Farida Sawadogo

« Comment osez-vous ? »

Mai 2006, les Bosquets, Montfermeil. Komotine Coulibaly, femme de 45 ans, est
insultée, gazée menottée et traînée à terre par des policiers devant ses enfants et ses voisins.
17 août 2006, Paris. Albertine Sow, enceinte de plusieurs mois, est matraquée et gazée
alors qu’elle est témoin d’un acte de violence policière.
2 février 2017, la Rose des Vents, Aulnay sous Bois, Theodore Luhaka est gravement
mutilé lors d’une interpellation violente par un groupe de quatre policiers.

Aux forces de l’ordre, je dis « Comment osez-vous ? »

Comment osez-vous disposer du corps de vos concitoyens de cette façon ?

Comment osez-vous traiter des êtres humains ainsi ?
Comment osez-vous alimenter la colère du peuple ?
La haine et la tristesse causées par toutes ces bavures n’ont pas de secret pour moi,
enfant du 93. La haine me prend au ventre, aux tripes. Là, elle fermente et gonfle. Puis elle
éclate. La haine rugit en moi tel un volcan en fusion. Devant la violence policière, je serre les
dents si fort qu’elles pourraient se briser.
Je te hais, violence policière.

Cela dure depuis trop d’années. Depuis 2005, nous perdons entre 10 et 15 frères par
an. Ils ne meurent pas de cause naturelle, non, mais bien à cause de la violence policière. Tous
les moyens sont bons pour cogner et tuer un banlieusard sans se dire que l’on détruit une
famille derrière. Tout est bon pour nous mentir et prétendre à chaque fois qu’il s’agissait de
légitime défense.
Combien de ces policiers ont-ils été réellement punis ?
Je m’adresse ici aux forces de l’ordre. Avez-vous une conscience ? Arrivez-vous à
dormir ?
Nous voyons nos proches mourir chaque jour sous vos coups. Nous voyons nos mères
pleurer la disparition éternelle de leur enfant. Mais cette souffrance que vous provoquez reste
impunie. Sommes-nous des cobayes pour vos entraînements ? Sommes-nous des rats que vous
voulez exterminer ? L’État vous donne des armes et des moyens pour nous protéger. Mais
vous les utilisez pour nous briser. Honte à vous. Honte aux gouvernements qui justifient ces
actes. Honte au système judiciaire lorsqu’il vous protège.

Police, aide-nous à t’apprécier, aide-nous à croire à ta protection. Aide-nous à vivre et

non à mourir. Je rêve de faire un câlin à un policier pour le remercier de m’avoir protégée. Je
rêve de ne plus avoir peur d’en croiser, parce que je suis une fille de banlieue. Je rêve de vivre
dans une France où la violence policière est punie comme il se doit. Je rêve de vivre dans une
Seine-Saint-Denis où l’on ne craint pas que demain soit notre dernier jour, ou celui d’un
proche. Méritons-nous tout cela ? Qu’avons-nous fait ?

Albertine Sow, Nelson, Baba Traoré, Bouna, Zied et tant d’autres. Combien de morts
supplémentaires avant de vous arrêter ?

Policiers, arrêtez d’être aussi violents. Nous sommes assez forts. Et peu importent les
coups qu’il faut encaisser, nous nous relèverons toujours.

Policiers, policières, osez maintenant nous protéger, et nous oserons vous apprécier.