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Insatiable DEVON
NOEMIE CONTE
L’auteur est représenté par Studio 5 Éditions.
Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de ce livre ou de
quelque citation que ce soit sous n’importe quelle forme.
Titre : Insatiable Devon Auteur : Noemie Conte ©Studio 5 Éditions Dépôt
copyright : mars 2021
Couverture : ©Studio 5 Éditions Création : Lana Graph Crédit photos :
Istock ISBN : 978-2-492631-04-7
Studio 5 Éditions
65 route de saint leu
95600 Eaubonne
IMMATRICULATION : 891 250 458
www.studio5editions.com
Table des matières
Prologue
Chapitre 1 Eva
Chapitre 2 Eva
Chapitre 3 Eva
Chapitre 4 Eva
Chapitre 5 Eva
Chapitre 6 Eva
Chapitre 7 Devon
Chapitre 8 Eva
Chapitre 9 Eva
Chapitre 10 Devon
Chapitre 11 Eva
Chapitre 12 Eva
Chapitre 13 Eva
Chapitre 14 Devon
Chapitre 15 Eva
Chapitre 16 Devon
Chapitre 17 Eva
Chapitre 18 Eva
Chapitre 19 Eva
Chapitre 20 Eva
Chapitre 21 Eva
Chapitre 22 Eva
Chapitre 23 Devon
Chapitre 24 Eva
Chapitre 25 Devon
Chapitre 26 Eva
Chapitre 27 Eva
Chapitre 28 Eva
Chapitre 29 Eva
Chapitre 30 Eva
Chapitre 31 Eva
Chapitre 32 Eva
Chapitre 33 Devon
Chapitre 34 Eva
Chapitre 35 Eva
Chapitre 36 Eva
Chapitre 37 Eva
Chapitre 38 Eva
Chapitre 39 Eva
Chapitre 40 Devon
Chapitre 41 Eva
Épilogue
Juin 2017,
Premier jour de travail au bureau.
Juin 2020,
De nos jours.
Je quitte ma paperasse des yeux pour pouvoir lui faire face, le gratifie
de mon air le plus victorieux qui soit, puis me lève ensuite sans plus
attendre en ajoutant d’un petit rictus moqueur :
— C'est nettement mieux comme ça, vous ne trouvez pas ?
Ensuite, je lui passe devant en balançant délibérément ma longue
queue de cheval brune sous son nez, et remarque aussitôt que l'odeur
habituellement boisée de son parfum est intégralement recouverte par celle
du whisky fraîchement consommé. Ça, c'est assez surprenant. D’ordinaire,
Monsieur Anderson boit uniquement lors de rendez-vous professionnels
dans son bureau. Il partage généralement un ou deux verres de liquide
ambré avant la signature d'un contrat, néanmoins… je ne l'avais encore
jamais surpris à faire ça seul. C'est… étrange. Oui, car jusqu’à maintenant,
je ne pensais pas qu’un homme comme lui pouvait se permettre ce genre de
chose. Ce genre d’écart, plus précisément. Mais voilà finalement que j’en
découvre une toute nouvelle facette, me montrant donc que oui, Devon peut
parfois s’avérer être quelqu'un de tout à fait normal. Quelqu'un qui a des
soucis, comme tout le monde.
— Pourquoi m’avoir demandé de venir ici, au juste ? l’interrogé-je
alors en me retournant rapidement vers lui.
Le sang me monte instantanément à la tête lorsque je le surprends à me
reluquer, toujours fermement appuyé contre le chambranle de porte. Merde,
ça aussi, c'est parfaitement inhabituel. Mais fort heureusement, il met
aussitôt fin à ma gêne, et se contente simplement de regagner son bureau au
pas de course, comme si de rien n’était. Comme si ses iris noisette n'avaient
pas délibérément glissé sur la peau de mes cuisses quelques secondes
auparavant.
— Mon frère arrivera à la première heure demain matin, souffle-t-il en
s'affalant nonchalamment au fond de son large fauteuil.
Voilà qui est plus clair pour moi. Effectivement, je comprends mieux
pourquoi mon implacable boss est dans un tel état de panique ce soir. Son
frère jumeau. Caleb Anderson, ou plutôt… le mâle alpha dans toute sa
splendeur. Merde, moi-même je pourrais perdre mes moyens, rien qu’à
l’entente de ce prénom. Pas pour les mêmes raisons que mon patron, fort
heureusement.
