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EAN : 979-10-210-1082-6
Avec Laënnec Hurbon à son bord, notre voiture s’enfonce dans les
plantations de canne à sucre et longe des usines désaffectées. Au bout
d’une heure, nous arrivons dans le cimetière proche de l’habitation
sucrière coloniale des Digneron. Au milieu des tombes errent des chèvres
faméliques. Les herbes folles poussent sur les sépultures, et le bruit des
camions chargés de canne est assourdissant.
L’endroit est révélateur des pensées propres au devenir du défunt pour
les Haïtiens : le mort doit être bien enfermé, bien cimenté (même si aucun
mur d’enceinte ne délimite le cimetière stricto sensu). De nombreux
caveaux sont ainsi condamnés par des portes de fer scellées par de massifs
cadenas parce que les vols de cercueils (pour les réutiliser), d’objets du
défunt et de fragments de cadavres sont habituels. Principalement des
crânes, car de nombreuses pratiques magiques sont centrées sur cette
pièce anatomique de choix, au fort poids symbolique. C’est dans les
cimetières que de nombreux rituels ont lieu, parce qu’ils sont sous
l’autorité de Baron Samedi, ce loa chef de file de la mort et des pratiques
magiques offensives et défensives.
Dans les allées ou entre les tombeaux, quelques cercueils éventrés sont
visibles, sur lesquels montent des poulets à la recherche de nourriture ; un
cercueil d’enfant, tout blanc, est renversé, vide. Les cadavres ont été volés,
dans un contexte magique ou bien de simple vandalisme (dégradation
cultuelle). De plus en plus, on a l’impression, en Haïti, d’une inflation de
l’irrespect à l’égard des morts. Quand tout devient occasion de
déprédation, c’est que la culture connaît une crise qui touche jusqu’aux
fondements de la société : le tabou lié aux défunts. C’est dans ce ferment
que germe avec prédilection le fantasme de la zombification.
Certains caveaux sont béants (les animaux s’y réfugient pour fuir la
chaleur) : en jetant un coup d’œil à l’un d’eux, j’aperçois des ossements
d’enfant éparpillés, quelques lambeaux de vêtements, des bouteilles
d’alcool et quelques offrandes faites aux guédés ou à Baron Samedi (des
calebasses, des noix de coco ficelées, des bougies).
À la sortie du cimetière, dans le jardin d’une habitation privée, un
objet étrange est accroché à un arbre : il s’agit d’une petite chaise en osier
d’une trentaine de centimètres de hauteur, à laquelle sont ficelées une
poupée rouge vif et quelques offrandes alimentaires. Le tout, à près de
3 mètres de hauteur, tourne le dos à la maison. C’est le produit d’un rituel
vaudou très pragmatique destiné à anéantir ceux qui observent trop une
famille ou un individu. À l’issue d’une courte cérémonie, on « remet
l’autre à sa place », en lui intimant l’ordre suivant : « Assieds-toi là ! Ne
bouge plus. Tu me vois trop. » Pragmatisme vaudou… Au lieu de le tuer,
on l’enchaîne symboliquement, comme si on lui disait : « Reste tranquille,
mon cher ami… » La cible peut être figurée par une poupée (comme dans
le cas présent), par une pierre, une photographie, une mèche de
cheveux, etc.
Max Beauvoir
Sur le bas-côté de la route nationale qui file au sud vers Jacmel, une
enseigne surmonte un porche en fer forgé : « Péristyle Mariani ». Nichée
dans un parc immense, la maison de Max Beauvoir jouxte son sanctuaire
vaudou. Cette maison est magique, « organique », toute en rondeurs,
dessinée par ses propres soins. Les livres s’y étalent sur tous les murs,
voisinant avec des sculptures patinées par le temps, de vieilles
photographies, des meubles anciens, quelques fétiches. La nuit tombe
lorsque notre conversation débute, attablés à l’extérieur, sous un
manguier ; très vite, accablés par les moustiques et le crachin du soir, on
se réfugie dans son bureau, près d’un ventilateur en tôle peinte.
Max Beauvoir impose le respect : sa carrure, son autorité, sa voix
chaude, ses belles mains musculeuses, ses rides et ses cheveux blancs, ses
publications, tout fait qu’il habite les lieux avec une incroyable intensité.
C’est un houngan, mais il possède, par sa formation, une vision très
biologique (et, en l’occurrence, très toxicologique) du phénomène des
zombis. Depuis quelques années, il est ati, c’est-à-dire chef suprême du
vaudou haïtien, donc en charge de cette tradition culturelle et religieuse
du peuple haïtien. En tant que gardien de cette culture, il est forcé d’avoir
toujours en main la pratique du vaudou, tout en ayant un regard
naturaliste, par les plantes, la nature, les gens et les rapports qu’ils ont
entre eux. « En alliant les deux, affirme Max Beauvoir, il peut être possible
de comprendre d’abord ce qu’est l’homme, puis la vie, comment cette vie
est faite (avec cette double part de physique et de spirituel). » Autant
d’éléments qui ne sont pas enseignés dans les écoles, mais qui donnent,
pour lui, tout son sens à la vie.
Max Beauvoir était biochimiste de formation avant de devenir
houngan. Il a fait ses études à New York (City College), à Paris
(Sorbonne) et à Reims (Faculté des sciences) puis, de retour aux États-
Unis, à Cornell University avec un mémoire de chimie. À son retour en
Haïti, il a poursuivi sa thèse en recherchant de l’hydrocortisone dans les
plantes, ce qui l’a conduit à déposer un brevet dans ce domaine… Brevet
strictement limité aux États-Unis, et qui ne lui rapporte rien du tout ! Sa
fille, Rachel, poursuit le même parcours anthropologique et est devenue
mambo ; ce n’est pas Max qui l’a initiée, mais son père spirituel, André
Basquiat.
Max Beauvoir a été « révélé » au monde occidental en 1985 dans un
ouvrage signé par un ethnobotaniste canadien, Wade Davis. En 1981, le
professeur Kline (Harvard), que Beauvoir avait connu à Cornell University
(New York Hospital), appelle Max pour lui demander un service : il veut
en savoir davantage sur les zombis. Max invite alors un jeune scientifique
(Wade Davis) à venir passer un certain temps près de lui pour commencer
ses recherches sur ce phénomène. Voilà comment Davis résume son
expérience haïtienne : « Ma mission, telle que décrite succinctement par
Kline, était de se rendre en Haïti, trouver les sorciers vaudous
responsables [de la zombification] et obtenir d’eux des échantillons du
poison et de l’antidote, en observant leur préparation et si possible en
documentant leur utilisation 1 »… Ce qu’il fit en quelques semaines
seulement durant l’été 1982. Il paya très cher plusieurs échantillons en
justifiant ses achats tantôt par une recherche purement scientifique, tantôt
par son désir de « se débarrasser d’un ennemi »…
Cet échange avec l’universitaire nord-américain a permis à Max
Beauvoir d’enrichir sa vision propre sur les zombis, qui était au départ très
haïtienne… Avec ce double regard ethnologique et scientifique
(pragmatique et cartésien), il a pu mener des recherches beaucoup plus
originales.
Les bokors Haïtiens, même s’ils l’ignoraient, faisaient tout de même de
la grande chimie sans prendre toutes les précautions des scientifiques
modernes. Par exemple, ils fabriquaient leurs poudres toxiques à partir
d’un réchaud de cuisine en se protégeant uniquement avec un mouchoir
sur le nez, tandis que les meilleurs laboratoires américains ne se
hasardent à manipuler ces molécules si dangereuses que sous hotte, dans
des combinaisons sécurisées, etc.
Plusieurs semaines durant, Wade Davis, accompagné de Max Beauvoir
et de sa fille, a exploré les produits toxiques présents sur l’île et dans les
eaux avoisinantes. Il a focalisé son intérêt sur un poisson appelé fufu en
haïtien (équivalent du fugu au Japon), et tétrodon pour les scientifiques ;
le poison élaboré à partir dudit animal porte en conséquence le nom de
tétrodotoxine. Il s’agit ni plus ni moins du poisson-globe qui, lorsqu’il est
effrayé, peut se gonfler brutalement d’eau et devenir énorme, en dressant
les épines qu’il porte sur ses flancs. À l’intérieur de ce poisson et au niveau
de sa peau se trouve une substance particulièrement toxique que les
cuisiniers japonais connaissent bien, certains d’entre eux étant tombés en
syncope alors qu’ils préparaient ce mets (quand ce n’est pas un
consommateur qui devenait malade de l’avoir ingurgité…) ; l’obtention
d’un diplôme est même devenue nécessaire pour préparer puis vendre ce
poisson dans son restaurant. Les signes cliniques sont presque les mêmes
selon qu’on ingurgite les organes de ce poisson ou que la poudre extraite
de ceux-ci est absorbée à travers la peau de la victime. D’après ce que
Wade Davis et Max Beauvoir ont pu apprendre de leur enquête
anthropologique et toxicologique, mais aussi d’après des témoignages
japonais recueillis par le docteur Kao, un ensemble de symptômes
ralentissant les fonctions vitales s’installe à court terme chez l’individu,
pouvant aller jusqu’à la catalepsie (syncope), c’est-à-dire jusqu’à un état
de mort apparente. En l’absence de soins adaptés, la victime meurt
finalement bel et bien.
Ici, en Haïti, Wade Davis et Max Beauvoir ont fait une autre
expérience : ils ont eu la preuve, pour la première fois, que les zombis
n’étaient pas le fruit de fantasmes ou une simple création littéraire,
mais existaient réellement. Auparavant, nul n’en avait scientifiquement
décrit la présence ni la réalité ; il y avait toujours quantité
d’intermédiaires affirmant avoir connu quelqu’un qui avait vu un
zombi, etc. À l’issue de leur enquête, Davis et Beauvoir ont réussi à faire
reconnaître officiellement et par la communauté scientifique
internationale la présence de tels individus transformés par les drogues.
Au centre de leur démonstration se trouve un homme, Clairvius Narcisse,
retrouvé quelques années après sa « mort » dans un marché de l’Artibonite
(au nord de l’île). Cet homme, que Davis et Beauvoir ont étudié sous
toutes les coutures (ainsi que sa famille), peut être considéré comme le
zombi numéro 1 sur le plan scientifique. Son histoire complète a été
recueillie, tout comme son observation médicale : qu’il s’agisse de son
certificat de décès, de ses funérailles chantées, de son inhumation
publique (c’est-à-dire attestée par de nombreux témoins dignes de foi), de
son exhumation, de son passage par les hôpitaux, etc. Les véritables
recherches toxicologiques ont commencé lorsqu’il s’est agi de savoir
comment Clairvius Narcisse est devenu un tel zombi…
En débutant cette enquête, il me semblait logique de croire que
lorsqu’on est un houngan (ou un bokor, c’est-à-dire un prêtre privilégiant
la magie noire), les zombis font presque partie du quotidien, de l’habitude.
