Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
com/2019/01/17/august-strindberg-lecrivain/
Il est dramaturge, poète, écrivain, peintre, photographe, scienti7que, alchimiste, musicien à ses heures
perdues… Si August Strindberg est l’un des artistes les plus connus de Suède, et malgré son existence en
France, celui-ci est toujours un personnage intriguant à découvrir, notamment par ses facettes très
diverses qui font de lui un homme phare de la 7n du XIXe siècle.
Né en 1849, August Strindberg descend d’un père négociant ayant épousé sa gouvernante. C’est d’ailleurs
ce contexte familial qui donne le titre de son autobiographie : Le Fils de la servante. Auguste fait ses études
et grandit dans une famille modeste, découvrant bien vite son amour pour le théâtre. Il écrit sa première
pièce à l’âge de 20 ans (Le Libre penseur, 1869). Malgré sa production précoce, Strindberg ne connaît pas
tout de suite le succès, et c’est à travers un chemin mouvementé et torturé qu’il se fait un nom dans la
littérature et, tardivement, dans les arts plastiques à titre posthume.
Tiraillé entre romantisme et réalisme, ses intérêts hétéroclites et ses nombreuses lectures expliquent sa
production mouvante : lecteur de Nietzsche, Brandes (célèbre écrivain danois du XIXe), Byron, Almquist,
Kierkegaard, ou encore Voltaire, Balzac… Auguste Strindberg est un phénomène et, pour lui, aborder son
existence c’est « pénétrer dans l’étude de la fascinante alchimie qui préside à la création littéraire à son
plus haut niveau »[1]. Dans sa dernière autobiographie L’Écrivain (1909), Strindberg semble s’être imprégné
de tous les grands mouvements de pensées qui ont fait son époque : athéisme, scientisme,
positivisme, etc. C’est sous quelques-uns de ces aspects que nous allons aborder la vie de cet auteur
proli7que.
Le dramaturge suédois est tout d’abord mal-aimé par ses compatriotes. Strindberg s’installe alors en
France plusieurs années (Grez-sur-Loing, Passy, Neuilly), mais également en Suisse, en Allemagne, où il
fréquente des artistes éminents comme Munch ou Przybyszewski (auteur symboliste polonais dont je
recommande fortement la lecture de Messe des morts). Le terrain parisien, fertile pour les artistes du
tournant du siècle, inspire à Strindberg une production littéraire intense et diverse : la ville est en efet un
lieu d’ésotérisme, de la salvation de l’âme, d’’imaginaire décadent, d’expérience esthétique[2].
L’ é c r i v a i n : d r a m a t u r g e , é c r i v a i n , p o è t e
En avance sur son temps mais surtout provocateur, Strindberg fait grand bruit après l’écriture de sa pièce
majeure Maître Olof (1872) qui le pousse à s’exiler en France pour échapper aux critiques suédoises
acerbes. Maître Olof est une œuvre phare dans sa production. Elle fait alors naître l’univers strindbergien :
le théâtre comme projection de son univers intérieur, une vie qui ne peut pas être celle dont nous rêvons,
et un ton qui pousse à l’insurrection générale. Efectivement, Strindberg va passer plus de trois décennies à
s’insurger contre l’État, l’Église okcielle, la société assise, la Femme, Dieu, et lui-même[3]. D’autant plus que
Strindberg se fait l’auteur de nombreuses satires sociales : Le Nouveau Royaume (1882), Aventures et destinés
suédoises (série s’étalant de 1882 à 1891), faisant l’histoire du petit peuple pour mieux pointer la
décrépitude de la société moderne.
Citons aussi :
▪ La Chambre rouge (1879) : une l’œuvre qui a certainement le plus contribué à son renom, de son
vivant, que ses pièces de théâtre. L’histoire se passe dans la Bohème suédoise et en fait la critique.
▪ Père (1887) : la pièce de théâtre la plus jouée à ce jour de son répertoire, elle met en scène la
persécution d’un chef de famille, et montre comment les hommes et le destin se conjuguent pour
écraser une personnalité jusqu’à la folie. Cette pièce présente le « théâtre psychique » de Strindberg.
