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: Delphine Dupuy
www.dunod.com
ISBN : 978-2-10-082485-4
Table des matières
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Prologue
Infection et maladie
Situation actuelle
Bactériologie du choléra
Situation actuelle
Histoire de la variole
La variolisation
Jenner et la vaccination
L’éradication de la variole
Origine du typhus
Situation actuelle
La syphilis
Histoire de la syphilis
Évolution de la syphilis
Traitements anciens
Situation actuelle
Le sida
La découverte du virus
L’extension mondiale
Le SRAS
Le MERS
La Covid-19
Épilogue
Remerciements
Bibliographie
Françoise Barré-Sinoussi
Aux Pastoriens auxquels je dois ma passion pour
les épidémies : Marcel Baltazard, Henri H. Mollaret, André Dodin
et Pierre Sureau ; et bien sûr Charles Nicolle.
À Marie-Pascale, toujours.
Prologue
Charles Nicolle2
Les microbes
Les microbes sont des organismes vivants de trop petite taille pour être vus
à l’œil nu, et qui nécessitent d’être examinés au microscope (bactéries,
champignons, protozoaires), ou même au microscope électronique pour les
plus petits d’entre eux, les virus. La très grande majorité des microbes jouent
un rôle bénéfique dans la nature et chez les êtres vivants. Mais un petit
nombre d’entre eux sont sources de maladies.
Chez leurs hôtes, les microbes pénètrent par des voies d’entrée
variées, qui peuvent être les voies cutanées, muqueuses, digestives
ou aériennes. Ils se localisent à la superficie du corps, peau ou
muqueuse, dans des cavités naturelles, cavités du nez ou de la
bouche, tube digestif, voies pulmonaires. Certains envahissent les
organes profonds qu’ils gagnent en général par voie sanguine, au
cours d’un épisode de septicémie. Chaque microbe a un territoire
d’élection, un organe cible, auxquels correspondent les signes
cliniques de la maladie.
Les microbes les plus couramment responsables d’épidémies sont
soit des bactéries soit des virus. Et d’emblée, nous pouvons
présager que le très grand nombre d’antibiotiques disponibles, en
général efficaces contre les bactéries, nous met aujourd’hui en
position de lutter efficacement contre les épidémies d’origine
bactérienne, alors que le petit nombre d’antiviraux nous laisse
démunis face aux épidémies virales.
Les modes de transmission
La transmission des microbes d’un hôte à un autre s’effectue par
différentes voies, suivant leur localisation à la surface ou dans les
organes de leur hôte. Certains d’entre eux se transmettent
directement, par contact ou transport de peau à peau, par exemple
le virus de la variole, maladie éruptive dont les pustules sont
contagieuses, ou par contact de muqueuse à muqueuse, comme le
virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou d’autres microbes à
transmission sexuelle. Les microbes respiratoires, comme les virus
de la grippe, les coronavirus ou le bacille pesteux durant la peste
pulmonaire, se transmettent par les postillons et les gouttelettes
émises au moment des éternuements ou de la toux. Un microbe est-
il éliminé par les excrétats, comme le vibrion cholérique, il pourra
être transmis par la manipulation du linge ou du matériel souillés.
Tous ces modes de transmission d’Homme à Homme, sont
l’apanage des maladies contagieuses.
D’autres microbes se trouvent piégés à l’intérieur de leur hôte,
dans son sang par exemple, dont ils ne peuvent sortir par leurs
propres moyens. Ils ont besoin pour ce faire des services d’un agent
animé qui puise le microbe à l’occasion d’un repas sanguin, et
l’inocule ensuite à un nouvel hôte lors du repas sanguin suivant. Ces
vecteurs de microbes sont le plus souvent des insectes
hématophages, comme la puce, qui transmet le bacille pesteux de
rat à rat, et occasionnellement du rat à l’Homme. C’est également le
cas du pou, vecteur de la rickettsie du typhus, ou du moustique
vecteur du virus de la fièvre jaune. Des arthropodes autres que les
insectes peuvent également jouer un rôle de vecteurs de microbes
animaux infectant occasionnellement l’Homme, comme les tiques
qui transmettent la bactérie de la maladie de Lyme. Peste, typhus,
fièvre jaune, maladie de Lyme sont des maladies que l’on dit à
transmission vectorielle. Les virus transmis par des arthropodes sont
nombreux et rangés dans la famille particulière des arbovirus,
abréviation dérivée de l’anglais ARthropod BOrne VIRUS, qui
signifie en français Virus portés par des arthropodes.
Il est évident que le mode de transmission des microbes
conditionne bien des aspects de l’épidémiologie des maladies
infectieuses, c’est-à-dire leur développement dans les populations.
Nous reviendrons plus loin sur ce point.
Infection et maladie
Chez l’individu dans lequel il pénètre, un microbe ne crée pas
obligatoirement une maladie. L’infection, c’est-à-dire la présence
d’un microbe chez un hôte, commence par être dénuée de signe
clinique, c’est la période dite d’incubation. Puis, elle est suivie de
l’apparition des premiers signes cliniques (phase d’invasion) qui
s’épanouissent à la phase d’état de la maladie. Celle-ci peut se
dérouler suivant un mode aigu et rapide, ou chronique, plutôt lent.
Ensuite, suivant les microbes et les patients, l’évolution de la
maladie se fait vers la guérison, avec une période plus ou moins
longue de convalescence, ou dans certains cas, elle aboutit à une
évolution fatale, le patient succombant à sa maladie.
De temps à autre, l’infection n’aboutit pas à la maladie : c’est le
cas des infections inapparentes, un concept découvert par Charles
Nicolle en 1919, qui montra leur importance dans la genèse de
certaines épidémies puisque le sujet atteint d’infection inapparente
n’est pas malade (il est porteur sain) mais dissémine le microbe
sans le savoir. Nous en reparlerons à propos du typhus (chapitre 5).
© Institut Pasteur.
Le destin des épidémies
Les maladies infectieuses ne sont pas plus figées dans le temps
qu’elles ne le sont dans l’espace. Dans ses leçons au Collège de
France, Charles Nicolle avait énoncé le concept, novateur à l’époque
(1933), de « destin des maladies infectieuses ». Comme à tout
phénomène biologique, il leur reconnaissait un commencement, une
vie et une fin. Il en est de même, des épidémies qui nous occupent
dans cet ouvrage. Un des plus beaux exemples de cette évolution
des épidémies est sans aucun doute celui de la suette (voir
encadré).
La suette
La suette est une maladie infectieuse tout à fait étonnante, qui fit son
apparition en Angleterre vers 1485, et s’est manifestée par plusieurs
épidémies durant le xvie siècle. À partir de 1529, elle s’est étendue à l’Europe
du Nord, la Scandinavie, l’Allemagne, la Pologne et la Russie, pour
disparaître ensuite définitivement après une dernière épidémie, en 1551. Elle
atteignait les adultes jeunes en bonne santé, de classe sociale élevée, et se
manifestait par une atteinte brutale, avec frissons, fièvre, une grande
faiblesse et surtout une transpiration profuse et nauséabonde. Son évolution
était brutale, le décès survenant en quelques heures. Différente des autres
maladies épidémiques de l’époque, il n’existe pas d’explications sur son
origine soudaine en 1485, son confinement initial en Angleterre, son incursion
en Europe du Nord en 1529 et sa disparition totale après 1551.
La peste
Il lui avait fallu à peine cinq années pour parcourir toute l’Europe,
décimant environ le quart de la population. Il n’est pas possible de
chiffrer avec exactitude l’ensemble des décès survenus durant cette
période, faute d’état-civil. Selon un recensement ordonné par le
pape Clément VI en 1352, la peste aurait fait 25 millions de victimes
parmi les populations chrétiennes. Mais quel que soit le chiffre exact,
il est évident que la pandémie fut responsable d’une tragique
hécatombe humaine qui entraîna de profonds bouleversements
sociaux et marqua durablement les peuples atteints (voir encadré).
D’autant qu’elle demeura en Europe jusqu’à la fin du xviiie siècle, à la
fois installée de façon plus ou moins permanente en certains points,
mais aussi périodiquement ré-importée d’Orient. Entre 1348 et 1670,
c’est-à-dire durant plus de trois siècles, il n’y eut pas une seule
année où la peste ne se manifestât en un ou plusieurs points de
l’Europe. Et en France, pendant cette même période, le pays ne fut
exempt de peste que pendant 14 années. Elle revenait
régulièrement ravager les villes : Paris en 1437, Constantinople en
1466, Venise en 1478 et 1575, Lyon en 1628, Montpellier en 1629,
Nimègue en 1635, Londres en 1665, Marseille en 1720, Moscou en
1721. Au xviiie siècle, elle connut un déclin important, conservant
seulement quelques foyers en Europe centrale. Il n’y eut plus de
retour massif de la peste, sauf à Marseille en 1720 et à Moscou en
1771. Sa dernière apparition eut lieu en 1841 en Turquie.
Les vides laissés dans toutes les couches de la population eurent une
incidence sur tous les aspects de la vie quotidienne. Hausses des prix,
renchérissement de la vie s’observèrent dès la deuxième moitié du
xive siècle. L’imminence de la mort incita bien des malades à préciser leurs
dernières volontés. Mais le déroulement habituel de la rédaction d’un
testament, en présence d’un notaire et d’un ou deux témoins, n’était plus
observé et les irrégularités furent fréquentes. Souvent, ceux qui recueillaient
les dernières volontés des mourants ne les respectaient pas, et nombreux
furent ceux qui s’attribuaient des legs destinés à des héritiers légitimes.
Parfois, le mourant ignorait que son héritier était déjà mort. Bref, chaque
poussée épidémique fut à l’origine de batailles juridiques qui firent la fortune
des avocats. Les survivants s’empressaient de jouir excessivement de leur
chance. À chaque passage de la peste succédaient une hausse du nombre
de mariages et une hausse de la natalité.
La peste et le divin
Lors de la deuxième pandémie, la peste restait tout aussi méconnue
que lors de la première. « Interrogez les médecins, ils sont glacés de
peur » résumait Pétrarque en 1348. Pour l’expliquer, on invoqua des
causes aussi variées qu’une conjonction d’astres néfastes,
l’apparition de nombreuses comètes ou un désordre climatique
(déjà). L’Église, prédominante à cette époque dans le domaine des
idées, avait une explication évidente : par ce fléau, Dieu châtiait les
Hommes pour leurs péchés. Nombre des représentations picturales
du xive siècle figurent le Christ envoyant du haut du ciel les flèches
de la peste, qui frappent les corps aux lieux de prédilection des
bubons pesteux.
D’emblée donc, la peste fut reliée au monde divin, et cette relation
avec le ciel dura tout au long de la deuxième pandémie. Elle joua un
rôle essentiel dans la lutte contre la maladie : combattre une punition
divine aurait été non seulement vain, mais aussi impie. Il n’y avait
rien d’autre à faire que d’exorciser la colère divine par la prière et par
la procession. Qui prier ? Dieu bien sûr. Mais la meilleure manière
de le fléchir était de faire intercéder la Vierge Marie, sa mère (voir
encadré).
Selon la légende de Saint Grégoire, c’est en purifiant l’air que la Vierge prit,
en 590, sa place de grande protectrice contre la peste. Celle-ci, en effet,
s’était déclarée à Rome en 589, dans un contexte de guerre (les Lombards
assiégeaient la ville depuis 23 ans), de famine et d’inondation. Dès les
premiers cas de peste, ce fut la terreur dans la population qui ne pouvait fuir.
Les morts trop nombreux furent jetés dans des fosses, ou entassés dans des
barques dérivant jusqu’à la mer. Aussi, lorsqu’en 590 mourut le pape Pelage
II, l’élection de son successeur fut aussitôt décidée. Le sénat, le clergé et le
peuple élirent d’un commun accord un saint moine, Grégoire, qui leur parut
être le seul à pouvoir apaiser la colère divine. Selon la Légende Dorée,
lorsque Grégoire mena la procession en tenant l’image de la Bienheureuse
Marie Toujours Vierge, l’air corrompu et infecté s’écarta pour faire place à
l’image. Parvenus devant le môle d’Hadrien, les pèlerins virent apparaître
l’Ange du Seigneur remettant son épée au fourreau et arrêtant l’épidémie.
Coïncidence, la peste décrut à partir de 590 et abandonna Rome pour un
temps.
La peste et les médecins
Une forte proportion des médecins s’enfuirent devant la peste, à la
fois par peur de la contracter, mais aussi parce qu’ils étaient très
démunis devant cette maladie qu’ils ne connaissaient pas. Leur
maître à penser, Hippocrate ne conseillait-il pas, en cas d’épidémie,
de « fuir le plus tôt, le plus loin et revenir le plus tard possible » ? Le
célèbre médecin anglais Sydenham expliqua son départ de Londres
pendant la peste de 1665 par le fait qu’il ne voyait aucune raison de
demeurer dans la capitale que ses riches patients avaient désertée.
Pour traiter les pestiférés, les médecins avaient peu de moyens.
Ils avaient observé qu’un pestiféré dont le bubon s’abcédait et se
vidait spontanément avait des chances de survie. Ils essayaient
donc de créer la suppuration des bubons, et, pour ce faire, Guy de
Chauliac y appliquait un mélange de figues et d’oignons cuits, puis
les chirurgiens-barbiers incisaient et cautérisaient ensuite la plaie.
Ce traitement n’avait en réalité pas grand succès.
Un petit nombre de médecins seulement restèrent à leur poste,
comme Guy de Chauliac en Avignon, le Suisse Conrad Gesner, ou
Johann Pauludanus à Lübeck. Et beaucoup des médecins qui
soignèrent les pestiférés moururent victimes de leur devoir, tel
Gentile da Foligno, à Pérouse.
Le sérum antipesteux
En avril 1895, Alexandre Yersin fut rappelé à Paris pour participer
dans le laboratoire d’Émile Roux, aux travaux entrepris par Albert
Calmette et Amédée Borrel, sur les cultures du bacille de la peste
qu’il avait envoyé de Hong Kong. D’avril à juillet 1895, les trois
hommes travaillèrent d’arrache-pied sur l’atténuation du bacille, dans
l’espoir d’obtenir une souche pouvant convenir à la mise au point
d’un vaccin. En fait, ces résultats permirent aux trois chercheurs
l’immunisation du cheval et l’obtention d’un sérum antipesteux, dont
l’injection protégeait le lapin, le cobaye et la souris contre
l’inoculation du bacille de la peste. Ces résultats permettaient
d’envisager le traitement et la guérison de la peste humaine. Ils
servirent d’argument principal à Yersin pour la création d’un nouvel
Institut Pasteur, à Nhatrang, susceptible d’assurer la préparation du
sérum antipesteux en grande quantité.
La découverte de la transmission
En 1897, Paul-Louis Simond (1858-1947), qui également venait de
suivre le « cours de microbie » et travaillait depuis un an et demi à
l’Institut Pasteur, était nommé à la tête de l’Institut Pasteur de
Saigon, créé en 1891 par Albert Calmette. Son ordre de mission
précisait qu’il pourrait s’arrêter à Bombay pour expérimenter le
sérum antipesteux, à l’occasion d’une nouvelle poussée épidémique.
Il fit là ses premières constatations sur l’infestation des puces par le
bacille pesteux. Mais il ne put s’éterniser et dut poursuivre sur
Saigon. Il prit la tête du laboratoire dont il commença la
réorganisation, mais fut rappelé dès 1898 en Inde, où il réalisa à
Karachi son expérience décisive démontrant le rôle joué par la puce
comme vecteur du bacille pesteux. Il introduisit dans un grand bac
de verre un rat moribond capturé dans la maison de pestiférés, ainsi
qu’une cage grillagée contenant un rat sain. Les deux animaux ne
pouvaient se toucher, mais le grillage laissait passer les puces. Cinq
jours après la mort du rat pesteux, le rat sain tombait malade à son
tour et mourait en présentant des bubons inguinaux et axillaires, une
congestion du foie et de la rate, où fourmillaient les bacilles pesteux.
Bien que les travaux de Yersin et de Simond aient apporté la
preuve du rôle du rat et de la puce dans le cycle épidémiologique de
la peste, il fallut attendre cinq ans pour que la Convention
internationale sanitaire rende obligatoire la destruction des rats sur
les bateaux infectés.
Il est parfaitement établi aujourd’hui que la transmission du bacille
pesteux, que ce soit au rat ou à l’Homme, se fait par le biais des
puces du rat : Xenopsylla cheopis dans les régions chaudes et
Nosopsyllus fasciatus dans les régions tempérées.
La vaccination antipesteuse
On ne peut clore ce court chapitre sur les découvertes
fondamentales réalisées dans le domaine de la peste sans évoquer
un pastorien plus mineur, Waldemar Haffkine (1860-1930). Cet
émigré russe d’Odessa, qui avait travaillé à l’Institut Pasteur, à Paris,
dans le laboratoire de Metchnikoff, entreprit en 1891 ses travaux sur
la vaccination contre le choléra. En 1896, le gouvernement indien
l’invita à se rendre à Bombay pour y étudier l’épidémie de peste
bubonique. Il y prépara un vaccin antipesteux, la « lymphe
haffkinienne », qu’il essaya sur des rats, puis sur lui-même, et enfin
sur des prisonniers. Les résultats furent jugés suffisamment
encourageants pour que, dans les mois suivants, plus de 11 000
habitants de Bombay fussent vaccinés à leur tour. Pour répondre à
la très forte demande du pays, fut créé en 1899 le Plague
Reasearch Laboratory dont Haffkine assura la direction jusqu’à son
départ d’Inde en 1914. Ce vaccin ne prévenait pas la peste, mais
faisait fortement chuter sa mortalité.
À l’Institut Pasteur de Madagascar, Georges Girard travailla durant
18 ans à l’étude de la peste qui avait fait son apparition sur les Hauts
Plateaux malgaches en 1919. Avec Jean Robic, il développa en
1933 un vaccin vivant atténué. Une souche de bacille pesteux isolée
à Madagascar en 1926 d’un enfant mort de peste et dont les deux
premières lettres du nom passèrent à la postérité (EV) fut cultivée
pendant six ans. Elle perdit son pouvoir pathogène pour l’animal par
atténuation en milieu bilié, tout en conservant un pouvoir protecteur
élevé, permettant la vaccination de cobayes, souris, rats et
lémuriens. Les premiers essais de vaccination humaine eurent lieu
en 1932, sur des lépreux et sur Jean Robic lui-même. En
janvier 1933, le vaccin EV fut expérimenté sur 1 600 volontaires
vivant dans une région où sévissait une épizootie murine.
L’évaluation fut plus que satisfaisante avec une réduction de plus de
deux tiers de la mortalité par la peste bubonique chez les sujets
vaccinés. Le vaccin EV fut dès lors produit massivement et utilisé à
grande échelle sur les Hauts Plateaux, où plus de dix millions de
doses individuelles furent injectées en 28 ans. Les effets furent
spectaculaires : l’incidence annuelle de la peste à Madagascar
passa en quelques années de 3 600 cas (avec 95 % de mortalité) à
moins de 200 en 1935. Ce vaccin, qui sauva des milliers de
personnes à Madagascar, fut également utilisé dans les foyers de
peste d’autres régions du monde (Afrique du Sud, Congo belge, ex-
U.R.S.S.) jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, où les
sulfamides, les antibiotiques et le DDT récemment découverts
prirent le relais de la vaccination pour lutter contre ce fléau.
En effet, dès le milieu du xxe siècle, la peste bénéficia des
avancées de la chimiothérapie anti-infectieuse, que furent la
découverte des sulfamides et des antibiotiques. Les cas humains
furent efficacement traités dès 1938 par les sulfamides, et dès 1946
par l’emploi de la streptomycine, antibiotique découvert en 1943 par
Selman A. Waksman aux États-Unis, à partir d’un champignon
Streptomyces du sol. Depuis cette époque, les cas de peste sont
efficacement traités par injections intramusculaires de
streptomycine, amenant une guérison quasi certaine des patients
d’une maladie dont l’évolution spontanée se ferait vers la mort dans
plus de la moitié des cas.
Situation actuelle
À la fin de la troisième pandémie, la peste ne disparut pas de la
surface du globe. Elle resta limitée à des foyers naturels résiduels,
dans lesquels son cycle sauvage se maintient, et que l’on dit
« foyers invétérés ». Le grand spécialiste de la peste que fut Marcel
Baltazard (1908-1971), en fit une démonstration remarquable, au
Kurdistan iranien, où l’étude qu’il mena de 1947 à 1963 constitue un
modèle d’enquête épidémiologique qui permit la compréhension du
cycle naturel de cette maladie.