J’imaginais naïvement que lorsqu’un tel prêtre vaudou fait son
apprentissage professionnel, on lui enseigne de façon courante et
classique les procédés de zombification. Un cours comme un autre, en
somme. Je ne pensais certes pas que ce soit licite, ni même bien, mais
j’imaginais que ça existait, au moins dans l’apprentissage. Cette vision –
occidentale ? – est complètement erronée pour Max Beauvoir, pour qui
l’on n’apprend pas à faire des zombis, ni au moment de l’initiation, ni
d’ailleurs à aucun moment de sa vie d’initié. Celui qui est zombifié est
celui qui a reçu une sanction pour son mauvais comportement (un
comportement asocial ou antisocial). Un jugement est réalisé par un
groupe d’anciens possédant une réelle importance dans la communauté
haïtienne.
Dans le cas de Clairvius Narcisse, un tel jugement a été prononcé
après la mort de son père, lequel lui avait laissé un lopin de terre que
Clairvius, l’aîné de la famille, voulait vendre pour récupérer l’argent et
partir aux États-Unis (Miami, comme font beaucoup d’Haïtiens). À
l’époque, tout le monde avait essayé de le décourager, car ce petit terrain
servait à faire vivre toute sa famille, mais il s’est entêté, a demandé l’aide
des forces de police pour prendre possession du terrain en vue de le
vendre comme prévu. C’est alors qu’il a été jugé par ce qu’on appelle « la
Société » (la « Société secrète » des anthropologues ou, comme préfère le
dire Max Beauvoir, la « Société sacrée »), afin de le décourager. Mais
comme Clairvius a insisté encore, celle-ci n’a pas eu d’autre choix que d’en
faire un zombi. Et zombi il est resté pendant plusieurs années jusqu’à ce
que Wade Davis et Max Beauvoir viennent le « déranger » et le faire peu à
peu sortir de ce statut, jusqu’à lui redonner toute sa place parmi les
vivants. Clairvius Narcisse les a même emmenés visiter son caveau dans le
cimetière de l’Estère (près d’Artibonite), une tombe éventrée, leur a
raconté comment un clou du cercueil lui avait en partie arraché la joue
(dont sa peau gardait visiblement la cicatrice)… Autant d’arguments
prouvant – outre les témoignages de ses proches le reconnaissant
physiquement – que c’était bien de lui qu’il s’agissait. Le docteur Leslie
Desmangles avait en effet soulevé la possibilité d’une usurpation d’identité
car le corps de Clairvius Narcisse aurait été réfrigéré pendant une
vingtaine d’heures avant son enfouissement, ce qui rendrait peu
vraisemblable sa survie, même après une prise massive de toxiques…
Wade Davis était le partisan d’un poison unique utilisé pour la
zombification (il avait même déjà trouvé le nom de celui-ci : « poison
zombi » ou « zombinol »). Mais Max Beauvoir, qui, par nature, connaît
mieux l’âme haïtienne, a tenté de lui expliquer qu’il faisait fausse route et
que le problème était bien plus complexe. Davis est semble-t-il passé à
côté du fait que pour comprendre les zombis, il faut intégrer la part
spirituelle de l’homme, ou tout du moins la façon dont les Haïtiens voient
et considèrent l’homme : l’homme a un corps, bien sûr, mais aussi une
âme. Si le dire est facile, le vivre quotidiennement comme être un « esprit
avec un corps » se révèle bien différent. C’est être essentiellement esprit,
de la même nature que Dieu, et le corps, dans ce qui est nous, n’est rien
d’autre que, pour reprendre l’expression de Max Beauvoir, « les pépins
d’une pomme »… Ainsi, l’homme (la pomme) est bien plus que ce que l’on
pense, et ne se réduit pas à cette vision biaisée qu’on en a habituellement.
À l’issue de ses travaux de terrain et d’expérimentations menées aux
États-Unis sur des échantillons collectés in situ auprès de bokors et de
patients, Davis a néanmoins pu identifier environ cinq formules
différentes permettant de zombifier avec plus ou moins de succès un
individu, même si, comme le précise Max Beauvoir, les drogues ne font
pas tout : pour lui, la psychologie, l’éducation, la pression sociale
participent à part presque égale dans la constitution d’un zombi. Ces cinq
substances recueillies dans tout le territoire haïtien comportent toujours
des points communs dans leurs compositions, à commencer par le poisson
fufu.
Le concept des zombis est donc à la confluence de la toxicologie, de la
médecine, de la magie et de la religion. Un zombi est un adepte du
vaudou qui, en raison d’un mauvais comportement, a été jugé puis
condamné par les sociétés secrètes ; dans d’autres contextes chrono-
culturels, « on se servirait certainement d’un fusil ou d’une corde pour
résoudre le problème », dit Max Beauvoir avec un grand sourire
désarmant ; mais dans le cas présent, c’est une solution pire que la mort
qui est choisie : la zombification, c’est-à-dire l’anéantissement d’une vie
active, remplacée par la survie d’un être privé de tout pouvoir de décision
(un « légume »). C’est une solution contre ceux qui agissent mal : on leur
« bouge le petit-bon-ange », cette partie spirituelle de l’être humain qui
rend l’individu intelligent et libre de ses choix ; sitôt qu’elle est « bougée »,
l’individu existera toujours, mais ne pourra plus vouloir faire de mal. On
peut dès lors le remettre en liberté ou le confier à autrui, il ne causera
plus de problème à la société. Il ne pourra certes pas gagner sa vie, mais si
sa famille le reconnaît, libre à elle de le reprendre sous sa garde jusqu’à sa
mort. Clairvius Narcisse a bien profité de sa « nouvelle vie », soutenu par
les sœurs de Passe-Reine (sur les hauteurs de l’Artibonite), ayant bénéficié
de nombreux visas américains pour réaliser des visites touristiques et des
tournées universitaires aux côtés de Wade Davis… mais aussi pour
rencontrer sa deuxième femme (âgée de 18 ans quand il en avait plus de
50 !), et même avoir de nouveaux enfants, pour finir par mourir de sa
belle mort ! Preuve que les zombis peuvent avoir une deuxième vie, et
même bien remplie.
Max Beauvoir n’a jamais pensé que d’avoir participé à cette recherche
devait lui faire craindre pour sa vie. Pourtant, il rapporte qu’un bokor de
Saint-Marc, Marcel Pierre, est mort « dans de mauvaises conditions »
(c’est un euphémisme…). Celui-ci avait signé son arrêt de mort du fait de
sa participation aux investigations de Wade Davis, principalement en lui
ayant vendu très cher les échantillons de « poudre zombi » qui ont amené
à l’identification de la tétrodotoxine : honni par ceux qui n’avaient pas
compris sa démarche, détesté par la majorité de la population, il a
purement et simplement été liquidé. Il faut dire que son personnage, dans
l’adaptation cinématographique du livre de Wade Davis (L’Emprise des
ténèbres, réalisé par Wes Craven en 1988), est absolument détestable…
Wade Davis, lui, vit toujours en Amérique du Nord, mais il n’a plus
beaucoup de rapports avec Max Beauvoir. Quant aux zombis, depuis
Clairvius Narcisse, Max dit n’avoir croisé la route que de quelques-uns,
comme Ti Femme, par exemple.
Les évangélistes ont fait leurs choux gras de ces croyances dans les
zombis, et se sont même félicités du tremblement de terre de 2010 comme
d’une punition divine en réaction aux vaudouisants qui « servent Satan et
jouent avec la mort ». Ils se sont eux-mêmes mis à créer de faux zombis
dans le nord d’Haïti, avec des histoires stéréotypées voire caricaturales,
dans le but de se moquer des vaudouisants et d’étendre leur sphère
d’évangélisation.
Je parle à Max Beauvoir des adeptes du vaudou qui tentent de se
prémunir de la zombification en faisant enfermer une partie d’eux-mêmes
dans des bouteilles placées en protection dans un péristyle… Il ne lui
semble pas possible de déposséder les gens de leur « âme », fût-ce sous la
forme d’un ti-bon-anj dans une gourde ou une bouteille… « Comment un
homme aurait-il le pouvoir de défaire ce qu’a fait Dieu ? Ça ne marche
pas, dans le vaudou comme dans toutes les religions », dit-il sagement…
Ce qui n’empêche pas que l’homme puisse se prendre pour un démiurge
de temps en temps, mais Max Beauvoir ne dit pas tout, et n’avoue pas
publiquement croire en l’efficacité de ces cérémonies et lieux de
protection pour les âmes en danger. « C’est de la littérature un peu
exagérée… », confie-t-il seulement. Mais croit-il ce qu’il dit ?
La tétrodotoxine
C’est ce que les experts appellent « set and setting » dans toute
expérience de prise de drogue. « Set » correspond aux attentes
de ce que le médicament va faire de l’individu ; « Setting »
correspond à l’environnement – à la fois physique et, dans ce
cas, social – dans lequel la substance est consommée 32.
Sauf que la tétrodotoxine n’est pas une drogue psychoactive, car elle
ne passe presque pas la barrière hémato-méningée (séparation entre le
système vasculaire et nerveux central), et que les éventuels effets neuro-
psychologiques qu’elle peut avoir ne sont que périphériques (action sur le
système nerveux à distance du cerveau et de la moelle épinière) ou liés à
une souffrance du tissu cérébral dûe à une trop faible vascularisation ou
oxygénation du sang 33.
Max Beauvoir se souvient qu’il avait été contacté en 1983 par la NASA
pour mettre les astronautes en état de catalepsie lors de vols
hypothétiques pour Mars ; ses ingénieurs avaient en effet imaginé pouvoir
« zombifier » ces derniers le temps de leur longue navigation en utilisant
les produits décrits par Davis et Beauvoir en Haïti… Sans suite. D’autres
scientifiques, plus réalistes, pensent pouvoir faire entrer la tétrodotoxine
dans les cocktails moléculaires pour les anesthésies locales prolongées 34,
35
ou comme antalgique .
Mon premier zombi
Jacques Ravix est mon premier patient en Haïti, mais aussi mon
confrère, puisqu’il est médecin gynécologue. En 1994, il est passé « de
l’autre côté » et conserve, depuis cet accident, quelques séquelles
neurologiques : une importante dysarthrie et des difficultés à la marche.
