Vous êtes sur la page 1sur 4

OE2 LL4 « 

LE MALADE IMAGINAIRE » (ACTE I, SC.1)


COMÉDIE MÊLÉE DE MUSIQUE ET DE DANSE

(→SÉQUENCES)

ACTE I, Scène 1 :


Argan, seul dans sa chambre, assis, une table devant lui, compte des parties 1 d’apothicaire2
avec des jetons3 ; il fait, parlant à lui-même, les dialogues suivants :

Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq.
« Plus, du vingt-quatrième4, un petit clystère5 insinuatif6, préparatif et rémollient7,
pour amollir, humecter, et rafraîchir les entrailles de Monsieur. » Ce qui me plaît de
Monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles : «
5 les entrailles de Monsieur, trente sols8». Oui, mais Monsieur Fleurant, ce n’est pas
tout d’être civil, il faut aussi être raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente
sols un lavement : je suis votre serviteur9, je vous l’ai déjà dit. Vous ne mes les avez
déjà mis dans les autres parties qu’à vingt sols, et vingt sols en langage d’apothicaire,
c’est-à-dire dix sols, les voilà, dix sols. « Puis, dudit jour10, un bon clystère détersif11
10 composé avec catholicon12 double, rhubarbe, miel rosat13, et autres, suivant
l’ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de Monsieur, trente sols ».
(…) Allons, qu’on m’ôte tout ceci. (…) (Il sonne une sonnette pour faire venir ses gens).
Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin :
point d’affaire. Drelin, drelin, drelin : ils sont sourds. Toinette ! Drelin, drelin, drelin :
15 tout comme si je ne sonnais point. Chienne, coquine ! Drelin, drelin, drelin : carogne,
à tous les diables ! Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout
seul ? Drelin, drelin, drelin : voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin : ah, mon
Dieu ! ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin.

(Les étapes de votre brouillon à connaître dans l’ordre – Les procédés sont en gras)
1
Parties = factures
2
Apothicaire = pharmacien
3
Jetons = Argan utilise des jetons de couleur différente comme les commerçants de l’époque
4
Il s’agit du 24e du mois.
5 5
Clystère = Lavement liquide
6
Insinuatif= pénétrant
7
Rémollient = apaisant pour le ventre
8
Sols = sous
9
je suis votre serviteur = ironiquement « je vous en prie »
10 10
Dudit jour = le même jour
11
Détersif = qui nettoie
12
Catholicon = remède supposé miraculeux
13
Miel rosat = miel contenant une préparation à la rose
1

15
I. PRESENTATION AUTEUR/ŒUVRE :

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673) est un célèbre dramaturge français, auteur et
inventeur de la comédie-ballet et de la comédie classique. La comédie-ballet comme Le
Malade imaginaire (créé en 1673) est un divertissement qui mêle des danses et des chants au
jeu théâtral. La comédie classique (comme l’Ecole des femmes, 1662), quant à elle, imite
l’organisation de la tragédie – genre noble- car écrite en V actes et en alexandrins.
Dans le Malade imaginaire, Molière se livre à une critique de la médecine et des médecins de
son temps à travers le personnage d’Argan, un hypocondriaque qui tremble à chaque instant
pour sa santé.

II. ANNONCE DE LA PROBLEMATIQUE :


- Quelles sont les caractéristiques de cette scène d’exposition ?
- De quelle façon le dramaturge fait-il le portrait du personnage d’Argan ?

LECTURE EXPEESSIVE ICI

III. ANNONCE DES MOUVEMENTS :


MOUVEMENT 1 : LES COMPTES D’APOTHICAIRE D’ARGAN
MOUVEMENT 2 : LA COLERE/ LES CAPRICES D’ARGAN

IV. PRESENTATION DU PASSAGE :


→ Il s’agit de la première scène de l’acte I de la pièce.
→ Elle a été précédée par l’Eglogue (poème d’inspiration pastorale faisant dialoguer des
bergers dans un cadre champêtre)
→ Et aussi par le 2e Prologue où est évoqué « le caquet des médecins » digne seulement
d’être entendu par un malade imaginaire)
- L’églogue et le prologue font partie du spectacle destiné à divertir le roi et la cour.
- C’est alors seulement que commence la pièce par les didascalies fonctionnelles qui
précisent le lieu de l’intrigue et le comportement du personnage : « seul », « assis » devant
une table, fait ses comptes, « avec des jetons ».
- La didascalie expressive « il fait, parlant à lui-même, les dialogues suivants » : indique qu’il
s’agit d’un monologue, mais paradoxalement, avec des dialogues imaginés par le
personnage.