La peste endogée
Le bacille pesteux se maintient dans les terriers des rongeurs
sauvages, les mérions. Le passage du bacille d’un animal à l’autre
se fait par l’intermédiaire de la puce qui va de rongeur à rongeur
avec son contenu infectant. Un enfant d’un village voisin vient-il
jouer avec un rongeur qu’il trouve mort ou mourant, il est piqué par
les puces de l’animal et ramène la maladie au village. C’est le début
d’une épidémie humaine. Au début, les cas sont buboniques, limités
à l’entourage de l’enfant. Puis la peste prend la forme pulmonaire,
hautement contagieuse, qui passe d’Homme à Homme très
facilement, par voie aérienne, favorisant la dissémination du
microbe. L’épidémie peut rester limitée au village, ou s’étendre à la
région, au pays, ou au-delà, suivant les comportements humains.
Pendant ce temps, la peste sauvage poursuit son destin
autonome, dans le foyer naturel. Lorsque les rongeurs ont été
décimés par la peste, leurs puces disparaissent également, et, avec
elle, la maladie pourrait-on penser. Il n’en est malheureusement rien,
car le bacille pesteux peut se conserver des années durant dans le
sol des terriers de rongeurs. De sorte que, lorsque de nouvelles
populations de rongeurs viennent coloniser un terrier anciennement
infecté, elles contractent à leur tour le bacille pesteux qui se
maintenait en attente dans le sol. C’est ce que Marcel Baltazard
appela la « peste endogée », gage du maintien permanent de la
maladie dans certaines régions du monde, les foyers invétérés de
peste. Suivant les foyers, les espèces de rongeurs changent et les
modalités précises de la dynamique des foyers peuvent varier :
gerbilles en milieu désertique, mérions en zone aride, marmottes
dans les steppes d’Asie Centrale. Mais quelle que soit l’espèce, le
principe est le même que celui magistralement décrit par Baltazard
en Iran. Le risque pour l’Homme augmente lorsque sont atteints les
rats, qui vivent proches de l’Homme, rat noir dans les zones rurales
et surmulot dans les villes et les ports.
L’avenir de la peste
On le comprend, tant qu’il y aura des rongeurs sur terre, il y aura des
puces et du bacille pesteux et la peste ne disparaîtra pas de la
surface du globe. Elle reste cantonnée dans les foyers invétérés,
d’où elle peut être à l’origine de quelques cas humains sporadiques,
voire de petites épidémies. Mais la question cruciale est de savoir si
elle peut se répandre à travers le monde en une pandémie aussi
meurtrière que les précédentes. Les quelques démarrages
épidémiques auxquels nous avons assisté depuis la fin de la
troisième pandémie, et qui ont tous été rapidement jugulés apportent
un début de réponse.
Ainsi, à Paris en 1920, une épidémie apparut dans les 18 et
19e arrondissements et dans les communes voisines, parmi une
population essentiellement constituée de chiffonniers vivant dans
des conditions de grande insalubrité. Cette épidémie, consécutive à
l’arrivée d’une péniche de charbon venant de Londres, fut
rapidement maîtrisée par la vaccination d’environ 1 000 personnes,
en contact ou dans l’entourage des sujets infectés. Cette « peste
des chiffonniers » fit néanmoins une trentaine de victimes sur
environ 90 personnes atteintes.
En Inde, après avoir disparu pendant plus de trente ans, deux
épidémies de peste de plusieurs milliers de cas se déclarèrent à
nouveau en 1994 dans l’état du Maharashtra, dont la capitale est
Bombay, et dans celui du Gujerat, au nord de Bombay, suivant des
pullulations de rats. Les maladies furent essentiellement de forme
bubonique dans un cas et pulmonaire dans l’autre. Le fléau fut
endigué grâce aux traitements antibiotiques des patients et à des
mesures de lutte antivectorielle, avec insecticides et raticides.
Entre 2010 et 2015, plus de 3 000 cas de peste (dont presque 600
mortels) ont été observés dans le monde, principalement à
Madagascar, en République démocratique du Congo et au Pérou.
Une forte épidémie de peste pulmonaire a fait environ 200 victimes à
Madagascar en 2017, et la peste bubonique vient de réapparaître en
Chine, en 2020. On le voit, la peste reste d’actualité et une
surveillance rigoureuse s’impose dans les foyers invétérés.
La connaissance que nous avons aujourd’hui de l’épidémiologie
de la peste, les moyens de lutte à notre disposition (insecticides et
raticides) et la disponibilité en médicaments anti-infectieux
(sulfamides et antibiotiques) rendent improbables dans l’avenir des
épidémies de grande amplitude, et a fortiori une nouvelle
dissémination pandémique. Il ne faudrait pourtant pas rester sur
cette impression de sécurité. L’histoire de la microbiologie fournit
plusieurs exemples de renversements soudains de situations. Les
substances permettant le contrôle d’un microbe ou de son vecteur
peuvent perdre leur efficacité, le microbe ou le vecteur devenant
progressivement résistants. L’émergence de souches de Yersinia
pestis résistantes aux antibiotiques, outre qu’elle compliquerait la
prise en charge des cas, pourrait amener une reprise évolutive de la
maladie. Une surveillance des foyers invétérés s’impose donc afin
de n’être pas pris au dépourvu en cas de résurgence de la peste.
Les risques de bioterrorisme international incitent également à
maintenir active la recherche sur Yersinia pestis, un microbe de
choix pour une utilisation dévoyée au service de projets monstrueux.
3
Migrations et épidémies : le choléra
Lazare Rivière5
Robert Koch, d’une génération plus jeune que Pasteur, avait fait ses études
de Médecine à Göttingen. Médecin de campagne, il aborda la microbiologie
tout seul, durant les rares loisirs que lui laissait l’exercice de sa profession, et
conduisit une étude remarquable sur le bacille du charbon.
Alors que Pasteur cultivait les bactéries sur des bouillons liquides, Koch mit
au point une méthode de culture solide sur agarose, très nettement
supérieure car elle permettait d’obtenir des colonies bactériennes pures,
issues d’une seule bactérie. Cette mise au point technique fut déterminante
pour le développement de la bactériologie : elle permit à Koch de découvrir
les grandes bactéries pathogènes pour l’Homme, comme le bacille
tuberculeux et le vibrion cholérique. Cette technique est encore utilisée de
nos jours quotidiennement dans les laboratoires de bactériologie.
Bactériologie du choléra
Le bacille virgule initialement détecté par Filippo Pacini en 1854,
puis cultivé par Robert Koch, ou vibrion cholérique, est un germe
exclusivement humain qui prolifère dans les boues alcalines et les
eaux saumâtres des deltas du Gange et du Brahmapoutre, au
Bengale, son foyer originel. Cet environnement aquatique constitue
le véritable réservoir du vibrion.
Bien qu’il existe plus de 200 sérogroupes de Vibrio cholerae, c’est
le seul sérogroupe O1 qui a été responsable des sept pandémies, y
compris la dernière, due à l’un de ses biotypes variants, baptisé El
Tor.
La physiopathologie du choléra fut comprise en 1965 grâce à la
découverte de la toxine cholérique par Richard A. Finkelstein de
l’Université du Texas, à Dallas. Seul le sérogroupe O1 est porteur de
cette toxine.
Des études expérimentales récentes ont montré que dans son
environnement aquatique, le vibrion cholérique interagit avec les
sédiments et les divers organismes vivants dans lesquels il peut
survivre en période interépidémique : zooplancton, phytoplancton,
protozoaires, crustacés, plantes aquatiques. Le déclenchement des
épidémies dépend donc des facteurs environnementaux
(pluviométrie, salinité, température) et de la prolifération des
organismes vivants dans lesquels il peut exacerber sa virulence.
Le choléra n’est pas une maladie infectieuse comme les autres.
Ses désordres sont essentiellement provoqués par la lyse des
vibrions dans l’intestin grêle et la libération de la toxine qui pénètre à
l’intérieur des cellules intestinales, sans les endommager, mais en
entraînant une hypersécrétion d’eau responsable de la
déshydratation, caractéristique de la maladie. Le traitement consiste
en une réhydratation massive et rapide, avec rétablissement de
l’équilibre hydroélectrolytique. Le rôle des sulfamides et des
antibiotiques est tout à fait secondaire, destiné à permettre une
élimination plus rapide des vibrions. Le traitement individuel, ou pour
un petit nombre de cas, ne pose pas de problème. En revanche, en
cas d’épidémie, la capacité d’hospitalisation est rapidement
dépassée et les problèmes rencontrés sont des problèmes
logistiques de lits adaptés à la surveillance des cholériques, de
quantité de liquides de réhydratation, de personnel habilité à placer
des perfusions. Depuis 1978, existe un programme de l’OMS de
lutte contre les maladies diarrhéiques codifiant la thérapie de masse
par réhydratation orale à l’aide de solutions des sels de
réhydratation.
Le vibrion n’étant jamais au contact du milieu interne, les vaccins
par injection parentérale, comme ceux de Ferran et de Haffkine,
n’ont pas d’efficacité. Deux vaccins oraux sont disponibles : le WC-
rBS (vaccin monovalent contenant une suspension bactérienne tuée
par la chaleur et le fomol associée à une sous-unité recombinante
de la toxine cholérique) et un vaccin bivalent sans sous-unité de la
toxine cholérique. Tous deux ont une efficacité certaine, autour de
70 %, et développent une forte immunité protectrice collective. Mais
l’essentiel de la prophylaxie réside dans le renforcement des
mesures d’hygiène individuelle et familiale (lavage des mains,
désinfectants ménagers), ainsi que l’amélioration de la qualité des
eaux d’alimentation et de l’assainissement. Pour lutter contre la
diffusion du choléra, le contrôle sanitaire aux frontières est une
possibilité qui a ses limites, dues aux voies parallèles de
cheminement des Hommes et des marchandises. En 1970, lors de
l’extension du choléra depuis Alexandrie, une fois la Libye infectée,
la Tunisie ferma totalement sa frontière sud. Le premier cas tunisien
survint au nord du pays, dans le port de La Goulette, amené par de
petits bateaux de contrebande ayant remonté la côte par cabotage.
Situation actuelle
Le choléra a été pratiquement éradiqué de la plupart des pays à
revenus élevés grâce à une politique d’assainissement et
d’organisation sanitaire des agglomérations humaines, avec,
principalement, l’installation de réseaux d’eau potable et l’épuration
des eaux usées. Mais il demeure une plaie dans les pays à revenus
faibles où ces standards sanitaires n’existent pas.
Depuis le début du xxie siècle, se sont succédé une série de
flambées épidémiques dans de nombreux pays d’Afrique
subsaharienne : Nigeria, Mozambique et Tchad en 2004, sept pays
d’Afrique de l’Ouest en 2005, Angola et Soudan en 2006. L’année
2008 fut particulièrement tragique avec plus de 7 000 cas en Guinée
Bissau, et culmina au Zimbabwe où plus de 100 000 cas, dont plus
de 4 000 morts, furent recensés entre août 2008 et mai 2009.
Le choléra s’est durablement installé sur le continent africain
bénéficiant du naufrage sanitaire post-colonial de ce continent (voir
encadré). La désorganisation, voire l’inexistence, des structures
sanitaires de nombre de ses pays y rend les épidémies
particulièrement dramatiques. Seule l’élévation du niveau de vie,
avec son corollaire d’amélioration de l’hygiène et de la santé
publique, pourrait permettre de contrôler les maladies infectieuses.
Mais le continent africain est loin d’en prendre le chemin, largement
doté qu’il est de potentats plus enclins à favoriser leurs intérêts
privés que le bien-être de leurs populations ou le développement de
leur pays. La gestion politique de l’épidémie de choléra de 2008-
2009 au Zimbabwe par Robert Mugabe est un modèle d’aliénation
idéologique et d’aveuglement coupable. La théorie du complot
anglo-américain destiné à déstabiliser le régime, retarda de façon
impardonnable l’appel à l’aide internationale, indispensable à la
gestion d’une épidémie que la désintégration totale du tissu sanitaire
du pays rendait impossible en interne. L’expulsion des organisations
humanitaires en décembre 2008 par Robert Mugabe au motif de la
fin de l’épidémie a sonné comme un glas pour les dizaines de
milliers de morts que la maladie devait encore provoquer jusqu’en
août 2009.
Plus récemment, entre 2010 et 2018, une épidémie de choléra a
ravagé Haïti, qui n’avait pas connu d’épidémie depuis plus d’un
siècle. Due à un V. cholerae de sérogroupe O1 importé par le
contingent népalais des forces de l’ONU, elle a également touché la
République dominicaine, Cuba et le Mexique. Au total, environ
800 000 personnes ont été atteintes et 10 000 morts ont été à
déplorer.
Durant la seule année 2015, 42 pays, dont 16 africains et 13
asiatiques, ont notifié à l’OMS un total de 172 000 cas de choléra,
dont 1 300 décès.
Plus récemment, le Yemen a connu, en 2017, la plus importante
épidémie de choléra au niveau mondial, avec 540 000 cas dont
2 000 morts.
Le choléra n’a donc pas disparu, en tout cas pas dans tous les
pays.
Histoire de la variole
Bien que la variole soit d’origine ancienne, elle ne fut pas, durant des
siècles, clairement distinguée des autres maladies éruptives. Il est
pourtant couramment admis que la variole était, à l’origine, une
maladie orientale, connue des habitants de l’Inde il y a plus de trois
mille ans. Très présente dans la tradition indienne, elle y a été
divinisée, en particulier sous les traits de Mâryammâ, déesse qui
apporte la variole et la guérit. La variole semble de même avoir été
présente en Égypte plus de 1 000 ans avant J.-C. La momie du
pharaon Ramsès V, de la xxe dynastie, qui serait mort en 1157 avant
J.-C., porte des stigmates d’une éruption pustuleuse très évocateurs
de lésions de variole. Enfin, la maladie aurait été introduite dans la
Chine ancienne en l’an 49 de notre ère. Les relations historiques font
régulièrement état d’épidémies de variole en Inde et en Chine, ainsi
que d’une méthode de s’en prémunir, la variolisation dont nous
parlerons plus bas.
La variole
La variolisation
Les Chinois avaient remarqué que les épidémies de variole n’avaient
pas toutes la même gravité. Parfois survenaient des épidémies de
variole bénigne, au cours desquelles la maladie était moins grave et
de mortalité réduite. Ils avaient eu l’idée de prélever des pustules de
cas bénins, en y passant un fil de soie, ou en les ponctionnant avec
une aiguille. Le produit récolté était ensuite desséché et donné à
inhaler, dans la narine, droite pour les garçons, gauche pour les
filles. Cette prise était suivie de l’apparition d’un accès fébrile vers le
septième jour et d’une éruption cutanée qui était accompagnée de
signes de gravité dans seulement 1 à 5 % des cas. Cette pratique de
la « variolisation » par prise nasale resta limitée à la Chine, à la
Corée et au Japon.
Une méthode alternative de variolisation consistait à piquer un
sujet sain à l’aide d’une aiguille chargée du pus d’une lésion mûre de
varioleux. Il en résultait une forme atténuée de variole qui assurait
une solide immunité, empêchant toute variole ultérieure. Cette
méthode était pratiquée chez les Circassiens et les Georgiens pour
prévenir la variole chez les jeunes filles et préserver leur beauté très
appréciée dans les harems ottomans. C’est ainsi que cette
deuxième méthode pénétra en Turquie et en Grèce, avant de faire le
tour du monde.
Les premières informations sur la variolisation parvinrent en
Angleterre par une lettre d’un représentant de l’East India Company
en Chine et, en 1700, par un rapport du docteur Clopton Havers à la
Royal Society de Londres. L’épouse de l’ambassadeur auprès de la
Sublime Porte à Istanbul, Lady Mary Wortley Montagu, qui avait elle-
même contracté la variole, usa, à partir de 1712, de son influence
pour préconiser l’adoption de la variolisation dans la famille royale
anglaise. Après un complément d’information fourni en 1716 par le
docteur Jacobo Pylarini, consul de Venise à Smyrne, qui confirma
l’efficacité et l’absence de nocivité de la technique, la Royal Society
fit procéder à un essai sur des condamnés à mort, avant de donner
son accord à la variolisation des enfants de la famille royale. Lady
Montagu fit « varioliser » en public ses deux enfants, et son salon
devint le lieu de réunion de nombreux adeptes de la méthode. La
généralisation de la variolisation à l’Angleterre fut surtout l’œuvre de
Hans Sloane, médecin du Roi et président de la Royal Society. Mais
la fréquence des épidémies n’en fut guère réduite, car la variolisation
n’était pratiquée que dans la haute société. La reprise des épidémies
amena la fondation en 1746 à Londres du Smallpox and Inoculation
Hospital et entraîna la généralisation de la méthode.
La variolisation se répandit en Europe avec une certaine difficulté,
car elle se heurtait à l’indifférence de la population et à l’opposition
du clergé. Elle fut introduite aux Pays-Bas en 1748, puis à Genève
en 1749. Elle fut peu de temps après appliquée en France, en
premier lieu à la famille royale et à la noblesse. Ainsi en 1756 eut
lieu à Paris la variolisation publique du duc de Chartres et de
Mademoiselle de Montpensier. Voltaire et La Condamine firent
activement campagne pour la généralisation de cette méthode. C’est
vraisemblablement l’influence de Voltaire qui amena la Tsarine
Catherine II de Russie à se faire inoculer, en 1768. Aux États-Unis,
Benjamin Franklin, dont le fils unique mourut de variole, fut un ardent
avocat de la variolisation.
Jenner et la vaccination
Grâce au médecin anglais Edward Jenner (1749-1823), la
variolisation, technique aux résultats aléatoires, fut remplacée au
xviiie siècle, par la vaccination. On avait noté, dans plusieurs régions
d’Angleterre (Comté de Gloucester) et de France (Picardie,
Languedoc), que le contact préalable avec une maladie des vaches
caractérisée par une éruption sur les mamelles et nommée picote ou
vaccine en France, et cow-pox en Angleterre, protégeait contre la
variole. Ces observations avaient frappé Edward Jenner, car elles
correspondaient à son expérience de médecin chargé de la
variolisation en milieu rural, dans le Comté de Gloucester. Sur les
conseils de son maître John Hunter, brillant chirurgien et
expérimentateur talentueux, Jenner réunit les observations de 28
individus qui avaient été en contact avec le cow-pox et avaient
acquis une immunité antivariolique. Il décida d’apporter une preuve
quasi expérimentale de la protection qui pouvait être obtenue par le
cow-pox. Le 14 mai 1796, il effectua sur un jeune garçon la
transmission de suc vaccinal prélevé sur la pustule d’une vachère
contaminée par le cow-pox, puis, secondairement, lui fit une
inoculation d’épreuve avec du suc varioleux. Le sujet montra alors
une résistance à cette infection par la variole. Mais cette observation
ne fut pas jugée suffisante par la Royal Society, et Jenner répéta
plusieurs fois l’expérience et publia ses résultats en 1798. Ses
observations firent sensation et la méthode de la « vaccination » (le
terme fut créé à la suggestion d’un chirurgien de Plymouth, Richard
Dunning avec l’approbation de Jenner) se répandit en Autriche et en
Allemagne.
Grâce au duc de Liancourt, elle fut introduite en France, où
Napoléon ordonna en 1805 la vaccination de tous les soldats sous
ses ordres. Elle gagna ensuite les Pays-Bas, la Prusse et la Russie.
Elle fut introduite en Amérique du Nord dès 1798 par le révérend
John Clinch, un ami d’Edward Jenner. L’Espagne, où la première
vaccination fut pratiquée en 1800, organisa, sous les auspices du
roi, une expédition maritime philanthropique destinée à introduire la
vaccination antivariolique en Amérique, aux Philippines et en Chine.
Dirigée par Francisco Javier Balmis, cette expédition partit de la
Coruña en 1803 emportant vingt deux orphelins qui furent
successivement vaccinés durant le voyage : chaque fois qu’un sujet
présentait une lésion pustuleuse, du matériel virulent était inoculé au
bras d’un nouvel enfant. Ainsi des pustules fraîches purent arriver
dans le Nouveau Monde et être utilisées pour vacciner les
populations locales. Ce tour du monde de trois ans constitua sans
aucun doute la première expédition sanitaire internationale jamais
organisée.
La vaccination de bras à bras, telle qu’elle était pratiquée du
temps de Jenner, présentait de sérieux inconvénients, dont celui de
devoir disposer d’un porteur de pustules vaccinales susceptibles
d’être prélevées, c’est-à-dire au septième jour après l’inoculation. De
plus, le risque était grand de transmettre occasionnellement des
maladies infectieuses, dont l’hépatite épidémique et la syphilis. Ces
accidents infectieux furent particulièrement fréquents à Naples, ce
qui donna à Gennaro Galbiati (1776-1844) l’idée, en 1804, de
revenir à l’hôte originel du virus de la vaccine. Il s’agissait d’inoculer
largement la vaccine sur les flancs d’une génisse et de récolter
ensuite une grande quantité de matériel vaccinant. Ce procédé,
révélé au Congrès de Médecine de Lyon en 1864, se répandit en
Europe. Une génisse inoculée en Italie et ramenée en France en
décembre 1864 est à l’origine des souches vaccinales françaises.
