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Édition du

4/27/2023
L'ÉVÉNEMENT
NIGER
BUSINESS

De Niamey à Lagos, sur les traces


des millions perdus d'Areva dans
"l'Uranium Gate"
Plusieurs enquêtes sur la société de gestion de
fortune Helin International révèlent des détails sur les
bénéficiaires d'opérations menées par Areva au
Niger en 2011. Les autorités américaines ont identifié
un prestataire régulier du département d'Etat, qui est
au cœur de cette affaire.
Le pont Kennedy, au crépuscule, à Niamey, au Niger, en septembre 2013. ©Joe
Penney/Reuters

A première vue, OKI General Trading est un simple prestataire


parmi les centaines d'autres auxquels a fréquemment recours le
département d'Etat américain. Enregistrée à Dubaï, mais dotée d'un
bureau dans l'état de Virginie depuis 2018, la société se présente
comme spécialisée dans la vente de services logistiques et de
matériel de bureau.

Entre 2020 et 2022, elle est notamment intervenue dans le cadre de


plus d'une cinquantaine de contrats concernant plusieurs
ambassades des Etats-Unis sur le continent africain, du Maroc à la
République démocratique du Congo.

Une opération à 101 millions de dollars


Mais c'est pour une tout autre activité qu'OKI est récemment apparue
sur les radars : son nom a refait surface au cours d'une enquête
menée par les autorités américaines et françaises sur le groupe de
gestion de fortune suisso-émirati Helin International qui fut dirigé
par les deux frères franco-belges Henri de Cröy et Emmanuel de
Cröy et l'ex-banquière britannique Geraldine Whittaker.
Le trio est d'ores et déjà soupçonné par les justices belge, suisse et
française d'avoir monté une multitude d'opérations de fraude fiscale
pour le compte de plusieurs centaines de personnalités fortunées.
Au sein de sa clientèle huppée s'entremêlent grands noms du luxe
(voir notre publication sœur Glitz du 09/03/23), oligarques russes et
personnalités africaines (AI du 25/01/23).

Les enquêteurs américains s'étonnent de voir le nom d'un


fournisseur officiel du département d'Etat apparaître parmi les
bénéficiaires d'importants virements émis il y a plus de dix ans par
l'un des véhicules financiers de Helin International,
dénommé Energy Standard Trading FZE. Cette entité est
suspectée d'avoir été utilisée par les frères Cröy pour rétribuer une
poignée d'acteurs impliqués dans la vente à perte de 2 500 tonnes
d'uranium achetées auprès de la Société du patrimoine des mines
du Niger (Sopamin). Effectuée fin 2011, l'opération a coûté
101 millions de dollars au groupe français Areva, renommé
depuis Orano.

Le mystérieux "T3"
Parmi les acteurs mêlés à ce dossier sensible figurent notamment
l'actuel patron du groupe minier canadien Endeavour Mining, le
Français Sébastien de Montessus, à l'époque directeur des mines
d'Areva et client de Helin International. Les enquêteurs américains
soupçonnent le groupe français d'avoir orchestré, avec l'aide du
groupe de gestion de fortune, la ventilation de près de 23 millions de
dollars de versements à destination d'une myriade d'acteurs du
dossier et d'officiels publics étrangers ayant pu faciliter cette
transaction. Contacté, Sébastien de Montessus n'a pas souhaité
répondre à nos sollicitations.

Dans des documents internes de comptabilité de Helin International


est mentionné un certain "T3". Un nom de code que des éléments de
l'enquête américaine tendent à attribuer à l'ancien président du
Niger, Mahamadou Issoufou. Actuel médiateur de la Communauté
économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) au Burkina
Faso, il se retrouve suspecté d'avoir perçu 2,6 millions de dollars
virés par Energy Standard Trading FZE sur un compte de
la Standard Chartered Bank de Dubaï appartenant à OKI
International Trading LLC, le 14 mars 2012. Ce dont il s'est toujours
défendu.
Cette opération est également scrutée de près par la brigade
financière française dans le cadre d'une information judiciaire
ouverte par le Parquet national financier (PNF) en novembre 2020
(AI du 27/01/21), qui s'est vu remettre une partie des documents
internes de Helin International.

Relation étroite
Début 2021, les enquêteurs français s'interrogeaient déjà sur
l'identité du mystérieux "T3" et sur une société enregistrée au
Panama, Corum Overseas. Cette dernière s'était vue verser
800 000 euros sur l'un de ses comptes à la banque suisse Pictet, à
la suite de la vente d'uranium à perte d'Areva. Là encore, le
bénéficiaire est "T3", selon des documents internes du fonds de
gestion de fortune.

