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Évaluation et rééducation
Evaluation and rehabilitation
M. Massiot (Cadre de santé-kinésithérapeute, maître en sciences de
l’éducation) *, H. Aboiron (Cadre de santé-kinésithérapeute, directeur
de rééducation, centre Coubert, UGECAM Île-de-France), B. Selleron
(Cadre de santé-kinésithérapeute), J. Vaillant (Cadre de
santé-kinésithérapeute, docteur ès sciences école de kinésithérapie du
CHU de Grenoble, institut universitaire professionnalisé “Ingénierie de
la santé”), J. Wils (Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur en
sciences de l’éducation), P. Stévenin (Cadre de santé-kinésithérapeute,
docteur en sciences de l’éducation directeur IFCS Paris, professeur
associé université d’Aix-Marseille)
42, rue Louis-Barthou, 26000 Valence, France
MOTS CLÉS Résumé En quelques années, le monde de la santé et celui de la rééducation ont
Évaluation en complètement changé de par la technologie et les rapports sociaux. L’évaluation est
rééducation ; devenue un point central de la politique de santé et une préoccupation quotidienne des
Rééducation ; professionnels concernés pour développer la qualité des soins. Le concept d’évaluation a,
Qualité de la lui aussi, évolué pour couvrir un champ bien distinct de la recherche qui nécessite d’être
rééducation ;
développé en tant que tel. Les résultats de recherche participent à l’établissement de
PMSI
référentiels partagés. Dans le champ de la rééducation où la relation humaine est
présente tout au long du traitement, l’évaluation prend en compte, à travers des critères,
la subjectivité et l’objectivité au sein des projets du patient, des thérapeutes et des
institutions. La volonté politique de développement de l’évaluation en santé qui se
décline du côté qualitatif avec l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en
santé (ANAES) et du côté quantitatif avec le Programme de médicalisation du système
d’information (PMSI) ainsi que par l’intermédiaire de la Sécurité sociale, est relayée dans
les pratiques d’évaluation par les acteurs que sont les patients et les praticiens.
L’amélioration de la qualité des soins passe par cette exigence d’une évaluation « mul-
tivoies » sans cesse renouvelée qui repose pour une grande part sur les compétences des
praticiens dans une situation clinique singulière.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Abstract Within few years, health and rehabilitation have completely changed in relation
Evaluation in with changes in technologies and social relationships. Evaluation has become an essential
rehabilitation; point in terms of health policy, and a daily concern for those professionals responsible for
developing the quality of care. The concept of evaluation has evolved also, and has a
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : marc.massiot@club-internet.fr (M. Massiot).
1769-6852/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emckns.2005.03.001
72 M. Massiot et al.
specific role separate from the research field, which should be more developed. Research
Rehabilitation; results are used to establish shared referentials. Human relationships are present throu-
Rehabilitation quality ghout the rehabilitation therapy; therefore, evaluation is based on criteria that take into
account both subjective and objective aspects of the patient’s, therapists’, and institu-
tion’s projects. The political will of developing evaluation within the health system has
resulted, in qualitative terms, in the creation of the ANAES (Agence nationale d’accrédi-
tation et d’évaluation en santé), a national agency for health evaluation, and in
quantitative terms in the creation of the PMSI (Programme de médicalisation du système
d’information) a program for the development of a medical information system; social
services as well as patients and practitioners participate in evaluation practices. Impro-
vement of the care quality depends on such multi-way evaluation which in turn depends
on the practitioner competence in dealing with any singular clinical situation.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
L’enjeu est majeur pour la société puisqu’il pratique réalisée, d’une étude de cas clinique. La
s’agit de la santé de chaque être humain, il peut pratique inclut tout à la fois le traitement qui est
même être considéré comme universel. Le droit à administré au malade par le praticien mais aussi la
la protection de la santé, inscrit dans la constitu- manière de le mettre en œuvre, indissociable des
tion française, est en même temps un enjeu politi- interactions des différents acteurs et de leur rap-
que et économique. Il faut donc rapporter à la port à l’organisation dans laquelle ils agissent.
