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LES URGENCES

EN ONCOLOGIE
PÉDIATRIQUE

Mhamed Harif
Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca
Président de Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique
Directeur du Centre Hospitalier Universitaire Tanger-Tétouan-AlHoceima

Laila HESSISSEN
Présidente de la Société Marocaine d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique
Présidente continentale de la Socité Internationale d’Oncologie Pédiattique
Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie, Mohammed V, Rabat

Préfaces :
Rachid BEKKALI
Directeur exécutif, Fondation Lalla Salma pour le Prévention et le Traitement des
Cancers

Anna GAGNEPAIN-LACHETEAU
Directrice médicale, Fondation Sanofi Espoir
Ministre de la Santé

Ouvrage édité avec le soutien de la Société Marocaine d’Hématologie


et Oncologie Pédiatrique projet École africaine d’oncologie pédiatrique

LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 3


REMERCIEMENTS À LA MÉMOIRE DE JAMILA HACHIM
À la Fondation Sanofi Espoir pour son soutien au programme École Africaine Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie
d’Oncologie Pédiatrique du Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique et au CHU Ibn Rochd de Casablanca pour ses valeurs et son engagement
en faveur des enfants atteints de cancer au Maroc

4 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 5


SOMMAIRE
Chapitre
1. Organisation des urgences en oncologie pédiatrique et approche du patient............................................................13
M.Harif
2. Syndrome de lyse tumorale en oncologie pédiatrique...................................................................................................19
M.Kababri, A.Kili
3. La neutropénie fébrile en oncologie pédiatrique...........................................................................................................28
M.Lemchaheb
4. Prise en charge de la douleur chez l’enfant atteint de cancer aux urgences.............................................................36
M. Ait Mouloud, N.Benajiba
5. Complications aigues de la chimiothérapie....................................................................................................................46
M.Lemchaheb, M.Bendari
6. Hyperleucocytose majeure et syndrome de leucostase................................................................................................72
A.Madani
7. Syndrome veine cave supérieure.....................................................................................................................................79
M.Khattab
8. Compression médullaire en oncologie pédiatrique.......................................................................................................91
S.Fares, S.Cherkaoui
9. L’hypertension intracrânienne.........................................................................................................................................99
L.Hessissen
10. Urgences abdominales en oncologie pédiatrique......................................................................................................108
J.El Houdzi
11. Les urgences chirurgicales en oncologie pédiatrique...............................................................................................116
M.Alzemmouri
12. La cystite hématurique chez les patients suivis en oncologie hématologie pédiatrique.......................................122
J.Toughza
13. Les thromboses veineuses en oncologie pédiatrique................................................................................................128
M.Khorassani
14. les thromboses des voies veineuses centrales en oncologie hématologie pédiatrique.........................................136
J.Toughza
15. Les urgences en radiothérapie pédiatrique................................................................................................................141
N.Sellal, J.Khalil Ibrahim
16. Anémies aigues de l’enfant : Attitude pratique...........................................................................................................153
M.Kababri, A.Kili
17. Les hémorragies aigues en oncologie pédiatrique....................................................................................................160
M.El Khorassani
18. Les hypercalcémies en oncologie pédiatrique...........................................................................................................165
S.Benmiloud
19. Le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone anti-diurètique........................................................................173
S.Benmiloud
20. Conduite de la transfusion aux urgences en oncologie pédiatrique........................................................................180
M.Harif, L.Loukhmas
21. Complications aigües de la transplantation de moelle osseuse chez l’enfant........................................................188
M.Harif

6 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 7


PRÉFACES
Les cancers de l’enfant représentent à peu près 2% de tous les cancers au Maroc. Oluptin rem doluptur as rectaquae. Et ute nimaio explanim quaesto rrorunt
Il est vrai, qu’aujourd’hui de meilleurs diagnostics, et des traitements plus etur aut faccull itatur, corepro ipicius soluptat fugit accusdae. Itaquo in rehenis
performants ont permis d’atteindre un taux de guérison de près de 80%, mais, aspienducit, suntus evelessimin provident is eos eates dolent pe expernam
malheureusement les urgences oncologiques de l’enfant restent très fréquentes sit untor re dolori bla dollanihitae ent ut dolor rerum sinto magniae ribus, cus
et graves. porem volo ipsandit ut qui officipit, nullam eum qui aut mo quatiatur? Quiae as
alignatem nobitempe providuciam, oditium faceper erumquodiae natia cum vellit
Les cancers de l’enfant peuvent présenter des situations d’urgences avant, ut exceprehenis dolorer uptionseque plaborest, suntur rest, ut adis magnit untia
pendant et après le traitement d’où la nécessité d’une bonne connaissance et sollabor aut vidus consent.
d’une bonne prise en charge de ces urgences.
Otation cori volupta doluptatus ut evelict emposan torrum susda experit veratios
Ces urgences oncologiques sont liées soit à la maladie, soit au traitement, mod maximagnisit quossin ctassit emposap icillab incia volorae et ullant.
elles peuvent être infectieuses, neurologiques, métaboliques, hématologiques,
cardiovasculaires, respiratoires ou encore toxiques d’où la nécessité impérative et Od ex etur? Rovit facepta sapient, ulla cone sed magnate natur aspedist, eum
absolue de les connaître, de les identifier et de savoir les traiter. voluptat labor sitate dollene catqui sitecto doluptam, qui ad molectem quid quo
offictoribus eat ut quide dolorerro maximos sita quam ut etus andio vid quia nihiliq
Cet ouvrage est une référence pour tous les professionnels de la santé, et uibus. Accustrum nosani aborest veliquat.
particulièrement les pédiatres, et les hémato-oncologues qui prennent en charge
les enfants atteints de cancer. Delestr uptur, sam ra el ium eatus re natem sunti con nobis mollessiti recto eaque
animaio bearum volendit, cor simi, ipsam unt a conet es deratur iorita simolutem
Il permet de connaître les urgences de façon plus rapide et de mieux les traiter et, que repersperunt utatior erspere rumqui te et aut quis autemoditat ea debist
de ce fait d’améliorer les chances de guérison de nos jeunes patients. voluptas nim ipistrument.

Je suis convaincu que ce travail sera un excellent outil pour tous les praticiens Atur adi qui comni consectur apis illuptaturia ipsaepu dignatem coreperit
dans le domaine du cancer chez l’enfant. exereperis similibea.

Rachid BEKKALI Anna GAGNEPAIN-LACHETEAU


Directeur exécutif, Fondation Lalla Salma Directrice médicale, Fondation Sanofi Espoir
pour le Prévention et le Traitement des Cancers

8 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 9


LISTE DES AUTEURS

Mounia Al Zemmouri Amina Kili


Service de chirurgie pédiatrique, Hôpital Abderrahim El Harouchi, CHU Ibn Rochd, Centre d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, CHU Ibn Sina, Faculté de Médecine et de
Université Hassan II, Casablanca Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat.

Mounia Bendari Mouna Lemchaheb


Hôpital Cheikh Khalifa, Université Mohammed VI des Sciences de la Santé, Casablanca Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, Hôpital 20 Aout 1953, Faculté de
Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca
Sarra Benmiloud
Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU Hassan II, Faculté de médecine et de Latifa Loukhmas
pharmacie, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah , Fès Hématologie, Oncologie Achifaa, Casablanca

Siham Cherkaoui Abdellah Madani


Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, Hôpital 20 Aout 1953, Faculté de Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, Hôpital 20 Aout 1953, Faculté de
Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca

Jamila El Houdzi Nabila Sellal


Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, Centre d’Oncologie et Hématologie, Centre d’Oncologie Régional, Tanger
CHU Mohammed VI, Université Cadi Ayad, Marrakech
Jihan Toughza
Mohammed El Khorassani Hôpital Khalifa Ben Zaid, Université Mohammed VI des sciences de la santé, Casablanca
Centre d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, CHU Ibn Sina, Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat.

Salma Fares
Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, Hôpital 20 Aout 1953, Faculté de
Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca

Mhamed Harif
CHU Tanger-Tétouan-Al Hoceima.

Laila Hessissen
Centre d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, CHU Ibn Sina, Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat.

Maria Kababri
Centre d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, CHU Ibn Sina, Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat.

Jihane Khalil-Ibrahim
Centre d’Oncologie Régional, Tanger

Mohammed Khattab
Centre d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, CHU Ibn Sina, Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat.

10 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 11


1 ORGANISATION DES URGENCES
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE
ET APPROCHE DU PATIENT
Mhamed Harif
CHU Tanger-Tétouan-Al Hoceima

Objectifs pédagogiques
 Connaître les exigences d’une organisation de la prise en charge des patients
urgents ;
 Savoir évaluer un patient urgent ;

Connaître les situations d’urgences pour les principales pathologies
cancéreuses.

Vignette
Asmaa, fillette âgée de 6 ans est amenée par ses parents aux urgences le soir car
elle fait de la fièvre, elle a mal à la bouche et vomit. Elle était hospitalisée 3 jours
auparavant. Ses parents disent qu’elle est traitée pour une leucémie.
Quelles sont les questions à poser aux parents ?
Quelles sont les complications potentielles ?
Quelle conduite avoir pour prendre en charge cette patiente et ses parents ?

12 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 13


La prise en charge des cancers de l’enfant a connu des progrès significatifs, Les équipes de garde généralement faites d’infirmières et jeunes médecins doivent
passant en quelques décennies de maladies mortelles à court terme à des de manière optimale :
maladies curables pour la majorité des patients. Les progrès ont été le fruit · Être formées à la prise en charge de l’urgence ;
du développement de la connaissance de ces maladies et des travaux de · Disposer de moyens permettant sans délai de procéder aux investigations et
groupes coopérateurs qui ont permis d’adapter les moyens diagnostiques notamment la biologie et la radiologie et soins urgents ;
et thérapeutiques au pronostic de chaque patient et trouver ainsi le meilleur · Avoir la possibilité de recours aux oncologues pédiatres expérimentés et autres
spécialistes et notamment les réanimateurs ;
compromis entre l’efficacité et la toxicité des thérapies. Ces progrès sont · Avoir un manuel décrivant les conduites d’urgence.
aussi le fruit d’une meilleure organisation des soins intégrant une grande
multidisciplarité et aussi une continuité de l’offre et de la qualité des soins. Cette Il est également nécessaire de procéder à l’évaluation régulière de la qualité des
organisation devrait prendre en considération le caractère urgent du cancer de soins urgents et adapter les pratiques en conséquence.
l’enfant au diagnostic et au cours du traitement.
Niveau Composition
Organisation des urgences en oncologie Plateau Appareil ECG avec électrodes et gel, Tensiomètre manuel et stéthoscope
pédiatrique supérieur Gants non stérile, Container DASRI, Solution hydro-alcoolique
L’organisation permettant la continuité des soins est une exigence majeure et il Injectable : Adrénaline, anticonvulsivants, corticoïdes, antihistaminiques, diurétiques,
revient aux équipes prenant en charge ces patients de mettre en place une offre 1
antispasmodiques, antalgiques, antipyrétiques, antiémétiques, antibiotiques
de soins permettant des soins appropriés notamment lorsque les équipes sont 2 Kit de prélèvements, tubes, seringues
réduites. 3 Set de perfusion et transfusion, sérum salé et glucosé, voluven, bétadine, intranules
Tableau I : Composition minimale du chariot d’urgence
L’organisation de la prise en charge des urgences doit faire l’objet d’une validation
par les responsables de l’institution de soin. Elle doit intégrer aussi bien les
patients admis en hospitalisation que les patients venant en consultations Profil des patients nécessitant une prise en
non programmées. Un soin particulier doit être donné au chariot d’urgence, charge urgente
régulièrement contrôlé (Tableau I). Sa composition est à adapter en fonction des Le profil des patients dépend du type de recrutement de la structure de soins et
pratiques de l’institution mais dans tous les cas, il convient de réduire les délais des programmes thérapeutiques en place. Dans tous les cas, les enfants suspects
d’intervention des soignants en présence d’une urgence vitale. ou suivis pour cancer sont une urgence diagnostic et thérapeutique. L’urgence
intra-hospitalière est habituellement encadré par une équipe dédiée. La demande
L’identification d’un local dédié pour les patients urgents suivis admis pour une de soins ambulatoires est conditionnée par les possibilités d’hébergement du
urgence en oncologie pédiatrique est souhaitable car les urgences polyvalentes patient et sa famille à proximité de la structure de soins. Elle varie également
peuvent exposer les patients à une promiscuité avec les patients porteurs de selon la politique d’éducation thérapeutique mise en place.
pathologies infectieuses, à moins d’identifier un circuit approprié. Il est important
également que l’équipe des urgences dispose du dossier clinique du patient ou à D’une manière générale, les patients ont recours à l’équipe des urgences pour une
défaut des informations nécessaires sur la maladie et son traitement. Il devrait ou parfois plusieurs plaintes. Les enfants en phase terminale ont particulièrement
être également possible de procéder à l’isolement ou pour les malades externes recours à la structure d’urgence pour des soins palliatifs. Une attention particulière
l’hospitalisation de courte durée ou en milieu de soins intensifs ou de réanimation. doit être apportée à ces enfants et à leurs parents. Les principales plaintes sont
L’équipe doit pouvoir procéder aux actes de ponctions de liquide pleural ou la fièvre, la douleur ou les nausées/vomissements et à moindre échelle une
d’ascite, oxygéner, aspirer et monitorer le patient. expression hémorragique.

14 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 15


Évaluation du patient aux urgences Moyens Situation urgente
Pathologie Expression clinique
La stratégie est différente selon que le patient est connu et suivi pour une thérapeutiques potentielle
pathologie cancéreuse ou qu’il soit admis pour suspicion de cancer. Dans les cas Chimiothérapie Fièvre
Fièvre
d’un ancien patient l’équipe de garde doit disposer des informations minimales Allogreffe de Hémorragies
Leucémies aigues Adénopathies
cellules souches Syndrome de lyse tumorale
concernant la maladie et le traitement (Tableau II). L’accueil et l’information des Splénomégalie
hématopoïétiques Douleurs osseuses
patients et de la famille requièrent une attention particulière dans ce contexte Hémorragie intra-tumorale
compte tenu du stress souvent associé au contexte d’urgence. Pour les malades Masse abdominale Chimiothérapie
)(Anémie aigue
Néphroblastome Hématurie Chirurgie
hospitalisés une transmission entre l’équipe de jour et l’équipe de garde est Rupture tumorale
HTA Radiothérapie
cruciale. Cette transmission devrait être orale et écrite. HTA
Chimiothérapie
Chirurgie
Masse Douleurs osseuses
Maladie et traitement Objectif Radiothérapie
Neuroblastome Compression neurologique Anémie
Autogreffe de
HTA Compression médullaire
Comprendre les signes cliniques et les complications cellules souches
Type de cancer
éventuelles de la maladie hématopoïétiques
Moyens Situation urgente
Dates du diagnostic Informe sur les possibilités thérapeutiques reçus Pathologie Expression clinique
thérapeutiques potentielle
Date de la dernière de chimiothérapie Informe sur les possibilités de neutropénie ou infection Invagination intestinale aigue
Masse (abdominale,
Lymphome non- Détresse respiratoire (Atteinte
)thoracique, ORL Chimiothérapie
Date et type de la dernière transfusion Permet de comprendre les complications éventuelles hodgkinien )médiastin / ORL
Syndrome de lyse tumoral
Protocole de chimiothérapie Permet de comprendre les complications éventuelles Masse (Ovaire, testicule, Chimiothérapie
Tumeurs germinales Torsion ovarienne
Permet d’envisager la possibilité d’une infection et )médiastin Chirurgie
Présence de cathéter central Céphalées, vomissements
adapter l’antibiothérapie Radiothérapie
Ataxie
Tumeur Chirurgie Hypertension intracranienne
Permet de prendre en compte les résultats du bilan pour Convulsions
Explorations récentes intracrânienne Chimiothérapie Céphalée, vomissements
la conduite. Paralysies paires crâniennes
Confusion
Tableau II : Informations minimales requises pour prendre en charge un patient.
Énucléation
Radiothérapie Buphtalmie
Leucocorie
Principales pathologies oncologiques et leurs Rétinoblastome
Strabisme
Thermo-chimiothérapie Hypertension intracranienne
Cryothérapie
complications urgentes inaugurales Chimiothérapie
L’expression clinique varie selon le type, la localisation tumorale et son stade Douleurs Chimiothérapie Douleurs osseuse
d’extension (Tableau III) Tumeur osseuse Masse Chirurgie Détresse respiratoire
Fracture pathologique radiothérapie )(Métastases
Tableau III : Expressions cliniques urgentes des principaux cancers de l’enfant

Dans tous les cas, l’équipe soignante doit systématiquement évaluer la douleur, la
fièvre et les constantes vitales. Les soins de supports et notamment le traitement
de la douleur doivent rapidement être mis en place.

16 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 17


Ce qu’il faut retenir
 L’organisation des urgences est une obligation pour la prise en charge des

2
enfants atteints de cancer ;
 L’équipe de garde doit être formée à la prise des cas urgents et avoir accès à
la demande d’avis spécialisé ; LE SYNDROME DE LYSE
 L’isolement ou l’admission en soins intensifs ou réanimation doivent être TUMORALE EN ONCOLOGIE
organisés selon les besoins ;
 Les informations relatives à la maladie et son traitement doivent être PÉDIATRIE
disponibles pour l’équipe de garde ;
Maria El Kababri, Amina Kili
 Les complications potentielles des cancers de l’enfant et des traitement Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique,
doivent être connus par l’équipe de garde. Hôpital d’Enfant - CHU Ibn Sina, Rabat

Références sélectionnées
1. Kato M How to manage pediatric oncologic emergencies: Imaging diagnosis
Pediatrics International 2019, 61, 121
2. Handa A, Nozaki T, Makidono A et al Pediatric Oncologic Emergencies: A
Clinical and Imaging Review for pediatricians Pediatr Int. 2019 Feb;61(2):
122-139 Objectifs pédagogiques
3. Gaucher N, Humbert N, Gauvin F. What Do We Know About Pediatric Palliative  Comprendre le mécanisme de survenue du syndrome de lyse tumoral
Care Patients Consulting to the Pediatric Emergency Department? Pediatr (SLT)
Emerg Care. 2018 Sep 25  Savoir identifier les situations à haut risque de SLT
4. Stephanos K, Picard L. Pediatric  Oncologic Emergencies. Emerg Med Clin  Savoir prévenir un SLT
North Am. 2018, 36(3):527-535  Savoir prendre en charge un SLT
5. Kaul S, Russell H, Livingston JA, Kirchhoff AC, Jupiter D. Emergency  Department
Visits by Adolescent and Young Adult  Cancer  Patients Compared
with Pediatric Cancer Patients in the United States. J Adolesc Young Adult Vignette
Oncol. 2018; 7(5):553-564. Une petite fille âgée de 4 ans est admise pour suspicion d’un lymphome de Burkitt
6.  Burcham MD, Cochrane AR, Jacob SA, Carroll AE, Mueller EL. abdominal. Elle présente une pâleur, une masse abdominale avec une ascite et des
Emergency Department Chief Complaints Among Children With Cancer. J œdèmes des membres inférieurs. Son bilan biologique d’admission du matin montre :
Pediatr Hematol Oncol. 2018, 2018;40(6):445-449. NFS : Globules Rouges : 3,4 M/mm3, Hémoglobine: 10.2 g/dl, Hématocrite: 35%, VGM:
7.  Prusakowski MK, Cannone D. Pediatric Oncologic Emergencies. Hematol 65 fl, CCMH: 31% TCMH : 28 pg, Globules Blancs : 9700/mm3 Neutrophiles : 4650/
Oncol Clin North Am. 2017; 31(6):959-980. mm3, Eosinophiles : 30/mm3 Basophiles :0/mm3 Lymphocytes : 5020/mm3 LDH : 850
8.  Katrin Scheinemann, Allison E.Boyce Emergencies in pediatric oncology Ionogramme sanguin : Na : 138 mmol/l, K+ : 5,1 mmol/l, Ca++ : 1,2 mmol/l, Chlore
Springer Science et Business Media , LLC 2012 103 mmol/l, Phosph :2,3 mmol/l , Ac Urique : 502 mmol/l, Urée : 10 mmol/l,
Créatinémie : 15 mg/l
Quelles explications donnez-vous au perturbations biologiques ?
Quel traitement proposez-vous ?
Comment surveiller cette patiente ?

18 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 19


Introduction/définition  Le rôle d’une insuffisance rénale dans la survenue d’un SLT est bien objectivé.
On appelle syndrome de lyse tumorale (SLT) le relargage rapide dans le sang de produits Les troubles métaboliques sont plus importants chez les patients porteurs d’une
intracellulaires à la suite de la mort d’une grande quantité de cellules cancéreuses. Cette insuffisance rénale à l’entrée de l’hôpital par rapport à une population qui n’en
libération spontanée ou souvent sous l’action de la chimiothérapie peut provoquer présente pas.
de graves désordres métaboliques (notamment hyperuricémie, hyperphosphatémie
et hyperkaliémie), touchant essentiellement le rein (insuffisance rénale) et le cœur Le traitement 
(troubles du rythme cardiaque) et pouvant mettre en jeu la vie du patient. Un SLT est observé plus fréquemment lors des chimiothérapies aplasiantes,
Le SLT s’observe dans les cancers ayant une croissance tumorale rapide avec un essentiellement lorsqu’elles sont cycles- dépendantes. Dans cette catégorie, on
turn-over cellulaire important, une importante charge tumorale et une grande retrouve les anthracyclines, le methotrexate, le VP16, le cisplatinium, et les inhibiteurs
sensibilité à la chimiothérapie (leucémies et lymphomes non hodgkiniens). des topo-isomérases. La corticothérapie aussi (utilisée dans la prise en charge des
lymphomes et leucémies lymphoblastiques de l’enfant), est souvent responsable
Facteurs prédictifs d’un SLT  d’un syndrome de lyse tumorale quelles que soient sa voie d’administration ou sa
Le syndrome de lyse tumorale est issu de la conjonction de facteurs dépendant de posologie. Dans les autres pathologies, c’est la sensibilité ou non à la chimiothérapie
la tumeur elle-même, de l’hôte et du traitement prescrit. En pratique quotidienne, qui est le facteur essentiel de survenue du syndrome de lyse tumorale.
la connaissance de ces facteurs prédictifs est capitale car elle permet de prévenir
et d’anticiper le traitement du SLT.
Incidence selon le type de cancer 
En oncologie pédiatrique, les pathologies les plus pourvoyeuses de SLT sont les
La tumeur 
lymphomes non hodgkiniens : LNH (essentiellement les lymphomes de Burkitt et
La tumeur intervient dans le SLT par sa taille, son index de prolifération et sa
les lymphomes lymphoblastiques B ou T), les leucémies aigues lymphoblastiques
sensibilité à la chimiothérapie. Le risque SLT est augmenté avec les tumeurs de
(LAL) et les leucémies aigues myé1oblastiques (LAM), notamment lorsqu’elles
grande taille. Ainsi, dans un lymphome quand la tumeur dépasse 10 cm le risque
sont hyperleucocytaires ou à temps de doublement rapide. Elles s’accompagnent
est élevé. Le taux de LDH élevé, quoique peu spécifique au cours des pathologies
d’un SLT compliqué d’une insuffisance rénale dans environ un tiers des cas.
malignes, est considéré comme un facteur de risque important. Certains auteurs
considèrent un taux de LDH inférieur à 5 fois la normale comme à faible risque de
Un syndrome de lyse tumorale a également été décrit lors de la prise en
SLT. Au cours des leucémies aigues, une hyperleucocytose est considérée comme
charge de tumeurs solides. Dans ce cas, le SLT représente un évènement rare et
facteur de risque d’un SLT (un taux supérieur à 50.000 globules blancs par ml
incompris, survenant dans de nombreux types de tumeurs avec des traitements
est un facteur de risque majeur). Un autre facteur de risque du SLT est le temps
très variables. Il s’agit généralement de tumeurs avec une masse cellulaire
de doublement tumoral. Une hyperleucocytose qui double en 24 h-48 heures
importante et une vitesse de prolifération rapide, qui sont classiquement sensibles
témoigne d’une tumeur rapidement évolutive. Le troisième facteur qui influence la
aux chimiothérapies. Il s’agit essentiellement des médulloblastomes, des tumeurs
survenue d’un SLT est la sensibilité de la tumeur au traitement.
germinales malignes et des tumeurs mésenchymateuses malignes.
L’hôte 
Les facteurs dépendants de l’hôte sont ceux intervenant dans l’élimination des ions et Au total, le SLT est une complication fréquente chez les enfants porteurs d’un
de l’acide urique. En pratique, il s’agit d’une insuffisance rénale. En dehors d’une atteinte lymphome de Burkitt ou d’une LAL B et moins fréquent dans les autres tumeurs.
préexistante, la dysfonction rénale peut s’observer dans trois circonstances :
- une déshydratation (troubles digestifs, un sepsis associé, ou un syndrome fébrile) Manifestations clinico- biologiques du SLT 
- une toxicité médicamenteuse (néphrotoxicité du méthotrexate) Le tableau biologique du SLT, comporte une hyperkaliémie, une hyperphosphatémie,
- une infiltration tumorale (lymphome de Burkitt infiltrant le rein ou compression une hypocalcémie et une hyper uricémie. Les valeurs définissant cette tétrade
urétérale en rapport avec des adénopathies). biologique sont rapportées sur le tableau I.

20 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 21


L’hyperkaliémie apparaît généralement 6 à 72 heures après le début de la · la précipitation d’acide urique dans les structures tubulaires (formation de
chimiothérapie. Elle est liée à la libération d’une grande quantité de potassium cristaux intra tubulaires),
cellulaire dans le liquide extracellulaire. Elle est exacerbée par une insuffisance · la précipitation de phosphate de calcium,
rénale chronique ou aigue ou par une acidose métabolique associée. Elle est · la dilatation des voies excrétrices secondaire à une compression tumorale,
responsable d’un tableau neuromusculaire fait de faiblesse musculaire, de ·  l’infiltration du parenchyme rénal par la tumeur (notamment avec les
paresthésies et de crampes, auxquelles peuvent s’associer des nausées, des lymphomes)
vomissements et une diarrhée. Les signes électrocardiographiques sont un ·  et enfin des facteurs de néphrotoxicité médicamenteuse liée à la
aplatissement des ondes P, un élargissement du complexe QRS et des ondes T chimiothérapie, aux antalgiques et aux produits de contraste iodés utilisés
pointues. Le risque majeur est la survenue de troubles du rythme cardiaque, dont pour l’imagerie diagnostique.
le plus dangereux est l’arythmie ventriculaire.
Bilan du SLT 
Uricémie mmol/l (80 mg/l) ou augmentation de 25% 476 > Devant un SLT, il convient de réaliser :
Kaliémie mmol (mEq)/l ou augmentation de 25% 6,0 > · Un suivi du poids, de la tension artérielle, de la diurèse totale et du pH urinaire
mmol/l (66 mg/l) (enfant), > 1,45 mmol/l (45 mg/l) (adulte) ou augmentation 2,1> · Un ECG
Phosphorémie
de 25% · Une échographie abdominale et rénale (recherche d’une infiltration rénale
Calcémie mmol/l (70 mg/l) ou diminution de 25% 1,75 < tumorale ou une dilatation des voies excrétrices secondaire à une compression
Tableau I : Tétrade définissant le syndrome de lyse tumorale biologique tumorale),
· Une radiographie thoracique à la recherche d’un gros médiastin
L’hyperphosphatémie est secondaire à la richesse du cytoplasme des cellules · Un ionogramme sanguin avec acide urique, urée, créatinine, phosphore,
tumorales en phosphore nécessaire à leur prolifération et leur métabolisme. Elle calcium, magnésium et LDH.
fait également suite à la fragmentation de I’ADN consécutive à l’ administration
d’une chimiothérapie, aboutissant à la mort cellulaire et à la libération de matériel
TUMOR LYSIS HYPERPHOSPHATEMIA
nucléaire riche en phosphore. L’hyperphosphatémie apparaît lorsque la capacité
d’excrétion rénale du phosphore est dépassée, ce qui est très souvent le cas. Très
CALCIUM PHOSPHATE
souvent asymptomatique en elle-même, l’hyperphosphatémie expose au risque HYPERKALEMIA HYPERURICEMIA
PRECIPITATION

de précipitation de cristaux de phosphate de calcium dans différents tissus,


en particulier dans le rein, provoquant une néphrocalcinose. La conséquence
URIC ACID PRECIPITATION HYPOCAICEMIA
métabolique secondaire de l’hyperphosphatémie est une hypocalcémie.

L’hypocalcémie peut être symptomatique, se manifestant par des crampes, un RENAL INSUFFICIENCY

syndrome tétanique, voire des troubles du rythme cardiaque ou des convulsions.


Secondaire à l’hyperphosphatémie, elle ne nécessite pas d’intervention thérapeutique Figure 1: Metabolic imbalances associated with TLS (9).
en elle-même. Elle peut potentialiser la toxicité cardiaque liée à l’hyperkaliémie.

L’hyperuricémie est la conséquence de la libération de nucléotides des noyaux Prévention et traitement du SLT 
cellulaires des cellules tumorales. Le SLT est constitué de deux cercles vicieux aboutissant à une insuffisance rénale,
L’insuffisance rénale est la conséquence organique majeure du SLT. Son origine le premier centré sur l’hyperuricémie et la néphropathie uratique, le second sur
est multifactorielle (Figure 1). Les principales causes sont : l’hyperphosphorémie et la néphrocalcinose. Ces deux boucles sont les cibles essentielles
· une diminution du volume extracellulaire, de la prise en charge curative et préventive (Figure 2).

22 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 23


La prévention du SLT s’envisage dans le cadre des hémopathies et des LNH mais pas renouveler 8 à 12 heures après si l’uricémie n’est pas normalisée au bout de 6 à 8
des tumeurs solides. Elle dépend de la masse tumorale initiale puis à adapter selon heures (selon les paramètres de la surveillance biologique).
l’évolution de la leucocytose et du syndrome tumoral. Dans les situations avec un risque faible de SLT, on peut discuter l’administration
Sa prise en charge repose sur une collaboration étroite entre oncologues et d’une seule injection à la dose de 0,10 mg/kg/j.
néphrologues pédiatres et elle dépend à la fois de signes biologiques (IRA, hyperuricémie, La forme non recombinante de l’enzyme (Uricozyme ®), a été retirée du marché
hyperphosphorémie) et de la présence de facteurs de risque de développer un SLT. en 2002.
En cas de non disponibilité de Fasturtec, l’utilisation de l’allopurinol est justifiée à
Hyperhydratation et alcalinisation au cours du SLT  la dose journalière de 10 à 15 mg/kg en associant l’alcanisation des urines.
La diurèse forcée par hyperhydratation a pour but le rétablissement de la volémie et
l’instauration d’une hyperdiurèse. Traitement de l’hyperkaliémie
L’hyperhydratation par voie veineuse est à commencer plusieurs heures avant le début Plusieurs possibilités de traitement selon le contexte
de la chimiothérapie avec 3 l/m²/j, en commençant progressivement si nécessaire. On - Résines échangeuses d’ions : Kayexalate®oral 1 g/kg/j dans 100 ml de glucose
commence par 2/3 de sérum glucosé à 5% et 1/3 de sérum physiologique. 10%.
L’alcalinisation des urines se justifie dans le cas où l’ hypouricémiant utilisé est l’allopurinol - Diurétique de l’anse : Lasilix® 0,5 à 1 mg/kg toutes les 4 à 6 heures
et on substitue le sérum physiologique par du bicarbonate à 14%0. En situation de - Salbutamol 5µg/kg IVL 5 minutes ou en nébulisation
normovolémie et d’hyperdiurèse bien contrôlée, on peut continuer avec du sérum - Gluconate de calcium 10%  : 0,5 ml/kg IVL 20 minutes (dose < 20 ml)
glucosé à 5% avec 3-4 g/l de NaCl. - Alcanisation avec du Bicarbonate de sodium : 2 mmoles/kg IV
L’allopurinol est un inhibiteur de la xanthine oxydase, qui a un délai d’action long et ne - Insuline 0,1 UI/kg/h + glucose 0,5 g/kg/h
permet pas la dégradation de l’acide urique déjà accumulé, que le patient doit excréter - Discuter le recours à l’hémofiltration
par voie rénale. Dans les pays où l’urate oxydase (rasburicase) est utilisée, l’alcalinisation La surveillance par ECG ou scope est obligatoire quand la kaliémie augmente pour
des urines n’est plus nécessaire. détecter les signes électriques d’hyperkaliémie (élévation de l’onde T, QRS élargie).

LYSE TUMORALE
URATE OXYDASE Traitement de l’hyperphosphorémie et de l’hypocalcémie
URICÉMIE PHOSPHATES Le risque principal de l’hyperphosphorémie est la survenue d’une hypocalcémie
INSUFFISANCE RÉNALE
sévère avec risque de convulsion.
Ne supplémenter en calcium qu’en cas d’hypocalcémie symptomatique. La dose
utilisée est 2 à 5 ml/kg de gluconate de calcium 10% en perfusion lente sur 12 à 24h.
NÉPHROPATHIE NÉPHROCALCINOSE
URATIQUE

ALCALINISATION ATTENTION : le calcium précipite avec le bicarbonate. En cas d’alcalinisation


concomitante, il est nécessaire d’administrer le calcium sur une 2ème voie veineuse.
Figure 2 : Physiopathologie de l’insuffisance rénale En cas d’hypocalcémie menaçante ou symptomatique, une dose de charge de
dans le syndrome de lyse tumorale et cibles thérapeutiques (2). 0,3 à 0,5 ml/kg de gluconate de calcium 10% en perfusion de 20 minutes puis 3
Traitement hypouricémiant  ml/kg/j peut être utilisée .
L’utilisation de la forme recombinante de l’urate oxydase: Rasburicase (Fasturtec®) NB : l’administration de calcium est fortement contre-indiquée, y compris en cas
est le gold standard dans la prévention et le traitement du SLT. d’hypocalcémie jugée profonde, si elle n’est pas symptomatique (risque de la
Elle est utilisée à la dose de 0,20 mg/kg/j (ampoule de 1,5 mg et 7,5 mg) en précipitation phosphocalcique rénale).
une perfusion journalière de 30 mn pendant 4 à 7 jours jusqu’à la fin de la lyse En cas d’hyperphosphorémie (> 3 mmol/l), il faut augmenter l’hyperhydratation
tumorale. Cette dose est en principe suffisante, mais on peut être amené à la (jusqu’à 5 l/m²) et maintenir un pH urinaire à 7.

24 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 25


Indication de l’épuration extra rénale (EER)   L’hypocalcémie symptomatique peut nécessiter le recours au gluconate de
Si malgré les mesures préventives, une insuffisance rénale se développe ou si les troubles calcium ;
métaboliques s’aggravent et deviennent menaçants (notamment de l’hyperkaliémie),  Le recours à la dialyse est nécessaire dans les formes sévères, ne répondant
l’enfant doit être dialysé. Les indications de l’épuration extra-rénale sont : aux mesures précédentes ou aux formes avec une insuffisance rénale ;
 Les patients présentant un SLT doivent être étroitement surveillés sur les
· Hyperphosphorémie > 5 mmol/l (10 mg/dl) ; plans cliniques, biologiques et par monitorage.
· Hyperkaliémie > 7 mmol/l;
· Insuffisance rénale avec anurie;
· Surcharge hydrique avec oligurie malgré le lasilix. Références sélectionnées
1. Batouche D.D., Sadaoui L., Mentouri Z. Atteintes rénales au cours de la
pathologie tumorale chez l’enfant. Archives de Pédiatrie, Volume 21, Issue 5,
Surveillance du SLT  Supplément 1, May 2014, Page 767 (SFP P-057)
La surveillance du SLT doit être rigoureuse avec 2. Conger JD Acute uric acid nephropathy. Med Clin North Am 1990, 74:859-71.
· Lonogramme sanguin (+ acide urique, urée, créatinine, phosphore, calcium) 3. Dreyfus F Syndrome de lyse tumorale : épidémiologie et facteurs de risque.
biquotidien Réanimation, 2005, 14: 217-20.
· Poids / 12 heures avec bilan entrée/sorties/4 heures, 4. Dupré, C. Mousseaux, A. Bouguerba et al Pour le Groupe de recherche en
· Diurèse avec pH urinaire / 4 heures (Lasilix® si diurèse < 400 ml/m²/4 heures) réanimation respiratoire en Onco-Hématologie (GrrrOH). Analyse des
· ECG ou scope en cas d’hyperkaliémie. Tension artérielle et fréquence cardia / recommandations britanniques 2015 sur la prévention et la prise en charge
du syndrome de lyse tumorale. La Revue de Médecine Interne 2017, 38, 1 :
4 heures
36-43
5. Friedlander G Syndrome de lyse tumorale : physiopathologie. Réanimation
Conclusion 2005, 14 : 221-23.
Le SLT est un syndrome majeur et toujours d’actualité dans la prise en charge des 6. Howard S.C., Jones D.P., Pui C-H The Tumor Lysis Syndrome. N Engl J Med
cancers de l’enfant. Les mesures préventives sont simples et doivent être planifiées. La 2011,364:1844-54.
surveillance clinico- biologique intensive est capitale. L’objectif thérapeutique est avant 7. Jabbour E, Ribrag V Traitement actuel du syndrome de lyse tumorale. La
tout de prévenir la survenue d’une insuffisance rénale, en corrigeant la déshydratation revue de médecine interne 2005, 26: 27–32.
extracellulaire et en luttant contre l’hyperphosphorémie et l’hyperuricémie. 8. Moreau D Prise en charge des syndromes de lyse tumorale en réanimation.
Réanimation, 2005; 14: 224-28.
9. Pizzo P-A.; Poplack D-G. Oncologic Emergencies in Principles and Practice of
Ce qu’il faut retenir Pediatric Oncology, 6th Edition. ovidsp.tx.ovid.com/…/ovidweb.cgi.
 Le SLT est lié à un largage massif du contenu des cellules tumorales dans le 10. Prusakowski M-K, Cannone D. Pediatric Oncologic Emergencies. Emerg Med
sang, dépassant les capacités d’épuration de l’organisme ; Clin N Am 32 (2014) 527–548.
 Il est plus fréquent en cas de tumeurs avec un taux de renouvellement rapide 11. Turtureanu-Hanganu E. Emergency care: The tumor lysis syndrome. Rev Med
et en particulier les hémopathies maligne  et en cas d’atteinte rénale ; Chir Soc Med Nat Iasi. 2002, 106(4):705-11.
 Il donne lieu à des degrés variables à une hyperkaliémie, une
hyperphosphorémie, une hypocalcémie, une hyperuricémie et peut conduire
à une insuffisance rénale ;
 Il doit être systématiquement prévenu dans les lymphomes non hodgkiniens
et les leucémies aigues ;
 Sa prévention et son traitement font appel à une hyper-diurèse alcaline en cas
d’usage d’allopurinol et sans alcalinisation en cas d’usage d’urate oxydase ;
 L’hyperkaliémie peut nécessiter le recours au Kayexalate au furosémide ou
pus rarement au Salbutamol 5µg/kg IVL 5 minutes ou en nébulisation ;

26 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 27


Introduction 
L’infection est une cause majeure de morbidité et mortalité chez l’enfant atteint

3
de cancer. La Neutropénie fébrile se voit chez 30% des patients d’Onco-
hématologie.

LA NEUTROPÉNIE FÉBRILE La fièvre peut être la manifestation initiale d’une infection grave potentiellement
fatale.
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE La chimiothérapie en Hémato-oncologie se complique d’une aplasie et
d’une atteinte de la muqueuse gastro-intestinale avec le risque d’infection
invasive par la colonisation bactérienne et fongique. D’où Le risque important
Mounia Lamchahab
Service d’hématologie et oncologie pédiatrique, d’infections sévères avec neutropénie prolongée et profonde surtout en
Hôpital 20 Août 1953, - CHU Ibn Rochd, Casablanca allogreffe de moelle et dans les inductions de leucémie aiguë. La prise en
charge doit être rapide avec la mise en route d’une antibiothérapie empirique.
L’identification des facteurs de risques d’infection bactérienne et fongique sévère
a permis une approche plus ciblée.

Définition 
La neutropénie fébrile est définie selon les critères de l’IDSA 2010 par :
 Une neutropénie avec un taux de PNN<1500elmts/mm3 ou attendu dans
les 48 heures. Elle est considérée sévère à <500elmts/mm3 et très sévère à
Objectifs pédagogiques <100elmts/mm3.
 Définir la neutropénie fébrile  Une fièvre avec une température orale >38.3°C ou >38.0°C recontrôlée après
 Savoir évaluer son niveau de gravité 1 heure.
 Savoir conduire le bilan à la recherche de l’agent pathogène
 Savoir instituer un traitement antibiotique approprié La fièvre peut manquer chez les patients sous corticothérapie. D’autres signes
 Savoir indique une ablation de voie veineuse centrale doivent nous alerter et nous faire débuter une antibiothérapie malgré l’absence
 Savoir identifier et traiter une aspergillose pulmonaire de fièvre :
- douleurs abdominales importantes associées à une diarrhée ou à un arrêt du
transit
Vignette - douleurs musculaires
Omar est porteur d’une leucémie aigue myéloblastique de type 2 avec t(8 ;21). Il a été - troubles hémodynamiques (tachycardie, hypotension artérielle…)
mis en rémission complète après le 1ère cure d’induction. Il a reçu sa 2ème cure et il
est actuellement à J10. Il présente une fièvre à 38.5°C avec frissons. Son hémogramme L’antibiothérapie doit être débutée en urgence (dans l’heure suivant le début de
de la veille montre : GR : 3.5 M/mm3, Hb : 9,3, Ht : 35% VGM : 81fl, CCMH: 30% TCMH : la fièvre).
27 pg, GB: 650/mm3 PNN : 150, Mono : 30 PNE : 0 PNB : 0 Lc : 470 Le risque infectieux est majeur si neutropénie sévère et prolongée >7 jours.
Quel bilan complémentaire faire ?
Quand faut-il introduire l’antibiothérapie ? On détermine globalement deux groupes à risque :
Quels antibiotiques choisir ?  Faible risque : neutropénie < 500 /mm3 pour ≤7 jours et sans comorbidités ni
Faut-il retirer le cathéter central qu’il porte depuis 1 mois ? d’insuffisance hépatique ou rénale. Exemple : chimiothérapies pour des tumeurs
solides. La prise en charge se fait en ambulatoire par antibiothérapie IV, ou Per
os

28 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 29


 Haut risque : neutropénie < 500 /mm3 pour> 7 jours ou, comorbidités ou • examen pleuro-pulmonaire,
insuffisance hépatique ou rénale, quelle que soit la durée de la neutropénie. • recherche de lésion cutanée,
Les patients avec PNN ≤100 pour> 7 jours sont les plus susceptibles d’avoir • examen abdominal,
des complications potentiellement mortelles. Exemple : l’allogreffe, les • examen de la marge anale,
inductions des leucémies aigues. • examen de la voie centrale ….
Les pathogènes concernés diffèrent selon les facteurs de risque et d’un centre à
Une évaluation des facteurs de risque :
l’autre selon l’écologie microbienne locale. Il peut s’agir de bactéries aérobies ou
• Hémogramme : Gravité de la neutropénie <500/mm3
anaérobies, de champignons ou de virus (Tableau 1)
• Antécédents d’hospitalisation dans moins de 3mois, infection à BMR
(Bactéries multirésistantes)
Gram Négatifs Gram Positifs Anaérobis Champignons
• Antibioprophylaxie
· Escherichia coli · Staphylocoque · Bacteriodes fragelis · Pneumocystis jiroveci • Dispositifs intra-vasculaires
· Klebsiella species coagulase négative · Candida spp. • Colonisation en germes résistants (Bactéries sécrétrices de b-lactamases à
· Enterobacter species · Staphylocoque aureus · Aspergillose
spectre élargie (BLSE), Carbapénémase, staphylocoque aureus résistant à la
· Pseudomonas · Enterococcus species · Zygomycose
aeruginosa (incluant ERV) méthicilline (SARM), Entérocoque résistant à la vancomycine (ERV))
· Citrobacter species · Groupe des • Comorbidités (chirurgie récente, …)
· Acinetobacter species streptocoques viridans • Type et date des dernières chimiothérapies, stade du protocole thérapeutique,
· Stenotrophomonas · Streptococcus statut de la maladie.
maltophilia pneumonia
· Streptococcus
pyogenes Un bilan infectieux :
• Hémocultures, sur milieu standard et Sabouraud, centrales (toutes les
Tableau 1 : Les pathogènes le plus fréquemment identifiés en situation de neutropénie fébrile
lumières) et périphériques, dès l’apparition de la fièvre et avant l’introduction
des antibiotiques (à refaire si fièvre persistante avec absence d’isolats)
Diagnostic • ECBU (même chez les patients asymptomatiques)
En raison du risque de choc septique et de mortalité élevée ; la neutropénie fébrile • Bilan radiologique selon le contexte clinique (radiographie du thorax, si signes
chez un patient atteint de cancer est une urgence. respiratoires faire TDM thorax et sinus)
La prise en charge nécessite en parallèle : • Coproculture si symptomatologie digestive
• Antigénémie aspergillaire
Un examen clinique initial devant l’apparition de fièvre :
Les patients sont en général peu symptomatiques. Souvent la fièvre est isolée. Protocole thérapeutique 
– L’évaluation clinique initiale dicte l’approche thérapeutique: Traitement empirique 
• nécessité d’hospitalisation, - La fièvre chez le neutropénique est une urgence médicale. Les antibiotiques
• antibiothérapie par voie IV, à large spectre en monothérapie ou bithérapie selon le contexte doivent être
• hospitalisation prolongée, instaurés dès que possible (dans l’heure) après les hémocultures, à des doses
• existence ou non d’un état de septicémie. complètes, ajustées pour la fonction rénale et/ou hépatique (Tableaux 2 et 3).
– L’examen clinique doit être complet et répété, à la recherche du site infectieux:
• évaluer l’état hémodynamique (TA, FC, FR), Pour les patients à haut risque, l’antibiothérapie est administrée par voie IV dans
• état buco-dentaire à la recherche de mucite (annexe) ou d’abcès dentaire, un milieu hospitalier.