Côté américain, les enquêteurs s'appuient entre autres sur la relation


étroite entre Mahamadou Issoufou et Prakash Lalchandani,
fondateur du conglomérat indien Satguru Group, société mère
d'OKI. Ce dernier a été personnellement décoré de l'ordre du mérite
en avril 2021 par l'ancien chef de l'Etat nigérien. Propriétaire de la
chaîne hôtelière Bravia, présente à Ouagadougou, Lomé, et
Niamey, il a également officié comme consul honoraire de l'Inde au
Niger pendant plusieurs années. Contactés, la société OKI et
Prakash Lalchandani n'ont pas souhaité réagir.

Les investigations en cours aux Etats-Unis s'intéressent aussi à


d'autres bénéficiaires des virements émis par la nébuleuse Helin
International dans la foulée de la vente à perte de l'uranium nigérien.
Les noms du banquier d'affaires français Jean-Claude Meyer, vice-
président de Rothschild & Cie et résident aux Etats-Unis en 2011
et 2012, et de son frère Olivier Meyer sont notamment cités. Deux
sociétés nigérianes actives dans l'immobilier leur
appartenant, Mystrose et Emporium Plaza Nigeria, sont
soupçonnées d'avoir respectivement reçu 1 et 2,5 millions de dollars
de la part d'Energy Standard Trading en avril 2012.

"Carrousel"
Les frères Meyer apparaissent aussi à un stade antérieur de
l'opération en tant qu'administrateurs de la société libanaise Optima
Energy Offshore, auprès de laquelle la Sopamin a fait l'acquisition
de l'uranium ensuite revendu à Areva. Cette entité, jusqu'ici inconnue
dans le milieu du trading d'uranium, a signé un contrat avec l'Etat
nigérien représenté par Hassoumi Massaoudou, alors directeur de
cabinet du président Issoufou.

Optima Energy Offshore est soupçonnée d'avoir été un rouage


essentiel du mécanisme dit de "carrousel", mis en place autour de
cette fausse vente d'uranium, que le géant du nucléaire français est
suspecté d'avoir mis au point au travers de sa filiale en Allemagne.
On y trouve aussi trace de l'implication d'une société russe, EFESK,
liée à Matthias Warnig, ex-officier de l'ancienne police est-
allemande, la Stasi, réputé proche de Vladimir Poutine, et visé par
des sanctions américaines depuis février 2022.

L'ensemble du système semble avoir opéré avec l'assentiment


de BNP Paribas Suisse qui, selon un document interne,
a "sciemment" facilité cette manœuvre en autorisant la transaction.
Mais les frères Meyer nient avoir bénéficié d'une telle
opération : "Celle-ci avait été annulée (...) et les fonds reçus par
Optima Energy intégralement retournés à l'expéditeur", indiquent-ils,
avant de préciser "n'avoir tiré aucun profit" de la transaction et n'avoir
aucunement été inquiété par une enquête judiciaire.

Pour monter Optima Energy Offshore, les frères Meyer s'étaient


associés avec Venia International, une société détenue par le
Franco-Suisse Sébastien Clamorgan. Selon des éléments de
l'enquête, cet homme d'affaires vivant à Beyrouth est cité dans
plusieurs opérations financières douteuses en lien avec le politicien
nigérian James Ibori, ancien gouverneur de l'Etat de Delta,
condamné au Royaume-Uni pour corruption, fraude et blanchiment
de fonds.

Relations Niger et Orano


Si OKI General Trading ou encore les sociétés apparentées aux
frères Meyer figurent parmi les bénéficiaires identifiables des fonds
ventilés par Helin International dans le cadre de ce dossier, ils ne
représentent toutefois qu'une part largement minoritaire : 6,6 millions
du total des fonds versés qui avoisinent les 23 millions de dollars.
A l'heure où les autorités, notamment américaines et françaises,
tentent d'identifier le reste des intermédiaires concernés, la poursuite
des investigations risque de compromettre davantage les relations
entre Niamey et Orano, déjà sérieusement ébranlées par les
négociations autour du projet d'extraction d'Imouraren (AI
du 23/02/23).