qualité des soins une relation économique. La pro- L’évaluation d’une pratique est donc complète-
tection de la santé des citoyens doit être efficace ment différente de l’évaluation d’un traitement en
au moindre coût, c’est la notion d’efficience. ce sens que dans une pratique, il y a le contexte, il
L’enjeu est également fort pour les profession- y a la singularité de la clinique, des hommes et des
nels de santé qui sont mis en demeure de justifier femmes en présence. La tâche est beaucoup plus
leurs pratiques et leur utilité, de montrer la valeur ardue, elle se joue à chaque instant et repose sur la
ajoutée qu’ils apportent aux personnes qu’ils trai- compétence du praticien. Elle est en même temps
tent et aux financeurs. beaucoup plus difficile à évaluer par l’institution
dans une évaluation externe et nécessite la mise en
Évaluation des techniques et des traitements œuvre d’une autoévaluation. Elle intègre en même
ou évaluations des pratiques temps l’évaluation d’un traitement.
en inspiration) est un parfait exemple de détail ce qu’il en pense et ce qu’il pense de l’entre-
significatif. Tombé en désuétude, sans possibilité tien ;
de quantification, il est néanmoins pathognomoni- • les stratégies d’intervention qui jouent sur l’in-
que d’un diaphragme abaissé en course interne au tonation et surtout sur les relances comme re-
décours d’une maladie respiratoire obstructive sé- cherche de précision.
vère. Son observation peut donc permettre au réé- L’entretien dans le domaine de la rééducation
ducateur d’identifier un patient atteint d’obstruc- dépasse cependant l’évaluation initiale. Il est per-
tion bronchique sévère accompagnée d’un manent au processus de rééducation et s’inscrit
probable dysfonctionnement diaphragmatique re- nécessairement dans une durée. Il peut alors deve-
tentissant sur les inspirateurs accessoires. nir strictement directif ou complètement ouvert
De même, la palpation constitue une technique pendant l’acte rééducatif. L’entretien et l’évalua-
de recueil d’informations fondamentales en réédu- tion à laquelle il contribue participent alors pleine-
cation, symbolique d’une méthode empirique. ment au processus thérapeutique.
L’évaluation en rééducation repose ainsi sur la « foi
perceptive », l’évidente présence de ce que l’on Instruments de mesure en rééducation 24,25:
voit ou touche. La description est alors une cons- critères de qualité
truction qui permet l’agencement de l’observé et
prépare à son interprétation. La description est Validité
déclenchée par le regard et par la palpation mais La validité d’un instrument de mesure est la capa-
cité à mesurer ce pourquoi il a été conçu (i.e. ce
l’évaluation, l’extraction du sens, s’appuie sur
qu’il est censé mesurer). L’étude de la validité
l’exactitude de l’énoncé et la régularité des déno-
comprend plusieurs étapes destinées à apprécier le
minations. C’est sur ces fonctions dénominatives du
degré de validité de l’instrument : l’étude de la
langage professionnel que le rééducateur peut en-
validité d’apparence et de contenu, la validité par
suite comparer, généraliser ses interprétations.21
rapport à un critère et la validité de construit.
Le texte est alors une trace nécessaire de cette
La validité d’apparence (face validity) est le fait
évaluation qui se renforce par l’imagerie médicale, que l’instrument est en adéquation avec l’entité à
le schéma, la photographie et tout autre moyen qui évaluer. La validité de contenu (content validity)
documente l’observation et qui passe par l’élucida- pose la question de la pertinence du choix des items
tion de critères et d’indicateurs qualitatifs et quan- (dans un questionnaire, un score ou une grille
titatifs.22 d’évaluation, plus particulièrement). La validité
sur critères (criterion validity) étudie si les mesu-
Entretien : faire parler du corps res obtenues sont corrélées avec celles obtenues en
La technique d’entretien (terme à préférer à celui utilisant un outil de référence (gold standard). Il
d’interrogatoire) relève d’une construction entre existe deux formes de validité sur critères : conco-
l’interviewer et l’interviewé. Caractéristique des mitante et prédictive. Dans le cas où les deux outils
professions « d’intervention sur autrui », l’entre- sont administrés en même temps, il s’agit de vali-
tien semi-directif mené par un rééducateur doit dité concomitante. Si, au contraire, le nouvel outil
relever d’une démarche construite orientée par ce est utilisé avant l’outil de référence, il s’agit alors
qui est à évaluer comme le retentissement d’une de validité prédictive. Dans le cas des questionnai-
maladie sur la qualité de vie d’un patient, mais res, scores et grilles d’évaluation, cette validité
ouverte aux propositions de ce patient : par exem- peut être cherchée item par item ou pour l’instru-
ple, le retentissement des traitements sur sa qua- ment dans son ensemble.