À l’Institut de la Vaccine animale, créé à Saint Mandé, Ernest
Chambon consacra sa vie à l’obtention de la vaccine et à la
propagation de la vaccination, par la création de services de
vaccination et la formation de leurs directeurs. La vaccination devint
obligatoire en France en 1902. Les autorités britanniques qui avaient
été favorables à la variolisation furent d’abord réticentes à la
remplacer par la vaccination, mais elles la rendirent obligatoire en
Angleterre et au pays de Galles en 1835, et dix ans plus tard en
Écosse et Irlande.
La génisse employée pour produire le vaccin fut parfois remplacée
par d’autres espèces animales, comme le bufflon à l’Institut Pasteur
de Saigon, en Indochine, à l’initiative d’Albert Calmette, ou le
mouton, technique de l’Institut Lister à Londres. Plusieurs progrès
techniques permirent d’obtenir une meilleure conservation du vaccin.
En 1850 en Grande-Bretagne, Cheyne utilisa la glycérine comme
stabilisateur du vaccin, ce qui permettait sa conservation prolongée
et son transport à distance, et permit la généralisation de la
vaccination dans l’empire colonial français, en atteignant les
populations les plus reculées.
En 1897, Chambon et Saint-Yves Ménard imaginèrent le « vaccin
sec », par dessiccation dans une cloche à vide, au moyen de
chlorure de calcium. Ensuite Lucien Camus et André Fasquelle
mirent au point la dessiccation de la pulpe vaccinale à basse
température sous vide (lyophilisation). Plus tard, les techniques
élaborées disponibles en virologie, comme l’inoculation à l’œuf de
poule ou les cultures de tissus, permirent d’obtenir des semences
vaccinales totalement indemnes de germes cutanés.
Ces améliorations techniques successives contribuèrent à une
généralisation de l’emploi de la vaccination, qui amena le déclin de
la variole dans la seconde moitié du xixe siècle. Mais si la maladie
s’éteignit progressivement en Europe et en Amérique du Nord à
partir du premier quart du xxe siècle, elle persista dans les régions
pauvres et surpeuplées du monde, particulièrement en Inde, en
Indonésie, en Amérique du Sud et dans la Corne de l’Afrique.
L’éradication de la variole
Au milieu du xxe siècle, la variole affectait encore annuellement de 10
à 15 millions de personnes dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie
ou d’Amérique du Sud, avec une mortalité d’un à deux millions de
décès par an.
L’idée se fit progressivement jour qu’une maladie strictement
humaine, contre laquelle on possédait un vaccin depuis près de
200 ans, pouvait être totalement éradiquée grâce à l’effort de la
communauté internationale. Point n’était besoin d’un vaccin
sophistiqué et coûteux, mais seulement d’une campagne de type
militaire, coordonnée à partir du siège de l’Organisation mondiale de
la Santé (OMS) à Genève. Et de fait, c’est la classique lymphe
vaccinale produite sur les flancs d’une génisse ou d’une jeune
bufflesse qui rendit possible l’éradication de la maladie, sans avoir
recours aux méthodes modernes de la Virologie ou de la Biologie
moléculaire. Les besoins immenses nécessaires à la réalisation de
la campagne mondiale d’éradication ne permettaient pas l’emploi de
techniques de production plus sophistiquées et coûteuses.
Un premier programme d’éradication avait été proposé par Fred L.
Soper, directeur du Pan American Sanitary Bureau en 1950, pour
l’Amérique Centrale et du Sud. Il permit d’interrompre en 1958 la
transmission de la variole dans les Caraïbes, l’Amérique Centrale et
certains pays d’Amérique du Sud. Mais l’objectif d’éradication totale
fut proposé en 1958 à l’OMS par le virologue soviétique V.M.
Zhdanov et conduisit à une première campagne qui échoua faute de
stocks de vaccins suffisants et d’un budget adéquat.
Pour que le typhus se maintienne dans la nature, il faut que son microbe
puisse se transmettre d’Homme à Homme. Il faut donc des personnes vivant
dans des conditions d’hygiène défectueuse, ne se lavant pas ni ne changeant
leurs vêtements, permettant ainsi la pullulation des poux dans les poils, les
plis de leurs corps et leurs vêtements. Il faut également que ces personnes
soient en étroit contact, pour pouvoir échanger leurs poux. C’est pourquoi le
typhus est resté cantonné aux régions tempérées et froides, épargnant le
monde tropical où le mode vestimentaire est en général impropre à la
préservation du pou.
Origine du typhus
Maladie certainement ancienne, son entité eut du mal à se dégager
du grand groupe des « fièvres ». Ce que l’on a appelé la « peste de
Syracuse », en 395 avant Jésus-Christ, ou la « peste de Cyprien »
en l’année 251, pouvait tout à fait correspondre à des épidémies de
typhus.
Dès le xvie siècle, on nota que des humains entassés dans les
lieux surpeuplés et obligés de vivre dans la saleté, se trouvaient
fréquemment atteints d’un mal dont les ravages augmentaient
progressivement. Son lien avec les guerres, les sièges, les retraites
et les camps est ancien, comme en témoignent les diverses
dénominations dont la maladie fut longtemps dotée : fièvre militaire,
fièvre des camps, morbus bellicosus, fièvre maligne des armées,
peste de guerre ou typhus des camps. Faire l’histoire du typhus,
c’est parcourir l’histoire des guerres entre les nations, en particulier
européennes.
Ce n’est que vers le xvie siècle que le typhus commença à être
individualisé. Dans son ouvrage De contagione et contagiosis
morbus, paru en 1546, Girolamo Frascator (1478-1553) distingua le
typhus de la peste et en donna une première description. Heinrich
Skreta von Zavorziz, médecin personnel du duc de Württemberg, lui
consacra un ouvrage, en 1676. Le médecin montpelliérain François
Boissier de Sauvages en donna en 1760 une description clinique et
proposa de le nommer « typhus exanthématique ». En effet, la
maladie se caractérise par une très forte fièvre accompagnée d’une
éruption de petites taches roses sur le corps (l’exanthème), petites
taches qui s’assombrissent progressivement jusqu’à devenir
noirâtres, cependant que le patient, au début délirant, sombre
progressivement dans un état de torpeur profonde, presque de
coma, qualifié de tuphos.
Typhus et prisons
Rubert Boyce10
La fièvre jaune est une maladie redoutable (voir encart) qui fit des
ravages du xviie au xixe siècle, à la fois sur le continent américain, du
sud des États-Unis au nord de l’Amérique du Sud, et en Afrique
subsaharienne. Depuis le débarquement des Espagnols sur le
continent américain, au xviie siècle, jusqu’à l’époque où l’on eut les
moyens de la combattre, au début du xxe siècle, elle fut un obstacle
constant aux entreprises de l’Homme aussi bien dans le Nouveau
Monde qu’en Afrique de l’Ouest. Elle fut une plaie qui gangrena les
grands travaux entrepris dans ces régions, comme nous le verrons à
propos du chantier du Canal de Panama.
La fièvre jaune
Claude Hannoun12
La deuxième vague
La deuxième vague débuta en septembre 1918. Tout aussi
contagieuse que la précédente, elle fut associée à une mortalité
élevée, probablement liée à des complications bactériennes. La
maladie ressemblait au départ à une grippe banale, comme au cours
de la première vague, mais rapidement les patients étaient cloués au
lit par une forte fièvre, une toux incessante et des difficultés
respiratoires. Ils n’arrivaient bientôt plus à respirer, devenaient bleus
(on qualifia ce signe de « cyanose héliotrope ») et se mettaient à
cracher du sang. Beaucoup mouraient de cette pneumonie
hémorragique. En octobre, certains camps de l’armée américaine
recensèrent un mort chaque heure, les Britanniques comptèrent
2 000 morts par semaine, dont 300 à Londres.
Hôpital improvisé durant la pandémie de grippe espagnole, en 1918, dans
une caserne de l’armée américaine à Camp Funston, Kansas. © (NCP 001603).
OHA 250: New Contributed Photographs Collection. Otis Historical Archives,
National Museum of Health and Medicine.
Bilan de la pandémie
Au demeurant, on estime que la pandémie de grippe espagnole
toucha au moins entre 25 à 30 % de la population mondiale et
qu’elle sévit dans toutes les parties du monde. Les pourcentages de
malades varièrent suivant les pays : 20 % chez les Inuits de l’Alaska,
90 % dans les populations des îles Samoa. La mortalité fut
effroyable, atteignant plus de 20 millions de personnes, chiffres que
certains pensent largement sous-estimés. Le taux de mortalité fut
d’environ 4 % des sujets atteints, nettement plus élevé que celui des
épidémies de grippe classique. Mais eux aussi varièrent suivant les
pays et les populations, de 11 à 16 % dans certaines villes des
États-Unis, jusqu’à 60 % chez les Inuits.
Contrairement aux autres épidémies de grippe, la grippe
espagnole frappa électivement les adultes jeunes, entre 20 et
40 ans, particulièrement dans les troupes engagées dans le conflit.
Le corps expéditionnaire américain compta 35 000 morts durant la
guerre, auxquels s’ajoutèrent 9 000 morts de grippe. Mais les
populations civiles également furent lourdement atteintes. Le
nombre des victimes fut estimé à 650 000 aux États-Unis, 400 000
en France.
S’il y eut une retombée positive de la pandémie de grippe
espagnole, ce fut la prise de conscience par les nations de la
menace des épidémies et de la nécessité d’y faire face
collectivement. L’un des articles de la Charte de la Société des
Nations indiquait la nécessité de créer un Comité International
d’Hygiène, future Organisation mondiale de la Santé.
L’isolement du virus
L’isolement du virus grippal est dû à trois chercheurs anglais du
National Institute for Medical Research, près de Londres, Wilson
Smith, Christopher Andrewes et Patrick Laidlaw, qui eurent l’idée
originale d’utiliser le furet comme animal d’expérience. En 1932, ces
trois scientifiques piétinaient dans leur recherche du virus de la
grippe, n’ayant réussi à infecter aucun des animaux courants de
laboratoire. L’épidémie de l’année touchait à sa fin. En désespoir de
cause, ils inoculèrent, par voie nasale, deux furets avec le filtrat de
sécrétions recueillies chez les ultimes grippés. Ces deux furets
manifestèrent rapidement une apathie (état inhabituel chez le furet),
de la fièvre, des éternuements et un écoulement nasal. La maladie
expérimentale put être reproduite chez d’autres furets, par
inoculation de filtrats de tissus des furets infectés, puis entretenue
par passage régulier de furet à furet. Ces chercheurs eurent la
preuve qu’ils venaient d’isoler le premier virus de la grippe humaine,
lorsque l’un d’entre eux examinant un furet infecté fut contaminé par
les éternuements du petit animal et contracta la grippe. Le virus
grippal fut baptisé Myxovirus influenzae. Ces mêmes auteurs
montrèrent que la grippe porcine était également inoculable au furet.
Situation actuelle
Depuis la pandémie de 1968-1969, la grippe s’est maintenue dans le
monde sous forme d’épidémies hivernales principalement dues au
virus A/H3N2 de la dernière pandémie, avec lequel est venu
cohabiter en 1977 le virus A/H1N1. D’ailleurs, le vaccin contre la
grippe saisonnière utilisé depuis plusieurs années est préparé à
partir de trois types vaccinaux, dont les sous-types H3N2 et H1N1.
La pandémie H1N1
En avril 2009, coup de théâtre : une épidémie de grippe humaine se
déclencha au Mexique, due à un nouveau virus, que l’on crut
d’abord d’origine porcine, d’où le nom de « grippe porcine » qui fut
d’abord donné à l’épidémie, mais s’avéra ensuite être un lointain
descendant du virus A/H1N1 de la grippe espagnole, ce qui fit
craindre la survenue d’une pandémie majeure.
Fin avril, ce virus avait déjà atteint plusieurs centaines de
personnes au Mexique et tué au moins 20 d’entre elles. Il
progressait rapidement aux États-Unis et au Canada, puis se
propageait en Europe, en particulier en Espagne et en Grande-
Bretagne, et en Amérique Centrale. Début mai, le virus apparut en
Asie, en Corée du Sud et à Hong Kong. Mi-mai, c’était au tour de la
Chine et du Japon d’être atteints, et, début juin, celui du continent
africain, puis de l’Australie.
À la fin juillet, les chiffres officiels recensés par l’OMS faisaient état
de plus de 300 000 cas et d’au moins 3 500 décès, dont une
majorité sur le continent américain. À partir de là, le dénombrement
des cas fut arrêté, car devenu impossible, mais la pandémie
poursuivit son extension à l’ensemble du monde. Les pays de
l’hémisphère austral – Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Chili
en particulier – vécurent une épidémie sévère favorisée par les
basses températures de l’hiver austral, deux à trois fois supérieure à
leurs épidémies saisonnières habituelles. À partir de septembre, la
vague épidémique parcourut l’Europe à la faveur des baisses de
températures, et gagna l’Asie.
Au total, l’épidémie atteignit entre un et deux milliards de
personnes dans 213 pays et territoires, mais, par son taux de
mortalité estimé entre 150 000 et 250 000 morts, la pandémie
A/H1N1 se situait bien en deçà des autres grandes pandémies
grippales du xxe siècle, et même dans la marge basse d’une
épidémie de grippe saisonnière. Elle s’éteignit en août 2010, bien
que le virus continuât de circuler et soit responsable d’une petite
réplique aux États-Unis, en 2014.
Le virus A/H1N1 responsable de cette pandémie fut typé dès le
début, puis entièrement séquencé au Canada au mois de mai. Une
souche en fut sélectionnée en juin par l’OMS et confiée aux
laboratoires industriels pour commencer la production d’un vaccin
qui fut disponible dès octobre 2009. Les campagnes de vaccination
furent plus ou moins bien suivies selon les pays, le taux de
couverture vaccinale de la population générale s’établissant, en
janvier 2010, à 9 % en France contre 60 % en Suède.
En France, la vague épidémique s’est étalée sur sept mois, avec
un pic épidémique en novembre et décembre 2009. La maladie a
atteint entre 8 et 14 millions de personnes, la majorité parmi les
tranches d’âge 15-64 ans, les sujets nés avant 1958 ayant été
protégés par des anticorps contre le H1N1 acquis antérieurement.
La grippe a été modérée, se traduisant par quelques jours de fièvre,
courbatures et maux de tête et une atteinte pulmonaire avec toux et
essoufflement, et suivie d’une guérison rapide. Mais le tableau
clinique a été plus grave chez les sujets présentant des facteurs de
risque, tels qu’une pathologie respiratoire chronique, une
immunodépression, un diabète. Et même, chez un petit nombre de
sujets sains, sans facteurs de risque, l’atteinte pulmonaire massive a
donné lieu à un syndrome de déficience respiratoire aiguë
nécessitant une réanimation respiratoire. Plus de 1 300 cas graves
ont dû faire l’objet d’une hospitalisation et 323 décès ont été notifiés.
Au demeurant, la vague épidémique en France s’est montrée tout à
fait modérée, et même inférieure à une épidémie saisonnière, ce qui
fit rétrospectivement apparaître comme disproportionné et
inutilement onéreux le plan national de prévention et de lutte contre
la pandémie de grippe A/H1N1. Ce plan, complet et détaillé, incluait
la définition des circuits et des procédures de prise en charge des
patients, l’organisation logistique (respirateurs, stocks de masques
de protection, de médicaments) et une campagne de vaccination de
masse. Cette dernière, non obligatoire, lancée par le ministère de la
Santé dès septembre 2009, excluait les médecins généralistes pour
des raisons de conditionnement du vaccin par flacons multidoses et
devait se dérouler dans des dispensaires et centres de vaccination.
Cette restriction, ajoutée aux réticences de la population travaillée
depuis plusieurs années par les activistes antivaccination, eut pour
résultat un taux de vaccination excessivement bas, qui, par chance,
n’eut aucune conséquence sanitaire, puisque la pandémie tournait
court trois mois plus tard. Ce contexte explique sans doute
l’impréparation au niveau sanitaire et l’insouciance dans laquelle la
pandémie de la Covid-19 trouva notre pays en 2020. On avait oublié
qu’une épidémie n’est pas toujours à l’endroit ou au moment où on
l’attend.
8
Sexe et épidémies : la syphilis
et le sida
Girolamo Frascator14
Histoire de la syphilis
Toujours est-il qu’à la fin du xve siècle, la syphilis apparut
soudainement en Europe et se répandit dans le monde, véhiculée
par les armées en campagne. Elle était d’ailleurs reconnue par
chaque nation comme la maladie de l’ennemi : mal de Naples (pour
les Français, lors de la conquête du Royaume de Naples), mal
français, ou morbus gallicus (pour les Italiens et les Espagnols), mal
espagnol (pour les Portugais et les Hollandais), mal anglais (pour les
Écossais), mal allemand (pour les Polonais), mal polonais (pour les
Russes).
La première mention de la maladie date de 1493, année du retour
de la première expédition de Christophe Colomb, avec une épidémie
qui se déclencha à Barcelone et se répandit en Espagne. Bartolomé
de las Casas, dont le père et l’oncle participèrent au deuxième
voyage de Christophe Colomb, et qui, lui-même, consacra sa vie à la
défense des Indiens du Nouveau Monde, parle, dans son Histoire
des Indes, d’une affection dite bubas, fréquente et bénigne chez les
Indiens des îles, et que les marins « qui n’observèrent pas les vertus
de la chasteté » contractèrent en masse.
La syphilis se retrouva à Naples en 1494, au cours du siège de la
ville par les troupes du roi de France, Charles VIII, venu faire valoir
ses droits sur la couronne de Naples. Cette armée comprenait des
mercenaires espagnols qui pouvaient être contaminés. Le père de
l’anatomiste et chirurgien italien Gabriel Fallope se trouvait dans la
ville et rapporte que les Napolitains assiégés chassèrent les femmes
dont ils savaient qu’elles étaient atteintes par la maladie, au prétexte
qu’il n’y avait pas assez de vivres dans la place. Les Français pris de
pitié, mais aussi séduits par leur beauté, les accueillirent. La
propagation de la maladie fut rapide. Charles VIII dut lever le siège
sous la pression de la Sainte Ligue et remonter vers le nord avec
ses armées décimées par la syphilis : le cortège et la syphilis
atteignirent Lyon en novembre 1595, puis Paris. L’Europe fut
entièrement contaminée à la fin du xve siècle. Seules ses régions
septentrionales de Finlande et de Laponie demeurèrent indemnes.
D’Europe, la syphilis gagna l’Afrique, si elle n’en venait pas, puis
le Proche-Orient. Les explorations portugaises et l’installation de
comptoirs en Inde y introduisirent la maladie. De Calcutta, elle gagna
Canton et s’étendit bientôt à toute la Chine. Le Japon fut touché au
milieu du xvie siècle avec l’arrivée des premiers navires hollandais.
Bref, en moins d’un siècle, la syphilis avait envahi le monde.
La prévention de la syphilis
Gabriel Fallope, dont nous avons parlé plus haut, mit au point un « fourreau
d’étoffe légère fait sur mesure pour protéger des maladies vénériennes », et
publia, en 1564, les résultats de l’essai qu’il fit de ce premier préservatif sur
1 100 Napolitains, dont aucun ne contracta la syphilis. Mais cette judicieuse
invention demeura méconnue et de nombreuses recommandations pour
éviter la contamination fleurirent, comme celle de Massa, en 1532, conseillant
aux partenaires de se laver les organes génitaux avec du vin blanc avant et
après l’acte sexuel. Le moyen le plus efficace recommandé par l’Église était,
bien entendu, l’abstinence.
Évolution de la syphilis
La syphilis de la Renaissance était extrêmement virulente. Elle
évoluait de manière aiguë, avec des symptômes spectaculaires.
L’ulcération génitale était perforante et dégageait une odeur fétide.
Les patients ressentaient d’intolérables douleurs musculaires et
articulaires. La phase tertiaire apparaissait en quelques mois et
l’issue était souvent rapidement fatale. À partir des années 1550, la
gravité de la syphilis s’atténua. La maladie prit la forme chronique
que nous lui connaissons aujourd’hui. Ce changement était sans
doute dû à une baisse de virulence du microbe. On peut imaginer en
effet qu’un microbe trop virulent, comme l’était le microbe de
l’époque, éliminant la majorité des patients qu’il infectait, ne pouvait
survivre que par sélection d’un mutant plus bénin. Cette évolution de
la maladie fut perçue par des médecins de l’époque, comme
Frascator qui pensait la syphilis en déclin. Ce qui n’était pas le cas,
car, si la syphilis régressa un peu au xviie siècle, elle revint sur le
devant de la scène au xixe siècle.
Toujours est-il que la syphilis de l’époque classique, et jusqu’à ce
jour, se manifesta sur un mode moins dramatique. La durée
d’évolution des trois phases se prolongeait sur des années,
compatible avec une durée de vie courante. Durant son évolution, la
syphilis finissait toujours par atteindre le système nerveux central.