AFRIQUE DE L'OUEST
GUINÉE
NIGERIA
BUSINESS
DIPLOMATIE

Les connexions business du


nouveau président nigérian Bola
Tinubu avec Alpha Condé
La délivrance en 2015 d'un passeport diplomatique
guinéen par Alpha Condé à Bola Tinubu a eu un fort
retentissement sur les réseaux sociaux au Nigeria.
Mais derrière ce document se cache une discrète
relation d'affaires entre les deux hommes, tissée tout
au long de la dernière décennie.
Le nouveau président du Nigeria Bola Ahmed Tinubu et l'ancien président guinéen Alpha
Condé. ©Afolabi Sotunde/Reuters/Stéphane Lemouton/Abacapress

Elu à la présidence du Nigeria le 25 février, Bola Ahmed Tinubu a-


t-il reçu les félicitations de l'ancien président guinéen Alpha Condé ?
Si dans l'entourage des deux hommes, personne ne souhaite
s'épancher sur leurs liens, il se trouve que l'ex-chef de l'Etat guinéen
connaît très bien le président élu du Nigeria, qui prêtera serment
devant la Cour suprême du pays le 29 mai.

Le rapprochement entre les deux personnalités s'est opéré dès 2015,


par le biais de deux intermédiaires : Samba Bathily, entrepreneur
malien très actif en Guinée, et son cousin et partenaire
d'affaires, Ibrahim Yara. Ils sont tous deux intimes du nouveau
président nigérian depuis plusieurs années.

Conseiller informel
Au mitan des années 2010, ils ont fait venir Bola Ahmed Tinubu à
Conakry et lui ont alors présenté Alpha Condé. Soucieux de renforcer
sa relation avec Muhammadu Buhari, son homologue nigérian
d'alors, l'ex-chef de l'Etat guinéen avait tissé un lien de confiance
avec Bola Ahmed Tinubu. Une proximité qui s'était d'ailleurs
concrétisée par la délivrance en 2015 d'un passeport diplomatique
par le pensionnaire du palais Sekhoutouréya au profit du tout-
puissant homme d'affaires nigérian, pour "services rendus". Une
copie de ce document a d'ailleurs eu un fort retentissement en fuitant
sur les réseaux de sociaux à la fin du mois mars, certains appelant à
l'invalidation de l'élection de Bola Ahmed Tinubu.

A l'époque cadre du All Progressives Congress (APC), le parti au


pouvoir au Nigeria, il avait été l'un des artisans du rapprochement
entre Alpha Condé et Muhammadu Buhari, alors que les deux
hommes d'Etat avaient jusqu'alors entretenu des relations
relativement tièdes. Le président guinéen a en effet toujours
reproché à son homologue de soutenir son opposant Cellou Dalein
Diallo.

Puis, lors de sa campagne pour un second mandat en 2015, Alpha


Condé avait bénéficié des conseils de Bola Ahmed Tinubu. Ce
dernier avait notamment mis à sa disposition une équipe d'assistance
électorale. Ces derniers s'étaient alors chargés de peaufiner la
stratégie de communication du président sortant, en mettant en place
les "robots call", un système automatisé qui permettait l'appel en
série d'électeurs citoyens guinéens pour les convaincre de soutenir
la candidature d'Alpha Condé.

Apporteur d'affaires
A Conakry, Bola Ahmed Tinubu s'était également mué en apporteur
d'affaires. En août 2015, c'est lui qui avait facilité la venue dans la
capitale guinéenne d' Akinwumi Ambodé, alors gouverneur de
Lagos, pour promouvoir de nombreuses entreprises nigérianes,
particulièrement dans le secteur bancaire.

Bola Ahmed Tinubu s'était par ailleurs personnellement positionné


sur plusieurs marchés en Guinée. En 2015, il avait proposé à Al pha
Condé de construire une usine de raffinage de bauxite. Il s'était aussi
positionné pour la relance de la Sotelgui, la compagnie nationale
guinéenne de téléphonie, et pour le financement de la deuxième
phase du projet Backbone du groupe chinois Huawei, pour le
déploiement de la fibre optique.

Bien que le Nigérian ait depuis limité ses voyages à Conakry, son
entente avec Alpha Condé est restée forte. Bola Ahmed Tinubu a
même joué les intermédiaires pour permettre l'arrivée en août 2021
- peu avant le coup d'Etat - d'un leader du secteur bancaire nigérian
en Guinée : Access bank.