lité de vie. Construire un entretien avec un patient Quand il n’existe pas d’instrument de référence
nécessite d’apprécier quatre paramètres fonda- unanimement reconnu, il convient de vérifier la
mentaux 23: validité de construit. C’est généralement le cas
• l’environnement spatial et temporel de l’entre- dans le domaine de la rééducation. La validité de
tien (domicile du patient, chambre d’hôpital, construit (construct validity) est recherchée,
...) impose des allant-de-soi qui modifient le quand il n’existe pas d’instrument étalon. La vali-
sens de ce qui est dit ou non dit ; dité de construit est réalisée à partir de la base
• le contrat de communication, qui est un préala- conceptuelle de l’élaboration de l’instrument. Elle
ble indispensable et renouvelable, où le réédu- s’effectue au fur et à mesure de l’utilisation de
cateur explique clairement et simplement le l’instrument. Trois méthodes permettent d’évaluer
projet d’évaluation qui va sous-tendre le dérou- la validité de construit : les groupes extrêmes, par
lement de l’entretien et son interprétation ; convergence et par discrimination.
• les stratégies d’écoute qui permettent au réé- L’hypothèse que l’instrument doit être corrélé
ducateur d’identifier ce que décrit le patient, avec certaines mesures (validité de convergence)
Évaluation et rééducation 77
Une autre section de l’ANAES, le service de la point est essentiel pour que les recommandations
nomenclature, évalue les actes dans une nouvelle induisent des changements dans les pratiques pro-
classification commune des actes médicaux fessionnelles et ne soient pas rejetées par les clini-
(CCAM). Toute nouvelle inscription d’un acte ou ciens.
d’une prestation est subordonnée à l’avis de
l’ANAES26 sur la sécurité et l’efficacité de l’acte ou Le PMSI-SSR comme suivi d’activités
de la prestation. et de performances des établissements
de santé
Accréditation : évaluation des établissements
de santé La dotation globale de financement des établisse-
L’organisation des établissements de santé, la ments de santé ayant montré ses lacunes avec des
coordination des équipes, la qualité des pratiques dérives inflationnistes, il a fallu imaginer un sys-
professionnelles méritent elles aussi une dynami- tème de régulation des financements27 en se dotant
que de qualité à laquelle s’intéresse l’accrédita- d’indices valides pouvant permettre un classement
tion. Elle consiste en une évaluation externe, indé- des personnes prises en charge. Dans cette dynami-
pendante de l’établissement et de ses organismes que et depuis plus de 10 ans, les pouvoirs publics
de tutelle, de son fonctionnement et de ses prati- mettent en œuvre des outils de gestion28 complé-
ques. « Elle vise à assurer la sécurité et la qualité tant la politique de santé définie par les différentes
des soins donnés au malade et à promouvoir une lois hospitalières de 199129 et récemment
politique de développement continu de la qualité 2003 pour l’objectif de « Hôpital 2007 ». Le PMSI-
au sein des établissements de santé ». À la de- SSR y figure en bonne place dans le paysage des
mande des établissements et après une démarche outils médicoadministratifs.30 Seul système de tari-
d’autoévaluation, une visite d’accréditation est fication à la pathologie, il est obligatoire pour les
réalisée par des experts et se solde par un rapport établissements de SSR et représente une volonté de
comportant des recommandations d’amélioration maîtrise quantitative des dépenses rapportées à
dont une synthèse est consultable publiquement l’activité des établissements.