1
Comme il le dit, il a vécu « des moments tout à fait particuliers ». En
1974, à 33 ans, marié, trois enfants, il revenait tout juste de France
(facultés de médecine de Montpellier et de Besançon, où il a soutenu sa
thèse 2). Il exerçait la médecine comme généraliste et gynécologue dans
une maternité de Port-au-Prince. Puis il a enchaîné d’autres emplois, à la
Direction générale des impôts et même au département de la Justice (on
manquait, à l’époque, de cadres). En 1994, âgé de 53 ans, il a rencontré
des problèmes avec son épouse, si importants qu’ils ont fini par se séparer.
La mère de cette femme-là aurait alors voulu se venger de Jacques Ravix,
et l’aurait fait empoisonner à la tétrodotoxine…
Ce poison, Jacques le connaissait bien sur le plan scientifique et
professionnel : il avait déjà vu plusieurs de ses patients mourir après une
intoxication aiguë, en quelques heures seulement. Mais une prise
chronique, lente, insidieuse est également possible, jusqu’à obtenir l’effet
escompté : faire qu’un sujet ne soit ni un vivant, ni un mort. L’individu
survit, mais ne sait même pas ce qu’il fait. Il exécute les ordres sans aucun
sens critique, c’est le véritable zombi.
Pour Jacques, le poison n’était pas dans son café, ou répandu dans les
chaussures, à l’intérieur des vêtements ou sur le sol. C’est progressivement
qu’il a été intoxiqué, sur son propre lieu de travail : le poison avait été
déposé sur l’accoudoir de son fauteuil et pénétrait à travers la peau de ses
avant-bras à chaque fois qu’il s’asseyait, bras de chemise relevés comme à
l’accoutumée. Sa belle-mère se servait d’un intermédiaire pour déposer le
poison dans le bureau, ne prenant pas le risque de faire elle-même la
basse besogne.
Avec son regard scientifique, Jacques se demande encore comment
des gens « si peu évolués » (sic !) ont pu manipuler une drogue aussi
dangereuse sans s’intoxiquer eux-mêmes… « On dit la tétrodotoxine au
moins 100 fois plus puissante que le cyanure. Quelles manipulations ont
permis de fabriquer la dose nécessaire à faire chanceler la vie d’un
homme ? »
En médecin clinicien, Jacques Ravix est particulièrement compétent
pour décrire les symptômes de son intoxication : il affirme que la
sensation de départ est celle d’une profonde euphorie. Puis « on rentre
progressivement dans la nuit ». Au bout d’un mois d’exposition, les
premiers signes cliniques ont donc commencé à apparaître : à l’euphorie
initiale a succédé une sorte d’absence insidieuse qui s’aggravait jour après
jour. Ce qui ne l’empêchait pourtant pas d’exercer sa médecine et de
recevoir quotidiennement de vingt à quarante patientes, mais il travaillait
tout de même dans un état un peu particulier. Jusqu’à ce qu’un matin, il
ait l’impression qu’il allait mourir, mais « d’une belle mort », car l’euphorie
était toujours là. Une euphorie « qui emmène ailleurs ».
Son frère est immédiatement venu le chercher pour l’emmener en
urgence chez un houngan (Raymond Clavier) dont on disait qu’il savait
soigner ce type d’intoxication ; à l’origine, il était avocat, mais avait pris,
dans la seconde moitié de sa vie, cette charge de prêtre vaudou. Les
sensations de Jacques Ravix, pendant que sa santé chancelait, qu’il perdait
conscience et que les antidotes étaient en train de lui être délivrés,
restaient toujours positives. Il se sentait bien : « Au moins, l’expérience
n’était pas désagréable », avoue-t-il avec un demi-sourire. C’était comme si
un poids lui sortait du corps. À la fin d’une longue cérémonie, le houngan
a confié à la famille de Jacques une fiole d’un produit qu’il fallait lui
administrer par friction sur le corps, mais il a ajouté : « Méfiez-vous. En le
soignant, vous prenez un risque : que le poison qui l’a contaminé vous
contamine aussi. » En outre, le produit contenu dans la fiole n’était pas
sans danger…
Une fois rentré chez lui, peu après qu’on eut commencé à lui étaler
cette huile sur la peau, Jacques Ravix est tombé dans une sorte de
« coma ». Un coma très particulier qu’il n’avait jamais rencontré en
pratique clinique, car il pouvait encore s’alimenter, s’habiller et faire
quantité de choses en étant totalement inconscient. Ce qu’on appelle une
complète léthargie. Ses proches ne le laissaient pas sortir dans la rue, il ne
pouvait déambuler que dans sa chambre ou dans sa maison. Il dormait le
jour et la nuit, ne se réveillant que pour manger. Cet état n’a duré que
quelques jours, avant sa complète guérison.
Pour Jacques Ravix, c’est parce que la tétrodotoxine est extraite du
foie d’un poisson sans écailles (le fufu haïtien ou fugu japonais) que la
Bible interdit la consommation de poissons sans écailles… Lorsque le
bokor réalise sa poudre à zombi, il fait ouvrir ce poisson, récupérer le foie,
puis le laisse de côté. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi récupérer un
crapaud bouga qu’on va mettre au contact d’une couleuvre, et on excite le
crapaud « jusqu’à ce qu’il crève de rage »… parce qu’il a une peur bleue de
la couleuvre. Quand il est mort, on prélève son venin que l’on mélange à
la tétrodotoxine, et l’on obtient le poison actif. Des éléments magiques
peuvent être ajoutés, comme de la poussière d’ossements humains qu’on
racle d’abord en copeaux, mais ils sont chimiquement sans véritable effet.
C’est ce venin de crapaud qui fait que certaines victimes ont des éruptions
cutanées extrêmement sévères et d’un type très particulier. D’autres
ingrédients rentrent traditionnellement dans la composition de la poudre à
zombi : mille-pattes, tarentule, peau de grenouille vénéneuse, racines et
graines de plantes toxiques, etc.
La tétrodotoxine détruit les fibres nerveuses sensitives, si bien que
Jacques Ravix est maintenant insensible aux piqûres ou aux petites
blessures. Certaines de ses muqueuses se sont nécrosées, notamment la
pointe de sa langue qu’il a sortie de sa bouche avec ses doigts (Jacques
Ravix parle d’une « pourriture immonde, infecte, puante »). Il a aussi
souffert au niveau de la vision : son champ visuel droit a été amputé, tant
et si bien qu’il ne conduit plus ; au cours de son intoxication, il ne savait
pas garder ses distances vis-à-vis des autres véhicules, et provoquait des
accrochages, sinon des accidents. Des troubles de la marche se sont
également installés, car ses ligaments se sont distendus considérablement,
si bien qu’au niveau de l’os coxal, la tête du fémur est sortie de la cavité,
occasionnant une luxation de hanche. Il a aussi cumulé des anomalies au
niveau du foie et même du pancréas qui l’ont rendu diabétique.
Récemment, il a passé un électrocardiogramme qui a montré l’existence
d’un infarctus récent… mais à nouveau, Jacques Ravix n’a rien senti. Est-
ce lié à la désensibilisation neurologique due à la tétrodotoxine ou aux
effets secondaires de la neuropathie diabétique ? Difficile à dire…
Sur le plan intellectuel, il a perdu la capacité de se concentrer pendant
un long temps ; quarante consultations par jour sont dorénavant
impossibles : il ne peut pas pratiquer plus de cinq à sept actes d’affilée. S’il
conserve encore une certaine logique, il n’a plus en revanche son libre
arbitre et adopte quelquefois des comportements totalement aberrants.
Hormis dans son cadre professionnel où il fonctionne « par habitude », il
ne fait que ce qu’on lui dit de faire. Il lui est impossible de dire non.
Si la drogue avait agi – autrement dit, si la dose convenable lui avait
été administrée ou si le houngan ne lui avait pas fourni l’antidote –
Jacques Ravix est persuadé qu’il aurait été enterré vivant, et que le bokor
à la charge de sa belle-mère serait venu le chercher et le sortir de son
tombeau peu après pour en faire un zombi, avec d’autres formules et l’aide
d’intermédiaires, des forces occultes.
En tant que médecin – donc scientifique et cartésien par nature –,
Jacques Ravix défend une position très particulière vis-à-vis de cette
drogue qui change le cours de la vie (et de la mort) des hommes :
« Réveiller quelqu’un au bout de trois jours passés dans un cercueil sans
ouverture, ce n’est pas possible », dit-il. « Il faut l’aide d’intermédiaire,
d’entités qui peuvent travailler pour le bokor. » Sa zombification avortée a
rendu Jacques mystique : « Au cours de la rébellion de Lucifer (qui est
devenu l’ange déchu), certains l’ont accompagné tandis que d’autres sont
restés fidèles au Père. Ceux qui ont suivi Lucifer – les suppôts de Satan –
ont pu se répandre parmi les hommes et faire quantité de choses
malsaines qui n’ont disparu qu’avec l’arrivée du Christ sur Terre et son
sacrifice. » Pour Jacques, les vaudouisants qui font des zombis sont des
descendants de ces êtres maudits, et il les considère comme satanistes
(une tradition dans la droite lignée des églises protestantes,
principalement pentecôtistes, auxquelles Jacques Ravix n’appartient
pourtant pas).
C’est sa façon de cicatriser. Cette expérience lui a permis de connaître,
en frôlant la mort, une vie mystique intense. Jacques considère que Dieu a
posé la main sur lui, le protège désormais : « C’est un certain confort, mais
il y a aussi l’angoisse… Les mystiques sont des angoissés, parce que
découvrir un autre monde, un monde parallèle, ça donne une telle
angoisse, une telle anxiété que souvent, sans le secours de la divinité, ce
serait insupportable. » Malgré tout, il ne se plaint pas, il sait ce qui
l’attend. C’est désormais dans les rimes qu’il fixe ses souvenirs et ses
espoirs puisqu’il est devenu écrivain et poète. Sa source d’inspiration reste
toujours sa mort avortée :
Le dieu qui a créé la terre, qui a créé le soleil qui nous donne la
lumière.
Le dieu qui détient les océans, qui assure le rugissement du
tonnerre.
Dieu qui a des oreilles pour entendre : toi qui es caché dans les
nuages, qui nous montres d’où nous sommes, tu vois que le
blanc nous a fait souffrir.
Le Dieu de l’homme blanc lui demande de commettre des
crimes.
Mais le Dieu à l’intérieur de nous veut que nous fassions le
bien.
Notre dieu, qui est si bon, si juste, nous ordonne de nous
venger de nos torts.
C’est lui qui dirigera nos armes et nous apportera la victoire.
C’est lui qui va nous aider.