30 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 31


Le but de l’antibiothérapie empirique doit être bactéricide et couvrir les agents - Devant une instabilité hémodynamique, élargir le spectre pour BGN
pathogènes les plus probables et les plus virulents (BGN) qui peuvent rapidement causer multirésistantes, CGP, anaérobies et ajout d’un antifongique.
une infection grave (respiratoire, gastro-intestinale, urinaire, cutanée), voire mortelle. - Introduire une couverture antifongique empirique si fièvre persistante après
Le choix de l’antibiotique dépend des facteurs de risques du patient et surtout de quatre à sept jours d’un régime antibactérien à large spectre et aucune
l’écologie bactérienne de chaque service. source de fièvre identifié.
Les antibiotiques qui peuvent être utilisés en monothérapie sont : les b lactamines - Si ulcérations orales : herpès ou candida ajouter acyclovir et / ou fluconazole
antipseudomonas : Ceftazidime, Cefepime, la Piperacilline-tazobactam, les - Si diarrhée avec signes abdominaux: traitement empirique du clostridium.
carbapénèmes : Meropenem, Imipenem
État initial Antibiothérapie/traitement Durée
NB : Si un carbapénème est utilisé, préférer le meropenem en raison de la - Neutropénie < 7j Céfotaxime ou Céftriaxone - B-lactamine : 5 à 7j si sortie de
toxicité neurologique de l’imipenem (convulsions). - Pas d’ATB ou hospitalisation +/- Gentamycine neutropénie
dans les 3 mois - 7 j d’apyrexie si neutropénie
- Pas de couverture anaérobie en empirique (le risque est de 3 à 4%). persistante
- La durée prolongée de la neutropénie profonde expose au risque d’infection - Aminoside : 3j
fongique invasive. - Échec de 1ère ligne ou - Ceftazidime/Céfépime/Tazocilline - B -lactamine : 5-7j si sortie de
- Neutropénie > 7j ou -M  eropénème si sepsis sévère ou neutropénie
- L’utilisation d’un traitement per os chez certains patients neutropéniques
- ATB/hospitalisation dans les 3 colonisation BMR - 7 j d’apyrexie si neutropénie
de faible risque par combinaison d’une ciprofloxacine à une amoxicilline mois -+  /- Amikacine si sepsis persistante
protégée est possible. Deux études randomisées mentionnent un taux d’échec ou antécédent de BMR ou - Aminoside : 3j
et une durée de l’état fébrile similaires entre les groupes cipro/amoxiclav PO colonisation - D ésescalade suivant
et ceftriaxone ou cefepime IV. - P as d’anti-SARM sans preuve l’antibiogramme
clinique, colonisation
Échec des stratégies ci-dessus Revoir le dossier, FDR, antécédents
Associer un autre ATB  de BMR, reprendre le bilan
- Aminosides, Fluoroquinolones, et / ou Vancomycine peuvent être associés Après 72h d’antibiothérapie : Amphotérécine B ou Voriconazole Selon diagnostic oui ou non d’AI
devant une hypotension, une pneumonie, une cellulite.., ou en présence de Traitement antifongique selon les critères
probabiliste
germes résistants.
- La Vancomycine ou d’autres agents qui ciblent les cocci à Gram positif, ne Tableau 2 : Conduite à tenir devant une neutropénie fébrile
sont pas recommandés initialement, mais devant la suspicion d’infection liée Anti-infectieux Posologie habituelle Maximum
au cathéter, peau, infection des tissus mous, pneumonie, ou une instabilité Ceftriaxone 1x/j 100mg/kg/dose 12h/2g max
Ceftazidime 8h/mg/kg IV 50 max 2g/8H (ajustement fonction
hémodynamique. )rénale
- Couverture anaérobie si nécrose cutané, sinusite, cellulite parodontale, Cefepime 8h/mg/kg IV 50 8H/2g max
cellulite péri-rectale, infection intra-abdominale (entérocolite neutropénique Piperacillin /Tazobactam ;mois: 80mg/kg IV/8h 9< dose quotidienne max 16g/jour (ajus-
;mois et ≤40kg: 100mg/kg IV/ 8h 9≥ )tement fonction rénale
[typhlite]), infection pelvienne, ou bactériémie anaérobie. 40kg: 3g IV/6h ou 4g IV/ 6-8h>
Meropenem mois: 20mg/kg IV/8h 3≥ ,mois : max 1 g/dose 3≥
Evaluation du traitement  Pour infections SNC: 40mg/kg IV/8h Pour infections SNC: max 2g/dose
- Modifications en fonction de la documentation clinique et microbiologiques. )ajustement fonction rénale(
Imipenem mois 25mg/kg IV/6h 1> max 1g/dose
- Une fièvre persistante inexpliquée chez un patient stable nécessite rarement )ajustement fonction rénale(
un changement du traitement ATB. Amikacine 24h/20mg/kg/dose 1g/j max
Vancomycine 8h/20mg/kg/dose-15 max 2g/j, jusqu’à 4g/j si infection SNC
- La vancomycine ou une autre couverture Gram positif introduite au départ Métronidazole 8h PO/IV/10mg/kg g/j 1.5 max
peut être arrêtée après deux à trois jours, s’il n’y a aucune preuve d’une Aciclovir 8h/10mg/kg 8h/500mg max
infection à Gram positif. Tableau 3 : Doses des anti-infectieux

32 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 33


Cas particuliers Ce qu’il faut faire en urgence à J0 de la fièvre 
Ablation de la voie veineuse centrale (PAC ou KTC)  C’est une urgence, les heures sont comptées
Elle doit être systématique en cas d’hémoculture positive à :  Apprécier et préciser rapidement la situation clinique:
- Staphylocoque aureus - Choc septique? Sepsis sévère?
- Candida - Recherche d’un foyer patent, évaluer le retentissement de l’infection, voire le
- Pseudomonas aeruginosa cathéter? Comorbidités?
On devrait mettre en place une voie veineuse périphérique avec arrêt de toute perfusion - Le statut de la maladie sous-jacente?
sur la voie centrale, l’antibiothérapie étant effectuée sur la voie périphérique. - Les ATCD infectieux, colonisation? Contexte épidémiologique local ?
L’ablation de la voie centrale doit se faire en urgence.  Faire rapidement les prélèvements bactériologiques: 2 Hémocultures
Allergie à la pénicilline  (du cathéter et périphérique), ECBU, prélèvement d’un foyer accessible,
Devant un antécédent de réaction d’hypersensibilité immédiate (urticaire et/ou coproculture si diarrhée, et radiographie pulmonaire.
bronchospasme) :  Prescrire l’ATB et s’assurer qu’elle est débutée dans l’heure. Assurer
l’hydratation, les transfusions …
- Pas de bêta-lactamines ou carbapénèmes.
 A éviter
- Traitements empiriques alternatifs : ciprofloxacine et de clindamycine, plus
- L’utilisation abusive des marqueurs d’inflammation en aplasie (CRP…)
vancomycine
- Les modifications intempestives d’antibiotiques chez un patient stable, dont
- Pas de fluoroquinolones s’ils sont utilisés pour la prophylaxie
les prélèvements répétés sont négatifs, même fébrile.
Aspergillose pulmonaire invasive (API) - L’ablation systématique des cathéters centraux en cas de fièvre persistante
L’API présente un défi diagnostique et thérapeutique chez le neutropénique avec un risque
de mortalité élevée. Le diagnostic repose sur les critères de l’EORTC/MSG (l’European Références sélectionnées
Organization for Research and Treatment of Cancer/Mycoses Study Group) qui la 1. Lehrnbecher T, Robinson P, Fisher B et al Guideline for the Management of
classe en API possible, probable ou prouvée en fonction des critères liés à l’hôte, les Fever and Neutropenia in Children with Cancer and Hematopoietic Stem-
critères clinico-radiologiques et les critères mycologiques (Tableau 4). Cell Transplantation Recipients: 2017 Update. Journal of Clinical Oncology,
volume 2017, 20;35(18):2082-2094
Le traitement repose sur le voriconazole à la dose de 6mg/kg/12h IV ou Per os à J1 puis
2. Haeusler GM, Sung L, Ammann RA, Phillips B. Management of fever and
4mg/kg/12h. neutropenia in paediatric cancer patients: room for improvement ? Curr Opin
API Possible API probable API prouvée Infect Dis. 2015 Dec;28(6):532-8
Caractéristiques - Neutropénie prolongée (< 500/mm3 pendant > 10 jours) 3. Freres P, Gonne E, ColliGnon J, Giot J-B, GenniGens C, Jerusalem G Prise en
prédisposantes de - Immunodéficience congénitale sévère (par exemple CGD)
l’hôte (≥ 1) - Receveur d’une transplantation médullaire allogénique charge de la neutropénie fébrile chez le patient cancéreux. Rev Med Liège
- Corticostéroïdes (≥ 0,3 mg/kg/j) au long cours (3 semaines) 2015; 70 : 4 : 195-200
- Traitement immunosuppresseur au cours des derniers 3 mois (Inhibiteurs de la 4. Centre National Hospitalier d’Information sur le Médicament Évaluation
calcineurine, anti-TNF alpha, anticorps monoclonaux…)
Critères clinico- Fièvre, toux, douleur thoracique, hémoptysie, dyspnée thérapeutique. Antibactériens lors des épisodes de neutropénie fébrile.,
radiologiques Et un infiltrat au CT thoracique ou Nouvel infiltrat au CT thoracique : cavité, signe du Dossier 2000, XXI, 2
halo ou signe du croissant gazeux
Critères - Examen direct ou culture - Preuve histologique
microbiologiques positive pour Aspergillus (seule suffit)
(≥ 1) au niveau de : crachats, - Culture d’un site
LBA ou aspirât de sinus stérile
- Galactomannanes au
niveau du LCR, LBA,
plasma
- B-D-glucanes sérique
Tableau 4 : les critères de l’European Organization for Research and Treatment of Cancer/Mycoses Study
Group pour le diagnostic d’une aspergillose pulmonaire invasive (API)

34 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 35


Introduction 
La douleur est fréquente en oncologie pédiatrique et ce aussi bien au diagnostic,

4
durant le parcours de soins que lors d’une rechute. C’est une cause fréquente de
consultation aux urgences. Elle peut être diurne ou nocturne, susceptible d’empêcher
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR le sommeil. Les causes sont multiples, liées à la maladie (leucémies, tumeurs du
CHEZ L’ENFANT ATTEINT DE CANCER système nerveux central, tumeurs osseuses, neuroblastome métastatique) ou à
son traitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, gestes invasifs). La prise en
AUX URGENCES charge optimale de la douleur revêt une importance majeure en oncologie pédiatrique
du fait de la contribution de cette prise en charge dans la qualité de vie des patients et
M. Ait Mouloud, Noufissa Benajiba
Service de pédiatrie, CHU Mohammed VI Oujda leurs parents et dans l’adhérence au traitement et l’humanisation des soins.

Physiopathologie
Classiquement trois facteurs principaux contribuent à la pathogenèse de la
douleur cancéreuse :
Objectifs pédagogiques  Excès de la nociception,
 Comprendre les mécanismes de la douleur et ses étiologies ;  Mécanisme neuropathique,
 Savoir diagnostiquer et évaluer la douleur chez l’enfant et le  Des processus psychopathologiques.
nourrisson ;
 Savoir distinguer la douleur nociceptive de la douleur neuropathique ; En pratique clinique les mécanismes peuvent être intriqués. Elle peut être liée à
 Connaître et savoir prescrire les antalgiques des différents paliers ; la maladie ou être d’origine iatrogène. A la douleur de fond continue chez l’enfant
atteint de cancer on peut avoir des accès de douleur aigue intercurrente.
Vignette 1
Rayane âgé de 7 ans est suivi pour neuroblastome métastatique à l’os et à la La douleur nociceptive 
moelle osseuse depuis 5 ans, traité par chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie. Elle est la plus fréquente, liée à la stimulation des récepteurs périphériques de la
Il est admis aux urgences samedi à 10 heures du matin pour douleurs osseuses nociception, localisés au niveau d’un organe, le système nerveux étant intact. Elle peut
intenses au niveau des membres inférieurs évoluant depuis la veille empêchant le être déclenchée par un processus lésionnel inflammatoire, ischémique, ou mécanique
sommeil avec des céphalées et un strabisme récemment installé. (compression organe, distension viscérale….). Elle peut être bien localisée, décrite
A l’examen clinique, l’enfant se laisse difficilement examiner. Il est irritable, ne comme aigue, continue, pulsatile ou comme une pression. Elle peut également être
sourit pas et refuse de répondre aux questions. sourde, mal localisée, profonde s’accompagnant parfois de nausées.
Comment évaluer la douleur ? La douleur nociceptive réagit bien aux traitements morphiniques ou bien aux
Comment sera la prise en charge ? techniques anesthésiques.
Quels sont les informations nécessaires aux parents ?
La douleur neuropathique 
Vignette 2 Elle correspond à 30 à 40% des douleurs cancéreuses. Elle est secondaire à une
Naima, âgée de 10 ans, suivie pour sarcome d’Ewing de l’épaule gauche, a été atteinte du système nerveux central ou périphérique, le plus souvent en rapport
admise dans un tableau de fièvre. L’enfant était incapable de s’alimenter et de boire, avec des lésions de nerfs périphériques, secondaire à la tumeur, à une intervention
elle était dénutrie et renfermée sur elle. L’examen clinique retrouve une mucite. chirurgicale, à une chimiothérapie ou une radiothérapie. Les signes cliniques sont
Quelle serait votre attitude devant cette enfant ? souvent caractéristiques décrites à type de brûlures, de picotement, de sensation

36 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 37


chaud/froid ou type de décharge électriques. L’examen neurologique retrouve des Évaluation de la douleur chez l’enfant
anomalies de la sensibilité profonde. Pourquoi évaluer la douleur ?
Ce sont des douleurs qui répondent mal aux opiacés, elles sont surtout sensibles La douleur est une perception subjective. Le traitement de la douleur nécessite
aux co-antalgiques et sont traitées essentiellement par les antiépileptiques et les son évaluation chiffrée et reproductible afin d’adapter le traitement antalgique.
antidépresseurs. Il n’existe pas de marqueur biologique ou physiologique spécifique de la douleur.
L’évaluation est possible grâce à des échelles validées, sensibles, reproductibles
La douleur idiopathique et spécifiques. Lors du suivi, l’évaluation doit être effectuée avec le même outil.
Il s’agit d’un symptôme qui ne s’explique par aucune pathologie organique. Une L’enfant en âge de s’exprimer verbalement est le mieux placé pour parler de sa
évaluation psychologique peut être utile si les symptômes psychologiques et douleur (autoévaluation).
comportementaux semblent jouer un rôle important. C’est avec prudence qu’il Pour l’enfant qui n’a pas accès au langage, l’évaluation de la douleur par l’observation
faut parler de troubles idiopathiques chez l’enfant atteint de cancer car la douleur des comportements est faite par une personne tierce (hétéro-évaluation).
a presque toujours un lien avec la pathologie organique sous-jacente.
Comment faire l’autoévaluation ? 
a douleur et l’inconfort lié aux soins Quand elle est possible (à partir de 4 à 6 ans), l’auto-évaluation est la méthode
Les douleurs engendrées par les soins comme celles résultant de gestes à visée de choix. Il y à plusieurs échelles d’auto-évaluation de la douleur.
diagnostique ou thérapeutique doivent être prévenues, détectées, évaluées et
traitées. Des gestes répétés, souvent jugées anodins par les soignants, peuvent Échelle visuelle analogique (EVA) 
être source de douleur et détérioration de la qualité de vie des patients. Il est donc C’est l’outil de référence chez l’enfant autour de 6 ans. Elle permet de mesurer
important de ne pas négliger l’angoisse et la douleur qu’ils peuvent engendrer. l’intensité de la douleur sur une réglette de 10 cm échelonnée de 0 à 10 : «  pas
Ainsi, les ponctions lombaires, les ponctions osseuses (aspiration et biopsie) et de douleur » ou « pas mal du tout » à l’extrémité basse et « douleur très forte » ou
les ponctions veineuses chez l’enfant atteint d’un cancer font l’objet de standards, « très très mal » à l’extrémité haute. L’enfant doit positionner un curseur « aussi
options et de recommandations. haut que sa douleur est grande » (Figure 1).

Les accès douloureux paroxystiques Présenter l'échelle


GóL …ƒb ⁄CG 100
de façon verticale.
Dire à l'enfant :

La stratégie thérapeutique doit prendre en compte l’instabilité des douleurs et 90


«place le curseur
aussi haut
que ta douleur
est forte»

‫ﻣﻘﻴﺎس اﻷمل ﻟﻠﻄﻔﻞ‬


‫ ﺳﻨﻮات‬10-5 ‫ﻣﻦ‬
80

notamment la présence d’accès douloureux paroxystiques qui existent selon les


‫ﻧﻘﺪم ﻫﺬا اﻟﺴﻠﻢ ﺑﺸﻜﻞ‬
: ‫ ﻧﻘﻮل ﻟﻠﻄﻔﻞ‬.‫ﻋﻤﻮدي‬
‫"ﺿﻊ اﳌﺆﴍ‬
70 ‫ﰲ اﳌﺴﺘﻮى اﻟﻌﻠﻮي‬
".‫اﻟﺬي ﻳﻨﺎﺳﺐ ﺗﺄﳌﻚ‬
60 ‫ميﻜﻦ أن ﻧﻘﺪم ﻣﺜﺎﻻ‬

enquêtes chez 50 à 89% des patients atteints de cancer. Ces accès douloureux
: ‫ﺑﺴﻴﻄﺎ‬
‫"إذا ﻛﻨﺖ ﺗﺘﺄمل ﻗﻠﻴﻼ‬
50 ‫ﺣﻮل اﳌﺆﴍ ﰲ اﺗﺠﺎه‬
،‫اﻷﺳﻔﻞ‬
‫وإذا ﻛﻨﺖ ﺗﺘﺄمل ﻛﺜريا‬
40 ‫ﺣﻮل اﳌﺆﴍ ﰲ اﺗﺠﺎه‬

paroxystiques correspondent à des douleurs plus ou moins sévères qui se


".‫اﻷﻋﲆ‬

30 ‫ﻛﻨﻘﺪﻣﻮ ﻫﺎد اﻟﻮرﻗﺔ‬


: ‫ ﻧﻘﻮﻟﻮ ﻟﻠﻄﻔﻞ‬.‫ﻋﻤﻮدﻳﺎ‬
"‫"ورﻳﻨﻲ ﺷﺤﺎل ﻛﺘﻮﺟﻊ‬
20 : ‫وﻧﴩﺣﻮ ﻟﻴﻪ‬
‫"إﻻ ﻛﻨﺘﻲ ﻛﺘﺤﺲ‬

manifestent sur un fond douloureux. Ils surviennent en quelques secondes ou 10

0
‫ﺑﺸﻮﻳﺔ دﻳﺎل ﻟﻮﺟﻊ ﻫﺒﻂ‬
.‫اﳌﺴﻄﺮة اﻟﺼﻐرية ﻟﻠﺘﺤﺖ‬
‫وإﻻ ﻛﻨﺘﻲ ﻛﺘﺤﺲ‬
‫ﺑﺎﻟﻮﺟﻊ ﺑﺰاف ﻃﻠﻊ‬
‫اﳌﺴﻄﺮة اﻟﺼﻐرية‬
⁄CG ’ ".‫ﻟﻠﻔﻮق‬

minutes et durent en moyenne 15 minutes bien qu’ils puissent chez certains enfants
persister plusieurs heures. Ils sont souvent déclenchés par les mobilisations. Leur
Avec le soutien de :

Face patient Face soignant


La réglette est placée verticalement devant 0 correspond à une absence de douleur ;
l'enfant qui doit placer le curseur ou son doigt 10 correspond à une douleur décrite comme

localisation est souvent similaire à celle des douleurs de fond. «aussi haut que sa douleur est grande». la plus forte.

Figure 1 : Échelle visuelle analogique


Il est important dans l’évaluation de la douleur du patient atteint de cancer de Échelle des visages 
savoir rattacher le symptôme à l’évolution de la maladie elle –même (85 à 92% A partir de 4 à 6 ans, une série de six visages est proposée à l’enfant. La
des cas), aux thérapeutiques employées (20% des cas) ou parfois rechercher consigne est la suivante : «ces visages montrent combien on peut avoir mal»
une autre étiologie que le cancer lui-même. l’enfant doit désigner le visage qui a mal autant que lui (figure 2).

38 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 39


Signes de douleur Cotation 0 Cotation 1 Cotation 2
Plaintes somatiques Aucune Se plaint d’avoir mal Plainte avec
geignements, cris,
sanglots ou supplications
Intérêt pour le monde L’enfant s’intéresse à son Perte d’enthousiasme, Inhibition totale,
10 8 6 4 2 0 extérieur environnement intérêt pour activité en y apathie, indifférent et se
«Voici des bonhommes qui ont mal ! étant poussé désintéresse de tout
Montre-moi le visage qui a autant mal que toi». SMNOP Position antalgique L’enfant peut se mettre L’enfant choisit à Recherche sans succès
? ∂∏ãe ⁄CÉàj …òdG ¬LƒdG ƒgÉe ! ¿ƒŸEÉàj ¢SÉfCG ÉægÉg n’importe comment, l’évidence une position une position antalgique,
? ∂dÉëH ™LƒdÉH ¢ùë«c »∏dG ¬LƒdG ƒg Éæ«a ! ™LƒdÉH ƒ°ùë«c ¢SÉf hOÉg aucune position ne lui est antalgique n’est jamais bien installé
désagréable
Figure 2 : Échelle des visages. Lenteur et rareté du Mouvements larges, Latence du geste, enfant comme figé,
Échelle verbale simple  mouvement rapides, variés mouvements restreints, immobile dans son
gestes lents et initiatives lit alors que rien ne
A partir de 4 ans, on peut aider l’enfant à qualifier la quantité de la douleur. motirces rares l’empêche de bouger
L’évaluateur, en s’aidant de ses mains, montre trois niveaux de douleur croissants Contrôle exercé par Examen et mobilisation Demande de faire Accès impossible à
(un peu, beaucoup, très fort). Cet outil permet d’adapter le vocabulaire employé l’enfant quant on le sans problème attention, protège la la zone douloureuse
mobilise zone douloureuse, retient ou opposition à toute
au développement cognitif de l’enfant. ou guide la main du initiative du soignant
soignant pour la mobilisation
Échelle numérique simple  Tableau I : Échelle HEDEN d’hétéro-évaluation de la douleur
A partir de 6 ans, l’enfant note entre 0 et 10 le niveau de sa douleur. Elle permet
Echelle OPS (Objective Pain Scale)
d’évaluer la douleur sans réglette.
Elle évalue la douleur aigue et comporte 5 items avec un score global de 0à 10
(Tableau II).
Localisation de la douleur sur un schéma 
A partir de 4 ans, l’enfant peut préciser les localisations de la douleur sur un Score 0 1 2
schéma représentant le corps humain. Plus âgé, il peut également en donner Pleurs Absents Présents mais consolable Présents mais inconsolable
Mouvements Éveillé et calme ou endormi Agitation modérée. Agitation désordonnée et
l’intensité : il choisit une couleur différente pour quatre niveaux de douleur (un Changement de position intense, l’enfant risque de
peu, moyen, beaucoup, très fort), puis il colorie les zones qui lui font mal avec la incessant. se faire du mal.
Comportement Éveillé et calme ou endormi Contracté, voix tremblante Enfant non accessible
couleur correspondant à l’intensité. mais enfant accessible aux aux questions et aux
questions et aux tentatives tentatives de réconfort, yeux
de réconfort. écarquillés. Enfant accroché
Comment faire l’hétéro-évaluation ? aux bras de ses parents ou
Elle se réfère à l’observation de l’enfant et de la douleur qu’il exprime par son d’un soignant.
Expression verbale ou Éveillé et calme ou endormi, Se plaint de douleur faible, Douleurs moyenne, localisée
corps et son comportement. Les échelles d’héteroévaluation sont utilisées corporelle sans position antalgique inconfort global ou position verbalement ou désignée
lorsque l’autoévaluation est impossible. Les échelles intègrent les pleurs, les jambes fléchies sur le tronc, de la main. Position jambes
bras croisés sur le corps fléchies sur le tronc, poings
signes corporels et les comportements. L’évaluation par les parents est précieuse serrés. Main porté vers
car ils détiennent des informations essentielles sur les comportements naturels une zone douloureuse, ou
recherche de protection.
de l’enfant en dehors de la situation douloureuse. Variation de la pression Augmentation < 10% Augmentation 10-20% Augmentation > 20%
artérielle
Tableau II: Échelle OPS (Objective Pain Scale) d’hétéro-évaluation de la douleur.
Échelle HEDEN (Hétéro Evaluation Douleur
Enfant)
Elle permet l’évaluation de la douleur prolongée. Cinq items cotés de 0 à 2 avec Prescription des antalgiques en pédiatrie
un score global de 0 à 10 (Tableau I). Quand traiter une douleur ?
Les seuils du traitement de la douleur nociceptive sont différents d’un enfant à

40 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 41


l’autre. Les sujets souffrant de douleurs neuropathiques sont traités en première · Le kétoprofène par voie intraveineuse (Profenid) est administré à une posologie
intention par des antidépresseurs ou des antiépileptiques. de 1 mg/kg deux à trois fois /24 heures. Malgré une AMM donnée à partir de 15
ans, il peut être utilisé à partir de 10 kg de poids.
· L’Acide niflumique  a une AMM à partir de 6 mois. Il est administré à la dose de
Principes généraux :
20mg/kg/12 heures (soit 40 mg/kg/j) par voie rectale.
  Le traitement antalgique doit être proposé de manière simultanée au
traitement étiologique ;
 La puissance du traitement antalgique choisi doit correspondre au niveau de Niveau 2 :
la douleur ressentie par l’enfant ; · La codéine a une AMM à partir d’un an. C’est un morphinique faible. Elle doit être
 Prescrire les antalgiques de façon systématique et à horaires fixes (et non pas associée à un produit de niveau 1. La posologie initiale est de 0.5 mg/kg toutes
à la demande) ; les 6 heures, avec adaptation progressive de la posologie avec un maximum de
 La douleur iatrogène doit être systématiquement prévenue. 6 mg/kg/jour.
· Le tramadol a une AMM à partir de 3 ans. C’est un agoniste des récepteurs
µ et un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.
Quel sont les objectifs du traitement antalgique ? 
Il a donc une action mixte sur les douleurs nociceptives et neuropathiques.
Le traitement antalgique doit être proposé de manière simultanée au traitement
La posologie est de 1 à 2 mg/kg trois à quatre fois par jour. Ses effets
étiologique de toute pathologie douloureuse. Son but est d’obtenir une analgésie
secondaires sont principalement les nausées, les vomissements, la
rapide, ce qui détermine le choix de la molécule et sa voie d’administration. L’objectif
constipation et la somnolence.
immédiat du traitement est de ramener l’intensité de la douleur en dessous du seuil
· La nalbuphine  est un morphinique de puissance intermédiaire entre les niveaux 2
de 3/10 sur l’échelle EVA ou de permettre à l’enfant un retour à ses activités de base.
et 3 avec un effet antalgique est rapide. Son AMM est à 18 mois. Il existe un effet
En règle générale, la prescription initiale dépend du niveau de la douleur. Le deuxième
plafond : au-delà d’un certain seuil, l’augmentation de la posologie ne provoque ni
objectif est d’adapter le traitement en fonction du niveau de la douleur résiduelle.
augmentation des effets antalgiques, ni augmentation des effets indésirables, ce qui
lui confère une grande marge de sécurité. Par voie intraveineuse la posologie est
Comment sont classés les médicaments de la douleur ? de 0.2 mg/kg toutes les quatre à six heures. Par voie rectale, la posologie est de 0.4
Les antalgiques sont classés en fonction des trois niveaux thérapeutiques de la mg/kg en une administration unique (en cas d’urgence). Les voies sous cutanées
classification de l’OMS, selon leur mode d’action ou leur puissance antalgique. ou intramusculaires sont à proscrire en raison de la douleur induite par l’effraction
cutanée. Elle peut avoir comme effet indésirable une somnolence transitoire.
Niveau 1 :
· Le paracetamol est un analgésique d’action périphérique et centrale. Par voie Niveau 3 :
orale et parentérale, la posologie est de 15 mg/kg toutes les six heures. Pour des La morphine est la référence du niveau 3. Il n’existe aucune contre-indication
taux plasmatiques efficaces par voie rectale, la posologie initiale serait de 40 liée à l’âge. Elle peut être administrée par voie orale ou intraveineuse. Il n’existe
mg/Kg, suivie de 20 mg/kg/6h plus tard, sans dépasser 100 mg/kg/jour. La voie pas de posologie maximale : la dose recommandée est celle qui soulage la
orale est à privilégier à la voie rectale en raison de sa meilleure biodisponibilité. douleur sans entrainer d’effets indésirables trop importants. La constipation doit
· Les anti-inflammatoire non stéroidiens (AINS) peuvent potentialiser l’effet systématiquement être prévenue.
antalgique du paracetamol sans qu’aucune étude ne le démontre. Il faut • La morphine orale : en l’absence de douleurs sévères et paroxystiques, la voie
s’assurer qu’il n’y a pas de contre indication connue (pathologie rénale ou orale est à privilégier. La morphine orale existe sous 2 formes :
hépatique, troubles de l’hémostase, allergie à l’aspirine). - Morphine à libération immédiate (morphine rapide) avec un délai d’action de 30 à 60
· L’Ibuprofène a une AMM à partir de 3 mois. Il est disponible sous forme de sirop minutes et une durée d’action de quatre heures. Elle existe sous forme de comprimés
pédiatrique. La posologie est de 30 mg/kg/jour, soit 10 mg/kg toutes les 8 heures. sécables (Sevredol 10 et 20 mg), gélules (Actiskenon 4,10 et 20 mg), ou encore une

42 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 43


préparation magistrale de « sirop de morphine » à 0.5, 1 ou 2 mg/ml (ampoules  Les antalgiques sont classées en fonction des trois niveaux thérapeutiques
injectables de chLorhydrates de morphine+sirop de grenadine). La posologie est de de la classification de l’OMS, selon leur mode d’action et leur puissance
0.2 mg/kg toutes les 4 heures (soit 1.2 mg/kg/jour) initiées par une dose de charge de antalgique.
0.4 mg/kg. Les doses doivent être proses à heure régulière. La constipation doit être - Niveau 1 : antalgiques non morphiniques (paracétamol et AINS)
prévenue systématiquement. - Niveau 2 : antalgiques centraux faibles (morphiniques mineurs)
- Niveau 3 : antalgiques centraux puissants (morphiniques puissants)
- Morphine à libération prolongée : (morphine retard) a un délai d’action de 2  Les traitements antalgiques font souvent rapidement appel aux opioïdes,
à 3 heures avec une durée d’action de 12 heures. Le comprimé ne doit âtre ni  La prescription des morphiniques doit être écrite et expliquée. Elle doit
croqué ni écrasé mais les gélules peuvent être ouvertes. Le passage aux formes anticiper les accès douloureux. La constipation doit systématiquement être
retards nécessite de calculer la dose de morphine immédiate reçue durant les prévenue,
24 heures précédentes, de la diviser par deux et de donner cette dose toutes  La prise en charge de la douleur inclut une prise en charge médicamenteuse
les 12 heures sous forme de retard. La posologie initiale est de 1 mg/kg/jour en et non médicamenteuse, comme l’information, la préparation aux soins, la
2 prises. L’arrêt d’un traitement morphinique prolongé est toujours progressif distraction, la relaxation ou l’hypnose,
(au moins en 48 heures) de manière à éviter la réapparition de la douleur et  L’attention portée au symptôme douleur, tout au long de la maladie de l’enfant,
l’apparition éventuelle de signes de sevrage. par les différents membres des équipes de soins confirme l’importance de
la collaboration pluridisciplinaire dans la prise en charge de douleur chez
· La morphine injectable : la morphine par voie intraveineuse est administrée via un l’enfant atteint de maladie maligne et ce en association le plus possible avec
dispositif anti-reflux. Une dose de charge à 0.1 mg/kg (6 mg au maximum, suivie les parents et la famille.
d’une injection de 0.025 mg/kg toutes les 5 minutes (titration) jusqu’au soulagement
permettant d’obtenir une analgésie rapide. L’ajustement se fait par le médecin en
fonction des scores de la douleur et de la sédation et des effets secondaires (détresse Références sélectionnées
respiratoire). L’administration IV doit rester une exception avant l’âge de 1 an. 1. Gatbois E, Annequin D, Prise en charge de la douleur chez l’enfant d’un mois à
15 ans Journal de pédiatrie et de puériculture, 2008, 21 (1) 20-36
2. Garcia B. Prise en charge de douleur en cancérologie digestive Post’U, 2011 :
Approches non pharmacologiques utiles dans la 169-172
prise en charge de la douleur  3. Harif M, La douleur chez l’enfant atteint de cancer- Guide à l’usage des
Différentes approches non pharmacologiques sont à la disposition des soignants soignants. Société Marocaine d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique,
Empreintes Éditions, 2009
pour soulager la douleur cancéreuse depuis la phase aigue jusqu’à la souffrance 4. Moukhlissi M, Aitidir M, Bouamama I., Maani K, Hachim J. La prise en charge
des derniers instants de la vie. On citera en particulier les techniques de relaxation, de la douleur chez l’enfant cancéreux. Pan African Medical Journal, 2015, 21 :
de distraction et d’hypnose. 319-323
5. Orbach D, Schmitt C, Sakiroglu O, Boutard P. Les douleurs liées au cancer
Ce qu’il faut retenir  chez l’enfant. Douleurs, 2007, 8 (2) : 81-89
 Les douleurs liées au cancer sont présentes au diagnostic, en cas de rechute 6. Yao A, Coze C, Traore F et al. Prise en charge de la douleur de l’enfant atteint de
ou en cas de progression tumorale terminale, cancer en Afrique: état des lieux au sein du groupe franco-africain d’oncologie
 Il faut savoir différencier une douleur nociceptive d’une douleur neuropathique, pédiatrique. Archives de pédiatrie 2013; 20: 257-264.
 Les outils d’évaluation spécifiques à l’enfant et à la situation doivent être
utilisés de façon répétée par l’équipe soignante. Ces échelles d’évaluation
sont choisies en fonction de l’âge et des capacités cognitives de l’enfant,
 Le traitement antalgique doit être proposé de manière simultanée au
traitement étiologique de toute pathologie douloureuse. Le but premier est
d’obtenir un soulagement rapide, ce qui détermine le choix de la molécule
ainsi que sa voie d’administration,

44 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 45


Introduction
Les chimiothérapies cytotoxiques, de par leur mécanisme d’action, agissent

5
sur toutes les cellules en cours de division. La toxicité de ces médicaments
anticancéreux se divise en une toxicité aiguë et une toxicité chronique. Les effets

LES COMPLICATIONS AIGUES indésirables aigues de la chimiothérapie apparaissent de quelques heures à
quelques jours après l’administration du traitement et durent de quelques heures
DE LA CHIMIOTHÉRAPIE à huit semaines, en général réversibles.
Les principales toxicités sont cotées à l’aide d’échelles qui, pour partie, conditionnent
l’attitude pour la suite de la thérapeutique (Échelle de l’OMS : Tableau I). De
Mounia Lamchahab
Service d’hématologie et oncologie pédiatrique, nombreux organes peuvent être atteints avec une préférence générale pour ceux à
Hôpital 20 Août 1953, - CHU Ibn Rochd, Casablanca renouvellement cellulaire rapide comme la moelle osseuse (anémie, neutropénie,
Mounia Bendari thrombopénie), le système gastro-intestinal (stomatites, vomissements,
Hôpital Cheikh Khalifa, diarrhées), la peau et les phanères (dermatites, ulcères, alopécie). La toxicité peut
Université Mohammed VI des Sciences de la Santé - Casablanca
toucher également des organes essentiels à la survie comme le rein, le foie, le
poumon, le cœur et le système nerveux (central et périphérique).
Objectifs pédagogiques La connaissance de ces toxicités permet une meilleure prise en charge préventive
 Connaître les principales complications aigues de la chimiothérapie et curative urgente devant tout effet secondaire.
anti-tumorale ;
 Savoir informer les patients de ces risques et le conseiller pour les éviter
Toxicité hématologique
quand cela est applicable ;
La toxicité hématologique est la plus fréquente des toxicités liées à la chimiothérapie.
 Savoir prendre en charge ces complications ;
C’est une destruction des cellules souches hématopoïétiques en voie de différenciation.
 Savoir prévenir ces complications pour les cures suivantes .
Elle touche les trois lignées des cellules du sang. Elle nécessite une surveillance régulière
Vignette et fréquente par des hémogrammes répétés. Elle se caractérise par une diminution de
Un enfant âgé de 7 ans est suivi pour une leucémie aigue lymphoblastique de phénotype leurs taux dès le 3ème ou 4ème jour, pour atteindre un taux minimal (appelé Nadir) entre
B non hyperleucocytaire initialement ni tumoral, avec un caryotype normal. Il est inclus le 8ème et le 10ème jour, et remonter au bout de 3 semaines environ.
au protocole MARALL, et mis en rémission médullaire complète après l’induction. L’enfant La leucopénie est plus fréquente que l’anémie et la thrombopénie. Cette différence
avait reçu la consolidation et la première intensification du protocole. Il a présenté 5 jours en fonction des lignées provient des différences de durée de vie de ces éléments
après l’administration de la chimiothérapie faite de vincristine et de daunorubicine avec figurés du sang (4-5 jours pour les leucocytes, 8-12 jours pour les plaquettes et
une injection intra-thécale de chimiothérapie, une lourdeur des membres inférieurs avec 120 jours pour les hématies).
boiterie. L’examen retrouve un enfant en bon état général, une tétra-parésie prédominante
aux membres inférieurs, des réflexes ostéo-tendineux abolis, sans troubles sphinctériens. Leuconeutropénie
Ce patient a bénéficié d’un électromyogramme qui a objectivé une neuropathie C’est la première manifestation de la myélosuppression. Elle est grave si le nombre
axonale motrice d’origine médicamenteuse. de globules blancs est inférieur à 1000/mm3 et les neutrophiles inférieurs à
La conduite à tenir a été de mettre le patient sous Laroxyl gouttes, avec un arrêt 500/mm3. Le risque infectieux est majeur. C’est la première cause de morbidité et
définitif de la vincristine. Il a gardé une tétra-parésie prédominante aux membres de mortalité chez un patient en aplasie. Tous les agents infectieux peuvent être en
inférieurs et il a présenté un syndrome respiratoire restrictif avec dysurie et a pat cause (bactéries, virus, champignons, parasites…). Dans les formes à haut risque
la suite développé des escarres sacrées. Le patient se déplace sur chaise roulante une hospitalisation urgente est nécessaire devant une fièvre supérieure à 38.3,
et bénéfice de séances de rééducation avec soins locaux des escarres. avec un isolement protégé et des mesures d’hygiène spécifiques.

46 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 47


Lors de l’utilisation de chimiothérapies aplasiantes, il est possible d’utiliser entre Anémie
les cures des facteurs de croissance hématopoïétiques. Ils permettent de réduire La plupart des chimiothérapies entraîne à la longue une anémie, en général normocytaire,
la durée et l’amplitude de la leucopénie et ainsi de limiter les risques infectieux. parfois macrocytaire dont la correction peut nécessiter des transfusions par des CGR
Ces facteurs sont dirigés vers la prolifération et la maturation des progéniteurs phénotypés, lorsque cette anémie devient symptomatique (dyspnée, fatigue), ce qui
des neutrophiles (GCSF : Granocyte, Neupogen). Ils sont administrés par voie survient habituellement avec des taux d’hémoglobine au-dessous de 8g/dl.
sous-cutanée pendant environ 10 jours, au cours de la période d’aplasie. Il existe
une seconde génération de facteurs de croissance comme le pegfilgastrim (ou Thrombopénie
Neulasta) en injection unique. Certains antimitotiques ont une toxicité aiguë plus marquée sur les plaquettes
(Déticène, Carboplatine). Le risque hémorragique devient grave quand le nombre
Organes atteints Grade 0 Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 de plaquettes est inférieur à 20.000/mm³ et sera majoré en cas de fièvre. Elle
Hémoglobine (g/l) > 110 109-95 94-80 79-65 < 65 peut se traduire par du purpura, des épistaxis, des gingivorragies ou même parfois
Leucocytes (9 10/l) >4 3.9-3.0 2.9-2.0 1.9-1.0 <1 des hémorragies graves. Le traitement consiste en des transfusions en concentrés
PNN (109/l) >2 1.9-1.5 1.4-1.0 0.9-0.5 < 0.5
Plaquettes (109/l) > 100 99-75 74-50 49-25 < 25 plaquettaires dans les formes à risque hémorragique sévère.
Pertes de sang Pertes de sang
Hémorragie Aucune Pétéchies Légères pertes de sang
importantes massives
Erythème, ulcères,
Toxicité gastro-intestinale
Pas de  Ulcères : nécessité d’un Alimentation Les muqueuses de l’appareil digestif sont des tissus à renouvellement rapide donc
Muqueuse buccale Erythème possibilité de manger
modification régime hydrique impossible
des solides touchés par les médicaments cytotoxiques.
Vomissements La prévention et le traitement de ces effets indésirables sont un élément crucial
Nausées Vomissements Vomissements
Aucun Nausées requérant un
vomissements transitoires incoercibles de la prise en charge des enfants atteints de cancer. Ils ont un impact négatif
traitement
Passagère  Intolérable requérant Déshydratation / majeur sur leur qualité de vie ultérieur de ces patients.
Diarrhée Aucune Tolérable > 2 jrs
< 2 jrs un traitement diarrhée hémorragique
Constipation Aucune Minime Modérée Sub-occlusion Occlusion Nausées et vomissements 
Extrasystoles Extrasystoles
Rythme  Pas de  Tachycardie sinusale > Tachycardie Les nausées et vomissements chimio-induits (NVCI) font partie des effets
unifocales, arythmie multifocales
cardiaque changement 110 au repos ventriculaire secondaires fréquentes de la chimiothérapie et leur prise en charge ne doit pas
sinusale nécessitant traitement
Dysfonctionnement Dysfonctionnement être négligée car ils altèrent la qualité de vie de l’enfant pendant et après ses
Asymptomatique mais Dysfonctionnement
Pas de  symptomatique symptomatique ne cures. Ils sont responsables de possibles complications métaboliques graves. Par
Fonction cardiaque signes cardiaques symptomatique
modification transitoire, pas de répondant pas au
anormaux sensible au traitement ailleurs, ils peuvent donner lieu à des vomissements anticipatoires lors des cycles
traitement requis traitement
Paresthésies et/ou Paresthésies sévères Paresthésies suivants. Le risque émétogène dépend des molécules utilisées.
Neuropathie
Aucun signe diminution des réflexes et/ou faiblesse intolérables et/ou perte Paralysie
périphérique
ostéo-tendineux musculaire légère motrice marquée L’évaluation des nausées est plus complexe et difficile à identifier chez un jeune
Nécrose nécessitant
Pas de  Desquamation sèche, Desquamation humide, enfant qui n’a pas tout le vocabulaire requis et qui ne peut s’exprimer que par des
Cutané Erythème une exérèse
modification vésicules, prurit ulcération pleurs et des crises. Les vomissements sont facilement objectivables.
chirurgicale
Alopécie modérée en Alopécie complète mais
Chute des cheveux Pas de perte Perte minime Alopécie irréversible
plaque réversible
Infection modérée, foyer Infection majeure avec
On trouve trois catégories de NVCI :
Signes infectieux Aucune Infection mineure, Infection majeure - Immédiats ou aigus : Ils surviennent au cours des 24 premières heures de la
curable hypotension
Créatinine <1.25 x N 2.5-1.26 x N 5-2.6 x N 10-5.1 x N >10 x N chimiothérapie.
ASAT/ALAT <1.25 x N 2.5-1.26 x N 5-2.6 x N 10-5.1 x N >10 x N - Retardés : Au-delà des 24 premières heures. Ils sont moins intenses mais peuvent
Bilirubine <1.25 x N 2.5-1.26 x N 5-2.6 x N 10-5.1 x N >10 x N
durer plusieurs jours.
Tableau I : Toxicités selon l’échelle de l’OMS

48 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 49


- Anticipés : Surviennent avant la chimiothérapie. Ils sont déclenchés par des La prévention des NVCI est donc essentielle en particulier chez les patients
stimuli visuels ou olfactifs à l’arrivée sur les lieux de la chimiothérapie même pédiatriques. Le traitement est préventif et curatif et doit prendre en compte le
après plusieurs cures. Leur intensité est fonction de l’intensité des vomissements délai de survenue des nausées et vomissements, le potentiel émétisant et les
immédiats. doses administrées de chimiothérapie.
Risque de NVCI Chimiothérapie Produits de chimiothérapie
Le vomissement est un processus complexe qui implique le système nerveux Haut (>%90) Fortement émétisante Carmustine, Cisplatine, Cyclophosphamide>1,5g/m²,
central et périphérique. Le centre du vomissement situé dans le mésencéphale Dacarbazine, Ifosfamide hautes doses, Méthotrexate
coordonne la cascade des activités des autres structures neuronales menant hautes doses, Streptozocine
au vomissement. Le centre du vomissement reçoit différents stimuli afférents Modéré (30 à %90) Moyennement Carboplatine, Cyclophosphamide<1,5g/m²,
émétisante Cytarabine>1g/m², Dactinomycine, Daunorubicine,
provenant de diverses structures telles les récepteurs centraux situés au niveau Doxorubicine, Epirubicine, Idarubicine, Ifosfamide,
du plancher du 4ème ventricule (le Chemorecepteur Trigger Zone (CTZ)) et les Méthotrexate, Oxaliplatine, Procarbazine
périphériques sont principalement gastro-intestinaux ainsi que vestibulaires, Faible (10 à %30) Faiblement Asparaginase, Cytarabine<1g/m², Docétaxel,
corticaux, olfactifs et gustatifs. La CTZ envoie des messages au centre du émétisante Etoposide, Fluorouracile, Gemcitabine, Mitomycine C,
Paclitaxel
vomissement lequel provoque une stimulation du système végétatif et ainsi le Minimal (<%10) Risque émétisant Bléomycine, Busulfan, Chlorambucil, Fludarabine,
réflexe de vomissement. Cette stimulation du centre du vomissement se produit minimal Hydroxyurée, Thioguanine, Vinblastine, Vincristine,
en réponse à divers neurotransmetteurs incluant la sérotonine, la dopamine, Vinorelbine
l’histamine, l’acétylcholine et la neurokinine-1(NK-1). Ces neurotransmetteurs Tableau II : Risque de survenue de nausées ou vomissements selon la chimiothérapie utilisée
et leurs récepteurs sont les cibles principales des agents antiémétiques. Une
fois stimulé, le centre du vomissement envoie à son tour des stimuli efférents D’après les recommandations MASCC/ESMO de 2016 (Tableau III), plusieurs
au diaphragme (par le nerf phrénique), aux muscles abdominaux (par les nerfs médicaments peuvent être utilisés, généralement en association chez l’enfant : les
spinaux), à l’œsophage et à l’estomac (par les nerfs viscéraux). La chimiothérapie, antagonistes des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine (les sétrons [ondansétron,
en plus de stimuler le centre du vomissement directement, peut le faire granisétron]), les corticoïdes (dexaméthasone) et l’antagoniste des récepteurs
indirectement par irritation de la muqueuse intestinale où il y a production et NK1 (aprépitant, jusque-là hors-AMM).
libération de sérotonine par les cellules entérochromatofines. D’autres antiémétiques sont parfois utilisés. Le métoclopramide (Primpéran injectable)
a une indication limitée à la prévention des NVCI retardés en 2ème intention chez les
Les facteurs liés à la chimiothérapie sont : enfants de plus de 1 an. La métopimazine (Vogalène injectable) dispose également d’une
– le pouvoir émétisant intrinsèque de la chimiothérapie. On parle de molécules AMM pour la prévention et le traitement des vomissements induits par la chimiothérapie
plus ou moins émétisantes (Tableau II). anticancéreuse chez l’enfant et le nourrisson. En revanche, la dompéridone (Motilium,
– le fort dosage. Peridys) n’a pas d’AMM dans cette indication (Tableau IV).
– le mode d’administration : Les perfusions continues sont plus émétisantes que
Niveau de risque émétique Antiémétiques associés
les bolus. Le moment de l’administration influence la sensibilité émétique. Chimiothérapies hautement émétisantes Sétron + dexamethasone + aprépitant
Sétron + aprépitant (si l’enfant ne peut pas recevoir de
D’autres facteurs influent également sur le risque de vomissements. Il en est ainsi dexamethasone)
de la qualité de l’accueil, de l’information, le type d’hospitalisation, le transport, Sétron + dexamethasone (si l’enfant ne peut pas recevoir
d’aprépitant)
les activités de détente, l’entourage familial, les conseils nutritionnels influencent Chimiothérapie moyennement émétisantes Sétron + dexamethasone
les NVCI. Sétron + aprépitant (si l’enfant ne peut pas recevoir de
L’association d’autres agents émétisants aggrave également le risque et dexamethasone)
notamment la radiothérapie ou certains agents anti-infectieux. Tableau III : Recommandations européennes MASCC/ESMO 2016 en cas d’administration d’une
chimiothérapie moyennement ou hautement émétisante en pédiatrie

50 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 51


Les recommandations chez l’enfant restent extrapolées à partir de données Anti-émétique Dose
disponibles chez l’adulte, avec des doses recommandées plus élevées que celles Ondansétron 5mg /m² 2 fois/jour sans dépasser 8 mg/prise (oral ou IV) (max : 3 doses/24
chez l’adulte du fait d’un métabolisme et d’une élimination rénale plus rapide. h)
Granisétron 20µg/kg 2 fois/jour
Dexaméthasone 10 mg/m2 IV en pré-chimiothérapie puis chaque 12heures pendant 48
Diarrhées  heures (max 20 mg/dose)
Il s’agit d’une diarrhée aigue sécrétoire apparaissant dans les 24 à 96 heures Méthylprednisolone 4 mg/kg IV 30 min pré-chimiothérapie
qui suivent la fin du traitement. Elle est la conséquence à la fois de la réduction Alizapride 1mg/kg 3 fois/jour (oral ou IV) 
de l’absorption intestinale secondaire à la destruction des villosités intestinales Métoclopramide  0,5 ml/kg 4 fois /jour (oral), ou 0,1 à 0,3 mg/kg/j (IV) 
Dompéridone 0,5 ml/kg/prise orale
et de la sécrétion excessive d’eau et d’électrolytes par les cellules immatures
Aprépitant*   125mg à J1, puis 80mg/j à J2 et J3 du début de la cure, à donner en
synthétisées en réponse aux anticancéreux. L’inflammation associée génère prévention lors de chimiothérapies hautement émétisantes (ex : cisplatine),
la sécrétion de facteurs tels les prostaglandines et les cytokines stimulant la chez les plus de 12 ans.
sécrétion de fluide supplémentaire. Certaines molécules ont été identifiées Tableau IV : Doses d’anti-émétiques recommandées chez les patients moins de 15 ans
comme les plus à risque: le 5-fluoro-uracile, l’oxaliplatine et des inhibiteurs *Absence d’AMM et de dose déterminée chez les moins de 12ans. Médicament à éviter en cas de
de topoisomérases. Une diarrhée due à une colite infectieuse à bactérie ou à chimiothérapie par ifosfamide (risque de neurotoxicité)
champignons peut survenir lorsque l’immunité du patient est diminuée. Il est
important de bien différencier la diarrhée post-chimiothérapie d’une diarrhée Constipation
infectieuse. Physiologiquement, la constipation existe quand les résidus alimentaires
progressent mal dans le gros intestin ou ne sont pas évacués dans l’intestin
La diarrhée sécrétoire chimio-induite ne peut être prévenue. Elle requiert terminal. La constipation est un effet indésirable majeur entrainant une diminution
cependant une prise en charge précoce et efficace par : de la nutrition et de la qualité de vie du patient. Certains patients sont plus
-
des mesures hygiéno-diététiques anti-diarrhéiques évitant les aliments sensibles que d’autres.
aggravant la diarrhée (produits laitiers, plats épicés, aliments riches en fibres) La diminution de l’activité physique, l’alitement ou l’immobilisation, les
et favorisant l’apport en liquide et la réhydratation par voie orale au moins 2 vomissements, la déshydratation, les changements d’habitudes alimentaires
litres (eau plate, thé, tisane, boissons aromatisées) et associer des boissons favorisent la constipation.
contenant du sel ou du sucre comme l’eau de riz, des bouillons de légumes, du
jus de carotte ou boissons à base de cola dégazées. Le traitement par opioïde reste une cause majeure de la constipation chez le
patient recevant une chimiothérapie. En prévention, le médecin doit prescrire
- des anti-diarrhéiques ralentisseurs du transit exemple du Lopéramide systématiquement avec le traitement par opioïde un laxatif osmotique en prise
(Imodium*) ou des anti-sécrétoires intestinaux qui inhibent la sécrétion hydro- quotidienne. Parmi les chimiothérapies les plus incriminées, on retrouve les
électrolytique de l’intestin. alcaloïdes de la Pervenche (Vinblastine, Vincristine et Vinorelbine).
- des pansements digestifs ou topiques intestinaux, pour protéger la muqueuse Des mesures hygiéno-diététiques comme l’usage de laxatifs naturels (raisins,
digestive et absorber les gaz, sont des silicates (Smecta*, Actapulgite*), alginates pruneaux, figues et dattes) sont conseillés. En cas de constipation réfractaire,
(Gaviscon*) ou silicones (Polysilane) un laxatif d’une autre classe, tels les laxatifs stimulants, lubrifiants ou émollients,
peut être ajouté. En dernier recours, des laxatifs administrés par voie rectale
L’hospitalisation est décidée si le nombre de vomissements dépasse 6 par 24h ou peuvent être administrés ponctuellement afin d’évacuer le contenu du bol fécal et
si l’état du patient nécessite une réhydratation par voie IV. relancer le transit. Ils doivent toutefois être évités chez les patients leucopéniques
ou thrombopéniques car traumatisant pour la muqueuse rectale, ils font courir le
risque d’une hémorragie et/ou d’une surinfection grave.