sur le site www.anaes.fr. Un recueil descriptif et exhaustif de l’activité
d’un établissement est collecté vers le Départe-
Retentissement sur la qualité des soins ment d’information médicale (DIM) encadré par un
Par la mise en ligne systématique des recommanda- médecin.29–33 Les différents acteurs, du médecin à
tions professionnelles et des comptes-rendus d’ac- l’aide-soignant et de l’infirmier aux rééducateurs,
créditation éditables et téléchargeables, les pro- sans oublier les personnels inscrits sur la liste fer-
fessionnels de santé et les patients ont un accès mée des métiers, transcrivent leurs données pour la
très simple et facile à une banque de données de partie SSR. Elles sont ensuite traitées et compilées
plus en plus riche. Cette dernière, élaborée avec pour obtenir des groupes homogènes de journée
une méthodologie rigoureuse, permet au praticien (GHJ)34–36 en fonction du type de prise en charge
de garantir aux patients des soins conformes aux effectué. Au final, cela donne la masse des points
données scientifiques actuelles et à « l’état de d’indice synthétique d’activité (ISA) et mesure la
l’art ». réalisation et donc la performance de l’établisse-
Toutefois, dans la démarche d’évaluation des ment. Schématiquement, le montant de la dotation
pratiques, une grande vigilance est nécessaire pour globale de l’année suivante sera revu à la hausse ou
ne pas ouvrir une faille majeure dans la rigueur à la baisse par l’Agence régionale de l’hospitalisa-
méthodologique de l’évaluation. Les connaissances tion (ARH) en fonction des résultats déclarés.37,38
scientifiques sur lesquelles s’appuient les recom- Au niveau des tutelles, le comparatif entre les
mandations sont obtenues par des données statisti- établissements s’avère inévitable et il en est de
ques qui ne sauraient être appliquées purement et même entre les régions. Dans ces conditions, les
simplement à la singularité du patient dans un institutions, soumises au PMSI, ont déjà mis en
contexte clinique. On ne peut comparer que ce qui place des actions qualité sur les activités déclarées
est semblable. Aussi un cas clinique n’est pas com- et aussi sur les traçabilités et stratégies employées
parable à des données obtenues par exemple par dans les activités de soins, de rééducation et de
une moyenne sur un groupe de patients. Pour as- réadaptation. La concurrence est donc en route
seoir leur crédibilité auprès des cliniciens, les dé- avec un frein législatif fort qui est la sectorisation
marches d’évaluation doivent intégrer les recom- pour les actions non spécifiques (orthopédie par
mandations comme des balises pour guider le exemple).
praticien dans ses stratégies et non pas comme des Au niveau de l’établissement, le dispositif PMSI
obligations à respecter face à chaque patient. Ce nécessite de classer les malades par type de prise
80 M. Massiot et al.
en charge, et de renseigner les actes codés à partir tent un temps conséquent en dehors de la présence
des diverses « nomenclatures » validées par la du patient.
Direction des Hôpitaux grâce aux travaux des diffé- Pour le collectif local, l’enjeu devient de valori-
rents groupes de réflexion à l’origine de la version ser l’ensemble des actions de prises en charge de
finale du PMSI. Pour la partie SSR, on reconnaîtra, façon pertinente tout en restant en accord avec les
dans ces nomenclatures : valeurs de qualité de prise en charge « non
• la CIM 10 ou classification internationale des contrainte ». Le résultat n’est visible qu’a poste-
maladies 1037,38 version Organisation mondiale riori car les résumés hebdomadaires de sortie réa-
de la santé ;36 lisés pour chaque patient et par chaque thérapeute
• le CdAM ou catalogue des actes médicaux (liste qui l’a pris en charge, ne seront lisibles qu’en fin de
fermée éditée par la Direction des hôpitaux - semaine ou plus en fonction des moyens informati-
1996) ; ques mis en œuvre.40,41 Cet outil, capable de com-
• le CdARR ou catalogue des actes de rééducation- piler l’ensemble des données, est le groupeur,
réadaptation (liste fermée éditée par la Direc- sorte de tamis conditionnel qui ne réagira qu’en
tion des Hôpitaux - 1997) .39 mode binaire : si vrai ... alors ; si faux ... alors. Il
Pour les deux derniers catalogues, toute modifi- déterminera les données à envoyer aux tutelles
cation fait l’objet d’un avis de l’ANAES qui s’appuie après validation et anonymisation.