En réalité, Caleb est devenu notre meilleur collaborateur l’an dernier,
toutefois… cette alliance professionnelle n’a absolument pas rapproché les
deux frères. Bien au contraire, je crois qu'ils se détestent encore plus
qu'auparavant. Malheureusement… j’imagine que c’est un risque à prendre,
quand il s'agit de s’allier à son propre frère.
Lors de ma toute première rencontre avec Caleb, j'étais -comme
souvent- en compagnie de Monsieur Anderson. Il ne m'a d'ailleurs pas fallu
plus d'une minute pour saisir combien ils se méprisaient mutuellement. En
réalité, Devon est le parfait opposé de son frère. Mentalement parlant, je
veux dire. Il va de soi qu'ils sont en revanche parfaitement identiques
physiquement. Tous les deux beaux comme des dieux, c'est indéniable.
Cependant, mon cher patron n'est qu'un vulgaire brouillon à mes yeux. Il est
tout ce qu'il y a de plus détestable, tandis que son frère, lui, est un véritable
gentleman. Je crois d'ailleurs n'avoir jamais vu autant de qualités chez une
seule et unique personne. Il est beau, intelligent, souriant, gentil, drôle,
charismatique… bref, ce mec est la définition même du mot perfection. Il
fait partie des derniers vingt pour cent. Ouais, ça existe bel et bien.
— Je sais à quoi vous pensez, Eva.
Le ton affreusement rauque qu'emploie mon patron me sort
soudainement de ma petite bulle de bonheur. Flop ! Elle éclate, comme un
vulgaire ballon de baudruche se frottant d'un peu trop près aux épines
tranchantes d'une magnifique rose rouge.
— N'oubliez pas la dernière ligne de votre contrat, ajoute-t-il ensuite,
mâchoires serrées.
— Je n'oublie pas, approuvé-je d’un ton bien assuré.
C'est faux. En vérité… j'avais complètement oublié que mon connard
de patron m'avait contrainte à signer un bout de chiffon pareil :
" Interdiction de coucher avec Monsieur Caleb Anderson, soit mon
propre frère, tant que vous travaillerez sous mes ordres."
Chapitre 2
Eva
Chapitre 3
Eva
♤♤♤
Lorsque j'ai ouvert la porte de mon antre, j'ai eu le "plaisir" de
découvrir tout le travail supplémentaire que m'avait laissé Monsieur
Anderson. À vrai dire… rien de trop étonnant, au final. Oui, puisqu’il agit
constamment de cette façon. Comme une petite-fille frustrée, après qu'on
lui ait refusé une grosse barba papa à la fête foraine du coin. En effet,
quand mon boss a fini par comprendre que je n'arriverais jamais à temps
pour préparer les mignardises, il s'est précipité sur des dossiers entassés
depuis plusieurs mois, pour seul but de me punir sévèrement. Et bien
évidemment… là non plus, je ne dirai rien. Pour être honnête, je compte
bien continuer à l'éviter un maximum. Quoique… j’ai peut-être oublié un
détail considérable ; Son bureau est accolé au mien.
— Je peux savoir pourquoi vous êtes arrivée au bras de mon frère, ce
matin ?! m'assaille-t-il alors, juste après avoir brusquement ouvert la porte.
Je rougis instantanément. À vrai dire, cette question me met
terriblement mal à l'aise. Je sais pertinemment qu'il ne s'est rien passé
d'extraordinaire avec Caleb, néanmoins… mon patron, lui, voit
incontestablement la chose d'un autre œil.
— Il m'a aperçue sur le trottoir, lui réponds-je finalement, et tout en
faisant au mieux pour ne rien laisser paraître. J'ai loupé le métro, alors…
— Le quoi ? grimace-t-il, sincèrement perplexe.
J'expire un bon coup pour relâcher la pression, puis plante ensuite
intensément mes yeux dans les siens afin de répondre avec sarcasme :
— Vous savez, cette chose qui transporte un être humain d'une ville à
une autre. C'est un peu comme un train, mais…
— Merde, je sais parfaitement bien ce qu'est le métro ! me coupe-t-il
sèchement.
Un air affreusement acrimonieux prend place sur son visage lorsqu'il
termine cette phrase. Il me méprise, je le sens.
— Depuis quand le prenez-vous pour venir au travail, au juste ?
relance-t-il, toujours de cet air détestable.
