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Pièce en 1 Acte
et 5 tableaux
de Pierre d’Arlétin
MMXXII
Note de l’éditeur.
TABLEAU I
PHILOMENE
Agathe ma très chère, approchez-vous de moi,
Venez, je vous en prie, adoucir ma tristesse,
Apaiser la langueur que me cause l’effroi
D’avoir importuné par grande maladresse
Le très noble d’Argens, maître de cet Etat
AGATHE
Quel terrible destin, ma douce Philomène,
Pour qu’ainsi je vous trouve au creux de ce grabat,
A pu vous terrasser et causer telle peine
Que votre doux visage en soit baigné de pleurs ?
Sans voile racontez ce mal qui vous oppresse.
Dites-moi le détail de si grandes douleurs.
Vous savez que pour vous j’ai beaucoup de tendresse,
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Je saurai vous entendre et vous réconforter.
PHILOMENE
Depuis le jour fatal où notre traversée,
Au lieu de nous mener jusqu’à ce lieu très-saint
Qu’est la cité papale en Méditerranée,
Nous jeta sous le feu d’un horrible combat,
Que périrent mon père et ma mère et mes frères,
Nous devînmes butin d’un sombre renégat.
Longtemps dans son palais il nous tint prisonnières,
Retardant à son gré le savoureux moment
De nous voir à genoux, en esclaves soumises,
Offrir notre jeunesse à son tempérament.
AGATHE, pensive
Je nous revois encor, simplement en chemises,
Ecoutant dans le noir le moindre des soupirs,
Redoutant que les pas entendus dans l’allée
Ne soient ceux d’un satyre affamé de désirs.
Heureusement les mœurs de pareille contrée
Faisaient que le seigneur, ayant en son palais.
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Plus d’une concubine en jouissance experte,
Une cour de gitons, et de nombreux laquais,
Trouvait à tout moment une victime offerte.
Un silence
PHILOMENE enchaîne
Vous souvient-il encor de ce premier plaisir ?
Allongée une nuit, partageant votre couche,
Je ne pus retenir l’impérieux désir
D’avec ma langue ouvrir votre adorable bouche…
Avez-vous oublié, dans la tiédeur du lit,
Le frisson merveilleux que mes lèvres câlines
Donnait à votre sein au mamelon durci
Libérant à l’envi vos phrases libertines ?
De vous je suis éprise, et vous le savez bien,
Mais comprenez aussi que si le jeu saphique
Apporte volupté, cela n’est trois fois rien
Face aux attentions d’un amant magnifique !
AGATHE soupirant
J’ai bien compris, allez, que les menus bonheurs
Que je vous ai donnés par mes mains et ma bouche
Ne comptent plus pour vous depuis que les ardeurs
De Messire d’Argens vous rendent moins farouche.
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Sa bravoure a permis de vaincre le sultan,
Le jeter en exil, suspendre ses conquêtes,
Aux chrétiens redonner la liberté d’antan
De pouvoir à nouveau faire de grandes fêtes.
PHILOMENE
De l’azur de vos yeux ne saurais me passer.
Vos mains à la douceur et la finesse extrême
Sont faites clairement pour mon corps caresser.
Vous êtes dans l’erreur, sachez que je vous aime !
Ne soyez pas jalouse, aimez-moi tendrement,
D’autant que le galant que je voudrais séduire
Est pourvu d’une épouse au fort tempérament
Qu’il me faudra, je crains, tout faire pour occire.
AGATHE
Occire ! quel grand mot, mais vous n’y pensez point !
Nul amour ne mérite une telle pratique.
Pareille passion vous entraîne trop loin !
Au contraire comptez sur le pouvoir magique
D’un regard amoureux, d’une œillade friponne
De l’attrait provocant d’un buste bien garni,
De tous les mots grivois qu’une catin fredonne !
PHILOMENE
Catin, je ne suis pas ! Chassez ce mot honni ! m
Si le Ciel a voulu que je sois orpheline,
Et m’a fait surmonter le vouloir du sultan,
C’est pour que j’accomplisse une tâche divine
Et non pas m’encombrer d’un médiocre amant.
Il m’a de plus donné le titre de comtesse
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Dont je veux me servir quel que soit le moment
Pour affirmer ainsi mon rang et ma noblesse.
Philomène s’interrompt
PHILOMENE
Je vais vous dire, hélas. Venant le saluer
Je vis rapidement, lorsque je fus admise,
Que captiver son cœur et me l’attribuer
Serait en cet endroit une vaine entreprise.