V. ANALYSE MOUVEMENT 1 : LES COMPTES D’APOTHICAIRE D’ARGAN

Installé dans sa chambre, cadre idéal pour un malade, Argan est en train de faire
scrupuleusement ses comptes. La présence de nombreux adjectifs cardinaux montre
que ses additions sont faites avec beaucoup de précision : « trois », « deux », « cinq »
(l.1-2), « trente sols » (l.5). L’adjectif numéral ordinal « vingt-quatrième » (l.2) se
rapporte quant à lui à la date des soins facturés. En réalité, Argan est en train de
vérifier les montants des sommes qui lui sont demandées au titre des différents
traitements médicaux dont il a fait l’objet. On apprend très vite que tous ces
traitements ne sont en réalité que des lavements ou des préparations pour faciliter la
réalisation des lavements. Ceux derniers sont des traitements très en vogue au XVIIIe
2
siècle, au même titre que les saignées. Ainsi, le champ lexical de la purgation est ici
une source de comique farcesque : « clystère » (l.2), « rémollient » (l.2), « amollir »
(l.3), « humecter » (l.3), « entrailles » (l.3).
Argan vérifie donc ses comptes, tout en effectuant un monologue à voix haute. De
temps en temps, il adresse une apostrophe à ceux qu’il doit payer. Ainsi, assiste-t-on
au dialogue imaginaire avec Monsieur Fleurant, l’apothicaire. L’alternance des
pronoms personnels à la 1ère personne « je », « me » et ceux de la 2e personne du
pluriel nous permet de voir la folie du personnage. En effet, Argan s’adresse à M.
Fleurant par les remarques : « je vous l’ai déjà dit », « Vous ne me les avez déjà mis
dans les autres parties qu’à vingt sols » (l. 7-8), alors que Monsieur Fleurant n’est pas
là! En écoutant Argan faire ses comptes, on se rend compte qu’il paye une somme
considérable pour de nombreux lavements. De même, l’évocation du champ lexical
de remèdes et ingrédients rares suggère que la composition de ses nombreux
clystères doit être quelque chose de très onéreux aussi : « catholicon double,
rhubarbe, miel rosat » (l.10). En tout cas, les comptes méticuleux faits par Argan
montrent deux choses : d’une part, qu’il se voit administrer un nombre important de
lavements (=hypocondriaque), puis, on découvre un autre côté de sa personnalité –
son avarice (il est près de ses sous et n’hésite pas à négocier les factures des
médecins/apothicaires).
VI. ANALYSE MOUVEMENT 2 : LES CAPRICES D’ARGAN

Une fois ses comptes finis, Argan fait appel à sa domestique, Toinette, comme l’indique la
didascalie fonctionnelle Il sonne une sonnette pour faire venir ses gens (l.12) Son
monologue est ponctué de nombreux points d’exclamations : « Toinette » ! (l.14),
« Chienne ! Coquine ! » (l. 15), « Carogne, à tous les diables ! » (l. 15-16) qui montrent
qu’il est irascible et impatient. De même, les trois insultes contenues dans ses
exclamations témoignent d’une attitude désagréable et peu respectueuse envers
Toinette. La question rhétorique : « Est-il possible qu’on laisse comme cela un
pauvre malade tout seul ? » (l. 16) témoigne clairement du côté hypocondriaque
d’Argan. Il en est de même avec l’exclamation « ah, mon Dieu ! ils me laisseront ici
mourir » (l.18). Ces deux phrases qui contiennent les plaintes d’Argan ont également
un côté hyperbolique qui rend le personnage risible. Le comique de caractère
domine donc tout ce 2e mouvement.

VII. CONCLUSION :

→ SYNTHESE : Ainsi cette scène d’exposition permet en premier lieu de faire connaissance
avec le personnage principal. En effet, elle met l’accent sur le personnage central d’Argan et
dévoile son obsession ridicule pour la médecine et son hypocondrie. A travers son
monologue, on découvre également son avarice et son égocentrisme.
→Le comique de caractère est donc posé au centre de la pièce d’entrée de jeu.
Nous sommes donc en présence du registre comique, mais aussi satirique lorsque Molière
fait la critique de la médecine et des traitements extravagants d’Argan.

3
De façon originale, par le biais du discours d’Argan, les spectateurs font aussi connaissance
avec les personnages de M. Fleurant, l’apothicaire, et Toinette. Cette présentation des
personnages fait partie aussi des fonctions de la scène d’exposition.
Cependant, même si on fait connaissance avec certains personnages, l’intrigue de la pièce
n’est pas encore annoncée.

→ OUVERTURE : Ne pas oublier de donner la source :


Réalisateur Patrick Czaplinski
Théâtre de la Porte Saint Martin – 2009
Argan : Michel Bouquet
→ Dans la mise de P. Czaplinski de 2009, nous découvrons une adaptation fidèle au texte de
Molière avec un Argan assez âgé et absorbé par ses comptes (grand livre de comptes, plume
etc)

20 4

Vous aimerez peut-être aussi