Nous devrions tous rejeter l’image du dieu de l’homme blanc
qui est si impitoyable.
Écoutez la voix de la liberté qui chante dans tous nos cœurs.
Le fossoyeur habite la maison d’à côté, sur la route. Deux jeunes filles
qui traversent le cimetière pour rentrer chez elles avant la nuit, et à qui
j’explique que je cherche la tombe de Clairvius Narcisse, se dépêchent
d’aller le chercher. Cet homme s’appelle Joseph Lixei. C’est un homme
âgé, voûté, qui marche en boitant avec des vêtements rapiécés, mais il a la
poignée de main forte et le regard droit. Son travail de fossoyeur à l’Estère
consiste uniquement à mettre le défunt en terre. C’est à la famille de
décider d’ajouter (ou pas, en fonction de ses moyens et de ses craintes) du
ciment sur la tombe pour rendre plus difficile la récupération éventuelle
du corps. Ce qui se passe après la dernière pelletée de terre ne l’intéresse
pas, ne fait plus partie de sa charge. Il s’en va d’ailleurs immédiatement
après. Si les proches veulent faire des offrandes, s’ils souhaitent revenir
sur le tombeau, c’est leur affaire. « Et si quelqu’un (comme un bokor)
vient la nuit déterrer un corps ? », je lui demande. Il sourit (façon de dire :
c’est la fatalité), mais ne répond pas…
Si jamais en creusant une nouvelle sépulture il tombe sur les restes
d’un autre défunt, il les recueille et les remet en terre à peu de distance,
sans plus de cérémonie. Le fossoyeur m’explique que lorsque les familles
ne savent pas exactement où se trouve la sépulture familiale (souvent
parce que la tombe, non entretenue, a été démolie ou réutilisée), alors
elles viennent enterrer leurs morts « près de Baron ». Le lieu est considéré
non pas comme protégé (notamment contre les profanateurs de
sépultures et les bokors), mais comme privilégié. Les vaudouisants
viennent de temps en temps faire des offrandes à Baron Samedi pour
demander une guérison, obtenir un succès amoureux ou une réussite aux
examens : « Baron ne sert pas qu’à protéger, Baron guérit tout. »
Même s’il n’est pas vaudouisant, le fossoyeur fait tout de même lui
aussi des offrandes à Baron Samedi (non pas comme à une divinité, mais
plutôt comme à un patron, comme si le dieu des morts était son supérieur
hiérarchique, son boss). Faire une offrande, en Haïti, n’est pas forcément
un signe d’allégeance ou une marque d’appartenance à une religion plus
qu’à une autre ; c’est surtout lié au fait que lorsqu’on parle à une divinité –
quelle qu’elle soit – on doit lui donner quelque chose en échange du vœu
exprimé. Un prêté pour un rendu. Comme lorsque l’on va à l’église et
qu’on donne à la quête au cours de la messe.
Alors que le soleil touche l’horizon, il retrouve dans un amas de
broussailles le tombeau où il a placé le corps de Clairvius Narcisse la
première fois. Le monument est en pierre, en grande partie bétonné, et
totalement éventré : et pour cause, puisqu’un cercueil en a été extrait il y
a plusieurs dizaines d’années, qui contenait le corps d’un homme encore
vivant. Quelques gravats et des herbes folles ont, depuis, envahi cette
cavité centrale.
Port-au-Prince, capitale de la mort
Le cimetière principal est noyé dans la ville, bordé par les rues
animées, la gare routière, un stade de football, des bidonvilles et les
innombrables maisons funéraires. On y entre comme dans un château
fort, par une sorte de pont-levis séparant le monde des morts de celui des
vivants, qui enjambe un massif égout à ciel ouvert. Juste avant de franchir
les hautes grilles du cimetière, une citation de Victor Hugo, peinte sur le
mur en grandes lettres noires, plante le tableau : « Je dis que le tombeau
qui sur les morts se ferme et ouvre le firmament et ce qu’ici-bas nous
prenons pour le terme est le commencement. » Au sol, sur le seuil, des
plumes de poulet, une bougie allumée et quelques gouttes de sang : les
restes d’un rituel vaudou destiné à protéger autant les vivants des mauvais
morts, que les morts des vivants animés de mauvaises intentions…
Les tombeaux se succèdent de façon relativement régulière le long des
allées principales, mais dans les contre-allées, tout redevient anarchique.
Les unes après les autres s’égrènent les épitaphes : « Je ne suis pas mort,
je n’ai fait que laisser la terre dans une autre vie », « Les bons soldats
meurent chez eux, disait le major au trépas », « L’Éternel est grand, Jésus
est le sauveur du monde », etc. À près d’une centaine de mètres de
l’entrée monumentale, trois hommes accroupis vêtus de noir se lèvent tout
d’un coup et se dispersent ; j’ai à peine eu le temps d’assister à leur rituel.
À leurs pieds, une calebasse en feu, un poulet dont le sang s’échappe à
gros bouillons de son cou tordu, quelques cigarettes fumant encore, et une
bouteille de rhum Barbancourt répandue au sol… L’offrande vient juste
d’avoir lieu, au croisement des travées du cimetière, lieu idéal de
circulation des énergies mystiques.
On connaît, depuis les travaux de William Seabrook, quelques-unes
des « recettes » utilisées par les bokors pour faire sortir les morts de leurs
tombeaux (puis les y faire retourner avant qu’ils ne se révèlent trop
dangereux), ou encore jeter des sorts néfastes. Qu’on juge plutôt de
l’implication d’entités catholiques et de divinités aux connotations
bibliques ou proche-orientales dans ces formules magiques et ces rituels
infernaux :
Peu importe que le poison ait été mis à l’insu de la victime dans du jus
de fruits, de l’eau, ou toute autre boisson, dans sa nourriture, dans son
soulier, dans ses vêtements, peu importe qu’il se soit agi d’un liquide
ingéré ou d’une poudre répandue sur la peau, peu importe le procédé
utilisé, la manière du coup de poudre. Reprenons l’article 246 :
Si l’on se base sur les travaux réalisés par l’ethnobotaniste Wade Davis
– et notamment sur l’usage de tétrodotoxine chez certains sujets –,
comment un médecin devrait-il faire en Haïti pour s’assurer d’une mort
« réelle et constante » ? En utilisant des outils spécifiques tels qu’un
stéthoscope ou un sphingomanomètre (pour prendre la pression
artérielle). Une autre possibilité serait d’attendre que des signes de mort
indubitables surviennent pour diagnostiquer le décès puis procéder aux
funérailles : lividités cadavériques, rigidité, phlyctènes décollées, tache
verte abdominale, etc. Le plus souvent, en Haïti, la déclaration de décès
auprès de l’officier d’état civil se fait juste après que l’individu a trépassé,
sans attendre plus longtemps (on dit « sur cadavre encore chaud »).
À ce délai de rigueur et à la compétence de l’observateur viennent se
greffer la pertinence des outils utilisés pour le diagnostic de mort. La
simple inspection clinique – parfois rapide – doublée d’une auscultation
cardio-pulmonaire peut-elle permettre d’éliminer la possibilité d’un état
de mort apparente ? Pas toujours. Il est parfois nécessaire de faire
pratiquer des examens secondaires pour éviter un diagnostic erroné, car
ces outils ne sont pas adaptés pour les cas de zombification. De telle sorte
qu’il serait peut-être nécessaire, si l’on en croit maître Jeanty, de créer des
équipes spéciales biomédicales chargées du dépistage des zombis au
moment des déclarations administratives de décès en cas de mort
suspecte. Le seul problème est que presque toutes les morts sont suspectes
en Haïti… En cas de doute, la famille ou les ayants droit pourraient faire
appel à ces spécialistes pour détecter si l’individu n’est pas sous l’effet
d’une zombification, quitte à demander qu’un houngan leur prête main-
forte, ou qu’un conseil de houngan édicte un guide de bonnes pratiques ou
réalise une conférence de consensus aux fins de définir des critères fiables
et détectables de zombification. Sur le plan criminalistique, la réalisation
de prélèvements systématiques pourrait être mise en place de la même
façon, dans la limite évidente des finances des ministères incriminés
(Justice et Intérieur).
Pour maître Jeanty, le problème des zombis étant devenu
spécifiquement haïtien, il faut que le droit civil et pénal entourant la mort
soit lui aussi haïtien, libéré des influences européennes n’ayant plus
aucune justification pratique dans le contexte chrono-culturel actuel. Il
faut qu’il soit centré sur leurs propres difficultés, sur leurs spécificités,
pour être plus efficace et plus viable.
Le travail de cet avocat est centré sur une proposition d’avancées en
matière de législation pénale. Mais il s’intéresse aussi civilement à la
reconnaissance de ceux pour lesquels la zombification a déjà eu lieu, ceux
qui errent entre deux mondes, et qui ne sont plus rien sur le plan
administratif. Pour leur défense, maître Jeanty pense que l’utilisation de la
Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) peut être justifiée.
Le préambule dit ainsi : « La reconnaissance de la dignité, inhérente à
tous les membres de la famille humaine, et de leurs droits égaux,
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde. » Que peut donc faire la législation quant à la reconnaissance de
quelqu’un qui est « mort » dans des conditions qui se situent aux marges
de la science (c’est-à-dire non expliquées ou non élucidées), puis qui refait
surface ? Faut-il un procès pour le faire reconnaître à nouveau vif ? Si le
zombi cause un problème à un tiers, vers qui – quelle entité – ce dernier
va-t-il pouvoir se retourner ? L’État ? Les anciens parents du zombi ? Le
zombi lui-même (difficile, vu qu’il a été déclaré mort et n’a donc plus
aucune existence légale) ? À l’arrivée au tribunal, n’importe quel zombi
accompagné d’un bon avocat tiendrait à la main son certificat de décès en
disant : « Regardez, je suis mort, je ne peux donc pas être tenu
responsable de quoi que ce soit. » Pourquoi le responsable ne serait-il pas
alors le bokor, le sorcier qui l’a zombifié ? Mais alors, il faudrait une
enquête non seulement policière mais aussi scientifique qui fasse le lien
entre l’histoire médicale du patient devenu zombi et les substances
retrouvées au domicile du bokor…
Maître Jeanty est un don Quichotte, ici en Haïti. Il a fait tous ses
déplacements à ses propres frais parce que le sujet l’intéresse
énormément. Ses travaux sont diffusés sur le plan national et il commence
à faire mouche auprès du ministère de la Justice : une réforme ou, du
moins, une refonte des lois est en cours, sorte de désherbage dans les
textes trop anciens pour les actualiser un minimum. Est-ce des pays
étrangers que de nouvelles initiatives légales seront apportées par les
confrères avocats de maître Jeanty ? Le problème est que certaines
suspicions sont propres aux Haïtiens, et que le droit occidental n’est pas
forcément satisfaisant. En France (comme aux États-Unis, en Italie, en
Allemagne, etc.), lorsqu’un individu est brutalement retrouvé mort dans
son lit, c’est au médecin légiste de se prononcer sur les causes et
circonstances du décès ; en Haïti, la priorité est donnée à l’organisation
des funérailles, sans qu’on se préoccupe de déterminer le contexte précis
du décès, et sans que l’ouverture d’une enquête ne soit toujours évoquée.