52 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 53


Troubles cutanéomuqueux et des phanères  L’OMS a côté la mucite en 4 grades (Tableau V).
Tout comme la muqueuses digestive, la muqueuses buccale, la peau et les phanères
sont des tissus à renouvellement rapide. Douloureux ou altérant l’image de soi, ces Grade Expression clinique
0 absence
troubles sont souvent imprévisibles et encore difficilement pris en charge.
1 érythème
Mucite  2 douleur n’empêchant pas l’alimentation
La mucite est une inflammation des muqueuses localisées le plus souvent dans la 3 douleur rendant l’ingestion des solides impossible
bouche (stomatite) mais qui peut aussi être associée à des lésions plus diffuses 4 douleur entraînant l’impossibilité de boire et de manger
du tube digestif, des muqueuses génitales ou oculaires. Elle est consécutive aux Tableau V : Grade OMS de la mucite
chimiothérapies et à la radiothérapie et peut occasionner une profonde altération
de la qualité de la vie de l’enfant atteint. Cette mucite a de nombreux retentissements dus aux symptômes (douleur,
La mucite buccale ou gastro-intestinale est une inflammation douloureuse de dysphagie, dysphonie), au fait qu’elle constitue une porte d’entrée infectieuse, à
l’épithélium, de la muqueuse et du tissu conjonctif sous-jacent évoluant vers ses répercussions sur l’alimentation (modifications du goût, douleur, dénutrition)
l’ulcération (Figure 1). Les autres troubles buccaux sont les aphtoses, la sécheresse et aux anomalies de la salivation.
buccale, les gingivo-stomatites, les hémorragies et les infections. En l’absence d’un réel traitement curatif, les traitements symptomatiques
(antalgiques allant du paracétamol aux morphiniques) et les mesures d’hygiène
buccale préventives et/ou curatives (brossage des dents par brosse souple et bain
de bouche à base de bicarbonates +/- antifongique +/- lidocaïne) sont la base du
traitement et visent essentiellement à maintenir la qualité de vie de l’enfant sous
chimiothérapie en évitant principalement les dysphagies.

Phanères
Alopécie 
Figure 1 : Mucite avec aphtes chez un enfant âgé de 20 mois, L’alopécie ou chute des cheveux et de tous les poils, y compris cils et sourcils,
après 2ème cure de chimiothérapie pour une LAM7 totale ou partielle, est un des effets indésirables les plus fréquemment rencontrés
La plupart des traitements sont potentiellement toxiques pour la muqueuse lors des chimiothérapies. Elle n’est pas définitive (sauf zone irradiée) mais elle a
buccale. Les cytotoxiques les plus couramment incriminés sont de la famille un impact psychologique important et doit être prévenue autant que possible.
des alkylants (Busulfan, Cyclophosphamide, Thiotépa, Procarbazine), des Elle est quasi constante avec des produits comme l’étoposide, les alkylants, les
anthracyclines (Doxo-, Epi- et Daunorubicine), des antimétabolites (Méthotrexate), anthracyclines (Figure 2), plus rare avec le cisplatine.
des alcaloïdes de la Pervenche (Vinblastine et Vincristine) ainsi que le Paclitaxel,
la Bléomycine, l’Actinomycine et la Mitomycine. Certains agents antimitotiques
tels que le Méthotrexate et l’Etoposide peuvent également être sécrétés dans la
salive, ce qui conduit à un risque accru de mucite directe.
Les mécanismes physiopathologiques sont complexes impliquant une toxicité directe
sur les cellules en division rapide des muqueuses et indirecte due à la myélosuppression.
Les mucites apparaissent sous la forme ulcérative 7 à 14 jours après la cure et
peuvent durer quelques semaines, le rythme de renouvellement muqueux étant
compris entre 9 et 15 jours. Sont touchés la muqueuse labiale, les surfaces
buccales, le plancher de la langue et du palais. Figure 2 : Alopécie grade 3 chez un enfant de 11 ans
traité pour LAM (chimiothérapie de consolidation)

54 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 55


L’inhibition toxique des cellules souches de la matrice pileuse entraine une Peau
fragilisation des cheveux qui se cassent sous l’effet d’une simple pression. La chute La peau, en raison de son renouvellement rapide est la cible de nombreuses toxicités.
des cheveux débute environ 10 à 20 jours après le début de la chimiothérapie Des formes très variables de toxicité cutanée sont observées : sécheresse,
et n’est maximale qu’au bout d’un à deux mois, la durée de renouvellement des hyperpigmentation, érythème, éruptions, prurit, épidermolyse ou des toxicités
cheveux étant de 70 jours. Une alopécie retardée 3 à 6 mois après la fin du plus spécifiques comme le syndrome main-pied.
traitement, dite télogène, résulte du stress thérapeutique ou d’une anémie.
La cotation de l’OMS classe les grades de toxicité (Tableau VI). Xérose
La repousse des cheveux survient quelques semaines voire quelques mois après La sécheresse de la peau est très fréquente. La xérose évolue tout au long du
la fin du traitement à raison de 1 cm par mois. Le plus souvent, les cheveux qui traitement et peut aboutir à un eczéma. Les enfants les plus sensibles sont les
repoussent sont différents en termes de couleur, texture, épaisseur mais retrouvent enfants atopiques.
petit-à-petit leur aspect initial. Les cytotoxiques rendent en général la peau plus fine et plus sèche et parfois
fissurée. Il faut prévenir avec une hydratation cutanée suffisante avec du savon ou
Grade Expression clinique gel douche surgras sans savon et une application locale de vaseline officinale ou
0 Absence de perte de cheveux d’émollient en cas de sécheresse.
1 perte de cheveux
2 alopécie modérée en plaque Prurit et urticaire 
3 alopécie complète mais réversible Le prurit est une démangeaison désagréable de la peau qui conduit à gratter.
4 alopécie irréversible Localisé ou diffus, il peut évoluer en urticaire si le patient présente une
Tableau VI : Grade OMS de l’alopécie hypersensibilité à un médicament. Le tableau peut être plus spectaculaire avec
œdème, urticaire et érythème, habituellement transitoires et localisés à la zone
Les autres poils, sourcils et cils, les zones de barbe, les poils pubiens et axillaires, d’administration mais pouvant se généraliser en réaction anaphylactique avec
possèdent moins de follicules pileux en phase active de division, l’alopécie survient hypotension et tachycardie et demander une prise en charge en urgence.
alors plus tardivement 3 à 6 mois après le début du traitement. Toutes les classes utilisées en chimiothérapie sont susceptibles d’entrainer
l’apparition d’un prurit puisqu’elles assèchent la peau. Les médicaments les plus
Ongles allergisants sont la doxorubicine, la daunorubicine, la cytarabine, la L-asparaginase,
Les produits cytotoxiques inducteurs d’alopécie sont souvent aussi capables le paclitaxel, le cisplatine, la carboplatine et le cyclophosphamide. Les thérapies
d’affecter la croissance des ongles. A chaque cure, les ongles arrêtent de pousser ciblées déclenchent très souvent des éruptions prurigineuses acnéiformes.
laissant apparaître un petit sillon hyperpigmenté sur la surface unguéale. Ces
sillons sont responsables d’une fragilisation de la structure de l’ongle (Figure 3) Hyperpigmentation et photosensibilité 
La couleur de la peau peut être modifiée de différentes façons en fonction du
cytotoxique utilisé. L’hyperpigmentation reste localisée à la peau ou se généralise
au contraire en touchant cheveux, muqueuses, dents et ongles. On peut voir
une hyperpigmentation brune en macules due à une surcharge de mélanine
dans les kératinocytes. Les produits les plus incriminées sont les anthracyclines,
l’hydroxyurée, le cyclophosphamide, la bléomycine et le busulfan. Ces anomalies
disparaissent lentement à l’arrêt du traitement.
L’exposition au soleil pendant le traitement favorise l’hyper-réactivité cutanée de
Figure 3 : Enfant de 11ans suivie pour LAM la chimiothérapie. Elle peut conduire à accélérer les processus de tous les effets
sous chimiothérapie de consolidation présentant une atteinte unguéale.

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indésirables touchant la peau, surtout l’hyperpigmentation. Les anticancéreux les L’extravasation peut retentir négativement sur le pronostic de la maladie
plus photo-sensibilisants sont le méthotrexate, certains vinca-alcaloïdes comme initiale en retardant les cures de chimiothérapie. Actuellement, et grâce à une
la vinblastine. meilleure connaissance des produits de chimiothérapie, la prise en charge d’une
extravasation est bien codifiée et adaptée à chaque classe thérapeutique.
Syndrome main-pied  Sa prévention passe par la vérification systématique de la perméabilité veineuse
Il se présente sous la forme d’un érythème douloureux localisé sur la plante des pieds avant l’injection.
ou la paume des mains (Figure 4), souvent précédé de paresthésie et évoluant en
quelques jours en une douleur à type de brûlure. Paresthésie et sensation de brûlure
sont caractéristiques de la toxicité des cytotoxiques. Le Syndrome Main-Pied (SMP) est
symétrique, touche plus les mains que les pieds, associe souvent une hyperkératose et
parfois des bulles avec la cytarabine et le cyclophosphamide. Décollements, bulles et
hyperkératose sont typiques des thérapies ciblées. Relativement fréquent, il apparait au
cours des deux premiers cycles de chimiothérapie et est réversible en 2 à 3 semaines sans
séquelles avec la diminution des doses ou à l’arrêt du traitement. La ré-épithélialisation
complète se fait en 4 à 8 semaines.
Figure 5 : Extravasation à la vincristine chez un jeune suivi pour leucémie
Il s’agit d’une urgence. Le traitement consiste à :
- arrêter immédiatement la perfusion
- réaspirer 5 ml de sang contenant le produit par l’aiguille laissée en place
- infiltrer la zone par du sérum physiologique additionné de dexaméthasone
(4 mg/ml) et tenter de réaspirer
- appliquer localement des pansements froids (anthracyclines) ou chauds (vinca-
alcaloïdes) et des corticoïdes en crème
- surveiller
Figure 4 : Fillette de 12 ans, LAM t(8 ;21). Médicaments responsables de nécrose sévère
Un syndrome Main-Pied apparaissant sous chimiothérapie, résolution sous corticoïdes Actinomycine Doxorubicine Vinblastine
Amsacrine Epirubicine Vincristine
Extravasation  Daunorubicine Idarubicine Vindésine
Caryolysine Mitomycine Vinorelbine
L’extravasation de produit de chimiothérapie est une infiltration accidentelle +/- Cisplatine + /- Mitoxantrone
dans les tissus sous-cutanés ou intra-dermiques lors d’une administration +/- Carboplatine
intraveineuse du produit (Figure 5). En effet, certains produits (Tableau VII) Médicaments responsables d’irritation
Carmustine (BICNU) Ifosfamide Thiotépa
peuvent produire des réactions caustiques (anthracyclines, dactinomycine, Cyclophosphamide Melphalan
alcaloïdes de la pervenche, étoposide) lors d’une injection périveineuse. Celle-ci Dacarbazine Oxaliplatine
Docétaxel Paclitaxel
devra être suspectée devant toute douleur au point d’injection avec perception Médicaments n’entrainant pas de réactions sévères
d’une brûlure et l’absence de retour veineux dans la tubulure. Il faudra rechercher Asparaginase Etoposide Méthotrexate
une induration ou un œdème. Cette réaction est très grave pouvant déboucher Bléomycine Fluorouracile Mitoguazone (METHYL GAG)
Cladribine Fludarabine Topotecan
sur une nécrose cutanée de cicatrisation lente et pouvant requérir une résection Cytarabine Gemcitabine
des tissus nécrosés, des incisions de décharge et des greffes cutanées. Irinotecan
Tableau VII : Les médicaments responsables d’irritation ou de nécrose

58 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 59


Des mesures générales sont à recommander pour les patients pour éviter les Encéphalopathie diffuse 
effets secondaires de la chimiothérapie sur la peau et les phanères (Tableau VIII). C’est la plus fréquente complication neurologique centrale. Elle se traduit par
une céphalée, confusion mentale avec une désorientation temporo-spatiale, une
Toxicité neurologique aigue agitation et parfois une comitialité. Elle est non dose-dépendante, apparait dans
La neurotoxicité des chimiothérapies est fréquente et représente le principal les heures qui suivent une chimiothérapie à haute dose. Les antimitotiques les
facteur limitant du traitement après la toxicité hématologique. L’atteinte plus incriminés sont le cisplatine, la vincristine et l’ifosfamide (Tableau IX). La
neurologique peut concerner le système nerveux central (SNC), le système reprise de chimiothérapie n’est pas recommandée.
nerveux périphérique (SNP) ou les deux simultanément.
Syndrome cérébelleux 
A faire A éviter La procarbazine et la cytarabine à hautes doses peuvent-être responsables d’une
- Appliquer régulièrement et généreusement un - L’exposition des mains et des pieds à la chaleur
dysfonction cérébelleuse de physiopathologie non connue. Il est fait de troubles
agent hydratant sur la peau. (soleil, bains chauds).
- Utiliser des savons doux pour peaux sensibles et - Les additifs dans les produits de soins de de l’équilibre, dysmétrie, hypotonie et dysarthrie. C’est une contre-indication à la
préférer des douches plutôt que des bains chauds. base comme les parfums, les conservateurs, poursuite du traitement.
- Porter des vêtements en coton, lavés au savon pour les colorants pouvant provoquer des allergies
bébé et suffisamment lâches. cutanées.
- Réaliser une manucure et une pédicure avant de - Les activités qui entraînent un frottement de la Accident vasculaire cérébral (ischémique ou
commencer le traitement, si les mains et les pieds peau ou une pression sur les mains. hémorragique)
sont déjà un peu abîmés (présence de corne). - Les pansements adhésifs ou les bandages serrés. Les AVC se présentent par un déficit neurologique brutal, maximal d’emblée,
- Porter des vêtements amples et des chaussures - La marche prolongée et la course à pied en cas de
transitoire ou constitué. Elles ont été décrites avec le cisplatine, la L.aparaginase.
souples. syndrome main-pied.
- Un apport suffisant nutritionnel et hydrique.
Tableau VIII : Mesures générales pour prévenir les complications Encéphalopathie postérieure
cutanées de la chimiothérapie Plusieurs chimiothérapies sont impliquées (cisplatine, gemcitabine, etc…). Le
tableau clinique peut associer une cécité corticale, céphalée, épilepsie et un
L’apparition de symptômes ou de signes neurologiques au cours d’une syndrome confusionnel. Cette complication est réversible et ne contre-indique
chimiothérapie cancéreuse soulève deux principales questions : la responsabilité pas la poursuite du traitement.
de ce traitement dans leur survenue car d’autres étiologies peuvent être en cause Arachnoïdite chimique
(métastases, méningite carcinomateuse, syndrome paranéoplasique, infections,
hypercalcémie..) et la possibilité de poursuivre ou non le traitement. L’administration intra-thécale de médicaments anticancéreux (en particulier
le méthotrexate et la cytarabine) peut entraîner des arachnoïdites. Elle se
De manière générale, les médicaments dont la toxicité neurologique est la plus caractérise par la survenue, dans les heures ou les jours suivant l’injection, de
importante sont les plus lipophiles ; ce sont ceux dont la diffusion à travers les nausées, céphalées, raideurs méningées accompagnées d’un syndrome fébrile
membranes est la plus aisée : agents alkylants (métabolites du cyclophosphamide persistant (qui peut fausser le diagnostic en faisant penser à une infection).
et de l’ifosfamide..), dérivés du platine, cytarabine et le méthotrexate.
Toxicité du système nerveux périphérique 
Toxicité aiguë du SNC  Les neuropathies périphériques liées aux médications anticancéreuses prédominent
La neurotoxicité du système nerveux central peut survenir après administration habituellement sur les neurones sensitifs. La toxicité s’exerçant soit au niveau de
systémique ou intra-thécale. La plupart sont réversibles et ne contre-indiquent l’axone, soit au niveau du ganglion rachidien postérieur, d’où leur fréquente révélation
pas la poursuite du traitement à une posologie inférieure, mais certaines sont par des douleurs ou des paresthésies.
irréversibles et fatales.

60 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 61


Dans les neuropathies aiguës apparaissant après une exposition courte, on cherche à La réversibilité des formes patentes est bonne en moins d’une année après arrêt
déterminer les types de doses à risque, qui varient en fonction du médicament et de son du traitement, de même que la réversibilité des formes légères après réduction
mode d’administration : dose ponctuelle quand la toxicité semble liée au pic plutôt qu’à des doses, du moins chez l’enfant.
l’accumulation; dose cumulative par cycle et numéro du cycle à risque maximal lorsqu’il Dans sa forme aiguë, avec atteinte motrice patente, le diagnostic différentiel
s’agit d’administrations séquentielles ; dose cumulative totale. principal est celui d’une polyradiculonévrite aiguë de type Guillain-Barré ou post-
infectieuse (réactivation d’un virus EBV, par exemple).
Délai/traitement 4-0 semaines 4 semaines6- mois Les principales autres chimiothérapies dont la neurotoxicité risque d’engendrer
Encéphale une neuropathie périphérique axonale, à prédominance sensitive, sont les
Encéphalopathie Cisplatine, étoposide, cyclophosphamide, Méthotrexate
suivantes : cisplatine, les taxanes (Tableau X).
méthotrexate, vinca-alcaloïdes, taxanes,
ifosfamide, aracytine, gemcitabine La neurotoxicité peut constituer le facteur limitant du traitement oncologique
Epilepsie Ifosfamide, cisplatine, méthotrexate I.T, et être responsable d’un impact sur la qualité de vie. Cette toxicité dépend
taxanes bien sûr de la voie d’injection du traitement (systémique ou I.T), mais elle
Syndrome cérébelleux Aracytine, vincristine, procarbazine est surtout fonction de la capacité des agents cytotoxiques à traverser la
Syndrome parkinsonien/ dystonies Doxorubicine
barrière hémato-méningée. Les médicaments diffusant aisément (agents
Accident vasculaire cérébral Cyclophosphamide, cisplatine, Cyclophosphamide,
carboplatine, méthotrexate I.T cisplatine, carboplatine, alkylants, dérivés du platine, aracytine ou méthotrexate) sont ceux dont la
méthotrexate I.T toxicité neurologique est la plus importante. Il existe plusieurs échelles de
Troubles cognitifs neurotoxicité périphérique (OMS, NCI) pour guider la décision d’arrêter ou
Endocrinopathie : SIADH* Cisplatine, cyclophosphamide, vinca- non la chimiothérapie incriminée.
alcaloïdes
Moelle
Myélopathie Méthotrexate I.T, cytarabine I.T, vinca- Sels de platine Site de toxicité 4-0 semaines 4 semaines6-mois
alcaloïdes Muscle
Méninges Myalgies Vinca-alcaloïdes, taxanes,
Méningite aseptique Méthotrexate I.T, cytarabine I.T cisplatine
Tableau IX : Toxicité au niveau du système nerveux central de la chimiothérapie Myopathie Taxanes
*SIADH : syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique Crampes Taxane, vinca-alcaloïdes,
cisplatine, oxaliplatine
L’exemple type est la neuropathie liée à l’administration des alcaloïdes. Myasthénie Cisplatine
La vincristine utilisée dans les protocoles de leucémies aigues lymphoblastiques, de Nerf périphérique
Paresthésies Vinca-alcaloïdes, oxaliplatine
lymphomes T ou de maladies de Hodgkin de l’enfant. Elle a une action qui s’exerce
Abolition ROT* Vinca-alcaloïdes, taxanes
principalement à l’encontre des microtubules nucléaires au moment de la mitose. Son Neuropathie sensitivo-motrice Taxanes Vinca-alcaloïdes
effet neurotoxique relève probablement d’un mécanisme similaire sur les microtubules Neuropathie sensitive Taxanes
du cytosquelette axonal. Pour des doses de l’ordre de 5 mg/m² par cycle, elle reste Nerfs crâniens
habituellement infra-symptomatique, se traduisant par une simple abolition des réflexes II Sels de platines, vincristine, Vinca-alcaloïdes
taxanes
ostéo-tendineux et une altération des tests fins de la sensibilité à conduction rapide.
III-VI-VII-VIII-X Aracytine, méthotrexate I.T Vinca-alcaloïdes
Lorsqu’elle est symptomatique, elle apparaît au bout de 2 mois environ, annoncée Ototoxicité Cisplatine
habituellement par des troubles sensitifs (paresthésie, hypoesthésie distale) suivis Système nerveux végétatif
d’un déficit moteur prédominant sur les releveurs du pied et les muscles de la main. Troubles génito-sphinctériens Vinca-alcaloïdes
Fréquemment, des signes dysautonomiques coexistent, comme une constipation Constipation Vinca-alcaloïdes
pouvant aboutir à l’iléus paralytique ou une rétention d’urine. Tableau X : Toxicité au niveau du système nerveux périphérique de la chimiothérapie
*ROT : reflexes ostéo-tendineux

62 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 63


Toxicité cardiaque aigue Le cyclophosphamide à dose massive (plus de 1500mg/m²) peut être responsable
A la différence des complications cardiaques chroniques qui sont secondaires à une d’une nécrose aigue dans moins de 0,1% des administrations.
toxicité cumulative, proportionnelle à la dose et qui sont irréversibles, les accidents L’emploi du 5FU à forte dose peut entraîner l’apparition d’une insuffisance
cardiaques aigus des chimiothérapies sont rares et souvent imprévisibles. coronarienne aigue, de spasmes coronariens, de très rares cas d’infarctus du
La toxicité aiguë se manifeste dans la majorité des cas par des troubles du rythme. myocarde ainsi que des dysfonctionnements ventriculaires pouvant conduire à
Ces troubles sont de tous ordres : un choc cardiogénique.
- Tachycardie supraventriculaire. Le paclitaxel engendre des troubles du rythme.
- Fibrillation auriculaire. L’amsacrine peut par ailleurs entraîner une mort subite par fibrillation ventriculaire.
- Extrasystole auriculaire ou ventriculaire.
Les complicatons cardiaques surviennent en premier avec l’utilisation des anthracyclines Toxicité rénale et vésicale 
essentiellement la doxorubicine et la daunorubicine. Il existe d’autres analogues, La chimiothérapie anticancéreuse peut avoir des effets néphrotoxiques par deux
théoriquement moins toxiques (épirubicine, mitoxantrone). mécanismes :
La toxicité aigue de ces médicaments survient dans les 48 heures suivant leur injection - Un effet indirect par néphropathie uratique, secondaire à la lyse cellulaire
et est indépendante de la dose, du mode d’administration et de l’état du malade. massive due à l’efficacité de l’effet cytotoxique.
Le mécanisme de la toxicité cardiaque fait intervenir le métabolisme oxydatif de la - Un effet direct de la molécule ou de ses métabolites sur les cellules rénales.
cellule myocardique et la libération de radicaux libres générés par le métabolisme des
anthracyclines . Les symptômes surviennent généralement dans la semaine suivant La néphropathie uratique provient de la précipitation de cristaux d’acide urique
le traitement et peuvent aller d’arythmies et d’anomalies électrocardiographiques au dans les tubules rénaux. L’hyperuricémie est générée par le métabolisme massif de
syndrome de myocardite-péricardite ou à l’insuffisance cardiaque congestive. l’ADN cellulaire, provenant des cellules tumorales nécrosées par la chimiothérapie,
De façon aiguë, on observe souvent des modifications électrocardiographiques plus ou dans le cadre du syndrome de lyse tumorale. Il peut être à l’origine d’une
moins transitoires (modifications du segment ST, troubles de la repolarisation, troubles insuffisance rénale oligoanurique. Il doit être prévenu par l’administration d’une
du rythme). De tels troubles doivent faire renforcer la surveillance cardiaque, mais hydratation abondante et la prise d’hypouricémiants : Allopurinol, Rasburicase.
n’imposent pas l’arrêt de l’anthracycline. C’est une toxicité réversible.
L’insuffisance cardiaque aigue est une myopéricardite aigue toxique survenant quelques Les néphropathies spécifiquement médicamenteuses peuvent prendre tous les
jours après l’administration d’une première dose d’anthracyclines chez des patients degrés de gravité allant de la petite baisse de la clairance de la créatinine à
sans antécédents cardiaques. Il s’agit d’une cardiopathie gauche compensée passée l’anurie nécessitant une hémodialyse. Les produits les plus néphrotoxiques sont
inaperçue, qui se décompense rapidement et est identique à l’insuffisance cardiaque le cisplatine et le méthotrexate (MTX).
tardive. Cliniquement, on peut observer un œdème pulmonaire aigu associé à un Le cisplatine peut provoquer une toxicité tubulaire responsable d’une fuite de
collapsus ou un état de choc cardiogénique. L’amélioration sans séquelle est possible en magnésium avec apparition de signes cliniques d’hypomagnésémie (crampes).
quelques jours sous traitement symptomatique. Le cisplatine peut provoquer dans 25 à 75% des cas des insuffisances rénales par
L’arrêt du traitement réduit généralement les symptômes au départ, mais nécrose tubulaire distale. Elles sont dose-dépendantes (elles apparaissent dès
de nombreux patients, en particulier ceux qui ont reçu une dose cumulative 100mg/m²) et se décomposent en trois phases :
d’anthracycline plus élevée, souffrent de lésions cardiaques permanentes et sont La phase d’induction survient en 48 heures, elle est caractérisée par une polyurie
plus susceptibles de développer des signes tardifs de cardiotoxicité. avec fuite de magnésium (risque de crises de tétanie).
Une surveillance clinique, échocardiographique et électrocardiographique avec La phase de plateau (2-7 jours) où l’on observe une réduction du débit de filtration
enregistrement du Holter en cas de suspicion des trouble de rythme s’impose. glomérulaire et du débit sanguin rénal.
D’autres produits peuvent s’avérer cardiotoxiques lors de l’utilisation de doses très Ces deux phases sont suivies d’une phase de récupération partielle car l’atteinte
fortes ou dans le cadre de polychimiothérapies. est incomplètement réversible.

64 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 65


La prévention de l’atteinte rénale due au cisplatine repose sur une suppression Toxicité hépatique aiguë
des facteurs associés tels que l’hypovolémie et les autres médicaments La plupart des cytostatiques ont un métabolisme hépatique. Donc, avant de
néphrotoxiques, et sur une hyperhydratation de glucosé supplémenté de sodium, commencer tout traitement, on s’assurera que le bilan hépatique est normal.
12 heures avant la chimiothérapie et poursuivie 36 heures après. La toxicité hépatique aigue peut se présenter sous deux formes : des altérations
Le mannitol et les inhibiteurs calciques n’ont pas fait preuve d’efficacité dans ce du bilan biologique hépatique et la maladie veino-occlusive hépatique.
type de toxicité. Le furosémide relance la diurèse dans les cas d’hypoperfusion L’altération du bilan hépatique se traduit souvent par une cytolyse modérée et
rénale. transitoire (elle est observée chez moins de 10% des malades). En effet, les taux
plasmatiques des transaminases, des phosphatases alcalines ainsi que de la
La toxicité rénale du méthotrexate est rare et surtout observée pour des doses bilirubinémie peuvent augmenter avec de nombreuses drogues : le cisplatine, la
fortes. Le MTX subit une précipitation tubulaire ainsi que son métabolite hydroxylé cytarabine (cytolyse hépatique dans 25% des cas), la gemcitabine.
qui est moins hydrosoluble. Cette précipitation est favorisée quand le pH urinaire On peut dans de rares cas observer une cholestase avec le méthotrexate et surtout
devient acide (< 6) et quand la fonction rénale diminue. Cette tubulopathie va avec la mercaptopurine (pour laquelle le risque d’ictère est dose-dépendant).
retarder l’élimination urinaire du MTX et majorer toutes les toxicités d’organe. L’administration de L-asparaginase peut entraîner dans 18 à 25% des cas,
Le MTX à fortes doses nécessite une alcalinisation des urines, et une hydratation des signes transitoires d’insuffisance hépatocellulaire avec hypoalbuminémie,
importante. L’alcalinisation des urines est indispensable pour l’élimination rapide hypoprotidémie, et une baisse des facteurs de coagulation synthétisés par le foie
du produit. Elle permet d’éviter la précipitation intratubulaire. Le MTX (dose >1g/ (V, VII, VIII, IX, prothrombine et fibrinogène) qui seront associés à des signes de
m2) n’est administré qu’après avoir augmenté le pH urinaire à plus de 7 par cytolyse hépatique.
l’apport de bicarbonates par voie intraveineuse. Le syndrome d’obstruction sinusoïdale ou maladie veino-occlusive hépatique
Il est donc contre-indiqué d’associer des anti-inflammatoires non stéroïdiens se définit par une atteinte des cellules endothéliales sinusoïdales, puis à une
(diminution de la perfusion rénale), de l’aspirine (acidification urinaire) et tout obstruction des veines centrolobulaires. Elle conduit à une nécrose centrolobullaire
médicament néphrotoxique (antibiotiques de la famille des aminosides). La et un risque de mortalité. Sa fréquence augmente quand des doses élevées sont
surveillance du traitement repose sur le dosage plasmatique du taux résiduel employées, raison pour laquelle elle peut survenir dans 10 à 20% des protocoles
du MTX et on en prévient la toxicité en administrant de l’acide folinique et des d’allogreffe de moelle suite à l’emploi de hautes doses de busulfan et de
bicarbonates. L’acide folinique est l’antidote du MTX. carmustine. Dans les cas typiques, elle se manifeste par une prise de poids (>5%),
un ictère cholestatique, une ascite et une hépatomégalie douloureuse dans les 20
Certains produits peuvent provoquer des troubles ioniques tels qu’une jours post-greffe. La biopsie hépatique par voie transjugulaire est nécessaire dans
hyponatrémie par stimulation de la libération post-hypophysaire de l’hormone les formes atypiques. Il n’y a pas de consensus pour le traitement du syndrome
antidiurétique (ADH) d’obstruction sinusoïdale post-greffe de moelle.
(vincristine) ou par une potentialisation de son effet rénal (cyclophosphamide). Le traitement préventif fait appel aux anticoagulants, à l’acide ursodésoxycholique,
au défibrotide ou aux précurseurs du gluthation. L’intérêt du défibrotide ou des
La toxicité vésicale provient de métabolites toxiques pour la muqueuse de la vessie. anticoagulants dans le traitement curatif reste à démontrer.
Elle s’observe particulièrement avec le cyclophosphamide et l’ifosfamide et se On peut aussi l’observer avec l’azathioprime et ses métabolites, la 6-mercaptopurine
présente cliniquement sous la forme d’une cystite hématurique. Elle peut être et la 6-thioguanine, la cytarabine et la dacarbazine.
prévenue par une hyperdiurère (hyperhydratation) et l’emploi de sulfonate
sodique de 2-mercaptoéthane (MESNA) qui neutralise les métabolites toxiques. Le Toxicité pancréatique 
traitement curatif est essentiellement l’arrêt de la chimiothérapie et l’évacuation Une pancréatite aiguë (PA) peut se voir avec la doxorubicine, vincristine et plus
de la vessie par hyperhydratation, hyperdiurèse et éventuellement des lavages fréquemment avec la L-asparaginase. Elle peut être due à une toxicité directe, ou
vésicaux. secondaire à la migration de calculs induits par d’autres produits antimitotiques.

66 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 67


Les PA symptomatiques, graves, secondaires à la chimiothérapie sont rares. Hypersensibilité
Dans la plupart des cas, l’évolution est favorable (forme œdémateuse). Il existe La plupart des chimiothérapies peuvent être à l’origine d’une réaction
néanmoins un certain nombre de cas avec des complications systémiques ou d’hypersensibilité qui n’est pas dose-dépendante. De manière immédiate, elle se
locales (nécrose, abcès, pseudo-kystes). Le taux de mortalité est évalué entre 0 traduit par des éruptions cutanées, urticaire et dans les cas graves des réactions
et 5%, selon les séries. anaphylactiques. On peut être amené à ne plus utilisé ce produit. Parfois ces
Les différentes études réalisées n’ont pas permis de définir clairement des facteurs réactions ne surviennent que lors de la première cure.
prédisposant ou des éléments prédictifs permettant d’élaborer une prévention Des réactions d’hypersensibilité peuvent être observées avec de nombreux
face à ces PA, ainsi qu’une conduite à tenir pour leur prise en charge. produits :
A l’exploration radiologique, on va retrouver soit un aspect de pancréatite L-asparaginase, cisplatine, rarement les anthracyclines, le cyclophosphamide..
œdémateuse avec un pancréas augmenté de taille, avec des contours flous et La L-asparaginase est un polypeptide d’origine bactérienne très immunogène.
une infiltration de la graisse péri-pancréatique. Soit une pancréatite nécrotico- Une hypersensibilité peut survenir dans 10 à 20% des cas sous la forme d’une
hémorragique avec un pancréas augmenté de taille, hétérogène, avec présence réaction anaphylactique. Son administration nécessite une surveillance pendant
de coulées de nécrose mixte (liquidienne et tissulaire). l’injection et 1 heure après.
L’association des agents de chimiothérapie augmente l’incidence de la survenue Certaines réactions sont classiques et doivent simplement faire prendre des
de la pancréatite et la complication vers la nécrose avec un risque de mortalité mesures préventives (corticoïdes, anti-histaminiques) : réactions fébriles à la
élevée. bléomycine, réactions cutanées au cisplatine.
La L-asparaginase peut être responsable de diabète acido-cétosique. Elle D’autres prennent un caractère dramatique (bronchospasme, chute tensionnelle),
entraîne une hypo-insulinémie pouvant créer une hyperglycémie et un coma. Il parfois dès la première goutte du produit, nécessitant un contrôle médical et un
faut adapter le traitement chez le diabétique. Ce phénomène peut s’accompagner faible débit de départ.
d’une pancréatite aiguë mortelle.
Ce qu’il faut retenir
Toxicité pulmonaire aigue  Les effets indésirables aigues de la chimiothérapie apparaissent de quelques
La toxicité pulmonaire aigue est rare mais de diagnostic urgent et devra être heures à quelques jours après l’administration du traitement ;
évoquée chez un malade apyrétique présentant une dyspnée avec toux sèche  Le patient et sa famille doivent être informés des risques liés à la chimiothérapie
et des râles crépitants. La radiographie du thorax met en évidence un infiltrat et éventuellement prendre les mesures préventives selon le protocole adopté ;
interstitiel peu spécifique.  Il est recommandé de classer la toxicité selon les critères de l’OMS ;
Le principal antimitotique responsable de cette toxicité est la bléomycine quand  Les tissus et organes où il y a une activité de multiplication cellulaire (Moelle,
elle est employée à forte dose. La toxicité immédiate de la bléomycine est tube digestifs) sont les plus touchés mais la plupart des organes et tissus
réversible, elle apparaît dès les premières cures sous forme d’une pneumopathie peuvent être l’objet de toxicité ;
sévère d’hypersensibilité (hyperéosinophilie) se traduisant par une dyspnée,  Une supervision de la chimiothérapie par une équipe compétente avec la possibilité
des râles diffus et parfois un œdème pulmonaire. Ce médicament impose une d’intervention et éventuellement admission en réanimation sont nécessaires pour
surveillance respiratoire régulière en sachant que cette toxicité peut se manifester gérer au mieux la toxicité pouvant mettre le pronostic vital en jeu.
pendant la cure mais aussi à distance.
La survenue d’une toxicité pulmonaire impose l’arrêt du traitement et la mise en Références séléctionnées
route d’une corticothérapie de fortes doses. 1. Ceylan C, Kantar M; Tuna A et al Cutaneous Side Effects of Chemotherapy in
D’autres produits ont été incriminés mais l’incidence de la toxicité est alors plus Pediatric Oncology Patients Pediatric Dermatology. 2015;95:11-16.
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70 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 71


La radiographie et la TDM thoracique montre un infiltrat alvéolo-interstitiel diffus.
L’hémogramme du jour retrouve une hyperleucocytose majeure avec des

6
leucocytes à 180.000G/L. L’ionogramme est normal.
Le diagnostic d’une leucostase pulmonaire a été retenu. L’enfant a été transféré
en réanimation où une assistance respiratoire a été mise en route et une
HYPERLEUCOCYTOSE MAJEURE chimiothérapie en urgence a été démarrée permettant la réduction du taux de
ET SYNDROME DE LEUCOSTASE leucocytes mesuré à J3 à 100G/L. L’enfant est décédé le soir dans un tableau de
détresse respiratoire

Abdellah Madani
Service d’hématologie et oncologie pédiatrique, Introduction
Hôpital 20 Août 1953, - CHU Ibn Rochd, Casablanca L’hyperleucocytose majeure (HLM) est définie arbitrairement comme un taux
de globules blancs (GB) supérieur à 100 G/L. Elle se voit essentiellement chez
l’enfant atteint de leucémies aigues, de leucémie myéloïde chronique ou de
leucémie myélomonocytaire chronique.
L’HLM est retrouvée dans environ 5 à 20% des leucémies aigues de l’enfant au
Objectifs pédagogiques moment du diagnostic1,2. En plus de son caractère péjoratif sur le pronostic global
 Comprendre les risques liés à l’hyperleucocytose majeure et au syndrome à long terme de l’affection, l’HLM est pourvoyeuse de complications pouvant
de leucostase entrainer le décès du patient à court terme comme la leucostase, le syndrome de
 Connaître l’expression clinique liée à la leucostase lyse tumorale et la coagulation intravasculaire disséminée.
 Connaître les mesures préventives du syndrome de leucostase La leucostase est une entité clinico-pathologique qui consiste en une accumulation
 Connaître les mesures à prendre pour la prise en charge de la leucostase intravasculaire de cellules blastiques occupant la totalité ou la majorité de la
lumière vasculaire et responsable de lésions pulmonaires, cérébrales ou rénales3.

Vignette Epidémiologie
Garçon de 5 ans admis aux urgences pour syndrome anémique évoluant depuis La leucostase se voit en général quand l’hyperleucocytose est supérieure à 100G/L.
1 mois avec apparition de gingivorragies et épistaxis. L’examen clinique met en Toutefois, sa fréquence de survenue dépend également du type de la leucémie.
évidence un enfant pâle, apyrétique avec un purpura et des ecchymoses sur les La leucostase est plus fréquente en cas de leucémie aigue myéloblastique et en
membres. On retrouve également une splénomégalie de 4 cm de débord splénique, particulier dans les types cytologiques à composante monocytaire (M4 et M5)
quelques adénopathies cervicales de 1 cm et une hypertrophie gingivale. et peut survenir même si l’hyperleucocytose est inférieure à 100G/L3,4. Dans
L’hémogramme réalisé en urgence révèle : les leucémies lymphoblastiques de l’enfant, l’HLM est plus fréquente dans les
Hb : 7.5 g/dl normochrome normocytaire phénotypes T et chez le nourrisson mais se complique de leucostase quand le
Leucocytes : 75.000G/L avec PNN : 2000G/L, Lymphocytes : 3000G/L et des chiffre de leucocytes est plus important5.
blastes à 70.000G/L Malgré que la leucémie myéloïde chronique se présente fréquemment avec des
Plaquettes : 12.000/mm3 chiffres de leucocytes supérieurs à 100G/L, la leucostase dans la LMC est très rare3.
L’enfant a été transféré dans un service d’hématologie où le bilan a permis de poser le
diagnostic d’une leucémie aiguë myéloïde de type M5. L’enfant a reçu une transfusion
de 1 CGR et de 4 CUP. A J2 de son hospitalisation, l’enfant présente brutalement une
Physiopathologie
La leucostase est responsable d’hypoxie tissulaire au niveau de certains organes
dyspnée avec orthopnée, un tirage intercostal et la SaO2 est à 85%.
essentiellement le poumon et le cerveau3,4,6.

72 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 73


Cette hypoxie tissulaire est le résultat de l’accumulation de cellules blastiques - HLM FAITE DE BLASTES :
AUGMENTATION DU
en nombre important dans la microcirculation entrainant une hyperviscosité - AUGMENTATION DU VGM
RISQUE INFECTIEUX
(MYÉLOBLASTES > LYMPHOBLASTES)
et aboutissant à leur obstruction. En plus, les cellules blastiques n’ont pas la
propriété de déformabilité comme les globules rouges et s’agrègent au niveau de
la microcirculation. DIMINUTION DE LA ACTIVATION DES
AUGMENTATION
DÉFORMABILITÉ CELLULES
DE LA LEUCOCRITE
CELLULAIRE ENDOTHÉLIALES
Néanmoins, des cas de leucostase ont été observés avec une hyperleucocytose
inférieure à 100G/L. Des molécules d’adhésion et de certaines cytokines
secrétées par les blastes peuvent avoir un rôle dans la survenue de la leucostase. RECRUTEMENT ET MIGRATION DES
HYPERVISCOSITÉ SANGUINE BLASTES EN INTRA-TISSULAIRE
Ces molécules entrainent une activation des cellules endothéliales vasculaires
aboutissant à une perturbation de la circulation sanguine et une hypoxie
tissulaire7. LEUCOSTASE

La physiopathologie de la leucostase secondaire à une HLM est schématisée


COAGULATION INTRAVASCULAIRE HYPERACTIVITÉ MÉTABOLIQUE
dans la figure 1. DISSÉMINÉE DES BLASTES

Tableau clinique
SYNDROME DE LYSE TUMORALE
Les signes cliniques de la leucostase ne sont pas spécifiques et ce d’autant plus
qu’il n’y a pas de valeur minimale du taux de leucocytes pour la survenue d’une
leucostase.
HYPOXIE TISSULAIRE

Les organes le plus fréquemment touchés sont le poumon, le cerveau et le rein.


· L’atteinte pulmonaire se manifeste par une dyspnée, une toux sèche et une Figure 1 : Physiopathologie de la leucostase (d’après Ali M.A et al3)
hypoxémie rapidement progressive nécessitant souvent une assistance
respiratoire. L’imagerie pulmonaire est anormale dans environ 90% des cas mais · D’autres manifestations cliniques peuvent être également en rapport avec une
n’est pas spécifique de la leucostase pulmonaire. On peut retrouver un syndrome leucostase à type de thrombose veineuse profonde, d’insuffisance rénale aigue,
interstitiel avec verre dépoli ou une condensation alvéolaire8. La leucostase d’infarctus du myocarde11, de priapisme, de nécrose osseuse aseptique ou de
pulmonaire est un facteur de pronostic péjoratif indépendant de l’HLM. La survie rupture splénique.
des patients avec leucostase pulmonaire ne dépasse pas une semaine3,8,9.
Du fait de l’absence de spécificité clinique et radiologique de la leucostase,
· La leucostase cérébrale peut se manifester par une confusion mentale, un déficit Novotny et al12 a développé un score à usage clinique pour le diagnostic de la
neurologique focal ou des convulsions. Sur le plan radiologique, la TDM ou l’IRM leucostase à partir d’une série de 95 patients avec différents types de leucémies
cérébrales peuvent mettre en évidence des images d’ischémie ou d’hémorragie (Leucémie aigue myéloblastique, leucémie aigue lymphoblastique, leucémie
cérébrales10. L’examen du fond d’œil peut être d’un grand apport en cas de myéloïde chronique et leucémie myélomonocytaire chronique). Ce score permet
suspicion d’une leucostase cérébrale en montrant un œdème papillaire, une de grader les patients en 4 groupes : Pas de leucostase, leucostase possible,
dilatation des vaisseaux rétiniens et des hémorragies rétiniennes3. leucostase probable et hautement probable (Tableau 1)

74 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 75


Groupe Probabilité de Sévérité des Symptômes Symptômes Autres organes sanguines » qui retirent les leucocytes par centrifugation. Le sang du patient sort
Leucostase symptômes pulmonaires neurologiques par un cathéter central initialement inséré, passe dans le séparateur cellulaire
0 Absente Pas de Pas de symptômes Pas de symptômes Pas de
limitations et pas de limitations neurologiques symptômes
qui retire les leucocytes et restitue les autres composants sanguins au patient4.
des activités La leucophérèse permet la réduction du taux de leucocytes de 25 à 50% par
1 Possible Limitations Des symptômes Acouphènes Fatigue modérée séances4,6,13. Néanmoins, son impact sur la réduction de la mortalité précoce
modérées légers et de légères modérés, céphalées, dans les HLM et les syndromes de leucostase n’a pas été démontré14,15.
limitations au vertiges
cours de l’activité
La leucophérèse est techniquement réalisable au Maroc, toutefois, dans la pratique
ordinaire, mais quotidienne et vu le caractère urgent de la procédure et de l’absence de preuves quant
confortables au à son utilité, nous avons plus tendance à privilégier la cytoréduction par chimiothérapie.
repos L’initiation de la chimiothérapie en urgence permet de réduire le taux de leucocytes
2 Probable Limitations Limites marquées Troubles visuels Fatigue sévère
marquées de l'activité modérés (Diplopie,
en quelques jours. La chimiothérapie peut être administrée à faible dose afin
en raison des vision trouble, d’éviter la survenue ou l’aggravation du syndrome de lyse tumorale.
symptômes même Hémianopie)
pendant une Acouphènes sévères Mesures symptomatiques
activité moindre céphalées, vertiges. · L’HLM peut se compliquer, à côté de la leucostase, de syndrome de lyse tumorale
que d’ordinaire,
confortable et de coagulation intravasculaire disséminée qu’il faut prendre en charge le cas
seulement au repos échéant.
3 Hautement Limitations Dyspnée au repos, Troubles visuelsInfarctus du · Les transfusions de culots globulaires sont à éviter ou au moins à différer en cas
probable sévères Besoin d’assistance sévères, Confusion,
myocarde, de leucostase car elles augmentent la viscosité sanguine et peuvent aggraver la
respiratoire Délire, Coma, Priapisme,
avec ventilation Convulsion Autres leucostase.
mécanique manifestations · Une hyperdiurèse alcaline est souvent nécessaire en l’absence d’insuffisance
ischémiques rénale aigue et permet de réduire l’hyperviscosité sanguine.
Tableau 1 : Score de grading de la leucostase (d’après Novotny et al 12)

Ce qu’il faut retenir


Prise en charge de l’hyperleucocytose majeure et  L’HLM, compliquée ou non de leucostase, est une urgence médicale qui doit
de la leucostase être prise en charge dans un service spécialisé.
L’HLM constitue une urgence médicale. Les patients présentant une HLM peuvent  La leucostase survient souvent à des taux de leucocytes supérieurs à 100G/L
rapidement se compliquer par la survenue d’une leucostase dont le pronostic est et touche essentiellement les poumons et le cerveau.
très réservé mais également développer un syndrome de lyse tumorale et/ou une  Les manifestations cliniques de la leucostase ne sont pas spécifiques.
coagulation intravasculaire disséminée.  La cytoréduction est la pierre angulaire dans la prise en charge de la leucostase.
Les patients avec une leucostase doivent être pris en charge dans une unité de
soins intensifs. Le but du traitement est une réduction rapide et importante du Réferences sélectionnées
chiffre des leucocytes en plus des mesures symptomatiques. 1. Bunin NJ, Pui CH : Differing complications of hyperleukocytosis in acute,
lymphoblastic or acute non lymphoblastic leukemia. J Clin Oncol 1985 ; 3 :
Réduction des leucocytes ou cytoréduction 1590-95.
La cytoréduction peut se faire par leucophérèse et/ou par chimiothérapie 2. Inaba H, Fan Y, Pounds S et al. Clinical and biologic features and treatment
La leucophérèse consiste à retirer l’excès de leucocytes dans le sang par outcome of children with newly diagnosed acute myeloid leukemia and
séparation mécanique. On utilise des appareils dits « séparateurs de cellules hyperleukocytosis. Cancer 2008 ; 113 : 532-9.