BURKINA FASO

GUINÉE

MALI

UNION AFRICAINE

DIPLOMATIE

Le président de l'UA, Azali


Assoumani, attendu à Bamako,
Ouagadougou et Conakry
Azali Assoumani, chef de l'Etat comorien et président en exercice
de l' Union africaine (UA), devrait se rendre au Mali, au Burkina
Faso et en Guinée courant mai. En coordination avec
la Communauté économique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (Cedeao), le patron de l'organisation panafricaine espère
mettre sur pied une médiation avec les trois Etats, dans l'optique de
les réintégrer au sein de l'UA : le Mali, et la Guinée en ont été
suspendus en 2021, suivis du Burkina Faso en 2022, après le
changement inconstitutionnel de leurs gouvernements.
Depuis début 2023, les trois pays font campagne pour leur
réintégration dans les instances de la Cedeao et de l'UA. En février
à Addis-Abeba, en marge du sommet des chefs d'Etat de l'UA, les
ministres des affaires étrangères malien ( Abdoulaye Diop),
guinéen ( Morissanda Kouyaté) et burkinabè ( Olivia Rouamba)
avaient déjà rencontré Azali Assoumani. Lors de son déplacement
en mai, ce dernier devra s'entretenir avec les chefs des trois juntes.

AFRIQUE CENTRALE
CAMEROUN
FRANCE
BUSINESS

Après le port de Douala, Gill


Dingome et Thomas Clay
croisent le fer sur le pipeline
Tchad-Cameroun
La procédure d'arbitrage lancée par Petronas et
ExxonMobil contre le Cameroun devant le Cirdi est
suspendue depuis deux mois. L'avocat de Yaoundé,
Gill Dingome, demande la récusation de l'arbitre
désigné par les pétroliers, Thomas Clay, qu'il
connaît bien : par le passé, il l'a déjà visé pour faire
annuler un arbitrage sur le port de Douala.
En parallèle de la crise diplomatique tchado-camerounaise
déclenchée par la vente de 10 % de Cameroon Oil Transportation
Co (Cotco) par Savannah Energy à la Société nationale des
hydrocarbures (SNH) (AI du 26/04/2023), la procédure d'arbitrage
lancée par ExxonMobil et Petronas - anciens détenteurs des parts
de Savannah dans Cotco - contre l'Etat camerounais devant le
tribunal arbitral de la Banque mondiale, le Cirdi, connaît aussi
quelques remous, dans une ambiance plus feutrée.

Les co-arbitres, le Français Thomas Clay, la Franco-


Congolaise Téa-Corinne Kinta et l'arbitre principal, le
Canadien Pierre Bienvenu, doivent rendre d'ici à la fin du mois
d'avril leur décision concernant la demande de révocation de
Thomas Clay, désigné par le pétrolier américain et la major
malaisienne. Une requête qui avait été déposée à la toute dernière
minute, le 26 février, par l'avocat historique de l'Etat camerounais
en matière d'arbitrage, le Franco-Camerounais Gill Dingome, basé
à Paris.

Match retour
Or ce dernier a déjà croisé la route de Thomas Clay lors de
l'arbitrage opposant Bolloré Africa Logistics (devenu Africa
Global Logitics depuis le rachat par l'armateur italo-suisse MSC)
et l'Etat camerounais au sujet du port de Douala (AI du 08/02/23).
La sentence rendue en 2020 par la Chambre de commerce
internationale (CCI) de Paris avait condamné l'Etat camerounais à
payer une indemnité de 58 millions d'euros à la partie adverse.
Mais à la surprise générale, Gill Dingome avait réussi à la faire
annuler par la cour d'appel de Paris le 10 janvier 2023. L'avocat
avait plaidé, avec succès, l'existence de "liens personnels" entre
l'un des arbitres du dossier, Thomas Clay, et le conseil de
Bolloré, Emmanuel Gaillard, décédé en 2021.

Si la demande de récusation ne fait pas référence à cet épisode,


elle est cependant parvenue à faire retarder la procédure de deux
mois. Petronas et ExxonMobil, défendus par le cabinet d'avocats
parisien Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan, l'ont lancée en
décembre 2022 parce que le Cameroun voulait leur faire payer un
impôt sur leur sortie de Cotco. Selon eux, aucune taxe de ce type
n'était prévue dans le contrat (AI du 21/11/22).
RDC

INFRASTRUCTURES

Le groupe Arise se positionne


sur la ligne de chemin de fer
Matadi-Kinshasa
Les autorités congolaises, via la Société
commerciale des transports et des ports (SCTP),
ont lancé des discussions avec le groupe indien
Arise pour le rail entre le port de Matadi et
Kinshasa. Un corridor essentiel pour
l'acheminement des conteneurs jusqu'à la capitale
congolaise.