Peut-être volontairement ?
Pas une année ne se passe sans qu’une affaire de zombi – fut-elle vraie
ou fausse – ne fasse surface. Parfois, un bokor est soudainement mort à la
campagne, et l’on découvre au moment de la succession qu’il avait une
maisonnette dans la cour de son habitation qui hébergeait des zombis ; et
puisque leur maître est mort, c’est-à-dire leur bourreau ou leur
kidnappeur, alors les zombis sont comme libérés, et se retrouvent à errer
sans but dans la rue ou sur les marchés. Personne, en général, ne se
préoccupe de ces individus, sauf lorsqu’ils ont la chance d’être reconnus
par des proches qui les croyaient morts et enterrés depuis longtemps. Mais
sur le plan légal, ils n’ont aucune existence : n’importe qui peut les
frapper, les tabasser, les violer, il n’encourra aucune peine puisque la
victime n’a aucune « consistance » en termes juridique. On ne peut même
pas appeler le zombi une « personne » puisqu’il ne possède plus d’acte de
naissance, plus d’identité. Il manque en fait un texte de loi reconnaissant
les zombis comme individus. Bien plus qu’une question sémantique, c’est
de la restitution de droits perdus par une action magique qu’il s’agit. La loi
ne reconnaît personne s’il n’a pas une existence légale, de même que les
esclaves n’étaient pas reconnus, au temps du commerce triangulaire,
comme sujets humains, mais comme animaux ou biens mobiliers. Il faut
donc que les textes de loi en Haïti se penchent sur les cas de ces gens,
aboutissant peut-être à une « loi Jeanty » qui reconnaîtrait enfin le statut
très particulier de ces sujets entre deux mondes…
La culture haïtienne est un terreau de choix pour l’apparition tant
sociale que religieuse des zombis. Faire un zombi, c’est échapper à la
justice classique. Faire un zombi, c’est exécuter une sentence qui est pire
que la mort : c’est faire vivre sa propre mort à un individu pour ensuite le
maintenir en vie tout en le privant de sa propre volonté. Le transformer en
esclave moderne, mais aussi lui ôter tout sens critique, toute
responsabilité, toute humanité.
Les Haïtiens, d’après maître Jeanty, répugnent, de prime abord, à faire
appel à un médecin légiste – même si l’on peut considérer que sur ce
territoire, comme sur tous ceux de tradition africaine, presque toutes les
morts sont suspectes : « Ils croient toujours que si l’individu a subi une
cérémonie de zombification, alors le médecin va tuer définitivement la
victime du bokor lors de la pratique de l’autopsie, et ce sera fini pour la
personne. » Une idée erronée, bien sûr, car le praticien s’assure
évidemment que le patient qu’il doit disséquer est bien mort – et quoi qu’il
en soit, il s’en rendrait compte au premier coup de scalpel par un
écoulement de sang pulsatile. Mais les médecins haïtiens ne sont pas tous
capables technologiquement de dépister les cas de zombification : un
simple examen clinique ne le permet pas systématiquement ni de façon
aisée ; des pulsations cardiaques rares et de très faible intensité ne sont
pas forcément palpables aux pouls ni à l’auscultation selon la position du
corps, les conditions d’examen et la masse pondérale du sujet. Maître
Jeanty appelle de ses vœux l’importation en Haïti de moyens de diagnostic
adaptés.
En Haïti, il n’existe que deux médecins légistes pour dix millions
d’habitants ; malgré la création en 1999 de l’Uramel (Unité de recherche
et d’action en médecine légale, qui a pour mission de faire la promotion
de la médecine légale et du droit de la santé auprès de tous les acteurs de
la vie haïtienne 5) par l’un d’eux (le docteur Jeanne Marjorie Joseph,
formée à l’université de Rennes), les autopsies médico-légales sont
rarissimes sur le territoire. Lorsqu’un corps mort est retrouvé dans la rue
ou qu’un meurtre s’est produit, un simple examen externe est réalisé par
un médecin après transport du corps à l’hôpital général, sans autopsie.
Pour quelle raison ? Vraisemblablement parce qu’aucun praticien ne veut
se charger de cette spécialité : celle d’ouvrir des cadavres pour la Justice.
À moins qu’il ne s’agisse d’une crainte propre au magistrat lui-même ?
Les magistrats ne sont pas habilités à déclarer officielle une mort (sauf
lorsqu’elle est évidente : tête sectionnée et à distance du corps, cadavre
totalement putréfié, carbonisé ou squelettisé, par exemple) ; ils sont
obligés de se reposer soit sur une démarche administrative tendancieuse
(la déclaration de décès par deux témoins pouvant présenter un énorme
conflit d’intérêts), soit sur un examen médical réalisé sans les moyens
modernes de dépistage des états de mort apparente. Maître Jeanty en
serait presque à demander (à espérer) un dosage systématique de
tétrodotoxine sur chaque « cadavre » haïtien, une équipe de spécialistes
scientifiques et des outils technologiques propres à dépister les zombis…
« On pourrait avoir des surprises ! » Il propose même qu’un collège de
houngans soit mobilisable pour se prononcer en cas de doute sur le
caractère véritable d’un décès ou d’une zombification. Une solution qui ne
plairait certainement pas aux bokors – et on sait les risques que comporte
le fait de s’opposer à leur pouvoir. De même que les médecins légistes
prêtent serment « d’apporter leur concours à la Justice en honneur et
conscience », pourquoi, dit-il, ne pas faire de même avec les houngans, en
les faisant jurer (sur le Code pénal haïtien ? Sur la Bible ?) de participer à
la manifestation de la vérité. L’idéal serait de détourner un bokor du côté
sombre (magie noire) auquel il consacre ses activités magico-religieuses,
ce qui ne semble pas impossible à maître Jeanty.
Le houngan en Haïti, ce « connaisseur dans le domaine des feuilles »,
est bien souvent vu comme un médecin, et consulté en conséquence par
les patients qui ne peuvent se déplacer jusqu’à un dispensaire ou qui ne
peuvent payer une hospitalisation temporaire ou une intervention
chirurgicale. Ce guérisseur – au sens large du terme – pourrait établir un
équivalent de certificat médical, que maître Jeanty appelle « certificat de
hounfor », c’est-à-dire un certificat établi dans le domaine de ses
compétences propres : les pratiques magico-religieuses. La reconnaissance
officielle de ces pratiques intervient déjà jusqu’au plus haut niveau de
l’État haïtien (même de façon indirecte), puisque des hommes politiques
de premier plan vont jusqu’à l’Artibonite se faire soigner leurs pathologies
neurologiques par des houngans renommés.
Le houngan est aussi vu dans un second temps comme un devin, un
voyant, un homme qui sait d’où vient le mal, mais également comme un
conseiller à la campagne ; il peut devenir un bokor quand il utilise les
procédés magiques à mauvais escient (pour faire du tort, pour maudire,
tuer ou zombifier), comme un être à double personnalité, à double
capacité, à double pouvoir. Mais tous les houngans n’ont pas cette part
sombre, et maître Jeanty est certain que la majorité d’entre eux viendront
prêter serment devant la justice du pays pour contrer les effets provoqués
par les bokors, comme dans une lutte manichéenne entre le bien et le mal.
Quand on lui dit que cette vision fait un peu penser à Harry Potter, il
sourit également, mais il y croit dur comme fer. « On ne parle pas de
baguette magique, ici, ni de balais qui volent. Il s’agit d’hommes enterrés
vivants dans des cercueils qu’il faut sortir avant qu’ils ne soient totalement
morts, ou dépister avant qu’ils ne soient mis sous terre. »
Le phénomène des zombis inspire de nombreux scientifiques, même
les moins honnêtes ou les plus audacieux : certains comptent en effet
utiliser la zombification comme une pratique expérimentale destinée à
guérir des maladies jugées graves et incurables comme le diabète ou
l’infection par le VIH ; dans leurs travaux (particulièrement controversés
et, très logiquement, absolument pas reconnus par la communauté
internationale), ils prétendent en effet que des sujets atteints de ces
maladies ont été involontairement « blanchis » (c’est-à-dire « guéris » ou
« améliorés ») après leur empoisonnement par la tétrodotoxine. Ne serait-
on pas plutôt ici dans une image du mythe de la renaissance, proche du
fantasme de la source de jouvence à laquelle s’abreuvent les âmes des
morts lors de leur séjour souterrain ? « Il s’agit de données anciennes, et il
faudrait tester scientifiquement cette hypothèse de travail sur des sujets
actuels… Hélas, on manque de volontaires », ajoute avec ironie maître
Jeanty.
Mais, on l’a vu, le vocable zombi peut recouvrir des réalités bien
différentes : le « vrai » zombi, fruit de pratiques toxicologiques et de
sorcellerie, un zombi qui présenterait un caractère social (avec un
changement d’identité plus ou moins volontaire, facilité par ce véritable
problème d’identité et de tenue des comptes d’état civil en Haïti), et enfin
le zombi à connotation presque psychiatrique (pathomomie, nécromimie,
personnalité multiple et notamment d’individu ayant connu la mort).
Pourquoi le zombi existe-t-il ? Pour maître Jeanty, le zombi comme
phénomène social répondant à une crise identitaire n’explique pas tout.
Aux Gonaïves, au Cap-Haïtien, vers Jacmel, à Saint-Louis-du-Sud, les cas
sont multiples d’individus passés de vie à trépas, puis qu’on revoit sains et
saufs. Trop nombreux, selon lui, pour qu’il s’agisse d’une simple
perversion du système à des fins d’échappatoire social. Le cas de Clairvius
Narcisse est peut-être le plus médiatique, le plus exploité sur le plan
scientifique. Mais celui de Natagete Joseph, dans les années 1960-1970,
est aussi particulièrement instructif. L’avocat, qui s’intéresse fortement
aux symboles et à la spiritualité, n’a pas hésité à arpenter toute l’île pour
se documenter au maximum sur les cas de zombis, mais aussi à aller
interroger les bokors pour « leur tirer les vers du nez ». Sans succès : faute
d’être un initié (hounsi), impossible d’avoir des informations sur leur
mode opératoire, du moins plus d’informations que celles que Wade Davis
avait pu obtenir dans les années 1980.