sur une évaluation des actes à définir ou redéfinir. De manière très schématique :
Au niveau local, la performance repose sur l’en- • 1er niveau déterminé par le patient = âge ;
semble des acteurs de santé. Dans le cadre du SSR, exemple : si âge inférieur à 16 ans alors grouper
le médecin est prescripteur, réalise des actes et est en pédiatrie ;
aussi le valideur de l’ensemble de la démarche • 2e niveau déterminé par le médecin = diagnostic
réalisée pour le patient. Les infirmières et aides- principal ; exemple : si diagnostic est coxarth-
soignants sont à l’origine de l’information sur les rose alors grouper en classe majeure clinique
mouvements des patients entre les unités de soins (CMC) d’orthopédie-rhumatologie ;
ainsi que sur leur dépendance. Les rééducateurs- • 3e niveau déterminé par le médecin = morbi-
réadaptateurs (listes des métiers identifiés sur le dité ; exemple : si soins de trachéotomie alors
Bulletin officiel direction des Hôpitaux) sont res- grouper en prise en charge clinique très lourde
ponsables de la déclaration des temps, en majorité (PCTL) ;
individuels, pour les actes issus des 12 activités • 4e niveau déterminé par la somme des temps de
référencées36 (Tableau 1). rééducation-réadaptation ; exemple : si temps
La notion de « classant ou non classant » a été total de rééducation supérieur à 7 heures par
établie afin de déterminer les dites classes ou grou- semaine alors grouper en prise en charge de
pes. Bien que discutables, les activités non classan- rééducation-réadaptation complexe (PRRC) ;
tes ne sont pas du tout remises en réflexion • 5e niveau déterminé par les infirmières = score
aujourd’hui, au risque de pénaliser le rendu global, de dépendance (mini = 6 - maxi = 24 et bascule à
par la non-reconnaissance d’un versant de l’acti- 12) ; exemple : un patient indépendant sera
vité de certains métiers de la rééducation- compté inférieur à 12.
réadaptation. Prenons pour exemple les bilans On note toutefois que l’effet conditionnel ne
construits et étayés des orthophonistes, des psy- s’arrête pas à chaque niveau ; il est aussi condition-
chologues ou des assistantes sociales qui nécessi- nel dans la succession. Si rien ne valide le niveau
3 alors on passe au niveau 4 et si rien ne valide le
Tableau 1 Liste des activités de rééducation-réadaptation. niveau 4 alors on passe au niveau 5. La performance
Activités locale sera donc de correspondre, en termes de
Classant Mécanique résultats, aux missions qui sont confiées à l’établis-
Sensorimoteur sement. De façon, là encore toute schématique, il
Cardiorespiratoire sera souhaitable de déclarer une majorité d’acti-
Urosphinctérien vité en soins lourds niveau 3 pour un hôpital de
Neuropsychologique
court séjour, une majorité de soins de rééducation
Nutritionnel
– réadaptation niveau 4 pour un centre de rééduca-
Appareillage
Réadaptation-réinsertion
tion et une majorité de dépendance niveau 5 pour
Collectif un centre de soins de suite convalescence.
Non classant Bilan Bien que les mécanismes de déclaration soient
Physiothérapie plus complexes,42,43 on perçoit clairement l’impor-
Balnéothérapie tance de chaque maillon de la chaîne où chacun
doit se sentir concerné alors qu’il n’en voit pas
Évaluation et rééducation 81
l’intérêt dans l’instant. Cette déclinaison met en par l’ensemble des professionnels et des institu-
évidence la responsabilité forte de chacun des ac- tions afin de montrer toute la pertinence de la
teurs. Un des premiers résultats observables en politique générale de santé en France, voire en
termes de performance collective est la possibilité Europe ?
de fédérer l’équipe au complet autour de la prise
en charge du patient. Le célèbre adage « Un pour Sécurité sociale
tous... » s’applique parfaitement à la performance
individuelle du thérapeute pour lequel la recon- Au sein de cet arsenal d’organismes et d’action
naissance de ses déclarations aura un impact cer- d’évaluation lancés ces dernières années, la Sécu-
tain et responsable face à la chaîne des informa- rité sociale a maintenant à sa disposition des outils
tions données pour un même patient. Un sens (référentiels, recommandations...mais aussi outils
certain, à condition que l’institution donne égale- de recueil de données comme le système d’infor-
ment les moyens d’optimiser à la fois le recueil des mation de l’assurance maladie [SIAM] et le PMSI) lui
chiffres et les prises en charge. permettant de contrôler les dépenses tout en cher-
Dans une étude portant sur l’activité du chant à respecter la qualité des soins. L’évaluation
deuxième semestre 1998 dans un service d’ergothé- et le contrôle s’exercent tant au niveau individuel
rapie, Le Gall et Colombini44 ont montré que la (cf. infra : le praticien comme responsable du trai-
prise en charge relativement stable d’un équivalent tement) que collectif. Des études d’impact sont
temps plein d’ergothérapie est de 5 heures 50 pour réalisées : sur quatre documents consultables sur le
une journée de 7 heures 48. Cette étude a égale- site www.ameli.fr concernant les soins de ville par
ment montré l’étroite corrélation entre l’organi- exemple, deux concernent la massokinésithérapie :
gramme et le temps déclaré. De ce fait, on entre- • l’une traite de la réforme de la nomenclature
voit les intentions stratégiques de chaque des actes professionnels et constate que les
établissement. Au risque de choquer certains, la pratiques ont peu changé. Les nouvelles cota-
notion de rééducateur-réadaptateur prend alors tions sont peu utilisées et les prescriptions mé-
toute sa dimension. Tout en gardant la même com- dicales sont restées le plus souvent quantitati-
pétence pour chacun des métiers, la stratégie de ves, avec au total une augmentation des
remplacement pourrait se traduire, au fil des nu- dépenses de 9,0 % et une baisse du nombre
merus clausus, en un recentrage vers les cœurs de d’actes de 5,1 % ;
métiers et peut-être un changement radical de la • l’autre traite de la qualité des fiches synthéti-
prise en charge de rééducation-réadaptation. ques de bilan diagnostique kinésithérapique et
Aujourd’hui, l’Étude nationale des coûts, au ni- montre une grande disparité dans la qualité des
veau du ministère de la Santé,45,46 pose tous ces fiches.