Mais avant qu’elle n’y détermine une dégradation de la personnalité,
elle pouvait provoquer chez des individus particulièrement doués
une intensification des capacités intellectuelles de sorte que ces
individus étaient capables de réalisations remarquables. Et de fait,
de très nombreux hommes célèbres, artistes, musiciens, auraient
été atteints de syphilis : Alfred de Musset, Alphonse Daudet,
Nietzsche, Charles Baudelaire, Guy de Maupassant, Gustave
Flaubert et Frantz Schubert, pour n’en citer que quelques-uns.
Traitements anciens
Le traitement de la syphilis fit très tôt appel à des métaux : l’or à
partir de 1540, puis le mercure, à la suite de la recommandation de
Guy de Chauliac, qui, dans son traité La Grande Chirurgie en 1368,
conseillait son emploi pour lutter contre les maladies épidémiques.
Les frictions mercurielles étaient appliquées à l’aide d’une brosse
par un barbier, puis les patients étaient enfermés dans des étuves
surchauffées pour favoriser leur transpiration. Peu guérissaient ainsi
de la syphilis, mais un grand nombre succombait à une intoxication
mercurielle favorisée par la très forte sudation. À partir du xviie siècle,
le mercure s’administra par voie buccale, sous forme d’un sel, le
calomel, et au xixe siècle, un autre sel, le sublimé, fut injecté aux
patients. Grâce à son coût élevé, le mercure fit la fortune des
alchimistes, pour qui « grâce à la vérole, le mercure se transformait
en or ».
Une substance naturelle concurrença très tôt le mercure : le bois
de gaïac, ou « saint bois », ou encore « bois des Français ». Petit
arbre d’Amérique tropicale découvert dans l’île d’Hispaniola, son
usage fut recommandé, dès 1517, sur l’aphorisme que le remède
devait venir de l’endroit dont la maladie était originaire. Durant tout le
xvie siècle, certains riches malades firent le voyage du Nouveau
Monde pour y être soignés. Mais ensuite, le bois de gaïac fut
importé en Europe, où il connut un franc succès, bien que son
emploi ne soit pas de tout repos. Le traitement incluait 40 jours de
jeûne, de purgations et de prises de gaïac. Le malade avalait une
décoction chaude, puis devait transpirer pendant deux ou trois
heures, plusieurs fois par jour.
Pendant de nombreuses années, les partisans du mercure et ceux
du gaïac s’affrontèrent. Mais leurs clientèles se distinguaient en fait
selon leurs ressources : le gaïac avait la faveur des riches, et ceux
qui ne pouvaient s’offrir le bois, se contentaient du mercure.
Où la génétique des microbes apporte une clé
à l’épidémiologie
Les tréponèmes
Le zoologiste allemand, Fritz Schaudinn (1871-1906), avec l’aide du
« syphiligraphe » Eric Hoffmann (1868-1959), découvrit en 1905
l’organisme responsable de la syphilis, dans le chancre génital d’une
syphilis primaire, et dans des lésions cutanées et le sang de la rate
au cours d’une roséole. Il s’agissait d’un très petit organisme spiralé,
mobile et difficile à colorer, un spirochète qu’ils appelèrent
« tréponème pâle », Treponema pallidum. La même année, le
microbiologiste italien Aldo Castellani découvrit un autre tréponème,
Treponema pertenue, dans une maladie cutanée non vénérienne
des régions intertropicales d’Afrique et du Pacifique sud, appelée
« pian ». Et plusieurs années plus tard, en 1939, fut identifié un
nouveau tréponème, Treponema carateum, également agent d’une
maladie cutanée non vénérienne, le « caraté », sévissant dans les
régions tropicales, américaines cette fois. Enfin, Treponema
endemicum fut individualisé comme agent d’une syphilis endémique
non vénérienne, ou « béjel », des régions désertiques d’Afrique et du
Proche-Orient.
Il apparaissait ainsi que les tréponèmes constituaient une famille
de bactéries responsables d’un groupe de maladies, les
tréponématoses, incluant des infections essentiellement cutanées et
muqueuses, dont une seule était de nature vénérienne, la syphilis
proprement dite. Ces découvertes ne firent, dans un premier temps,
que rendre plus complexe le problème de la syphilis, et ne résolurent
pas le problème de l’origine de la maladie. Mais l’utilisation récente
de la génétique moléculaire a permis de revisiter l’épidémiologie des
tréponématoses.
Françoise Giroud15
Les débuts de l’épidémie
Aux États-Unis
En juin 1981, un rapport du CDC16 d’Atlanta, attira l’attention sur un
regroupement de cinq observations de cas d’une pneumonie due au
champignon Pneumocystis carinii, une maladie rare rencontrée
habituellement chez des malades immunodéprimés. Les cinq
patients étaient de jeunes homosexuels qui présentaient une
quantité anormalement basse de lymphocytes T CD4, des cellules
du système immunitaire jouant un rôle central dans la défense
contre les infections, alors que ces patients n’avaient aucune cause
d’immunodépression thérapeutique ou pathologique (voir encadré).
Deux d’entre eux étaient décédés au moment de la publication.
Ce rapport fut suivi, quelques semaines plus tard, de l’apparition
de 26 cas à New York et en Californie, associant, encore chez des
homosexuels jeunes, un taux bas de lymphocytes TCD4, un cancer
habituellement rencontré chez des hommes âgés, le sarcome de
Kaposi, et un certain nombre d’infections opportunistes causées par
les champignons P. carinii et Candida albicans.
Les médias et certaines franges de la population, dont une grande
partie du milieu médical, privilégièrent d’emblée le lien entre la
maladie et le mode de vie homosexuel avec une multiplicité des
rapports sexuels. « Cancers chez des homos » titra le New York
Times. Cette hypothèse fut encore renforcée par le résultat de
l’enquête épidémiologique rétrospective du CDC, qui avait conduit
au cas à l’origine des contaminations : il s’agissait d’un personnel de
bord d’une compagnie aérienne nord-américaine, homosexuel ayant
environ 250 partenaires par an et atteint d’un sarcome de Kaposi en
juin 1980. Cette enquête révélait en outre que les cas les plus
anciens remontaient à 1978, l’expansion de la maladie n’ayant été
détectée qu’en 1981.
Fin août 1981, le CDC annonçait que le nombre de cas signalés
dépassait la centaine. La gravité de la maladie se confirmait puisque
près de la moitié des malades étaient alors décédés, et que les
autres s’acheminaient vers la même issue. La prévalence de la
maladie augmenta de façon exponentielle, au début de 1982 on
dépassait les 200 malades, et sa diffusion, à partir des trois foyers
originaux de New York, Los Angeles et San Francisco, se fit
rapidement à d’autres états américains, dont 15 étaient atteints en
1982.
En Europe
La maladie ne paraissait pas limitée aux États-Unis, puisqu’un mois
après le premier communiqué du CDC, des cas étaient
diagnostiqués à Copenhague, Paris, Londres et Genève, capitales
européennes des rencontres en tous genres. Dans leur très grande
majorité, ces cas non seulement confirmaient l’hypothèse
américaine initiale de maladie propre aux homosexuels, mais
permettaient de déceler un contact direct ou indirect avec des
homosexuels new-yorkais. Ainsi, le premier cas français
diagnostiqué à Paris en juillet 1981 concernait un steward d’une
compagnie aérienne ayant fait de nombreux voyages en Amérique
et en Afrique, ayant eu de nombreux partenaires sexuels et
également usager de drogue. À la fin 1981, l’Europe comptait 36 cas
reconnus de cette maladie, dont 17 en France, 6 en Belgique, 5 en
Suisse, 3 au Danemark, 2 au Royaume-Uni, 2 en Allemagne et 1 en
Espagne.
Les Haïtiens
Au début de l’année 1982, des praticiens de l’Université de Miami
découvrirent des cas de la maladie chez plusieurs habitants de la
ville, qui n’étaient ni homosexuels, ni drogués, mais qui avaient tous
la particularité d’être d’origine haïtienne. Une étude rétrospective sur
tous les Haïtiens admis au Jackson Memorial Hospital de Miami,
durant le premier semestre 1982, montra qu’au moins 20 immigrés
haïtiens (17 hommes et 3 femmes) étaient atteints par la nouvelle
maladie. On observa d’autres cas chez des Haïtiens à New York et
au Canada, ce qui suffit pour que les Haïtiens soient stigmatisés aux
États-Unis. Alertés, les médecins haïtiens constatèrent que la
nouvelle maladie était bien présente sur l’île, et que 30 % des
patients admettaient avoir eu des rapports homosexuels, notamment
avec des étrangers. Jusqu’au début des années 1980, Port-au-
Prince était un haut lieu du tourisme sexuel, où les homosexuels
américains et européens venaient nombreux et avaient
vraisemblablement importé la maladie, qui, dans l’île, était passée
dans la population générale. Si les Haïtiens avaient
vraisemblablement hérité de la maladie des homosexuels
américains, ils contribuèrent ensuite à sa dissémination dans le
monde, à la fois par la commercialisation du sexe sur leur île, mais
aussi par leur émigration. En septembre 1983, il y avait dans la
diaspora haïtienne au moins 250 malades avérés.
L’atteinte des hémophiles
Dans le courant de l’année 1982, deux faits nouveaux apparurent
dans l’épidémiologie de la maladie. Plusieurs pays d’Europe, dont la
France et la Belgique, rapportèrent plusieurs cas chez des Africains,
ou chez des sujets ayant vécu en Afrique, et qui, les uns et les
autres ne mentionnaient pas de pratiques homosexuelles ni de lien
avec les États-Unis. Et, deuxième élément, en avril 1982 était
rapporté un cas de sida chez un hémophile, non homosexuel et non
toxicomane. Le nombre d’hémophiles contaminés augmenta
progressivement : huit fin 1982, 29 en 1983 dont huit Européens. Le
premier cas de sida post-tranfusionnel hors hémophilie s’était produit
en 1981, chez un nouveau-né accouché par césarienne, qui avait
reçu six transfusions sanguines dans les cinq premiers jours de sa
vie, et était mort à quatre mois. Ce cas, passé inaperçu, revint sur le
devant de la scène un an plus tard, lorsque l’enquête
épidémiologique révéla qu’un des donneurs du sang qui avait été
transfusé au nouveau-né était mort du sida, alors qu’il était en bonne
santé au moment du don.
En 1983, le CDC rapportait 39 cas, chez lesquels la transfusion de
produits sanguins dans les cinq ans précédents était le seul facteur
susceptible d’expliquer l’apparition du sida. L’observation était
d’importance, car si la notion de transmission par le sang était
apparue évidente dans le cas des hémophiles, on pensait que cette
catégorie de patients constituait une exception, du fait des quantités
massives de concentrés sanguins qu’ils recevaient. Il s’avérait dès
lors que le sida pouvait se transmettre non seulement par contact
sexuel, mais également par la transfusion sanguine, constatation
lourde de conséquences.
On assista dès lors à une véritable explosion du nombre de cas
avec l’atteinte de populations très diverses, incluant certes de jeunes
homosexuels, mais aussi des hétérosexuels, des drogués
intraveineux, des Haïtiens, des enfants, des hémophiles et des
sujets transfusés non hémophiles. On reconnut également la
possibilité de transmission hétérosexuelle et de transmission
materno-fœtale.
É
Extension du sida aux États-Unis
Aux États-Unis, fin 1983, la maladie était signalée dans 44 des 50
états existants, mais était inégalement répartie, l’État de New York,
le New Jersey, la Floride et la Californie recensant à eux seuls 80 %
des malades. La répartition des groupes à risque présentait une
évolution notable : les homosexuels masculins qui représentaient
92 % des malades en 1982 n’étaient plus que 72 % fin 1984. Les
autres groupes à risque, consommateurs de drogues intraveineuses,
hétérosexuels, hémophiles, émigrés haïtiens, s’étaient accrus en
proportion. Certains purent stigmatiser les groupes particulièrement
à risque en les qualifiant de « club des quatre H » : homosexuels,
héroïnomanes, Haïtiens et hémophiles.
En 1988, la moitié est du pays et les états de la côte ouest
présentaient des taux élevés de prévalence. Le sujet était
politiquement sensible et le dénombrement des cas entravé. Une
nouvelle définition du sida devait entrer en vigueur en janvier 1992,
mais elle fut retardée jusqu’après l’élection présidentielle de
novembre. On estime rétrospectivement qu’à cette époque les États-
Unis comptaient entre 1 et 2 millions de cas.
En Europe, où l’épidémie avait démarré avec un certain retard par
rapport aux États-Unis, la propagation fut d’emblée moins forte et le
nombre de cas moins élevé. En octobre 1983, le sida affectait 15
pays d’Europe, avec un total de 267 cas. À la fin 1984, le nombre
dépassait les 800, avec la particularité par rapport au sida américain
que 22 % des cas européens étaient d’origine africaine. L’Afrique
semblait sévèrement atteinte, mais la situation était totalement niée
par les autorités légales des pays concernés.
La découverte du virus
La piste des HTLV
L’allure épidémique rapidement prise par le sida fit très tôt privilégier
une cause infectieuse. Et la question posée était en fait : quel genre
de microbe est capable de détruire le système immunitaire de
personnes appartenant à des groupes ethniques et à des catégories
de populations aussi différents ? Certains microbiologistes, dont
Robert Gallo, de l’Université du Maryland à Baltimore, suspectèrent
d’emblée une origine virale, en particulier rétrovirale, puisque l’on
connaissait de telles immunodépressions au cours d’infections
rétrovirales animales. Bernard Poiesz et le groupe de Robert Gallo
avaient découvert, en 1980, le premier rétrovirus humain
responsable d’un cancer malin des lymphocytes T, qu’ils avaient
baptisé HTLV-1, pour Human T-cell leukemia virus-1. Ce virus
s’avéra responsable d’une leucémie fréquente au Japon, et fut
retrouvé dans certaines parties de l’Afrique. Sa transmission
s’effectuait par voie sexuelle, par le sang et de la mère à l’enfant. Il
était proche des virus de leucémie des primates de l’Ancien Monde.
En 1982, le groupe de Robert Gallo, encore, isola, à partir d’un
patient atteint d’un autre type de leucémie à lymphocytes T, un
deuxième rétrovirus humain qui fut baptisé HTLV-2. Les conditions
de transmission du sida donnaient à Robert Gallo un argument
supplémentaire pour suspecter que le sida soit dû à un nouveau
virus de la famille des HTLV dont il était le découvreur et le
spécialiste.
La découverte
En janvier 1983, à Paris, le groupe de Luc Montagnier à l’Institut
Pasteur, constatant que l’hypertrophie des ganglions lymphatiques,
ou adénopathie, était souvent un signe précoce de la maladie,
s’orientait vers la recherche du virus dans ces organes. À partir d’un
ganglion d’un patient de Willy Rozembaum, infectiologue à l’Hôpital
de la Pitié-Salpétrière, Françoise Barré-Sinoussi, du groupe de
Montagnier, isola un rétrovirus qui, s’avéra ne pas reconnaître les
sérums de Robert Gallo dirigés contre les HTLV. Ce virus fut décrit
par Françoise Barré-Sinoussi, Jean-Claude Chermann et Luc
Montagnier dans un article paru dans la revue Science la même
année, et fut baptisé par eux LAV, pour lympadenopathy associated
virus. L’isolement de plusieurs autres virus de même type à partir de
cinq cas d’adénopathies et de trois patients atteints de sida
confirmés montra très rapidement à Luc Montagnier le lien de ces
virus avec l’immunodépression, d’où le nouveau nom qu’il proposa
pour eux de Immune deficiency-associated virus (IDAV).
Pendant ce temps, le groupe de Robert Gallo recherchait
activement des activités anti-HTLV dans les cellules des patients
atteints de sida, et n’en trouvait que très peu. À partir d’un
prélèvement humain venant de France, Mika Popovic, chez Robert
Gallo, isola deux virus, l’un « mature » qu’ils nommèrent HTLV-3, et
dans lequel ils virent l’agent responsable du sida, rebaptisant le sigle
HTLV en Human T-lymphotropic virus, et l’autre « aberrant », qui
s’avéra en fait plus tard être le virus du sida. Entre-temps, Luc
Montagnier avait envoyé à Robert Gallo son virus LAV pour une
caractérisation plus approfondie, et il se trouva que, quelque temps
après, la culture du HTLV-3 de Gallo fut contaminée par le LAV de
Montagnier. Le doute sur le virus en cause amena, dans un premier
temps, à désigner le virus du sida du double acronyme LAV/HTLV-3,
comme le recommanda l’OMS, transformé en HTLV-3/LAV par le
gouvernement américain et les principales revues anglo-saxonnes.
Une Commission de Nomenclature Virologique mit fin, en 1986, à
cette situation en rebaptisant l’agent du sida en human
immunodeficiency virus ou HIV (VIH en français).
Cependant, le groupe de Robert Gallo obtint le premier la
croissance en culture cellulaire continue d’un virus du sida dont on
ne sut pas trop s’il était celui de Montagnier et son groupe ou s’il
provenait d’un isolement nouveau. Ils déposèrent un brevet pour la
production d’un test de dépistage du sida, cinq mois après les
Français, mais, remarquablement, leur brevet fut accepté un an
après alors que la demande française demeurait encore en suspens.
La paternité de la découverte du VIH donna donc lieu à une
controverse scientifique et politique de plus de vingt ans, sur fond
d’intérêts économiques pour l’exploitation du test de dépistage. La
controverse politique fut résolue par un accord diplomatique entre la
France et les États-Unis, pour un partage des droits d’exploitation
d’un test présenté comme une « invention commune », accord signé
au plus haut niveau, entre Ronald Reagan et Jacques Chirac en
1987. Quant à la controverse scientifique, après deux articles
jumeaux dans la revue Science en 2002, où Robert Gallo
reconnaissait que l’article de Barré-Sinoussi, Chermann et
Montagnier de 1983 représentait indubitablement la première
description du virus du sida, elle trouva son épilogue dans
l’attribution du prix Nobel de Physiologie et Médecine 2008 aux seuls
Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi pour leur découverte du
virus du sida.
Il avait fallu à peine deux ans, pour que la cause du sida soit
identifiée, et quatre pour qu’un test diagnostique soit disponible. Ce
qui est un temps extrêmement court en termes de recherche
scientifique, mais parut beaucoup trop long au public en général, aux
patients en particulier. Il faut pourtant dire que l’émergence du sida
était survenue à un moment particulièrement favorable du
développement des connaissances virologiques, la découverte de la
transcriptase réverse par Howard Temin et David Baltimore en 1970,
ayant ouvert la voie au développement de la rétrovirologie. Le sida
aurait-il émergé une douzaine d’années plus tôt, les virologistes
n’eussent pas été armés pour découvrir son virus.
En 1986, soit trois ans après leur découverte du LAV, l’équipe de
Luc Montagnier isolait un deuxième rétrovirus responsable du sida, à
partir de patients africains atteints de la maladie. Ce virus fut qualifié
de LAV-2, puis devint VIH-2, transformant de ce fait le VIH en VIH-1.
La recherche sur le sida
La recherche sur le sida devint rapidement un sujet prioritaire,
attirant de nombreux financements et un grand nombre de
chercheurs. En témoigne la participation de scientifiques de plus en
plus nombreux aux conférences internationales sur le sida, dont la
première édition avait réuni 2 000 participants à Atlanta en 1985. Ils
étaient 10 000 à Montréal en 1989 et 22 000 à Mexico pour la
17e édition en 2008.
La compréhension des mécanismes cellulaires régissant la
relation du VIH avec les cellules de l’hôte a tenu une place prioritaire
dans la recherche de médicaments actifs contre le virus, ou de
vaccin prévenant l’infection (voir encadré). Les molécules de
reconnaissance et de pénétration, et les modalités de la réplication
virale et de la sortie du virus de la cellule, constituaient en effet
autant de cibles potentielles pour le développement de produits
pouvant entraver le cycle vital du virus. Mais ces recherches
demandaient un certain délai avant de produire des résultats
tangibles. Aussi les médecins demeurèrent assez démunis dans le
traitement du sida, durant sa première décennie d’existence.
Le sida
Le sida représente une maladie particulière, dans laquelle le virus attaque
une population de cellules immunitaires : les lymphocytes T porteurs de la
molécule CD4. La destruction de ces cellules provoque une
immunodépression profonde qui fait du patient infecté par le VIH la proie
d’infections opportunistes virales, bactériennes, parasitaires ou fongiques, ou
encore de tumeurs, dont celui-ci finit par succomber. Le développement
remarquable de la recherche sur le sida fut l’occasion d’une stimulation
importante dans de nombreux domaines de la recherche en infectiologie.
L’hémophilie
Des cas de sida s’étaient déclarés chez des hémophiles dès 1982.