Depuis quand vous intéressez-vous à ma vie, au juste ? Oui, mais
puisque j'ai décidé de rester sage aujourd'hui…
— Depuis toujours, lui réponds-je finalement, impassible.
Devon avance davantage, puis se met à faire les cent pas dans la pièce.
Il porte ensuite une main jusqu'à son menton, probablement pour but d'y
réfléchir plus sérieusement, puis s'immobilise enfin pour m'annoncer :
— À partir de demain, vous ne le prendrez plus, me dit-il fermement.
Charlie et moi passerons vous prendre au pied de votre immeuble.
— Quoi ? grimacé-je alors, sincèrement perplexe. Non, je… merci
pour l'attention, mais… je refuse. Les transports en commun me
conviennent parfaitement bien.
— Je crois que nous nous sommes mal compris, Mademoiselle Pierse.
Mon boss approche furieusement, appuie ses deux poings contre le
bois de mon bureau, puis percute ensuite intensément mon regard pour
m’annoncer :
— N'y voyez aucune galanterie de ma part, reprend-il d'un ton acerbe.
Je reste muette.
— Je tiens simplement à m'éviter tout nouvel embarras du genre,
poursuit-il, tout en appuyant chacun de ses mots du bout de son index. C'est
un ordre. Nous passerons vous prendre chaque matin, à huit heures
tapantes, sauf autres demandes de ma part.
Je le regarde rejoindre son antre d'un pas décidé, et reste complètement
médusée suite à cet élan d’autorité. Sérieusement ?! Merde, mais depuis
quand se permet-il de m'imposer ce genre de choses ?! Je le supporte déjà
des heures entières ici, mais en plus de ça… il va falloir que je me le coltine
chaque matin à l'arrière de sa voiture ?!
C'est définitif. Ce mec est le roi des enfoirés.
Chapitre 4
Eva
C’est quoi la passion ? C’est une attirance irrésistible. Comme celle d’une
aiguille magnétique qui a trouvé son pôle.
Madeleine Chapsal
7 heures et 57 minutes.
Devon
Je l'observe attentivement monter à bord de la voiture, et ne peux
m'empêcher de la reluquer discrètement pendant qu'elle prend place à
l'intérieur. Merde, cette femme est diablement sexy. À tel point d’ailleurs,
que la présence d'un autre homme à ses côtés n'a même pas suffi à perturber
mon admiration pour ses longues jambes. Pour être honnête, je l'ai toujours
trouvée très attirante. À la seconde même où ses iris vert émeraude ont
croisé les miens pour la première fois, j'ai tout de suite su qu'il fallait
impérativement que je la baise. Sur mon bureau, dans l'ascenseur, contre le
mur de la salle de réunion… peu importe où, mais il fallait que je le fasse.
Malheureusement, mis à part dans ma tête, rien de tout ça n'a jamais eu lieu.
Pourquoi ? Je n'en sais foutrement rien. Peut-être parce qu'elle s'est toujours
montrée distante avec moi. Comme si j'étais un véritable connard, ou
bien… plus probablement parce que je suis un véritable connard. Ouais, je
pense que la seconde option est nettement plus convaincante, mais à vrai
dire… je n'ai trouvé aucun autre moyen que celui-ci pour dissimuler
l'attirance sexuelle que je ressens, chaque fois que mes yeux se posent sur
Eva. Habituellement, je ne suis pas aussi condescendant que ça. Quoique…
si, peut-être que je le suis, finalement. Irréfutablement. Toutefois, il me
semble l'être tout de même beaucoup plus envers ma secrétaire qu’envers
n’importe qui d’autre. Comme si j'étais parfaitement conscient que cette
femme puisse réussir à me faire tourner la tête. Comme si elle était peut-être
même la seule personne autour de moi à pouvoir le faire. Après tout… je
suis plutôt du genre à appeler un chat un chat. Je n'ai jamais croisé une
beauté aussi enivrante auparavant, et je comprends parfaitement bien
pourquoi le fameux fiancé s'est permis de marquer son territoire sans
aucune pudeur les secondes précédentes, juste sous mes yeux.
D'ailleurs, je remarque qu'aucun anneau n'est présent autour de son
doigt lorsque j'y jette un œil, alors… je profite de ce détail ridicule pour la
devancer, avant même qu'elle n'ait le temps de me demander pourquoi j’ai
le regard actuellement rivé sur elle.