Maître Jeanty craint-il les houngans ou les bokors ? « Surtout pas »,
répond-il sans hésiter. En Haïti, la justice n’est pas souvent rendue comme
elle devrait l’être. S’il lui arrive quelque chose un jour, maître Jeanty
obtiendra vraisemblablement justice parce qu’il connaît ses droits, parce
qu’il fait partie d’un des plus grands cabinets de la République, parce qu’il
est consultant et professeur à l’université. Mais cette justice n’est pas
répartie de façon homogène sur l’île, et cette hétérogénéité creuse le lit du
pouvoir des bokors. Maître Jeanty a étudié leur façon d’être, de parler, de
travailler, il les connaît mieux que quiconque. Qu’on y croie ou qu’on n’y
croie pas, n’importe qui peut être touché par un coup de poudre, parce que
c’est chimique bien avant que d’être spirituel : il ne s’agit que de quelques
milligrammes déposés dans une chaussure ou sur des vêtements.
Comment lutter contre ? On a beau être catholique, protestant,
musulman, franc-maçon, agnostique, rien n’y fera, rien n’empêchera
l’action délétère du toxique sur le corps humain, rien ne s’opposera à
l’empoisonnement. Le cas est comparable à un pistolet chargé dirigé face
à la victime : le coup partira de toutes les façons sitôt qu’on appuiera sur
la détente, et quelles que soient les convictions de la victime.
Maître Jeanty a été révélé au grand public par un cas médico-légal
particulièrement médiatique : un homme habitait en République
dominicaine comme braseros (ouvrier ambulant), mais lui, comme ses
parents, servait les loas. Un beau jour, sa femme l’a appelé sur son
portable pour lui dire que s’il ne retournait pas en Haïti, un drame allait
survenir : « Il y a un loup-garou (une sorte de macanda) qui veut enlever
les âmes de nos deux enfants »… L’homme a donc acheté une dague en
République dominicaine, a fait une cérémonie là-bas, puis est revenu au
pays, a vécu deux mois sans voir la moindre manifestation démoniaque ni
la moindre apparition. Alors, il a pris un peu de riz et commencé à
préparer son voyage de retour vers la République dominicaine. Mais au
cours de cette même soirée, il a tout d’un coup entendu un bruit dans la
cour, et, lorsqu’il est sorti, il a vu une bête étrange qui avait les couleurs et
l’aspect d’un tigre et d’un chien. L’homme a immédiatement attaqué la
bête avec sa dague. Blessée, elle s’est enfuie et a traversé une petite haie
pour se retrouver dans l’habitation voisine, celle du père de cet homme.
Les coups de dague se sont succédé, puis la bête se serait transformée en
une personne humaine – le père de l’accusé – qui aurait dit en créole :
« Aujourd’hui c’est ma fin. »
Si l’histoire ressemble à un véritable conte, elle a malgré tout été
plaidée en cour d’assises comme assassinat et parricide (décembre 2008),
et maître Jeanty, du côté de la défense, a gagné le procès (qui a été filmé
en intégralité). Si, dans son article 247, le Code pénal haïtien stipule que
le parricide n’est jamais excusable, maître Jeanty a réussi à créer un
précédent puisque, dans le cas présent, il a fait reconnaître l’excuse
valable. Il n’a pourtant pas axé sa plaidoirie sur l’usage de poisons ou de
drogues qui auraient troublé la raison de l’accusé, mais l’a fondée plutôt
sur la « culture », pour reprendre ses propres termes : cet homme a fait
reconstruire la maison de son père – qui n’avait pas beaucoup de moyens
pour vivre –, l’entretenait, lui donnait des marques d’affection, de piété
filiale, lui achetait des vêtements, n’avait de cesse de lui envoyer de
l’argent depuis la République dominicaine ; pourquoi donc aurait-il tué
son père ?
Maître Jeanty n’a pas encore plaidé d’affaire de zombi, mais, comme il
le dit lui-même, il « attend ça avec impatience »… Maintenant, il est prêt.
Pavillon des zombis
Le docteur Girard n’a pas peur d’elle ; il l’a même emmenée chez lui,
un jour où il faisait une fête, à laquelle elle a dansé. Beaucoup dansé,
même. Et avec beaucoup de gens qui ignoraient tous que c’était une
zombi. S’ils l’avaient su, les réactions n’auraient pas forcément été
violentes, elles auraient plutôt déclenché une importante curiosité. Mais
dans l’hôpital, mon confrère ne veut pas de tels comportements : tout le
personnel sait exactement qui est Adeline D., quelle est son histoire, et
l’accepte sans sourciller. Même les nouveaux étudiants stagiaires,
lorsqu’ils arrivent, sont tout de suite mis au pas : ne pas juger, simplement
soigner.
Quel est son avenir ? Adeline D. est rentrée à l’hôpital psychiatrique,
mais elle n’a aucun papier d’identité, aucune existence légale. Aidé de
maître Jeanty, le docteur Girard va essayer de faire avancer la loi
haïtienne et de faire reconnaître la vie volée de cette femme (en espérant
bien que cette reconnaissance fera jurisprudence pour les autres cas
présents et à venir). L’idée pourrait être d’aller aux archives et de faire
une déclaration tardive pour qu’elle soit réhabilitée au sein de la société.
Comme elle s’est habituée à son nouveau nom de Mirlande Antoine, c’est
ainsi qu’elle sera désormais appelée et reconnue légalement (et non
Adeline D.). Il ne s’agit donc pas d’un acte de naissance (et encore moins
de « renaissance »), mais d’une déclaration de reconnaissance qui sera visé
par une cour de justice. Quant à sa filiation, c’est difficile… L’intitulé exact
sera vraisemblablement « de parents inconnus », faute de mieux, et en
l’attente d’une expertise génétique complémentaire. À cette
reconnaissance pourrait être accolé un certificat d’adoption par le reste de
la famille, pour la réintégrer également au sein du groupe.
Le docteur Girard n’en est pas à son premier zombi. Il s’était
préalablement occupé d’une femme qui était réapparue sur la commune
de Beaumont, avait commencé à parler puis avait brutalement disparu
après avoir été menacée.
Une autre de ses patientes zombis était Jeanne Jacqueline, originaire
des Gonaïves, déclarée morte à l’institut médico-légal le 12 septembre
2011, et retrouvée bien vivante 13 mois plus tard. Elle ne parlait presque
plus depuis sa zombification, gardait sans cesse la tête baissée, les yeux
mi-clos, et semblait totalement amorphe. Elle a été filmée à plusieurs
reprises ; on peut donc la voir affublée d’une marinière rouge, qui porte
un portrait de Padre Pio et articule confusément quelques paroles
mystiques : « Je suis Jésus. Jésus est avec moi », en refusant qu’on la
touche. Reconnue par ses propres parents et même par l’ensemble de sa
famille, elle est morte du choléra quelques années après.
Le cas de Jeanne Jacqueline est véritablement unique, parce que les
parents ont voulu aller au cimetière de Savane Bout, près de Saint-
Raphaël (au nord de l’île), pour l’inhumer. Pourquoi ce cimetière en
particulier ? Dans tous les cimetières haïtiens, le premier défunt à être
enterré est assimilé à Baron Samedi (on l’appelle couramment « Baron ») ;
or, celui de Savane Bout était muet. On ne peut donc rituellement pas
déterrer les morts à cet endroit parce que l’autorisation préalable de
Baron est nécessaire – et, dans le cas présent, il ne peut pas la donner
puisqu’il lui est impossible de s’exprimer. Ce cimetière-là, caché au fond
de l’arrière-pays, gage quasi absolu de tranquillité post mortem, est très
couru. En conséquence, dans ce cimetière, point de zombi. Sauf que, dans
le cas présent, le corbillard n’y est jamais arrivé ! En cours de route, la
voiture a eu un accident, et le cercueil a été jeté sur le bas-côté. Quelque
temps après, Jeanne Jacqueline est revenue à la maison…
Maison funéraire Loubeau
Seabrook ne s’en tient pas à cette simple vue, mais s’empare d’une des
mains de cette créature, qu’il trouve molle, dure, humaine et calleuse.
On conviendra que l’histoire des zombis de l’Hasco avec leur
putréfaction au retour dans la tombe initiale ressemble peu ou prou à un
conte de bonne femme, et il est bien difficile, avec le temps, d’en extraire
le fond de vérité. Cependant, attirés par ce concept de « morts-vivants »,
les scientifiques cherchent, dès l’occupation américaine, à démêler le vrai
du faux : ils rencontrent les supposés zombis, les examinent
médicalement, réalisent des prélèvements, stockent les données. Ainsi,
l’ethnologue afro-américaine Zora Neale Hurston gagne en 1937 une
bourse Guggenheim pour aller en Haïti et en Jamaïque afin d’y conduire
des recherches sur la culture locale. Elle réussit à pénétrer les sociétés
secrètes et à assister à de nombreux rituels vaudou. Avec Seabrook, lui
aussi initié au vaudou haïtien, Hurston a ainsi été l’un des premiers
témoins non haïtiens à décrire une rencontre avec un zombi ; de fait,
l’enquête de Hurston constitue l’un des plus anciens témoignages
anthropologiques sur le sujet, mais l’ethnologue américaine a aussi été
l’auteur du premier cliché photographique d’un zombi.
Hurston rapporte ainsi qu’en octobre ou novembre 1936, on arrêta
une femme qui errait, hagarde et nue, dans la vallée de l’Artibonite ; elle
se dirigeait vers une ferme où son frère travaillait comme contremaître, et
c’est alors que les ouvriers la faisaient fuir que celui-ci reconnut la sœur
qu’il avait enterrée vingt-neuf ans plus tôt. Elle disait s’appeler Felicia
Felix-Mentor et était morte en 1907, des suites d’un coma brutal. La
famille était persuadée que la défunte avait été victime d’un
empoisonnement. Hurston vint la voir à l’hôpital des Gonaïves :
Son prénom avait été changé par son bokor en celui de Lina.
En février 1988, Wilfred Doricent, un adolescent du village de Roche-
à-Bateau (sud d’Haïti) « succombe » brutalement à une maladie
paralysante. Sa famille l’enterre sans délai, mais en septembre 1989, un
ami le reconnaît en train d’errer dans un village voisin. L’individu portait
des cicatrices correspondant à celles de Wilfred, était taciturne et
handicapé mental. Des tests médicaux ont montré qu’il avait subi des
lésions cérébrales compatibles avec celles causées par une hypoxie.