76 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 77


3. Ali MA, Mirrakhimov AE, Abboud CN : Leukostasis in adult acute hyperleucocytic
leukemia : a clinician’s digest. Hematolo Oncol 2016, 34 : 69-78.

7
4. Aqui N, O’Doherty U : Leukocytapheresis for the treatment of hyperleukocytosis
secondary to acute leukemia. Hematology 2014 : 457-60.
5. Lowe EJ, Pui CH, Hancock ML et al. Early complications in children with acute

lymphoblastic leukemia presenting with hyperleucocytosis. Pediatr Blood
Cancer 2005, 45 : 10-5.
SYNDROME VEINE CAVE SUPÉRIEURE
6. Röllig C, Ehninger G. How I treat hyperleucocytosis in acute myeloid leukemia.
Blood 2015 ; 125 : 3246-52.
7. Stucki A, Rivier A-S, Gikic M et al. Endothelial cell activation by myeloblasts : molecular Mohammed Khattab
Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique,
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8. Uzunhan Y, Cadranel J, Boissel N et al. The specfic pulmonary manifestations of
acute myeloid leukaemia. Revue des maladies respiratoires. 2010 ; 27 : 589-98.
9. Vernant JP, Brun B, Mannoni P et al. Respiratory distress of hyperleukocytic
granulocytic leukemia. Cancer 1979, 44 : 264-8.
10. Koenig MK, Sitton CW, Wang M et al. Central nervous system complications Objectifs pédagogiques
of blastic hyperleukocytosis in childhood acute lymphoblastic leukemia.  Savoir que le Syndrome Cave Sup (SVCS) est une grande urgence
Diagnostic and prognostic implications. J Child Neurol, 2008, 23 : 1347-52. oncologique.
11. Cohen Y, Amir G, Da’as N et al. Acute myocardial infarction as the presenting  Énumérer les principaux cancers à l’origine du SVCS selon le siège de la
symptom of acute myeloblastic leukemia with extreme hyperleukocytosis. Am masse médiastinale.
J Hematol, 2002, 71 : 47-9.  Connaitre les signes de gravité.
12. Novotny JR, Müller-Beissenhirtz H, Herget-Rosenthal H et al. Grading of  Maitriser la prise en charge diagnostique et thérapeutique initiale du
symptoms in hyperleukocytic leukaemia: a clinical model for the role of SVCS.
different blast types and promyelocytes in the development of leukostasis  Savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire en matière de prise en
syndrome. Eur J Haematol, 2005, 74 : 501-10. charge initiale du SVCS.
13. Pastore F, Pastore A, Wittmann G et al. The role of therapeutic leukapheresis in  Savoir comment débuter le traitement avec une extrême prudence pour
hyperleukocytic AML. PLoS ONE, 2014 ; 9 : e95062. éviter les conséquences du SVCS et de la chimiothérapie initiale.
14. Chen KH, Liu HC, Liang DC et al. Minimally early morbidity in children with acute
myeloid leukemia and hyperleukocytosis treated with prompt chemotherapy Vignette 1
without leukapheresis. J Formosan Medical Association 2014, 113 : 833-8. Un petit garçon de 7 ans s’est présenté à son médecin traitant pour une toux sèche
15. Porcu P, Danielson CF, Orazi A et al. Therapeutic leukapheresis in hyperleukocytic d’apparition rapidement progressive. Il lui a prescrit un traitement symptomatique
leukemia : Lack of correlation between degree of cytoreduction and early (antitussif, antibiotique et un bronchodilatateur). Sans succès, la toux s’est aggravée.
mortality rate. British J Haematology 1997, 98 : 433-436. Deux jours après, le petit a des douleurs thoraciques et il est en détresse respiratoire.
16. Porcu P, Danielson CF, Orazi A et al. Therapeutic leukapheresis in hyperleukocytic Son médecin lui a fait une Rx du thorax qui a montré une cardiomégalie. Il l’a orienté
leukemia : Lack of correlation between degree of cytoreduction and early alors chez un cardiologue. Le patient est devenu bleu et au bord de l’asphyxie lorsque
mortality rate. British J Haematology 1997, 98 : 433-436. le cardiologue l’a allongé pour l’examiner et lui faire une échocardiographie. Il l’a relevé
rapidement en position demi-assise, et a constaté une tuméfaction thoracique supérieure,
une circulation collatérale thoracique collatérale et un œdème du visage. Il n’y avait

78 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 79


pas d’adénopathies périphériques, ni hépatomégalie et ni splénomégalie. La relecture Vignette 2
de la Rx du thorax a montré un élargissement médiastinal important « médiastin en Un garçon âgé de 3 ans présente depuis 2 semaines une fièvre à 39°C, intermittente,
cheminée »(Figure 1). La TDM thoracique a montré une masse antérieure au niveau des cédant peu ou prou aux antipyrétiques, puis une toux et une tuméfaction du visage. A la
3 étages du médiastin (sup, moyen et inf.) (Figure 2). Elle englobe les troncs veineux consultation, on note un visage tuméfié, une circulation veineuse thoracique supérieure
brachiocéphaliques droit et gauche et la veine cave sup qui restent perméables, ainsi collatérale, une turgescence des veines jugulaires et une diminution des bruits
que les troncs artériels supra-aortiques. respiratoires. Il n’y ni adénopathie périphérique, ni hépatosplénomégalie.

Question 1 : Quelle est votre hypothèse diagnostique ? Quel est le premier examen à demander ? En raison des signes présentés par ce
Une masse médiastinale antérieure symptomatique avec une aggravation rapide patient, une Rx du thorax, en position debout ou demi-assise, doit être demandée en
en quelques jours en un SVCS est en rapport avec une prolifération lymphoide premier. Celle-ci a montré un élargissement médiastinal antérieur avec une compression
maligne jusqu’à preuve du contraire (Lymphome ou leucémie aigüe). trachéale(Figure 4).

Question 2 : Comment obtenir le diagnostic ?


Dans ce cas, il faut demander des examens non invasifs et contributifs au diagnostic :
NFS et myélogramme. Ils étaient normaux. En seconde intention il faut passer à la
cytoponction. En raison de la gêne respiratoire, l’enfant a reçu des corticoïdes par voie IV.
Après 24 heures, l’état de l’enfant s’est stabilisé. En position surélevée de 30° et
sous anesthésie locale, il faut tenter une cytoponction médiastinale antérieure
sous échographie, sinon une biopsie à l’aiguille sous TDM.
C’est ce qui a été fait chez ce garçon. La réponse cytopathologique et
Fig. 4 : Rx du thorax : Elargissement médiastinal
immunohistochimique a été un lymphome malin non hodgkinien de type
lymphoblastique. Question 2 : Suite à cette Rx du thorax, quels sont les premiers examens à visée
étiologique à demander ? NFS et myélogramme.
Question 3 : Comment soulager cet enfant et traiter le lymphome ?
Résultats : NFS (Hyperleucocytose à 85.000 GB/mm3 dont 65% de blastes ;
En plus de la prévention du syndrome de lyse tumorale, une corticothérapie à
Hémoglobine 10g/dl ; Plaquettes 25.000/mm3). Moelle osseuse (Leucémie aigue
60mg/m2 (2mg/kg/j) a permis de faire disparaitre toute la symptomatologie
lymphoblastique de type T)
en quelques jours. La Rx du thorax est redevenue normale au 8ème jour (Figure
Au total, ce garçon a présenté une leucémie aigue lymphoblastique révélées par
3). Bien entendu, le lymphome diagnostiqué chez cet enfant nécessitera une
un SVCS en rapport avec des polyadénopathies médiastinales compressive.
chimiothérapie séquentielle puis continue pour une durée totale de 18 à 24 mois.
Question 3 : La biopsie d’une adénopathie médiastinale est-elle nécessaire ?
Non, car le diagnostic a été confirmé par le myélogramme qui est suffisant
pour le diagnostic. De plus, dans le cadre du SVCS, la biopsie de la masse
médiastinale peut faire courir le risque vital au patient, si elle n’est pas faite dans
les conditions requises. Si elle a été effectuée, elle aurait montré une prolifération
lymphoblastique de type T (et donc elle n’aurait rien ajouté au myélogramme).

Fig 1 : Rx du Thorax Fig. 2 : TDM du Thorax Fig 3 : Rx du Thorax après 1


Question 4 : Qu’en est-il de la suite de prise en charge ?
au diagnostic au diagnostic semaine de corticothérapie Ce patient doit être pris en charge dans un milieu spécialisé afin de préciser le

80 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 81


pronostic final et démarrer le traitement selon les recommandations du protocole Si le dosage de l’AFP a été négatif, la ponction-biopsie tumorale imago-guidée
de ce type de pathologie à localisation médiastinale. serait alors indiquée en tenant compte des précautions habituelles.

Vignette 3 Introduction
Un petit nourrisson de sexe féminin, âgée de 18 mois a présenté une dyspnée qui Le Syndrome Veine Cave Sup (SVCS) est une urgence oncologique qui s’observe
s’est aggravée en quelques jours. Elle s’est présentée à la consultation avec un dans les cancers de l’enfant les plus fréquents et les plus curables. Il est essentiel
SVCS. Une Rx du thorax a montré un élargissement médiastinal. A l’échographie, de connaitre sa présentation clinique et son management, car non seulement le
cette masse est tissulaire et grossièrement hétérogène. La TDM a donné plus de SVCS réclame une prise en charge urgente, mais également la connaissance des
précision sur la topographie et la présence de métastases pulmonaires (Figure 5). gestes et investigations compromettant le pronostic vital.

Définition
Le syndrome veine cave supérieur regroupe l’ensemble des signes cliniques
et radiologiques apparaissant à la suite de la compression ou l’obstruction de
la veine cave supérieure ou les grosses veines qui s’y drainent, par une masse
médiastinale. Accessoirement, le SVCS peut être aussi secondaire à la thrombose
de la veine cave supérieure.
Ce syndrome s’installe rapidement en quelques jours. Ses causes sont multiples
Fig. 5: Élargissement médiastinal et métastases pulmonaires et peuvent être évoquées selon leur mode d’installation, l’âge de survenue et la
topographie du processus lésionnel au niveau du médiastin.
TDM du thorax : Masse tissulaire hétérogène, bien limitée et siégeant au niveau Le SVCS est souvent en rapport avec une masse médiastinale antérieure.
du médiastin antérieur et moyen, mesurant 10 cm de grand axe et remontant Les cancers sont les principales étiologies du SVCS. La thrombose des gros
jusqu’à l’orifice cervico-thoracique en amont de la carotide primitive gauche. vaisseaux peut-être causée par la présence d’un cathéter veineux central.
Cette masse latéralisée à gauche refoule tout le médiastin vers la droite. Multiples On parle plutôt de syndrome médiastinal supérieur quand il y a en plus du SVCS, une
nodules parenchymateux homogènes arrondies et bien limitées prédominant au compression de la trachée. Ces 2 syndromes sont très souvent associés chez l’enfant.
niveau des bases.
Absence d’adénopathies médiastinales et d’atteinte pleurale. Anatomie
Le médiastin se subdivise anatomiquement d’avant en arrière en 3 régions (Figure 6) :
Quelle est votre démarche diagnostique ? Le médiastin antérieur : Il comporte le thymus ou ses vestiges, le cœur, les gros
Étant donné l’existence d’une masse médiastinale principalement antérieure et troncs vasculaires (branches de l’artère thoracique interne) et les ganglions
des métastases pulmonaires, une prolifération lymphoïde est à écarter (LAL ou lymphatiques.
LNH). Donc le myélogramme n’est pas envisagé en première intention. Le médiastin moyen : On y trouve le péricarde et son contenu, l’axe trachéo-bronchique,
Il faut penser à une tumeur solide du nourrisson métastatique aux poumons. Se l’œsophage, l’aorte thoracique descendante, le système veineux azygos, le canal
poser la question sur le dosage d’un éventuel marqueur tumoral avant de passer thoracique, le nerf vague récurent gauche et les ganglions lymphatiques.
à des gestes invasifs, telles la ponction ou la biopsie scano-guidée. Le médiastin postérieur : Il inclut les gouttières latéro-vertébrales et des éléments
Le dosage de l’AFP (Alfa Foeto protéine) = 63.000 ng/ml nerveux.
Il s’agit donc d’une tumeur germinale maligne de siège thoracique avec des
métastases pulmonaires. C’est une tumeur très chimiosensible et guérissable
dans un grand pourcentage de cas.

82 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 83


Plus rarement, on observe un SVCS dans les cancers suivants :
- Maladie de Hodgkin.
- Tumeurs germinales malignes.
- Sarcomes (Rhabdomyosarcome, Ewing).
- Neuroblastome.
- Carcinomes thyroïdiens et parathyroidiens.
- Thymome.
Fig. 6 : Schéma du médiastin
Physiopathologie Présentation clinique
La veine cave supérieure (VCS) draine le sang de la tête, des membres sup. et Le SVCS s’installe plus ou moins rapidement en quelques jours :
de la partie sup. du thorax vers le cœur (soit un tiers du retour veineux). Elle se - Œdème des paupières et du visage ; œdème en pèlerine au niveau du cou, de la partie
comprime facilement par les tumeurs et autres pathologies, car elle a une paroi supérieure du thorax et des épaules ; turgescence des veines jugulaires ; circulation
mince, une faible pression intra-luminale et une tendance à la thrombose. Elle est collatérale thoracique ; cyanose péribuccale ou faciale ; céphalées ; nausées ;
entourée par le thymus et les ganglions qui drainent le côté droit et le bas-côté étourdissement ; vertiges ; flou visuel ; somnolence ; convulsions ; syncopes.
gauche du thorax. Une partie de la VCS se trouve dans la réflexion du péricarde. - Toux non productive, dyspnée, orthopnée, stridor, enrouement, détresse
Les symptômes du SVCS sont la conséquence de la compression médiastinale respiratoire. Risque d’un arrêt respiratoire.
dans un espace clos : - Syndrome de Claude Bernard Horner : Ptosis, myosis, énophtalmie.
- Compression vasculaire, engorgement, stase et thrombose de la veine cave supérieure - Dysphagie.
et ses veines. L’hyperpression entraine une dilatation en amont ; une hypertension
Autres signes :
veineuse cérébrale, puis l’apparition d’un œdème et ses conséquences.
- Douleur thoracique.
- Compression respiratoire de la trachée et des bronches (moins rigides chez
- Voussure de la paroi thoracique.
l’enfant). Cela engendre le syndrome du médiastin supérieur, qui est plus
- Masse cervico-médiastinale.
complexe et plus grave.
- Epanchements (pleural, péricardique)
- Compression nerveuse (nerf phrénique, nerf récurrent, moelle épinière).
- Altération de l’état général.
- Compression de l’œsophage, voire du cœur.
- signes extra-thoraciques.
Tous ces signes sont aggravés par le décubitus !
Les facteurs aggravant le SVCS sont le décubitus, l’anesthésie générale et les sédatifs :
- Le décubitus majore la compression extrinsèque. Devant ces symptômes, il faut rechercher des signes de gravité nécessitant une
- L’anesthésie générale augmente la pression abdominale, diminue le tonus prise en charge urgente : Détresse respiratoire aigüe ; hypoxie ; hypertension
musculaire respiratoire et le volume pulmonaire. artérielle ; sueurs ; épanchements (pleurésie, péricardite), troubles de la
- Les sédatifs diminuent le retour veineux. conscience et autres signes neurologiques.

Les cancers de l’enfant pouvant se manifester par Enquête étiologique


un SVCS Le diagnostic étiologique doit être obtenu avec le moyen le moins invasif possible.
Les cancers sont les causes du SVCS dans plus de 90% des cas (Tableau I). Les Il doit être mené en parallèle avec le soulagement symptomatique, sans faire courir
plus fréquents et constituant une urgence extrême sont par ordre de fréquence : de risque vital au patient et sans anesthésie générale. La sédation pour des examens
- Lymphomes Non Hodgkiniens (LNH). d’imagerie peut être une erreur fatale qu’il faut évaluer à toutes les phases du
- Leucémies aigues lymphoblastiques (surtout hyperleucocytaires ou de phénotype T). diagnostic et du début du traitement! Il faut privilégier la ventilation spontanée.

84 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 85


Interrogatoire et examen clinique d’orientation étiologique
 Premier réflexe : ne jamais allonger l’enfant sur le dos ! Siège médiastinal Etiologies
- Préciser l’âge. Normal Age < 7 ans
- Préciser la chronologie d’installation des troubles. Hyperplasie
Thymome
- Chercher des signes généraux associés: fièvre, sueurs nocturnes, prurit.
Kyste
-Chercher d’autres signes cliniques: douleur, adénopathies périphériques, Pathologique bénin Lymphangiome kystique
splénomégalie, hépatomégalie, atteinte testiculaire, lésions cutanées… Tératome
- Demander s’il y a des examens biologiques antérieurs: NFS, VS ?, … Thymus +++ Thymolipome
- Se renseigner sur les traitements antérieurs ? …
Lymphomes (25%)
Thymome
Imagerie Pathologique malin Tumeur Germinale
Médiastin antérieur
Tous les examens d’imagerie doivent être faits en position debout ou assise, et maligne (5%)

jamais en décubitus dorsal. S’il y a un empêchement, il vaut mieux les faire en Leucémies
Adénopathies +++
procubitus. Lymphomes (50% des
masses antérieures)
Tératomes
• Rx du thorax de face et profil est le premier examen à demander devant les Hémangiomes
signes respiratoires et les autres symptômes cités précédemment. Elle permet Malformations Vasculaires
Autres
de localiser la masse médiastinale responsable du SVCS et évaluer les effets sur Médiastinite
la trachée dans un tiers des cas. Hernie digestive
antérieure
Etant donné son apport au diagnostic, il faut que la Rx du thorax soit de bonne Tuberculose
Inflammatoires
qualité : Autres infections
Adénopathies Lymphomes
- Rx bien symétrique (symétrie des clavicules et des extrémités antérieures des
Cancers Leucémies
arcs costaux) afin d’écarter les faux déplacements du médiastin. Métastases
- Projection, au-dessus des coupoles diaphragmatiques d’au moins 6 arcs costaux Médiastin moyen Kystes bronchogéniques
Malformations broncho-
antérieurs. Duplication
digestives
oesophagienne
- Projection des coupoles diaphragmatiques dans le 9ème ou, mieux, dans le 10ème Hernie Hiatale
espace intercostal postérieur. Autres Lymphangiome kystique
- Visualisation de l’arborisation artérielle pulmonaire rétro-cardiaque. Hémangiome…
Ganglioneurome
- En cas de défaut d’inspiration, il y a un pseudo-élargissement du médiastin. Schwannome,
Neurofibrome (NF1)
Tumeurs bénignes
• TDM du thorax, avec injection du produit de contraste : Elle permet de localiser Médiastin postérieur Ganglions (médiastinite)
la masse, déterminer sa taille et son degré d’envahissement et de compression 30-40% Fuseau paravertébral
(90% sont d’origine (spondylodiscite)…
des vaisseaux sanguins et de la trachée dans tous les cas. - Neuroblastome + + +
neurogène) - Sarcomes (RMS, Ewing)
• Echocardiographie permet de vérifier l’existence d’un épanchement péricardique, Cancers - Autres tumeurs
mésenchymateuses
une tamponade, le degré d’extension au cœur, la fonction myocardique et les malignes
effets de la tumeur ou du thrombus sur les gros vaisseaux. Tableau I : Étiologie des masses médiastinales selon leur siège Biologie

86 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 87


- Bilan sanguin : NFS, ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique, tests de intra-cathéter, ou une thrombectomie s’il y a un risque vital. Les dosages du
coagulation, … Fibrinogène, Produits de Dégradation de Fibrine (PDF), taux des plaquettes,
- Le myélogramme, les ponctions et biopsies ne sont à faire qu’après concertation Taux de Prothrombine (TP) et le Temps Céphaline Activé (TCA) doivent être
multidisciplinaire, ou mieux après 24 à 48 H de stabilisation clinique. Elles répétés durant la thrombolyse.
permettent d’obtenir du matériel tumoral pour une étude cytologique,
histologique et de biologie moléculaire. Conclusion
• Ponction pour un examen cytologique (suffisante pour le diagnostic si le résultat Le SVCS est souvent la conséquence d’une croissance rapide d’un cancer curable,
est un lymphome non hodgkinien ou une leucémie aigüe) : mais engageant le pronostic vital dans l’immédiat du fait de la compression de la
– d’un épanchement pleural ou péricardique, VCS et d’autres éléments respiratoires et vasculaires. Le diagnostic étiologique
– d’une adénopathie périphérique, et le traitement initial doivent être menées en parallèle et en confrontation
multidisciplinaire, tout en évitant de faire courir le risque vital par des gestes
– de la moelle osseuse (Myélogramme).
dangereux, tels le décubitus, la sédation ou l’anesthésie générale.
• Biopsie à l’aiguille (si les ponctions précédentes n’ont pas été contributives au
diagnostic) :
- d’une adénopathie périphérique +++ Principaux messages et reflexes à retenir 
- d’une masse médiastinale, sous contrôle échographique ou scanographique.  Toute symptomatologie respiratoire d’installation rapide chez un enfant impose
• Biopsie chirurgicale de la masse médiastinale est déconseillée. Elle n’est indiquée une Rx du thorax en urgence.
que si les examens précédents ont été négatifs. Elle doit rester en dernier recours  Si celle-ci révèle une masse médiastinale, suspecter l’étiologie selon sa
et en concertation avec l’anesthésiste. topographie dans le médiastin antérieur, moyen, ou postérieur.
 Le syndrome veine cave supérieur est une urgence thérapeutique.
 Ce SVCS est le plus souvent en rapport avec un cancer curable (Lymphome,
Prise en charge du SVCS Leucémie aigüe).
- Mettre le patient en position demi-assise (tête surélevée à +30°).
 L’enfant ne doit jamais être allongé et mis en décubitus. Il doit toujours être
- Oxygénothérapie en cas de besoin.
maintenu en position demi-assise (tête surélevée de + 30°).
- Surveiller les paramètres vitaux par un monitorage cardio-vasculaire et
 L’enfant avec un SVCS ne doit pas être sédaté sans concertation avec
respiratoire continue.
l’anesthésiste. Sinon le risque vital est engagé.
- Soulager la détresse respiratoire avec le moyen le moins invasif possible.
 L’approche diagnostique doit être prudente et la moins invasive possible.
- Éviter la pose d’une voie veineuse centrale dans la veine cave supérieure. La voie
Si le pronostic vital immédiat est engagé et l’état de l’enfant est critique ;
d’accès veineux doit être par voie fémorale, ou par une bonne veine périphérique
l’administration d’un corticoïde et/ou Cyclophosphamide peut être initiée en
hors du territoire de la VCS.
urgence durant les premières 24H à 48H, en parallèle ou avant l’enquête
- Évaluer le risque respiratoire sur la clinique et l’imagerie pour procéder aux
étiologique et le bilan d’extension.
explorations du diagnostic étiologique (voir organigramme).
- Si l’état de l’enfant est critique, et si un lymphome non hodgkinien, ou une
leucémie aigue lymphoblastique sont fortement suspectés, démarrer en Références sélectionnées
1. Borenstein SH, Gerstle T, Malkin D, et al. The effects of prebiopsy corticosteroid
urgence une corticothérapie (Methylprednisolone ou Dexamethasone) et/ou
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Cyclophosphamide, Vincristine, à petites doses répétées durant les premières 2000;35(6):973-976
24 à 48 heures, tout en poursuivant en parallèle les explorations à la recherche 2. Cheng S. Superior vena cava syndrome: a contemporary review of a historic
de l’étiologie. disease. Cardiol rev 2009;17:16-23
- Libérer la veine cave supérieure, si elle est thrombosée par une héparinisation 3. Garey CL, Laituri CA, Valusek PA, et al. Management of anterior mediastinal
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9. Wilson LD, Detterbeck FC, Yahalom J. Superior vena cava syndrome with
malignant causes. N Engl J Med 2007;356:1862-1869 Objectifs pédagogiques
 Diagnostiquer une compression médullaire non traumatique et un
syndrome de la queue de cheval.
 Formuler un diagnostic différentiel pour les tumeurs de la moelle épinière
en fonction des symptômes de présentation, de l’examen physique et de
l’emplacement de la tumeur
 Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.

Vignette 
Safaa est une fillette de 4 ans. Elle souffre de douleurs dorsolombaires
insomniantes, rebelles au traitement antalgique. Sa maman la ramène aux
urgences où un bilan radiologique a été fait ne révélant pas d’anomalies. Une
prescription d’antalgiques a été faite et la patiente est rentrée chez elle. Quelques
jours plus tard, Safaa présente une difficulté à la marche à type de boiterie et une
incontinence sphinctérienne.
La maman ramène sa fille chez un pédiatre qui l’adresse au CHU pour une
hospitalisation en urgence. L’examen physique initial a objectivé une paraplégie
flasque avec un niveau sensitif à T3 et une incontinence urinaire et anale. L’IRM
médullaire a objectivé un processus expansif intra-canalaire rachidien au niveau
du rachis cervical et dorsal étendu sur 7cm de hauteur de C5 à D4 dans l’espace
épidural postérieur et comprimant la moelle épinière, s’accompagnant d’une
atteinte osseuse vertébrale qui semble être le point de départ du processus
lésionnel.
Quelle est conduite diagnostique vous proposez ?
Quel stratégie thérapeutique urgente est la plus appropriée dans ce contexte ?
Quel est le pronostic des lésions neurologiques chez cette enfant ?

90 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 91


Introduction 
La compression médullaire (CM) est une urgence diagnostique et thérapeutique Compression médullaire constituée 
afin de réduire le risque de séquelles neurologiques à long terme. Elle peut être le Le diagnostic est posé devant l’existence d’une triade clinique faite d’un syndrome
mode de révélation ou correspondre à une métastase d’une tumeur maligne déjà lésionnel, d’un syndrome sous-lésionnel associé le plus souvent à des signes rachidiens.
connue.
En oncologie pédiatrique, 3 à 5% des enfants développent une CM. Les tumeurs Le syndrome radiculaire lésionnel comprend des douleurs radiculaires souvent
les plus fréquemment en cause sont les neuroblastomes et les sarcomes. isolées au début, de topographie constante, signalant le dermatome lésionnel et
Il faut reconnaître rapidement les formes débutantes, c’est ainsi que toute douleur permettent donc de déterminer le niveau lésionnel et d’orienter les explorations
rachidienne chez un enfant atteint de cancer doit faire éliminer une CM même en radiologiques.
l’absence de signes neurologiques.
Les signes cliniques révélateurs sont parfois difficiles à repérer, en particulier chez Le syndrome sous lésionnel  associe
le nourrisson. C’est pourquoi, un examen neurologique attentif doit être réalisé - Troubles moteurs : un syndrome pyramidal d’intensité variable pouvant aboutir
dès que le diagnostic de CM est suspecté. à une paraplégie ou d’une tétraplégie spastique.
Le syndrome de la queue de cheval est également une urgence diagnostique et - Troubles sensitifs souvent retardés : picotement, fourmillement, sensation de
neurochirurgicale afin d’éviter un déficit moteur ou des troubles sphinctériens striction, brûlures signant la souffrance initialement cordonal postérieur ou
définitifs. spinothalamique.
L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) est l’examen urgent de première - Troubles sphinctériens urinaires (miction impérieuse, dysurie), ou anorectaux
intention. En son absence, la TDM peut être une très bonne aide au diagnostic. (constipation) sont très tardifs et quasi-constantes dans les CM évoluées.

Mécanismes de la compression médullaire  Le syndrome rachidien comporte


La compression de la moelle épinière ou des dernières racines rachidiennes - Douleurs permanentes et fixes, entrainant une boiterie.
formant la queue de cheval est secondaire à une localisation intra-médullaire, - Raideur segmentaire du rachis : précoce.
sous arachnoïdienne ou le plus souvent à une extension d’une tumeur vertébrale -Déformation segmentaire (cyphose, scoliose, torticolis) avec douleurs
ou para vertébrale à travers les trous de conjugaison. spontanées localisées accrues lors de la percussion des épineuses ou à la
palpation de la musculature paravertébrale en regard de la zone lésionnelle
retrouvées dans 80 à 90%.
Présentation clinique 
Circonstances de découverte et anamnèse 
Particularité clinique : Compression médullaire chez le nourrisson :
Description du déficit : siège, type (sensitif ou moteur), degré (déficit partiel ou
L’anamnèse parentale recherche la notion d’hypomobilité des membres inférieurs,
complet)
de chutes ou de perte de marche.
Signes accompagnateurs : fièvre, signes focaux.
Ancienneté de chaque symptôme, évolution.
Examen neurologique attentif et recherche d’une masse cervicale, médiastinale
ou rétropéritonéale.
Compression médullaire débutante 
Douleurs rachidiennes (80%) : tenaces, rebelles aux antalgiques : difficile à mettre
Syndrome de la queue de cheval 
en évidence chez le petit enfant.
Le diagnostic est clinique et correspond à une souffrance des dernières racines
Raideur segmentaire rachidienne.
rachidiennes L2-L5 et des racines sacrées en dessous du cône terminal de la
Troubles moteurs aux membres inférieurs.
moelle, associant :
Troubles sensitifs et surtout sphinctériens (en général, beaucoup plus tardifs).

92 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 93


- Troubles sensitifs : douleurs fréquentes à type de radiculalgie (cruralgie, - CM par hématopoièse extra-médullaire : thalassémies, drépanocytose.
sciatalgie) ou des douleurs pluriradiculaires d’un ou des deux membres inférieurs. - Atteinte dégénérative du système nerveux.
Une hypoésthésie périnéale, des organes génitaux externes et de l’anus est
retrouvée, constituant une anesthésie en selle. Etiologies 
- Troubles moteurs : de topographie monoradiculaire ou pluriradiculaire uni- ou Causes extradurales (1/3 des tumeurs du cordon médullaire de l’enfant)
bilatérale, le plus souvent asymétriques. L’atteinte motrice peut aboutir à une - Sacrome d’Ewing : atteinte médullaire primitive (3- 10%) ou secondaire, à partir
paraplégie flasque avec amyotrophie. de l’os (sacrum surtout), ou plus rarement de l’espace épidural ou paravertébral.
- Abolition des réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs, des réflexes - Localisations secondaires de rhabdomyosarcome.
périnéaux et anaux. - Lymphomes : atteinte épidurale primitive ou secondaire.
- Troubles génitosphinctériens : apparaissent précocement, retard à la miction - Leucémies : chloromes.
ou nécessité de pousser pour uriner, l’incontinence urinaire est possible, - Epidurite métastatique.
constipation et incontinence fécale. - Tumeurs vertébrales bénignes : hémangiome, chondrome.
- Neuroblastome (5- 15%) : peut se développer à la fois dans le canal rachidien ou dans
Bilan paraclinique  l’espace paravertébral et s’introduire dans le canal via les trous intervetébraux.
Une ponction lombaire peut aussi être à l’origine d’une décompensation brutale et - Plus rarement : tumeur de Wilms, tumeur germinale maligne,…
doit être PROSCRITE devant un tableau de compression médullaire en l’absence
d’IRM. Causes intradurales extra-médullaires (1/4 des tumeurs du cordon médullaire)
- Méningite carcinomateuse : (PNET, épandymome,…) rarement inaugurale.
IRM médullaire (séquences T1, T2 et avec injection de gadolinium) sous anesthésie - Neurinome (ou schwannome) : association à la Neurofibromatose type I ou II.
générale ou une bonne antalgie, permet : - Méningiome : exceptionnel.
- Détermination du niveau médullaire concerné et de la topographie lésionnelle,
épidurale, intradurale extra- ou intramédullaire. Causes intra-médullaires (10% des tumeurs du cordon médullaire de l’enfant)
- Information sur l’étiologie (sans certitude). - Astrocytome (60%)
- Précision de la cartographie du processus tumoral : hauteur, dimension, rapports - Epandymome (30%)
avec les structures avoisinantes. - Lipome
- Degré de souffrance médullaire. - Hémangioblastome
- Kyste dermoïde, tératome
Autres examens : seulement en complément de l’IRM
- Radiographies rachidiennes simples : révèlent les modifications osseuses. Prise en charge thérapeutique
- Echographie médullaire (avant 4-6 mois) : à la recherche d’un neuroblastome. Le traitement des symptômes neurologiques évolutifs doit être immédiatement
- Myéloscanner : si contre-indication à l’IRM, permet de visualiser les rapports de mis en route malgré la nécessité de maintenir suffisamment de renseignements
la moelle avec les structures adjacentes dont le rachis. histologiques afin de poser un diagnostic précis et diriger une gestion au long
- Biologie : bilan pré-op, hémopathies, infection,… cours (Figure 1).
Sur le plan thérapeutique, deux situations peuvent être individualisées :
Diagnostic différentiel 
Selon le contexte clinique on peut discuter : Compression médullaire d’évolution rapide avec signes neurologiques 
- CM infectieuses : BK (mal de Pott), empyème, parasitoses, abcès. Bolus de dexaméthasone 1 à 2 mg en IV suivi de la réalisation d’une IRM médullaire
- Malformations, syringomyélie, cavernomes. en urgence, puis discussion avec les neurochirurgiens, entre :

94 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 95


- Chirurgie de décompression médullaire en urgence par laminectomie avec Ce qu’il faut retenir
prélèvements tumoraux permettant une identification histologique de la tumeur.  Toute douleur rachidienne chez un enfant atteint de cancer doit faire éliminer
- Radiothérapie localisée en cas de tumeur déjà connue avec radiosensibilité une CM même en l’absence de signes neurologiques ;
décrite.  Les tumeurs les plus fréquemment en cause sont les neuroblastomes et les
- Ou, assez, souvent, une chimiothérapie à débuter en urgence. sarcomes ;
 Selon le mode d’installation de la compression et sa gravité l’expresion clinique
Douleurs dorsales sans signes neurologiques  varie d’une douleur rachidienne et/ou raideur à la paraplégie ou tétraplégie et
- Dexaméthasone : 0.25 à 0.5 mg/kg per os toutes les 6 heures suivi de la troubles sphinctériens ;
réalisation d’une IRM médullaire,  Chez le nourrisson l’anamnèse parentale recherchera la notion d’hypomobilité
- Traitement étiologique par chimiothérapie et/ou radiothérapie. La chimiothérapie des membres inférieurs, de chutes ou de perte de la marche ;
première est particulièrement indiquée chez les enfants présentant une CM en  L’IRM est le principale examen d’évaluation de la compression et éventuellement
rapport avec une leucémie, un lymphome, un neuroblastome ou un sarcome d’Ewing. la TDM
 Le traitement dans les formes graves requiert le plus souvent une décompression
chirurgicale. Ailleurs, le recours à la corticothérapie et selon le type de tumeur
SIGNES DOULEURS DORSALES à la chimiothérapie ou l’irradiation peut lever la compression.
SYMPTÔMES DOULEURS RADICULAIRES OU ANOMALIES
NEUROLOGIQUES RADIOLOGIQUES

Références sélectionnées
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DEXAMÉTHASONE
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 Orienter le bilan selon les données cliniques
 Évoquer des diagnostics selon le contexte
 Prendre en charge l’urgence
 Adapter le traitement selon l’étiologie

Vignette
Majid, patient âgé de 5 ans, sans antécédents pathologiques notables, présente
depuis un mois des céphalées qui se sont aggravées avec apparition de
vomissements et une marche ébrieuse. L’examen clinique a trouvé un syndrome
cérébelleux avec une ataxie. Le fond d’œil montre un œdème papillaire.
L’IRM cérébrale montre une masse vermienne avec extension au niveau du
quatrième ventricule. Le processus est arrondie, 3 x 4 cm, homogène, en hypo-
signal par rapport au cortex cérébelleux en T1, en hyper-signal en T2, rehaussée
de façon assez homogène par l’injection de produit de contraste (Figure 1).
Complément IRM médullaire ne montre pas de métastases.
Quel diagnostic évoquer ?
Quelle prise en charge dans l’immédiat ?
Quelle prise en charge ultérieure ?

Figure 1 : IRM cérébrale

98 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 99


Les urgences neurologiques en oncologie pédiatrique sont de différents types. Les principaux mécanismes responsables d’HIC sont :
Il s’agit principalement d’urgences mécaniques neurologiques comme les · l’œdème cérébral (vasogénique, cytotoxique ou interstitiel) ;
compressions médullaires, les hypertensions intracrâniennes (HIC) et les états · les processus expansif intracrânien ;
convulsifs. Parmi ces complications l’hypertension intracrânienne peut être · l’augmentation du volume sanguin cérébral ou de la quantité de LCR ;
révélatrice de la maladie ou survenir en cours d’évolution, signant le plus souvent · plusieurs mécanismes peuvent s’associer.
une rechute.
L’HIC résulte d’un conflit d’espace entre le contenant inextensible (boite crânienne Chez l’enfant atteint de cancer, différentes étiologies peuvent être responsables
et dure-mère) et son contenu (cerveau, sang et LCR). Elle apparait lorsque les d’HIC.
mécanismes d’adaptation sont dépassés. · Les tumeurs cérébrales et les shunts bloques sont actuellement la cause la plus
Les deux risques majeurs de l’HIC sont : fréquente. Il s’agit par ordre de fréquence :
· l’engagement cérébral, par hernie du tissu cérébral poussé par la pression sous - Medulloblastome
la faux du cerveau (engagement cingulaire), par la fente de Bichat (engagement - Gliome de bas grade
temporal), ou par le trou occipital (engagement amygdalien). - Ependymome du cervelet.
· l’atrophie optique avec cécité définitive liée à l’ischémie du nerf optique, elle- - Tumeur gliale du tronc cérébral.
même conséquence de la stase veineuse. - Papillome des plexus choroïdes du ventricule latéral
· Chez les patients traités par glucocorticoïdes, ceux atteints de leucémie
Particularités de l’hypertension intracrânienne chez l’enfant et nourrisson promyélocytaire aiguë traités par ATRA
Chez le nourrisson, malgré des sutures crâniennes encore ouvertes, une · La méningite blastique dans le cadre d’une localisation neuro-méningée des
augmentation brutale du volume intracrânien s’accompagne, plus rapidement leucémies aigues
que chez l’adulte, d’une élévation de pression intracrânienne (PIC). Ceci s’explique · La méningite infectieuse
notamment la distensibilité quasi-nulle du crâne ostéo-fibreux et la dure-mère. · Les troubles métaboliques
La PIC chez le nouveau-né, se situe normalement entre 1 et 4 mmHg, chez le
nourrisson entre 1 et 6 mmHg, chez l’enfant de 1 à 6 ans entre 3 et 8 mmHg, puis Tableau clinique
elle atteint les valeurs adultes (10 à 15 mmHg) au début de l’adolescence. Les Les signes et symptômes d’HIC varient avec l’âge.
particularités pédiatriques sont d’autant plus marquées que l’enfant est jeune et Chez les nourrissons, l’histoire de la maladie peut révéler des changements
tiennent au fait que la compliance du cerveau est d’autant plus faible que l’enfant de comportement, une irritabilité, une régression des compétences motrices
est jeune. acquises auparavant.
Chez les enfants et les adolescents, les céphalées sont le symptôme le plus
La pression de perfusion cérébrale (PPC) se situe normalement entre 40 et 50 fréquent. Le diagnostic clinique est suspecté chez un enfant présentant des
mmHg chez l’enfant âgé d’une semaine à un an puis au-dessus de 50 mmHg chez symptômes ou des signes cliniques évocateurs d’HIC ou chez un enfant porteur
l’enfant de plus d’un an. En situation physiologique, le débit sanguin cérébral (DSC) d’une affection se compliquant fréquemment d’HIC:
peut rester stable pour de larges variations de PPC. Ce phénomène s’explique • Les céphalées sont particulières par leur rythme, apparaissant volontiers en fin
par l’existence d’un plateau d’autorégulation sur lequel toute modification de de nuit, d’évolution récente sur quelques semaines, souvent intermittentes mais
PPC s’accompagne d’une modification des résistances vasculaires cérébrales tendant à s’aggraver avec l’évolution de l’affection.
permettant de garantir une relative stabilité au DSC. Ce plateau d’autorégulation - La localisation est plus volontiers fronto-orbitaire ou occipitale, sans que cela
est plus étroit chez l’enfant jeune, le rendant sensible à toute variation des chiffres traduise une localisation lésionnelle.
tentionelles et ce d’autant plus qu’en situation pathologique, il peut exister une - Ces céphalées peuvent avoir un caractère positionnel, révélé quelquefois par une
perte d’autorégulation. posture de la tête qui déclenche ou intensifie l’accès douloureux ; ce caractère

100 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 101
positionnel est évocateur d’une lésion intraventriculaire partiellement mobile, Les principaux signes cliniques en fonction de l’âge sont résumés dans le Tableau I.
pouvant exercer un mécanisme de clapet sur les voies d’écoulement du liquide
céphalorachidien (syndrome de Bruns). Le changement de position du malade Signes communs Nourrisson Enfant
apporte, quelquefois, une amélioration clinique rapide. Somnolence, apathie, coma Irritabilité Céphalées posturales et matinales
- Ces céphalées peuvent avoir une intensité moyenne cédant aux antalgiques Vomissements répétés en jet Bombement de la fontanelle Diplopie
mais, dans les formes évoluées, elles sont rebelles aux antalgiques, y compris les antérieure
Mydriase et strabisme Disjonction des sutures Œdème papillaire au fond d’œil
morphiniques. À leur acmé, elles peuvent être soulagées par les vomissements
Triade de Kocher-Cushing : Signe de Parinaud avec yeux en
qui les accompagnent souvent. Autres signes d’HIC décompensée « coucher de soleil »
- Notons enfin que les céphalées peuvent être absentes, ou minimes, dans Tableau I : Principaux signes cliniques en rapport avec une HTIC
certaines formes d’HIC.
· Les vomissements accompagnent fréquemment les céphalées ; ils sont classiquement L’HIC décompensée se définit comme une HIC compliquée d’engagement
décrits comme survenant en jet, sans nausées. Ils peuvent être au premier plan de cérébral. Le pronostic vital est engagé rapidement en l’absence de traitement
la symptomatologie, notamment chez l’enfant, dans le cas des tumeurs de la fosse adapté. L’association d’une altération de l’état de conscience avec des signes
postérieure pouvant orienter à tort vers une pathologie digestive. respiratoires, oculaires et moteurs doit faire évoquer le diagnostic.
· Les troubles visuels les plus fréquents sont en rapport avec une diplopie
horizontale due à une paralysie uni- ou bilatérale du VIème nerf crânien qui n’a Examens complémentaires
aucune valeur localisatrice. Plus rare est l’atteinte d’un IIIème nerf crânien, en · L’examen du fond d’œil :
dehors de toute lésion compressive due à un engagement. · sans dilatation atropinique si le syndrome d’HIC est d’installation aiguë et/ou
· Les signes propres à l’étiologie peuvent être associés ou être le motif de consultation : accompagné de troubles de la vigilance, l’état des pupilles étant un critère de
- crises d’épilepsie quel qu’en soit le type surveillance.
- baisse de l’acuité visuelle, · peut être normal (HIC récente, nourrisson, patient âgé) sans exclure le diagnostic
- symptôme neurologique d’atteinte centrale (hémiparésie ; ataxie cérébelleuse ; · peut révéler en fonction croissante de la sévérité :
syndrome tronculaire…). L’association à des signes d’HIC doit être recherchée - une stase papillaire (dilatation veineuse),
systématiquement. - un œdème papillaire (flou du contour papillaire débutant au niveau du quadrant
· L’examen neurologique peut : supéro-interne, angulation des vaisseaux, saillie de la papille),
- Etre normal, ce qui n’écarte pas le diagnostic - des exsudats et hémorragies péri-papillaires,
- Il peut trouver une macrocrânie, qui se définie par un périmètre crânien supérieur - enfin une atrophie optique (papille décolorée).
à la moyenne pour l’âge d’au moins deux DS, est associée à une croissance · Les radiographies du crâne, de face et de profil, peuvent montrer:
anormalement élevée, identifiée par le tracé de la courbe du périmètre crânien. - une augmentation de volume de la boîte crânienne,
 La fontanelle antérieure, examinée en position assise, est tendue et battante. - un amincissement des os de la voûte à prédominance frontale,
 Les veines du scalp sont dilatées. - un trait de fracture,
 La disjonction des sutures est aisément palpable. - des impressions digitiformes uniquement en cas de craniosténose.
 La position des yeux en coucher de soleil est due autant à une paralysie du · L’échographie cérébrale:
regard vers le haut qu’à une compression du toit des orbites. - est utile en première intention, réalisée par voie transfontanellaire, peut être
- Peut aussi révéler des signes liés à l’HIC : altération diffuse des fonctions pratiquée au lit du patient.
cognitives (ralentissement surtout) ou paralysie incomplète du VI qui est - précise la morphologie des cavités ventriculaires et du parenchyme cérébral.
cependant sans valeur localisatrice - est parfois insuffisante pour visualiser les lésions périphériques (épanchements
- Mettre en évidence les signes propres à l’étiologie. sous-duraux) ou de la fosse postérieure.

102 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 103
- Effectué sans et avec injection de produit de contraste. · La corticothérapie:
- Examen de référence dans la plupart des situations. · est indiquée en cas d’œdème péritumoral ou inflammatoire (abcès).
- montre des signes d’œdème cérébral: aplatissement des ventricules, hypodensité · on utilise: la dexaméthasone (Soludécadron*) à la dose de 0,5mg/kg toutes les 12
diffuse ou localisée (halo péritumoral ou inflammatoire). heures par voie IV, ou le tétracosactide (Synacthène* immédiate) à 0,250mg/m
- Permet souvent le diagnostic étiologique. environ toutes les 12 heures par voie IV.
· La durée et les conditions de l’IRM le rendent peu compatible avec l’urgence chez · Le mannitol 20%:
un enfant instable. mais elle reste cependant indiquée selon les données du scanner · une dose de 0,25 à 0,50g/kg est perfusée sur 20 minutes.
cérébral et selon le contexte En cas de suspicion d’une tumeur cérébrale L’IRM · l’action est rapide et persiste pendant 30 à 60 minutes.
encéphalique permet, grâce aux séquences morphologiques classiques, de faire · la surveillance comporte le dosage de l’osmolarité sanguine, qui ne doit pas
un diagnostic positif, un bilan précis avant traitement et de guider l’indication et la dépasser 320mmol/l.
planification du geste chirurgical (biopsie ou exérèse) quand il est indiqué. · est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale.
· L’EEG est effectué en cas de crises convulsives associées ou une suspicion · Le furosémide (Lasilix*):
d’encéphalite herpétique. · a une action synergique avec le mannitol.
· La ponction lombaire : · nécessite un bilan hydro-électrolytique régulier.
- est nécessaire en cas de suspicion de méningite. · est prescrit à la dose de 0,5 à 1mg/kg toutes les 6 heures par voie IV.
- est faite en décubitus latéral, après stabilisation de l’état respiratoire et · Les barbituriques d’action rapide :
hémodynamique de l’enfant.  sont représentés par le thiopental (Pentothal*) et le pentobarbital (Nembutal*).
 sont utilisés uniquement en cas d’échec des mesures thérapeutiques précédentes.
Traitement  on prescrit une dose de charge de 5 à 10mg/kg sur 20 minutes, qui peut être
Mise en condition urgente : répétée en fonction des résultats sur la pression intracrânienne, puis une dose
· Position en décubitus dorsal, la tête droite, surélevée de 30° par rapport à d’entretien de 1 à 5mg/kg/h.
l’horizontale, afin de faire baisser la pression veineuse cérébrale.  la mesure continue de la pression intracrânienne, de la pression veineuse
· Mise en place d’une voie veineuse périphérique, qui permet de prélever un bilan centrale et la tension artérielle est recommandée en surveillance.
biologique préopératoire.
· Intubation naso-trachéale si altération de l’état de conscience. 2-  Mesures symptomatiques visant à limiter les poussées de pression
· Un cathéter veineux central est nécessaire si l’état hémodynamique est instable. intracrânienne :
· une sonde gastrique et sondage urinaire avec une poche de recueil d’urines. · La sédation continue par une benzodiazépine telle que le midazolam (Hypnovel*)
· Tous les gestes invasifs sont encadrés d’analgésiques et/ou de sédatifs afin de et l’encadrement des gestes douloureux par des antalgiques puissants tels que
limiter les poussées de pression intracrânienne. l’alfentanil (Rapifen*) limitent les poussées de pression intracrânienne.
· Le traitement des convulsions et de la fièvre est également indispensable pour
Traitement médical : contrôler la pression intracrânienne.
Le but du traitement médical est de diminuer l’œdème cérébral, les poussées de
pression intracrânienne, et de préserver le débit sanguin cérébral. 3 - Maintien de la tension artérielle correcte :
 dans les normes habituelles pour l’âge.
1- Traitement de l’œdème cérébral :  par un remplissage avec des macromolécules et/ou des drogues vasoactives
· L’hyperventilation, chez un enfant intubé, vise à maintenir la PCO2 entre 30 et (dopamine, dobutamine), selon l’origine de l’hypertension.
35mmHg, et provoque ainsi une vasoconstriction hypocapnique et une chute  est indispensable pour obtenir une pression de perfusion cérébrale stable.
rapide de la pression intracrânienne.