— Vous n'avez pas de bague, lui dis-je en désignant brièvement sa
main de mon menton.
Celle qui repose délicatement sur sa cuisse.
— Pourquoi serais-je forcée d'en porter une ? me demande-t-elle alors,
sincèrement perplexe.
— C'est la tradition qui veut ça, lui réponds-je d'un air logique.
Lorsqu'un homme demande sa petite amie en fiançailles, il se doit de lui
offrir une bague.
Au vu du froncement de sourcils qu'elle me rend pour toute réponse,
j'en déduis que mon comportement devient un peu trop suspect à son goût.
Je veux dire… le fait que je m’intéresse à sa vie personnelle, tout à coup.
Ce n'est pas franchement dans mes habitudes en temps normal, et pour être
honnête, je comprends son étonnement. Avant le petit dérapage que j'ai
commis sans réfléchir la dernière fois, je ne m’étais jamais montré aussi
attentif. Merde, je ne sais toujours pas pour quelle raison j'ai tenté de
franchir le pas ce fameux soir. Probablement mon taux d'alcoolémie. Ouais,
c'est même certain. Je me suis senti pousser des ailes grâce au whisky, mais
Eva m'a rapidement ramené à la raison, me rappelant donc sans plus
attendre que jamais ce genre de choses ne pourrait avoir lieu entre nous.
Mon ego en a pris un sacré coup, je dois l'admettre. En effet, puisqu'à
l'instant précis où j'ai compris que mes envies n'étaient pas réciproques, je
ne savais plus du tout où me mettre. Ce pour quoi j'ai sorti ma dernière
carte, et ai de nouveau arboré mon masque de "super connard".
Sérieusement… comment ai-je bien pu croire qu'une femme comme elle
puisse véritablement s'intéresser à l'homme sarcastique que je suis ? Aucun
doute, cette fois-là -et comme beaucoup d'autres d'ailleurs-, Mademoiselle
Pierse a su frapper en plein dans mon orgueil.
Évidemment, elle n'en saura jamais rien, puisque je passe mon temps à
dissimuler les choses depuis trois ans. Par exemple, je me suis vicieusement
servi de son retard d'hier pour lui imposer le fait que dorénavant, les trajets
de chez elle jusqu'au travail se feraient en ma compagnie. C'était non
négociable, mais j'étais tout de même persuadé qu'elle n'accepterait jamais
une chose pareille. Au final… elle n'a pas cherché à résister une seule
seconde, et a accepté sans trop rechigner.
Aussi comme cette autre fois, où j'ai réussi à lui faire croire que j'avais
impérativement besoin de sa présence dans mon bureau chaque lundi, et ce
sur une durée de presque un mois, pour m'aider à gérer un dossier que je
qualifiais d'impossible à clôturer seul. C'était totalement faux. En vérité…
j'aurais pu le boucler sans aucune aide en moins d'une semaine,
seulement… j'aime la savoir si proche de moi. Ça me permet de l'observer
discrètement, sans qu'elle ne s'aperçoive jamais de rien. Mais malgré l'effet
indéniable que cette femme a sur moi, je compte bien continuer à lui
prouver que la présence d'un homme dans sa vie ne changera strictement
rien à la mienne. Je compte bien continuer à me comporter comme cet
homme détestable qu’elle a toujours connu jusqu’à maintenant.
— Aucune importance, relancé-je enfin, parfaitement stoïque. À quels
rendez-vous est-ce-que je dois m'attendre aujourd'hui ?
Je garde un œil discret sur elle pendant qu'elle s'empresse de sortir le
smartphone de son sac à main, tandis que mes pupilles ne peuvent
s'empêcher de bifurquer sur le flanc de sa cuisse gauche, au moment même
où elle se penche en avant. Bordel. Sa petite jupe noire glisse délicatement
contre la soie de ses bas, me permettant donc d'y distinguer une jarretelle
assortie dans la foulée. Mon cœur s'emballe.
— Alors… marmonne-t-elle en se redressant pour mettre un terme à
mon calvaire. À neuf heures, vous devez recevoir le comptable pour un
compte rendu. Ensuite… poursuit-elle d'une petite moue dubitative. Kiara
viendra dans votre bureau pour déjeuner, et…
Je fais mine de l'écouter attentivement pendant qu'elle déblatère dans
l’ordre la journée qui m'attend, puis en profite pour commencer à réfléchir
plus sérieusement à ce qui risque d'arriver lors de cette fameuse "pause
déjeuner". En réalité, je suis convaincu qu'Eva sait pertinemment ce qu'il se
passe derrière sa porte, chaque fois que Kiara vient me rendre visite. Jusqu'à
maintenant, nous avons toujours fait ça discrètement, mais aujourd'hui… je
crois que je n’ai pas trop envie de me cacher.