Belavoix Doricent, un oncle qui avait une réputation locale de bokor, et
avec qui les parents de Wilfred avaient une querelle de famille, a été
accusé d’avoir empoisonné l’adolescent. En mars 1990, ce même Belavoix,
poursuivi au tribunal, a été reconnu coupable et condamné à la prison à
vie pour empoisonnement. C’est la seule condamnation qui ait jamais été
prononcée pour zombification.
Dans les années 2000, ce sont 17 zombis qui auraient été retrouvés
dans des conditions sordides près de Jacmel (sud de l’île) ; l’identité de
deux d’entre eux, Joceline Relufe et Elitan Danroufer, morts et enterrés
depuis plusieurs années, aurait été confirmée par les autorités de police.
Le bokor responsable de leur zombification a été arrêté en 2007. Peu
après, en 2008, un bokor de Port-Margot (Ti Boss) aurait laissé à sa mort
près d’un millier de zombis derrière lui (chiffre probablement amplifié par
la rumeur populaire…) dont une certaine Ciliane qui avait été zombifiée
trois ans auparavant ; à la disparition de son nouveau maître, comme les
enfants n’ont pas voulu reprendre les activités de leur père, elle a regagné
sa famille à Bande-du-Nord (près de Cap-Haïtien). Là, reconnue par ses
proches, elle a retrouvé ses deux enfants, sa mère et son mari.
En 2010, la police haïtienne a mené une enquête sur le cas d’Adelin
Seide, un jeune houngan de 30 ans, originaire de Fort-Liberté (Haïti).
Seide s’était rendu dans une taverne locale où il avait partagé des boissons
avec de nombreux convives, dont quelques inconnus. Il en sortit avec
d’intenses douleurs abdominales ; après avoir souffert toute la nuit, et
malgré les soins apportés, le jeune homme « mourut » le lendemain matin
(2 mai 2010), sur le chemin de l’hôpital. Selon la loi haïtienne, la mort a
été déclarée légalement par deux témoins (qui n’étaient pas médecins) et
un certificat de décès fut dûment signé. Le corps de Seide a été libéré de
la garde de son frère, également houngan, et envoyé dans une morgue
privée de Cap-Haïtien. Les funérailles ont eu lieu à l’église catholique de
Terrier-Rouge et Seide a été enterré le mercredi 5 mai, trois jours après sa
mort. À trois heures du matin, le 6 mai, les habitants jouxtant le cimetière
ont été réveillés par un étonnant vacarme. La police est arrivée et a trouvé
le père du défunt, Jeantery Seide, lui aussi un houngan, devant la tombe
de son fils, une machette et une bouteille à la main ; il affirmait qu’il
venait de sauver son fils des « éleveurs de la mort ». Lors de son enquête
ultérieure, la police haïtienne retrouva un cercueil vide et le jeune homme
vivant. Aucune plainte ni accusation judiciaire n’ont jamais été déposées
dans cette affaire.
La croyance dans les zombis existe dans certaines parties de l’Afrique.
Le mot zombi trouve d’ailleurs son origine dans diverses ethnies d’Afrique
centrale et se rapporte directement aux esprits errants, aux revenants 8. En
1993, Sipho Mdletshe, un jeune homme de 24 ans, a été déclaré mort à la
suite d’un accident de la circulation en Afrique du Sud ; son corps est
transporté à la morgue et placé dans une boîte en métal. Deux jours plus
tard, Mdletshe, qui n’était que dans le coma, repris conscience et
commença à appeler à l’aide. Immédiatement secouru, il est rentré chez
lui retrouver sa famille, mais a finalement été rejeté par sa fiancée, qui a
cru qu’il était un zombi revenu pour la hanter…
On le voit, les études sérieuses sur les cas de zombi sont rares. Certains
universitaires nord-américains, assez facétieux, se sont servis de ce mot
comme d’une figure de style pour étudier sur le plan neurologique les
altérations liées aux états de faible conscience ou de mort cérébrale 9. En
1997, la publication dans le Lancet – journal médical de réputation
mondiale – d’un article portant sur trois cas de zombis examinés
médicalement par un psychiatre anglais et son homologue haïtien
(Chavannes Douyon) a fait l’effet d’une bombe dans le milieu
scientifique 10. Après des investigations de terrain, des examens cliniques
et complémentaires (scanner et confrontation génétique avec les autres
membres de la famille, par exemple), les praticiens ont pu clore les trois
dossiers sélectionnés avec des diagnostics divers : schizophrénie
catatonique (pour la patiente « FI » correspondant très vraisemblablement
à Francina Ileus vue plus haut) ; lésions cérébrales postanoxique avec
épilepsie séquellaire ; usurpation d’identité.
Tracé de vévé
Le vévé de Baron Samedi est désormais consacré et les adeptes, qui ont
dansé, chanté et (un peu) bu, lentement, se dispersent. Tandis que le
silence et le calme reviennent, je reprends ma conversation avec Erol
Josué. Il voudrait me convaincre du bien-fondé de cette justice vaudou
que constitue la zombification : « Être fait zombi ne tombe pas du ciel » ; il
s’agit d’une vengeance pire que la prison ou que la mort, car l’individu est
privé de toute volonté et transformé en véritable esclave jusqu’à son
véritable décès. Ce ne sont que certains comportements qui sont
particulièrement reprochés et conduisent à une zombification : ambition
excessive, querelle d’héritage, enlèvement d’une femme à un autre
homme, diffamation. Les erreurs « judiciaires » sont rares, pour ne pas
dire rarissimes, ou alors l’objet d’actes isolés de bokors totalement
déraisonnables qui finissent par être eux-mêmes zombifiés peu après par
les sociétés secrètes.
Dans l’avenir haïtien, le zombi devra faire face à la modernisation des
systèmes de santé permettant le dépistage d’une permanence de vie avant
l’enfouissement, mais aussi à sa réintégration légale et sociale une fois
sorti des griffes du bokor. C’est du moins ce à quoi travaillent ardemment
médecins hospitaliers et avocats pénalistes, main dans la main avec des
houngans éclairés souhaitant dédiaboliser le vaudou et permettre sa survie
face à la pression permanente des églises protestantes. Pour ne pas que ce
soit le vaudou qui devienne un zombi.
Erol sait que, demain, un avion me ramènera en France. Il est presque
minuit, il est éreinté. Malgré tout, avant de me raccompagner à ma
voiture, il me prend par le bras, et m’entraîne à l’arrière de son péristyle,
vers la porte de sa chambre des secrets. « En tant que fils de Zakpata, tu
as bien gagné le droit de voir l’autre côté du miroir… » Erol, bien informé,
sait que, en effet, j’ai été initié au vaudou près d’Abomey (Bénin), sous la
consécration de Zakpata, dieu tutélaire de la terre et des maladies de peau
(rougeole et variole, principalement).
Il frappe à la porte, rituellement, pour prévenir ses loas qu’un initié
demande à entrer. La porte en bois grince sur ses gonds. Quelques
marches, et je pénètre dans la première chambre, toute peinte en bleu
pastel, à la lueur d’une simple bougie qu’Erol tient à la main. C’est tout le
Bénin qui est là : je vois d’abord les loas blancs, ou loas rada (qui viennent
de l’ancien Arada, dans l’actuel Bénin), des esprits mélangés avec le
syncrétisme chrétien, au sein desquels on devine Damballa et ses deux
couleuvres, Erzulie Fréda, l’archange saint Michel… Par terre, les marassa,
ces fétiches pour les jumeaux morts devenus des esprits ; comme ce sont
des enfants, ils sont sur le sol, proches de la terre qui les a fait naître et
qui les a repris. À côté, les makout zaka, les esprits travailleurs, consacrés
aux paysans qui sont aux champs, figurés par des sacoches en osier
clouées aux murs (ce sont ces esprits qui apportent la connaissance de
l’agriculture, et à qui l’on apporte, au mois de mai, quantité de nourriture
déposée dans ladite sacoche). Ils jouxtent des chapeaux de paysans eux
aussi cloués aux murs. Partout sont déposées énormément d’offrandes :
des boissons, des talismans.
Cette pièce bleue communique avec une autre, toujours aussi exiguë,
la chambre rouge (ou chambre d’Erzulie Dantor), celle des loas petro
(originaires du monde créole) et congo (originaires d’Afrique centrale). On
y voit des couteaux (un des attributs d’Erzulie, justement, présentée
comme très austère, qui fait confiance mais qui, dans le même temps, se
défend et marque une distance), des bouteilles décorées, des fétiches de
jumeaux, etc. Dans un coin, un cercueil noir miniature (Erol me conseille
de ne pas trop y toucher), des crânes secs (humains et de chèvre), du pain
de maïs, des paires de lunettes, des boissons trafiquées, une poupée, un
balai (utilisé lors de rituels thérapeutiques pour « balayer le mal »), une
grande croix peinte en rouge (symbole plus de carrefour ou de croisée de
chemins que véritablement chrétien), une eau de Cologne « porte
chance ». Entre deux autels, un bassin rempli d’un fond d’eau qui sert à
faire des traitements et des bains rituels ; à y regarder de plus près,
j’aperçois dans le fond une toute petite tortue qui patauge au ralenti.
Personnification de la divinité, elle protège le péristyle (notamment des
orages, comme un paratonnerre) et amène dans l’eau quelque chose de
plus profond (comme si elle bénissait le liquide par sa présence). À côté,
sur et sous les tables d’autel, s’amoncellent des pots de tête ; ce sont des
tasses, des verres ou des céramiques déposés par chaque initié comme
réceptacle pour leur esprit. Ils contiennent quelques mèches de cheveux
ou des rognures d’ongles, et sont fermés par des tissus solidement ficelés,
parfois même avec du scotch (pour que le contenu ne s’envole pas). Je
regarde Erol : « Ça existe donc, ces âmes enfermées… » Il sourit,
complice.
La seconde porte se met à grincer. Je dois partir. Je reviendrai.
Postface
Note du chapitre 1
Note du chapitre 3
Notes du chapitre 4
1. M. Marcelin, Mythologie vodou, Port-au-Prince, Les Éditions haïtiennes, 2 t., 1949-1950 ;
J. Price-Mars, Ainsi parla l’oncle (1928), Montréal, Leméac, 1973 ; L. Hurbon, Dieu dans le vaudou
haïtien, Paris, Payot, 1972 ; M. Eliade, Initiation, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, 1959.
2. C. Dauphin, « Rôle et organisation de la musique dans les cérémonies de vaudou », Bulletin du
Bureau national d’ethnologie, h.s., 2014, p. 28-43.