Le port de Matadi, en novembre 2018. ©Junior D. Kannah/AFP


Longtemps laissé en déshérence, le rail entre le port fluvial de
Matadi et la capitale de la RDC, Kinshasa, pourrait connaître un
nouveau souffle. Dans la plus grande discrétion, l'administration du
président Félix Tshisekedi a entamé des négociations avec Arise,
le groupe de l'entrepreneur indien Gagan Gupta, pour la remise à
niveau de la ligne de chemin de fer. L'investissement n'a pas
encore fait l'objet d'évaluation chiffrée, les discussions entre les
deux parties étant encore préliminaires.

Gestionnaire des voies reliant Matadi à Kinshasa, la Société


commerciale des transports et des ports (SCTP, ex- Onatra,
dirigée par Didier Musete) fait figure d'interlocuteur principal côté
congolais. Au sein du gouvernement, les discussions sont
supervisées par le vice-ministre des transports et des voies de
communication, Marc Ekila Likombio, avec l'appui d'experts
rattachés à la présidence, comme Bodom Matungulu. De son
côté, Arise s'est adjoint les services de l'avocat d'affaires Georges
Arama, du cabinet Klein Wenner. Ce dernier a déjà été sollicité
pour les projets du groupe au Rwanda.

Finances dégradées
Ces dernières années, la SCTP, en difficulté financièrement (AI
du 01/11/21), s'est montrée incapable de relancer l'exploitation de
la ligne Matadi-Kinshasa. Or celle-ci est particulièrement
stratégique pour l'économie congolaise. Situé en amont du fleuve
Congo, le port de Matadi constitue la principale porte d'entrée et de
sortie des marchandises à destination de Kinshasa. Faute de ligne
de chemin de fer opérationnelle, la route reste l'unique moyen de
transport des conteneurs.

Le projet de rénover le rail entre Matadi et Kinshasa intervient alors


que la RDC a lancé celui de la modernisation du port fluvial, dont
les installations sont obsolètes. Celle-ci est menée par le géant
italo-suisse de la logistique portuaire, Mediterranean Shipping
Company (MSC), en partenariat avec le fonds d'investissement
qatari, Maha Capital Partners. Le closing financier du projet a été
officialisé mi-mars par le premier ministre congolais Sama Lukonde
Kyenge (AI du 18/04/23).

De son côté, Arise n'en est pas à son coup d'essai en RDC. Le
groupe de Gagan Gupta s'est positionné sur un certain nombre de
projets, dont la plupart ont été négociés avec l'ex-conseiller spécial
chargé des investissements auprès du président, Jean-Claude
Kabongo, dit "JCK". Spécialisée dans la construction de
plateformes industrielles et logistiques, sa filiale Arise Integrated
Industrial Platforms (Arise IIP) a signé un accord-cadre pour le
développement de celle de Kin-Malebo, près de Kinshasa. Deux
autres, l'une dédiée à la transformation du bois, l'autre à
l'agroalimentaire, sont à l'étude (AI du 09/06/22).

GABON

BUSINESS

Orange négocie avec Libreville


son arrivée sur le marché
gabonais
L'opérateur téléphonique français Orange prépare son arrivée à
Libreville. Les équipes de la branche Afrique et Moyen-Orient du
groupe, dirigée par le Français Jerôme Hénique, ont rencontré, à
la fin du mois de mars, le premier ministre gabonais Alain-Claude
Bilié By Nzé, afin de discuter des possibilités d'investissements. Le
rendez-vous a eu lieu à la Chambre de commerce de Paris.

Le marché gabonais des opérateurs téléphoniques est dominé


aujourd'hui par Moov Africa Gabon (le nouveau nom de Gabon
telecom) et concurrencé par Airtel. C'est d'ailleurs avec ce dernier
qu'Orange avait signé un accord en 2020 afin de développer son
activité de transfert d'argent, Orange Money, à Libreville.
Depuis son arrivée à la tête de la branche Afrique et Moyen-Orient,
en juillet 2022, Jérôme Hénique a déjà étudié la possibilité d'une
installation au Nigeria, sans succès pour le moment. L'opérateur est
présent dans 17 pays sur le continent, dont le Cameroun, la
Centrafrique ou encore la RDC.