J'actionne le bouton permettant de fermer la vitre qui nous sépare du
chauffeur, puis me retourne enfin vers Eva, toujours faussement attentif à ce
qu'elle me dit depuis tout à l'heure. Elle s'interrompt dans une grimace pour
me demander :
— Je peux savoir ce que vous faites ?
Son regard va et vient rapidement de moi à la vitre, mais j’ignore
complètement son interrogation précédente :
— Pourquoi avoir choisi Brooklyn comme lieu d'habitation ?
Je la gratifie d'un léger froncement de sourcils afin de l'encourager à
répondre, tandis que sa grimace ne s'estompe pas, me laissant donc penser
qu'elle ne comprend vraiment rien à ce changement de comportement si
soudain.
— Et bien… grommelle-t-elle, un peu hésitante. Disons que les loyers
n’étaient pas trop chers là-bas. Ça correspondait plus à mon budget.
— Je ne saisis pas, désapprouvé-je d'un vaste signe de tête. Avec le
salaire que je vous verse chaque début de mois, vous n'arrivez pas à vous
offrir un logement en plein cœur de New York ?
Elle a l'air assez confuse. Je pense que cette question est un peu trop
indiscrète à ses yeux, mais je ne compte m'en excuser pour autant. Sa
réponse m'intéresse. En effet, contrairement à ce que pense Eva… Elle
m'intéresse.
— Ça ne vous regarde pas, me répond-elle alors sèchement. Qu'est-ce
qui vous prend au juste, ces derniers temps ? Pour commencer…
Le son de sa voix baisse d'une octave avant qu'elle ne poursuive sa
requête, me laissant donc penser qu'elle s'apprête à parler du baiser que je
me suis permis de lui voler la dernière fois. Chose qui se confirme d'ailleurs
instantanément :
— Pour commencer, reprend-elle alors fermement. Vous me sautez
presque dessus dans votre bureau, et maintenant… ma vie entière vous
intéresse ?
Je n'ai aucun argument à lui apporter, cependant… je reste encore
capable de me comporter comme un véritable salopard.
— J'essaie simplement de faire des efforts pour que nos relations soient
plus… "humaines", lancé-je d'un air logique. Et pour ce qu'il en est de cet
incident… il s'agit d'un vulgaire malentendu. J'étais complètement saoul, et
j'aurais probablement sauté sur Marta de la même manière.
Aïe. Ouais, j'imagine que c'est exactement ce qu'elle vient tout juste de
penser. Marta n’est autre que la réceptionniste de notre étage, mais… disons
que la retraite n'est plus très loin pour elle. C'est une femme un peu dodue,
et la vieillesse ne l'a pas franchement épargnée. Sans parler de son aigreur
habituelle. Effectivement, personne n'a rien à lui envier, alors… je pense
que ma petite réflexion était tout de même assez contrariante.
— Et donc… c'est de cette façon, que vous comptez embellir nos
relations ? pouffe-t-elle avec dédain.
Merde. Elle a raison. Je suis vraiment un abruti. Ouais, et ça ne risque
pas de changer de sitôt :
— À vrai dire, répliqué-je alors naturellement. J'ai déjà pensé à d'autres
méthodes avant ça, seulement… je serais forcé de vous virer par la suite.
Il est évident que je n'ai pas besoin de lui donner plus de détails à ce
sujet. Ma réputation me colle à la peau depuis déjà plusieurs années, et ici,
tout le monde me voit comme le tombeur de ces dames. Il faut dire qu'avant
Eva, j'ai dû avoir pas moins d'une quinzaine de secrétaires. La plupart sont
restées deux semaines, tout au plus. Disons que… je ne suis pas du genre à
m'arrêter sur une seule et unique personne, et devoir supporter la présence
d'une femme qui croit dur comme fer à un avenir solide avec moi n'a jamais
été dans mes cordes. Elle, elle n’a jamais agi de cette façon, et c’est
d'ailleurs l'une des nombreuses raisons qui, jusqu'à maintenant, m’ont
encouragé à la garder. C’est vrai, je n'ai jamais eu affaire à une si bonne
employée. Au-delà de son caractère de cochon, elle n'en reste pas moins
mon meilleur élément au sein de cette entreprise.