3. L. Hurbon, Les Mystères du vaudou, Paris, Gallimard, 1993, p. 13 et 33.
4. Voir l’annexe 1 présentant la liste des assimilations entre loas et saints catholiques, infra, p. 217.
5. A. Métraux, Le Vaudou haïtien, Paris, Gallimard, 1958.
6. J. R. Descardes, Dynamique vodou et droits de l’homme en Haïti, DEA d’études africaines,
université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1999.
7. J. Kerboull, Le Vaudou, op. cit., p. 138.
Note du chapitre 6
1. E. W. Davis, The Serpent and the Rainbow, New York, Simon & Schuster, 1985.
Notes du chapitre 7
Notes du chapitre 8
Notes du chapitre 9
Note du chapitre 10
1. M. Beauvoir, Lapriyè Ginen, Port-au-Prince, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, 2008, p. 13.
Notes du chapitre 12
1. E. L. Bell, « The Historical Archaeology of Mortuary Behavior : Coffin Hardware from Uxbridge,
Massachusetts », Historical Archaeology, 24, 1990, p. 54-78.
2. M. Gilbert, R. Busund, A. Skagseth, P. Nilsen, J. Solbo, « Resuscitation from Accidental
Hypothermia of 13.7 °C with Circulatory Arrest », Lancet, 355/9201, 2000, p. 375-376.
3. Code pénal haïtien (mis à jour par Jean Vandal), section « Crimes et délits contre les
particuliers », Port-au-Prince, 2007, p. 59-60.
4. E. Jeanty, « Le statut juridique du zombi », Le Nouvelliste, 28 mai 2010.
5. http://www.uramel.org.
Note du chapitre 15
1. R. Bastide, Les Religions africaines au Brésil, Paris, Presses universitaires de France, 1995.
Notes du chapitre 17
1. W. Seabrook, L’Île magique. Les mystères du vaudou, Paris, J’ai lu, 1971, p. 120-121.
2. Ibid., p. 122-123.
3. Z. Neale Hurston, Tell my Horse, 1938.
4. B. Diederich, « Zombificateur of a Nation » and about Zombis and Zombification, Port-au-Prince,
Bibliothèque Nationale d’Haïti, 2014.
5. B. Diederich, « On the Nature of Zombi Existence », Caribbean Review, 12, 1983, p. 14-17, 43-46.
6. J. Kerboull, Le Vaudou, op. cit., p. 138-139.
7. Ibid., p. 139-144.
8. H. W. Ackerman, « The Ways and Nature of the Zombi », Journal of American Folklore, 414/104,
p. 466-494.
9. T. Verstynen, B. Voytek, Do zombies dream of Undead Sheep? A Neuroscientific View of the Zombie
Brain, Princeton, Princeton University Press, 2014.
10. R. Littlewood, C. Douyon, « Clinical findings in Three Cases of Zombification », Lancet, 350,
1997, p. 1094-1096.
Notes du chapitre 18
Notes de la postface
1. http://www.cameroon-info.net/stories/0,13014,@,douala-rebondissement-avantage-a-la-
famille-nformi-le-revenant-remis-a-sa-famill.html
2. Éric de Rosny (dir.), Justice et Sorcellerie, colloque international de Yaoundé, mars 2005,
Paris/Yaoundé, Katharla/Presses de l’université catholique d’Afrique centrale, 2006.
3. Jean-Yves Le Naour, Le Soldat inconnu vivant, Paris, Hachette, 2002.
4. L’Œuvre de Pierre-Corneille Blessebois : Le Rut ou la Pudeur éteinte ; Histoire amoureuse de ce
temps ; Le Zombi du Grand-Pérou, introduction et essai bibliographique par Guillaume Apollinaire,
Paris, Bibliothèque des Curieux, 1921.
5. « Nous allâmes à la messe, et de l’église nous revînmes au Marigot, où nous fîmes une débauche
qui dura deux heures plus longtemps que le soleil. La plupart des principaux habitants étaient de la
partie, et quiconque voulait mêler les blanches avec les noires se satisfaisait sans empêchement »…
6. J. C. Martínez Cruzado, « El uso del ADN mitocondrial para descubrir las migraciones
precolombinas al Caribe: Resultados para Puerto Rico y expectativas para la República
Dominicana », KACIKE: Revista de la Historia y Antropología de los Indígenas del Caribe, 2002,
édition électronique.Ernest Pépin, L’Homme-au-bâton, Paris, Gallimard, 1992.
7. La moitié de ces esclaves blancs mouraient avant la fin du contrat. En 1720, date où ce système
peu coûteux d’engagisme s’éteint, le prix d’un « nègre à talent » est énorme, de l’ordre de 2 000 à
3 000 livres, quand le salaire d’un ouvrier qualifié français est d’environ une livre par jour.
8. Certains auteurs comme Arsène Nganga ou Lilas Desquiron (Racines du vodou, Port-au-Prince,
Deschamps, 1990) plaident pour une réévaluation de la contribution bantoue et notamment kongo
du vaudou.
9. Laënnec Hurbon, « Le culte du vaudou. Histoire, pensée, vie », in G. Casalis et al. (dir.), Croyants
hors frontières. Hier, demain, Paris, Buchet/Chastel, 1975, p. 225-249.
10. François Makandal ou Mackandal, esclave pris en Afrique, condamné au bûcher en 1758 pour
empoisonnements et sorcellerie, suspecté d’être un prêtre vaudou, et considéré comme un des
précurseurs de la révolution haïtienne de 1791, bien que l’imagerie populaire ait aussi fait du
makanda un repoussoir.
11. Alfred Métraux, Le Vaudou haïtien, Paris, Gallimard, 1958.
12. J.-P. Quod et al., « La ciguatera dans les Dom-Tom : aspects épidémiologiques et
physiopathologiques », Recueil de médecine vétérinaire, numéro spécial Mer, 1994, p. 1-6.
13. Marc Lévy, Et si c’était vrai ?, Paris, Robert Laffont, 2000.
14. William Buehler Seabrook, L’Ile magique, Paris, Firmin Didot, 1932.
ANNEXES
Annexe 1
Correspondances entre loas du vaudou
haïtien et saints/saintes catholiques
Loas Saints
Damballa « Arc-en-ciel » Moïse (rite rada)
Damballa « La-Flambeau » Saint Patrick (rite petro)
Tokan Aïda Ouèdo Notre-Dame de l’Immaculée
(principe féminin de Damballa) Conception ou sainte Véronique
Piè (Pierre) Damballa et Piè Dantor Saint Pierre
Grann (Grand-mère) Alouba ou Sainte Anne
Aloumandia
Legba Mèt Kafou (Maître Carrefour) Saint Lazare
Legba Mèt Pòtay (Maître Portail) Saint Pierre
Atibon Legba Saint Antoine (l’Hermite, rite
Rada ; de Padoue, rite Pétro)
Simbi dlo (eau) Saint Raphaël
Simbi Andeïzo (entre deux eaux) Saint André
Azaka Médé Saint Isidore le Laboureur
Maîtresse Erzulie Fréda Dahomey Sainte Rose, Vierge Miracle,
Mater Dolorosa, Vierge Caridad
ou sainte Élisabeth
Maîtresse Erzulie Dantor Notre-Dame de Czestochowa –
Mater Salvatoris, la Vierge
Noire de Pologne –, Notre-
Dame du Mont-Carmel, Notre-
Dame du Perpétuel secours ou
Notre-Dame d’Altagrâce
Maîtresse la Sirène Notre-Dame de l’Assomption
Baron Samedi Saint Martin de Porrès
Guédé Nibo Saint Gérard de Majella
Baron La Croix Saint François d’Assise
Bossou Trois Cornes Saint Vincent
Ogou Batallah Saint Philippe
Ogou Balendjo Saint Jacques le Majeur
Ogou Ferraille et Shango Saint Georges
Ogou Badagri Saint Joseph
Ogou saint Jean ou Jean Dantor Saint Jean le Baptiste
Agassou Gnenin (Djémé) Saint Augustin
Mambo Aïzan Vélékété Jésus-Christ durant son
baptême
Lenglesou Jésus-Christ crucifié et
ensanglanté sur la Croix
Maîtresse Clermesine Clermeil Sainte Claire
Maîtresse Philomise Pierre Sainte Philomène
Annexe 2
Liste des signes cliniques pouvant être
présents chez un sujet victime d’une
intoxication aiguë en tétrodotoxine (TTX)
Quand la science explore l’histoire, en collaboration avec David Alliot, Paris, Tallandier, 2014.
(dir.) Seine de crime, Paris, Le Rocher, 2014.
(dir.) Actes du 4e colloque international de pathographie (Saint-Jean-de-Côle, mai 2011), en
collaboration avec D. Gourevitch, Paris, De Boccard, « Pathographie » 9, 2013.
Henri IV, l’histoire du roi sans tête, en collaboration avec S. Gabet, Paris, Vuibert, 2013.
Paris au scalpel. Itinéraires secrets d’un médecin légiste, Paris, Le Rocher, 2012.
Autopsie de l’art premier, Paris, Le Rocher, 2012.
Les Secrets des grands crimes de l’histoire, Paris, Vuibert, 2012.
(dir.) Le Miroir du temps. Les momies de Randazzo (XVIIe-XIXe siècle), en collaboration avec L. Lo
Gerfo, Paris, De Boccard, « Pathographie » 7, 2011.
(dir.) Le roman des morts secrètes de l’histoire, Paris, Le Rocher, 2011.
(dir.) Actes du 3e colloque international de pathographie (Bourges, avril 2009), Paris, De Boccard,
« Pathographie » 6, 2011.
(dir.) Actes du 2e colloque international de pathographie (Loches, avril 2007), Paris, De Boccard,
« Pathographie » 4, 2009.
Male mort. Morts violentes dans l’Antiquité, Paris, Fayard, 2009.
Les Jeunes Filles et la mort. Catalogue de l’exposition, Bourges, Les 1000 univers, 2009.
Maladies humaines, thérapies divines. Analyse épigraphique et paléopathologique de textes de guérison
grecs, en collaboration avec C. Prêtre, Lille, PUS, 2009.
(dir.) Ostéo-archéologie et techniques médico-légales, Paris, De Boccard, « Pathographie » 2, 2008.
Les Monstres humains dans l’Antiquité. Analyse paléopathologique, Paris, Fayard, 2008.
(dir.) Actes du 1er colloque international de pathographie (Loches, avril 2005), Paris, De Boccard,
« Pathographie » 1, 2007.
Médecin des morts. Récits de paléopathologie, Paris, Fayard, 2006 ; « Pluriel », 2014.
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