En 1983, il apparut que le chauffage de certains produits sanguins,
en particulier des concentrés de facteur VIII, inactivait le VIH. Bien
que la nocivité des concentrés non chauffés soit connue depuis fin
1984-début 1985, et que des concentrés chauffés fussent
disponibles dès cette époque, le Centre National de Transfusion
sanguine (CNTS) continua de distribuer des concentrés non
chauffés jusqu’en octobre 1985, afin d’écouler ses stocks. Il ne
cessa que lorsque la Sécurité Sociale décida de leur non-
remboursement, le 1er octobre 1985. La logique comptable du CNTS
coûta la vie à plusieurs dizaines d’hémophiles. L’affaire, révélée
dans la presse en 1987, fit scandale. Il paraissait intolérable que le
sang, source de vie à travers le don, avec la connotation de
générosité du don anonyme et gratuit, puisse être devenu véhicule
de mort, par négligence médicale. Que les victimes puissent être
des enfants innocents ajoutait encore à l’indignation.
En avril 1991, la publication d’un rapport interne du CNTS,
révélant que la direction de l’établissement avait sciemment refusé
de prendre la décision de rappeler tous les lots de concentrés en
facteur VIII que l’on savait contaminé en totalité, aux motifs de
l’incidence économique de la mesure, et du « problème de son
efficacité réelle » (sic), amena la Justice à sortir d’une réserve de
plus en plus pesante. Elle se saisit du dossier et inculpa les
responsables. Le procès du sang contaminé se déroula dans une
ambiance passionnée de juin à août 1992 devant la 16e Chambre
Correctionnelle de Paris, et le verdict fut rendu le 23 octobre. Le
docteur Michel Garetta, directeur du CNTS au moment des faits, fut
condamné à quatre ans d’emprisonnement et 500 000 francs
(76 200 €) d’amende, et le docteur Jean-Pierre Allain, également du
CNTS, à quatre ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis. Tous
deux avaient été accusés de « tromperie sur les qualités
substantielles d’un produit ». Le Professeur Jacques Roux et le
docteur Robert Netter, directeur du Laboratoire National de Santé,
poursuivis en même temps pour « non-assistance à personne en
danger », se virent, le premier condamné à quatre ans
d’emprisonnement avec sursis, et le second relaxé. Au procès
d’appel, en 1993, les peines furent confirmées, voire aggravées pour
le docteur Allain, et le docteur Netter se vit infliger un an
d’emprisonnement avec sursis.
L’affaire du sang contaminé se poursuivit au-delà, avec la mise en
examen des trois ministres en fonction au moment des faits :
Laurent Fabius, alors Premier Ministre, Georgina Dufoix, alors
Ministre des Affaires Sociales et Edmond Hervé, alors Secrétaire
d’État à la Santé. Ils comparurent tous trois en 1999 devant la Cour
de Justice de la République, créée en juillet 1993 pour juger des
infractions commises par des ministres dans l’exercice de leur
fonction. Les deux premiers furent relaxés, et le troisième
condamné, mais dispensé de peine.
Cette affaire avait duré plus de 10 ans. Elle avait conduit à un
retournement de l’opinion sur la médecine, que l’on découvrait
capable de générer des risques pour la santé des patients. Elle joua
un rôle essentiel dans le développement du principe de précaution et
fut à l’origine d’une tendance réglementaire pléthorique dans de
nombreux domaines médicaux.
L’extension mondiale
Au détour des années 1990, le sida prit réellement une dimension
pandémique, en s’étendant à l’ensemble des continents. Il s’était
manifesté en Afrique subsaharienne dans le courant des années
1980, mais l’intérêt restait alors focalisé sur l’Amérique du Nord et
l’Europe Occidentale. Pourtant la transmission du virus en Afrique
avait l’originalité d’y être essentiellement hétérosexuelle, ce qui allait
déboucher dans les années 1990 sur une situation dramatique.
L’Afrique subsaharienne est la région du monde où l’épidémie a été
la plus terrible, et où son impact dévastateur se poursuit encore.
Durant l’année 2000, le nombre de nouveaux cas d’infection par le
VIH s’y élevait à 3,8 millions. La prévalence moyenne y était de
8,8 % de la population adulte (15 à 49 ans), mais elle atteignait 20 %
dans neuf pays localisés dans le cône sud du continent, et culminait
à 36 % au Bostwana. Sur ce continent, la population touchée
comptait autant de femmes que d’hommes, avec de graves
conséquences démographiques. La forte transmission périnatale du
virus entraînait une prévalence élevée d’infection chez les jeunes
enfants. À la fin de l’année 2000, on estimait que plus d’un million
d’enfants de moins de 15 ans étaient contaminés par le VIH en
Afrique subsaharienne. De même, l’atteinte simultanée des deux
parents entraînait un nombre élevé d’orphelins, résultat de la forte
mortalité des deux parents. Globalement au tournant du xxe siècle,
l’épidémie en Afrique subsaharienne touchait la population générale
et atteignait les zones rurales au même titre que les villes.
Dans les autres régions du monde, Europe de l’Est, Moyen-Orient,
Asie et Pacifique, l’introduction du virus fut plus tardive, et l’évolution
de l’épidémie variable selon les continents et les pays.
C’est au cours des années 1990 que l’on assista à la phase initiale
du sida en Inde et en Thaïlande. Le premier cas indien fut détecté en
1986 chez un malade qui avait contracté le virus à l’occasion d’une
transfusion sanguine, aux États-Unis. La Chine se prétendait encore
indemne de sida. Mais les choses se mirent à changer. Dans le sud
et le sud-est asiatique, le nombre de nouveaux cas de contamination
par le VIH s’élevait à 700 000 pour la seule année 2000, dont 64 %
d’hommes. Les pays les plus atteints de cette région du monde
étaient la Thaïlande, le Cambodge et la Myanmar. En Inde, la
situation du sida était diverse, ce qui n’a rien de surprenant pour un
sous-continent plus peuplé que l’Afrique dans son ensemble. Dans
le sud, l’épidémie se propagea essentiellement à l’occasion des
relations hétérosexuelles, avec une prévalence de 2 % dans certains
états. Dans les états du nord, c’étaient plutôt parmi les usagers de
drogues intraveineuses que la maladie se répandit, avec une
fréquence demeurant faible. En Chine l’incidence de l’infection VIH
paraissait encore faible à la fin des années 1990, localisée parmi les
usagers de drogues intraveineuses.
En Europe de l’Est, le sida s’est répandu rapidement à la fin des
années 1990. Fin 2000, on estimait à 300 000 le nombre de
séropositifs dans la Fédération de Russie, principalement parmi les
personnes se droguant par voie intraveineuse, et leurs conjoints. La
maladie était présente dans 82 des 89 régions de Russie. Dans les
années 2000, la progression se fit vers d’autres pays de l’Europe de
l’Est, dont l’Ouzbékistan et l’Estonie. En Roumanie, des centaines
d’enfants de l’hôpital pédiatrique de Kalmoukie furent infectés à
l’occasion de transfusions sanguines.
Sur le continent américain, la situation était variable suivant les
grandes régions. Les Caraïbes étaient la zone la plus touchée. À la
fin 1999, la prévalence globale de l’infection dans la population
d’Haïti dépassait 5 %, seul pays en dehors de l’Afrique
sudsaharienne à détenir un chiffre aussi élevé. La prévalence
d’adultes et d’enfants infectés par le VIH en Amérique latine et
Amérique centrale s’élevait à 1,4 million à la fin de l’année 2000. Au
Brésil, l’incidence a crû de façon modérée et la mortalité a décliné
sous l’effet conjoint des thérapeutiques antirétrovirales et d’efforts
concertés de prévention.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord enfin, l’épidémie a
commencé à progresser au début des années 2000, mais partant
d’un niveau excessivement bas.
L’origine des VIH
L’origine des VIH a été l’objet de controverses et des hypothèses
fantaisistes ont vu le jour. Au milieu des années 1980, une rumeur,
propagée semble-t-il par le KGB, attribua la paternité du virus aux
militaires américains en faisant du VIH un virus échappé d’un
laboratoire et se répandant à New York puis, au-delà, dans le
monde. Une autre rumeur accusa le vaccin antipoliomyélitique,
fabriqué à partir de cellules de rein de singes d’avoir été contaminé
par le VIH, et disséminé en Afrique à l’occasion des campagnes de
vaccination dans les années 1950.
Les études moléculaires conduites sur l’ensemble des lentivirus,
un groupe de rétrovirus responsables d’immunodépressions non
seulement chez l’Homme, comme le VIH, mais également chez les
singes, comme les SIV (Simian immunodeficiency virus), ont permis
d’éclairer l’origine des virus humains. Elles ont montré la grande
parenté génétique existant entre ces diverses catégories de virus.
Les groupes M et N du VIH-1 dérivent des SIV des chimpanzés
d’Afrique Centrale, cependant que le groupe O du même VIH-1 est
présent chez le gorille d’Afrique de l’Ouest. Quant au VIH-2, il dérive
d’un SIV du singe mangabey, également d’Afrique de l’Ouest
(Peeters et coll., 2014). Le mode exact du passage des virus
simiens de chimpanzés, de gorilles ou de mangabey à l’Homme
n’est pas formellement connu. Il est toutefois très vraisemblable que
l’exposition à du sang ou à des sécrétions d’animaux infectés à
l’occasion de la chasse ou de la préparation du gibier, ait été le
facteur de transmission à l’Homme. Celle-ci aurait ensuite conduit à
l’adaptation des VIH à l’espèce humaine et à leur transmission
interhumaine. Les études d’horloge moléculaire ont permis d’estimer
approximativement l’époque de ce franchissement de la barrière
d’espèce aux années 1930 pour le VIH-1 et aux années 1940 pour le
VIH-2.
Mais si le virus est aussi ancien, se pose la question de savoir
pourquoi l’épidémie humaine n’a pas eu lieu avant. Sans doute,
parce que le déclenchement d’une épidémie nécessite la
convergence de divers facteurs tenant non seulement à l’agent
infectieux, mais également à l’Homme et son comportement dans un
environnement particulier. Les grandes modifications
démographiques, avec des concentrations urbaines, et les
bouleversements des mœurs survenues dans les années 1970, ont
dû jouer un rôle capital dans le déterminisme de l’épidémie humaine,
et son expansion mondiale. D’ailleurs, des études rétrospectives ont
mis en évidence l’existence de cas humains vraisemblables dès les
années 1950.
Situation actuelle et perspectives
Avec près de 80 millions de personnes infectées jusqu’à présent par
le VIH, et près de 32 millions de morts, le sida est l’une des
pandémies les plus meurtrières de l’histoire humaine. Quarante
années après son déclenchement, elle est toujours présente et
active. Pour la seule année 2019, le nombre de nouvelles
contaminations s’élevait à plus de 1,7 million, plus de 38 millions de
personnes vivaient avec le virus et 690 000 décès avaient été
occasionnés par le sida.
Dans ce sombre tableau pourtant existent quelques lueurs
d’espoir. L’arsenal thérapeutique s’est considérablement amélioré,
l’infectiologue disposant aujourd’hui de nombreux antirétroviraux
actifs sur trois ou quatre cibles potentielles, et le traitement repose
aujourd’hui sur des associations de plusieurs molécules (trithérapie).
Ceci explique la diminution régulière, depuis quelques années, du
nombre annuel de décès (690 000 en 2019 pour 1,4 million en
2000). Les nouvelles infections d’ailleurs suivent la même tendance
(1,7 million en 2019, pour 2,7 millions en 2000). Mais ces chiffres
globaux varient fortement selon les continents.
En effet, au cours des dernières années, la physionomie du sida
s’est profondément modifiée dans ses aspects cliniques,
sociologiques et géographiques. Dans les premiers pays atteints, en
Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, le sida est devenu une
maladie chronique. L’usage de la trithérapie a eu un impact
favorable sur la progression de la maladie, qui a ralenti, et sur sa
mortalité. L’infection par le VIH ne correspond plus à un arrêt de
mort imminente, mais s’accompagne d’une espérance de vie non
négligeable, d’une dizaine d’années, voire plus. Si au début de
l’épidémie, il y avait une association positive entre infection VIH et
catégories socio-professionnelles élevées, la tendance s’est
aujourd’hui renversée et l’infection touche de façon sélective les
catégories sociales à faible éducation et défavorisées, ainsi que les
minorités ethniques.
Mais la situation épidémiologique globale reste préoccupante du
fait d’un relâchement de la prévention qui entraîne une certaine
reprise épidémique. À l’heure actuelle, les sujets qui s’infectent sont
majoritairement des jeunes femmes hétérosexuelles et des hommes
homosexuels.
Dans les pays des continents postérieurement gagnés par le virus
– Europe de l’Est, Asie, Amérique du Sud, mais surtout Afrique –, le
sida demeure la maladie aiguë, rapidement mortelle qu’il fut pour
tous à son début. Il y a acquis une forte féminisation du fait d’une
prostitution large et non protégée. Dans les pays du sud, il est un
frein à la croissance économique et un facteur supplémentaire de
pauvreté. Seuls 30 à 40 % des personnes nécessitant un traitement
y ont accès, et l’on estime que pour une personne mise sous
traitement, trois nouvelles infections ont lieu. L’accès à la trithérapie
pour les populations des pays pauvres représente l’un des défis
majeurs posés à l’ensemble du monde par cette pandémie qui
constitue une incroyable tragédie humaine. L’impact sur la
croissance économique de ces pays sera considérable, ce qui est
d’autant plus dommageable qu’il s’agit généralement de pays à
faibles revenus.
Le sida est également une menace pour la sécurité du monde, en
raison de son potentiel d’aggravation du déséquilibre nord-sud. Près
de 95 % des nouveaux sujets infectés habitent dans les pays à
faibles revenus, dans lesquels l’accès aux médicaments est réduit.
Plus de 57 % des patients contaminés dans le monde en 2019 se
trouvaient en Afrique subsaharienne. Dans cette seule partie de
l’Afrique, l’épidémie a réduit de près de 20 ans l’espérance de vie,
fait plus de 12 millions d’orphelins, totalement bouleversé la
pyramide des âges et érodé le capital humain. Le poucentage des
personnes bénéficiant d’une trithérapie précoce y est certes en
augmentation, mais demeure encore insuffisant et très variable
suivant les pays.
C’est pourquoi, lors de son Assemblée générale de la santé de
2015, l’OMS a lancé son programme ambitieux, « Objectifs 90-90-
90 », visant à ce que, à l’horizon 2030, 90 % de la population
mondiale soit dépistée, 90 % des séropositifs mis sous traitement et
que la charge virale soit supprimée chez 90 % des patients traités.
Le développement d’un vaccin, l’un des pôles prioritaires de la
recherche sur le sida, est loin d’avoir abouti. Il se heurte à la grande
variabilité de la glycoprotéine de surface du virus, qui empêche la
mise au point d’un vaccin d’une efficacité permanente et constante.
Plusieurs dizaines de vaccins à l’étude ont vu leur développement
aller jusqu’à la phase d’essais cliniques sans permettre pour autant
l’utilisation d’aucun d’entre eux. Pour tous les patients du monde, le
vaccin n’est pas à l’ordre du jour, pas plus que la guérison. Aussi la
recherche de nouveaux médicaments se pousuit-elle activement,
avec deux objectifs prioritaires : trouver des molécules pouvant
prévenir l’infection et mettre au point des produits permettant de
passer d’une trithérapie en prise quotidienne à des prises
hebdomadaires ou mensuelles.
Au demeurant, les virus du sida risquent de continuer de
nombreuses années leur œuvre de désolation, malgré les Objectifs
90-90-90 de l’OMS, dont on voudrait croire qu’ils ne sont pas qu’une
utopie altruiste.
9
Épidémies contemporaines : Ebola
et autres émergences
Samuel Saltzmann17
Aedes albopictus
La maladie de Marburg
Elle se manifesta pour la première fois fin août 1967, à Marburg en
Allemagne, chez trois employés de la société pharmaceutique
Berhingwerke, qui avaient été en contact avec le sang ou les tissus
de singes verts, Cercopithecus aethiops, reçus d’Ouganda quelque
temps auparavant. En trois semaines, 17 cas furent admis à
l’hôpital, où la maladie se déclara ensuite chez un médecin et une
infirmière, et plus tard chez l’épouse d’un des malades. D’autres cas
furent observés ensuite à Francfort-sur-le-Main et en Yougoslavie, à
Belgrade, dans des sociétés pharmaceutiques ayant reçu des singes
verts appartenant aux mêmes lots que ceux de Marburg. Le tableau
clinique était composé d’un état fébrile grave, avec diarrhée,
éruptions et phénomènes hémorragiques. Au total, cette épidémie
européenne compta 31 cas dont sept furent mortels. Un virus tout à
fait particulier fut isolé, que sa forme filamenteuse fit classer dans la
famille des Filoviridae.
Par la suite, la maladie de Marburg se manifesta à deux reprises,
sous forme de petites épidémies limitées à trois cas en Afrique du
Sud en 1975, et à deux cas au Kenya en 1980. Les études
épidémiologiques permirent d’incriminer des chauves-souris comme
le réservoir naturel du virus. Pendant près de 20 ans, la maladie de
Marburg fut considérée comme une affection certes sévère (taux de
mortalité aux environs de 50 %), mais avec des capacités
épidémiogènes réduites. Pourtant, les épidémies meurtrières de la
République démocratique du Congo (1998-2000) et d’Angola (368
cas dont 223 mortels au cours de la première moitié de l’année
2005), ainsi que la permanence de cas en Ouganda entre 2007 et
2014 démontrèrent que la maladie de Marburg représentait toujours
une importante menace.
La fièvre de Lassa
Le virus Lassa tire son nom d’une petite localité de la région de Jos,
au nord-est du Nigeria, où il se manifesta pour la première fois en
1969, atteignant une sage-femme missionnaire de 69 ans. Celle-ci
avait vu apparaître une fièvre progressive, avec de fortes douleurs
dans le dos, une atteinte rapide de l’état général, une prostration,
une déshydratation et un syndrome hémorragique. Évacuée sur
l’hôpital de Jos, elle mourut après avoir contaminé une infirmière qui
présenta le même tableau. Une autre infirmière ayant assisté à
l’autopsie du deuxième cas fut à son tour contaminée et évacuée sur
les États-Unis, en même temps que les prélèvements des deux
premières patientes. L’étude de ces prélèvements au Yale Arbovirus
Research Unit, à New Haven, permit l’isolement d’un agent
cytopathogène nouveau que l’on classa dans la famille nouvellement
décrite des Arenaviridae. Ce virus se révéla rapidement dangereux à
manipuler, puisqu’il infecta deux personnes dans le laboratoire où il
fut découvert, dont l’une succomba, amenant l’arrêt des recherches
sur le virus. Au total, cette épidémie partie de Lassa et importée aux
États-Unis se solda par cinq cas, dont trois mortels.
L’année suivante, la fièvre de Lassa frappa à nouveau à Jos : à
partir d’un cas initial originaire du village de Bassa, 23 cas se
déclarèrent parmi le personnel médical et soignant et les malades de
l’hôpital, dont 13 furent mortels. En 1972, d’autres épidémies intra-
hospitalières se déclarèrent au Liberia (4 décès sur 11 sujets
atteints) et en Sierra Leone. Plus tard, plusieurs épidémies
apparurent au Nigeria, entre 1974 et 1977, et au Bénin, en 1978.
Le réservoir naturel du virus fut identifié à l’occasion de l’épidémie
du Sierra Leone ; il s’agit d’un rongeur, Mastomys natalensis, dans
l’urine duquel se rencontre le virus. Ainsi, le virus de Lassa apparaît
largement répandu en Afrique de l’Ouest où il est disséminé dans la
population humaine par l’urine du Mastomys, rongeur certes
sauvage, mais approchant au contact de l’Homme dans les villages
de brousse, où la population porte des traces sérologiques
d’infections inapparentes. Les épidémies dues à ce virus très
contagieux se produisent à la suite de l’admission dans un hôpital
rural africain d’un cas initial de contamination villageoise à partir du
rongeur.
De nos jours, la fièvre de Lassa est endémique dans divers pays
d’Afrique de l’Ouest, dont le Bénin, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le
Mali, le Nigeria et la Sierra Leone. On estime à environ 150 000 le
nombre de cas annuels et à 5 000 le nombre de décès. Dans
certaines régions de la Sierra Leone et du Liberia, entre 10 et 16 %
des personnes hospitalisées sont atteintes de fièvre de Lassa.
La fièvre Ebola
La fièvre hémorragique à virus Ebola est aussi redoutable, sinon
plus, que les deux maladies précédentes. Elle se manifesta pour la
première fois en 1976 par des épidémies presque simultanées
survenant dans deux localités distantes d’environ 180 km et situées
l’une dans le sud-ouest du Soudan, l’autre dans le nord-est du Zaïre
(actuelle République démocratique du Congo, couramment abréviée
en RDC). Les premiers cas furent hospitalisés et donnèrent lieu à la
diffusion de la maladie parmi les autres malades et le personnel
médical de l’hôpital. La panique qui s’ensuivit entraîna la fuite des
sujets contacts, disséminant largement le virus. Ces deux épidémies
totalisèrent environ 500 cas, dont 400 mortels. Le tableau clinique
s’apparentait fortement à la maladie de Marburg, avec fièvre,
douleurs musculaires et articulaires, diarrhée, éruptions et
hémorragies.