104 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 105
4 - Apports hydriques et nutritionnels : · La présentation clinique est différente selon l’âge ce qui peut être à l’origine
· Une restriction hydrique à 50ml/kg/j permet pendant les 48 premières heures d’erreur et d’érances diagnostiques
de prévenir une hyponatrémie par syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH. · Devant le doute une étude du fond d’œil suivie par la réalisation d’un scanner
· Les besoins énergétiques et protidiques adaptés à l’âge sont fournis d’abord par cérébrale sont indiquées en urgence
voie parentérale puis, dès que possible, par voie entérale. · Le diagnostic le plus fréquent en oncologie pédiatrique sont les tumeurs
cérébrales
Traitement chirurgical : · Un traitement symptomatique s’impose de toute urgence et la suite de la prise
1 - Dérivation du liquide céphalo-rachidien : en charge dépendra de l’étiologie
 Dérivation ventriculaire externe :
· La dérivation ventriculaire externe est un geste rapide pouvant être fait sous Références sélectionnées
anesthésie locale. 1. 
Hypertension intracrânienne chez l’enfant. Available from: https://www.
· Elle est utile en cas de sténose postméningitique ou hémorragique, et parfois researchgate.net/publication/238777504_Hypertension_intracranienne_
avant la cure chirurgicale d’une tumeur cérébrale. chez_l’enfant [accessed May 14 2019].
· Elle permet le drainage du LCR et la mesure de la pression intracrânienne. 2. Hypertension intracrânienne de l’enfant Revue Neurologique Volume 172,
· C’est une solution provisoire rarement maintenue plus de 15 jours. Supplement 1, April 2016, Page A116
· Des mesures d’asepsie stricte au cours des manipulations permettent de limiter 3. https://sfar.org/hypertension-intracranienne-chez-lenfant/
le risque infectieux. 4. Pediatric oncology emergencies. Emerg Med Clin N Am 32 (2014) 527–548
 Dérivation ventriculo-péritonéale : http://dx.doi.org/10.1016/j.emc.2014.04.005
· La dérivation ventriculo-péritonéeale est la technique de choix en cas de cause
malformative ou de tumeur cérébrale inopérable d’emblée.
· Elle est mise en place en relais de la dérivation externe si nécessaire dans les
autres indications.
· Ventriculosysternostomie :
· Il s’agit de la réalisation d’ une stomie entre le plancher du 3° ventricule et la
citerne inter pédonculaire
· assure le drainage du LCR au cours d’ une hydrocéphalie obstructive comme
celle liées aux tumeurs de la fosse cérébrale postérieure

2 - Autres traitements chirurgicaux :


· La dérivation sous-durale externe:
- est le traitement de l’hématome sous-dural récent.
- comporte moins de risques que les ponctions répétées de la fontanelle.
· Le drainage ou l’excision d’un abcès cérébral sont indiqués en présence de signes
d’hypertension intracrânienne.

Ce qu’il faut retenir


· L’HTIC se présente le plus souvent sous un tableau classique de céphalée et de
vomissments

106 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 107
Introduction
Les urgences en oncologie peuvent survenir durant toutes les phases d’évolution

10
d’un cancer. Certaines peuvent être les signes de découverte du cancer, d’autres
comme séquelles de la thérapeutique et d’autres au moment de la progression

URGENCES ABDOMINALES tumorale ou récidive (1, 2).
Tout praticien qui prend en charge un enfant malade devrait être capable de
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE reconnaître ces urgences et savoir les traiter (1).
Durant les années 70, les urgences gastro-intestinales chez les enfants atteints
de cancer, avaient un mauvais pronostic. Ce pronostic, a été amélioré grâce aux
Jamila El Houdzi
Service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, avancées récentes dans le diagnostic précoce et la laparoscopie chirurgicale (1).
Centre d’Oncologie et d’Hématologie - CHU Mohammed VI, Marrakech
Physiopathologie
L’enfant atteint de cancer présentant un abdomen aigu est une situation
inhabituelle malgré qu’elle peut avoir les mêmes origines que chez un enfant normal.
Les urgences abdominales peuvent avoir comme étiologie, une hémorragie, une
obstruction mécanique par la tumeur, une perforation et une inflammation.
L’hémorragie peut résulter de la thrombopénie, coagulopathie, ulcération
muqueuse ou de la vascularisation anormale tumorale.
Objectifs pédagogiques
L’obstruction résulte de la compression de la lumière intestinale par une tumeur
 Connaître les principales urgences abdominales en oncologie pédiatrique
ou un abcès ou à cause d’un iléus secondaire aux médications.
et comprendre leur mécanisme de survenue ;
La perforation peut survenir en cas de nécrose segmentaire ou ulcération localisée
 Savoir faire le diagnostic et évaluer la gravité des urgences abdominales ;
ou à l’occasion d’une obstruction tumorale négligée.
 Savoir prendre en charge les urgences abdominales
La réponse inflammatoire est perturbée à cause de la baisse du taux des globules blancs

Le syndrome obstructif 
L’obstruction digestive peut résulter avant toute thérapeutique de la tumeur elle-
même, mais aussi par la fibrose post-radique qui réduit la lumière intestinale.
D’autres facteurs diminuant la propulsion du bol alimentaire, comme les troubles
électrolytiques, les médicaments (opiacés, vinca-alcaloïdes) peuvent aussi induire
une obstruction intestinale.
Le syndrome obstructif peut se manifester par une douleur abdominale aigue,
coliques, distension, nausée et vomissement (3,4).

Vignette 1-Lymphome de Burkitt sur invagination intestinale 


Hiba, âgée de 3 ans, sans antécédents pathologiques connus, se présente aux
urgences pour diarrhée liquidienne au début puis glairo-sanglantes évoluant
pendant un mois avec douleur abdominale, et se compliquant de syndrome
occlusif motivant la consultation urgente.

108 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 109
L’examen clinique avait montré une pâleur cutanée et muqueuse, un abdomen La perforation digestive
légèrement distendu, douloureux, pas de masse palpable, les orifices herniaires La perforation intestinale est la conséquence d’une infiltration tumorale ou par
libres et pas d’adénopathies. Le toucher rectal ramène du sang. l’utilisation de médicaments induisant les ulcères (corticoïdes) ou par la nécrose
La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) a montré des niveaux due à la thrombose ou insuffisance vasculaire (5).
hydro-aériques de type grélique (Figures 1 et 2) La perforation est suspectée chez les patients présentant des douleurs
L’échographie abdominale a noté une image d’invagination au niveau de la abdominales, une distension ou une augmentation des gargouillements
région caecale, disparition du péristaltisme et début d’épanchement péritonéal, intestinaux particulièrement en association avec des hématémèses, mélaena ou
pas d’adénopathies profondes ni épaississement digestif. altération de l’état général.
L’exploration chirurgicale en urgence a trouvé un boudin d’invagination au La radiologie de l’abdomen (ASP, Écho, TDM) montre de l’air en sous
niveau de la région iléo-caeco-appendiculaire et le geste a consisté en la diaphragmatique ou dans l’aire hépatique ou dans le flanc.
désinvagination et résection de l’iléon terminale et du caecum. La chirurgie est souvent indiquée en urgence et consiste en la résection
L’étude anatomopathologique a noté une infiltration tumorale maligne anastomose.
indifférenciée évoquant en premier un lymphome dont l’immunohistochimie a Dans le lymphome de Burkitt abdominal, la chimiothérapie peut être indiquée au
confirmé un LNH de Burkitt par la positivité des CD 20, Ki67 à 100%. début pour réduire le volume tumoral avant la chirurgie (5,1).
L’enfant a été traitée par chimiothérapie selon le protocole MAT groupe B. L’évolution
a été marquée par une rémission complète maintenu après un recul de 7 ans.
L’infection digestive 
Lorsque l’invagination intestinale concerne les enfants âgés de plus de 2 ans, la
Vignette 2 : Typhlite
cause tumorale est souvent évoquée. Les causes peuvent concerner les leucémies
Laila, âgée de 13 ans, suivie pour ostéosarcome de l’extrémité inférieure du
lymphoblastiques, les lymphomes de Burkitt et les hamartomes (5,6), dans
fémur gauche métastatique au niveau osseux et pulmonaire. La chimiothérapie
lesquelles une néoplasie du mur intestinal crée un point de démarrage pour initier
est démarrée selon le Protocole OS-2005.
le processus d’invagination. Ce mécanisme d’invagination est parfois le premier
A la semaine 3 du protocole qui comporte du Méthotrexate haute dose
signe de découverte du lymphome de Burkitt pour les cliniciens (1).
(12 grammes/m2/jour), la patiente a présenté une fièvre à 39-40°c, diarrhée
Une invagination non réductible ou qui survient chez des patients en dehors de
glairo-sanglante à raison de 6 selles/jour, douleurs abdominales diffuses,
la tranche d’âge habituelle, doit faire suspecter une pathologie, voire un point de
vomissements bilieux.
départ néoplasique.
L’examen clinique a objectivé une sensibilité abdominale diffuse accentuée à la fosse
Le diagnostic est suspecté sur les éléments de la radiographie et l’échographie
iliaque droite, tâches purpuriques du tronc et des extrémités et une mucite grade IV.
montre l’obstruction et le point de départ (5).
Le bilan sanguin a montré une pancytopénie avec une neutropénie à
Le diagnostic différentiel chez l’enfant ayant reçu de la chimiothérapie ou après
250 éléments/mm3. Les hémocultures au moment des pics fébriles  et les
chirurgie abdominale se fait avec l’iléus paralytique induit par les vinca-alcaloïdes
coprocultures étaient stériles.
ou morphiniques et l’occlusion sur bride.
Le diagnostic de typhlite était porté et la patiente était mise sous antibiothérapie
L’histoire de la maladie et l’examen clinique et radiologique peut porter le diagnostic.
large spectre (Glycopetides, Aminoside, Métronidazole et antimycosique) et
La prise en charge consiste en la mise au repos du tube digestif et mise en place
alimentation parentérale.
d’une sonde nasogastrique pour décompresser.
La patiente est décédée après 2 semaines dans un tableau de choc septique.
La réduction de l’invagination se fait généralement par insufflation de l’air ou de
produit de contraste et chirurgie si présence d’ischémie (1).
L’infection du tube digestif chez l’enfant atteint de cancer peut être grave. Le
Chez les enfants déjà connus porteur de cancer, en particulier avec neutropénie
diagnostic est souvent retardé du fait de la douleur générale fréquente dans
fébrile ou en post radiation, la prise en charge devrait être discutée avec
le contexte de cancer et qui ne la rattache pas au tube digestif et surtout par
l’oncologue pédiatre vu le risque de rupture et d’infection (5).
l’insuffisance de la réponse inflammatoire par la neutropénie (5).

110 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 111
La typhlite ou entérocolite nécrosante par une invasion bactérienne ou mycosique l’hyperleucocytose à 336 320 éléments /mm3 et l’infiltration blastique de la
de l’intestin. C’est une infection grave survenant souvent durant la chimiothérapie moelle à plus de 90%.
d’induction des leucémies ou chimiothérapie intensive des tumeurs de l’enfant Le traitement était fait selon le protocole MARALL-06 risque élevé.
(5,7,8). Après la fin de l’induction, il a présenté des douleurs épigastriques, transfixiantes,
L’incidence de la typhlite est de 2 à 6% des enfants atteints de cancer (1) et voit d’installation brutale à irradiation postérieure, soulagées par la position anté-
son taux augmenter, récemment vu l’utilisation de chimiothérapie intensive dans fléchie et des vomissements incoercibles. L’examen a montré une défense de
les greffes (7). l’épigastre et pas de hernies.
Elle est classiquement définie par la triade neutropénie, fièvre et douleur L’échographie abdominale a montré un aspect de pancréatite œdémateuse sans
abdominale chez le leucémique sous traitement. Les signes prédominants sont lithiase
la douleur abdominale (90%), la fièvre, (84%), la diarrhée (72%), et moins La lipasémie et l’amylasémie étaient respectivement à (1525) et (801) très
fréquemment les vomissements et nausées (1). augmentées.
Elle est due à l’invasion bactérienne ou mycosique de la muqueuse intestinale en La TDM a confirmé le diagnostic de pancréatite stade D avec pancréas tuméfié
particulier caecale, qui peut aller de l’inflammation jusqu’à l’épaississement de la et présence d’une coulée de nécrose corporéo-caudale avec épanchement
muqueuse (1). péritonéal de grande abondance.
La localisation au niveau caecale est expliquée par la nature anatomique qui L’enfant est mis sous traitement antalgique (morphiniques) et alimentation parentérale.
favorise la stagnation du contenu digestif et expose à la distension et l’apport de Après régression de la pancréatite, l’enfant est remis sous chimiothérapie sans
vascularisation et aussi l’apport lymphatique (7). L-Asparaginase. Avant la fin de consolidation il refait une hyperleucocytose à
Les bactéries les plus fréquemment en cause sont les bacilles gram négatifs comme 400 000 et il a été décidé de le mettre sous traitement palliatif.
le Pseudomonas, Escherichia coli et Clostridium mais aussi les Staphylocoques,
Streptocoques et Enterocoques. Les infections fungiques sont identifiées dans Le diagnostic de pancréatite est toujours à redouter chez un enfant qui
6% des cas avec prédominance du Candida (1). présente une douleur abdominale aigue avec vomissement et ayant reçu de la
L’imagerie montre l’épaississement de la muqueuse intestinale (> 0,3mm) et la L-Asparaginase ou corticoïdes.
pneumatose digestive ce qui confirme le diagnostic de la typhlite (1,9). L’incidence de la pancréatite reliée à la L-Asparaginase est estimée de 1 à 18% des
L’ASP peut montrer un syndrome occlusion intestinale, une rareté de l’aération cas et tend à survenir précocement dans les LAL et lymphomes non hodgkiniens.
du quadrant inferieur ou une pneumatose péritonéale qui évoque une perforation Le dosage de l’amylase et de la lipase confirme le diagnostic. La TDM met en
colique. Ces signes sont non spécifiques de la typhlite, ce qui rend l’échographie évidence les différents stades des lésions pancréatiques.
et surtout le scanner plus utiles au diagnostic (7,8). Le traitement devrait se faire souvent en hospitalier avec mise au repos du tube
La prise en charge consiste en une antibiothérapie à large spectre seule et dans digestif et mise en place d’une alimentation parentérale. Le traitement antidouleur
certains cas de la chirurgie avec les soins de support. (5) avec des morphiniques IV et antibiothérapie couvrant les germes gram négatifs.
Le recours à la chirurgie est indiqué pour drainer un abcès ou un phlegmon ou en
La pancréatite  cas de nécrose pancréatique diffuse (1).
Vignette 3 : Pancréatite post-kidrolase
Yassine, âgé de 10 ans, admis pour fièvre prolongée avec altération de l’état général Les hémorragies digestives 
évoluant durant un mois, puis apparition d’adénopathies cervicales de plus de 2 cm. Les tumeurs sont les causes directes d’hémorragies gastro-intestinales dans 12
A l’examen d’admission, l’enfant était fébrile à 39°c, polypnéique et présente à 17% des enfants atteints de cancer. Les origines fréquentes de ces hémorragies
des adénopathies cervicales sous maxillaires à droite de 6x3cm et à gauche de sont les gastrites et les ulcères duodénaux (9 ;10).
5 x5cm, et une splénomégalie à 3 cm du débord costal. L’ulcère de stress est une entité fréquente chez les enfants avec cancer.
Le diagnostic de leucémie lymphoblastique aigue (LAL) type L2 était porté sur L’œsophagite et la gastrite peuvent résulter de l’effet de la chimiothérapie

112 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 113
éventuellement associée aux corticoïdes à hautes doses haute dose d’irradiation. Références sélectionnées :
Le syndrome de Mallory Weiss due aux vomissements chimio-induits peut aussi 1- Pizzo PA.; Poplack DG Principles and Practice of Pediatric Oncology, 6th Edition
causer des hémorragies digestives. Une thrombopénie sévère en particulier moins 2011
de 20 000 éléments par mm3 peut également contribuer au saignement. 2- Kühne T, Emergencies in Pediatric Oncology, Pediatric Oncology, A
Comprehensive Guide, chapter 18, p 193,
Les tumeurs primitives peuvent aussi causer des hémorragies aigues intra- 3- Ullrich CK., Billett L, Berde C B, Symptom management in children with cancer,
abdominales sévères pouvant engager le pronostic vital. Les entérocolites des section supportive care ?
neutropénies fébriles sont les plus fréquentes causes des rectorragies en oncologie. 4- Orbach D, Gajdos V, Doz F, André N, Pièges et urgences diagnostiques des
La prise en charge dépend du degré de la sévérité et de l’étiologie du saignement cancers de l’enfant, La revue du praticien, 2014, 64 : 1276-1283
et comprend des antiacides ; Anti H2, Anti proton, lavage gastrique et correction 5- Melanie K. Prusakowski, Daniel Cannone, Pediatric Oncologic Emergencies,
de la thrombopénie et des troubles de la coagulation (9). Emerg Med Clin N Am 32 (2014) 527–548
6- Hoxha FT, Hashani SI, Krasniqi AS et al Intussusceptions as acute abdomen
Synthèse de l’essentiel à retenir  caused by Burkitt lymphoma: a case report Cases Journal 2009, 2:9322
Pour tout enfant consultant aux urgences  7- Altınel E, Yarali N, Isık P et al Typhlitis in Acute Childhood Leukemia, Med Princ
 Devant un tableau d’invagination aigue, chez un enfant âgé de plus de 2 ans, Pract 2012;21:36–39
en particulier si elle est récidivante, de localisation extra-caecale, penser au 8- Mullasserya D, Baderb A, Battersbya AJ et al Diagnosis, incidence, and
lymphome et pratiquer une ponction au lieu d’une chirurgie systématique ; outcomes of suspected typhlitis in oncology patients—experience in a tertiary
 Devant une douleur abdominale, penser à une pathologie tumorale devant pediatric surgical center in the United Kingdom Journal of Pediatric Surgery
le caractère récidivant, prolongé, associée à une masse abdominale, à des (2009) 44, 381–385
adénopathies, à un arrêt du transit, à une altération de l’état général : 9- Kaste SC, Galindo C.R, Furman WL, Imaging pediatric oncologic emergencies,
- L’échographie abdominale en premier peut orienter le diagnostic. AJR, 173,1999C
- Aussi, à une tumeur cérébrale si la douleur est associée à des céphalées et la 10- Skelton J, Pizzo PA, Problems of Intensive Therapy in Childhood Cancer,
tomodensitométrie cérébrale vient conforter le diagnostic. Cancer, 15 Supplement 1986aste1’2, C. Rodriguez-Galindo3’4, W. L. Furman3’
 En cas de vomissements avec arrêt de transit ou masse abdominale ou
adénopathies périphériques et altération de l’état général penser à un
lymphome.
 En cas de diarrhée liquidienne, profuse associée à une masse abdominale,
penser à un neuroblastome

Pour un enfant suivi pour cancer 


 Un tableau d’invagination aigue signe la récidive d’un lymphome.
 Un tableau d’occlusion intestinale, vérifier les troubles électrolytiques, l’iléus
secondaire à la vincristine avant de penser à une obstruction organique.
 Une douleur abdominale aigue chez un leucémique ayant reçu de la kidrolase,
penser à la pancréatite.
 Une douleur abdominale aigue dans un tableau de neutropénie fébrile, penser
à une typhlite et mettre au repos le tube digestif et antibiothérapie à large
spectre.

114 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 115
Les cancers de l’enfant peuvent être révélés ou présenter au cours de leur
évolution une urgence nécessitant éventuellement un acte chirurgical. Ces

11
situations doivent être bien identifiées et leur prise en charge codifiée et au mieux
validée par l’équipe pluri-disciplinaire.
LES URGENCES Le recours à la chirurgie est nécessaire lorsque les autres mesures ne peuvent
CHIRURGICALES contrôler la complication. La plupart de ces complications intéressent les
processus tumoraux abdominaux. Elles concernent les ruptures tumorales, les
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE perforations, les hémorragies intra-tumorales, les torsions, les compressions et
les infiltrations pariétales. Il est important de procéder à une évaluation clinico-
Mounia Al Zemmouri biologique et procéder à l’acte le moins agressif possible compte tenu du caractère
Service de chirurgie générale pédiatrique,
Hôpital Abderrahim Harouchi - CHU Ibn Rochd, Casablanca chimio-sensible et radiosensible de la plupart des cancers de l’enfant. Il convient
dans tous les cas de procéder aux prélèvements à la recherche de marqueurs
tumoraux et d’adresser les pièces pour étude anatomopathologique.

Le néphroblastome rompu
Le néphroblastome est une tumeur largement nécrosée ce qui la rend très fragile.
Elle est généralement volumineuse au diagnostic car c’est une tumeur à croissance
rapide et se traduit par une masse abdominale saillante sous la paroi abdominale. Ceci
l’expose aux traumatismes même minimes comme une simple chute de l’enfant de sa
hauteur. Ce traumatisme va entrainer une rupture de la capsule tumorale et donc un
saignement qui peut être très important responsable d’un état de choc hémorragique.
Il existe deux présentations cliniques en fonction de l’importance de la lésion de la
Objectifs pédagogiques capsule tumorale : rupture ou fissuration
 Connaître les principales complications chirurgicales abdominales 
 Savoir évoquer une urgence chirurgicale 
 Savoir évaluer et indiquer une urgence abdominale Rupture tumorale
Le tableau clinique est brutal est bruyant fait de :
-
Douleur abdominale brutale et intense associée à des signes de choc
Vignette hypovolémique
Asmaa âgée de 11 ans est ramenée par ses parents aux urgences pédiatriques du -
A l’examen clinique : défense abdominale généralisée avec distension de
fait de douleurs abdominales d’installation brutale sans fièvre mais un épisode l’abdomen. Pâleur cutanéo-muqueuse, tachycardie, hypotension, polypnée et
de vomissement. Les douleurs sont localisées au niveau de la fosse iliaque droite parfois perte de connaissance.
qui ne se laisse pas examiner. Les reste de l’examen est normal. L’échographie
suspecte une torsion ovarienne. La conduite à tenir en urgence vise à stabiliser l’état hémodynamique du patient :
Comment confirmer le diagnostic ? - Prise de deux voies veineuses périphériques et réalisation dans le même temps
Quelle stratégie thérapeutique proposez-vous ? d’une NFS et d’une double détermination du groupage
- Remplissage par du sérum salé
- Transfusion sanguine
- Intubation et ventilation assistée si nécessaire

116 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 117
Si l’état hémodynamique est stabilisé par les mesures de réanimation, une La radiographie d’abdomen sans préparation va objectiver un pneumopéritoine.
échographie ou une TDM abdominale seront réalisées avant l’acheminement au Le traitement est chirurgical en urgence.
bloc opératoire. Dans le cas contraire, le malade sera acheminé directement au
bloc opératoire pour une chirurgie d’hémostase. Occlusion intestinale
L’occlusion intestinale aiguë peut être causée par l’obstruction de la lumière
Le traitement est chirurgical le plus rapidement possible et consiste en une intestinale par la tumeur ou secondaire à une invagination sur le site de la tumeur.
néphrourétérectomie permettant d’assurer l’hémostase et d’extirper la tumeur. Elle se manifeste par des vomissements bilieux avec une distension abdominale et
Fissuration tumorale des douleurs d’intensité variable.
Le tableau clinique est beaucoup moins alarmant fait de douleurs abdominales Le cliché d’abdomen sans préparation va objectiver des niveaux hydro-aériques
localisées à la région de la tumeur avec augmentation du volume de la masse confirmant l’occlusion.
abdominale. Le traitement est chirurgical en urgence.
La confirmation est radiologique (écho, TDM) : hématome périrénal sans
épanchement dans la grande cavité péritonéale. Les tumeurs germinales compliquées
Il n’y a pas d’indication chirurgicale en urgence, par contre la chimiothérapie doit Les tumeurs germinales gonadiques peuvent se révéler par une torsion de la
être administrée le plus rapidement possible avec une surveillance clinique très gonade concernée. Le tableau cliniques est brutal et bruyant et peut poser un
étroite de l’état de l’abdomen et des constantes vitales. problème de diagnostic différentiel avec d’autres pathologies.

Le lymphome abdominal compliqué Les torsions de l’ovaire


Le lymphome de Burkitt digestif peut se révéler par une complication ou se La torsion de l’ovaire est une urgence chirurgicale qui peut se produire sur un
compliquer en cours de traitement. L’apparition de douleurs abdominales ou de ovaire normal ou pathologique.
vomissements doit faire penser à l’une des complications suivantes. Elle se manifeste par des douleurs abdominales brutales et intenses localisées
à la fosse iliaque ou à la région hypogastrique. La température est normale et il
Invagination intestinale aigue n’existe pas de signes digestifs associés. L’examen clinique va mettre en évidence
Le lymphome digestif entraine un épaississement de la paroi intestinale qui une défense de la fosse iliaque ou de la région hypogastrique avec parfois un
perturbe le péristaltisme. C’est ainsi qu’une invagination intestinale peut se empâtement de la région concernée. Il est difficile de palper la masse en raison
former. Elle va se traduire par des douleurs abdominales d’apparition brutale, de la douleur. Le toucher rectal permet de palper le pôle inférieur de la masse
intenses et évoluant par paroxysmes. Ces douleurs peuvent s’accompagner de ovarienne tordue.
vomissements et d’un arrêt du transit. Le diagnostic différentiel se pose avec l’appendicite aigue mais l’apyrexie et
Cette invagination intestinale secondaire peut être révélatrice du lymphome ou l’absence de signes digestifs doivent faire penser à la pathologie annexielle.
survenir au début du traitement. Elle régresse généralement après quelques jours de
corticothérapie et seules les formes compliquées sont de traitement chirurgical. Le diagnostic peut être affirmé par l’échographie abdomino-pelvienne mais cette
dernière ne doit pas retarder la prise en charge
Perforation Un dosage d’alphafoetoprotéine et de bétaHCG doit être réalisé et l’enfant doit
Le lymphome peut être responsable d’une perforation intestinale soit par l’érosion être acheminée au bloc le plus rapidement possible sans attendre les résultats du
directe de la paroi digestive par la tumeur soit en deux temps par le biais d’une bilan biologique.
invagination intestinale compliquée. L’acte chirurgical consiste en une annexectomie et la pièce opératoire sera
Le tableau clinique est celui d’un abdomen aigu : douleurs abdominales diffuses adressée pour étude anatomopathologique.
avec défense abdominale généralisée. La fièvre est inconstante.

118 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 119
Les torsions du testicule Les compressions des voies urinaires
La torsion du testicule se présente cliniquement de façon différente selon que le Les compressions des voies urinaires vont entrainer une insuffisance rénale si la
testicule est en position normale intra-scrotale ou en position ectopique inguinal compression retentit sur les deux uretères.
ou intraabdominal. C’est l’apanage des rhabdomyosarcomes pelviens notamment vésicaux qui vont
Dans tous les cas, la douleur est le signe d’appel constant. Il s’agit d‘une douleur infiltrer ou comprimer le col vésical ou les méats urétéraux.
d’installation brutale et très intense. Toute dysurie ou rétention vésicale doit faire pratiquer une échographie
- Testicule intra-scrotal tordu abdominale qui va permettre d’affirmer la dilatation des voies urinaires supérieures
L’enfant consulte pour une douleur intense d’installation brutale de la bourse et mettre en évidence la tumeur.
concernée. L’examen clinique retrouve une bourse tuméfiée, douloureuse. Une dérivation urinaire sera réalisée en urgence. La méthode sera choisie
en fonction du niveau de l’obstruction et va du simple sondage vésical jusqu’à
- Testicule inguinal tordu l’urétérostomie bilatérale.
Douleur intense et brutale avec tuméfaction de la région inguinale concernée.
L’examen clinique met en évidence une bourse homolatérale vide. Ce qu’il faut retenir
 Le recours à la chirurgie est nécessaire lorsque les autres mesures ne peuvent
- Testicule intra-abdominal tordu contrôler la complication ;
Douleur de la fosse iliaque intense et de survenue brutale. L’examen clinique  Ces complications peuvent être des ruptures tumorales, des perforations, des
retrouve une défense de la fosse iliaque concernée, parfois une masse ou un hémorragies intra-tumorales, des torsions, des compressions ou infiltrations
empâtement sont perçus. pariétales ;
 Ces complications peuvent être inaugurales ou compliquer l’évolution d’un
La bourse homolatérale est vide ce qui doit faire évoquer ce diagnostic en premier. patient déjà connu ;
 Le néphroblastome est généralement une grosse tumeur avec une fine
Dans les trois situations, un dosage d’alpha-foetoprotéines et de béta-HCG doit capsule. Sa rupture peut donner lieu à une hémorragie pouvant mettre en jeu
être réalisé. Le traitement est chirurgical en urgence et la pièce d’orchidectomie le pronostic vital ;
adressée pour étude anatomopathologique.  Le lymphome non hodgkinien abdominal peut donner par l’infiltration de la
paroi digestive à une invagination et une occlusion digestive ou plus rarement
Les compressions des voies biliaires à une perforation ;
 Les tumeurs germinales gonadiques peuvent donner lieu à une torsion. Il
Les tumeurs situées dans la région duodénale ou à proximité du pédicule hépatique convient de faire le prélèvement de dosage des marqueurs tumoraux (Alpha-
sont susceptibles d’entrainer un ictère cholestatique par compression des voies foeto-protéines et béta-HCG) en préopératoire ;
biliaires. C’est le cas essentiellement des lymphomes de Burkitt à localisation  Une compression des voies urinaires pouvant entrainer une rétention
duodénale et des rhabdomyosarcomes des voies biliaires. Les tumeurs de la tête aigue d’urine ou une urétéro-hydronéphrose peut être compliquer un
du pancréas sont exceptionnelles chez l’enfant. rhabdomyosarcome vesical ;
La présentation clinique est typique : ictère cutanéo-muqueux généralisé avec  La compression des voies biliaires peut survenir dans le cadre du lymphome
urines foncées et selles décolorées. Le bilan biologique confirme la cholestase en non hodgkinien ou du rhabdomyosarcome des voies biliaires ;
mettant en évidence un ictère à bilirubine conjuguée. L’échographie confirme la  Il est dans tous les cas important de procéder à une bonne évaluation clinico-
dilatation des voies biliaires extra et intrahépatiques et visualise la tumeur. biologique et procéder à l’acte le moins agressif.
La dérivation biliaire doit être réalisée le plus rapidement possible pour
permettre la régression de l’ictère et l’institution de la chimiothérapie. Elle est
en règle générale réalisée dans le même temps que la biopsie de la tumeur pour
confirmation de la tumeur.

120 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 121
Vignette 2
Ali, un garçon de 10 ans atteint de leucémie aiguë lymphoblastique T, a été

12
allogreffé avec des cellules souches hématopoïétiques. Il a présenté une rechute
précoce, et a été allogreffé après l’obtention d’une rémission. Une hématurie
LA CYSTITE HÉMATURIQUE CHEZ macroscopique et des douleurs lombaires sont survenues à J+95, dans le
LES PATIENTS SUIVIS EN ONCOLOGIE contexte d’une réaction aiguë du greffon contre l’hôte et d’une aspergillose
pulmonaire. L’examen histologique de la vessie a révélé des aspects évocateurs
HÉMATOLOGIE PÉDIATRIQUE d’effet cytopathogène du BKV. La PCR urinaire était positive pour BKV.
Ali a bénéficié d’une hyperhydratation et d’un traitement par cidofovir . Une
Jihane Toughza
Hôpital Cheikh Khalifa Ben Zaid, amélioration franche des signes cliniques a été obtenue.
Université Mohammed VI des Sciences de la Santé - Casablanca
Rappel de la pathologie 
La cystite hémorragique est un saignement diffus, aigu ou insidieux, de la muqueuse
vésicale. Les deux principales causes en oncologie hématologie pédiatrique
sont les causes radiques et chimiques (oxaphosphorines : cyclophosphamide,
ifosfamide). Les causes infectieuses sont également retrouvées chez les patients
immunodéprimés d’hématologie, notamment en post greffe.
Objectifs pédagogiques La prévention de la cystite hémorragique est essentielle mais ne permet pas
 Comprendre le mécanisme de survenue d’une cystite hématurique toujours d’éviter sa survenue. Elle comporte des mesures générales et spécifiques.
 Définir les mesures mises en place pour dépister la cystite hématurique
chez les patients suivis en oncologie hématologie pédiatrique En cas de cystite hématurique avérée, les possibilités thérapeutiques sont
 Traitements préventifs et curatifs des cystites hématuriques chez des variées. Si la prise en charge thérapeutique est le plus souvent efficace, elle peut
patients suivis en oncologie hématologie pédiatrique. s’avérer difficile en raison en raison de l’importance du saignement et de son
retentissement sur l’état général du patient. Les décès ne sont pas exceptionnels.
Vignette 1
Amine, jeune garçon de 9 ans, suivi pour un lymphome de Burkitt à localisation Plusieurs étiologies de la cystite hématurique
mandibulaire, intracérébrale et orbitaire. Il est traité selon le protocole LMB2001 sont possibles et peuvent être associées
bras C3. Toxicité des chimiothérapies
Aux évaluations, le patient est bon répondeur. Cyclophosphamide et Ifosfamide
Après la cure de chimiothérapie «  COPADM 2 (cyclophosphamide, adriamycine, Le cyclophosphamide (Endoxan®) est le grand pourvoyeur de cystite hématurique.
méthotrexate, vincristine, corticoïdes) », il présente des douleurs vésicales avec Il s’agit d’un cytostatique alkylant de la famille des oxaphosphorines (ester de
une hématurie microscopiques et des caillots. moutarde azotée), de même que son isomère structural, l’ifosfamide (Holoxan®).
Les différentes hypothèses diagnostiques sont les suivantes: L’excrétion du cyclophosphamide et de ses métabolites actifs (acroléine et
-> cystite toxique au cyclophosphamide moutarde phosphoramidée) est urinaire. L’incidence de la cystite hématurique sous
-> cystite hématurique secondaire aux infections urinaires ( BK virus+++) cyclophosphamide varie de 2 à 40% selon les séries. Elle peut atteindre 70% en
-> complications de la thrombopénie (patient en aplasie) cas d’administration de fortes doses, particulièrement en cas de conditionnement
Après exploration, amine s’avère présenté une cystite toxique au cyclophosphamide. avant greffe de moelle osseuse en raison de l’immunosuppression et de la
Il a bien évolué avec une hyperhydratation, uromitexan et antalgiques. thrombopénie engendrées par les doses importantes de cyclophosphamide. La
cystite hématurique peut survenir après une seule injection dès la 24ème heure

122 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 123
du traitement, rarement à distance. C’est la concentration urinaire de l’acroléine Prise en charge thérapeutique
et son temps de contact avec l’urothélium qui sont à l’origine de l’urotoxicité. Le traitement optimal de la cystite hémorragique commence par un traitement
L’ensemble de l’arbre urinaire peut être atteint, mais la vessie est particulièrement préventif systématique et rigoureux, qui permet de réduire le contact entre les
concernée en raison de sa fonction réservoir. L’urotoxicité est potentialisée par métabolites toxiques et la muqueuse vésicale. Lorsque la cystite hématurique est
l’association à d’autres agents anti-mitotiques (adriamycine ou busulfan) ou en avérée, son traitement est étiologique et symptomatique.
cas d’association à la radiothérapie.
Traitement préventif
Autres antimitotiques La prévention de la cystite hématurique est essentielle. Elle repose sur le maintien
Le busulfan (Misulban®): c’est un agent cytostatique alkylant du groupe des esters d’une diurèse importante ou sur l’irrigation vésicale continue :
des acides sulfoniques à élimination urinaire. Son utilisation peut se compliquer - Hyperhydratation agressive entre 2 et 3 litres par mètre carré pour obtenir une
de cystite hématurique, habituellement à distance du traitement. diurèse d’au moins 400ml/m2 toutes les 4heures. En cas de diurèse insuffisante,
Le Thiotépa: c’est un cytostatique alkylant dérivé de l’éthylène-imine, il peut très un traitement par lasilix est instauré.
rarement entrainer une cystite hématurique. - Uromitexan® (Mesna): 100 à 160% de la dose de cyclophosphamide ou
d’ifosfamide en commençant à T0 et en fractionnant toutes les 3 à 4h ou en
Irradiation donnant un bolus (20 à 40% de la dose totale) à T0 puis infusion continue sur
Les radiations ionisantes sont, avec le cyclophosphamide, une des causes les plus 24h. Les apports en Mesna doivent être poursuivis 12 heures après la perfusion de
importantes de cystite hématurique. La cystite radique peut survenir jusqu’à 15- cyclophosphamide.
20 ans après l’irradiation pelvienne. Il n’existe pas de facteurs prédictifs .
Traitement curatif
Infections Lorsque la cystite hématurique est avérée, son traitement est étiologique et
Dans la greffe de cellules souches hématopoïétiques, les patients sont symptomatique. L’éviction et le traitement de l’agent responsable de la cystite
immunodéprimés et peuvent présenter des cystites hématuriques suite à des hématurique constituent les premiers temps du traitement étiologique (cause
infections urinaires à BK virus, ou plus rarement à cytomégalovirus. médicamenteuse ou infectieuse). Pour la cystite hématurique aux oxaphosphorines,
l’administration de N-acétylcystéine ou de mesna doit être maintenue.
Diagnostic Le traitement étiologique est indispensable mais ne permet pas de traiter les
La cystite hématurique se manifeste par une hématurie isolée, mais il s’y associe cystites hématuriques en période aiguë. Ce sont les mesures symptomatiques
le plus souvent une dysurie, une pollakiurie, des impériosités mictionnelles qui sont alors au premier plan. Elles sont identiques quelle que soit la cause de la
et des douleurs vésicales ou pelviennes. L’hématurie est en général de type cystite hématurique, mais varient en fonction de l’importance de l’hémorragie et
macroscopique, mais elle est parfois microscopique, transitoire et non détectée. de son retentissement.
L’origine médicamenteuse se manifeste par la disparition des signes cliniques à Un traitement antalgique est débuté avec un pallier adapté au niveau de douleur.
l’arrêt du traitement ou leur réapparition lors d’une nouvelle prise. Dans le cas de
la cystite chimio-induite, un ECBU est toujours négatif. Le traitement consiste à :
- Assurer une irrigation vésicale continue par du sérum physiologique à raison de
Histologiquement, on observe dès les premières heures un oedème, une infiltration 1L de Nacl 0.9 % par heure via une sonde urinaire à 3 voies.
leucocytaire et une hyperhémie de la muqueuse urothéliale. Après 36 heures, - Si l’hémorragie persiste, un décaillotage peut être réalisé au lit du patient et
une hyperplasie muqueuse et une prolifération papillaire apparaissent, pouvant consiste à injecter par la sonde vésicale du sérum physiologique sous pression et à
évoluer vers l’ulcération, l’hémorragie et la nécrose. le réaspirer avec les caillots (cystocath si petit enfant avec lavage vésical en continu
sur 24 h :débit nécessaire pour avoir des urines claires entre 100 et 500 ml/h).

124 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 125
- Si le caillotage vésical récidive ou si l’hémorragie retentit sur l’état général du 3. Harkensee C, Vasdev N, Gennery AR, Willetts IE, Taylor C.Prevention and
patient (état de choc), il faut réaliser le décaillotage et vérifier l’hémostase par management of BK-virus associated haemorrhagic cystitis in children
voie endoscopique sous anesthésie au bloc opératoire. Il est alors possible following haematopoietic stem cell transplantation--a systematic review
de réaliser une électrocoagulation élective des zones hémorragiques ou une and evidence-based guidance for clinical management. Br J Haematol.
pancoagulation de la muqueuse vésicale en cas de saignement diffus. 2008;142(5):717-31.
- L’électrocoagulation de la vessie peut être répétée si le saignement se reproduit. 4. Dropulic LK, Jones RJ. Polyomavirus BK infection in blood and marrow
- Les hémostatiques généraux, et les antifibrinolytiques agissent en inhibant transplant recipients. Bone Marrow Transplant. 2008;41(1):11-8.
5. Shao Y, Lu GL, Shen ZJ.Comparison of intravesical hyaluronic acid instillation
l’activation du plasminogène et de la plasmine. Ils peuvent être utilisés à la dose
and hyperbaric oxygen in the treatment of radiation-induced hemorrhagic
de 20 à 40 mg/kg/jour.
cystitis. BJU Int. 2012 ;109(5):691-4.
- En dernier recours, si l’hémorragie persiste : une embolisation artérielle ou une
6. John J.Iacuone., Laurel J. Steinherz. Modifications for Toxicity. Supportive Care
cystectomie peuvent être envisagés. of Children with Cancer 1993, 37-57.
- Dans le cas d’une cystite hématurique due au BK virus, un traitement par 7. Adelberg DE, Bishop MR. Emergencies related to cancer chemotherapy and
cidofovir IV ou intravésical peut s’avérer efficace. hematopoietic stem cell transplantation. Emerg Med Clin North Am. May
2009;27(2):311-31.
Autres traitements possibles à discuter si cystite hématurique résistante aux 8. O. Traxer et coll., Progrès en Urologie 2001, 11, 591-60.
mesures précédentes 
· rFVIIa (Novoseven®) 80µg/kg, mais risque thrombo embolique
· Oxygénothérapie hyperbare (1 séance/jour) efficace en 17 jours environs
· Exacyl® dans les lavages vésicaux (25 mg/j)

Ce qu’il faut retenir


 L’étiologie de la cystite hématurique est variée. L’origine chimique est la plus
prédominante.
 Le cyclophosphamide et l’ifosfamide sont les médicaments le plus souvent
responsables d’une cystite hématurique.
 La prévention de la cystite hématurique est essentielle, mais ne permet pas
toujours de l’éviter.
 Une fois la cystite hématurique est avérée, les possibilités thérapeutiques
sont variées allant de l’irrigation vésicale continue, le traitement par cidofovir
jusqu’à une chirurgie de sauvetage.

Références sélectionnées
1. Johnston D, Schurtz E, Tourville E, Jones T, Boemer A, Giel D. Risk Factors
Associated with Severity and Outcomes in Pediatric Patients with Hemorrhagic
Cystitis. J Urol. 2016 Apr;195(4 Pt 2):1312–7.
2. Pharmacotherapy.1997, July-Aug 17(4) : 696-704

126 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 127
Introduction
La thrombose est rare chez l’enfant. En présence d’un cancer, la thrombose est

13
cependant significativement plus fréquente et peut être à l’origine de morbidité
ou mortalité. Elle peut être inaugurale comme elle peut compliquer l’évolution de
la maladie. L’augmentation d’incidence est liée à différents facteurs qui peuvent
LES THROMBOSES VEINEUSES s’associer. Il s’agit de la maladie elle-même, du traitement ou intervention invasive
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE ou plus rarement une comorbidité ou une prédisposition héréditaire.
Compte tenu des risques liés à cette complication, le diagnostic et le traitement
relèvent de l’urgence du fait en particulier du risque d’embolie pulmonaire. La
Mohammed El Khorassani
Service d’hématologie et oncologie pédiatrique, prise en charge nécessite dans la plupart des cas une grande multidisciplinarité
Hôpital d’Enfant, CHU Ibn Sina, Rabat et un suivi rapproché.

Objectifs pédagogiques Incidence


 Savoir penser à un accident thrombo-embolique chez un patients atteint La relative faible incidence des TV chez l’enfant s’explique par trois facteurs
de cancer importants
 Reconnaître les premiers symptômes protégeant les enfants.
 Connaître les facteurs étiologiques  les spécificités du système de coagulation chez l’enfant : Durant toute l’enfance,
 Connaître le bilan à demander pour la confirmation diagnostic les taux plasmatiques de plusieurs facteurs importants de coagulation ainsi que
 Savoir conduire un traitement anticoagulant la capacité de produire de la thrombine sont moindres que pour les adultes.
Cette capacité inférieure de produire de la thrombine est causée entre autres
par un taux nettement supérieur de l’alpha-2-macroglobuline, inhibiteur de la
Vignettes
thrombine.
Yousra est une petite fille âgée de 5 ans. Elle est ramenée par sa maman aux
 Les maladies qui endommagent l’endothélium vasculaire, telles que le diabète,
urgences devant la constatation d’une masse abdominale lors de la prise de bain.
les dyslipidémies et l’hypertension artérielle, surviennent clairement moins
A l’examen on retrouve une masse franc droit non douloureuse et une circulation
souvent chez l’enfant que chez l’adulte.
collatérale abdominale. L’échographie abdominale a évoqué une masse d’origine
 Les enfants sont moins souvent exposés à une série de facteurs de risque
rénale avec thrombose de la veine cave inférieure. L’IRM a confirmé la thrombose
prothrombotiques acquis que les adultes, dont surtout les contraceptifs oraux, les
(Fig. 1)
traitements hormonaux de substitution, la grossesse, le post-partum et le tabagisme.

Les accidents thromboemboliques touchent près de 8% des enfants atteints de


cancer. Cette prévalence atteint 14% dans les leucémies aigues lymphoblastiques,
13% dans les sarcomes, 12% dans les lymphomes alors qu’elle la plus fable dans
les tumeurs cérébrales où elle est de 0.5%. Le risque thrombotique augmente avec
l’âge, la présence d’un cathéter central ou d’un processus tumoral thoracique.
Figure 1 : IRM Coupe frontale : thrombose cave sur néphroblastome

Faut-il faire d’autre examens pour conformer la thrombose ? Physiopathologie


Faut-il rechercher un état de thrombophilie ? La progression tumorale est associée à une activation de la coagulation. La
Quel traitement préconisez-vous ? pathogenèse de la thrombose au cours du cancer est particulièrement complexe.

128 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 129
Les anomalies de l’hémostase existe chez 90% des patients atteint de cancer, Des cathéters veineux centraux posés au niveau inguinal provoquent plus souvent
mais l’expression clinique ne se voit que chez 10-15% d’entre eux (thrombose ou des TV de la veine fémorale et /ou des veines iliaques.
CIVD compliquée d’hémorragie ou de thrombose).
Elle reflète les multiples connexions existant entre cette pathologie et les Facteurs de risque prothrombotiques congénitaux
systèmes de l’inflammation et de l’hémostase. Le risque de TV dépend à la fois du Plusieurs études ont démontré clairement l’influence des facteurs de risques
type du cancer, de l’étendue de l’atteinte tumorale, des thérapeutiques utilisées et prothrombotiques congénitaux sur des TV chez l’adulte. Parmi les plus importants on
d’autres facteurs de risque spécifiques au patient (antécédent de TV, pathologies trouve le déficit en antithrombine, en protein C ou protéine S, la mutation du facteur V
sous-jacentes). La présence d’autres facteurs précipitants liés à des situations Leiden, la mutation G20210A du gène de la prothrombine, une hyperhomocystéinémie
potentiellement déclenchantes et la durée d’exposition à ces facteurs sont et une augmentation de la lipoprotéine-a. Un déficit de ces inhibiteurs augmente le
également des éléments clés dans l’évaluation du risque thrombotique risque de thrombose à cause de l’inhibition insuffisante de la thrombine, des facteurs
IX, X, XI et XII activés en cas de déficit en antithrombine, ainsi que des facteurs V et VIII
Facteurs de risque actives en cas de déficit en protéine C ou protéine S.
Les facteurs de risques liés à la pathologie tumorale
En dehors des facteurs sus-cités, les enfants atteints de pathologies cancéreuses, Manifestations cliniques
ont un risque accru de thromboses, lié directement aux facteurs oncogènes. La manifestation clinique d’un TV est variable et dépend de la localisation et de
La thrombose peut survenir à tout moment , et peut être liée à des perturbations la dimension du thrombus. Comme la majorité des thromboses chez l’enfant est
rhéologique (Leucémie aigue myéloblastique, hyper-leucocytaire), à un causée par des cathéters veineux centraux, les thromboses sont situées le plus
phénomènes mécanique (compression vasculaire par le processus tumorale). La souvent au niveau du système veineux thoracique supérieur ou dans les veines
thrombose peut être fibrino-cruorique ou tumorale (néphroblastome). Dans la inguinales. Les thromboses non liées aux cathéters veineux centraux peuvent
plupart des cas le mécanisme est multifactoriels. apparaître dans n’importe quel système veineux, mais on les trouve le plus
souvent au niveau des membres inférieurs. Des TV peuvent cependant toucher
Les facteurs risques liés au traitement aussi des organes tels que les poumons, le foie et les reins et le cerveau.
L’Asparaginase donnée dans le traitement des leucémies aigues lymphoblastiques
et dans les lymphomes lymphoblastiques est associée à un risque thrombotique Les thromboses cérébrales
en particulier au niveau du système nerveux central. Ceci est lié à son action Ces thromboses se voient surtout dans les leucémies aigues lymphoblastiques du
inhibitrice de la synthèse de l’antithrombine III. Les corticoïdes sont également fait du rôle thrombogène de l’asparaginase et revêtent une particulière gravité. Elles
réputés pro-thrombotiques. intéressent surtout le réseau des sinus veineux sagittaux et latéraux probablement
du fait du rôle favorisant des turbulences du flux sanguin à ce niveau. Les signes
Cathéters veineux centraux cliniques révélateurs sont variables et comportent souvent des convulsions, des
Les cathéters veineux centraux représentent le facteur de risque majeur pour céphalées, des troubles de la conscience ou un œdème papillaire. Plus rarement,
un TV chez l’enfant. Plus de 90% des TV chez les nouveau-nés et presque 70% il peut s’agir d’une hémiparésie, ataxie ou paralysie de nerfs crâniens. Le diagnostic
des TV de l’enfant plus âgé sont provoqués par les catheters veineux centraux. fait appel à la TDM ou mieux l’IRM avec injection de produits de contraste.
Ces derniers ont un effet thrombogène parce qu’ils irritent et/ou endommagent
les parois vasculaires et perturbent localement le flux sanguin. Une irritation Les TV liés aux cathéters veineux centraux
supplémentaire de la paroi vasculaire peut provenir des médicaments appliqués La manifestation aiguë d’une thrombose associée à un cathéter veineux central
par le cathéter veineux central. Comme les cathéters veineux centraux sont comporte des douleurs, une tuméfaction et une rougeur ou coloration violette
habituellement posés au niveau du système veineux supérieur, les TV surviennent du membre concerné, une tuméfaction au niveau du visage, une embolie
surtout dans la veine jugulaire et sous-clavière. pulmonaire, un chylothorax et/ou un syndrome de la veine cave supérieure.

