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Notes techniques
INCENDIE, EXPLOSION :
ATTENTION AU PHÉNOMÈNE
D’ AUTO-ÉCHAUFFEMENT
DES SOLIDES DIVISÉS
L’utilisation de poudres, poussières ou granulés de produits combustibles nécessite
d’évaluer le risque d’incendie et d’explosion. En effet, certaines conditions de stockage
ou de dépôt peuvent mener à un auto-échauffement du produit, voire provoquer
un incendie ou une explosion si une atmosphère explosive (ATEX) est présente.
Cet article décrit les données physico-chimiques et les méthodes permettant
de caractériser cette sensibilité à l’auto-échauffement en fonction des différentes
situations rencontrées, afin de prévenir l’apparition de ce phénomène.
La connaissance de cette sensibilité présente un intérêt particulier dans le cadre
de l'évaluation des risques d'incendies ou d'explosions sur les lieux de travail.
L
es produits tels que le charbon, le bois, encore à proximité des buses d’injection d’une tour
AGNÈS JANÈS
les produits agroalimentaires ou encore d’atomisation.
Cramif,
ceux destinés à l'alimentation des ani- Dans les deux premières situations, l’évaluation des
Centre de
maux sont souvent fabriqués ou mis en risques d’auto-échauffement peut s’appuyer sur les
mesures
œuvre sous forme de solides divisés à valeurs de caractéristiques spécifiques, déterminées
physiques
l’état de poudre, de granulés, de copeaux ou de expérimentalement suivant des protocoles d’essai
grains et ceci à température ambiante ou chauffés, normalisés détaillés ci-après. Pour la dernière situa-
ALEXIS
comme dans le cas du séchage ou de l’atomisation. tion, un protocole expérimental non normalisé a été
VIGNES
Ces conditions favorisent l’auto-échauffement des développé par l’Institut national de l’environnement
Ineris,
produits, susceptible d’être à l’origine d’incendies industriel et des risques (Ineris). Il s’appuie sur des
direction
ou d’explosions (Cf. Encadré 1). retours d’expériences et d’études dont les résultats
des Risques
Le risque d’auto-échauffement associé à la mise en sont synthétisés dans cet article.
accidentels
œuvre, dans les équipements industriels, de pro-
duits combustibles sous forme divisée, doit être Cas n° 1 : Produits déposés en couche
évalué en prenant en compte spécifiquement les sur des équipements
différentes situations rencontrées dans les procé- dont la température de surface est élevée
dés de production et de stockage. Trois types de Dans ce cas, on doit évaluer le risque d'inflamma-
situations peuvent être identifiés : tion par la mesure de la température minimale d’in-
1. Solides divisés combustibles déposés en couche, flammation en couche (TMI en couche). Il s’agit de
sur des équipements dont la température de sur- la plus faible température d’une surface chaude à
face peut être élevée : c’est le cas, par exemple, des laquelle se produit l’inflammation d’une couche de
dépôts de poussières sur des moteurs électriques, poussières d’épaisseur spécifiée (le plus souvent :
des presses ou d’autres équipements chauds ; 5 mm) déposée sur cette surface (Cf. Encadré 2).
2. Solides divisés combustibles stockés, à tempé- Elle est mesurée selon le protocole expérimen-
rature ambiante, dans des contenants de grandes tal indiqué dans la norme NF EN 50281-2-1,
dimensions comme des silos, des trémies ou des méthode A [1]. Le produit à tester est déposé à
dépoussiéreurs ; l’intérieur d’un anneau d’épaisseur définie (sou-
3. Solides divisés combustibles accumulés sous vent : 5 mm) sur une plaque chauffée électrique-
forme de couche ou de dépôt dans une ambiance ment à une température fixée, comme l’illustre la
thermique chaude, par exemple dans un sécheur ou figure 1. L’inflammation est considérée comme
ENCADRÉ 2
UTILISATION DES VALEURS DE TEMPÉRATURE MINIMALE D’INFLAMMATION
POUR LA SÉLECTION DU MATÉRIEL UTILISÉ EN ATMOSPHÈRE EXPLOSIBLE (ATEX)
© Alexis Vignes/Ineris
© Alexis Vignes/Ineris
DFIGURE 1 Vue du dispositif expérimental de mesure de la température minimale d’inflammation en couche de 5 mm,
avec (à gauche) et sans produit (à droite).