AFRIQUE DU NORD
TUNISIE
DIPLOMATIE

Le chef de la diplomatie
tunisienne, Nabil Ammar, fait le
ménage au ministère
Le nouveau ministre tunisien des affaires étrangères, Nabil
Ammar, impose peu à peu à sa marque, après sa nomination en
février en remplacement d' Othman Jerandi. Sans bruit, il a limogé
mi-mars le directeur général pour l'Europe, l' Union européenne et
la Méditerranée du ministère, Khalil Tazarki. Ce dernier, nommé
en janvier 2021 par décret présidentiel, était ainsi à la tête de l'un
des départements les plus stratégiques de la diplomatie tunisienne
depuis à peine deux ans. En privé, il avait fait part de plusieurs
dysfonctionnements concernant la direction.

Pour lui succéder, Nabil Ammar a choisi le diplomate Mehdi


Ferchichi, qui a été ambassadeur de Tunisie au Sénégal de 2017 à
2022. Celui-ci a d'ores et déjà pris ses fonctions de nouveau "M.
Europe" du ministère, alors que les relations entre le palais de
Carthage et Bruxelles sont particulièrement chahutées depuis
quelques mois (AI du 10/03/23).
ALGÉRIE

DIPLOMATIE

Le général Halouze sort de sa


retraite pour prendre la tête de
l'agence de coopération
internationale
Le général-major à la retraite Abed Halouze a été nommé par la
présidence algérienne directeur de l' Agence algérienne de
coopération internationale pour la solidarité et le
développement (AACISD).

Créée en février 2020 par décret présidentiel, cette agence est


restée sans directeur depuis le départ en novembre 2021 du
colonel Mohamed Chafik Mesbah, ancien officier de l'ex- Direction
du renseignement et de la sécurité (DRS). Il a été nommé
conseiller défense et sécurité auprès du président Abdelmadjid
Tebboune.

Ancien cadet de la révolution, qui a fait ses études à l' Académie


militaire de Cherchell, et officier du génie, Abed Halouze a dirigé
plusieurs écoles militaires avant d'être admis à la retraite. Entre
autres fonctions, il a été commandant de l' Ecole militaire
polytechnique d'Alger (EMP) et commandant de l' Ecole nationale
préparatoire aux études d'ingéniorat (ENPEI), deux
établissements qui forment l'élite de l'institution militaire. Homme de
terrain, réputé bon manager, Abed Halouze a généralement laissé
un bon souvenir à ceux qui sont passés sous ses ordres.
Gelée depuis sa création - la seule mission que Chafik Mesbah a
conduite à l'étranger remonte à son déplacement en Mauritanie en
novembre 2020 -, l'AACISD a été réactivée en février 2023 avec
une dotation d'une enveloppe d'un milliard de dollars sur décision
du président algérien, pour financer des projets de développement
dans certains pays d'Afrique subsaharienne.

AFRIQUE DE L'EST ET CORNE


ETHIOPIE
POLITIQUE

Les contours des négociations


tendues entre Abiy Ahmed et
l'OLA
Après de nombreuses tentatives de médiation, la
guerre des mots entre l'Oromo Liberation Army
(OLA) et le gouvernement fédéral éthiopien s'est
finalement apaisée, ouvrant la porte à une esquisse
de dialogue. Mais le processus reste encore très
fragile.
C'était l'une des principales revendications de l' Oromo Liberation
Army (OLA) : pour accepter de négocier avec le gouvernement
éthiopien, le groupe rebelle demandait l'intervention d'une tierce
partie, extérieure au jeu éthiopien. C'est désormais chose faite. Ce
mardi 25 avril, sous les bons auspices du Kenya et avec le soutien
logistique de la Norvège, des représentants du mouvement oromo
ont entamé un pré-dialogue avec des émissaires du premier
ministre Abiy Ahmed, à Zanzibar en Tanzanie.
Le principal artisan de ces échanges, qui doivent durer un mois, est
l'ambassadeur kenyan Mohamed Ali Guyo. Il est depuis fin mars le
patron de la task force pour la mer rouge et le golfe de l' Autorité
intergouvernementale pour le développement (Igad,
l'organisation régionale).

Côté éthiopien, la délégation est composée entre autres du


conseiller à la sécurité d'Abiy Ahmed, Redwan Hussein, du
ministre de la justice Gedion Timothewos, du chef des
renseignements militaires le general Demesew Amenu, et d'un
représentant du Oromia Administration and Security bureau.