Outre le Duc et moi se trouvaient un abbé,
Une antique duègne à la mine sévère,
Tandis qu’un gros notable au ventre tout bombé
Pérorait affalé du fond d’une bergère.
Rien ne laissait montrer qu’on me reconnaissait
Tandis que je faisais profonde révérence,
Alors qu’hier encor le maître me pressait
De venir lui conter en toute diligence
Le détail croustillant de notre mise en cage
Qui semblait exciter et monter son humeur
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A penser qu’une vierge à l’existence sage
Pût être convertie en reine d’impudeur.
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Si dans l’esprit du roi cette idée opportune
Un jour était semée, alors un beau matin
Pour notre grand bonheur il se pût qu’il ordonne
Que nombre de nos biens nous soient restitués,
Que justice soit faite et qu’à l’homme il pardonne
De nous avoir longtemps si malement traités !
AGATHE
Reprenez- vos esprits, je ne vois pas mort d’homme !
Réfléchissant, le Duc, troublé par vos propos
Voudra probablement, en parfait gentilhomme,
Trouver le sens profond exprimé par ces mots.
PHILOMENE
Quel malheur fut le mien d’être si malhabile !
Je crains de son courroux un résultat pervers.
Il encourage à fond la volonté débile
D’un abbé qui me veut par des moyens divers
Contraindre à révéler toutes les aventures
Qu’il m’a fallu subir en ce passé récent,
De chacune évoquer les diverses natures
Afin de satisfaire un fond concupiscent.
Demain je dois à l’aube aller à la chapelle
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Par la confession déclarer mes forfaits
A ce fourbe de clerc dont la pratique appelle
A jouir de me voir avouer mes péchés.
AGATHE
Il faut cesser Madame, après telle rencontre,
De vous faire un souci qui gâte vos humeurs.
Je vais rester ce soir et me mettre tout contre,
Vous redonner espoir et calmer vos douleurs.
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TABLEAU II
PHILOMENE
L’ABBE
PHILOMENE
Expliquez-moi, l’Abbé, par quel nouveau mystère
Vous retrouvé-je ici dans ce charmant boudoir.
Qui ne comporte aucun, pour votre ministère,
Des outils dédiés à votre saint devoir ?
L’ABBE
Me levant ce matin j’ai perçu dans la brume
La morsure d’un froid signe de grand frimas,
Et pour éviter que votre voix ne s’enrhume
J’ai prié notre hôtesse, évitant tout tracas,
De nous loger ici dans ce doux oratoire.
Madame la Duchesse y fait dévotions.
C’est ici qu’en priant elle égrène l’ivoire
D’un chapelet garni de saintes oraisons.
PHILOMENE
Je m’accuse, l’Abbé,
Mais que viens-je d’entendre ?
On eût dit un soupir, une légère toux.
Ne sommes-nous pas seuls et me faut-il comprendre
Qu’en ce petit boudoir se trouve autre que nous ?
J’aurais bien préféré conserver l’habitude
De me voir installée en confessionnal
Où je pourrais vous dire en toute quiétude
Ce que j’ai fait de bien, ce que j’ai fait de mal,
A l’abri des regards, d’oreilles indiscrètes
Se permettant d’ouïr dans je ne sais quel but
Intime confidence ou paroles secrètes
De pauvre pénitente avide de salut.
L’ABBE
Sans doute le trottis d’une souris surprise…
Nous sommes seuls, vous-dis-je, et reprenez le cours
Du récit des malheurs qui vous ont compromise.
Dites-moi les tenants de ce triste parcours
Qui fit de vous un jour une esclave friponne.
Il est très important de me dire tout cru,
Si vous voulez qu’enfin le bon Dieu vous pardonne,
Tous les attouchements que votre corps perçut.
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Commencez par me dire où vous fûtes saisie.
PHILOMENE
Avecque mes parents nous avions pris la mer,
Ayant fait le projet d’aller en Italie
Le Saint-Père honorer qui nous avait offert
La grâce de bénir notre noble famille.
Agathe Saint-Sauveur, pour un si long parcours,
Nous avait assistés, dame de compagnie,
Pour égayer un peu la lenteur de ces jours.
Légèrement le vent nous poussait vers Ostie,
Attisant nos désirs de beaux fruits et de vin.
Nous étions près du but lorsque de la vigie,
Au faîte du grand mât, un signal nous parvint.
