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Vidal était beau à regarder. Il glissait à travers son travail, sans accrocher jamais, comme s’il eût d’avance tous
les chemins. Il ne semblait pas pressé. On eût dit qu’il acceptait une occasion comme une autre d’occuper ses
EXAMEN DE FIN DE TRIMESTRE 3
mains pour distraire l’esprit. Sa longue habitude de travailler sans aide lui avait donné en effet des élégances
d’acrobate ou de prestidigitateur. À la seconde même où le besoin s’en faisait sentir, l’on voyait de dessous son
bras, d’entre ses jambes, d’une poche de sa veste, de sa manche, sortir un tournevis, une vrille, une pince, un
marteau, une mignonne paire de tenailles.
Soudain, apparaissait entre son pouce et son index le boîtier d’un double mètre en métal élastique. Le métal en
ruban filait le long du mur, puis rentrait brusquement, comme l’immense langue d’une bestiole. Jamais la
mesure n’était fausse. Jamais l’on n’entendait Vidal grogner. Il n’accusait point les clous de se tordre exprès, ni
les bois de se fendre, ni le plâtre du mur d’éclater par morceaux. Tout ce qu’il se permit en ce sens fut de dire
une fois : « Les murs ne sont pas fameux. »
De temps en temps, il descendait de l’escabeau, se reculait, examinait ce qui restait à faire. Puis il coupait une
longueur de fil, renouvelait la prévision de pointes dans sa poche, changeait sous son bras un outil contre un
autre.
Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté (1932-1946) ©Flammarion.
I. QUESTIONS ET CONSIGNES