La délégation de l'OLA est pour sa part composée de six Oromos


pour beaucoup issus de la diaspora, notamment Mohamed
Hassan, un historien à la Georgia State University, aux Etats-
Unis, Taha Abdi, un praticien de santé basé à Minneapolis, ou
encore le pasteur Banti Ujulu Tesso, basé à Hanovre, en
Allemagne.

Provocations verbales
L'ouverture de cette séquence s'apparente pour l'instant davantage
à des discussions sur l'organisation d'éventuels pourparlers, qui
pourraient avoir lieu dans un second temps. Et l'état d'esprit semble
encore teinté de défiance : dans son annonce de dimanche, Abiy
Ahmed s'est toujours refusé à appeler l'OLA par son nom, lui
préférant l'appellation péjorative "Oneg Shene".

Depuis le début de la guerre entre le gouvernement fédéral et l'OLA


en 2018 (AI du 03/10/22), une bataille des narratifs s'est installée.
Abiy Ahmed, qui qualifie régulièrement le mouvement rebelle oromo
de "désorganisé", se refusait jusqu'ici à lui accorder le crédit qu'il
réclamait.

Cette bataille des mots s'est cristallisée à l'aune de la signature


d'un accord de paix entre le gouvernement éthiopien et le Tigray
People's Liberation Front (TPLF), avec lequel l'OLA a été alliée
de circonstances en 2021. Le pouvoir central éthiopien a plusieurs
fois justifié la différence de traitement entre les deux groupes,
accusant l'OLA de ne pas avoir de revendications politiques claires.
Triés sur le volet
Pour répondre à ces accusations de flou dans ses intentions, le
groupe a publié en janvier 2023 un bref manifeste. Dans ce texte de
14 pages, le mouvement revendique l'autodétermination politique,
la souveraineté économique et la protection des droits
socioculturels du peuple oromo contre l'appropriation des
amharophones. Le leader de l'OLA, Kumsa Diriba, mieux connu
sous le nom de guerre " Jaal Marro", se défend aussi, dans la
publication, d'avoir perpétré des attaques à caractère ethnique et
propose la mise en place de mesures d'ouverture, dont certaines
pourraient être discutées à Arusha.

Faute de confiance, les tentatives de médiation internes avaient


jusqu'ici fait long feu. Le 16 février 2023, le président de l'Etat
régional d'Oromia, Shimelis Abdisa, avait par exemple appelé
l'Oromo Liberation Army à participer à des pourparlers de paix. En
parallèle de cet appel, soutenu par le Prosperity Party (PP, au
pouvoir), un comité régional chargé de suivre la question avait été
mis en place.

Ce comité était notamment composé de membres du parti PP


d'Oromia, de membres de l' Oromo Liberation Front (OLF), du
conseil des Abba Gada et de chefs religieux. Mais de son côté,
l'OLA reprochait aux Abba Gada, des sages dans la culture oromo,
d'avoir été triés sur le volet par le gouvernement.

En l'absence de progrès tangibles, et à la faveur d'une accalmie


médiatique dans le Tigray, les parlementaires se sont emparés de
la question en début d'année. Interrogé fin mars devant la chambre
des représentants, le premier ministre s'est une fois de plus justifié
en reprochant à l'OLA son manque d'unité.

Nombreuses zones de tension


Compte tenu de l'étendue de la région, la plus grande du pays en
superficie et en population, et de son histoire, l'OLA est en effet très
dispersée sur le territoire éthiopien. L'organisation est née en 2018
de la scission de plusieurs cadres de l'OLF ayant refusé de déposer
les armes, sceptiques face aux promesses de paix d'Abiy Ahmed,
alors à peine arrivé au pouvoir.
L'OLA se structure en quatre commandements régionaux : nord,
sud, est et ouest. Leurs chefs forment le haut commandement
central, sous le leadership de Jaal Marro. Il a pour adjoint le doyen
du haut commandement, le commandant de la zone
sud Gammachuu Abboyyee, membre de l'organisation depuis le
début des années 2010.

Dans son manifeste, l'OLA explique sa dissémination géographique


par l'engagement qu'elle a pris à "protéger" le peuple oromo
des "actions des forces de sécurité éthiopiennes". Si le cœur des
opérations des Ethiopian National Defence Forces (ENDF) et de
l'appareil sécuritaire fédéral se concentre principalement dans
l'ouest chrétien, notamment en raison des tensions ethniques avec
les milices amhara voisines, les zones de tension sont nombreuses
et débordent même au Kenya (AI du 08/12/22).