éléments en parallèle grâce aux chiffres des éta- Ces évaluations apportent des renseignements
blissements volontaires. Elle accompagne égale- précieux aux différents partenaires de la santé pour
ment un des objectifs de politique de santé, à mieux comprendre et organiser leur pratique dans
savoir la mise en place de la comptabilité analyti- un objectif d’amélioration de la qualité des soins.
que qui devrait apporter une vision très précise des
coûts par pathologie.47 Le politique comme régulateur du marché
L’intérêt de la qualité du remplissage de ces RHS de la santé
se trouve impérativement posé pour tous les ac-
teurs et toutes les définitions du patient. Le DIM, La protection de la santé est évidemment une des
grâce à sa position stratégique et responsable, met- missions prioritaires de l’État qui figurent dans la
tra en place la dynamique de contrôle - qualité de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
façon à optimiser les prises en charge dans leur ainsi que dans le préambule de la constitution. Le
réalité. pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont impulsé
L’attention que l’on porte sur l’authenticité de et mis en place des établissements de santé et la
la « déclaration » est un gage de qualité et d’impor- Sécurité sociale pour rendre les soins accessibles au
tance pour l’avenir car, pour l’instant, toutes les plus grand nombre, suivant l’adage selon lequel la
données reçues servent de références pour les pou- santé n’a pas de prix. Mais les contraintes économi-
voirs publics qui alignent les dotations au plus juste ques (chômage, ralentissement économique) asso-
des pathologies et des prises en charge. ciées à la demande croissante du public en matière
Tous les ingrédients sont là pour développer une de santé, au vieillissement de la population et à
performance médicoéconomique et également ré- l’évolution des technologies ont eu raison de cette
gionale, locale et tout aussi bien individuelle. Les politique de dépenses. La santé, qui représente un
tutelles sauront-elles valoriser les efforts fournis tiers du produit intérieur brut, a un coût48 qu’il faut