Les enseignements des épidémies de Marburg et de Lassa ayant
porté, les prélèvements furent confiés à des laboratoires de haute
sécurité, dont trois existaient à l’époque, au CDC d’Atlanta, aux
États-Unis, à Porton, en Grande-Bretagne et à Anvers, en Belgique.
L’agent infectieux isolé était un virus très polymorphe, filamenteux
comme celui de Marburg auprès duquel il fut classé dans la famille
de Filoviridae (voir figure). Il fut baptisé « Ebola », du nom d’une
petite rivière proche de Yambuku, village zaïrois du premier malade
ayant fourni un prélèvement positif.
Le virus Ebola, en microscopie électronique.
© Institut Pasteur.
Dengue
La dengue est une maladie épidémique connue depuis le xviiie siècle,
mais dont la nature virale et la transmission par le moustique Aedes
aegypti ne furent établies qu’au début du xxe siècle. Qualifiée parfois
de « grippe tropicale », la dengue est une maladie infectieuse fébrile,
avec douleurs musculaires et articulaires sévères et éruption
cutanée. Elle est en général bénigne, mais sa forme hémorragique
peut entraîner la mort. L’incidence de la forme hémorragique est en
augmentation préoccupante depuis plusieurs décennies et constitue
aujourd’hui une importante cause de mortalité dans les régions
éndémiques.
La dengue est due à un virus de la famille de Flaviviridae, comme
la fièvre jaune. Il en existe quatre sérotypes, numérotés de 1 à 4,
étroitement apparentés, responsables des mêmes symptômes
cliniques, mais sans protection immunitaire croisée, c’est-à-dire qu’il
est possible d’être infecté quatre fois par ce virus, ce qui est une
donnée cruciale, car la forme grave, hémorragique, semble liée à
une nouvelle infection chez un sujet précédemment atteint.
Le vecteur de la dengue est le moustique diurne Aedes aegypti,
qui transmet le virus du singe à l’Homme en milieu rural, et de
l’Homme à l’Homme dans les zones urbaines et semi-urbaines.
Précisons ici un point de terminologie : tout comme la fièvre jaune, la
dengue peut être considérée à la fois comme une arbovirose, par
son mode de transmission, mais aussi comme une fièvre
hémorragique virale, selon son expression clinique.
La dengue a longtemps été limitée au sud-est asiatique, en
particulier en Inde et en Indonésie, où elle fut décrite en 1779, mais
aussi en Chine et Thaïlande. Mais depuis le xixe siècle, elle n’a cessé
de s’étendre à d’autres zones intertropicales de l’océan Indien, du
Pacifique et de l’Amérique où des épidémies ont été signalées aux
États-Unis, dans les Caraïbes et de nombreuses villes côtières et
ports d’Amérique du Sud. Elle a ensuite fait son apparition dans des
zones tempérées, en particulier en Europe (Espagne, France et
Italie du Sud), probablement importée d’Amérique par le commerce
triangulaire, et tout au long du xxe siècle, des épisodes épidémiques
se sont succédé en Méditerranée orientale. La dernière grande
épidémie de dengue européenne est survenue en Grèce, en 1927-
1928, avec environ un million de cas et un millier de morts.
En sommeil jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ses épidémies
ont repris durant la guerre du Pacifique. Depuis les années 1960, la
dengue est en plein développement, avec des épidémies sévères
dans les zones intertropicales classiques, mais aussi une extension
aux zones tempérées, en particulier grâce à la diffusion
d’A. albopictus, devenu un vecteur efficace du virus. Une trasmission
locale s’est effectuée pour la première fois en France et en Croatie,
en 2010, et une épidémie de 2 000 cas à Madère, en 2012, a
provoqué l’importation de plusieurs cas au Portugal et dans dix
autres pays d’Europe.
Ces dernières années, l’incidence mondiale de la dengue a
augmenté de manière spectaculaire. En 2019, 4,2 millions de cas de
dengue ont été notifiés à l’OMS par 129 pays, dont 25 000 cas de
dengue grave et 4 000 décès.
En France, les cas importés de dengue ont remarquablement crû
ces dernières années (189 en 2018 et 657 en 2019) et les cas de
transmission autochtone également, mais à un degré moindre (7 cas
en 2018, 9 en 2019).
Un vaccin contre la dengue, le Dengvaxia®, a été mis au point par
Sanofi-Pasteur. Il s’agit d’un vaccin vivant atténué, issu de la souche
17D de la fièvre jaune, recombiné par des antigènes de dengue. Il a
été approuvé par les autorités sanitaires d’une vingtaine de pays, et
est indiqué dans la prévention de la dengue hémorragique, c’est-à-
dire qu’il est réservé, en cas d’épidémie, aux personnes ayant déjà
eu une primo-infection par un virus de dengue.
Légionellose
En juillet 1976, apparut soudainement, aux États-Unis, une
mystérieuse épidémie de pneumonie qui tua 26 des 260 vétérans de
la Légion américaine, réunis en Convention dans le Bellevue
Stratford Hotel de Philadelphie. Prise d’abord pour une grippe
porcine, une fièvre de Lassa et enfin une peste pulmonaire, la
maladie qualifiée au départ de « plus grand mystère médical du
siècle » fut enfin attribuée, deux ans plus tard, à une bactérie
nouvelle, nommée Legionella pneumophila.
Plusieurs petites épidémies furent rapportées dans le monde, aux
États-Unis, en Europe et jusqu’en Australie. L’une des plus sévères
eut lieu aux Pays-Bas et toucha près de 200 visiteurs du Westfriese
Flora Show 1999, la plus grande exposition florale intérieure du
monde, parmi lesquels on compta 21 décès. L’enquête
épidémiologique permit d’incriminer les projections d’un vaporisateur
d’eau tempérée d’une exposition commerciale voisine.
L. pneumophila est une bactérie normalement présente dans le
sol et les eaux douces naturelles des milieux aquatiques, naturels ou
artificiels. Elle résiste bien aux procédés classiques de traitement
des eaux. Elle se développe particulièrement bien entre 25 et 42°.
Favorisée par des conditions chaudes et humides, elle prospère
dans les canalisations d’eau, en particulier des circuits chauds, et
dans l’air tiède et humide des systèmes de ventilation. Les tours
aéro-réfrigérées peuvent être également contaminées, la bactérie
pouvant se répandre dans l’air par les petites gouttelettes d’eau en
suspension dans le courant d’air éliminé. Elle exerce d’autant mieux
son pouvoir pathogène pour l’Homme qu’il est sensible au froid du
système de climatisation.
Si la majorité des cas de légionellose passent inaperçus, donnant
l’impression d’une maladie rare, la maladie est grave chez les sujets
fragilisés par une immunodépression ou une affection pulmonaire
sous-jacente. Aussi, une surveillance des légionelloses a été
instituée en France à partir de 1997, qui a résulté dans la déclaration
régulière de nombreux cas : entre 1 200 et 1 500 cas déclarés
annuellement en France, et 2 133 en 2018, par exemple). La
prévention de la colonisation d’un réseau d’eau par L. pneumophila
reste l’approche la plus sûre de la prévention de cette maladie.
Causée par une bactérie environnementale devenue pathogène
dans un environnement artificiel, la légionellose est l’exemple d’une
maladie émergente résultant directement de l’activité humaine.
L’encéphalite japonaise
De l’autre côté du globe terrestre, des virus de chauves-souris sont
apparus dans les années 1990, occasionnant des maladies
respiratoires et neurologiques chez l’Homme : le virus Hendra en
Australie et le virus Nipah en Malaisie et à Singapour. Ce dernier est
responsable d’une maladie bénigne du porc, pouvant contaminer
l’Homme par contact. C’est dire la grande variété de virus de
mammifères pouvant passer à l’Homme.
Chikungunya
Le chikungunya a fait irruption dans les médias français au début de
l’année 2005 à l’occasion de l’épidémie qui s’est déclarée dans
l’Océan Indien. Mais ce n’était pas une maladie nouvelle, car ce
virus avait été isolé pour la première fois en 1952 en Tanzanie, à
l’occasion d’une épidémie de fièvre. Il est d’ailleurs vraisemblable
qu’il ait existé antérieurement à sa découverte.
Le virus chikungunya est un arbovirus qui se transmet par des
moustiques du genre Aedes. Son aire de distribution inclut l’Afrique
subsaharienne et l’Asie du Sud-est, mais son épidémiologie est
différente dans ces deux grandes régions géographiques. En Afrique
subsaharienne, le cycle du chikungunya est essentiellement
forestier, faisant intervenir diverses espèces de singes et des Aedes
selvatiques, alors qu’en Asie, où le virus est d’introduction récente,
le cycle est essentiellement urbain, et implique les Aedes
domestiques que sont A. aegypti et A. albopictus (voir encadré).
Depuis sa description en Tanzanie, des épidémies rurales
cycliques se sont manifestées en Afrique, de l’Ouganda à l’Afrique
australe. La dernière épidémie importante a intéressé le Gabon, en
2007. En Asie du Sud, des épidémies affectent régulièrement l’Inde,
l’Indonésie, les Philippines et les pays de la péninsule indochinoise
(Thaïlande, Vietnam, Cambodge et Laos).
Il est vraisemblable que comme pour beaucoup d’autres agents
infectieux, l’Afrique soit le foyer primaire du chikingunya, à partir
duquel le virus a connu une dispersion mondiale.
Le nom de « chikungunya » vient du swahili et signifie « marcher
courbé », évoquant la démarche du patient associant une raideur à
de fortes douleurs articulaires. Car la maladie est une polyarthrite
aiguë fébrile, évoluant en général vers une amélioration progressive
rapide. Mais elle peut se compliquer de troubles hémorragiques ou
de formes neurologiques graves.
L’épidémie de 2005-2007
En juillet 2004, le virus chikungunya apparut aux Comores,
vraisemblablement importé d’Afrique de l’Est par des voyageurs. Il
diffusa dès lors dans l’Océan Indien, affectant le nord de
Madagascar, les îles Mascareignes et les Seychelles. L’épidémie a
été particulièrement importante à La Réunion, où, elle a débuté en
mars 2005, a atteint son pic épidémique en février 2006, pour
s’éteindre ensuite en avril 2007. Au total, elle a touché environ
266 000 personnes, sur une population totale de 750 000 habitants
que compte l’île et a occasionné 250 décès.
La situation en Europe
L’Europe est aujourd’hui sérieusement menacée par le chikungunya,
car au risque d’importation du virus par des voyageurs revenant de
zones d’épidémies actives, s’ajoute une possibilité d’implantation par
transmission locale par l’intermédiaire d’A. albopictus qui a colonisé
une grande partie du continent (voir encadré). Déjà, de juillet à
septembre 2007, une épidémie de chikungunya s’était développée
dans la province d’Emilie-Romagne en Italie du Nord. Cette
épidémie s’était déclenchée à la suite de l’importation du virus par
un voyageur provenant du Kerala, en Inde. Cette épidémie avait
atteint environ 250 personnes dans deux communes de la région de
Ravenne. En 2017, l’Italie a de nouveau rapporté 428 cas de
chikungunya autochtones.
En France, quatre premiers cas d’infection locale ont été signalés
en 2014, à Montpellier. Puis après un silence durant les trois années
suivantes, 17 cas autochtones ont été rapportés en 2017. Dans
plusieurs autres pays d’Europe (Allemagne, Espagne, Grèce,
Royaume-Uni et Suisse), les cas importés n’ont pas donné lieu pour
l’instant à implantation locale. Mais il est évident que la menace
épidémique se précise en Europe et qu’une surveillance s’impose
pour éviter tout démarrage d’épidémies autochtones.
La meilleure mesure de protection individuelle réside dans
l’utilisation de répulsifs pour éviter la piqûre des moustiques et dans
l’élimination des gîtes de reproduction de ce moustique domiciliaire.
Sur le plan collectif, des épandages d’insecticides se justifient dans
l’environnement des cas importés de chikungunya.
La menace préoccupante du chikungunya au niveau mondial a
motivé la recherche biomédicale dans deux directions : mise au
point de vaccins et recherche d’armes de contrôle des populations
d’A. albopictus. À l’heure actuelle, trois candidats vaccins ont été mis
au point, dont un par l’Institut Pasteur, et en sont au stade d’essais
cliniques de phase III. Leur utilisation pourrait intervenir en 2022.
Dans la lutte antivectorielle, deux pistes sont privilégiées. Le
lâcher de mâles stérilisés par irradiation a pour but de rendre
l’accouplement impossible, avec pour objectif final de décimer les
populations de moustiques. La deuxième piste consiste dans le
lâcher de mâles infectés par une bactérie Wolbachia capable
d’interférer avec le cycle viral et permettant donc de diminuer la
transmission du virus par les populations de moustiques.
Zika
Le virus zika a été détecté pour la première fois en Ouganda, chez le
singe en 1947, puis chez le moustique Aedes aegypti l’année
suivante. Des épidémies humaines ont été signalées dans les
années 1970 dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie.
Par la suite, ce virus a atteint l’Océanie : la Micronésie en 2007, puis
la Polynésie en 2013-2014 (55 000 cas en Polynésie française). En
2015, c’est le continent américain qui a été touché, avec une
épidémie particulièrement sévère dans au moins une douzaine de
pays, en particulier le Brésil, où ont été rapportés entre un million et
un million et demi de cas, ayant pour conséquence quelques
malformations fœtales.
La fièvre zika est le plus souvent asymptomatique (dans 70 à
80 % des cas). Lorsqu’elle est cliniquement patente, il s’agit d’un
syndrome pseudo-grippal, avec fatigue, fièvre, maux de tête et
douleurs musculaires et articulaires des membres. La maladie peut
exceptionnellement se compliquer d’une paralysie ascendante
progressive de type Guillain-Barré. L’infection par le virus zika de la
femme enceinte peut entraîner une anomalie du développement
cérébral du fœtus.
Le risque d’implantation du virus zika en France est identique à
celui du chikungunya et de la dengue, A. albopictus en étant un
vecteur efficace. En 2017, la France métropolitaine connut 15 cas
importés de zika et 1 cas autochtone.
Ce court chapitre met en lumière la saisissante diversité des
menaces que représentent les virus animaux. Certes, leur nombre
interpelle, mais il faut se souvenir que la recherche virologique s’est
intensifiée depuis l’émergence de la première fièvre hémorragique
(Marburg) en 1967 et que de nombreux pays du monde traquent les
nouveaux virus. L’explosion du nombre de laboratoires de haute
sécurité, dits P4, en est le témoignage : d’à peine trois dans les
années 1970, leur nombre est passé à près de quarante aujourd’hui,
répartis dans divers pays du monde.
Il est vraisemblable que ces virus existaient de longue date, et si
deux continents, Afrique et Asie, apparaissent comme des réservoirs
privilégiés, l’expérience montre qu’on en découvre régulièrement
dans d’autres continents.
En réalité, le risque vient d’ailleurs, en particulier de l’Homme, de
son mode de vie et de ses activités qui favorisent grandement la
diffusion de ces virus dans le monde et leur franchissement de la
barrière d’espèce.
Et en premier lieu, son alimentation. Le commerce et la
consommation de viandes sauvages (viande de brousse) ou
d’élevages sanitairement non contrôlés sont des occasions
fréquentes d’humanisation de ces virus. Les importations
alimentaires en provenance de certains pays ne correspondent pas
toujours aux critères sanitaires imposés dans les pays occidentaux
qui les consomment.
La multiplication des voyages intercontinentaux entraîne un
accroissement des cas de maladies importées, avec parfois pour
corollaire l’installation de foyers autochtones si le vecteur est
présent, comme c’est le cas pour les arboviroses dengue,
chikungunya et zika.
10
Covid-19 :
Hartmut Rosa18
Les coronavirus
Le SRAS
Le SRAS, ou syndrome respiratoire aigu sévère, SARS en anglais,
affection grave et très contagieuse, apparut brutalement en
février 2003, à Hong Kong. Il a parcouru brièvement le monde, pour
s’éteindre grâce aux sévères mesures de contrôle mises en place.
Ce fut la première pandémie du xxie siècle.
Déroulement de l’épidémie
Tout commença apparemment à Hong Kong le 22 février 2003,
lorsqu’un médecin néphrologue du sud de la Chine continentale,
venu rendre visite à son beau-frère et descendu à l’hôtel Métropole,
fut hospitalisé pour une pneumonie atypique sévère, dont il décéda.
Dans les jours suivants, son beau-frère, plusieurs personnes du
même hôtel et son voisin de chambre à l’hôpital furent atteints de la
même affection, et contaminèrent à leur tour des infirmières de
l’hôpital et divers sujets contacts. Parmi les malades, treize avaient
logé à l’hôtel Métropole, dont neuf au neuvième étage, comme le
médecin chinois, qui a été identifié comme le « patient zéro », à
l’origine de l’épidémie. C’est à cause des déplacements de ces
treize voyageurs que l’épidémie a ensuite diffusé internationalement
car, à part trois d’entre eux qui essaimèrent dans les hôpitaux de
Hong Kong, les autres prirent des vols internationaux pendant
l’incubation de l’infection. Les deux qui atterrirent à Toronto furent à
l’origine de l’épidémie de l’Ontario, au Canada (251 cas, dont 37
décès). Un homme d’affaires américain tomba malade à Hanoï, où il
fut hospitalisé à l’hôpital français, contaminant 22 membres du
personnel de cet hôpital et générant l’épidémie du Vietnam (63 cas
dont 5 décès). Trois voyageurs arrivant à Singapour déclenchèrent
une épidémie de 206 cas. Les autres, enfin, provoquèrent des cas
sporadiques en Europe.
Si l’épidémie de SRAS s’était révélée à Hong Kong le 22 février
2003, elle durait en fait depuis plusieurs mois, dans le sud de la
Chine. En effet, depuis novembre 2002, les autorités sanitaires de la
province de Guangdong (Canton) signalaient des pneumonies
inexpliquées, que les autorités pensaient être dues à une bactérie
Chlamydia et qu’elles traitaient par un antibiotique, la doxycycline.
Le gouvernement chinois avait opposé un refus complet à l’OMS qui
souhaitait envoyer des experts sur place. Aussi fallut-il attendre que
l’épidémie dépasse les frontières du pays, et essaime dans le
monde, pour qu’une alerte puisse être lancée (13 mars 2003) et que
la Chine accepte l’aide de spécialistes internationaux (2 avril).
Au total, entre novembre 2002 et fin juin 2003, la pandémie de
SRAS a contaminé 8 546 personnes dans 33 pays du monde,
principalement d’Asie, où 15 pays furent impliqués (8 081 cas, dont
771 morts), dont la Chine continentale (5 327 cas), Hong Kong
(1 755 cas), Taïwan (682 cas), Singapour (206 cas) et le Vietnam
(63 cas). Hors du continent asiatique, c’est au Canada que
l’épidémie fut la plus importante. Onze pays d’Europe détectèrent
quelques cas chacun. Sur 437 cas suspects hospitalisés en France,
entre mars et juillet 2003, quatre cas seulement furent confirmés,
dont un seul décéda.
L’épidémie s’éteignit en juin 2003, grâce à des mesures
énergiques d’isolement des patients et des contacts, et à la
surveillance étroite de la circulation du virus dans plusieurs régions
de Chine. Il y eut bien quelques cas sporadiques en décembre 2003,
en particulier par contamination de laboratoire, mais ils furent
immédiatement contenus.
Les leçons du SRAS
Quelques leçons peuvent être tirées de la pandémie de SRAS.
D’abord la très forte présence de nombreuses espèces animales
sauvages, sur les marchés et dans des élevages dédiés, pour la
consommation humaine au sud-est asiatique, qui représente un
réservoir important de virus encore inconnus. Ensuite, le mécanisme
d’émergence, depuis un réservoir animal via une autre espèce
amplificatrice. Enfin, le rôle primordial du transport aérien dans la
diffusion de ce virus une fois passé à l’Homme, grâce à sa
transmission directe (voie aérienne majoritaire), donnée déjà
évoquée à propos d’autres pandémies comme la grippe, mais aussi
le choléra.
La nouveauté du SRAS résidait aussi dans la démonstration de
l’intérêt d’une gestion internationale organisée dans une crise
sanitaire de ce type, dans un monde où la mondialisation et les
échanges se développent à vitesse exponentielle. Sa disparition fut
si rapidement obtenue que les deux candidats vaccins développés
n’ont pu être testés, faute de patients. Ils n’ont donc jamais été
commercialisés, et les équipes de recherche correspondantes ont
été démantelées, ce qui peut être regretté au moment de l’arrivée de
la Covid-19.