▪ Inferno : un de ses romans les plus célèbres qui ne saurait être classé dans le genre du roman ou de
l’autobiographie.
Dans nombre de ses œuvres littéraires, nous retrouvons des thèmes récurrents : le dégout de la ville, de la
société pervertie, la destruction psychique d’un personnage persécuté par son entourage, la déception des
relations homme/femme, car comme nous le verrons, Strindberg entretient un rapport chaotique et
paradoxal avec l’autre sexe.
Son dégoût de la société urbaine correspond à l’anti-urbanisme virulent des années 1880/1890 ; urbanisme
que nous retrouvons d’ailleurs chez de nombreux artistes scandinaves. Cette aversion s’explique avec la
montée du capitalisme, des progrès techniques et de l’industrialisation qui change le tissu urbain :
sensation d’une nature violée, de pertes de ses racines, de destruction des cellules familiales, la
surpopulation entraîne maladie, saleté, chômage… Pourtant la ville, et notamment les capitales comme
Paris et Berlin, a permis à l’auteur de côtoyer des artistes et de fréquenter les cercles littéraires,
symbolistes, ésotériques. Le dramaturge est tiraillé entre son attirance pour les groupes artistiques et la
volonté de fuir à la campagne.
La femme est en efet un des thèmes qui a le plus obsédé l’auteur suédois : il écrit au cours de sa vie
plusieurs pamphlets misogynes, comme avec La Femme de Sire Bengt (1882). Dans Mariés (1884-1886), il se
confronte au mouvement d’émancipation féminine de la 7n de siècle en décrivant la femme idéale comme
essentiellement épouse et mère. Dans Père (1887), la pièce présente un capitaine, chef de famille,
persécuté par son épouse et sa 7lle jusqu’à son déséquilibre psychique. L’on pourrait encore citer La Reine
Christine (1903) qui se fait l’illustration d’une femme trop intellectuelle et (donc ?) trop égoïste. Ces
personnages de roman sont bien souvent victimes du charme de demoiselles sans cœur (Au bord de la
vaste mer, Le Bouc émissaire).
Selon R. Boyer, « Strindberg ne pouvait être heureux avec une femme, quelle qu’elle fût. Parce qu’il l’aura
accusée inconsciemment de n’être pas, de ne pouvoir être ce qu’il projetait de lui sur elle ». Chez Strindberg, « la
femme est par déUnition traîtresse, un homme ne peut jamais être sûr d’être le véritable père de ses enfants, la
femme s’applique à annihiler l’homme qu’elle dit aimer en l’acculant à un combat psychique et matériel où elle se
révèle fatalement « la plus forte », elle lui noue autour du cou un « lien » qui Unira par l’étrangler, son rêve de
possession maniaque revient à lui faire passer la camisole de force, etc. ».
Nous n’avons ici fait qu’eveurer l’œuvre littéraire de Strindberg mais dans un prochain article, je vous
proposerai de découvrir les autres facettes de l’auteur : le peintre, le photographe et l’alchimiste.
Le sculpteur Carl Eldh (1873-1955) dans son atelier à Stockholm où l’on aperçoit au fond la sculpture
monumentale de Strindberg destinée au parc Tégnerlunden. Crédit.
Notes :
[1] Boyer R., « Introduction » du roman de Strindberg, Au bord de la vaste mer, Flammarion, Paris, 1993.
[2] Balzamo E., Briens S., Deshima, Strindberg and the city, hors-série n°2, Départements d’études
néerlandaises et scandinaves, Strasbourg, 2012.
[3] cf. Boyer R., « Introduction » du roman de Strindberg, Au bord de la vaste mer, Flammarion, Paris, 1993.
Bibliographie :
Balzamo E., Briens S., Deshima, Strindberg and the city, hors-série n°2, Départements d’études
néerlandaises et scandinaves, Strasbourg, 2012.
Strindberg, Nuits de Somnambule par jours éveillés, Librairie Séguier, Paris, 1990.
PPaarrttaaggeerr ::
W
WoorrddPPrreessss::
chargement…