82 M. Massiot et al.
contrôler et endiguer sans pour autant mettre à mal soins. Enfin, il n’y a pas de prise en compte de la
la qualité des soins et leur libre accès. Se met alors satisfaction de l’usager alors que son lien avec la
en place dans les deux dernières décennies un qualité des soins est démontré.53
système de régulation du « marché de la santé » Le public est-il influencé par les publications des
sous les directives du Parlement qui retient les résultats ? Les seules études qui existent ont été
priorités sanitaires et vote la loi de financement de réalisées aux États-Unis. Les résultats montrent
la Sécurité sociale (Objectif national des dépenses que les publications n’ont pas d’impact sur la fré-
de l’Assurance maladie : ONDAM). quentation des hôpitaux par les malades. Ainsi sur
Ce système de régulation comporte un volet 673 malades ayant eu un pontage dans l’année
quantitatif de maîtrise et de contrôle budgétaire et précédente, moins de 12 % des patients connais-
un volet qualitatif d’évaluation. Le volet quantita- saient la publication faisant état du taux de morta-
tif est le premier à être instauré en 198349 par la lité comparé entre les hôpitaux et moins de 1 % en
mise en place de la dotation globale de finance- connaissaient le résultat.54 Dans l’État de New
ment (DGF) des hôpitaux chargés d’une mission de York, le pourcentage des pontages coronariens réa-
service public et en 1984 du PMSI dans l’hôpital lisés dans les hôpitaux classés à haut risque n’a pas
pour permettre un suivi médicalisé (et pas unique- été modifié par les résultats.55 Pour autant, il sem-
ment comptable) des activités de soin en fonction ble qu’une volonté politique se dessine en France
des pathologies traitées (cf. supra). Il deviendra, en pour tenter de comparer les hôpitaux et de publier
1995,48 un outil d’allocation budgétaire mettant en certains résultats afin que le grand public soit
rapport la masse budgétaire et l’activité médicale mieux informé. Quand on sait les limites et les
d’un établissement à la disposition des ARH et des difficultés méthodologiques des indicateurs de ré-
Directions régionales des affaires sanitaires et so- sultats et leurs difficultés d’interprétation, le ris-
ciales (DRASS). que est double : désinformer le public sans amélio-
Le volet qualitatif est représenté par l’ANDEM en rer la qualité des soins.56
1992, remplacée en 1996 par l’ANAES (cf. supra)
avec ces deux grands axes que sont l’accréditation
et l’évaluation de la qualité de soins. Pratiques de l’évaluation en
Le dispositif de régulation est complété par la
Conférence nationale de santé, le Haut conseil de
rééducation
santé et les Conseils régionaux de santé50 qui ont
pour mission de participer à la maîtrise des dépen- Le patient comme premier évaluateur :
ses sanitaires51 par des analyses et études prépa- motif de consultation et satisfaction
rant la loi de financement.
Ainsi, l’État s’est doté en 10 ans de structures Ce n’est que récemment, et dépassant un paterna-
chargées d’évaluation en santé devant permettre lisme ancien, que la question de la satisfaction des
d’offrir une qualité de soins optimale au meilleur patients se pose pour les professionnels de santé
coût en y faisant entrer les grands absents du comme une composante essentielle de la qualité
système en termes de représentation qu’étaient les des soins.57 De nombreux travaux scientifiques ont
usagers. d’ailleurs démontré qu’il existait une relation entre
la satisfaction des patients, la continuité58–62 et
Et le public ? l’adhésion aux soins,63 leurs qualités techniques54
et la satisfaction des soignants.64 De plus, depuis
En rendant publics les résultats de l’accréditation l’ordonnance du 24 avril 1996,65 l’évaluation de la
des établissements de santé sur le site de l’ANAES, satisfaction des patients est aussi une obligation
on accède à une demande de transparence accrue réglementaire pour les établissements hospitaliers.
des usagers et des associations de santé sur la Pourtant sur le terrain, cette évaluation reste
qualité des établissements. La publication par la encore rare et se résume, la plupart du temps, en
grande presse d’un classement des meilleurs hôpi- une mesure de la satisfaction des usagers à travers
taux depuis plusieurs années est également une des enquêtes ou des questionnaires. Cette diffi-
réponse à cette attente.52 Les patients peuvent-ils culté met en exergue deux problématiques nées de
pour autant se fier à ce type de classement et la confusion fréquente entre évaluation et me-
sont-ils influencés par les indicateurs de qualité sure66 et de la définition par nature instable de la
choisis ? La mesure de la qualité des soins est satisfaction des patients.53,67,68
complexe et lorsque l’on examine les critères utili- En effet, la satisfaction est difficile à envisager
sés par les périodiques, on constate que la majorité de façon collective car elle dépend de la singularité
des critères n’ont aucun lien avec la qualité des des personnes et de leur histoire, elle-même in-
Évaluation et rééducation 83
fluencée par la connaissance et l’expérience éven- précise que ceux-ci établissent « un bilan qui com-
tuelle de la maladie, de l’hospitalisation et plus prend le diagnostic kinésithérapique et les objec-
simplement par son mode de vie et ses propres tifs de soins, ainsi que le choix des actes et techni-
valeurs, son environnement social et affectif. Ainsi ques qui leur paraissent le plus appropriés », et
chaque patient a des motifs et des attentes diffé- prévoit une communication au médecin prescrip-
rentes vis-à-vis du soin ou d’une consultation :69 teur d’une fiche de synthèse de l’évolution du
attentes médicales, psychiques et sociales. Enfin, traitement.