Le MERS
Le syndrome respiratoire à coronavirus du Moyen-Orient (MERS) est
apparu en 2012 en Arabie saoudite. Le responsable de cette
épidémie est un coronavirus (MERS-CoV) proche d’un coronavirus
de chauve-souris (le virus est différent des précédents et l’espèce de
chauve-souris en cause est également différente, mais n’a pas
encore été identifiée avec certitude), dont l’hôte introduisant le virus
chez l’Homme serait le dromadaire. Là encore, on suspecte le
phénomène réservoir animal, autre espèce animale d’amplification et
passage à l’Homme. La transmission interhumaine de ce
coronavirus semble peu importante : 27 pays seulement ont rapporté
des cas sur près d’une décennie d’évolution. Le nombre de cas
cumulés s’élevait, en mars 2020, à 2 553, dont 80 % étaient
localisés en Arabie saoudite. Deux cas (importés) ont été
diagnostiqués en France en 2013. L’expression clinique est une
pneumonie sévère avec un taux de mortalité élevé (environ 34 %). Il
n’existe pas de traitement spécifique dans ce cas, pas plus que dans
celui du SRAS.
La Covid-19
La diffusion mondiale
Le 13 janvier 2020, un premier cas de Covid-19 fut signalé hors de
Chine continentale et quelques cas exportés vers la Thaïlande, la
Corée du Sud et le Japon furent détectés. Les pays voisins de la
Chine (Vietnam, Corée du Sud, Singapour, Hong Kong et Taïwan)
adoptèrent une stratégie sanitaire très précoce et radicale :
fermeture des frontières avec la Chine, dépistage systématique des
passagers à leur arrivée, traçage complet du parcours des contacts
de chaque personne positive afin de repérer rapidement les foyers
de contamination. Grâce à ces mesures précoces et systématiques,
les courbes de contamination dans ces pays se sont aplaties dès le
début du mois de mars et l’épidémie a été maîtrisée en un temps
record de quelques semaines (Taïwan : 900 cas, 9 morts, Vietnam :
1 957 cas, 35 morts, Thaïlande : 22 600 cas, 79 morts, Corée du
Sud : 80 1000 cas, 1 459 morts). Cette remarquable réactivité des
pays limitrophes de la Chine est liée à une préparation soigneuse
pour faire face à une épidémie, en termes de structures et de
moyens de protection (équipements, consommables, réactifs), fruit
de leur expérience des épidémies de SRAS de 2002-2003 et de
MERS, associée à une culture ancienne de distanciation physique et
de port du masque dans les lieux publics en cas d’affection
respiratoire.
Courant 2020, l’épidémie s’étendit au reste du monde au fur et à
mesure de l’arrivée des touristes Chinois (Paris, deux cas le
24 janvier, Rome, deux cas le 31 janvier) ou du retour de Chine des
touristes et travailleurs (États-Unis, un cas le 21 janvier).
La progression vers l’ouest prit des proportions graves en Iran,
puis en Europe. En Iran, deux facteurs se sont conjugués pour
aggraver la situation sanitaire (1,4 million cas et 58 256 morts selon
les chiffres officiels) : le déni des autorités qui ont retardé l’annonce
de la pandémie à la population et la prise des mesures adéquates
pour y répondre, ainsi que l’embargo total auquel est soumis, depuis
plusieurs décennies, le pays par les États-Unis, embargo qui a
fragilisé dramatiquement son système sanitaire.
Les premiers cas européens de Covid-19 furent détectés en
France (24 janvier), en Allemagne (28 janvier) et en Italie (29 janvier)
et, à la fin du mois de février, tous les pays européens avaient
déclaré au moins un cas. L’Europe était devenue l’épicentre de la
pandémie. L’Italie, la première massivement et brutalement atteinte
(2,9 millions de cas, 90 200 morts), plaça des régions entières en
confinement, suivie en cela par les autres pays européens fortement
atteints : Espagne (2,9 millions de cas, 60 800 décès), France
(3,2 millions de cas, 77 500 morts), Allemagne (2,2 millions de cas,
60 600 décès), et plus tardivement Royaume-Uni (3,8 millions de
cas, 110 000 décès). Les pays faiblement atteints (Norvège,
Danemark, Suisse, Autriche) pratiquèrent un confinement partiel et
limité.
La Covid-19 en France
Les conséquences de la pandémie
L’aspect marquant de la Covid-19 est ailleurs : c’est la première
pandémie qui ait bouleversé à ce point la géopolitique et l’économie
mondiales. Les mesures prises par les gouvernements du monde
pour enrayer la propagation de la pandémie, en particulier les
mesures de confinement sanitaire d’une moitié de l’humanité, se
sont soldées par une importante réduction de l’activité humaine,
transformant une crise sanitaire sérieuse en crise économique
majeure.
L’arrêt total ou partiel de nombreuses entreprises industrielles ou
commerciales, l’interruption des flux de passagers et des échanges
de marchandises, l’annulation des évènements collectifs, politiques,
culturels et sportifs, ont entraîné un coup d’arrêt brutal de l’offre et
de la demande qui a affecté des secteurs entiers de l’économie.
Cette situation, associée à la chute des cours du pétrole brut liée
aux désaccords entre pays exportateurs, a entraîné un krach
boursier en mars 2020, provisoirement enrayé par les ripostes
financières de grandes économies du monde qui ont émis des
milliards de liquidités bancaires et acheté des titres de dette
supplémentaires. Ces mesures ont permis d’amortir partiellement le
choc économique, mais ont engendré une augmentation majeure
des dettes publiques et créé une importante récession dont tous les
pays mettront des années à se remettre, tout particulièrement ceux à
faibles revenus.
Les périodes de confinement imposées dans un très grand
nombre de pays eurent également des effets environnementaux
(baisse de la consommation de matières premières, baisse des
émissions de CO2, réapparition de la faune des villes), ainsi que des
conséquences psychiques sur la sociabilité, les modes de
consommation et de travail, au point que certains utopistes
envisageaient que cet évènement puisse permettre de réinventer la
société et ses modes de fonctionnement. Nous touchons là du doigt
l’impact considérable de cette pandémie sur les populations et leur
environnement.
En France, une autre nouveauté de cette crise sanitaire fut le
déchaînement médiatique déclenché par les chaînes d’information
en continu, avides d’annonces originales voire sensationnelles,
fussent-elles secondaires et sans intérêt, mais ressassées à l’infini
pour maintenir l’audience. Le résultat fut un véritable délire
médiatico-politique auquel participèrent de nombreux
« spécialistes » ne maîtrisant pas toujours leur sujet. Le public captif
puisque confiné découvrit avec stupeur que la connaissance
scientifique et médicale ne faisait pas consensus entre gens de
bonne volonté, mais que les médecins pouvaient être des personnes
passionnées, excessives dans leurs réactions et pas toujours de
bonne foi.
Le sommet du délire fut atteint avec la controverse autour de la
place de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19,
dans laquelle deux logiques s’affrontèrent : celle de l’urgence
thérapeutique préconisant l’emploi d’une molécule disponible et de
faible coût, et celle de la rigueur scientifique se refusant à prescrire
un produit dont l’efficacité dans le cas du coronavirus n’était pas
démontrée. La population fut partagée en deux catégories : ceux qui
souhaitaient se rassurer (et la figure prophétique du chantre français
de la chloroquine fut déterminante dans leur adhésion), et les
rationnels attachés à une médecine factuelle basée sur les preuves.
Charles Nicolle21
La recherche de sens
Ceux qui cherchent à comprendre ont vu, pendant des siècles, dans
l’arrivée des épidémies la manifestation de la colère divine, un
châtiment pour le rachat des péchés. Ce fut particulièrement
manifeste lors de la grande peste noire, dans le cas du choléra, de
la variole ou de la syphilis. Cette irruption du sacré dans la vie
profane ne manquait pas de poser des problèmes pour la prise en
charge : « Quiconque pratique la vaccination cesse d’être un fils de
Dieu : la variole est un châtiment voulu par Dieu, la vaccination est
un défi au ciel », disait le Pape Léon XII en 1829.
Cette tentative d’explication par le divin, compréhensible dans des
temps où l’Église catholique dominait la pensée occidentale, n’a pas
totalement disparu de l’inconscient collectif dans les sociétés
modernes pragmatiques et rationnelles. La théorie du péché est
réapparue, à la fin du xxe siècle, avec l’épidémie de sida, au début de
laquelle les homosexuels et les drogués furent largement ostracisés.
Des causes naturelles furent également avancées pour expliquer
l’arrivée des épidémies de peste, durant la deuxième pandémie :
conjonction d’astres néfaste, apparition de comètes, désordres
climatiques.
La théorie du complot évoquée au moment de l’arrivée des
épidémies par des organisations ou des dirigeants procède d’un
souci de falsifier l’explication auprès des masses affectées. L’origine
du sida attribuée par le KGB aux militaires américains, dans les
années 1980, servait la propagande communiste dans un contexte
de guerre froide. Le complot américano-britannique destiné à
déstabiliser le régime, dénoncé par Robert Mugabe lors de
l’épidémie de choléra du Zimbabwé en 2008, n’avait d’autre objet
que de masquer l’incompétence de son gouvernement et
l’inefficacité de sa politique. Durant l’épidémie de la Covid-19, a
circulé dans les médias et les journaux une rumeur sur un
coronavirus relâché par négligence, voire intentionnellement, pour
certains, à partir du laboratoire haute sécurité (P4) de l’Institut de
virologie de Wuhan, rumeur relayée entre autres par d’importantes
personnalités politiques des États-Unis.
Résignation ou fuite ?
Lorsque l’épidémie s’accentue, que la situation sanitaire devient
préoccupante et que le danger se précise, c’est la peur qui s’installe,
avec ses premiers réflexes de résignation ou de fuite.
La résignation a régulièrement donné lieu à des comportements
de conjuration. Prières et processions se sont multipliées durant la
grande peste noire. Les processions de flagellants qui parcoururent
l’Europe répondaient à une même logique. Durant la deuxième
pandémie cholérique, les affiches de bénédiction des maisons
fleurirent pour protéger les foyers.
À l’inverse, le refus d’acceptation conduisit à la fuite par laquelle
on cherchait à mettre le plus de distance entre soi, sa famille, et le
phénomène épidémique, comme nous l’avons évoqué à propos de
la peste au Moyen Âge, ou comme cela s’est reproduit lors de
l’épidémie de fièvre Ebola au Zaïre en 1976. Ce réflexe de fuite
n’était pas obligatoirement lié à la connaissance de la contagion. Le
dicton cito longe fugas et tarde redeas, « fuis vite et longtemps et
reviens tard », connu au xive siècle, était attribué à Hippocrate, pour
lequel les épidémies provenaient des miasmes du milieu
environnant.
L’organisation de la réponse
Une réponse sociale coordonnée, et visant à combattre efficacement
l’épidémie, apparut dans le cas de la peste, bien avant la découverte
du germe et des modalités de transmission. La République de
Raguse, aujourd’hui Dubrovnik, sur la côte dalmate, fut la première
cité à imposer, en 1377, la mise en quarantaine des voyageurs
arrivant. La prise en charge de la peste fut confiée aux Provveditori
alla sanita dans la République de Venise à la fin du xive siècle, ou
aux bureaux de santé avec un capitaine de la peste dans certaines
villes françaises au xve siècle. Mais l’isolement des pesteux ne fut
pratiqué qu’à partir du xvie siècle : on isolait alors les cas dans leurs
habitations, dont on allait même jusqu’à murer portes et fenêtres en
attendant la mort de tous les habitants ; on mettait également à
l’isolement des quartiers, des villes, voire des provinces.
Les quarantaines organisées dans les lazarets à l’occasion de la
dernière épidémie de peste à Marseille, en 1720, furent ensuite
utilisées pour éviter l’importation du choléra, mais avec une efficacité
limitée. Plus tard, la découverte du vibrion cholérique et sa
recherche systématique chez les sujets arrivant empêchèrent
l’implantation du choléra au Royaume-Uni et aux États-Unis, lors de
la cinquième pandémie.
La première Conférence sanitaire internationale, tenue à Paris en
1851, visait à homologuer les règlements internationaux des
quarantaines contre la propagation du choléra, de la peste et de la
fièvre jaune. Il fallut pas moins de douze conférences sanitaires pour
aboutir à la création du Comité de la Santé de la Société des
Nations (SDN), en 1922. Ce Comité de la Santé, considéré
généralement comme la composante la plus efficace de la SDN,
joua un rôle déterminant dans la naissance de l’Organisation
mondiale de la Santé, en 1948. En 1951, l’OMS adoptait un
instrument de droit international contraignant pour ses états
membres, le Règlement Sanitaire International, destiné à prévenir
les risques graves pour la santé publique, et à planifier la réponse et
la lutte contre les épidémies.
La restriction des déplacements avec parfois construction de
murs, la mise en quarantaire des arrivants, l’interdiction des
rassemblements de population (autrefois les foires, principalement)
étaient des mesures anciennes prises durant les épidémies de peste
ou plus tard de choléra.
Mais il semble que le confinement complet de la population d’un
pays entier, au domicile, avec restriction sévère des déplacements
hors de celui-ci, ait été une nouveauté de la Covid-19. À l’exemple
de la Chine qui avait confiné plus de 56 millions de personnes de
février à mars 2020, la majorité des pays européens, qui n’avaient
nullement anticipé cette situation et n’étaient pas prêts à y faire face,
confinèrent leurs populations, avec les conséquences sociales,
sanitaires, économiques et financières que nous avons évoquées
dans le chapitre précédent.
L’évolution des épidémies
L’évolution des épidémies est également un problème géopolitique,
un système de détection rapide, une structure de prise en charge
adéquate et un programme de lutte ne pouvant se passer d’une
volonté politique.
Ce qu’ont montré les épidémies modernes comme le SRAS et la
Covid-19 dans les pays voisins de la Chine, c’est que la rapidité de
détection et d’identification du microbe responsable est un point
fondamental pour l’organisation de la réponse et la maîtrise de
l’épidémie. Mais la découverte rapide du microbe ne suffit pas
toujours à obtenir l’éradication de l’épidémie. Si le VIH a été
rapidement découvert et décrypté, le sida n’en a pas pour autant été
maîtrisé. Le cas du sida est particulièrement difficile, par le mode
original de ce virus atteignant le système immunitaire du sujet
infecté.
Biodiversité
Nous connaissons à l’heure actuelle plus de 1 400 espèces
différentes de microbes pathogènes pour l’Homme. Ce qui, entre
parenthèses, est fort peu comparé aux trois millions d’espèces
connues de micro-organismes. Mais ce n’est pas une question
d’arithmétique. D’ailleurs ce chiffre ne peut que croître, car il existe
encore des espèces animales non décrites, dont certaines sont de
possibles réservoirs de microbes également inconnus. Sur plus de
600 arbovirus détectés chez les mammifères ou les insectes des
forêts tropicales de l’hémisphère sud, pas plus de 20 % sont
associés à des maladies humaines. La fonte du permafrost liée au
réchauffement climatique peut aboutir à la réapparition de
pathogènes anciens préservés dans les cadavres congelés
d’animaux ou d’Hommes. Le potentiel de nouveaux microbes pour
l’Homme est donc élevé.
Les plus graves des germes à venir seront sans aucun doute
d’origine virale. Il est en effet raisonnable de penser que l’arsenal
antibiotique à notre disposition, depuis plus d’un demi-siècle,
permettra de juguler les épidémies bactériennes. Le risque
d’épidémies bactériennes concerne davantage des bactéries à
germes multi-résistants. De plus, dans le cas des virus, la
disponibilité de médicaments antiviraux est très modeste, même si le
sida a suscité un effort remarquable de recherche et développement
ayant abouti, en une dizaine d’années, à la mise sur le marché d’une
trentaine de produits actifs.
Les microbes d’origine animale ont une grande capacité
d’adaptation à l’Homme, comme illustré par le sida, les fièvres
hémorragiques, la grippe ou les coronavirus. Et souvenons-nous
qu’un virus aussi typiquement humain que celui de la rougeole,
résulte d’une adaptation à l’Homme d’une souche de virus de la
peste bovine. Le concept de maladie émergente est apparu dans le
dernier quart du xxe siècle. Il se réfère principalement à des virus qui
franchissent les barrières d’espèces, qui passent de l’animal à
l’Homme, chez lequel ils font montre de pathogénicité et de
contagiosité importantes. Certains d’entre eux ont posé des
problèmes majeurs de santé publique, comme les virus de la grippe,
le VIH ou les coronavirus.
La biodiversité concerne également des animaux réservoirs, en
particulier les rongeurs (la moitié des espèces de mammifères) et les
chauves-souris, ou chiroptères, (le quart des mammifères). C’est
dire que les zoonoses ont un avenir prospère. Et même si certaines
espèces animales sont menacées de disparition cela ne signifie pas
obligatoirement disparition des zoonoses correspondantes, car on
peut imaginer que, les hôtes se raréfiant, les microbes deviennent
plus agressifs et passent sur des animaux voisins.
Les comportements humains
La démographie mondiale galope principalement dans les pays à
faibles revenus, ce qui aggrave une situation sanitaire déjà précaire,
et crée des conditions favorisant le développement des épidémies.
La migration des populations rurales vers les grandes villes, et leur
concentration dans des zones périurbaines insalubres à
l’urbanisation anarchique entraînent une forte promiscuité qui
débouche sur une circulation rapide des microbes à transmission
directe. De même l’absence d’urbanisme multiplie les eaux
stagnantes, source de pullulation de moustiques, en particulier
Aedes aegypti, à l’origine d’épidémies d’arboviroses, comme celles
de dengue hémorragique des années 1950 en Asie du Sud, ou de
fièvre jaune comme dans certains pays d’Afrique. L’absence d’eau
courante réduit les populations à l’utilisation d’eaux impropres à la
consommation, voire microbiologiquement contaminées, avec les
conséquences déplorables qui en découlent, sur l’alimentation, en
particulier celle des jeunes enfants. Souvenons-nous que dans les
pays industrialisés, le traitement systématique de l’eau instauré à la
fin du xixe siècle a amené la disparition du choléra et un recul
important de la fièvre typhoïde.
Si les pays à faibles revenus sont particulièrement exposés aux
futures émergences, les pays à hauts revenus seraient coupables et
imprudents de ne pas s’en préoccuper. Car outre l’aspect moral de
solidarité mondiale, un calcul égoïste devrait leur faire comprendre
qu’en aidant les pays pauvres à résoudre leurs crises sanitaires, ils
se protègent eux-mêmes de l’importation des épidémies.
L’évolution des modes de vie favorise l’émergence ou la
réémergence de divers microbes humains. L’exemple le plus
remarquable est celui de la Legionella, bactérie répandue dans les
canalisations d’eaux et les systèmes de climatisation.
De même, l’industrialisation des modes de production des denrées
alimentaires est souvent génératrice d’épidémies. Ainsi, le
développement d’élevages industriels concentrationnaires a facilité
la transmission accélérée de virus tels ceux de la grippe aviaire. Des
bactéries comme Salmonella enteritidis contaminent les élevages de
volailles et sont transmises à l’Homme par les œufs. L’utilisation
massive d’antibiotiques pour accélérer la croissance des volailles a
généré l’émergence de souches de Salmonella typhimurium
résistantes aux antibiotiques. Un aliment faiblement contaminé au
moment de sa fabrication ou de son stockage peut atteindre en
quelques jours un taux de contamination élevé, pouvant provoquer
une infection grave, parfois mortelle, comme c’est le cas avec
Listeria, microbe dit « du réfrigérateur ».
La sophistication des techniques modernes d’exploration et de
traitement générée par les extraordinaires progrès de la médecine
contemporaine représente un facteur moderne d’émergence. Les
maladies nosocomiales sont un domaine de l’infectiologie en plein
développement. Nous avons vu au chapitre 8 comment un geste
thérapeutique comme la transfusion sanguine avait pu générer du
malheur. Et, en Amérique du Sud, avant l’arrivée du sida, on savait
déjà que la transfusion sanguine pouvait transmettre le trypanosome
de la maladie de Chagas.
Le vieillissement des populations et la multiplication des causes
d’immunodépression entraînent l’émergence de nouvelles
pathologies, dites d’opportunité, liées à des microbes non
pathogènes chez l’individu sain, et qui se révèlent pathogènes chez
l’immunodéprimé.
Il faut également se souvenir que l’éradication ou la réduction
d’incidence d’une maladie infectieuse obtenue par la vaccination
n’est pas indéfiniment acquise. La perte de la couverture vaccinale
qui fait suite à l’abandon des campagnes de vaccination entraîne le
retour de la maladie correspondante, comme on a pu le voir avec la
diphtérie dans les pays de l’ancienne URSS, la fièvre jaune en
Afrique ou la rougeole aux États-Unis et en France.
On peut également ranger dans ce chapitre un facteur socio-
économique tel que les inégalités au sein des populations. Même
dans les pays à fort standard de développement, existent des
populations marginalisées ou exclues, vivant dans des conditions de
grande insalubrité, sans suivi médical. Ces groupes peuvent être la
cible de ré-émergence de microbes (syphilis) ou d’installation de
germes venus de zones endémiques, comme ce fut le cas par
exemple avec la peste des chiffonniers, dans les 18e et
19e arrondissements de Paris, en 1920. À New York, la disparition de
la prise en charge sociale de la tuberculose dans les années 1975-
80 a entraîné l’apparition à Haarlem d’une véritable épidémie de
tuberculoses à bacilles multirésistants.