Bien que décorrélés du combat de l'OLA, les fortes tensions début


février au sein de l'église orthodoxe oromo, autour de questions
identitaires, ont fait prendre conscience au gouvernement éthiopien
de la nécessité d'un changement d'approche.

AFRIQUE AUSTRALE ET ÎLES


ANGOLA
POLITIQUE
BUSINESS

Le groupe de BTP Omatapalo


favori du parti présidentiel
MPLA
Actif dans le bâtiment, le groupe luso-angolais
Omatapalo sait conjuguer ses liens au sein du
MPLA, le parti du président angolais João
Lourenço, avec sa connaissance des réseaux
portugais dans le pays, afin de multiplier les
contrats publics.
L'extension de 500 millions d'euros de la ligne de crédit accordée,
le 5 avril, par le Portugal à l'Angola, signe l'importance des liens
entre les deux pays. Elle constitue aussi une excellente nouvelle
pour l'entreprise de construction luso-angolaise Omatapalo, qui
profite à plein des réseaux portugais en Angola.

Depuis l'arrivée au pouvoir, il y a cinq ans, de João Lourenço, elle


a en effet engrangé l'équivalent de 3 milliards de dollars de contrats
publics. Environ 90 % de ce montant provient de contrats simplifiés,
sur décret présidentiel, sans procédure d'appel d'offres. Omatapalo
Angola a par ailleurs obtenu un total de 19 contrats publics pour la
seule année 2022 sur la centaine de consultations auxquelles elle a
concouru.

En cinq ans, la firme a ainsi quadruplé le chiffre d'affaires qui était


le sien sur toute la dernière décennie de la présidence José
Eduardo Dos Santos (1979-2017). De 2008 à juillet 2017, elle a
reçu l'équivalent de 741 millions de dollars pour treize contrats
publics, dont trois d'entre eux attribués par décret présidentiel et dix
par arrêté ministériel.

Un actionnaire au parti présidentiel


Fondé en 2003, à Lubango (province de Huíla), Omatapalo Angola
compte à ses côtés un actionnaire puissant politiquement : Luís
Manuel da Fonseca Nunes. Ce ponte du Movimento Popular de
Libertação de Angola ( MPLA) a intégré le Bureau Politico (BP) du
mouvement en septembre 2018, quelques mois après être devenu
gouverneur de la province de Huíla. Il est gouverneur de celle de
Benguela depuis 2021. De 2018 à 2019, il avait intégré
le Conselho da República, organe collégial de personnalités
chargées de conseiller le président.

Quasi-majoritaire dans la société depuis 2012, Luís Manuel da


Fonseca Nunes devient actionnaire principal avec 51 % des parts,
au travers de son entreprise Sociedade Comercial
Lizena (Socolil), en octobre 2017, peu après l'élection de João
Lourenço.

Président du conseil d'administration de la société, depuis 2018,


l'ingénieur portugais Carlos Alberto Loureiro Alves, détient,
depuis 2017, 47 % des parts de l'entreprise à travers Highways
Investment. C'est aussi par le biais de cette société que Carlos
Alberto Loureiro Alves se trouve être l'unique actionnaire
de Omatapalo Engenharia e Construção, dont le siège est situé
au Portugal.

Crédits américains et britanniques


Deux chantiers sont directement financés par Lisbonne : celui des
infrastructures de la Vila da Muxima (AI du 20/04/23), remporté en
2019 par Omatapalo Portugal grâce à un "appel d'offres limité",
pour 153,7 millions d'euros ; et celui de la rocade de Lubango
(capitale de la province de Huíla) pour 176 millions d'euros. La
réhabilitation du palais des sports de Luanda (4,9 millions de
dollars) a été confiée par décret à Omatopalo Portugal, quand
Omatapalo Angola a décroché, en octobre, la construction d'une
infrastructure similaire dans la province de Cuanza Norte (23,8
millions de dollars).

Un contrat d'1,9 milliard de dollars a par ailleurs été signé en 2022


par Omatapalo Portugal, en consortium avec la firme
américaine Sun Africa, pour l'électrification de 26 bâtiments
municipaux et de 56 communes avec des centrales
photovoltaïques. Ce mégaprojet est financé par l' EximBank,
l'agence américaine de crédit à l'exportation. En août 2021,
Omatapalo Portugal a aussi remporté l'appel d'offres de 149
millions d'euros pour la construction et l'équipement du nouvel
hôpital des brûlés de Luanda via l'agence britannique de
financement de l'exportation, UK Export Finance (UKEF).

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