Un matelot criait : « Bateau pirate en vue ! »
Sitôt le commandant fit armer les canons,
Charger tous les mousquets, revêtir la tenue
Qui convient au combat, hisser les pavillons.
Quand il eut du bateau fermé toute écoutille,
Il nous mit à l’abri dans le sombre entrepont.
Mes frères et mon père, abandonnant sa fille,
Allèrent au combat en regagnant le pont.
Le fracas des canons déchira l’atmosphère,
Des hurlements stridents, de grands cris de terreur
Couvraient de leur clameur notre faible prière.
Après quelques instants d’incroyable fureur
De notre faible abri nous fûmes arrachées
Par des monstres cuivrés aux corps prodigieux.
Nos robes aussitôt se virent déchirées
Mille mains se tendaient pour saisir nos cheveux.
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Soudain grand cri monta. « La goélette coule ! »
Un colosse me prit, et me mit sur son dos.
Avec force il parvint à traverser la foule
Puis à me déposer sur un des apparaux
Qui très nombreux gisaient sur le bateau pirate.
Quand je levai les yeux, je vis pardessus moi
Un sultan orgueilleux, au turban écarlate.
Il ordonna sitôt en me montrant du doigt :
L’ABBE
Toute cette épopée est fort intéressante
Mais je n’y vois matière à trouver des péchés,
Il vous faut maintenant toute affaire cessante
Me donner le détail de vos réels méfaits.
PHILOMENE
Calmez-vous donc, Abbé ! Je conçois qu’il vous tarde
D’entendre le récit de mes actes d’amour.
Mais à ce que je dis, il faut bien prendre garde
De ne point se tromper, prendre un mauvais détour.
Si ce sont des erreurs, trouvez qui les provoque
Avant de condamner systématiquement
Le moindre manquement d’origine équivoque
Qui pourrait influer sur votre jugement.
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Je décris à présent ma première aventure.
Un silence
LA DUCHESSE
Je vois très cher abbé que votre pénitente
A su de votre sang réchauffer les humeurs…
Allez donc au jardin ou dans votre soupente
Oublier cette histoire et calmer vos raideurs.
Elles s’installent.
PHILOMENE
Je vous sais gré, Madame, écoutant mon histoire,
De me faire crédit d’avoir su résister.
Mais il faudra peut-être en modérer la gloire
Après avoir ouï ce que je vais conter.
PHILOMENE
Vous ne le croirez pas, Madame la Duchesse.
Ce n’est pas du sultan, de sa lubricité,
Mais de l’affriolante et très belle maîtresse
Que nous eûmes à craindre, à dire vérité.
La blancheur, la candeur, bref la beauté d’Agathe
Amenèrent l’esclave à telle émotion
Qu’afin de la séduire elle se mit en hâte
A montrer les atouts de sa complexion.
Dès l’aube elle enlevait le dernier de ses voiles
Toute nue exhibait à nos yeux esbaudis
La courbe de ses seins, projetait des étoiles
En des rêves d’amour jusqu’alors interdits.
Pour éviter qu’Agathe à ce jeu ne succombe,
C’est moi qui répondis aux provocations.
A mon tour je montrai la courbe d’une lombe
La rondeur d’un téton, le secret des sillons
Qui recèlent parfums de mon anatomie.
Je lui donnai le droit en grande privauté
De flatter tendrement et sans parcimonie
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Le triangle sacré de mon intimité.
Djeïla, c’est son nom, tomba vite amoureuse
Des charmes que j’offrais à sa dilection,
Et je dus tous les soirs, pour qu’elle fût heureuse,
Partager en son lit sa folle passion.
Avec elle j’appris tout ce que la luxure
Peut apporter à femme en quête de baiser,
Langotages, câlins, tout ce que la nature
Incite fille ardente à vouloir échanger.
LA DUCHESSE en aparté
Eût-il réalisé cette très noble idée,
Ce n’est pas pour autant que sortant du carmel
Vous eussiez conservé votre âme immaculée
Et fussiez moins putain que fille de bordel…
La Duchesse se lève
La duchesse sort.
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TABLEAU III
PHILOMENE
AGATHE
PHILOMENE
Agathe, mon trésor, vous êtes généreuse
D’être venue ici de vos yeux observer
L’abbé que l’on m’impose et son âme véreuse.
J’entends que vous aussi puissiez enregistrer
Mémoire des propos et toutes les fadaises
Dont il ne manquera de vouloir m’abreuver.