130 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 131
Il est toutefois fréquent qu’une thrombose liée à un cathéter veineux central varices œsophagiennes. Chez les nouveau-nés, les thromboses de la veine porte
reste asymptomatique ou qu’elle se manifeste par des symptômes chroniques, sont le plus souvent une complication d’un cathéter ombilical. Chez l’enfant plus
par exemple par des veines collatérales visibles au niveau du dos, de la nuque, âgé, les thromboses de la veine porte se développent suite à une transplantation
du visage et des épaules, ainsi que par des signes indirects comme un mauvais hépatique, une sepsis, une splénectomie, une anémie falciforme ou à une
fonctionnement du cathéter ou une sepsis lié au cathéter. chimiothérapie.
On estime que la TV reste asymptomatique dans 66% des cas chez tous les
enfants avec un cathéter veineux central et dans 40% des cas pour les patients Diagnostic
oncologiques en pédiatrie avec une chambre implantable. Chez l’enfant une échographie doppler reste le premier examen. Contrairement aux
thromboses au niveau des membres inférieurs, des veines pelviennes et jugulaires,
Embolies pulmonaires le diagnostic d’une thrombose au niveau des veines thoraciques supérieures par
Les embolies pulmonaires sont rarement diagnostiquées chez les enfants. Comme échographie-doppler est cependant rendu difficile à cause de la clavicule et de
chez l’adulte, une embolie pulmonaire chez l’enfant peut se manifester par des la cage thoracique et peut souvent donner des résultats faussement négatifs.
douleurs thoraciques, une tachypnée, de la toux, une tachycardie, une détresse Une TDM ou IRM thoracique peuvent être nécessaires et notamment lorsqu’une
respiratoire ou un collapsus. Il arrive fréquemment qu’une embolie pulmonaire embolie pulmonaire est suspectée.
chez l’enfant, surtout en bas âge, se manifeste par des symptômes non spécifiques, La biologie est intéressante pour le diagnostic et pour évaluer la gravité. Le dosage
qui peuvent de surcroît imiter la manifestation clinique de la maladie de base. des D-Dimères est intéressant pour le diagnostic et pour le suivi.

Thromboses des veines rénales Traitement


Les thromboses des veines rénales peuvent se manifester par une masse Les objectifs d’une thérapie anti-thrombotique sont la prévention d’une extension
abdominale palpable, une hématurie, une protéinurie, une anurie, des locale de la thrombose, la prévention de l’embolie pulmonaire, la thrombolyse,
vomissements, une hypovolémie et une thrombocytopénie. Des thrombus la prévention d’une récidive thrombotique ainsi que des complications de la
importants, allant jusqu’à la veine cave inférieure, peuvent provoquer une thrombose à long terme. Chez l’enfant, la thérapie anti-thrombotique consiste
cyanose et un œdème des deux extrémités inférieures. On trouve des thromboses en l’administration d’anticoagulants (héparine non fractionnée, héparine de bas
des veines rénales le plus fréquemment chez les nouveaux nés ou chez les poids moléculaire, anti-vitamine K (AVK))
nourrissons suite à une asphyxie, un choc, une déshydratation, une septicémie ou
un diabète maternel. Chez l’enfant plus âgé, des thromboses des veines rénales se En général les TV de l’enfant sont traités pendant les 5 à 10 premiers jours par de
développent habituellement consécutivement à un syndrome néphrotique, à des l’héparine de bas poids moléculaire ou non fractionnée, puis pendant 3 mois (en
brûlures, à un lupus érythémateux disséminé ou à une transplantation rénale. En cas de TV secondaire), pendant 6 mois (en cas de TV spontané) ou plus longtemps
oncologie, elle se voit dans le cadre d’un néphroblastome ou dans la cadre d’un (en cas de TV récidivant ou de facteurs de risque persistants) par de l’héparine
syndrome compressif. de bas poids moléculaire ou par des anticoagulants oraux. Les anticoagulants
oraux peuvent être utilisés dès le deuxième jour du traitement d’anticoagulation
Thromboses de la veine porte et par la suite conjointement avec de l’héparine de bas poids moléculaire ou non
Des thromboses au niveau du système veineux hépatique touchent le plus souvent fractionnée jusqu’à l’obtention d’un INR-cible entre 2 et 3.
le système porte. Une thrombose de la veine porte peut, surtout chez l’enfant Les embolies pulmonaires sont généralement traitées pendant les 7 à 10 premiers
plus âgé, se manifester par le tableau d’un abdomen aigu. Il arrive toutefois jours par de l’héparine de bas poids moléculaire ou non fractionnée, puis par de
qu’une thrombose de la veine cave reste pendant longtemps asymptomatique l’héparine de bas poids moléculaire ou par des anticoagulants oraux pour une
et inaperçue, jusqu’à l’apparition des symptômes d’une hypertension portale, durée d’au moins 3 mois (en cas d’embolie pulmonaire sévère pendant 6 à 12
notamment d’une splénomégalie ou de saignements intestinaux causés par des mois).

132 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 133
Compte tenu des difficultés utilisation des AVK et en particulier les risques de thromboembolism in a large cohort of children with acute lymphoblastic
complications hémorragiques et les difficultés de maniement (interactions leukemia: Risk factors and effect on prognosis. Res Pract Thromb Haemost.
médicamenteuses, malnutrition, vomissements fréquents, anomalies hépatiques, 2019; 3(2):234-241
fréquence des gestes invasifs, accès veineux difficile...), nous optons de plus en 3. Celkan T, Dikme G. Thrombosis in children: Which test to whom, when and how
plus pour les HBPM pendant 6 mois plutôt que les AVK. Ulier much necessary? Turk Pediatri Ars. 2018; 53(1):1-9
4. Cooper JD, Costello AG, Shaw PH. A Comparison of Extremity Thrombosis Rates
Il peut être nécessaire de procéder à une thrombectomie en particulier dans le in Adolescent and Young Adult Versus Younger Pediatric Oncology Patients at
cas des thrombus caves compliquant un néphroblastome. Cet acte est fait lors a Children’s Hospital. J Adolesc Young Adult Oncol. 2017; 6(1):62-66
du temps opératoire pour la tumeur primitive. 5. Schönning A, Karlén J, Frisk T et al Venous thrombosis in children and
adolescents with Hodgkin lymphoma in Sweden. Thromb Res. 2017; 152: 64-68
La thrombose liée à l’Asparaginase pose le problème de sa continuité chez un 6. Tullius BP, Athale U, van Ommen CH, Chan AKC, Palumbo JS, Balagtas
patient ayant présenté cette complication. Compte tenu de son rôle anti-tumoral JMS; Subcommittee on Hemostasis and Malignancy and the Subcommittee
majeur, la reprise de cette molécule est recommandée une fois le traitement on Pediatric/Neonatal Thrombosis and Hemostasis. J Thromb Haemost. 2018;
anticoagulant initié. Le traitement anticoagulant doit être maintenue au moins 16(1):175-180
3 mois et dans tous les cas 3 à 4 semaines après arrêt de l’Asparaginase. La 7. O’Brien SH, Li D, Mitchell LG et al PREVAPIX-ALL: Apixaban Compared to
prophylaxie de la thrombose est à l’étude chez les patients porteurs de leucémies Standard of Care for Prevention of Venous Thrombosis in Paediatric Acute
et traités pas Asparaginase. Lymphoblastic Leukaemia (ALL)—Rationale and Design Thrombosis and
Haemostasis 2019: DOI https://doi.org/ 10.1055/s-0039-1679938.
Ce qu’il faut retenir
 Les thromboses sont fréquentes chez l’enfant atteint de cancer ;
 Elles sont les plus fréquentes chez les enfants atteints de leucémies, de
lymphome set de sarcomes, chez les grands enfants ou adolescents, en cas de
cathéter central ou de pathologie compressive médiastinale ;
 Elle peut être de découverte fortuite ou cliniquement exprimée. Les signes liées
à la stase veineuse sont fonction du siège ;
 Le diagnostic fait appel surtout l’écho-doppler et au dosage des D-Dimères
 Le traitement anticoagulant est à instaurer dans les meilleurs délais. Il fait
appel surtout aux HBPM.
 En cas de thrombose associée à l’Asparaginase, celle-ci devra être reprise
chez le patient une fois le traitement anticoagulant institué et l’état clinique du
patient stable.

Bibliographie sélectionnées
1. Athale UH, Siciliano S, Thabane L et al, Epidemiology and Clinical Risk Factors
Predisposing to Thromboembolism in Children With Cancer Pediatr Blood
Cancer 2008;51:792–797
2. Klaassen ILM, Lauw MN, Fiocco M, van der Sluis IM, Pieters R, Middeldorp
S, van de Wetering MD, de Groot-Kruseman HA, van Ommen CH. Venous

134 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 135
Introduction 
La mise en place de voies veineuses centrales (VVC) est de pratique courante

14
en oncologie pédiatrique. Cette pratique apporte une grande sécurité de
l’administration des cytotoxiques, des produits sanguins, de la nutrition
LES THROMBOSES DES VOIES parentérale et autres produits et perfusions, associés à un confort pour le patient.
VEINEUSES CENTRALES EN ONCOLOGIE Les VVC requièrent cependant une grande expertise de l’équipe soignante car
elles comportent des complications dont la thrombose.
HÉMATOLOGIE PÉDIATRIQUE Les enfants atteints d’un cancer sont exposés au risque de thrombose par rapport à la
population générale. En effet, il existe un lien étroit entre la maladie thromboembolique
Jihane Toughza
Hôpital Cheikh Khalifa Ben Zaid, veineuse et le cancer. La progression tumorale est associée à une activation de
Université Mohammed VI des Sciences de la Santé, la coagulation et à la fibrino-formation qui sont capitales dans la prolifération
Casablanca
néoplasique et la dissémination métastatique. La gestion de ces thromboses est
souvent difficile vue le risque de thrombopénie induite par la chimiothérapie et qui
peut rendre compliquée la gestion du traitement anticoagulant.
Au risque de thrombose lié à la pathologie tumorale elle-même , s’ajoute celui des
voies veineuses centrales. En effet, la présence d’un cathéter central entraîne une
réduction du flux sanguin, provoque des altérations de l’endothélium vasculaire
et favorise la formation de thromboses.
De plus, certains traitements comme la L-Asparaginase et l’acide tout
transrétinoïque sont également pourvoyeurs de thromboses. La L-Asparaginase
provoque une diminution de l’antithrombine III et du plasminogène et prédispose
Objectifs pédagogiques  au risque de thrombose par son action pro-coagulante et d’autre part, elle induit
 Reconnaitre les signes de thrombose au niveau de la voie veineuse
des anomalies lipidiques responsables de thromboses.
centrale
 Reconnaitre les facteurs de risque de thrombose Mise en place et surveillance des voies veineuses
 Savoir prendre en charge une thrombose de la voie veineuse centrale, et
adapter un traitement anticoagulant.
centrales
Les chambres implantables (ou PAC) et les cathéters tunnélisés (KT) sont
habituellement posés sous anesthésie générale par les médecins anesthésistes. Dans
Vignette 1 certains centres les PAC sont posés par les chirurgiens. Les « Peripherally Inserted
Leila, jeune fille de 15 ans, suivie pour une leucémie aigue lymphoblastique B en Central Veinous Catheter » (PICC), peuvent être posés sous anesthésie locale si le
cours de traitement d’induction. patient bouge peu. Dans tous les cas une consultation d’anesthésie doit être réalisée.
Elle présente à j22 de son induction, des douleurs du bras gauche avec œdème, Le type de VVC à poser est déterminé, entre autres, par la pathologie de l’enfant, la
érythème sur le trajet veineux et apparition d’une circulation veineuse collatérale. durée prévisible des soins ainsi que les habitudes de l’équipe soignante.
A l’examen clinique, il s’avère qu’elle est porteuse d’un PICC line au niveau du bras
gauche et qu’elle a eu un traitement par L-Asparaginase dans les jours qui ont Hémogramme et Biologie et pose de voie centrale
précédés cet épisode. Le contrôle de l’hémogramme est nécessaire avant la pose d’une VVC. Les
A l’échographie-doppler, une thrombose est retrouvée au niveau de la veine seuils peuvent varier en fonction du type de VVC (Tableau I). Si la transfusion
céphalique. est nécessaire, prévoir des culots plaquettaires le matin avant le bloc. En cas de
Un traitement anticoagulant a été débuté. transfusion la veille, prévoir un contrôle NFP avant le bloc.

136 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 137
Plaquettes Neutrophiles Hémoglobine Bilan de la thrombose
PICC ≥ 30 000/mm3 - 8,5 g/dl Il convient d’évaluer systématiquement les facteurs de risques de thrombose et
KT à émergence cutanée ≥ 50 000/mm3 - 8,5 g/dl
PAC ≥ 80 000/mm3 ≥ 800/mm3 8,5 g/dl un bilan comportant TCA, TQ et fibrinogène de base. Il peut être nécessaire de
Tableau I : Seuils de l’hémogramme requis avant la pose de voie veineuse centrale (PICC : faire un bilan chez les parents dans le cadre de la recherche d’une prédisposition
Peripherally Inserted Central Veinous Catheter ; KT : Catheter ; PAC : Chambre implantable) héréditaire à la thrombose. Le bilan étiologique doit être fait avant traitement
anticoagulant et éventuellement refait après l’épisode thrombotique (Tableau
L’entretien est variable selon la VVC mise en place (Tableau II) III). Il convient de prendre en considération que le traitement anticoagulant peut
Voie veineuse centrale Entretien
PICC - Rinçage au sérum physiologique après utilisation interférer sur bilan étiologique.
- Réfection pansement tous les 10 jours
- Pansement avec système de fixation et fermeture de la voie par valve Bilan pré-thérapeutique TQ, TCA, Fg
bidirectionnelle Protéine C, Protéine S, AT, anti-B2 GPI, anti-
- Si point de ponction inflammatoire et après avis médical pansement Bilan de thrombose
prothrombinase, Mutation Facteur V Leiden, Facteur II
avec pommade Bétadine® tous les 5 jours
Tableau III : Bilan biologique d’une thrombose de voie veineuse centrale
- Si pansement sale ou décollé : retour à l’hôpital pour réfection du
pansement.
KT à émergence cutanée - Rinçage au sérum physiologique après chaque utilisation Prise en charge de la thrombose
- Réfection pansement tous les 10 jours Le traitement est basé sur l’utilisation des anticoagulants (Tableau IV) 
- Fermeture de la voie par valve bidirectionnelle Traitement Posologie et modalités d’administrations
- Si point de ponction inflammatoire et après avis médical pansement Héparine standard Dose de charge: 75 UI/kg en 10 mn
avec pommade Bétadine® tous les 5 jours.
Puis perfusion continue débutée à 20 UI/kg/h (28 UI/Kg/h si âge < 1 an)
- Si pansement sale ou décollé : retour à l’hôpital pour réfection du
pansement. Objectif : 60<TCA<85 secondes (0.3 < héparinémie < 0.7)
PAC - Rinçage au sérum physiologique avant fermeture Surveillance :
- Changement de l’aiguille / 7 j si utilisation continue - T CA 4h après le début du traitement ou 4h après chaque modification de
- Pas d’entretien en inter-cure débit puis tous les jours quand équilibre
Tableau II : Recommandation pour l’entretien des voies veineuses centrales. (PICC : Peripherally - N FS (thrombopénie) : 2 fois par semaine les 4 premières semaines puis 1
Inserted Central Veinous Catheter ; KT : Catheter ; PAC : Chambre implantable) fois par semaine.
HBPM - Préventif : Activité anti-Xa souhaitée = 0,1 à 0,3 UI/ml
Obstruction de la VVC - Curatif : Activité anti-Xa souhaitée = 0,5 à 1 UI/ml
L’obstruction de la VVC est évoquée lorsque la perfusion devient impossible ou Tinzaparine sodique INNOHEP® 1 injection/j
en absence de reflux. Il convient de vérifier dans ce cas la position du cathéter mois : 275 UI/kg/j 0-2
par radiographie thoracique et discuter éventuellement avec le réanimateur qui a mois : 250 UI/kg/j 2-12
ans : 240 UI/kg/j 1-5
placé la VVC. Des causes mécaniques peuvent être à l’origine de l’obstruction de
ans : 200 UI/kg/j 5-10
la VVC et notamment le syndrome de la pince costo-claviculaire. La thrombolyse ans : 175 UI/kg/j 10-16
locale est préconisée dans les cas de thrombose intra-luminale (Urokinase à Le 1er contrôle d’anti-Xa se fait 4h après la 2ème injection chez l’enfant >5
reconstituer, injecter 10 000 UI et laisser en place au minimum 1h. En cas d’échec, ans, 3h après si âge compris entre 1 et 5 ans et 2h après si âge<1 an Puis
recommencer l’opération jusqu’à 4 fois). 1x/mois en phase d’équilibre.
Anti-vitamines K Ils sont à éviter avant l’âge de 1 an et en cours de chimiothérapie,
car très difficiles à équilibrer (variabilité interindividuelle, interaction
Thrombose sur KT médicamenteuse.)
Diagnostic de la thrombose Ils doivent toujours être introduits sous couvert d’un traitement par
La thrombose est suspectée devant une douleur, un œdème, une inflammation héparines (HBPM ou standard) équilibré. L’arrêt des héparines ne se fait
en regard du cathéter. Il existe parfois des difficultés au retour veineux ou à qu’après l’obtention d’un INR thérapeutique 3 jours de suite
l’injection. Le patient peut présenter une fièvre. Le diagnostic doit être confirmé
Tableau IV : Traitement anticoagulant de la thrombose
par échographie-doppler.

138 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 139
Retrait du cathéter
Le KT peut rester en place si :

15
- Il est indispensable, fonctionnel, bien positionné et non infecté
-Et évolution favorable de la thrombose sous héparine avec contrôles
échographiques réguliers
Le traitement anticoagulant est à poursuivre tant que le KT reste en place
LES URGENCES EN RADIOTHÉRAPIE
PÉDIATRIQUE
Le KT doit être enlevé si il est non fonctionnel, mal positionné… Il sera retiré après
3 à 5 jours d‘anticoagulation efficace.
En cas de retrait du KT, le traitement par HBPM est à maintenir : Nabila Sellal, Jihane Khalil Ibrahim
Centre régional d’oncologie,
- 3 mois minimum (réévaluation avant l’arrêt) en cas de cancer progressif ou en Direction régional de la Santé,
cours traitement Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima
- 6 semaines minimum (réévaluation avant l’arrêt) en cas de cancer non progressif
et fin de traitement.

Ce qu’il faut retenir Objectifs pédagogiques


 La pathogénie des thromboses au cours des cancers est multifactorielle.  Comprendre le mécanisme d’action de la radiothérapie sur les tumeurs
 La symptomatologie clinique dépend de la localisation et de l’étendue du et tissus sains
thrombus.  Savoir indiquer la radiothérapie en situation d’urgence et les différentes
 Le traitement repose sur l’anticoagulation. étapes de mise en route de ce traitement
 Connaitre les complications aigues de la radiothérapie et les différents
Bibliographie sélectionnée traitements à mettre en place en collaboration avec l’équipe de
1. 
Borretta L, MacDonald T, Digout C, Smith N, Fernandez CV, Kulkarni K. radiothérapie
Peripherally Inserted Central Catheters in Pediatric Oncology Patients: A 15-
Year Population-based Review From Maritimes, Canada. J Pediatr Hematol
Oncol. 2018 Jan;40(1):e55-e60 Vignette
2. Debourdeau P, Farge D, Beckers M, Baglin C, Bauersachs RM, Brenner B, et al. Malak, une fillette de 11 ans s’est présentée aux urgences pédiatriques pour
International clinical practice guidelines for the treatment and prophylaxis of céphalées et vomissements en jet depuis trois jours. L’examen a trouvé une enfant
thrombosis associated with central venous catheters in patients with cancer. J consciente mais léthargique avec des troubles de l’équilibre. Une TDM cérébrale
Thromb Haemost JTH. 2013 Jan;11(1):71–80. a été réalisée en urgence a révélé un processus expansif de la fosse cérébrale
3. Geerts W. Central venous catheter-related thrombosis. Hematol Am Soc postérieure. Une dérivation ventriculo-péritonéale a été réalisée en urgence
Hematol Educ Program. 2014 Dec 5;2014(1):306–11. (Figure 1) et la patiente a été mise sous corticoïdes orale à la dose de 1mg/kg.
4. Monagle P, Chan AKC, Goldenberg NA, Ichord RN, Journeycake JM, Nowak- Une IRM cérébrale (Figure 2) et une biopsie stéréotaxique du processus tumoral
Göttl U, et al. Antithrombotic therapy in neonates and children: Antithrombotic
a confirmé le diagnostic d’épendymome.
Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest
Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest. 2012 Feb;141(2 La patiente a été adressée au service de radiothérapie pour une prise en charge
Suppl):e737S–e801S. urgente. Une radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité
5. Law C, Raffini L. A Guide to the Use of Anticoagulant Drugs in Children. Pediatr (Technique Arc-thérapie) à la dose de 54 Gray (2Gy/Fr) a été administrée avec
Drugs. 2015 Apr;17(2):105–14. une nette amélioration clinique (Figure 3).

140 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 141
Facteurs influençant l’efficacité de la radiothérapie
Radiosensibilité intrinsèque : Il s’agit de la capacité de la cellule à réparer ou non
les lésions radio-induites ; ce qui la rend radiosensible quand elle ne répare pas
ces lésions ou radio-résistante quand elle les répare.

Cycle cellulaire : La radiothérapie est plus efficace sur les cellules en division et
notamment sur les cellules à division rapide. En effet, la radiosensibilité cellulaire
est plus importante durant les phases G2 et M du cycle cellulaire.
Effet oxygène : Durant l’irradiation, la présence d’oxygène est indispensable à
Figure 1 TDM cérébrale Figure 2 : IRM Cérébrale Figure 3 : Radiothérapie
avec dilatation mettant en évidence un réalisée en Arc thérapie la formation des radicaux libres responsables des lésions de l’ADN. L’hypoxie
ventriculaire / processus lésionnel de tumorale favorise la radiorésistance tumorale et l’hypoxie des tissus sains
Dérivation 65×55×45 au dépend de la diminue leur réparation. L’anémie aggrave l’hypoxie et constitue un facteur
ventriculopéritonéale FCP avec OEdème péri lésionnel pronostique chez les patients irradiés. Un taux d’hémoglobine supérieur à 11 g/dl
est recommandé pour une meilleure réponse.
Introduction Effet dose : La dose en radiothérapie est exprimée en Gray (Gy). C’est la quantité
La radiothérapie fait partie de l’arsenal thérapeutique des cancers pédiatriques. d’énergie délivrée dans la matière (Joule/kilogramme). Elle doit être suffisante
Les tumeurs cérébrales, les neuroblastomes, les sarcomes d’Ewing, les lymphomes pour détruire la tumeur et respecter en même temps la tolérance des organes à
de Hodgkin, les sarcomes des parties molles, les rhabdomyosarcome et les risque. La dose délivrée dépend du type histologique, de l’objectif de l’irradiation
nephroblasomes constituent par ordre de fréquence décroissante les types (curatif ou palliatif) et du caractère exclusif ou post opératoire de cette irradiation.
de cancers nécessitant une radiothérapie. En situation d’urgence en oncologie La dose totale est un facteur important qui conditionne la survenue ou non des
pédiatrique, la radiothérapie constitue une option non invasive et efficace permettant complications aiguës et tardives.
d’obtenir une réponse locale ou locorégionale rapide. Elle est principalement Fractionnement/Etalement  : Chaque irradiation est caractérisée par le
indiquée dans la compression mécanique notamment neurologique, vasculaire fractionnement qui est le nombre de fractions ou de séance de radiothérapie
et respiratoire permettant une décompression rapide dans la majorité des cas. et l’étalement qui est la durée totale du traitement. En oncologie pédiatrique,
Par ailleurs, cette radiothérapie expose à des complications aiguës dont certaines le fractionnement et l’étalement le plus utilisé est de 1,8 Gy/jour, 5 séances par
constituent à leur tour une urgence diagnostique et thérapeutique. semaine. Dans quelques situations d’urgence une irradiation hypofractionnée
(plus de 2Gy par séance) peut être indiquée augmentant le risque de complications
Rappels tardives.
Radiobiologie Effet différentiel : La réponse des cellules tumorales, à l’irradiation, est différente de
La radiothérapie est une arme thérapeutique utilisant des rayonnements ionisants et celle des tissus sains. Ces derniers mettent en jeu des mécanismes de réparation
dont l’objectif est de détruire les cellules tumorales tout en épargnant les tissus sains entre les séances de radiothérapie que n’ont pas les cellules tumorales. Cet effet
avoisinants (organes à risque). Ces rayonnements agissent par transfert d’énergie différentiel protège les tissus sains et augmente l’efficacité de la radiothérapie en
à la matière provoquant l’apparition au sein du tissu irradié des atomes excités puis augmentant la probabilité d’irradier les cellules tumorales dans leur phase la plus
des ionisations qui entrainent des lésions de l’ADN double brin et simple brin soit par radiosensible. C’est l’effet recherché en radiothérapie.
une action directe sur certaines molécules (protéines) ou indirecte par une radiolyse
de l’eau créant des radicaux libres. Ces altérations d’ADN aboutissent à une mort Techniques de radiothérapie
cellulaire directement par apoptose ou au moment d’une mitose ultérieure ou à une Toutes les techniques disponibles peuvent être utilisées en oncologie pédiatrique. Elles
mort cellulaire différée en rapport avec une perte de la capacité de division. incluent la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle (3D), la radiothérapie

142 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 143
conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) et La radiothérapie Urgences en radiothérapie pédiatrique
stéréotaxique. Les photons, les électrons et les protons sont les particules utilisées Les urgences de radiothérapie en oncologie pédiatrique sont essentiellement :
en radiothérapie pédiatrique. En situation d’urgence, il faut privilégier les techniques · L’hypertension intracrânienne
simples, disponibles, dont la planification est rapide et permettant une meilleure · Les masses médiastinales
couverture du volume à irradier tout en épargnant les organes critiques avoisinants. · Les masses abdominales
La technique la plus utilisée est la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle · La compression médullaire
et qui est actuellement disponible dans tous les centres d’oncologie.
Hypertension intracrânienne (HTIC)
Mise en route de la radiothérapie L’HTIC au cours des cancers est la résultante du développement en intracrânien
Préparation d’une tumeur ou d’une ou de plusieurs métastases cérébrales. La cavité crânienne
· Préparation psychologique : Expliquer à l’enfant et aux parents les objectifs de la étant incompressible, toute prolifération tumorale intracérébrale entraîne à
radiothérapie, les modalités et les effets secondaires aigus et tardifs. plus ou moins court terme un syndrome d’HTIC dont l’évolution naturelle va
· Evaluation de la nécessité ou non d’une sédation ou une anesthésie générale. vers l’engagement et la souffrance irréversible du cortex cérébral.
Le tableau clinique diffère selon l’âge de l’enfant. Chez le nourrisson, il s’agit
Position et contention d’une macrocéphalie, un bombement de la fontanelle antérieure ou une
La position doit être la plus confortable et la plus reproductible. Plusieurs disjonction des sutures. Les yeux sont en «coucher de soleil» avec une
contentions peuvent être utilisées en fonction des localisations à irradier et peau du scalp fine et luisante. Les vomissements sont faciles, en jet et non
doivent permettre un repositionnement rigoureux durant toutes les séances. rythmés par les repas. Les nourrissons expriment les céphalées en tenant
Ces contentions peuvent être des masques thermoformés, des supports leur tête, tirant leurs cheveux et remuent la tête de droite à gauche. Chez
de thorax, des matelas sous vide ou des cales spécifiques (genoux, pieds…) le grand enfant les céphalées sont surtout frontales et matinales avec des
vomissements répétitifs, incoercibles et brusques. Dans certains cas il peut
Acquisition des données anatomiques s’agir de troubles visuels, baisse du rendement scolaire et parfois des troubles
Cette acquisition repose sur la réalisation d’un scanner dosimétrique en position de du comportement. L’examen clinique doit chercher les signes d’engagement
traitement avec une contention adaptée. Elle se fait durant la simulation qui est une (Torticolis, cervicalgies, crise convulsives, troubles hémodynamiques)
étape qui précède le traitement proprement dit. Des marques cutanées seront faites Le diagnostic paraclinique fait appel à une IRM cérébrale en
pour permettre un repositionnement facile de l’enfant lors des séances successives. urgence (séquences T1 et T2). C’est l’examen de référence, il permet de
Les données anatomiques seront transférées sur la console de contourage détecter et de caractériser la tumeur et d’évaluer son retentissement
(définition des volumes à irradier). Ce scanner dosimétrique peut être fusionné (Hydrocéphalie, Œdème, Compression parenchymateuse, engagement).
avec les autres imageries du patient (IRM pelvienne ou cérébrale, TEP-TDM…) Une TDM cérébrale peut être réalisée lorsque l’IRM n’est pas réalisable.
Le traitement en urgence est souvent multidisciplinaire. Une corticothérapie
Planification de la radiothérapie à base de Dexaméthasone à la dose de 1 à 2 mg/6h en IV (ou 500mg/1.76m2
Sur le scanner dosimétrique, l’oncologue-radiothérapeute définit les volumes de méthylprednisolone) doit être démarrée en urgence. Le maximum
cibles (Volume à irradier) et les organes critiques (volume à protéger), puis le d’efficacité est obtenu dans les 12 à 48 heures. Les solutés hypertoniques,
radiophysicien choisit la technique et la balistique d’irradiation permettant de essentiellement le mannitol (10 ou 20 %) à la posologie de 1 à 2 mg/kg/j,
donner le maximum de dose aux volumes cibles et le minimum de dose aux ne pouvant être utilisés que pendant de courtes périodes avec un risque
organes critiques. Une fois le plan de traitement est validé conjointement par le de rebond à l’arrêt. L’effet maximum se voit après 30 minutes à 2 heures.
médecin et le physicien médical, il sera transféré vers la console de traitement et La radiothérapie est indiquée en urgence à but palliatif en cas de métastases
l’enfant peut recevoir, ainsi, ses séances de radiothérapie. cérébrales mais également à but curatif en cas d’une tumeur primitive cérébrale

144 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 145
en association ou non avec d’autres thérapeutiques (chirurgie, chimiothérapie). mais la confirmation diagnostique repose sur la biopsie tumorale. Elles
La dose de radiothérapie en dépendra. En situation palliative, la radiothérapie est constituent une des indications urgentes de radiothérapie en pédiatrie.
hypofractionnée et plusieurs protocoles ont prouvé leur équivalence ; 10 séances La prise en charge thérapeutique doit être multidisciplinaire, et dépendra
de 3Gy (le plus utilisé) ou 2 séances de 6.5 Gy ou rarement une séance de 8 Gy. de la sévérité des symptômes, du type tumoral et du pronostic du patient.
En situation curative, la dose dépendra de l’étiologie et est délivrée en étalement Elle comprend d’abord un repos en position assise ou demi-assise, une
fractionnement classique. oxygénothérapie, une restriction des fluides et des anticoagulants en cas de
thrombose. La corticothérapie doit être proposée en cas de radiothérapie à dose
Masses médiastinales et syndrome cave supérieur (SCS) élevée afin de réduire l’œdème radio-induit pouvant majorer la symptomatologie.
Les masses médiastinales entrainent dans la majorité des cas un syndrome Par ailleurs, en cas de lymphome ou de thymome, elle peut également contribuer
cave supérieur et plus rarement une compression aiguë des voies respiratoires. à une amélioration de la symptomatologie grâce à son effet antitumoral. La
L’association des deux tableaux cliniques est fréquente chez l’enfant. Elles sont radiothérapie pour les patients atteints de lymphome n’est indiquée en urgence
principalement associées aux lymphomes et moins fréquemment aux sarcomes que lorsque la chimiothérapie est contre-indiquée en raison d’une instabilité
et neuroblastomes. hémodynamique grave ou d’une autre défaillance d’organe. Le choix de la dose et
Le tableau clinique peut être discret ou au contraire mettre en jeu le pronostic vital. du volume à irradier dépendra du but du traitement (curatif ou palliatif), du type
Les signes cliniques peuvent être regroupés en trois catégories : hémodynamiques, histologique et de l’état général du patient.
neurologiques et respiratoires (Tableau 1)
Masse abdominales
Signes ou symptômes Fréquence(%) Les masses abdominales symptomatiques peuvent constituer une urgence de
Hémodynamiques radiothérapie. Cette situation est plus fréquente chez les nourrissons de moins d’un
Œdème facial 82 an atteints de neuroblastome stade IV-S et de métastases hépatiques étendues
Œdème des membres supérieur 46
Turgescence des veines jugulaires 63 (syndrome de Pepper’s). Le tableau clinique associe une hépatomégalie, des
Circulation veineuse collatérale 53 signes de lutte respiratoire en rapport avec la pression exercée sur le diaphragme
Pléthore facial 20 et plus rarement une symptomatologie gastro-intestinale ou une coagulation
Signes oculaires 2
Respiratoires intravasculaire disséminée.
Dyspnée 54 En cas d’hépatomégalie symptomatique, une radiothérapie locale urgente est
Toux 54 indiquée, en particulier en absence de réponse rapide à la chimiothérapie. La
Dysphonie 17
Stridor 4
radiothérapie peut également être indiquée en urgence pour réduire la taille
Neurologiques des masses tumorales abdominales qui risquent d’engager le pronostic vital. La
Syncope 10 planification de la radiothérapie est souvent compliquée en raison de l’âge très
Céphalées 9
Vertiges 6
jeune des enfants et la présence de la détresse respiratoire. En tenant compte de
Confusion 4 la gravité du tableau, une anesthésie générale ou une simple sédation peut être
Obnubilation 2 indiquée. La dose recommandée varie de 2 à 6 Gy, soit de 1 à 1,5 Gy par fraction,
Tableau 1 : Fréquence des signes cliniques du syndrome cave-supérieur en fonction de la réponse clinique. Cette dernière est souvent précoce dans les
deux jours suivant le début de l’irradiation sans pour autant avoir de traduction
Le diagnostic paraclinique fait appel à une imagerie thoracique (radio radiologique qui surviendra plusieurs mois après.
et scanner thoraciques) qui permet de préciser le siège et l’extension
tumorale par rapport à la veine cave supérieure et les voies respiratoires. Compression médullaire
D’autres bilans biologiques peuvent orienter le diagnostic étiologique Cette complication survient dans 3 à 5% des cancers de l’enfant. Elle peut être le

146 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 147
mode de révélation d’une tumeur, mais peut survenir parfois en cours de traitement. Complications aigues générales
La compression médullaire peut être liée soit à une tumeur d’origine épidurale  Il s’agit de complications communes à toutes les irradiations et elles sont
ou sous-arachnoïdienne, soit à une extension de voisinage d’une tumeur de d’autant plus fréquentes et intenses que le volume irradié est important.
localisation para-vertébrale au travers des trous de conjugaison (tumeur Parmi ces complications, l’asthénie est la plus fréquente. Elle est aggravée par
en sablier). Les tumeurs les plus fréquemment responsables sont les sarcomes le caractère répétitif quotidien des séances de radiothérapie. Elle s’accentue
d’Ewing, les neuroblastomes en sablier, les lymphomes hodgkiniens ou non en fin de semaine et disparait une à deux semaines après la fin du traitement.
hodgkiniens; très rarement, l’épendymome, ou l’astrocytome. Les nausées et les vomissements peuvent survenir en début de traitement et
répondent généralement aux antiémétiques et aux anxiolytiques. L’aplasie
Deux situations cliniques possibles : médullaire est une des complications aigues les plus graves. Elle survient en
· Enfant présentant un tableau de compression médullaire d’évolution rapide cas d’irradiation d’un volume étendu de la moelle osseuse notamment en cas
avec signes neurologiques présents: Bolus de dexaméthasone 1 à 2mg/kg en d’association à une chimiothérapie. Il peut s’agir d’une anémie, une leucopénie
IV suivi de la réalisation d’une IRM médullaire en urgence, puis en fonction de ou une thrombocytopénie d’où la nécessité d’une surveillance hebdomadaire de
l’étiologie la plus probable et éventuelle discussion avec les neurochirurgiens, la numération de la formule sanguine. La radiothérapie est suspendue en cas
entre: d’aplasie profonde.
- Une chirurgie de décompression médullaire en urgence par laminectomie avec
prélèvements tumoraux permettant une identification histologique de la tumeur Complications aigues cutanées (radiodermites)
- Une chimiothérapie à débuter en urgence ou une radiothérapie localisée en cas Il s’agit d’une épithélite qui se manifeste habituellement une à trois semaines après
de tumeur déjà connue avec radiosensibilité décrite. le début d’irradiation. Grace aux nouvelles techniques de radiothérapie (RCMI),
• Enfant présentant un tableau de douleurs rachidiennes sans signes la peau est souvent épargnée et ces complications sont limitées à un simple
neurologiques: érythème dont le traitement nécessite l’application d’une crème hydratante
- Dexaméthasone: 0,25 à 0,5mg/kg per os toutes les 6 heures suivi de la après les séances de radiothérapie.
réalisation d’une IRM médullaire.
- Traitement étiologique par chimiothérapie et/ou radiothérapie après Complications aigues des muqueuses (radiomucites)
confirmation histologique La radiomucite se déclare à partir de 15 à 20 Gy. Le tableau clinique et le degré
d’urgence dépend du type de muqueuse Irradiée.
La chimiothérapie première est particulièrement indiquée chez les enfants
présentant une compression médullaire en rapport avec une leucémie, un Au niveau ORL 
lymphome, un neuroblastome, une tumeur d’Ewing ou une tumeur germinale. Il peut s’agir, en fonction de l’organe irradié, d’une bucco-pharyngite, d’une
laryngite, d’une œsophagite ou d’une sécheresse des glandes salivaires
Complications aigues de la radiothérapie (xerostomie). La symptomatologie comprend, en fonction de la dose et le volume
irradié, une dysphagie douloureuse qui peut évoluer vers l’aphagie en absence de
pédiatrique traitement efficace, une dysphonie et une dyspnée. Des bains de bouche alcalins
Les complications aigues de la radiothérapie sont dues à une réaction
à base de bicarbonate de sodium (4 à 6 fois par jour) doivent être prescrits dès les
inflammatoire des tissus sains irradiés et aussi à la mort mitotique des cellules
premières séances avec des règles hygiéno-diététiques pour prévenir et retarder
normales. Cette toxicité est d’autant plus importante que le tissu sain irradié a
l’apparition de cette radiomucite. Le traitement curatif est à base d’anesthésiques
un renouvellement rapide Elle survient habituellement durant le traitement ou
locaux, d’antalgiques. Les corticoïdes, les antifongiques ou les antibiotiques
dans les 3 mois qui suivent la fin de la radiothérapie. La majorité de ces effets est
peuvent être prescrits au cas par cas. Des compléments nutritionnels ou dans
prévisible, transitoire et réversible. Néanmoins, elle nécessite une prise en charge
certains cas une alimentation parentérale peuvent être indiqués.
urgente.

148 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 149
Au niveau pulmonaire (poumon radique aigu) Ce qu’il faut retenir
Il s’agit d’une complication rare qui survient une semaine à 6 mois après le début  La radiothérapie est un moyen thérapeutique efficace permettant d’obtenir une
da la radiothérapie. Les symptômes les plus fréquents sont la fièvre, la toux, la réponse rapide dans certaines situations d’urgence en oncologie pédiatrique
dyspnée et la douleur thoracique. La prise en charge thérapeutique nécessite une notamment compressives, HTIC , syndrome cave supérieur, compression
hospitalisation si le pronostic vital est mis en jeu. Elle fait appel à des corticoïdes, médullaire ou masses abdominales
à l’oxygénothérapie et à l’antibiothérapie.  L’indication de la radiothérapie en urgence et la gestion des complications doit
se faire en concertation avec l’équipe de radiothérapie
Au niveau abdomino-pelvien  La radiothérapie expose à des complications aigues avec différents degrés
En fonction de l’organe irradié plusieurs complications peuvent survenir. d’urgence. Les principales sont les radiodermites, les radiomucites (bucco-
La complication majeure est l’iléite radique qui survient dès 30 à 40 Gy. Elle pharyngites, poumon radique, iléite, cystite ou rectite radiques), les
se manifeste par une diarrhée, douleur abdominale et parfois un tableau de complications neurologiques (HTIC ou myélite) ou des complications générales
subocclusion. Le traitement nécessite, en fonction de la gravité du tableau, la à type fatigue, nausées ou vomissement ou aplasie médullaire.
prescription d’antidiarrhéiques, d’antiseptiques intestinaux, une réhydratation et  L’absence ou le retard de prise en charge de certaines complications peut
une corticothérapie. mettre en jeu le pronostic vital (complications muqueuses, l’HTIC, l’aplasie ….)
La cystite radique aigue se manifeste par une pollakiurie, des brulures mictionnelles
et une dysurie. Des boissons abondantes avec une diurèse importante et
un traitement anti-inflammatoire sont souvent suffisants pour améliorer la
Références sélectionnées
1. Bertsch H, et al., Emergent/urgent therapeutic irradiation in pediatric oncology:
symptomatologie. La rectite radique aigue se traduit par un syndrome rectal avec
patterns of presentation, treatment, and outcome. Med Pediatr Oncol, 1998;
des rectorragies. Le traitement fait appel à des lavements aux corticoïdes
30(2): p. 101–5
2. Garey CL, Laituri CA, Valusek PA, St Peter SD, Snyder CL. Management of
Complications aigues neurologiques  anterior mediastinal masses in children. Eur.J. Pediatr. Surg.2011;21: 310–3.22
L’hypertension intracrânienne (HTIC) est secondaire aux processus expansifs 3. Gupta V, Ambati SR, Pant P, Bhatia B. Superior vena cava syndrome in children.
cérébraux et constitue aussi une complication de la radiothérapie cérébrale. Indian J Hematol Blood Transf. 2015;24(1):28–30.
Elle est due et majorée par les phénomènes inflammatoires secondaires à la 4. Khan F.M, The Physics of Radiation Therapy. 3rd ed. Philadelphia: Lippincott
radiothérapie notamment lors des premières séances. Elle se traduit par des Williams & Wilkins. 2003; 560
céphalées, nausées, vomissements et trouble neurologiques qui régressent 5. Landier W, Wallace W.H, Hudson M.M. Long-term follow-up of pediatric cancer
souvent au cours de la radiothérapie. Les corticoïdes peuvent prévenir et traiter survivors: education, surveillance, and screening. Pediatr Blood Cancer, 2006;
cette HTIC. 46(2): p. 149–58
6. Loblaw D.A, et al., Systematic review of the diagnosis and management of
La myélite radique est une complication qui peut survenir quand la moelle malignant extradural spinal cord compression: the Cancer Care Ontario
épinière est dans le champ de traitement. Le symptôme le plus fréquent, dans la Practice Guidelines Initiative’s NeuroOncology Disease Site Group. J Clin Oncol,
phase aigue, est une sensation de décharge électrique qui irradie vers la partie 2005; 23(9): p. 2028–37.
basse du dos et les membres inférieurs quand le cou est fléchi et appelé signe 7. Perger L, Lee EY, Shamberger RC. Management of children and adolescents
de Lhermite. Il régresse généralement sans traitement et sans évolution vers with a critical airway due to compression by an anterior mediastinal mass. J.
des séquelles à long terme. Le traitement de la myélite radique est avant tout Pediatr. Surg.2008;43:1990–7
préventif par le respect des contraintes de dose au niveau de la moelle épinière où 8. Pérel, Y, Plantaz, D.D. La Cancérologie de l’enfant. Elsevier Masson 2017
la dose ne doit pas dépasser 45 Gy et par l’utilisation des conditions rigoureuses 9. Pizzo PA, Poplack DG, Adamson PC, Blaney SM, Helman L. Principles and
d’immobilisation et de contrôle Practice of Pediatric Oncology, 7th edn.Wolters Kluwer, Philadelphia, 2015

150 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 151
10. Rheingold SR, Lange BJ. Oncologic emergencies. In: PA Pizzo, Poplack DG,
editors. Principles and practice of pediatric oncology. 5th ed. Philadelphia:

16
2016. p. 1202–30.
11. Selo N, et al. Acute toxicity profile of radiotherapy in 690 children and
adolescents: RiSK data. Radiother Oncol 2010; 97(1): p. 119–126
ANÉMIE AIGUE DE L’ENFANT :
ATTITUDE PRATIQUE

Maria El Kababri, Amina Kili


Service d’hématologie et oncologie pédiatrique,
Hôpital d’enfant
CHU Ibn Sina - Rabat

Objectifs pédagogiques
 Savoir identifier une anémie aigue ;
 Savoir rechercher les étiologiques les plus courantes ;
 Savoir indiquer une transfusion sanguine.

Vignette
Une fillette âgée de 9 ans est suivie pour un neuroblastome à localisation
abdominale avec métastases médullaires depuis 2 mois. Elle a reçu une
chimiothérapie 2 semaines auparavant. Les parents la ramènent aux urgences
car elle est fatiguée, pâle et fébrile. L’examen trouve une pâleur et quelques tâche
ecchymotiques au niveau des cuisses.
Quel examens pratiquer ?
Quelle serait la cause de la pâleur ?
La transfusion devra-t-elle être envisagée dans ce cas ?