Les modifications environnementales
Les modifications environnementales, générées directement ou
indirectement par l’Homme, en plus de mettre en danger la vie sur
Terre, pèseront sur les épidémies de l’avenir.
La déforestation réduisant les surfaces couvertes, domaines de
nombreux mammifères réservoirs, augmente le contact entre
l’Homme et ces mammifères, en particulier les singes ou les
rongeurs, favorisant le franchissement de la barrière d’espèce. Le
défrichement des zones forestières et la mise en place de cultures
intensives apportent une abondante nourriture aux rongeurs
entraînant leur multiplication et celle des microbes qu’ils portent.
Les barrages et les grands programmes d’irrigation qui entraînent
la pullulation des moustiques, par la multiplication de leurs gîtes de
reproduction, sont sources d’épidémies futures, comme ils le furent
dans le passé, avec par exemple l’épidémie de fièvre de la vallée du
Rift en Égypte, à la suite de la construction du Barrage d’Assouan,
en 1977-78 (200 000 personnes atteintes, 598 morts).
Enfin, puisqu’il faut bien parler du climat, les changements
climatiques pèseront sans aucun doute sur les épidémies du futur.
Une corrélation entre intensité des pluies et circulation de virus de la
Vallée du Rift a été notée depuis longtemps en Afrique de l’Est. Le
réchauffement climatique a déjà eu un impact sur la remontée vers
le nord de certains vecteurs comme Aedes albopictus, vecteur des
virus du Nil Occidental, de la dengue et du chikungunya. Mais les
interactions entre les différents facteurs conditionnant la genèse et le
développement des épidémies sont trop complexes pour être réduits
à la seule problématique du réchauffement climatique, objet d’une
attention médiatique privilégiée.
Épilogue
Je souhaite remercier les personnes qui ont pris une part active à la
rédaction de cet ouvrage et en particulier Vincent et Guillaume
Dedet, pour les discussions fructueuses et une lecture avisée et
constructive de tout ou parties du manuscrit.
Je suis vivement reconnaissant à Françoise Barré-Sinoussi,
Professeur à l’Institut Pasteur, Prix Nobel de Médecine et
Physiologie 2008, pour avoir accepté d’écrire la préface de cet
ouvrage, et à Yves Balard qui a réalisé toutes les cartes qui illustrent
ce livre.
Mes remerciements vont également aux divers spécialistes que
j’ai consultés sur des maladies ou des thèmes ponctuels : Eric
Delaporte et Jacques Reynes (professeurs à la Faculté de Médecine
de l’Université de Montpellier et au CHU de Montpellier), Pascal
Launois (Maître de conférences à l’Université et au CHU de Nice), et
Paul Reiter (Professeur à l’Institut Pasteur).
Toute ma gratitude va également aux personnes qui m’ont apporté
leur aide dans la collecte iconographique, et, en particulier, Annick
Perrot, Conservateur honoraire du Musée Pasteur à Paris, et
Michaël Davy, Photothèque de l’Institut Pasteur, pour m’avoir
autorisé, une nouvelle fois, à utiliser gracieusement les ressources
de la Photothèque historique de l’Institut Pasteur.
Je voudrais remercier également les autres personnes qui ont mis
gracieusement à ma disposition certaines des illustrations, et, en
particulier, le Dr Aleksandra Pawliczek, Archiv der Humbold-
Universitaet, Berlin (Allemagne), Dolores Campanario, Organisation
mondiale de la Santé Presse, à Genève (Suisse), Trenton Streck-
Havill, National Museum of Health and Medicine, Silver Spring
(USA), Hichem Benhassine et le Pr Herchmi Louzir, directeur, Institut
Pasteur de Tunis (Tunisie).
Je suis reconnaissant aux éditions Dunod, et en particulier à Anne
Pompon, qui m’ont, une nouvelle fois, fait confiance.
Notes
1. Pestilence : terme dérivé de peste, classiquement utilisé par extension pour
désigner les maladies contagieuses épidémiques, de pronostic redoutable.
2. Nicolle C., Le destin des maladies infectieuses (1933).
3. Baltazard M. Déclin et destin d’une maladie infectieuse : la peste. Bull. Org.
Mond. Santé, 1960, 23 : 247-262.
4. Lazarets : établissements à l’extérieur des villes ou des ports, destinés à
l’isolement des personnes atteintes de maladies contagieuses, telle la peste, ou de
voyageurs provenant d’un pays infecté.
5. Lazare Rivière, docteur en médecine en 1611, professeur à la Faculté de
Médecine de Montpellier à partir de 1622, fut conseiller et médecin de Louis XIII.
6. Le Préfet Poubelle est l’homme qui obligea en 1884 les propriétaires
d’immeubles à mettre à la disposition des locataires des récipients de capacité
suffisante et munis d’un couvercle, que les parisiens eurent tôt fait de baptiser du
nom du préfet.
7. Durrell L., Le quatuor d’Alexandrie. Mountolive, Editions Buchet/Chastel, 1963,
p. 501.
8. Taylor R.M., Kingston J.R., Rizk F. « A note on typhus in Egypt and the Sudan ».
Am. J. trop. Med. Hyg., 1957, 6 : 663-670.
9. Le pou de tête est différent du pou du corps et ne transmet aucun microbe.
10. Boyce R. Mosquito or man ? The conquest of the tropical world. John Murray,
London, 1909, p. 111.
11. C’est-à-dire l’évolution du cycle sauvage de la maladie vers un cycle
domestique, où l’Homme a pris la place du réservoir animal.
12. Hannoun C. La grippe, ennemie intime. Itinéraire d’un virologue. Balland,
2009, p 267.
13. pathogénie : mécanime d’apparition de la maladie.
14. Frascator G. De contagione et contagionis morbis. (1546)
15. Journaliste, écrivaine et femme politique française (1916-2003).
16. CDC : Centre for Diseases Control : agence fédérale créée à Atlanta en 1942
pour contrôler le paludisme dans les zones de guerre, cet organisme évolua après
la guerre et fut chargé de la surveillance et du contrôle des maladies
transmissibles aux États-Unis.
17. Saltzmann S. La fièvre de Lassa. Editions Groupes Missionnaires
(Annemasse), 1978.
18. Rosa H., « Le miracle et le monstre – un regard sociologique sur le
coronavirus » (2020). https://aoc.media/analyse/2020/04/07/le-miracle-et-le-
monstre-un-regard-sociologique-sur-le-coronavirus/
19. Statistiques du 06/02/2021.
20. Les chiffres présentés dans ce chapitre sont ceux fournis par l’OMS, sur son
site internet WHO Coronavirus Disease (Covid-19) Dashboard WHO, à la date du
06/02/2021.
21. Nicolle C., Le destin des maladies infectieuses (1933).
Bibliographie
A
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Apollon 1
B
Balboa, Vasco Nunez de 1
Balmis, Francisco Javier 1
Baltazard, Marcel 1, 2, 3, 4, 5
Baltimore, David 1
Barberousse, Frédéric 1
Barré-Sinoussi, Françoise 1, 2, 3
Barzac, Michèle 1
Baudelaire, Charles 1
Beauperthuy, Louis-Daniel 1
Belsunce, monseigneur de 1
Blanc, Georges 1, 2
Block, Steven 1
Boghurst 1
Boissier de Sauvages, François 1
Bordet, Jules 1
Borgia, Jean 1
Borrel, Amédée 1, 2
Borromée, Charles 1
Bourdelais 1
Boyce, Rubert 1
Brossollet 1
Broussais, François 1
Bruant, Aristide 1
Burnet, Mac Farlane 1
C
Calmette, Albert 1, 2
Camus, Lucien 1
Casas, Bartolomé de las 1
Castellani, Aldo 1
Catherine II 1
Chagas 1
Chain, Ernest 1
Chamberland 1
Chambon, Ernest 1, 2
Chanvalon, Thibault de 1
Charles Quint 1
Charles V 1
Charles VIII 1, 2
Chartres, Duc de 1
Chauliac, Guy de 1, 2, 3
Chermann, Jean-Claude 1, 2
Cheyne 1
Chicoyneau, François 1
Chirac, Jacques 1
Chirac, Pierre 1
Choiseul, duc de 1
Clément VI 1, 2
Cliff 1
Clinch, John 1
Colomb, Christophe 1, 2
Combes, Claude 1
Cortez, Hernán 1
Cox, Herald R. 1, 2
Crawford, John 1
Cruz, Oswaldo 1
D
Daudet, Alphonse 1
Delorme, Charles 1-2
Dioclétien 1
Dodin, André 1, 2
Du Barry, Contesse 1
Dufoix, Georgina 1
Dunning, Richard 1
Dupleix, Joseph François 1
Durand, Paul 1, 2
Durrell, Lawrence 1
Dutertre 1
E
Egede, Hans 1
Ehrlich, Paul 1, 2
Elion, Gertrude 1
Fabius, Laurent 1
F
Fallope, Gabriel 1, 2
Fasquelle, André 1
Ferdinand d’Aragon 1
Fernel, Jean-François 1
Ferran, Jaume 1, 2
Filippo Pacini 1
Finkelstein, Richard A. 1
Finlay, Carlos 1, 2
Flaubert, Gustave 1
Fleming, Alexander 1
Florey, Howard 1
Foligno, Gentile da 1
Francis, Thomas 1
Franck, Anne 1
François Ier 1
Franklin, Benjamin 1
Frascator, Girolamo 1, 2, 3, 4-5
G
Galbiati, Gennaro 1
Gallo, Robert 1-2
Gama, vasco de 1
Garetta, Michel 1
Gesner, Conrad 1
Girard, Georges 1
Giroud, Françoise 1, 2, 3
Giroud, Paul 1, 2
Gorgas, William 1-2, 3, 4
Grand Dauphin 1
Grégoire de Tours 1
Guillaume III 1
Guillaume le Conquérant 1
Guizot, François 1
H
Haffkine, Waldemar 1, 2, 3, 4
Hannoun, Claude 1
Harper 1
Hartmut, Rosa 1
Hata, Sahachiro 1
Havers, Clopton 1
Henri II 1
Henri III 1
Hervé, Edmond 1
Hippocrate 1, 2, 3, 4
Hirst, Georges 1
Hoffmann, Eric 1
Humboldt, Alexander Von 1, 2
Hunter, John 1
I
Isabelle de Castille 1
J
Jenner, Edward 1, 2, 3, 4
Justinien 1
K
Kaposi 1
Kingston, J.R. 1
Kitasato, Shibasaburo 1, 2
Ko Hong 1
Koch, Robert 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8
Koen, J.-S. 1
L
La Condamine, Charles Marie de 1
Laidlaw, Patrick 1
Laigret, Jean 1
Larson, Charles 1
Lawson, James A. 1
Lebailly, Charles 1
Lénine 1
Léon XII 1
Lesseps, Ferdinand de 1, 2
Liancourt, duc de 1
Li, Wenliang 1
Louis XIII 1, 2
Louis XV 1, 2
Luther 1
M
Magendie, François 1
Mary II 1
Mâryammâ 1
Maupassant, Guy de 1
Ménard, Saint-Yves 1
Metchnikoff, Elie 1
Mollaret 1
Montagnier, Luc 1-2
Montpensier 1
Mugabe, Robert 1, 2, 3
Müller, Paul Hermann 1
Musset, Alfred de 1
N
Napoléon 1
Napoléon III 1
Netter, Robert 1
Nicolle, Charles 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12
Nietzsche, Friedrich 1
Nocard, Edmond 1
Nott, Josiah C. 1
O
Ovide 1
P
Pacini, Filippo 1
Paré, Ambroise 1
Paschen, Enrique 1
Pasteur, Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6
Paul III 1
Pauludanus, Johann 1
Pelage II 1
Pétrarque 1
Pfeiffer, Richard 1
Poiesz, Bernard 1
Popovic, Mika 1
Poubelle, Eugène 1
Prowazeck, Stanilas von 1
Pylarini, Jacobo 1
Q
Quint, Charles 1
R
Rahal, Magid 1
Ramsès V 1
Reagan, Ronald 1
Reclus, Armand 1
Reed, Walter 1-2
Rhazès 1
Ricketts, Howard T. 1
Rivière, Lazare 1
Rizk, F. 1
Robert Koch 1
Robic, Jean 1
Rocha Lima, Henrique da 1
Romay, Thomas 1
Roosevelt, Franklin 1
Roux, Émile 1, 2, 3, 4, 5
Roux, Jacques 1, 2
Rozembaum, Willy 1
S
Saint Grégoire 1
Saint Roch 1
Saint Sébastien 1
Sainte Irène de Rome 1
Saltzmann, Samuel 1
Schaudinn, Fritz 1
Schubert, Frantz 1
Sédillot, Charles 1
Sellars, Watson 1
Sergent, Edmond 1
Shope, Richard 1
Simond, Paul-Louis 1, 2, 3
Sloane, Hans 1
Smith 1
Smith, Wilson 1
Snow, John 1
Soper, Fred L. 1
Sparrow, Hélène 1
Straus, Isidore 1, 2
Sydenham, Thomas 1
T
Taylor, R.M. 1
Tche Fa Ts’ouen 1
Temin, Howard 1
Theiler, Max 1, 2
Thuillier, Louis 1
Turgot, Etienne-Henri 1
U
Urbain VIII 1
Urbani, Carlo 1
V
Veil, Simone 1
Vetter, Helmuth 1
Vierge Marie 1
Voltaire 1
W
Waksman, Selman A. 1
Wassermann, August von 1
Weigl, Rudolf 1
Wortley-Montagu, Mary 1
Wüttemberg, duc de 1
Wyse, Lucien 1
Y
Yersin, Alexandre 1-2
Z
Zavorziz, Heinrich Skreta von 1
Zeidler, Othmar 1
Zhdanov, V.M. 1
Index des microbes, maladies
et produits
A
Acyclovir 1
Aedes 1, 2, 3, 4
Aedes aegypti 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Aedes africanus 1
Aedes albopictus 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8
Aedes simpsoni 1
A/H1N1 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
A/H5N1 1, 2
AIDS 1
Anopheles gambiae 1
Antibiotiques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
antilopes 1
Apodemus agrarius 1
arbovirus 1, 2, 3, 4
Arenaviridae 1, 2, 3
arsenicaux 1
Arsénobenzènes 1
AZT 1
B
babouins 1
bacille
du charbon 1, 2
pesteux 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
du tétanos 1
tuberculeux 1
bactérie
du charbon 1
du choléra 1
béjel 1
brucellose 1
C
calomel 1
canard(s) 1
canari 1
Candida albicans 1
Cercopithecus aethiops 1
champignons 1, 2
Chapare 1
charbon 1
chat 1
chauve-souris 1
chauve-souris 1, 2, 3
chauves-souris 1, 2
cheval 1, 2, 3, 4
chien(s) 1, 2, 3
de prairie 1, 2
chikungunya 1-2, 3-4, 5, 6
chimpanzé(s) 1, 2, 3, 4
chiroptères 1, 2
Chlamydia 1
choléra 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15-16, 17, 18, 19,
20-21, 22, 23, 24, 25, 26
Choléra des poules 1
Civettes 1
cobaye(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6
coqueluche 1, 2
coronavirus 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8
Covid-1 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13
Covid-1 2
cow-pox 1
Culex 1, 2
Culex pipiens 1
Culex quinquefasciatus 1
Culex tarsalis 1
D
DDT 1, 2, 3
dengue 1-2, 3-4, 5, 6, 7
diphtérie 1, 2
Djaniberg, Khan 1
doxycycline 1
dromadaire 1
E
Ebola 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
écureuils 1, 2
El Tor 1, 2, 3, 4
encéphalite japonaise 1
encéphalite de Saint-Louis 1
F
fièvre
de Hantaan 1
hémorragique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
hémorragique d’Omsk 1
jaune 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29
de Lassa 1, 2, 3, 4
du Nil Occidental 1, 2, 3
pourprée 1
typhoïde 1, 2
de la vallée du Rift 1, 2, 3
fièvre de Lassa 1
fièvre hémorragique d’Omsk 1
fièvre jaune 1
fièvres hémorragiques 1, 2, 3, 4
fièvres récurrentes 1
Filoviridae 1, 2, 3
Flaviviridae 1, 2
furets 1
G
gaïac, bois de 1
Galien, Claude 1
gerbilles 1
gorille 1
Gorille(s) 1
GRID 1
grippe 1
grippe(s) 1, 2, 3, 4
grippe aviaire A/H5N1 1
grippe de Hong Kong 1
grippe(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
A/H1N1 1, 2
asiatique 1, 2, 3, 4
aviaire 1, 2, 3, 4
aviaire A/H5N1 1
espagnole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
de Hong Kong 1, 2, 3
Guillain-Barré 1, 2
H
Haemagogus 1
Haemophilus influenzae 1
Haemophilus influenzae 1
hémophilie 1, 2
hémorragique Congo-Crimée 1
hémorragiques 1
hépatite 1, 2
hépatite C 1, 2
herpès 1
HIV 1
HTLV 1, 2
HTLV-1 1
HTLV-2 1
HTLV-3 1
I
IDAV 1
infection inapparente 1
infections inapparentes 1
Influenza bacillus 1
insecte(s) 1, 2, 3, 4, 5
insecticide 1, 2
L
lapin 1, 2
Lassa 1, 2, 3-4
LAV 1, 2, 3
LAV-2 1
Legionella 1
Legionella pneumophila 1
légionellose 1, 2, 3, 4, 5
leishmanioses 1
lentivirus 1
lèpre 1
Listeria 1
M
macaque Macacus rhesus 1, 2
macaque(s) 1, 2, 3
maladie
du charbon 1
de Lyme 1, 2, 3
du sommeil 1
mammifère(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6
mangabey 1
Marburg 1, 2-3, 4, 5
marmottes 1, 2, 3
Mastomys 1
Mastomys natalensis 1
méningite 1
mercure 1, 2
mérions 1, 2, 3
MERS 1, 2, 3
MERS-CoV 1
monkeypox virus 1
moustique(s) 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
moustiques 1, 2
mulot asiatique 1
Myxovirus influenzae 1
N
néosalvarsan 1, 2
Nosopsyllus fasciatus 1
O
O1 1, 2, 3
O139 1, 2
oiseaux 1, 2, 3, 4
or 1
P
Paguma larvata 1
paludisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
pangolin 1
paramyxovirus 1
Pasteurella pestis 1
pénicilline 1, 2
perruche 1
peste 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20-21, 22, 23
bovine 1
noire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Phytophtora infestans 1
pian 1, 2
picote 1
pneumocoque 1
Pneumocystis carinii 1
poliomyélite 1, 2, 3, 4
porc 1
porcs 1, 2, 3
pou 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
primates 1, 2, 3, 4
protozoaires 1, 2
puces 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9
R
rage 1, 2
rat 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
rat noir 1, 2
rat musqué 1
rats 1, 2, 3
rats de Gambie 1, 2
Rattus norvegicus 1
Rattus rattus 1
rétrovirus 1, 2, 3
Rhinolophus 1
Rickettsia mooseri 1
Rickettsia prowazeki 1, 2, 3
rickettsie(s) 1, 2, 3-4
rongeur(s) 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
rougeole 1, 2, 3, 4, 5
rouille 1
S
Salmonella enteritidis 1
Salmonella typhimurium 1, 2
salvarsan 1, 2
sarcome 1
SARS-CoV-1 1
SARS-CoV-2 1, 2
sida 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11-12, 13-14, 15, 16, 17, 18, 19-20,
21, 22, 23, 24, 25
singe(s) 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
SIV 1
Sorre, Max 1
souris 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
SRAS 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10
Stegomyia calopus 1
Streptomyces 1
sublimé 1
suette 1, 2
sulfamides 1, 2, 3, 4
surmulot 1, 2
symptômes
grippe 1
syphilis 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8, 9, 10, 11
T
T. endemicum 1
tétracyclines 1
tique 1
tiques 1, 2, 3
T. pallidum 1
Treponema carateum 1
Treponema endemicum 1
Treponema pallidum 1
Treponema pertenue 1, 2
tréponématoses 1, 2
trypanosome 1
tuberculose 1, 2, 3, 4, 5, 6
typhus 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13-14
typhus murin 1
V
vaccine 1, 2, 3, 4
variole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-11, 12, 13, 14-15, 16, 17-18, 19
variole du singe 1-2, 3, 4
vérole 1, 2, 3
Vibrio cholerae 1, 2
vibrion cholérique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
VIH 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11
VIH-1 1, 2, 3
VIH-2 1, 2, 3
virus
de la grippe 1, 2, 3
Guanarito 1
Hendra 1
Junin 1
Machupo 1
du Nil Occidental (West Nile virus) 1, 2, 3
Nipah 1, 2
Sabia 1
de la Vallée du Rift 1
volailles 1, 2
vomito negro 1, 2
W
Wolbachia 1
X
Xenopsylla cheopis 1
Y
Yersinia pestis 1, 2, 3, 4, 5
Yersinia pseudotuberculosis 1
Z
zidovudine 1
zika 1, 2, 3-4
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