Allez donc vous cacher, et prenez bien vos aises
Derrière ce rideau qui saura vous masquer.
Seigneur, j’entends son pas ! Disparaissez chérie,
Ne faites plus de bruit, soyez comme un tombeau
Et souvenez-vous bien de toute fourberie
Que pourrait m’infliger cet infâme nabot.
L’Abbé entre.
L’ABBE
Salut à vous, ma fille, en ce lieu de prière
Qui verra je l’espère éclore vérité
Sur le réel état de cette aventurière
Qui depuis quelques jours trouble notre cité.
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PHILOMENE furieuse
Tout doux ! tout doux ! l’Abbé. Vous m’appelez « ma fille »
Comme si fussiez duc, marquis ou même roi !
Nous n’appartenons pas à la même famille !
Votre modeste état ne donne pas ce droit !
Je vous demande, Abbé, de m’appeler « Comtesse ».
Ce titre me revient depuis qu’au fond des mers
Je vis tous mes parents, jour d’immense tristesse,
Être tous entraînés dans ces gouffres amers.
J’eus plus de chance qu’eux, puisqu’après le naufrage
Vous savez maintenant que je fus un long temps
Capturée, asservie, et tenue en otage
Avant qu’enfin le Duc avec ses combattants
Ne reconquît l’Etat, en reprît le contrôle,
Me délivrant ainsi de la chaîne et des fers
Qui jusqu’à cet instant nous liaient à la geôle
Où nous asservissaient ces ottomans pervers.
L’ABBE
C’est entendu, Madame. Et maintenant, Comtesse,
Je dois en confesseur recevoir vos péchés.
Je tiens de mon évêque, aussi de notre hôtesse,
Le mandat de savoir ce que vous nous cachez.
Philomène s’agenouille
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PHILOMENE
Vous vous rappellerez qu’avant que la duchesse
N’intervienne soudain dans ma confession
Tel un diable sortant, quand une main la presse,
D’une boite magique, avec l’intention
De connaître en détail ma terrible aventure,
Vous vous souvenez donc de la protection
Dont Djeïla l’esclave, en bonne créature,
Avait autour de nous fait disposition.
Du sultan, par son philtre, elle tenait la bride.
Jamais il n’approcha, ne fût-ce que d’un pied,
D’Agathe ou bien de moi, même quand un torride
Appétit de luxure au corps le tenaillait.
Bien sûr il me fallut délivrer en échange
Soumission totale à qui nous protégeait,
Et je dois avouer que, n’étant pas un ange,
Je faisais à peu près tout ce qu’elle exigeait.
L’ABBE
Racontez le détail de ce que la diablesse
Vous fit alors subir. Il me faut définir,
Selon l’endroit précis où se fit la caresse,
Le degré du péché pour mieux vous en punir.
Ainsi j’adapterai pour votre pénitence
Les Avé, les Pater, le nombre de versets
Qu’il faudra réciter, en grande repentance,
Afin d’en recevoir au plus tôt les bienfaits.
PHILOMENE
La plus douce, mon père, était avec ma langue
De lécher le sommet de son petit trésor,
Sentir en sa toison le parfum de la mangue,
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L’arôme de l’ylang, le goût du bouton d’or.
Ce qu’elle préférait, c’était ma peau très blanche.
Sans cesse elle mordait comme dans un gâteau
Ma chair au fondement, ma gorge, ou bien ma hanche.
L’empreinte de ses dents se marquait sur ma peau.
Mais le pire péché fut un grand sacrifice !
Il me fallut céder pour combler son désir
De toucher de mon doigt son petit orifice
Et j’avoue avoir pris un immense plaisir !
L’ABBE
Je n’en puis plus, Madame, il me faut une pause,
Chasser de mon esprit vos mots licencieux,
Oter le rêve impur qu’à mon esprit propose
Le récit de si grands exploits libidineux.
AGATHE
J’ai tout bien entendu, vous fûtes merveilleuse.
Jamais je ne goûtai si tendres impudeurs
Que celles qu’aujourd’hui votre voix chaleureuse
A l’Abbé distilla pour monter ses ardeurs.
Moi-même, croyez-le, j’ai souffert grande peine
D’interdire à ma main d’aller où vous savez
Caresser la moiteur que le désir amène
Aux âmes qui d’amour n’en ont jamais assez.