et c’est probablement la question la plus difficile,
lorsqu’on demande à un patient s’il est satisfait, La recherche comme production
cela revient à imaginer que ce dernier possède les de connaissance
critères de qualité, les standards et qu’il peut
comparer. Si les mots de recherche et d’évaluation sont sou-
En acceptant que les patients et les profession- vent employés dans des contextes proches, ils ne
nels aient des critères et des indicateurs de qualité peuvent en aucun cas se confondre ou se rempla-
cer. On évalue une situation, un objet, une prati-
des soins qui leur soient propres, leur négociation
que en s’appuyant sur un référentiel. La recherche
permettrait d’inscrire la consultation et le soin
consiste au contraire, à partir de connaissances
dans une dynamique de projet en privilégiant le
actuelles, à aller explorer des terrains inconnus
dialogue et la concertation avec les soignants. Ce
pour mettre au jour de nouvelles connaissances.
type d’évaluation permettrait que les patients par-
Les objectifs sont bien différents même si l’évalua-
ticipent à l’élaboration de la qualité des soins, à
tion se nourrit de la recherche et la recherche de
partir de leurs critères propres, et non seulement à
l’évaluation. En effet, le constat préalable à la
sa mesure définie à partir de critères préétablis par
recherche elle-même se construit par l’observation
les professionnels de santé. Cette conception plus
d’un phénomène au travers de modèles théoriques
constructive de l’évaluation inscrite en filigrane
qui permettent de décrypter une situation, de
dans la loi du 4 mars 2002 permettrait aussi d’im-
l’évaluer. Mais celle-ci met au jour des failles, des
pulser un autre mode de relations entre patients et
discordances entre le perçu et la lecture théorique,
soignants.
abstraite (Bachelard) qu’on peut en faire, faisant
germer une question, point de départ de la problé-
Le praticien comme responsable matique de recherche. Car dans la recherche, ce
du traitement qui est central, c’est la question, le doute et non
pas la certitude. Et cette question conduira vers de
Les nouveaux moyens dont disposent les praticiens nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs déjà
comme les patients pour accéder aux informations requestionnés à peine mis au jour (Popper).
concernant les traitements grâce aux « recomman-
dations » de l’ANAES renforcent l’obligation de Recherche en rééducation
moyens70 et l’obligation de réaliser des soins « fon- La recherche en rééducation s’appuie sur les mê-
dés sur les données acquises de la science », comme mes principes que toute recherche scientifique
le précise le Code de déontologie médicale, dans la mais avec une particularité : le traitement n’est
mesure où le patient peut s’y référer pour faire pas un médicament mais consiste en une pratique
valoir une insuffisance ou un traitement inadapté. basée sur la relation entre le patient et le rééduca-
Elles sont assorties des références opposables teur, ce qui ouvre le débat sur les méthodes de
(Code de la Sécurité sociale, art. L 162-12-15) dont recherche. Cette richesse de l’interaction humaine
l’observance est suivie par le contrôle médical de la complique l’approche expérimentale qui se fait
Sécurité sociale. Un relevé trimestriel d’activité autant que possible avec groupe contrôle et rando-
est adressé au praticien et peut être assorti de misation. Elle pose le problème de la reproductibi-
sanctions financières en cas de non-respect de ces lité interopérateur. Elle rend le plus souvent inap-
règles. L’évaluation vient donc s’immiscer intime- plicable une étude en double aveugle, le
ment dans la pratique clinique, et les moyens infor- rééducateur ne pouvant pas ignorer le type de
matiques de suivi (SIAM) permettent un contrôle traitement qu’il pratique. Le simple aveugle pose
efficace. Ces différents outils facilitent, dans le aussi problème, ce sera l’évaluateur qui devra être
même temps, l’autoévaluation par le praticien de aveugle.14 Mais, d’un autre côté, cette interaction
sa propre pratique,71 l’évaluation par le patient ouvre en même temps le champ vers les méthodes
ainsi que le contrôle de la Sécurité sociale. de recherche en sciences sociales et en psycholo-
D’autres dispositions renforcent les démarches gie. La rééducation est donc un champ de recher-
d’évaluation auprès des malades en rééducation ; che extrêmement riche et ouvert mais d’un abord
le décret d’actes des masseurs-kinésithérapeutes délicat eu égard à la complexité des situations.
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