152 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 153
L’anémie est très fréquente en oncologie pédiatrique du fait de la maladie sous-jacente Conduite diagnostique
ou de son traitement. Elle peut être d’installation aigue ou venir compliquer une L’évaluation de l’enfant anémique comprend une évaluation clinique, la recherche
anémie chronique. Elle requiert alors une intervention urgente du fait de la menace de signes d’intolérance clinique ou hémodynamique à l’anémie et la recherche
vitale qu’elle occasionne. Cette intervention comporte une enquête étiologique rapide de symptômes, de signes ainsi que les circonstances anamnestiques associées
suivie souvent d’une transfusion et/ou d’un traitement étiologique selon les cas. permettant d’orienter la recherche du diagnostic étiologique :
- La recherche de voyage en pays d’endémie palustre, origine ethnique associée
Définitions à une fréquence accrue de pathologie constitutionnelle
L’anémie se définit comme une valeur de l’hémoglobine inférieure à 2 déviations - Les antécédents familiaux d’ictère ou de splénectomie,
standards (DS) par rapport à la médiane pour l’âge. Les valeurs normales de - La prise médicamenteuse ou alimentaire (fèves),
l’hémoglobine, de l’hématocrite, du volume globulaire moyen varient fortement - La recherche d’un ictère (hémolyse), d’une splénomégalie (hémolyse), d’un
en fonction de l’âge, en particulier dans les premières années de la vie (Tableau I). syndrome tumoral (insuffisance médullaire), d’une hypertension artérielle voire
des œdèmes (syndrome hémolytique et urémique).
Age Taux d’hémoglobine Hématocrite VGM
(g/dl) (%) (fl)
Interprétation de l’hémogramme et orientation diagnostique.
Moy - 2DS Moy -2 DS Moy -2DS La numération formule sanguine et l’analyse précise du frottis permettent
Naissance 16.5 13.5 51 42 108 98 habituellement l’orientation étiologique (VGM - TCMH, hématocrite, réticulocytose,
2 semaines 16.5 12.5 51 39 105 86
2 mois 11.5 9.0 35 28 96 77
atteinte des autres lignées sanguines ...) 
3 - 6 mois 11.5 9.5 35 29 91 74
6 mois-2 ans 12.0 10.5 36 33 78 70 Orientation diagnostique
2 - 6 ans 12.5 11.5 37 34 81 75 Les éléments cliniques du raisonnement diagnostique devant une anémie chez
6 - 12 ans 13.5 11.5 40 35 86 77 l’enfant sont l’anamnèse, les données de l’examen clinique et surtout l’analyse de
Tableau I : Valeurs hématologiques selon l’âge l’hémogramme sur le globule rouge et sur les autres lignées (Figure 1). Les autres
examens complémentaires doivent être hiérarchisés en fonction de l’analyse de
L’anémie aigue est définie par : l’hémogramme en distinguant :
- un tableau clinique d’installation rapide
- fait de pâleur cutanéo-muqueuse et/ou Anémie microcytaire
- des signes d’intolérance Rechercher :
- et un taux d’hémoglobine inférieur à 6 g/dl - une carence martiale
En hématologie et oncologie pédiatrique, l’anémie aigue peut être le résultat - une Beta-thalassémie majeure
d’une infiltration médullaire par des cellules malignes (leucémie aigue, lymphome, - une intoxication au plomb
neuroblastome métastatique, rhabdomyosarcome ou sarcome d’Ewing infiltrant - une infection/ inflammation chronique
la moelle) ou secondaire à la toxicité médullaire des traitements anticancéreux - une anémie sidéroblastique acquise ou congénitale
(chimiothérapie ou radiothérapie). Elle peut dans ces cas être aggravée par un Anémie macrocytaire
saignement lié à une thrombopénie. L’anémie aigue peut aussi se voir chez les La macrocytose vraie (VGM élevé) est rare dans les anémies aiguës. Se rappeler
enfants suivis pour une aplasie médullaire, hémoglobinopathie, déficit en G6PD, qu’en présence d’une réticulocytose élevée ou qu’en présence d’érythroblastes
anémie hémolytique auto-immune. circulants, la détermination du volume globulaire moyen peut être faussée. La
Généralement, les enfants tolèrent un taux d’hémoglobine entre 7 et 8 g/dl, en présence d’une anémie macrocytaire doit faire réaliser un myélogramme pour
dessous de ces chiffres, ils sont symptomatiques et présentent alors des signes rechercher la présence de mégaloblastes.
cliniques d’intolérance avec indication d’une transfusion sanguine.

154 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 155
 Anémie mégaloblastique. Rechercher :  Sphérocytose héréditaire (Maladie de Minkowski-Chauffard
· une carence en acide folique  Eliptocytose héréditaire
· une carence en vitamine B12 (régime alimentaire restrictif, ou défaut d’absorption  Syndrome hémolytique et urémique, autres causes de microangiopathie
ou défaut d’apport maternel en cas d’allaitement maternel exclusif chez une thrombotique.
mère soit carencée, soit atteinte de maladie de Biermer).  Infection : septicémie, paludisme.
 La présence de schizocytes suggère une coagulation intravasculaire
disséminée, un syndrome hémolytique et urémique ou toute autre cause
 Anémie non-mégaloblastique. Exclure : de microangiopathie (lupus, prothèse valvulaire, hypertension maligne,
· maladie hépatique médicaments ...).
· hypothyroïdie  La réticulocytose basse (anémie arégénérative) doit faire rechercher les
· prise de médicaments
diagnostics suivants :
• Insuffisance médullaire (idiopathique, congénitale, acquise)
Anémie normocytaire
• Erythroblastopénie congénitale (anémie de Blackfan-Diamond) ou transitoire
La démarche diagnostique est basée sur la réticulocytose (en valeur absolue) :
 La réticulocytose élevée (réticulocytes > 120 109/L) doit rechercher : du jeune enfant (Parvovirus ou autre virus)
· Hémorragie aigüe : En oncologie pédiatrique, une anémie aigue peut révéler ou • Infiltration médullaire par des cellules pathologiques : leucémie aigue, métastases
accompagner une hémorragie intra-tumorale dans le néphroblastome. médullaires d’un neuroblastome, lymphome, rhabdomyosarcome, sarcome d’Ewing.
· Hémolyse : Lorsque l’anémie se constitue rapidement (anémie hémolytique • Une chimiothérapie ou autre traitement pouvant impacter l’hématopoïèse
auto-immune AHAI, syndrome hémolytique et urémique, déficit en G6PD), elle • Infection, maladie chronique
est mal supportée (Etat général, hémodynamique, neurologique). Il existe même • Malnutrition protéino-calorique
des formes suraiguës (AHAI surtout) qui peuvent mettre en jeu le pronostic
vital. Dans ces cas, la réticulocytose peut être retardée et il faudra s’attacher à
rechercher les autres signes d’hémolyse (ictère, bilirubine, LDH, haptoglobine) En pratique
et faire une bandelette urinaire à la recherche d’une hémoglobinurie (sang à la La conduite à tenir sera orientée en fonction des indications fournies par
bandelette urinaire, urines porto). La prise en charge est urgente l’hémogramme.
 Anémie hémolytique auto-immune (AHAI) à Coombs positif : Elle est définie  Si le diagnostic est déjà connu : on fait un prélèvement sanguin pour la
par une destruction prématurée des globules rouges associée à la présence compatibilité avec recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) et on commande
le sang.
d’un auto-anticorps. L’AHAI est généralement aiguë et fréquemment associée
à un contexte infectieux ou dysimmunitaire. Il s’agit de la principale cause  Si le diagnostic ne peut pas être fait immédiatement en raison de l’importance
d’hémolyse extra-corpusculaire chez l’enfant. de l’anémie et si on ne peut pas surseoir à une transfusion en raison de
 Déficit en G-6PD : l’hémolyse aigue survient dans les heures qui suivent l’état hémodynamique précaire de l’enfant, il faut prélever au moins avant la
l’ingestion de fèves, de certains médicaments ou en cas d’acidose métabolique. transfusion :
 Drépanocytose homozygote : L’anémie aigue du drépanocytaire est fréquente · une électrophorèse de l’hémoglobine
chez le jeune enfant. Elle s’observe dans 3 circonstances : · dosage des enzymes intra-érythrocytaires (G6PD et PK)
- La séquestration splénique, · test de Coombs
- l’érythroblastopénie et · fer sérique, ferritine, taux de réticulocytes
- l’hyperhémolyse. · groupe sanguin + phénotype érythrocytaire complet si suspicion
- Elle occupe une grande place dans la morbidité des enfants drépanocytaires. Ceci d’hémoglobinopathie
peut être évité par une prévention rigoureuse des infections à pneumocoque, à
hémophilus et à salmonelle (antibioprophylaxie et vaccination). Ajoutant à cela  Si l’importance de l’anémie limite les prélèvements, il faut :
la déglobulisation induite par le paludisme chez l’enfant africain. · prélever la compatibilité et commander le sang
· juste avant le début de la transfusion : compléter les prélèvements

156 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 157
 Un myélogramme s’impose devant toute anémie macrocytaire, devant toute 3- Pondarré C. Prise en charge des alpha-thalassémies. Revue du praticien
anémie normocytaire à caractère non-hémolytique et devant une bi ou tri- 2014;8:1138-9.
cytopénie. 4- I. Thuret. Prise en charge des béta-thalassémies. Revue du praticien 2014;8:1132-7.
 L’examen de la morphologie des globules rouges sanguins est utile au diagnostic 5- De Lonlay P, Fenneteau O, Touati G, et al. Manifestations hématologiques dans
de la sphérocytose héréditaire, de l’eliptocytose héréditaire. les erreurs innées du métabolisme. Arch Pediatr 2002;9:822-35.
6- C. Pondarré. Anémie du jeune enfant. Pas à pas en pédiatrie 2015.
La décision de transfuser un enfant doit prendre en compte de : 7- Ophélie Marais. Quelles causes pour l’anémie sévère de l’enfant ? Option/Bio,
 la tolérance clinique, Volume 19, Issue 398, April 2008, Page 5.
 la profondeur de l’anémie, 8-  A.M. Cardorelle, A. Mouko. L’anémie aiguë chez l’enfant drépanocytaire
 le risque d’aggravation (hémorragie ou hémolyse actives) et le potentiel de congolais. Archives de Pédiatrie, Volume 15, Issue 2, February 2008, Pages
récupération rapide (réticulocytose). 198-199
9- M. Becheur et al. Anémie hémolytique auto-immune de l’enfant. Transfusion
ANÉMIES DU JEUNE ENFANT
Clinique et Biologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.tracli.2015.10.002
10- Y. Pérel, N. Aladjidi, M. Jeanne. Prise en charge d’une anémie hémolytique
VGM BAS = ANÉMIE MICROCYTAIRE : VGM NL OU ÉLEVÉ = ANÉMIES NORME
FER SÉRIQUE ET FERRITINE OU MACROCYTAIRES RÉTICULOCYTES (5) auto-immune à la phase aiguë. Archives de Pédiatrie, Volume 13, Issue 6, June
HÉMORRAGIE
2006, Pages 514-517
FER SÉRIQUE BAS FER SÉRIQUE NL TROUBLES DIGESTIFS,
TROUBLE
DE LA SYNTHÈSE
OU HAUT TROUBLE
DE LA SYNTHÈSE
ACIDOSE :
CYLOPATHIE HAUT 11- T. Leblanc, L. da Costa. Anémie de Blackfan-Diamond : actualités. Revue
DE L’HÈME DE LA GLOBINE MITOCHONDRIALE ? BAS > 100G/L
< 100G/L
ARÉGÉNÉRATIVE
RÉGÉNÉRATIVE d’Oncologie Hématologie Pédiatrique, Volume 2, Issue 4, December 2014,
Pages 195-204 Manuel pratique d’hématologie pédiatrique 2010. Hôpital
FERRITINE BASSE FERRITINE RÉGRESSION BILAN D’HÉMOLYSE
CARENCE
EN FER (1)
ÉLEVÉE
INFLAMMATIION (2)
PSYCHOMOTRICE
MALADIE MÉTABOLIQUE ? (9)
MYÉLOGRAMME (11) Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF)
A. HÉMOLYTIQUES 12-  J.-L.Wautier. Indications des transfusions de produits sanguins labiles.
CONSTITUTIONNELLES
DÉFAUT D’APPORT
-RÉGIME ALIMENTAIRE
CRAHN, HODGKIN
LUPUS,
MÉGALOBLASTOSE Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 56–58.
CARENCÉ NEUROBLASTOME…
TB MÉTABOLISME/
DRÉPANOCYTOSE 13- Melanie K. Prusakowski, Daniel Cannone. Pediatric Oncologic Emergencies.
CARENCE B12, FOLATES
SPHÉROCYTOSE Emerg Med Clin N Am 32 (2014) 527–548.
MALNUTRITION/ EP HB HÉRÉDITAIRE
MALTRAITANCE

ENVAHISSEMENT INSUFFISANCE ÉRYTHROBLASTOPÉNIE DÉFICIT ENZYMATIQUE


MÉDULAIRE (6) MÉDULAIRE (7) (8) G6PD, PK
BÉTA THALASSÉMIE
MALABSORPTION MINEURE (3)
-MALADIE
CŒLIAQUE, CROHN… A. HÉMOLYTIQUE
PARVOVIRUS ACQUISES
B 19
BÉTA THALASSÉMIE
MAJEURE (4)
HÉMORRAGIE LEUCÉMIE AIGÜE IDIOPATHIQUE (80%)
CHRONIQUE NEUROBLASTOME FANCONI BLACKFAN-DIAMOND
-DIGESTIVE -GÉNITALE AUTRES TUMEURS SHWACHMAN AHAI SHU

Figure 1 : Arbre diagnostique des anémies de l’enfant (3)

Références séléctionnées 
1- De Montalembert M, Bresson JL, Brouzes C, et al. Exploration d’une anémie
microcytaire chez l’enfant. Arch Pediatr 2012;19:295-304.
2- Toutain F, Le Gall E, Gandermer V. La carence en fer chez l’enfant et l’adolescent :
un problème toujours d’actualité. Arch Pediatr 2012;19:1127-31.

158 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 159
Introduction
L’hémorragie est très fréquente en pathologie oncologique. C’est la deuxième

17
cause de mortalité après l’infection. L’hémorragie du système nerveux est d’une
particulière gravité. Le plus souvent prévisible, parfois inaugurale de la pathologie
tumorale, le risque hémorragique doit être évalué et les mesures préventives ou
LES HÉMORRAGIES AIGUES thérapeutiques doivent être rapidement instituées. La thrombocytopénie centrale
EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE post-chimiothérapie reste la cause la plus fréquente de saignement.

Mohamed El Khorassani
Physiopathologie
Service d’hématologie et oncologie pédiatrique Le risque hémorragique est lié essentiellement à la thrombocytopénie et/ou
Hôpital d’Enfant à la diminution des facteurs de coagulation. A cela se rajoutent des facteurs
CHU Ibn Sina, Rabat
facilitant l’hémorragie et notamment l’infection, l’hyperleucocytose ou une
toxicité directe de certains antimitotiques sur les muqueuses (cystite et gastrite
hémorragiques…). Certaines tumeurs ou localisations sont également à risque
plus élevé de saignement. Il en est ainsi du néphroblastome qui présente outre
l’hématurie, un risque d’hémorragie intra-tumorale.

La thrombocytopénie, la plus fréquemment en cause peut être liée à une atteinte


centrale suite à une aplasie post-chimiothérapie ou un envahissement de la
moelle par les cellules cancéreuses. Le cas classique est celui de la leucémie
aiguë au diagnostic. Elle peut être d’origine périphérique, par consommation de
Objectifs pédagogiques
 Comprendre le mécanisme de survenu d’hémorragie ; facteurs lors d’une CIVD (LAM3, sepsis).
 Savoir évaluer le risque hémorragique selon le contexte ;
 Savoir identifier et évaluer la gravité d’un syndrome hémorragique ; Une diminution des facteurs de la coagulation peut être en rapport avec un défaut
 Savoir prévenir et prendre en charge un syndrome hémorragique. de synthèses lié à une insuffisance hépatocellulaire et notamment une toxicité de la
chimiothérapie (L-Asparaginase) ou par consommation excessive lors d’une CIVD.
Vignette
Youssouf est un garçon âgé de 13 ans. Il est hospitalisé pour une leucémie aigue Gestion d’un syndrome hémorragique
lymphoblastique de type T. Il signale des céphalées et des troubles visuels. Il L’interrogatoire
reçoit une corticothérapie, une hyperdiurèse alcaline et allopurinol depuis 3 jours. Les questions doivent être ciblés et ne doivent pas retarder la prise en charge .
La NFS de la veille trouve : Des informations clés doivent être identifiées :
Hb : 8.2 g/dl CCMH : 32% TCMH: 25 pg VMC: 75 fl - La pathologie tumorale sous-jacente,
Leucocytes : 115.000G/L avec PNN : 5%, Lymphocytes : 10% et des blastes à 85% - Le traitement reçu,
Plaquettes : 12.000/mm3 - La date du dernier traitement reçu,
Quelles hypothèses diagnostiques devraient être évoquées ? - Les antécédents hémorragiques,
Quel bilan complémentaire doit être entrepris ? - Les transfusions antérieures,
Quelles thérapies urgentes doivent être instituées ? - Le statut de la maladie : patient en rémission complètes ou non, patient en soins
palliatifs…

160 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 161
L’examen clinique Entre 10000 et 20000/mm3 la transfusion est indiquée en cas d’association à
L’examen doit : un facteur de risque supplémentaire. Au-delà de 20000/mm3 la transfusion est
-identifier le type de saignement : épistaxis, gingivorragies, ecchymoses ; indiquée en cas d’expression hémorragique franche.
hématémèses, méléna, hématome, saignement prolongé au point d’injection ; Un traitement spécifique et notamment chirurgical peut être nécessaire. Il en est
- rechercher les signes associés : syndrome d‘insuffisance médullaire, signe de ainsi dans l’hémorragie intra-tumorale du néphroblastome qui est une indication
sepsis, syndrome tumoral. chirurgicale urgente.

L’examinateur doit rechercher les signes traduisant la gravité du syndrome Surveillance


hémorragique : Basée essentiellement sur l’état clinique et non sur les paramètres biologiques
- bulles hémorragiques ou un aspect purpura nécrotiques, - arrêt de saignement
- retentissement hémodynamique lié souvent à une hémorragie interne (digestive - amélioration de l’état hémodynamique.
ou hémorragie intra-tumorale),
- troubles visuels peuvent traduite une hémorragie rétinienne, SYNDROME
HÉMORRAGIQUE
- céphalée ou vomissement qui peuvent traduire une hémorragie cérébro-
méningée de haute gravité.
THROMBOCYTOPÉNIE PLAQUETTE NORMALE
L’exploration
Cette exploration doit être rapidement réalisée dans un contexte d’urgence. Elle
doit chercher à préciser la cause du trouble de l’hémostase et sa gravité (Figure GB-PNN TP-TCA-FG

1) mais aussi parfois confirmer et évaluer le saignement souvent par recours à la


radiologie (Échographie, TDM).
BAS NORMAUX ALLONGÉS NORMAUX
- l’hémogramme : à la recherche d’une thrombocytopénie, dont il faut apprécier
la gravité. Le chiffre de plaquette est certes un critère de gravite, mais n’est
ENVAHISSEMENT DE LA MO
pas suffisant. Une thrombopénie de 50 000 / ml est grave chez une patient (LAL, LAM, MÉTASTASE) CIVD
SEPSIS
IHC
ASPARAGINASE
CYSTITE HÉMORRAGIQUE
GASTRITE
APLASIE
en induction pour Leucémie aiguë. Pour un même chiffre de plaquette une
thrombopénie est plus grave chez un patient suivi pour LAM que chez un patient Figure 1 : Stratégie d’évaluation d’un syndrome hémorragique
traité pour LAL ou tumeurs solide. L’hémogramme appréciera également le
chiffre des globules blancs et des neutrophiles ; Ce qu’il faut retenir
- l’étude de la crase sanguine : TP, TCA, Fibrinogène  L’hémorragie en particulier du système nerveux central est la 2ème cause de
- Autres bilans est fonction du contexte et de l’origine suspectée du saignement mortalité chez l’enfant atteint de cancer ;
 La thrombocytopénie est le principal mécanisme de saignement ;
 Les étiologies peuvent être liées à une maladie envahissant la moelle osseuse, à
Prise en charge du syndrome hémorragique la chimiothérapie hémato-toxique, à une infection sévère ou à une association
La prise en charge du syndrome hémorragique ou sa prévention doit faire l’objet de ces facteurs;
d’une démarche validée par l’équipe. La stratégie de transfusion de plaquettes  L’évaluation de la gravité est liée essentiellement au risque d’hémorragie
en particulier doit prendre en considération la numération des plaquettes, l’état cérébro-méningée ;
clinique du patient et la disponibilité des produits sanguins. En règle générale,  Le médecin doit savoir évaluer cliniquement et par un bilan rapide le syndrome
une thrombocytopénie de moins de 10000/mm3 est à haut risque hémorragique hémorragique et sa gravité ;
et est généralement une indication à la transfusion préventive de plaquettes. La prise en charge préventive et curative et notamment la stratégie
transfusionnelle adoptée au sein de l’équipe soignante

162 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 163
Références sélectionnées
1. Prusakowski M K., Cannone D, Pediatric Oncologic Emergencies Hematol Oncol

18
Clin N Am 2017; 31: 959–980
2. Kyrnetskiy E E, Kun B.S E, Boop F A, R A Sanford, Khan R B, Types, causes, and
outcome of intracranial hemorrhage in children with cancer J Neurosurg 2005,
102: 31–35 LES HYPERCALCÉMIES
3. Athale U H., Chan A K.C., Hemorrhagic Complications in Pediatric Hematologic
Malignancies Seminars in thrombosis and hemostasis 2007, 33 (4): 408-415 EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE
4. Noje C, Cohen K, Jordan L C Hemorrhagic and ischemic stroke in children with
cancer Pediatr Neurol. 2013; 49(4): 237–242
Sarra Benmiloud
Service de pédiatrie, Hôpital d’enfant,
CHU Hassan II, Fès

Objectifs pédagogiques
 Comprendre les mécanismes de survenue d’une hypercalcémie en
oncologie pédiatrique ;
 Savoir interpréter la calcémie ;
 Connaître l’expression clinico-biologique de l’hypercalcémie ;
 Savoir prendre en charge une hypercalcémie.

Vignette
Samir, âgé de 7 ans, admis pour prise en charge d’une tuméfaction de la cuisse
droite augmentant progressivement de volume depuis 1 mois et demi. Le
tableau clinique s’est aggravé depuis 7 jours avec apparition d’une impotence
fonctionnelle, une asthénie, anorexie, des vomissements, une somnolence et une
polyuro-polydipsie. L’examen clinique a trouvé une masse de la partie supérieure
de la cuisse droite, fixe, indolore, de consistance ferme, mesurant 8 x 10 cm et
une pâleur culanéo-muqueuse. L’échographie et la TDM ont montré une masse
inguinale gauche mesurant 11 x 13 cm avec présence d’adénopathies loco-
régionales. La biopsie de la masse a mis en évidence un rhabdomyosarcome de
type alvéolaire. Le bilan d’extension a objectivé des métastases pulmonaires. Le
bilan biologique dans le cadre de la préparation à la chimiothérapie a objectivé
une anémie à 9 g/dl, et une hypercalcémie à 140 mg/l.
Comment expliquez-vous les signes digestifs, rénaux et neurologiques ?
Quels autres bilans complémentaires proposez-vous ?
Quelle est votre conduite à tenir immédiate ?

164 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 165
Introduction  aussi une surproduction des analogues de la vitamine D par les cellules malignes
L’hypercalcémie est une complication rarement observée chez les enfants atteints lors d’hypercalcémie associée à des lymphomes, particulièrement dans la maladie
de cancer (incidence de 0,4 à 0,7%) [1,2]. Il s’agit d’une urgence oncologique de Hodgkin [4]. Rarement, l’hypercalcémie est liée à une sécrétion ectopique de
liée à un désordre métabolique (hypercalcémie) responsable d’une variété de la PTH par les cellules tumorales.
symptômes ; allant de la confusion et la polyurie jusqu’au coma et au décès du
patient [3]. Son traitement n’est pas bien codifié chez l’enfant et s’inspire souvent Manifestations cliniques
des recommandations pour les patients adultes. L’hypercalcémie est responsable d’une atteinte cardiaque, digestive, rénale
L’hypercalcémie peut concerner tous les enfants atteints de cancers qu’ils soient et neurologique, à l’origine de symptômes non spécifiques et qui ne sont nets
hématologiques ou solides [2]. Cependant, les signes cliniques révélateurs ne que lorsque la calcémie dépasse 3 mmol/l (120 mg/l). Généralement, les
sont pas spécifiques, ils sont difficilement attribuables à la seule hypercalcémie signes cliniques sont d’autant plus sévères et fréquents que l’hypercalcémie
et peuvent être liés à la pathologie tumorale sous-jacente. Les principaux cancers est d’installation rapide et/ou que son taux est élevé [1,6]. Il peut s’agir d’une
pédiatriques associés à une hypercalcémie sont le rhabdomyosarcome alvéolaire asthénie, une faiblesse musculaire, une anorexie, des nausées, des vomissements,
avec métastases multiples, l’hépatoblastome, le lymphome, les tumeurs une constipation, des douleurs abdominales, une hypertension artérielle (HTA),
cérébrales, le neuroblastome, l’angiosarcome, les tumeurs rhabdoïdes (rénales une léthargie, une somnolence, une confusion, et surtout une polyuro-polydipsie
ou extra-rénales) et moins fréquemment les leucémies aigues lymphoblastiques entrainant une déshydratation [4,7]. Une hypovolémie avec déshydratation est
et myéloblastiques. souvent présente ; ce qui entretient l’élévation de la calcémie. Elle est en rapport
avec les troubles digestifs ou les anomalies rénales en plus de l’incapacité des
Physiopathologie patients à ingérer des fluides. Il est important de noter que l’hypercalcémie peut
Plusieurs mécanismes sont incriminés dans la pathogénèse de l’hypercalcémie précipiter une lésion rénale aiguë, un diabète insipide néphrogénique et des
d’origine tumorale. Il s’agit principalement de quatre mécanismes en rapport troubles du rythme cardiaque. En l’absence du traitement, une hypercalcémie
avec une destruction osseuse par les cellules néoplasiques, une hypercalcémie sévère (supérieure à 4 mmol/l) peut être responsable de complications graves
maligne humorale, une production d’analogues de la vitamine D, ou une sécrétion tel qu’un coma avec convulsions, une insuffisance rénale aiguë, une HTA sévère et
ectopique de la parathormone (PTH) [4]. L’hypercalcémie maligne humorale des arythmies cardiaques (raccourcissement de QT, troubles du rythme et de la
représente le mécanisme le plus fréquemment décrit [4,5]. Elle est liée à la conduction) mettant en jeu le pronostic vital du patient [4].
production par les cellules tumorales d’un analogue de la PTH appelé protéine
apparentée à l’hormone parathyroïdienne (parathyroid hormone related protein Diagnostic
(PTH-rP)). C’est un messager tissulaire local qui est similaire à la PTH par Les symptômes liés à l’hypercalcémie étant peu spécifiques, le diagnostic de cette
sa structure et qui mime les effets de celle-ci ; entrainant une activation de la perturbation métabolique repose essentiellement sur les analyses du laboratoire.
résorption osseuse, la réabsorption rénale tubulaire distale du calcium, et la perte L’hypercalcémie se définit par un taux de calcium plasmatique supérieur à 105
rénale du phosphore [4,5]. mg/l ou 2,60 mmol/l. Le chiffre de calcémie doit toujours être interprété en
D’autre part, l’hypercalcémie peut être le résultat de l’action ostéolytique directe fonction du taux d’albumine plasmatique. Si l’albumine est abaissée, la calcémie
de la tumeur ou des métastases sur l’os, ce qui implique des lésions osseuses peut apparaître normale alors qu’elle est en réalité élevée. L’hypercalcémie peut
comme en cas des leucémies et lymphomes. La production locale de facteurs par être découverte fortuitement, à l’occasion d’un bilan sanguin systématique, mais
les cellules tumorales ou de l’immunité est responsable d’une augmentation de elle peut aussi être découverte dans le cadre de l’urgence. Selon le niveau du
l’activité ostéoclastique. En effet, les cellules malignes sécrèteraient des facteurs calcium ionisé, on parle d’hypercalcémie légère si son taux est < 60 mg/l, une
d’activation des ostéoclastes (cytokines, PGE, TNF, IL1-IL6…) responsables hypercalcémie modérée si son taux est entre 60 et 74 mg/l et d’hypercalcémie grave
d’ostéolyse avec hypercalcémie, hypercalciurie, hyperphosphorémie, suppression si son taux dépasse 74 mg/l. Étant un ion très lié aux protéines plasmatiques, il est
de la sécrétion de la PTH et de la vitamine D active. Certains auteurs ont rapporté important de calculer la calcémie corrigée en se basant sur l’albuminémie à l’aide

166 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 167
de la formule suivante : calcémie corrigée (mmol/L) = calcium mesuré (mmol/L) + à doses très élevées (1 à 2 mg/kg toutes les 4 à 6 heures) permet d’obtenir une
(0,02 x [40-albumine mesurée] g/L) [4,5]. On considère l’hypercalcémie comme élimination urinaire importante du calcium, mais elle ne doit être utilisée qu’après
légère lorsque la calcémie corrigée se situe entre 2,6 et 3,0 mmol/L, elle est dite correction de la déshydratation et nécessite une compensation rigoureuse des
modérée lorsque la calcémie est entre 3,0 et 3,5 mmol/L (>120 mg/l), et grave pertes hydro-électrolytiques (le furosémide peut précipiter une néphrocalcinose
lorsque la calcémie dépasse 3,5 mmol/L (> 150 mg/l). si l’enfant n’a pas été réhydraté) [4,5,9]. Au cours de l’hyperhydratation avec ou
Le calcium ionisé est le meilleur paramètre pour le suivi de l’hypercalcémie, car sans utilisation de diurétiques, il faut évaluer le bilan des ingesta/excréta avec une
il n’est pas influencé par le taux de protéines plasmatiques ou d’albumine [4,5]. surveillance quotidienne du phosphore, la créatinine, le magnésium, le potassium
Cependant, la majorité des recommandations concernant le traitement de et le sodium.
l’hypercalcémie se basent sur le taux du calcium total corrigé [4]. Par ailleurs, Le traitement spécifique de l’hypercalcémie est basé sur l’utilisation de
il est recommandé de mesurer le calcium ionisé des patients en cas de doute médicaments inhibant la résorption osseuse ostéoclastique. À l’heure actuelle,
sur la validité des résultats du calcium total. L’association d’hypercalcémie à un les biphosphonates sont les traitements les plus efficaces pour corriger les
taux plasmatique bas de la PTH (inférieurs à 20 ng/L) doit faire suspecter une hypercalcémies. Il s’agit d’analogues du pyrophosphate inorganique endogène
hypercalcémie d’origine humorale [3]. La mise en évidence de lésions osseuses caractérisés par leur grande affinité pour l’os et leur liaison à l’hydroxyapatite.
lytiques à l’imagerie laisse entendre, quant à elle, une hypercalcémie liée à une Les biphosphonates sont des puissants inhibiteurs de la résorption osseuse en
résorption osseuse. bloquant l’activité des ostéoclastes. Ils sont généralement bien tolérés et doivent
être administrés dès les premières heures de la prise en charge. Il existe une relation
Prise en charge dose-effet entre les bisphosphonates et la baisse de la calcémie. Cependant,
L’hypercalcémie est une urgence métabolique. Le traitement immédiat de l’expérience pédiatrique en cas d’hypercalcémie sévère est plus restreinte et
l’hypercalcémie symptomatique se base sur le traitement de l’hypovolémie concerne des petites séries [10]. L’utilisation du zolédronate (Zometa®), en
afin d’augmenter l’excrétion rénale du calcium et de diminuer la fuite calcique intraveineux lent sur 15 minutes et à la dose de 4 mg chez le grand enfant, est
de l’os. Le traitement immédiat dépend de la gravité de l’hypercalcémie et de souvent remarquablement efficace, son action est plus lente mais plus puissante
la présence ou non de manifestations cliniques [4]. Le traitement à long terme et plus soutenue [4]. Le pamidonate (Aredia®) à la dose de 0,5 - 1 mg/kg en
exige le contrôle de la croissance tumorale et l’utilisation d’agents qui diminuent injection intraveineuse lente de quatre heures (0,5 mg/kg/j si enfant > 2 ans et 1
le renouvellement osseux et la libération du calcium. En cas de calcémie corrigée mg/kg/j si enfant < 2 ans, avec un maximum de 90 mg) est très efficace, mais son
inférieure à 3,5 mmol/L et en l’absence de symptômes cliniques, le patient peut action n’est pas immédiate (3 à 5 jours) [1,10]. Il constitue, selon plusieurs auteurs,
être traité de manière non urgente, tandis que, les patients symptomatiques ou l’agent de choix surtout pour les patients souffrants d’insuffisance rénale [1,11]. En
en cas de calcémie corrigée supérieure à 3,5 mmol/L ; une thérapie immédiate cas d’administration de pamidronate, il est nécessaire de surveiller les paramètres
est nécessaire. biologiques pendant 15 jours après l’injection pour s’assurer de l’absence d’un effet
retardé (hypocalcémie, hypophosphorémie ou hypomagnésémie). Lorsqu’une
Dès l’admission du patient, il est primordial d’éliminer toutes les causes réponse partielle est obtenue après l’administration de la première dose des
médicamenteuses pouvant entrainer une hypercalcémie, tel que : une biphosphonates, une deuxième dose peut être administrée 7 à 10 jours plus
supplémentation en calcium ou en vitamine D, les diurétiques thiazidiques, les tard. Les biphosphonates peuvent être administrés tous les 21 à 28 jours afin
antiacides contenant du calcium… [3,4]. La prise en charge symptomatique se base de maintenir une normocalcémie, dans l’attente d’entreprendre un traitement
sur une hyperhydratation et l’administration des biphosphonates (figure 1) [1,5,8,9]. définitif de la tumeur [1,7].
La perfusion du sérum physiologique (2-3 l/m²) est indispensable pour corriger la La calcitonine (Calcitar®), à la dose de 2 à 4 U/kg par voie sous-cutanée ou
déshydratation (DHA) et compenser les pertes induites par l’hypercalcémie. Elle intramusculaire (éventuellement répétée après 12 heures si besoin) a un effet très
est efficace rapidement mais à court terme (2-3 jours), elle abaisse la calcémie par rapide (dans les 4 à 6 heures). Elle inhibe la résorption osseuse et dans une moindre
dilution et augmentation de l’excrétion urinaire du calcium. Le furosémide (lasilix®) mesure elle inhibe la réabsorption rénale de calcium dans le tube distal, mais son

168 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 169
effet est modéré et limité à quelques jours. Par ailleurs, une tachyphylaxie à ce
HYPERCALCÉMIE
médicament peut se développer en 48 à 72 heures [3,10,12]. La calcitonine devrait AIGÜE
donc être utilisée en combinaison avec le pamidronate ou l’acide zolédronique chez
les patients ayant une hypercalcémie aiguë très grave (calcium total corrigé > 4,0
mmol/L), dans l’attente de l’effet complet des biphosphonates. Elle pourrait aussi CALCIUM IONISÉ
CRÉATININÉMIE
être indiquée chez les patients dont la fonction rénale ne permet pas l’utilisation de PHOSPHORE
PH SANGUIN
BICARBONATES
biphosphonates. Le kétoconazole (Nizoral®) est un bon moyen pour contrôler une PTH +/6PTH - RP

hypercalcémie liée à un excès de production de la vitamine D, mais il y a un risque


d’hépatite cytolytique. Les corticoïdes (2 mg/kg/j de prednisone) peuvent être FONCTION INSUFFISANCE
utilisés en cas de pathologies tumorales répondant à la corticothérapie. Ils agissent RÉNALE NORMALE RÉNALE

en diminuant le métabolisme du 1,25-dihydroxy-vitamine D, ils augmentent la EPURATION

production de calcitriol par les macrophages et diminuent l’absorption intestinale S Y M P T Ô M E S G R AV E S


EXTRA-RÉNALE

de calcium. Ils sont indiqués aussi en cas d’hypercalcémie réfractaire aux autres P AT I E N T I N S TA B L E

traitements. Une épuration extra-rénale peut être envisagée pour traiter une HYPERHYDRATATION
(+/- DIURÉTIQUES) +
hypercalcémie sévère associée à une insuffisance rénale aigue ou en cas de non CALCITONIE + BIPHOSPHONATE ECHEC

réponse aux autres traitements [4]. CORTICOÏDES


ECHEC
SYMPTÔMES LÉGERS A S Y M P T O M AT I Q U E
La prise en charge de l’hypercalcémie est nécessaire avant de commencer le EPURATION
EXTRA-RÉNALE
traitement anti-tumoral qui reste le moyen le plus sûr de normaliser en quelques HYPERHYDRATATION HYDRATATION

jours et de façon durable la calcémie. Lorsque la tumeur est opérable d’emblée, + BIPHOSPHONATE ECHEC MOBILISATIOIN

l’exérèse chirurgicale entraîne une normalisation encore plus rapide de la calcémie. CORTICOÏDES

Figure 1 : Prise en charge d’une hypercalcémie aigue d’après Tucci et al. [8].
Ce qu’il faut retenir 
 L’hypercalcémie est une urgence métabolique.
 La présentation clinique de l’hypercalcémie est très trompeuse et polymorphe.
Références séléctionnées :
1. Kerdudo C, Aerts I, Fattet S, et al. Hypercalcémie chez l’enfant cancéreux.
 Son diagnostic est biologique : calcémie corrigée > 2,6 mmol/l.
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 Deux mécanismes principaux sont responsables de l’hypercalcémie dans les
2. McKay C, Furman WL. Hypercalcemia complicating childhood malignancies.
pathologies tumorales : l’accélération de la résorption osseuse et la destruction
Cancer 1993;72:256–60.
osseuse localisée suite à l’action directe des cellules tumorales.
3. Santarpia L, Koch CA, Sarlis NJ. Hypercalcemia in cancer patients: pathobiology
 La mesure initiale à instaurer en cas d’hypercalcémie est une hyperhydratation.
and management. Horm Metab Res 2010;42:153-64.
 Les diurétiques ne doivent être administrés qu’après réplétion volumique.
4. Morton AR, Lipton A. Hypercalcemia. Dans : Abeloff MD, Clinical Oncology 3e
 Les biphosphonates devraient être administré à la plupart des patients. Le
édition, Philadelphie : Elsevier 2004;957-72.
pamidronate est l’agent de choix.
5. Behl D, Wahner Hendrickson A, Moynihan TJ. Oncologic emergencies. Crit Care
 La calcitonine devrait être administrée en concomitance avec un biphosphonate
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lors d’hypercalcémie très grave.
6. Poirée M, Dupont A, Gondonb E, et al. Hypercalcémie menaçante révélatrice
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2015 ;22 :608–612.
7. Reagan P, Pani A, Rosner MH. Approach to Diagnosis and Treatment of
Hypercalcemia in a Patient With Malignancy. Am J Kidney Dis 2013;1-7.

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9. Sargent J, Smith O. Haematological emergencies managing hypercalcemia in
adults and children with harmatological disorders. BJH 2010;149:465-77. LE SYNDROME DE SÉCRÉTION
10. Schmid I, Stachel D, Schon C, et al. Pamidronate and calcitonin as therapy of
acute cancer-related hypercalcemia in children. Klin Padiatr 2001;213:30-4.
INAPPROPRIÉ D’HORMONE
11. Makras P, Papapoulos SE. Medical treatment of hypercalcemia. Hormones ANTIDIURÉTIQUE
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12. Lietman SA, Germain-Lee EL, Levine MA. Hypercalcemia in children and Sarra Benmiloud
Service de pédiatrie, Hôpital d’enfant,
adolescents. Curr Opin Pediatr 2010;22:508-15. CHU Hassan II, Fès

Objectifs pédagogiques
 Comprendre le mécanisme de survenue d’un syndrome de sécrétion
inapproprié d’ADH
 Connaître ses principales étiologies
 Savoir l’évoquer devant des signes cliniques et/ou biologiques
 Connaître les methodes de prise en charge

Vignette
Nizar garçon âgé de 4 ans et demi, admis pour prise en charge d’un neuroblastome
surrénalien droit avec métastases osseuses et ganglionnaires. Le bilan biologique
dans le cadre de la préparation à la chimiothérapie n’a pas objectivé d’anomalies
avec un ionogramme et une fonction rénale normaux. Au cours de la première cure
à base de cisplatine et étoposide, l’enfant a présenté des céphalées, une léthargie,
une désorientation, une somnolence et une oligurie dans un contexte apyrétique
sans signes de déshydratation. Le bilan biologique a objectivé une hyponatrémie
à 118 meq/l, une kaliémie à 4 meq/l, une hypo-osmolarité plasmatique à 260
mOsm/l, une urée à 0,2 g/l et une créatinine à 6 mg/l.
Comment expliquez-vous les signes neurologiques et l’oligurie ?
Quels sont les autres complémentaires à demander ?
Quelle est votre conduite à tenir immédiate ?

172 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 173
Introduction (cyclophosphamide à forte dose, melphalan et chlorambucil), les opioïdes, les
Le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) antidépresseurs, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, et le cisplatine [3,7,8].
correspond à un désordre de la balance hydro-sodée de l’organisme. Il est Enfin, les métastases pulmonaires et du système nerveux central (SNC) peuvent
caractérisé par une incapacité à excréter l’eau de manière appropriée à l’origine provoquer le SIADH indépendamment du type de malignité [3]. La vincristine
d’une hyponatrémie hypotonique, une hypo-osmolarité plasmatique associée et, dans une moindre mesure, la vinblastine induisent le SIADH en modifiant le
à un trouble du pouvoir de dilution des urines [1]. Il fut décrit initialement par contrôle osmotique normal de la sécrétion d’ADH par un effet neurotoxique sur
Schwartz et Bartter en 1957 chez des patients hyponatrémiques atteints de l’axe hypothalamo-hypophysaire [9]. Le cyclophosphamide induit le SIADH en
cancers bronchiques, puis, il fut rapporté dans de nombreuses situations cliniques potentialisant les actions de l’AVP sur les reins, et éventuellement en stimulant la
[2]. C’est l’étiologie la plus fréquente de l’hyponatrémie en oncologie [3,4]. Cette sécrétion d’AVP [9]. Cela peut conduire à une intoxication hydrique, même lorsque
hyponatrémie est associée à une morbidité et à une mortalité significatives chez des doses modérées du cyclophosphamide sont utilisées, car les patients sont
les patients atteints de cancer [4,5]. Les symptômes attribuables à l’hyponatrémie encouragés à boire de grandes quantités de liquide afin de prévenir la cystite
tels que la confusion, la léthargie et les maux de tête, peuvent compromettre la chimique. De même, les opioïdes et les antidépresseurs stimulent la sécrétion d’AVP,
qualité de vie. La restriction des liquides, souvent nécessaire au traitement du tandis que les anti-inflammatoires non stéroïdiens potentialisent les effets de l’AVP
SIADH, peut limiter la nutrition. dans les tubules rénaux. Le cisplatine stimule la sécrétion d’AVP pour provoquer le
SIADH, mais il peut également endommager directement les tubules rénaux pour
Etiopathogénie interférer avec la réabsorption du sodium, qui dans de rares cas peut conduire à
Décrit généralement comme un phénomène paranéoplasique, le SIADH est une hyponatrémie via une néphropathie provoquant une perte de sel [9].
caractérisé par une libération inappropriée ou persistante de l’hormone Le SIADH est moins fréquent chez les enfants atteints de cancer. Il constitue un
antidiurétique (ADH) ou vasopressine (AVP) dont l’augmentation de la sécrétion syndrome paranéoplasique observé dans les leucémies ou les lymphomes au
provoque un taux réduit d’excrétion d’eau libre, une hypertonie urinaire limitant cours desquels une substance « ADH-like » serait libérée par les blastes lors du
les capacités d’excrétion de l’eau libre, ce qui conduit à sa rétention induisant ainsi traitement d’induction. En pédiatrie, il est généralement lié aux effets secondaires
une hypo-osmolarité sérique et une hyponatrémie [2,4]. Ce syndrome peut être lié de la chimiothérapie [10,11], aux lésions cérébrales provoquées par la chirurgie
au cancer, au traitement anticancéreux ou à d’autres traitements concomitants. ou par la radiothérapie ou bien, dans de rares cas, il résulte de tumeurs sécrétant
Sa pathogénie est liée à la perte des mécanismes de rétroaction normaux et à l’ADH mais aussi l’ocytocine et la neurophysine I et II [11].
la libération de l’ADH par les noyaux supra-optiques et paraventriculaires de Bien que le SIADH lié au cancer soit une entité commune et cliniquement
l’hypothalamus, de sorte que les tumeurs, les métastases ou les chirurgies au significative, plusieurs questions demeurent sans réponse. Tout d’abord, la
niveau de cette région peuvent contribuer au développement de ce syndrome distribution des étiologies du SIADH chez les patients atteints de cancer est
[6]. Cependant, il peut résulter de variables indépendantes de l’emplacement, y inconnue. Deuxièmement, on ne sait pas quelles affections malignes sont le
compris le stress, la douleur et les nausées. plus souvent associées au SIADH en pratique clinique. Troisièmement, on
De nombreuses tumeurs sécrètent de l’AVP ectopique ou un peptide de type ne sait pas si la sévérité du SIADH est associée aux différentes étiologies ou
vasopressine. Le SIADH est typiquement rapporté dans le carcinome pulmonaire malignités. Quatrièmement, on ne sait pas si la malignité associée au SIADH
à petites cellules. Il est plus fréquent chez les patients atteints d’un cancer du est principalement liée à l’histologie, au stade de la maladie ou principalement
poumon, de la tête, du cou et du sein, alors qu’il est moins fréquent dans les autres causée par une atteinte pulmonaire ou du SNC.
types de tumeurs malignes [7]. Il a également été observé dans les néoplasmes
pancréatiques, les lymphomes, les thymomes, le mésothéliome et les tumeurs Présentations cliniques
cérébrales primaires et métastatiques. Les patients présentant un SIADH peuvent être asymptomatiques ou présenter
Le SIADH a été décrit comme une complication du traitement par un certain nombre des symptômes non spécifiques tels qu’une prise de poids, des nausées, des
de médicaments, tels que les vinca-alcaloïdes, la vinorelbine, les agents alkylants vomissements, et une oligurie. Cependant, ces symptômes peuvent évoluer vers

174 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 175
un tableau d’intoxication hydrique avec apparition des céphalées, une léthargie, Critères diagnostiques essentiels Critères diagnostiques supplémentaires
une désorientation, des hallucinations auditives et visuelles, des troubles sévères 1. Osmolalité plasmatique réduite (<275 mOsm/kg) 1. Pas d’utilisation de diurétiques
de la marche jusqu’aux convulsions, coma voire le décès en l’absence du
traitement [10,12]. Généralement, des mécanismes adaptatifs sont activés pour 2. Osmolalité urinaire élevée (> 100 mOsm/kg) 2. Acide urique sanguin diminué (<4 mg/dl)
extruder initialement les solutés inorganiques (par exemple les sels de sodium et 3. Statut euvolémique 3. Azote de l’urée sanguine diminué (<10 mg/dl)
de potassium) et ensuite les solutés organiques (par exemple glutamate, myo-
4. Sodium urinaire élevé (> 30 mmol/L) 4. Augmentation de la fraction d’excrétion du
inositol) des cellules cérébrales afin de limiter l’œdème cérébral. Les mécanismes sodium rénale (> 1%)
adaptatifs du cerveau sont généralement terminés dans les 48 heures, ce qui 5. Fonction rénale, thyroïdienne et surrénalienne
explique pourquoi les diminutions sériques du sodium sérique peuvent ne pas causer normales 5. Augmentation de la fraction d’excrétion d’urée
(> 55%)
de symptômes. Cependant, ces mécanismes adaptatifs peuvent être dépassés
Tableau I : Critères diagnostiques du SIADH (Critères classiques Schwartz et Bartter) [2,13].
par des diminutions sériques importantes ou rapides du sodium, ce qui explique
l’apparition de symptômes dans de tels cas. Sur la base de la période d’adaptation
cérébrale, l’hyponatrémie est classée comme aiguë si elle se développe dans les Prise en charge
48 heures ou chronique si elle se développe sur plus de 48 heures [12]. En cas La prise en charge thérapeutique dépend de la gravité des symptômes cliniques.
d’hyponatrémie aiguë sévère (<120 meq/l), les symptômes neuromusculaires Généralement, le traitement de la tumeur sous-jacente est la pierre angulaire du
et neurologiques peuvent s’aggraver avec l’apparition de crampes musculaires traitement du SIADH [8]. En cas d’hyponatrémie asymptomatique ou légère, le
voire une rhabdomyolyse et une encéphalopathie hyponatrémique. Une atteinte traitement repose avant tout sur une restriction hydrique suffisante pour négativer
cardio-pulmonaire avec tachypnée, dyspnée, bradycardie et hypertension peut le bilan hydrique (entre 500 et 1000 ml/jour) [13,14]. Tout médicament connu
également survenir. Ces symptômes sévères d’hyponatrémie sont causés par pour causer le SIADH doit être arrêté chaque fois que possible et remplacé par
l’entrée d’eau dans les cellules du cerveau causant un œdème cérébral et une un autre agent qui ne cause pas d’hyponatrémie. Si les patients continuent d’être
augmentation de la pression intracrânienne qui se produisent habituellement hyponatrémiques malgré la restriction liquidienne, l’utilisation de diurétiques
lorsque l’hyponatrémie se développe rapidement et que la capacité du cerveau à associée à une supplémentation sodée peut être utile. Il est important de
s’adapter à son environnement hypotonique est surmontée. considérer tous les liquides dans la restriction ; en plus du degré de restriction
nécessaire, la production d’urine et la perte de liquide insensible doivent être
Diagnostic prises en compte. Les liquides doivent être 500 ml de moins que la production
Le diagnostic du SIAHD est en pratique un diagnostic d’exclusion (Tableau I) quotidienne d’urine [8,13]. Cependant, cette approche nécessite quelques jours
[13]. L’hyponatrémie peut être détectée accidentellement lors de tests de routine avant le début de l’effet et la compliance du patient est souvent médiocre. Cette
avant ou pendant le traitement du cancer ou peut être suggérée par la présence restriction hydrique pose un défi particulier chez les patients en oncologie
de symptômes principalement neurologiques [14]. Les principaux critères sont nécessitant un traitement urgent avec le cisplatine, car les patients doivent être
une hyponatrémie (sodium sérique < 135 meq/l) associée à une hypo-osmolalité suffisamment hydratés lorsqu’ils reçoivent cet agent [13]. Une deuxième option
plasmatique (< 275 mOsm/kg) et une augmentation inapropriée de l’osmolalité consiste à traiter d’abord le cancer, ce qui pourrait également entraîner une
urinaire (> 100 mOsm/kg) chez les patients ayant un volume extracellulaire amélioration de l’état sodique, tout en surveillant attentivement l’hyponatrémie
normal. Il est également crucial d’évaluer la concentration du sodium dans (si le traitement anticancéreux est jugé plus urgent). L’approche de ces patients
l’urine, qui est habituellement > 30 mmol/l (ou > 30 meq/l), et la concentration devrait être dictée par le tableau clinique spécifique et par le meilleur jugement
plasmatique d’urée et de créatinine. L’hypothyroïdie, l’insuffisance surrénale et médical du médecin traitant.
rénale, la cirrhose, l’insuffisance cardiaque, la prise de diurétique, le syndrome La plupart des patients s’améliorent suite à une restriction hydrique seule,
néphrotique et la déshydratation devraient également être exclues en tant que cependant, l’observance peut être mauvaise parce que l’ADH stimule aussi la soif.
diagnostic différentiel [2]. La correction de l’hyponatrémie devient une urgence lorsque les taux sériques sont

