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Un manifeste rédigé par Dominique Wolton (« Penser Internet ») clôt l’ouvrage.
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WOLTON D., Internet, et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Paris, Flammarion,
« Champs », 2000.
La génération Internet, les valeurs des médias
Wolton fait le constat de l’existence d’une génération Internet, optimiste, qui n’a pas
connu les déboires de la crise, du chômage, etc. Si elle a fait d’Internet un puissant moyen
d’expression personnelle, il l’exhorte à aller au-delà, vers l’expression politique, plaidant que
ce qui fait la force d’Internet, sa virtualité, est aussi ce qui fait sa limite…
La racine de ce combat est la recherche de l’intérêt général, plus que de l’intérêt particulier
qui est au cœur du modèle communautariste, « américain », où chacun peut vivre sans se
soucier de l’autre, et qui se trouve derrière Internet…Pour Wolton, Internet, « accélérateur de
temps », sert a priori plutôt l’intensification des relations de proximité que la découverte et la
compréhension de l’autre et de sa différence. C’est d’ailleurs ce qui le pousse à défendre la
télévision comme une valeur refuge : elle induit une communication initiée par l’offre, pas
maîtrisée par l’individu comme l’est ce qu’il peut faire sur Internet. Avec la télévision
généraliste, l’individu sera « exposé » à d’autres cultures, histoires, raisonnements,
croyances, que les siens. Sur Internet, il rencontrera vraisemblablement principalement ce
qu’il connaît déjà.
Quoi qu’il en soit, selon Wolton, la création et la banalisation d’Internet relèvent bien
d’une révolution technique. Il faut donc gérer cette révolution, l’intégrer, la façonner et la
mettre à profit…Cette technique est révolutionnaire, car elle présente simultanément deux
caractéristiques. Premièrement, une réponse aux aspirations de l’air du temps – ici, une
volonté de créer et d’avoir tout à disposition sans contrainte de lieu ou de temps.
Deuxièmement, une rupture culturelle, face au gigantisme industriel qui a, jusqu’à
l’avènement de l’ordinateur, dominé l’économie, mais aussi face aux médias de masse qui ont
façonné la vie des deux générations précédentes.
La « société de l’information »
L’appellation « société de l’information » n’est, pour Wolton, rien d’autre qu’une litote,
une vision industrielle techniciste, et une rengaine commerciale : les sociétés ont toujours été
de communication et d’information !
Internet souligne les différences, promeut le modèle communautaire et individualiste. Il
faut, dit Wolton, refuser de s’inscrire dans la thèse fort à la mode, déjà formulée en son temps
par Norbert Wiener, qui affirme que communiquer plus c’est communiquer mieux…Il
déplore la disparition des cadres communs, d’une culture minimale partagée de tous,
disparition que les TIC ne font qu’accélérer et que, par contraste, la télévision généraliste
contribue (contribuait ?) à façonner, à sauvegarder.
Information et éducation
La capacité d’accès à l’information compte désormais moins que la capacité d’exploitation
de cette information. Wolton entend se positionner en faux face au discours qui prétend
qu’Internet rend inutiles les « intermédiaires » face à l’information, que sont enseignants ou
journalistes ; pour lui, ceux-ci sont au contraire les principales personnes capables de
neutraliser le discours dominant, qui entend peut-être trop instrumentaliser l’école. Internet
ne doit pas être rejeté pour autant dans le système d’éducation : il agit comme un stimulant à
la curiosité d’apprendre.
Wolton réfute également les idées, souvent simplistes, qui prônent Internet pour tout, de
la formation permanente à l’éducation dans les pays pauvres.
Réguler – réglementer
Wolton plaide pour une réglementation « responsable » d’Internet, par le biais des
instances démocratiques, relayées par des autorités de coordination pour pallier aux lacunes
de réglementation internationale. Contrôle public n’est pas contrôle politique, rappelle-t-il en
guise d’assurance à ceux qui craindraient une mainmise étatique sur Internet. Laisser le soin
de la réglementation aux seuls acteurs « intérieurs » au réseau c’est aller tout droit vers le
triomphe de la loi du plus fort, estime-t-il.