d’une étuve,
contenant Durant l’essai, on mesure au moyen de thermo-
le support de
maintien du couples de type K :
thermocouple et
• la température d’ambiance à l’intérieur de l’étuve ;
un cube rempli de
produit à tester. • la température au centre de l’échantillon soumis
à l’essai.
• la dimension critique de stockage pour une tempé- Le cube ainsi préparé est introduit dans une étuve
rature donnée ; dont la température a été préalablement stabili-
• la température critique de stockage pour une sée à une valeur définie. Le cube est centré sur la
dimension donnée. claie, à mi-hauteur de l’étuve, comme indiqué sur
À l’Ineris, les essais d’auto-échauffement sont la figure 2.
effectués dans des étuves isothermes ventilées L’évolution de la température au sein de l’échan-
de température maximale 330 °C et de volume tillon est analysée après une période d’induction
égal à 100 litres, munies d’une claie à mi-hauteur plus ou moins longue en fonction des produits :
et disposées dans des sorbonnes. L’échantillon à • si cette température augmente brusquement et
FIGURE 3 Q
Vues du cercle
(sans produit
© Alexis Vignes/Ineris
à tester)
sur la plaque
en céramique
(gauche)
et sur la plaque
métallique
(droite).
© Alexis Vignes/Ineris
FIGURE 4 Q
Vue des différents
produits soumis
aux essais
d’inflammation
en couche
et d’auto-
échauffement.
•ou l’accroissement de température de la couche Le taux d’humidité a été mesuré par pesage différen-
supérieur ou égal à 250 °C par rapport à la tempé- tiel avant et après séchage à 105 °C pendant 30 min.
rature de la surface chaude. Les résultats ont ensuite été comparés aux valeurs
Afin d’observer si la nature du matériau suppor- de températures minimales d’inflammation (TMI)
tant le cercle et le produit a une influence sur les en couche, déterminées par la méthode sur plaque
résultats, des essais comparatifs ont été effectués chauffante, décrite précédemment.
avec une plaque métallique, très bonne conduc- L’ensemble des résultats obtenus est rassemblé
trice de la chaleur, et une plaque isolante en céra- dans le tableau 2.
mique, qui diminue les échanges de chaleur entre
la plaque et le produit. Ces deux plaques sont Comparaison entre les TMI en couche de 5 mm
représentées sur la figure 3. et les températures d’inflammation
Les températures d’inflammation en couche de 5, en couche de 5 mm en ambiance chaude
10 et 15 mm en ambiance chaude ont été mesu- sur une plaque métallique
rées pour huit produits organiques représentatifs Les conditions expérimentales de ces deux types
de ceux mis en œuvre dans des sécheurs indus- d’essais ne varient que par la température de l’am-
triels. Ces produits sont représentés sur la figure 4 biance environnant l’échantillon.
et listés dans le tableau 1. Les résultats montrent que la température critique
Leur granulométrie a été mesurée, soit par tami- d’inflammation en étuve est inférieure de 60 à
sage mécanique, elle est dans ce cas exprimée 120 °C à la TMI sur la plaque chaude. De tels écarts
en masse, soit par granulométrie laser en milieu s’expliquent par le fait que la chaleur générée par
liquide : elle est dans ce cas exprimée en volume les réactions d’oxydation du produit testé s’évacue
(moyenne des granulométries médianes de trois moins facilement lorsque la température ambiante
prélèvements). est plus élevée.
Poussières de blé
10,000
1,000
0,010
GFIGURE 5
Comparaison des
résultats et de
0,001 la modélisation
20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380 400 des températures
critiques pour les
Température de stockage (°C) poussières de blé. q