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PHILOMENE
Délicieuse Agathe il faut que je vous dise
Qu’une telle amitié mérite un long baiser.
Elles se rasseyent
AGATHE
Mais il n’est pas connu que la duchesse soit
Adepte de ces jeux qui satisfont la nonne
Ou fillette pubère agile de son doigt.
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PHILOMENE
Vous dites vrai, ma mie, et demain dès matine,
J’irai voir la Duchesse et la circonviendrai.
Je lui dirai que vous, ma petite cousine,
Vous offrez un aspect de très sage beauté
Mais qu’en réalité votre visage d’ange
Cache duplicité de votre esprit pervers
Apte à banaliser cette pratique étrange
De se voir abuser à l’endroit ou l’envers.
J’ai bien vu dans ses yeux l’attitude lascive
Qu’elle arborait pendant que l’Abbé m’écoutait,
Son goût de découvrir action inventive,
Et le décrit du stupre qui la fascinait.
Il me faut que de vous elle tombe amoureuse,
Que vous la détourniez de son noble mari,
Et que me révélant une amante fougueuse,
Nous gagnions à deux notre risqué pari.
Je jure, mon enfant, je jure devant Rome
D’atteindre de concert notre double objectif :
Vous, catin de la femme, et moi putain de l’homme,
Mais régnantes de fait sur leur troupeau craintif.
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TABLEAU IV
LA DUCHESSE
PHILOMENE
PHILOMENE
Madame la Duchesse enfin je vous retrouve.
De votre affection je ressens les effets.
Je vous dirai bien sûr ce que mon âme éprouve
De jouir chaque jour de vos nombreux bienfaits.
La DUCHESSE
Je dois vous avouer que l’abbé m’insupporte
Et que je ne veux plus qu’on puisse l’imposer.
Mais comme enfin je veux connaître quelle sorte
De femme est avec moi, je vais le remplacer.
Voulez-vous bien ma chère avec moi vous distraire ?
Je serai le ministre à qui devrez surtout
De vos nombreux péchés avouer la misère,
Et je vous le promets, je pardonnerai tout.
PHILOMENE
Avec bonheur ici je vais vous satisfaire.
Devant vous, simplement, je me mets à genoux.
Omettons cependant de faire une prière,
Je m’en vais vous conter mes méfaits les plus doux.
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Quand l’abbé fut parti, je venais de lui dire
Comme était notre sort, quels étaient nos malheurs,
Tandis que nous voguions à bord de ce navire
Nous emmenant si loin de nos saintes valeurs.
Un matin de printemps, au terme du voyage,
Le bateau pénétra dans un immense port.
Nous n’en vîmes pas plus, regagnant notre cage,
Un char nous emmena vers un nouveau transport.
La précédente garde était une persane,
Peut-être qu’à présent ce seraient des soldats ?
Mais quel soulagement de voir une ottomane
Au harem nous mener, loin de ces renégats,
Dans un endroit secret où nous fûmes soustraites
Aux regards de tout mâle en âge de rêver,
La sultane voulant, nous estimant parfaites,
A sa discrétion nos appas réserver.
LA DUCHESSE
Dois-je vraiment comprendre, écoutant votre fable,
Que par un don du ciel vous ne fûtes jamais
Malgré votre beauté, votre port admirable,
Victime d’un assaut, même dans ce palais ?
PHILOMENE
Ce n’est que vérité. Sentez la plénitude
Qui bientôt nous gagna quand nous eûmes compris
Qu’à nouveau vivrions en grande quiétude
Et que jamais assaut ne serait entrepris.
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LA DUCHESSE
Libido, libido, quel est ce mot si drôle
Que vous utilisez ?
Mais à propos de mots,
Expliquez-moi pourquoi, perdant votre contrôle,
Vous osâtes un jour souhaiter le chaos
Que représenterait le projet chimérique
De cesser de soumettre aux seuls mâles bien nés
Une épouse, une mère, ou même fille unique,
Et leur restituer biens et propriétés.
Est-ce donc sur la mer, loin de toute influence,
Que vous avez conçu cet art de provoquer ?
Quelle philosophie amena l’impudence
Exprimée en public d’oser revendiquer
La prise de pouvoir sur la gent masculine,
Faisant fi de l’histoire et des traditions,
Par une jeune femme, et même une orpheline ?
Cela porte le nom de provocations !
PHILOMENE
Au nom du ciel Madame écoutez ma prière !