176 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 177
en dessous de 115-120 meq/l. L’hyponatrémie grave et symptomatique nécessite 1. Heng A.E, Lautrette A, Deteix P, Souweine B. Syndrome de sécrétion inappropriée
souvent l’administration d’une solution saline hypertonique (avec ou sans d’hormone antidiurétique: diagnostic et prise en charge. Réanimation. 2006 ;
furosémide). Chez les patients symptomatiques présentant une hyponatrémie de 15:490-496.
plus de 48 heures, la correction des taux sériques du sodium doit être lente (1,5-2 2. Schwartz WB, Bennet W, Curelop S, Bartter FC. A syndrome of renal sodium
meq/l/h), sans dépasser 12-15 meq dans les 24 premières heures, pour éviter le loss and hyponatremia probably resulting from inappropriate secretion of
risque de la myélinolyse centro-pontique. Si le patient est asymptomatique, la antidiuretic hormone. Am. J. Med. 1957;23, 529-542.
correction doit être plus lente (0,5 meq/l/h) sans dépasser 10-12 meq dans les 3. Rosner MH, Dalkin AC. Electrolyte disorders associated with cancer. Adv
24 premières heures. Si le patient présente des symptômes neurologiques, l’ajout Chronic Kidney Dis. 2014;21:7-17.
de furosémide par voie intraveineuse toutes les 4 heures augmente l’excrétion 4. Doshi MS, Shah P, Lei X, Lahoti A, Salahudeen AK. Hyponatremia in hospitalized cancer
de l’eau libre lorsque des solutions salines sont administrées. Par conséquent, patients and its impact on clinical outcomes. Am J Kidney Dis. 2012;59:222-8.
le taux de sodium sérique doit être augmenté de manière contrôlée : le taux de 5. Goldvaser H, Rozen-Zvi B, Yerushalmi R, Gafter-Gvili A, et al. Malignancy
correction doit être <12 meq/l en 24 heures et <18 meq/l en 48 heures [8]. Les associated SIADH: Characterization and clinical implications. Acta Oncol. 2016
patients atteints d’hyponatrémie sévère présentant une altération de l’état de Sep - Oct;55(9-10):1190-1195.
conscience ou des convulsions sont généralement traités avec une solution saline 6.  Williams C, Simon TD, Riva-Cambrin J, Bratton SL. Hyponatremia with
hypertonique (3%), administrée à raison de 3 ml/kg pendant 30 à 60 minutes, intracranial malignant tumor resection in children. J Neurosurg Pediatr.
augmentant ainsi rapidement le sodium sérique de 4 à 6 meq/l. Le traitement 2012;9:524-529.
avec une solution saline hypertonique doit être arrêté dès que les symptômes 7. Castillo JJ, Vincent M, Justice E. Diagnosis and Management of Hyponatremia
disparaissent, qu’une concentration sérique sûre en sodium est atteinte ou que in Cancer Patients. Oncologist. 2012;17(6):756-65.
les limites maximales de correction du sodium sont atteintes. L’approche de 8. Verbalis JG, Goldsmith SR, Greenberg A, et al. Hyponatremia treatment
traitement de l’émaciation du sel et d’autres états hypovolémiques diffère : une guidelines 2007: expert panel recommendations. Am J Med. 2007;120(11 Suppl
solution saline isotonique (0,9%) est généralement administrée jusqu’à ce que le 1):S1-S21.
déficit volumique soit corrigé et que le patient retourne à un état euvolémique [8]. 9. Liamis G, Milionis H, Elisaf M. A review of drug induced hyponatremia. Am J
Les antagonistes des récepteurs d’AVP (le lithium, l’urée et la déméclocycline) sont Kidney Dis. 2008;52:144-153.
sélectifs pour le récepteur V2 dans les canaux collecteurs rénaux. Ils représentent 10. Lanzkowsky P, editor. Management of oncologic emergencies. Manual of
une nouvelle option thérapeutique pour l’hyponatrémie due au SIADH [13]. Il s’agit pediatric hematology and oncology. Amsterdam: Elsevier/Academic Press;
d’antagonistes sélectifs des récepteurs de la vasopressine dont l’utilisation est 2011;p. 839-56.
limitée en raison de leur disponibilité dans différents pays et de leur tolérance. 11. Prusakowski MK, Cannone D. Pediatric Oncologic Emergencies. Hematol Oncol
Clin North Am. 2017 Dec;31(6):959-980.
Ce qu’il faut retenir 12. Adrogue HJ. Consequences of inadequate management of hyponatremia. Am
 Le SIADH est la cause la plus fréquente de l’hyponatrémie en oncologie. J Nephrol. 2005; 25: 240-249.
 Le SIADH doit être suspecté en cas d’hyponatrémie normovolémique chez un
patient atteint d’un cancer. 13. Berardi R, Rinaldi S, Caramanti M, Grohè C, et al. Hyponatremia in cancer
 La vincristine, le cyclophosphamide et le cisplatinum sont les principales patients: Time for a new approach. Crit Rev Oncol Hematol. 2016 Jun;102:15-
drogues responsables du SIADH. 25.
 Le traitement du SIADH repose avant tout sur une restriction hydrique. 14. Adrogue HJ, Madias NE. Hyponatremia. N Engl J Med. 2000; 342: 1581-1589.
 Le traitement de la tumeur sous-jacente est la pierre angulaire du traitement
du SIADH.
Références sélectionnée

178 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 179
La transfusion sanguine est de pratique courante en situation urgente en
oncologie pédiatrique. Elle fait partie intégrante des soins de support. Son

20
bénéfice doit cependant être toujours étudié attentivement pour ne pas exposer
le patient aux risques nombreux auxquels il peut être exposé suite à la transfusion.
CONDUITE DE LA TRANSFUSION Chez l’enfant, les complications liés à la transfusion sont plus fréquentes que chez
AUX URGENCES EN ONCOLOGIE l’adulte et ce d’autant que les patients sont souvent immunodéprimés et parfois
polytransfusés. Étant donnés les risques liés à cette pratique des règles de sécurité
PÉDIATRIQUE doivent toujours être observées. Ces règles y compris les seuils transfusionnels
et les conduites en cas de complications sont au mieux définies par l’institution et
Mhamed Harif validés par le comité d’hémovigilance.
Service de pédiatrie, Hôpital d’enfant,
CHU Tanger-Tétouan-Al Hoceima

Latifa Loukhmas
En situation d’urgence, le risque est plus élevé du fait de la célérité requise pour
Hôpital Cheikh Khalifa Ben Zaid, Casablanca l’acte transfusionnel. Il convient cependant de s’armer de la plus grandes prudence
car la morbidité additionnelle de la transfusion peut être particulièrement néfaste.
Aussi, chaque que fois possible la transfusion est à faire par les équipes habitué à
cet acte et de préférence durant la journée.

Il convient de rappeler que l’acte transfusionnel est un acte médical qui engage
Objectifs pédagogiques la responsabilité du médecin qui peut déléguer sa réalisation et surveillance à
 Savoir indiquer la transfusion urgente ; une infirmière formée à cette pratique. Il doit dans ce cas être disponible à tout
 Savoir prescrire le produit approprié et sa posologie ; moment.
 Savoir conduire la transfusion dans les situations urgentes ;
 Savoir reconnaitre et gérer les complications aigües.
Rappel des principaux produits sanguins labiles
Les produits sanguins requis peuvent être standards mais peuvent également
Vignette nécessiter des qualifications spécifique au patient (Tableau I). Il est important
Othman est un garçon âgé de 11 ans. Il présente une leucémie aigue myéloblastique que le médecin dispose d’informations relatives à la maladie et son traitement
de type M5. Son poids est de 30 Kg. Il a reçu une cure de chimiothérapie associant pour pouvoir prescrire le produit sanguin adéquat. Il convient de rappeler que le
aracytine à hautes doses et VP16 il y a 10 jours. L’infirmière signale une fièvre à nouveau-né peut présenter des difficultés de groupage du fait de l’absence de
38.5°C. L’examen trouve une mucite de grade II et quelques taches purpuriques au production des anticorps anti-A et anti-B. La sélection du produit à transfuser à
tronc. Son hémogramme du jour montre : cet âge doit prendre en compte son groupage et celui de sa mère. Le groupage
GR: 2.1 M, Hb: 6.7 g/dl, Ht: 25%, VGM: 79fl, CCMH: 32%, TCMH: 26pg, GB: 650/ doit par ailleurs être refait à l’âge de 6 mois.
mm3, PNN: 250/mm3, PNE:0, PNB:0, Lc: 400/mm3, Plaq. 17 000/mm3
Les parents signalent qu’une recherche de compatibilité de greffe de moelle dans
la fratrie est en cours.
Faut-il procéder à une transfusion ?
Quels produits sanguins faut-il prescrire ?
Quelles qualifications et posologies faut-il respecter ?
Quelle surveillance et évaluation aller vous observer ?

180 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 181
Type de PSL Qualification Indications de GB au-dessous de 50.000/mm3 afin d’éviter le syndrome de leucostase
CGR standard Centrifugation de sang total Correction de l’anémie mal neurologique ou pulmonaire qui peut être lié à l’hyperviscosité sanguine post-
Groupage ABO-Rh phénotypage Rh Kell tolérée
Dépistage de l’HBV, HCV, HIV, Syphilis
transfusionnelle. En cas de nécessité absolue il convient de transfuser lentement
CGR phénotypé CGR avec groupage étendu aux systèmes Kell, Transfusion de l’enfant et hydrater autant que possible le patient.
Duffy, Kidd Polytransfusion
CGR déleucocytés Filtration du CGR pour réduire le nombre de Polytransfusion, patients On admet généralement que 4 cc de CGR/Kg permet d’augmenter le taux d’Hb
leucocytes et prévenir la réaction frissons- immunodéprimés
hyperthermie et la transmission virale (CMV) (Nouveau-né), candidat à de 1 g/dl.
la greffe ou en post-greffe
CGR irradié Irradiation du CGR à 25 à 45 Gy pour inhiber les Patients immunodéprimés, La transfusion de concentrés plaquettaires (CP)
lymphocytes du donneur candidat à la greffe ou en La transfusion de CP a pour objectif de prévenir ou traiter un syndrome
post-greffe
CP Double centrifugation à partir d’un don de sang Correction thrombopénie hémorragique en rapport avec une thrombopénie ou plus rarement une
total pour obtenir du plasma riche en plaquettes sévère ou avec expression thrombopathie. La dose habituelle de CP est de 1 Unité (0,4 1011)/5kg de poids.
hémorragique Les CP issues d’aphérèse (CPA) sont plus riches en plaquettes (2-8 1011). La
CP filtrés Filtration du CP pour réduire le nombre de Patients immunodéprimés,
compatibilité ABO est souhaitable pour un meilleur rendement plaquettaire mais
leucocytes et prévenir la réaction frissons- candidat à la greffe ou en
hyperthermie et la transmission virale (CMV) post-greffe non obligatoire.
CP irradié Irradiation du CGR à 25 à 45 Gy pour inhiber les Patients immunodéprimés,
lymphocytes du donneur candidat à la greffe ou en La transfusion de plasma frais congelé (PFC) est indiquée pour la substitution
post-greffe de facteurs de coagulation en sa de déficit profond, parfois dans le cadre d’une
CPA Concentré plaquettaire à partir d’un don d’aphérèse Polytransfusion
(Nativement filtré) (Prévention immunisation) instabilité hémodynamique ou un choc hémorragique. Le PFC doit être porté à
CPA irradié Irradiation du CPA à 25 à 45 Gy pour inhiber les Patients immunodéprimés, 37°C et transfusé dans les 2h après sa décongélation. La posologie habituelle
lymphocytes du donneur candidat à la greffe ou en est de 10 à 15 ml/kg en prenant en considération le risque potentiel de surcharge
post-greffe
PFC Double centrifugation à partir d’un don de sang Correction d’un déficit
volémique.
total pour obtenir du plasma acellulaire important en facteur de
coagulation Concentrés de globules rouges Concentrés plaquettaires Plasma
Tableau I : Principales caractéristiques des produits sanguins labiles (PSL), CGR : · ≥ 10 g/dl : Pas d’indication · ≥ 100.000/mm3 : Pas · Fg < 1 g/l
Concentré de globules rouges, CP : Concentré plaquettaire, CPA : d’indication
Concentré plaquettaire d’aphérèse, PFC : Plasma frais congelé · 7-10 g/dl : Transfusion si mauvaise · TQ < 40%
tolérance, comorbidité (Syndrome · 50-100.000/mm3 : Si
hémorragique…) risque hémorragique élevé · TCA > 1.5 le témoin
Seuils transfusionnels · ≤ 7 g/dl : Transfusion
(Neurochirurgie, chirurgie
oculaire…)
La transfusion est un acte de substitution qui vise à compenser transitoirement
le déficit de produits sanguins. L’indication et les seuils transfusionnels peuvent · 20-50.000/mm3 : Acte
varier en fonction de la stratégie institutionnelle (Tableau II). invasif
· 10-20.000/mm3 :
La transfusion de concentrés de globules rouges (CGR) Expression hémorragique
ou facteurs de risque
Le seuil transfusionnel prend en compte la maladie sous-jacente, la degré de (Fièvre, coagulopathie…)
l’anémie, sa rapidité d’installation et sa tolérance.
· ≤ 10.000/mm3 :
Transfusion prophylactique
Chez les patients ayant une hyperleucocytose majeure (> 100.000/mm3), il
Tableau II : Seuils et indications de la transfusion de PSL
convient de reporter le plus possible la transfusion jusqu’à réduction du nombre

182 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 183
Conduite de la transfusion Les complications immunologiques graves sont liées à une destruction des
La prescription d’un produits sanguin labile doit être faite par le médecin après globules rouges du donneur par les anticorps du receveur donnant lieu à un
vérification immuno-hématologique et information du patient et/ou ses parents. accident hémolytique aigue. Cet accident aigue est le plus souvent lié au non-
L’information doit porter sur le type de produits, l’indication et les risques respect de la compatibilité ABO.
potentiels. La transfusion doit avoir lieu dans les meilleurs délais après la livraison
des PSL. Le conduite de la transfusion doit respecter des règles de qualité même Les complications infectieuses sont rares. Elles peuvent être en rapport avec une
dans le contexte des urgences afin de réduire les risques liés à cette pratique rupture de la chaîne de froid, le sang étant un milieu de culture favorable pour les
(Tableau III). bactéries. Le risque est plus élevé dans la transfusion de plaquette compte tenu de
la conservation à température ambiante pour une durée pouvant atteindre 5 jours.
Les complications liées à la transfusion
Ces complications semblent plus fréquentes chez l’enfant comparé à l’adulte et Les réactions de surcharge donnant lieu à un œdème aigue du poumon peuvent
sont d’autant plus élevé que l’enfant est jeune. Certaines complications aigues survenir surtout en cas de comorbidité liée à la maladie sous-jacente.
peuvent menacer le pronostic vital (Fig.1). Le plus souvent, des manifestations
cliniques surviennent dès le début de la transfusion d’où l’importance de la Les allergies peuvent donner lieu à une réaction urticarienne, une dyspnée ou un
surveillance initial. Une prise en charge immédiate permet de réduire les angio-œdème secondaires à une réaction anticorps avec des antigènes présents
conséquences néfastes de ces accidents. dans le plasma du donneur. Plus rarement une réaction anaphylactique peuvent
occasionner un bronchospasme ou un œdème laryngé.
 Vérifier à la réception 
- La concordance entre la prescription et le ou les produits livrés
- La conformité de la livraison (Conditions de température et délais)
- La date de péremption du produit HÉMOLYSE
- L’aspect et l’intégrité de la poche
 Juste avant de transfuser le patient ALLERGIE INFECTIION
- Vérifier son identité
- Reprendre son information concernant l’acte transfusionnel
- Contrôler et noter son pouls, sa TA, sa température et son état de conscience
- Vérifier sa carte de groupage et le groupe porté sur la poche et s’assurer de la compatibilité entre les 2
groupes
- Réaliser le contrôle du groupe ABO au lit du patient par la carte de contrôle après y avoir noté le nom et
prénom du patient, le nom de l’opérateur et le numéro du CGR
 Pendant la transfusion FRISSONS- COMPIICATIONS AÏGUES SURCHARGE
HYPERTHERMIE
- Ne pas mélanger les globules rouges à des solutés autres que le chlorure de sodium à 9 %o et ne DE LA TRANSFUSION
jamais adjoindre de médicaments au globules rouges
- Le débit doit être lent au départ (≤ 5 gouttes/ min)
- Rester au lit du patient les 15 premières minutes
- Noter les constantes hémodynamiques
- Adapter éventuellement le débit selon l’état du patient
- Ultérieurement contrôler et noter les constantes hémodynamiques toutes les 30 min Fig. 1 : Principales complications aigues de la transfusion sanguine
- Mettre à jours le dossier transfusionnel
- Remplir la fiche de retour d’information pour l’hémovigilance
- Garder la carte de contrôle pré-transfusionnelles et le dispositif de transfusion pendant au moins 2h Les réactions frissons-hyperthermies sont liées à une réaction cytokinique aux
Tableau III : Check-list transfusionnelle
leucocytes du donneur. La filtration des PSL réduit leur incidence.

184 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 185
Prise en charge des accidents transfusionnels Ce qu’il faut retenir
En plus de la surveillance étroite surtout lors des premières 15 min, le patient  Les indications de la transfusion sont surtout basées sur des critères cliniques
ou ses parents doivent être avisés de rapporter à l’infirmière toute sensation de tolérance ;
anormale en particulier des douleurs, une gêne ou oppression, prurit ou fièvre.  Le choix du produit sanguin doit être adapté à chaque patient. Les patients
polytransfusés doivent être transfusés par des produits phénotypés et filtrée,
La conduite comprend : alors que les patients ayant eu une greffe de moelle ou sont candidats à cette
1. L’arrêt de la transfusion, pratique doivent recevoir des produits filtrés et irradiés ;
2. Le maintien de la voie veineuse,  L’acte transfusionnel doit être surveillé de près surtout les 15 premières minutes;
3. Le contrôle des constantes vitales,  Toute réaction transfusionnelle doit être rapidement signalée et donner lieu à
4. La vérification de l’identité du patient, son groupe et celui de la poche, une analyse et éventuelle suspension de l’acte transfusionnel suivi de mesure
5. Aviser le médecin et le centre de transfusion sanguine.
thérapeutiques adéquates ;
En cas de fièvre durant ou dans les 4 heures après la transfusion est associée à  Toute transfusion doit être tracée sur le dossier du patient et un retour
des frissons, une hypotension artérielle, une dyspnée ou douleurs thoraciques d’information doit systématiquement être fait à l’instance d’hémovigilance.
ou abdominales ou des nausées et vomissements un accident hémolytique ou
une infectieux doivent être évoqué. Il convient d’arrêter la transfusion si elle est Références sélectionnées
toujours en cours, faire un prélèvement du patient et un prélèvement de la poche 1. 
Bercovitz R-S, Josephson C-D Transfusion Considerations in Pediatric
pour hémoculture et groupage. Hematology and Oncology Patients Hematol Oncol Clin N Am 30 (2016) 695–
Si la fièvre reste isolée il s’agit probablement d’une réaction frisson hyperthermie. 709
Un traitement antipyrétique est à préconiser. 2. Bolton-Maggs P-H.B Transfusion and Hemovigilance in Pediatrics Pediatr Clin
N Am 60 (2013) 1527–1540
En cas de réaction allergique avec urticaire étendue, gêne respiratoire, des nausées 3. Harif M, Loukhmas L La transfusion à l’usage du praticien 2015
ou vomissements ou instabilité tensionnelle, une anaphylaxie est évoquée. La 4. Ifleh M, Hajjout K, Dari K, Aassila H, Benajiba M, Khattabi A La transfusion au
transfusion doit être arrêtée et traitement corticoïde et antihistaminique doit être Maroc : mise au point sur la réglementation Médecine & Droit 2018 (2018)
préconisé et éventuellement l’adrénaline. 93–103
5. Mijovic A Transfusion medecine, case studies and clinical management
Après la transfusion Springer-Verlag 2012
Après la transfusion il convient de procéder à la mise à jour du dossier 6. Oakley FD, Woods M, Arnold S, et al. Transfusion reactions in pediatric
transfusionnel ou en son absence noter l’acte transfusionnel dans le dossier du compared with adult patients: a look at rate, reaction type, and associated
patient. La traçabilité de l’acte transfusionnel et les éventuels accidents doivent products. Transfusion 2015; 55(3): 563–70.
systématiquement être faits dans le dossier du patient. Un retour d’information 7. 
Segatchian J, Sniecinski I. Pediatric  transfusion: Global perspectives
doit être assuré au centre de transfusion sanguine et le cas échéant au comité on some clinical and methodological aspects of cellular therapy,
d’hémovigilance. apheresis emergencies and blood transfusion in pediatric patients. Transfus
Il est recommandé en plus de l’évaluation du bénéfice clinique de la transfusion Apher Sci. 2018 Jun;57(3):306-307
de contrôler l’efficacité transfusionnelle par une NFS et faire une RAI les deux
semaines suivants la transfusion pour rechercher une éventuelle immunisation.

186 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 187
La transplantation de moelle osseuse ou plus précisément des cellules souches
hématopoïétiques (CSH) est une technique actuellement routinière dans le

21
traitement de différentes affections bénignes et malignes chez l’enfant. C’est un
traitement qui vise dans le cadre de l’autogreffe à administrer de fortes doses
COMPLICATIONS AIGÜES de chimiothérapie et restaurer l’hématopoïèse par l’administration des CSH
DE LA TRANSPLANTATION DE MOELLE préalablement prélevés et conservées de manière appropriée. Dans l’allogreffe,
le traitement dit de conditionnement vise aussi bien l’effet antitumoral que
OSSEUSE CHEZ L’ENFANT l’élimination du système immunitaire permettant la prise du greffon allogénique.
Le pronostic vital peut être mis en jeu dans les différentes phases de la greffe.
Mhamed Harif Dans le cas de l’autogreffe, le risque est pour l’essentiel similaire à celui du
CHU Tanger-Tétouan-Al Hoceima
traitement par chimiothérapie intensive. Dans le cas de l’allogreffe le risque
est majoré par les complications en rapport avec l’implémentation du nouveau
système immunitaire. Le risque important dure habituellement 2 à 4 semaines
après l’autogreffe alors qu’il est de près de 100 jours dans le cas de l’allogreffe.
Certaines complications survenant au court de la greffe de CSH communes aux
autres situations cliniques d’oncologie pédiatrique seront pas abordée brièvement ici.
Objectifs Il s’agit en particulier de la plupart des complications infectieuses et des complications
 Connaître les principales complications aigues de la greffe de cellules liées à la chimiothérapie. Dans le cas où le patient est admis dans une structure non
souches hématopoïétiques ; spécialisée dans la transplantation des cellules souches hématopoïétiques, un contact
 Comprendre le mécanisme de survenue de ces complications ; doit être établi avec l’équipe soignante dans les meilleurs délais.
 Savoir orienter la prise en charge des complications aigues ;
 avoir initier une prise en charge optimale en coordination avec l’équipe Les bases de la greffe de cellules souches
soignante.
hématopoïétiques
Vignette Caractéristiques et sources de CSH
Ahmed, âgé de 8 ans est porteur d’une leucémie aigue myéloblastique en rechute. Les CSH ont les capacités d’auto-renouvèlement et d’engagement dans différentes
Une greffe de cellules souches hématopoïétiques à partir d’un don de moelle de voies de différenciations myéloïdes et lymphoïdes. Ces qualités permettent
sa sœur est réalisée après obtention d’une 2ème rémission complète. A J25 post- une production hématopoïétique qui répond aux besoins physiologiques tout
greffe une éruption cutanée prurigineuse est relevée au niveau des paumes des en maintenant un pool suffisant de CSH. Il n’y a pas, à ce jour de marqueurs
mains et le pelvis avec des douleurs abdominales et une diarrhée. spécifiques à ces cellules ; on sait cependant qu’elles font partie des cellules
exprimant l’antigène membranaire CD34. Elles représentent moins de 5% des
cellules médullaires. Elles sont également présentes dans le sang mais il est
nécessaire d’avoir recours aux techniques de mobilisation pour les libérer dans la
circulation sanguine à un taux significatif.
Le choix de la source de CSH est fonction du type de greffe requis, des indications
Quel diagnostic évoquez vous en premier ? (tableau 1) et aussi de la disponibilité de donneurs. Il convient de relever que la
Quel bilan complémentaire proposez vous ? greffe de moelle proprement dite est actuellement de moins en moins pratiquée
Quelle est la conduite d’urgence à discuter ? au profit de la greffe de CSH périphériques.

188 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 189
Pathologies bénignes Pathologies malignes Les complications aigues de la transplantation
Aplasie médullaire    Leucémie aigue myéloblastique Les complications aigues peuvent émailer les différentes phases de la greffe.
Syndrome de Blackfan-Diamond/Syndrome de Leucémie aigüe lymphoblastique Dans l’autogreffe les complicatioins surviennent essentiellement dans les 2 à 4
Kostman Lymphome non hodgkinien semaines alors que dans l’allogreffe ces complications peuvent survenir jusqu’à
Hémoglobinurie nocturne paroxystique Maladie de Hodgkin 100 jours après la greffe.
Thrombasthénie de Glanzmann Leucémie myéloïde chronique
Thalassémie/ Drépanocytose Myélodysplasie Certaines des complications peuvent accompagner le patient tout au long
Déficits immunitaires Tumeurs Solides   de sa vie et contribuer dans la dégradation de la qualité de vie mais seules les
Maladies de surcharges/ Ostéopétrose   complications aigues seront abordées ici.
Tableau I : Principales indications de la greffe de cellules souches
hématopoïétiques chez l’enfant. Complications hématologiques
Le traitement de conditionnement est à l’origine de cytopénie sanguine souvent
L’autogreffe de CSH fait appel dans la majorité des cas aux CSH périphériques. La profonde.
mobilisation des CSH au niveau périphérique fait appel au facteur de croissance
hématopoïétique associé ou non à la chimiothérapie. Les CSH sont prélevées Complications infectieuses
et éventuellement cryo-préservées et réinfusées après chimiothérapie myélo- Le risque infectieux est particulièrement important au cours de la greffe de CSH.
ablative. Il est la conséquence de l’immunodépression liée au conditionnement et au
traitement immunosuppresseur post-greffe. La phase post-greffe immédiate est
Dans l’allogreffe de CSH l e donneur HLA identique peut être dans la fratrie ; on caractérisée par la neutropénie, la lymphopénie et l’hypo-gammaglobulinémie.
parle alors de donneur géno-identique, à partir de donneur volontaire extra- Le patient est placé dans une structure protégée avec système de traitement de
familial ou à partir du sang de cordon. La greffe de CSH à partir d’un donneur l’air afin de réduire le risque d’infection fungique et en particulier aspergillaire.
HLA identique dans la fratrie est le meilleur choix. La greffe à partir d’un donneur L’hygiène en particulier des mains revêt une importance majeure dans la
haplo-identique (parents, enfants, fratrie) est associée habituellement à plus de prévention des infections. Toutes les équipes médicales, infirmières et techniques
complications. Dans la greffe dite syngénique, le donneur est un jumeau ayant un doivent veiller rigoureusement au respect de ces règles.
système HLA parfaitement compatible. Il est habituel de faire appel à des thérapies antibiotiques, antifungiques et antivirales
prophylactiques ou dès les premiers signes infectieux. La stratégie institutionnelle
Régime de conditionnement prenant en considération l’écologie bactérienne locale doit être appliquée. La
Le protocole de conditionnement est variable selon le type de greffe préconisé, fièvre est le principal signe de l’infection. Le contrôle de l’infection est étroitement
de l’affection sous-jacente, de l’âge, de l’état clinique du patient et du traitement lié à la rapidité d’administration d’une antibiothérapie appropriée. L’administration
préalablement reçu. d’immunoglobulines intraveineuses est préconisée chez certains patients.

Dans le conditionnement myéloablatif les objectifs sont une déplétion CSH et Anémie
la suppression du système immunitaire du receveur permettant une colonisation L’anémie est très fréquente dans ce contexte. Il convient d’évaluer
par les cellules souches de remplacement et éviter le rejet du greffon. Le régime de surtout sa tolérance. Elle peut être due à la myelosuppression du
conditionnement peut comporter une irradiation corporelle totale (TBI) associés traitement de conditionnement mais aussi au saignement. L’hémolyse
à la chimiothérapie ou une chimiothérapie exclusive. Une approche récente de est également possible dans ce contexte en particulier en cas
conditionnement non myéloablatif permet une prise de greffons avec des risques d’incompatibilité dans les groupes sanguins du donneur et du receveur.
moindres liés à la chimiothérapie intensive et/ou la TBI. En règle générale, la transfusion est envisagée lorsque le taux d’hémoglobine est
en dessous de 7 ou 8 g/dl.

190 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 191
Les produits sanguins doivent impérativement être filtrés et irradiées et ce dès qu’un Toxicité extra-hématologique du conditionnement
patient est porté candidat à la greffe et tout au long de son suivi après. La leuco- Cette toxicité est fonction du régime de conditionnement, du traitement
déplétion vise à réduire le risque de frisson-hyperthermie, l’immunisation anti-HLA immunosuppresseur post-greffe, de la pathologie sous-jacente, de l’âge et l’état
et la transmission d’agents infectieux viraux intracellulaire (CMV). L’irradiation vise à clinique du patient ainsi que ses antécédents. Les complications peuvent être
inactiver les lymphocytes et réduire le risque de GVH post-transfusionnelle. précoces avec menace vitale mais aussi tardives ayant un impact majeur sur la
qualité de vie.
Le choix du groupe sanguin à transfuser doit prendre en considération les groupes
du donneur et du receveur sachant que lors de prise de greffon, le groupe du La toxicité digestive et en particulier la mucite est presque constante. Une bonne
donneur prendra le pas sur le groupe du receveur. hygiène buccodentaire est nécessaire pour réduire ces complications. Lorsqu’elle
survient, elle nécessite souvent le recours aux morphiniques et à la nutrition
Groupe sanguin du patient Groupe sanguin du donneur Groupe sanguin à transfuser parentérale.
A A A ou O
La principale complication hépatique est le syndrome d’occlusion sinusoïdal (SOS)
A O O
A B O appelé également maladie veino-occlusive. Il est en rapport avec des lésions des
A AB A ou O cellules endothéliales et des hépatocytes. Il survient chez près de la moitié des
O A O patients et est plus fréquent et plus grave en cas d’hépatopathie précédant la
O O O
greffe, dans les cas de régime de conditionnement intensif (surtout la TBI) et
O B O
O AB O avec l’usage du busulfan. L’administration de l’acide ursodésoxycholique réduit
B A O significativement le risque de SOS. Le traitement par défibrotide est préconisée
B O O dans les formes sévères.
B B B ou O
La toxicité rénale est également fréquente. Elle est corrélée à l’usage des
B AB B ou O
AB A A ou O médicaments néphrotoxiques en particulier l’amphotéricine B et les inhibiteurs
AB O O de calcineurines (ciclosporine, tacrolimus…). Elle doit être prévenue par une
AB B B, O hydratation et éventuellement un arrêt provisoire du médicament incriminé.
AB AB AB, A, B, O
Tableau II : Groupe sanguin à transfuser lors de la greffe de cellules souches hématopoïétiques
La pneumopathie interstitielle idiopathique est une complication sévère qui
survient en particulier lorsque la TBI a été préconisée mais peut également survenir
Thrombocytopénie
suite à un régime myéloablatif ne comportant pas de TBI. Elle se manifeste par
La thrombocytopénie est très fréquente. Elle peut être d’étiologies variées et
une dyspnée, une toux sèche, une hypoxémie et des infiltrats pulmonaires. Le
notamment faire suite au conditionnement, à la réaction du greffon contre l’hôte
recours à l’oxygénothérapie et dans les formes graves une intubation et ventilation
ou aux thérapies anti-infectieuses et notamment le ganciclovir.
sont nécessaires. Il peut s’agir également d’un syndrome d’occlusion sinusoïdal
L’indication de la transfusion doit prendre en considération l’expression hémorragique
pulmonaire qui peut répondre favorablement aux corticoïdes.
et le nombre de plaquettes. La transfusion de plaquettes est généralement indiquée
lorsque le nombre de plaquettes est inférieur à 20 000/mm3.
La cystite hémorragique peut être liée à la chimiothérapie de conditionnement
Au même titre que les culots globulaires, les unités plaquettaires doivent être
(surtout le cyclophosphamide et le busulfan). Elle a alors lieu quelques jours
filtrées et irradiées et le groupe sanguin choisi selon les mêmes règles. Il est
après le traitement. Elle doit être prévenue par une hyperhydratation durant le
par ailleurs recommandé de recourir autant que possible à la cytaphérèse
conditionnement (3l/m²) pour assurer une diurèse de 100-150 ml/h associée à
pour diminuer le risque d’immunisation lié à la multiplicité des donneurs. Enfin
l’uromitexan (Mesna). Elle peut parfois être liée à une infection virale en particulier
il convient d’éviter la transfusion à partir d’un don intrafamilial, étant donné le
le BK virus.
risque d’immunisation dans le système HLA.

192 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 193
La toxicité neurologique peuvent être liés au busulfan et donner lieu à des Stade Peau Foie Tube digestif
convulsions. Pour prévenir ce risque un traitement anticonvulsivant est
administré en prophylaxie. La ciclosporine donnée pour la prophylaxie de la 1 Rash < 25% de surface cutanée Bilirubine 20- Diarrhée > 500 ml/j ou
réaction du greffon contre l’hôte peut également en cas de surdosage donner 30 mg/l nausées persistantes
lieu à une toxicité neurologique et en particulier le syndrome d’encéphalopathie 2 Rash 25-50 % de surface cutanée Bilirubine 30- Diarrhée > 1000 ml/j
postérieure réversible (PRES). Le tableau associe habituellement HTA, céphalée, 60 mg/l
vomissement, photophobie, confusion ou convulsions. L’IRM cérébrale permet
3 Rash > 50 % de surface cutanée Bilirubine 60- Diarrhée > 1500 ml/j
d’assoir le diagnostic. 150 mg/l

Maladie du greffon contre l’hôte (GVH) aigue 4 Erythrodermie généralisée avec Bilirubine > Douleurs sévères avec ou
Il s’agit d’une réaction immunologique des lymphocytes T du donneur vis-à-vis formations bulleuses 150 mg/l sans iléus
des tissus et organes du receveur. Elle n’est pas observée en cas d’autogreffe ; par Grade Peau Foie Tube digestif
contre elle peut survenir en cas de transfusion de sang non irradié chez un sujet
immunodéprimé. La réaction intéresse surtout le foie, le tube digestif et la peau. I Stade 1-2 0 0
La forme aigue survient habituellement durant les 100 premiers jours post-greffe. II Stade 3 ou Stade 1 ou Stade 1
La forme chronique impacte significativement la qualité de vie.
La GVH aigue met le pronostic vital en jeu. Elle survient avec une plus grande III - Stade 2-3 ou Stade 2-4
fréquence en cas de greffe non HLA compatible ou dans les cas de don de fichier. IV Stade 4 ou Stade 4 ou Stade 4
Elle survient également avec une plus grande fréquence lorsque le donneur est de
Tableau III : Critères de gravité de la maladie du greffon contre l’hôte aigue.
sexe féminin et le receveur de sexe masculin.
Au niveau de la peau elle s’exprime par un rash maculo-papulaire pouvant
intéresser les paumes et les plantes. Les lésions peuvent être prurigineuses et/ou Le traitement associe le plus souvent corticoïde au traitement prophylactique.
douloureuses, évoluer vers une épidermolyse et devenir bulleuses. La PUVA thérapie, la photophorèse extra-corporelle, l’administration de l’acide
Au niveau du tube digestif l’expression est variable allant des douleurs, nausées, urso-désoxycholique dans les atteintes hépatiques sont également préconisées
vomissements, diarrhée à l’hémorragie digestive ou l’iléus. par certaines équipes.
L’atteinte hépatique s’exprime cliniquement par un ictère.
La biopsie, nécessaire uniquement en cas de problème de diagnostic différentiel Le transfert d’un patient en réanimation
permet de rattacher ces symptômes à la GVH. Le recours à une prise en charge des patients en réanimation est fréquent. Le
On classe ainsi la GVH aigue en 4 stades de gravité croissante (Tableau II). transfert en doit être envisagé le plus tôt possible afin de garder aux patients
Le traitement préventif peut se faire soit par déplétion lymphocytaire T du des chances réelles de survie. Il faut également s’abstenir de transférer des
greffon, soit le plus souvent par un traitement immunosuppresseur. Celui-ci fait patients pour lesquels il n’y a pas de bénéfice évident aux soins en réanimation.
habituellement appel au méthotrexate et la ciclosporine ou moins souvent le Il convient de s’assurer des conditions optimales de transfert et d’hospitalisation
tacrolimus (Inhibiteurs de la calcineurine). La T-déplétion est associée à un plus en réanimation et garder une bonne communication entre les équipes pour éviter
grand risque de rejet de greffe, d’infection et de rechute. la rupture de la chaîne de soins. Le patient ainsi que sa famille doivent également
être informées et impliquée durant cette phase qui est souvent stressante.

194 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 195
Ce qu’il faut retenir INDEX
· La greffe de CSH comporte des complications pouvant mettre en jeu le pronostic
vital. Ces complications, parfois intriquées, peuvent être :
- Hématologiques ;
- Infectieuse liées à l’immunodépression ;
- Immunologiques et en particulier la maladie du greffon contre l’hôte ;
- Et parfois toxiques, pulmonaires, rénales, hépatiques ou vésicales.
· Toute fièvre doit être considérée infectieuse et un traitement antibiotique à large
spectre doit être institué après un rapide bilan ; A
· Les produits sanguins doivent être filtrés et irradiés ; Accident transfusionnel.......................................................................................................................... 186
· Le choix du groupe sanguin à transfuser doit prendre en considération le groupe Accident vasculaire cérébral..........................................................................................................61-62
du patient mais aussi du donneur ; Acide Tout-Trans rétinoïque..................................................................................................................137
· La maladie du greffon contre l’hôte doit être évoquée en cas d’éruption cutanée Acouphène.........................................................................................................................................................76
associée ou non à une atteinte digestive ou hépatique ; Actinomycine D..............................................................................................................................................00
· Il faut toujours coordonner les mesures thérapeutiques avec l’équipe chargée de
Allergie.......................................................................................................................................34-42-60-185
la greffe de CSH
Allopurinol.......................................................................................................................24-25-26-65-160
Anthracyclines.........................................................................................21-54-55-57-58-59-64-69
Références sélectionnées
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la Société Francophone de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire (SFGM- BLSE........................................................................................................................................................................ 31
TC) Bull Cancer 2016; 103: S220–S228 Buphtalmie..........................................................................................................................................................17
Busulfan..................................................................................................51-54-57-67-68-124-193-194

C
Candida........................................................................................................30-33-34-112-182-187-192
Cathéter central................................................................................................ 16-28-77-129-134-137
Chimiothérapie...........................16-17-20-21-22-23-24-29-31-36-37-46-47-48-49-50
......51-52-53-54-55-56-57-58-59-60-61-62-63-64-65-66-68-69-70-71-73-76-77
...... 79-80-96-97-110-111-112-113-118-120-122-123-133-137-139-146 - 147-148-149
...................................................................153-154-157-161-163-165-173-175-180-189-190-193

196 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 197
Ciclosporine..........................................................................................................................................193-194 G
CMV........................................................................................................................................................... 182-192 G-CSF...................................................................................................................................................................00
Compression médullaire.....................................17-91-92-93-94-95-96-145-147-148-151 Gluconate de calcium.........................................................................................................................25-27
Constipation............................................................................43-44-45-48-53-62-63-93-94-167
Convulsion.................................................17-22-25-32-74-76-85-105-131-167-176-178-194 H
Cyclophosphamide................51-54-57-58-59-60-62-65-66-69-88-89-122-123-124 Hémiplégie.........................................................................................................................................................00
.........................................................................................................................................125-126-175-178-193 Hémolyse............................................................................................................................155-156-158-191
Cystite...............................................................66-122-123-124-125-126-150-151-161-175-193 Héparine...............................................................................................................................88-133-139-140
Hydrocéphalie.....................................................................................................................................106-145
D Hyperleucocytose.......................................................................20-72-73-74-76-81-113-161-182
Daunorubicine...........................................................................................................46-51-54-57-59-64 Hyperkaliémie................................................................................................................. 20-21-22-25-26
Déafférentation..............................................................................................................................................00 Hypernatrémie................................................................................................................................................00
Détresse respiratoire.........................................................................17-44-73-79-85-88-132-147 Hyperphosphorémie.................................................................................................23-24-25-26-166
Diarrhée................................22-29-33-35-47-48-52-109-111-112-114-150-188-194-195 Hyperuricémie.........................................................................................................20-22-23-24-26-65
Diurèse................................................................................................23-24-26-66-125-150-160-193 Hypersensibilité......................................................................................................................34-57-68-69
Douleur............15-17-29-34-36-37-38-39-40-41-42-43-44-45-55-58-61-79-85-86 Hypertension artérielle............................................................................................... 85-129-155-167
.........................91-92-93-94-96-97-109-111-112-113-114-116-117-118-119-120-122-123 Hypertension intracranienne..................................................................................................................17
.............................................. 124-125-131-132-136-138-148-150-167-174-186-188-194-195 Hypocalcémie........................................................................................................21-22-25-26-27-169
Doxorubicine..............................................................................................................51-57-59-62-64-67 Hypo-gammaglobulinémie...................................................................................................................191
Dyspnée.................................34-49-68-72-74-76-82-85-146-149-150-176-185-186-193 Hyperhydratation...................................................24-25-66-122-123-125-168-169-170-193
Dysphagie........................................................................................................................................55-85-149
I
E Iléite............................................................................................................................................................150-151
Embolie pulmonaire......................................................................................................129-131-132-133 IMRT (Intensity Modulated Radiation Therapy)........................................................................00
Encéphalopathie postérieur réversible......................................................................................... 194 Insuffisance rénale.................20-21-22-23-24-26-27-65-75-77-105-121-167-169-170
Epilepsie..............................................................................................................................................................62 Invagination intestinale aigue........................................................................................................17-118
Extravasation...........................................................................................................................................58-59 Ischémie...........................................................................................................................................74-100-110

F K
Fièvre............. 13-15-17-28-29-30-31-32-33-34-35-36-47-49-81-86-92-105-111-112 Kidrolase...................................................................................................................................................112-114
.................................................................................................116-118-138-150-180-183-186-191-196
Fracture pathologique.................................................................................................................................17 L
Frissons.................................................................................................................................28-182-185-186 Leucopénie.......................................................................................................................................47-48-149

198 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 199
Leucostase..........................................................................................................72-73-74-75-76-77-183 Poumon radique..................................................................................................................................150-151
Lymphopénie..................................................................................................................................................191 Port-A-Cath (PAC)....................................................................................................................34-137-138
Purpura...............................................................................................................................................49-72-162
M
Maladie veino-occlusive..................................................................................................................67-193 R
Magnésémie...........................................................................................................................................65-169 Radiomucite...........................................................................................................................................149-151
Masse abdominale.........................................................................17-19-114-117-118-128-132-147 Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité........................... 141-144
Masse médiastinale..............................................................................79-80-81-82-83-86-88-89 Radiothérapie stéréotaxique................................................................................................................144
Méningite........................................................................................................................60-62-95-101-104 Rasburicase.............................................................................................................................................. 24-65
Méthotrexate.......................20-51-54-58-59-60-61-62-63-65-66-67-68-111-122-194 Réaction griffon contre l’hôte...................................................................................................192-194
Mucite..............................................................................................................30-36-54-55-111-180-193 Rétinoblastome................................................................................................................................................17
Myélite......................................................................................................................................................150-151
S
N SARM............................................................................................................................................................. 31-33
Nausée............. 15-22-37-43-48-49-51-61-70-85-102-109-112-149-150-151-167-174 Signe de Lhermite.......................................................................................................................................150
..................................................................................................................................................175-186-194-195 Sus-décalage ST...........................................................................................................................................00
Neuropathie.......................................................................................................................46-48-61-62-63 Syndrome d’occlusion sinusoïdal......................................................................................................193
Neutropénie..................................16-28-29-30-31-32-33-34-35-47-110-111-112-114-191 Syndrome veine cave supérieure.........................................................................................................79
Nutrition parentérale.......................................................................................................................137-193
T
O TCA...........................................................................................................................................89-139-162-183
Occlusion intestinale aigue....................................................................................................................119 Thrombocytopénie................................................................................... 132-149-161-162-163-192
Œdème....................19-57-58-64-68-74-79-84-85-99-101-103-104-105-131-132-136 Thrombolyse................................................................................................................................89-133-138
.....................................................................................................................138-145-146-147-155-176-185 Thrombo-prophylaxie................................................................................................................................00
Œdème aigue du poumon..................................................................................................................... 185 Thrombose.......................................75-83-84-111-128-129-130-131-132-133-134-136-137
..................................................................................................................................................138-139-140-147
P Triméthoprime-Sulfaméthoxazole.....................................................................................................00
Pancréatite.....................................................................................................................67-68-112-113-114 Typhlite......................................................................................................................................32-111-112-114
Pancytopénie...................................................................................................................................................111
Parinaud (syndrome).................................................................................................................................00 U
Peripherally Inserted Central Catheter (PICC).......................................... 136-137-138-140 Ulcère.......................................................................................................................................... 47-48-111-113
Pneumocystose..............................................................................................................................................00 Urate oxydase......................................................................................................................................... 24-26

200 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE 201
V
Veine cave supérieure................................................................................................79-83-84-88-131
Ventriculo-cisternostomie.....................................................................................................................106
Vertiges...............................................................................................................................................76-85-146
Vinblastine.................................................................................................................51-53-54-58-59-175
Vinca-alcaloïde..........................................................................................58-59-62-63-109-110-174
Vincristine..................................... 46-51-53-54-59-61-62-63-66-67-88-114-122-175-178
Vomissement.......................15-17-22-43-47-48-49-50-51-52-53-70-99-102-103-109
.......................111-112-113-114-116-118-119-132-134-141-145-149-150-151-162-165-167
.............................................................................................................................................................175-186-194

W
Wilms..................................................................................................................................................................... 95

Z
Zolédronate.................................................................................................................................................... 169
Zona.......................................................................................................................................................................00

202 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE


Les urgences en oncologie
pédiatrique
Le contenu
Le cancer chez l’enfant est une maladie curable dans plus près de 80% des cas.
Il s’agit cependant d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Savoir gérer un
enfant atteint de cancer au diagnostic ou au cours de son traitement a un impact
majeur sur les chances de réussite du programme de prise en charge dans sa
globalité. Cette prise en charge peut varier par ailleurs selon les pratiques et les
ressources disponibles et doit être l’objet d’un consensus institutionnel.

L’organisation des urgences fait partie intégrante de la mise en place de toute


activité de soins de cancérologie pédiatrique aussi bien sur le plan architectural
que sur le plan de la formation et de l’organisation en lien notamment avec
les autres ressources qu’il s’agissent du laboratoire, de la radiologie que de
réanimation. Le médecin généraliste, le pédiatre ou autres spécialistes ainsi que
les infirmiers peuvent être confrontés à ces situations d’urgence. Il y a cependant
peu d’ouvrages dédiés aux urgences en oncologie pédiatrique.

Les équipes marocaines ont contribué à l’élaboration de cet ouvrage prenant en


compte les contraintes de pratiques locales et rédigé de manière pédagogique
avec des cas cliniques illustrant les différentes situations. Il vient constituer une
ressource, nous l’espérons utile, pour le corps soignant et contribuer à améliorer
les soins pour ces enfants.

Le public cible
Médecins
Pédiatres
Infirmiers
Étudiants

204 LES URGENCES EN ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE


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