le capital supplémentaire financé à l'aide de ces nouvelles ressources
rehausse la capacité de production. Si la production augmente, il est plus facile pour un
pays de rembourser sa dette avec les intérêts. Au delà de ce seuil, les investisseurs sont
découragés, car leurs incertitudes augmentent au regard des moyens par lesquels l'État
doit s'acquitter de ses lourdes obligations du service de la dette. En effet, lorsque la dette
souveraine augmente, les investisseurs peuvent craindre que l'État finance ses
obligations du service de la dette par des mesures génératrices de distorsions, par
exemple en augmentant rapidement la masse monétaire (conséquence directe : l'inflation)
ou en augmentant le taux d'imposition (conséquence directe : fuite des investisseurs). Et
même s'ils investissent, il y a de fortes chances qu'ils retiennent des projets offrant des
rendements rapides et élevés, et non des projets de longue haleine qui pourraient
rehausser durablement la croissance. Aussi, au-delà de ce seuil, le gouvernement sous la
pression des créanciers peut être contraint de ne pas engager certaines reformes
structurelles et budgétaires qui pourraient affermir la croissance économique du pays et
ses finances publiques.

Une étude de PATILLO (2002) portant sur 93 PVD durant la période 1969-1998 confirme
solidement l'hypothèse d'une relation entre l'encours de la dette extérieure et la
croissance. Les auteurs constatent que l'incidence de la dette extérieure sur la croissance
du PIB par habitant commence à être négative à partir du moment où la VAN de la dette
dépasse 160-170 % des exportations et 35-40 % du PIB. Les résultats de leurs
simulations ont abouti au constat suivant : le doublement de la dette ralentit la croissance
annuelle par habitant d'environ 0,5-1 %. Une étude complémentaire (PATILLO, 2004)
réalisée sur 61 PVD montre que le doublement du niveau moyen de leur dette réduit de
près de 1 % la croissance tant du capital physique par habitant que de la productivité
totale des facteurs.

Par ailleurs, d'autres études dont celle de CLEMENTS et al. (2005) montrent qu'à partir de
50 % du PIB pour la valeur nominale de la dette extérieure ou à 20-25 % du PIB pour sa
valeur actuelle nette, la dette pèse sur la croissance des pays à faible revenu. Ces
résultats montrent que la réduction substantielle de la dette extérieure escomptée pour les
pays bénéficiant de l'initiative en faveur des PPTE aura pour effet d'ajouter directement
0,8-1,1 points à leurs taux de croissance du PIB par habitant. Aussi, en moyenne, chaque
fois que le service de la dette augmente de un point du PIB, l'investissement public
diminue d'environ 0,2 %.

Enfin, les travaux de EICHENGREEN et PORTES (1986) sur l'identification des


déterminants du stock de la dette montrent qu'un endettement excessif et le défaut de
paiement tendent à réduire le taux de croissance réelle et la crédibilité de l'État.

Ainsi, le problème de gestion de la dette extérieure se pose aussi en terme de capacité de


remboursement, c'est-à-dire la capacité d'un pays à produire et à gagner des devises
pour le remboursement de sa dette extérieure.

II.2.2- Capacité d'endettement supportable : capacité de transfert élargi

Dans ce paragraphe, nous analysons l'endettement supportable d'un pays par sa capacité
de remboursement, c'est-à-dire sa capacité à transférer une partie de sa production à
l'étranger pour assurer le service de la dette extérieure. En définissant la capacité de
paiement d'un pays comme le maximum transférable à l'étranger, Keynes a réduit cette
capacité de transfert au surplus exportable. Il pense qu'un pays ne doit pas transférer tout
son surplus de production à l'extérieur au risque de briser le ressort de l'activité. Il semble
d'après TOUNA (1985) qu'entre la notion de surplus exportable et de surplus total de
production, il existe une notion intermédiaire de surplus plus englobante qu'il assimile à la
capacité de transfert élargi.

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