Dites-lui que les mots qui l’ont tant provoqué
N’étaient que résultat d’une grande misère,
Que mon esprit d’antan n’eût jamais évoqué
Pareil assentiment, pareille inconvenance.
Dans sa grande bonté, qu’il me fasse faveur
De tout me pardonner, usant de sa clémence.
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Entre vos mains je mets l’espoir d’un grand bonheur.
LA DUCHESSE songeuse
PHILOMENE
Mais vous ne m’avez pas encore interrogée
Sur ma condition de fille à marier.
Si vous me demandiez, vous seriez étonnée
De ce que je dirais. Je veux bien parier.
LA DUCHESSE
Que me dites-vous là ? Je ne m’en vais pas croire
Que vous soyez pucelle après tous les exploits
Que vous avez contés au long de votre histoire !
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LA DUCHESSE
Par tous les saints du ciel, comment est-ce possible ?
PHILOMENE
Il m’a suffi d’apprendre et de suivre conseil
Des deux femmes qui m’ont en ce voyage horrible
Fait découvrir mon corps en son simple appareil
LA DUCHESSE
Mais quel est ce moyen ? Quelle en est la nature ?
PHILOMENE
Quand la femme naquit de la côte d’Adam
Le Tout-Puissant pourvut sa belle créature
De deux abords secrets serrés étroitement
En les dissimulant au fond d’une vallée
Destinée à fournir d’innombrables plaisirs.
Après, selon le sexe, une loi fut créée
Régissant leur usage au regard des désirs.
Quand un homme s’en sert, on le dit sodomite,
Mais la femme contrainte à la virginité
Y trouve là conduite à coup sûr très licite
Pour conserver longtemps toute sa dignité.
Mes gardiennes aussi trouvaient un avantage :
Comme j’étais captive, une grande valeur
Était donc attachée à réel pucelage
Par celui qui serait un jour mon acheteur.
Djeïla, dans ce but, ensuite la sultane,
Ma petite ouverture entreprirent d’aimer,
D’abord sur le navire avec une banane,
Puis ensuite au Palais avec un bel objet.
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Philomène soupire.
LA DUCHESSE
Un marché, mon enfant ? Voilà qui m’intéresse.
PHILOMENE
J’ai bien vu qu’écoutant ma liste de malheurs
Même ayant revêtu l’habit d’une prêtresse,
Le désir n’a cessé de chauffer les ardeurs
Dont notre créateur vous a si bien pourvue.
J’ai senti remonter jusqu’au fond de mon nez
L’effluve d’une mouille assurément perdue
Si sans me dire adieu vous vous précipitez.
Acceptez sans rougir possession d’Agathe
Et donnez-moi du duc usage de son vit.
J’exulte quand je vois votre joue écarlate
Exprimer votre envie et cela me ravit.
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LA DUCHESSE amusée
Tu m’as bien appâtée, habile libertine,
Et je suis résolue à conclure marché.
La duchesse se lève
La duchesse sort.
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TABLEAU V
LE DUC
LA DUCHESSE
PHILOMENE
AGATHE
Le salon du Duc.
Le Duc et la Duchesse sont assis dans un fauteuil
Devant eux se tiennent Philomène et Agathe,
Légèrement vêtues.
LE DUC
Ma sensuelle épouse a plaidé votre cause,
Mais avant de souscrire à ce fameux projet,
Il me faut en détail étudier la chose,
Extraire du contrat le véritable objet.
LA DUCHESSE
Messire mon époux, ce sera très facile.
Vous avez devant vous, prêtes à vous servir,
Deux vierges dont les corps à la taille gracile
Sauront vous satisfaire et combler tout désir,
Vous mener au sommet de jouissance humaine,
Voir assouvis enfin vos rêves les plus fous.
J‘offre à votre appétit la douce Philomène
Dont les accès cachés n’attendent plus que vous.
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Pour éprouver toujours félicité béate,
Me repaître des sucs de son intimité,
Je conserve pour moi cette innocente Agathe
Que je consommerai jusqu’à satiété.
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LE DUC
Vous comprendrez sans mal qu’il me soit impossible
De vous laisser mirer pareils ébattements.
Outre plaisir charnel j’aurai bien sûr pour cible
De punir la comtesse et ses égarements.
Si nous ne prenons garde aux thèses qu’elle porte,
Aux changements requis dans ses assertions,
Il se pourrait qu’un jour arrive à notre porte
Un imprévu parfum de révolutions.
FIN
de l’Otage Perverse
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