Vous êtes sur la page 1sur 2

Sorbonne Nouvelle FLE Xiaolong MA

Vers une cyberdémocratie

Il est tentant de voir dans Internet la pire des menaces contre la démocratie. Né des

besoins de l'armée américaine, le Web - la toile - serait l'instrument d'une future

centralisation du pouvoir qui donnerait aux grandes institutions, publiques et privées,

un contrôle absolu sur la vie des citoyens et réduirait à néant leur capacité d'influer sur

la politique.

Il faut se méfier de tels pronostics. Le Web représentera sans aucun doute une mutation

radicale dans la façon de communiquer, aussi importante que l'ont été, en d'autres temps,

l'imprimerie et le téléphone. La comparaison n'est pas innocente : dans les deux cas, le

pronostic de l'époque fut que ces innovations allaient renforcer le pouvoir en place.

L'imprimerie allait permettre à l'Église, de faire connaître la Bible, et au Saint Empire

germanique de généraliser le latin ; grâce au téléphone, la bourgeoisie industrielle et les

hommes politiques pourraient donner des ordres par-delà les intermédiaires - syndicats

et partis. Tout au contraire, ces deux innovations furent sources de décentralisation :

l'imprimerie ouvrit la voie au protestantisme, mettant à la portée des fidèles les textes

sacrés et libéra les nationalismes en rendant disponibles les grammaires des langues

vernaculaires. Le téléphone favorisa la communication horizontale des citoyens plutôt

que celle, verticale, des dirigeants ; il accompagna, partout où il se généralisa, le

développement de classes moyennes nombreuses et solidaires.

Là est la raison fondamentale de cette erreur de pronostic : ces deux innovations ne

mettaient pas les utilisateurs en relation avec un centre, mais créaient entre eux des liens

directs. A cela, aucun pouvoir ne résiste.


Sorbonne Nouvelle FLE Xiaolong MA

Il en ira de même avec Internet. A la différence du Minitel, le Web permet de se brancher

sur un nombre quasi illimité de sources d'informations ; plus encore, il incitera chacun

à devenir émetteur et non plus seulement récepteur de produits culturels sophistiqués,

à devenir l'éditeur de son journal et à le proposer à tous, par le simple canal d'un modem.

Ce formidable effet décentralisateur accompagnera la mondialisation de l'économie,

elle aussi facteur de décentralisation. L'un et l'autre auront des conséquences majeures

sur la démocratie. On ira vers :

Une société émiettée où chacun voyagera réellement et virtuellement, où chacun

appartiendra à plusieurs tribus, à plusieurs territoires, où chaque groupe trouvera son

forum de discussion, où les solidarités nationales se déferont au profit de nouvelles

configurations religieuses, culturelles ou ethniques.

Une société planétaire où chacun pourra parler à qui il veut, pour un coût indépendant

de la distance parcourue par le message, créant une sorte de citoyenneté planétaire

réservée aux branchés du réseau - 2% des habitants de la planète ont accès à Internet,

15% à l'informatique et moins de 50% au téléphone.

Une société sans intermédiaires où la démocratie électronique, si redoutée depuis

longtemps, deviendra techniquement possible : le citoyen pourra s'adresser réellement

à chaque instant au pouvoir, comme le permettent déjà virtuellement les sondages.

Sources : L’express

https://www.lexpress.fr/informations/vers-une-cyberdemocratie_619841.html

Vous aimerez peut-être aussi