À vrai dire, Eva est multifonction. Lorsqu'elle a commencé à travailler
pour moi, il était prévu qu’elle gère uniquement la paperasse me
concernant, autant professionnelle que personnelle. Toutefois, j'ai pu
constater combien le monde de la publicité la passionnait, alors… j'ai fini
par lui laisser quelques dossiers en rapport avec ça de temps à autre. Inutile
de préciser qu’elle s’en est sortie comme un chef. Donc oui, effectivement,
je ne peux pas me permettre de la laisser filer.
— Rassurez-vous, lance-t-elle d'un rire spontané. Ça ne risque pas
d'arriver !
Une petite pointe me pique la poitrine lorsqu'elle termine cette phrase,
ce qui m’oblige donc à reprendre mes airs d'homme implacable sur-le-
champ. En vérité… je dois admettre avoir du mal avec cette réticence
permanente. D’ordinaire, les femmes se jettent d'elles-mêmes à mes pieds,
mais avec Eva… c'est complètement différent. Depuis le début, tout l'a
toujours été.
Chapitre 5
Eva
Devon
À vrai dire, j'étais sincèrement content de voir Mademoiselle Pierse
débarquer si brusquement dans la pièce pendant que je prenais Kiara sur
mon bureau. J'étais persuadé qu'elle nous entendait de sa petite chaise, et en
ai donc déduit que le fait de devoir supporter les cris de mon amie l'avait
sincèrement irritée, au point de venir nous interrompre, sans aucune réelle
excuse à m'apporter au final. Toutefois, lorsque je suis allé dans son antre
pour lui demander des comptes au sujet de son entrée fracassante, cette
dernière m'a instantanément donné une raison. Je dois admettre avoir été
légèrement déçu, tout de même. J'aurais préféré y déceler une petite touche
de jalousie, mais… rien. Seulement de la gêne. Beaucoup de gêne. Pour
être honnête, je la pensais bien plus culottée que ça. Avant de déshabiller
Kiara, j'imaginais déjà toutes les façons possibles dont Eva aurait pu entrer
en furie pour nous demander de faire moins de bruit. Au lieu de ça, elle a
très certainement dû manger à la cafétéria, avant d'ensuite entrer dans son
bureau pour directement foncer dans le mien, et ce, sans jamais entendre
quoique ce soit de suspect au préalable.
— Pourquoi veux-tu que je t'accompagne ? me demande Caleb à l'autre
bout du fil.
— C'est pour la bonne cause, lui répond-je en m'affalant dans mon
fauteuil. Deux hommes comme nous dans un endroit comme celui-ci, et…
les dons espérés dépasseront toute attente.
J'entends mon frère marmonner son mécontentement à travers le haut-
parleur du téléphone, mais je reste tout de même persuadé qu'il finira par
accepter. Nous ne sommes jamais d'accord sur rien, en revanche, quand il
s'agit d'aider les plus pauvres, la question ne se pose pas vraiment.
— Je ne resterai que quelques minutes pour boire un verre et faire don
d'un chèque, dans ce cas, cède-t-il dans un soupir. Je suis fatigué en ce
moment avec les trajets à répétition, alors…
J'approuve d'un simple petit « OK », puis le salue brièvement afin de
pouvoir raccrocher. Ce dernier m'interrompt dans ma démarche :
— Devon, lance-t-il d'un ton intrigué.
Généralement, Caleb ne cherche jamais à allonger nos conversations
téléphoniques. Nous avons déjà du mal à nous supporter en chair et en os,
donc… en effet, j’admets que ça attise un peu ma curiosité.
— Oui ? l'interrogé-je alors, sincèrement perplexe.
— Si c'est Eva qui t'en a parlé… commence-t-il avec hésitation.
J'imagine qu'elle sera présente ?
— Effectivement, lui réponds-je, impassible.
Ouais, comme bien trop souvent, je tente de ne surtout rien laisser
paraître. Cependant… je sais très bien à quoi pense mon frère actuellement.
Elle lui a tapé dans l’œil la toute première fois qu'il l'a croisée, et cette idée
a toujours eu tendance à me rendre dingue.
— Bien, souffle-t-il dans ce que je suppose être de la satisfaction.
Heureux de l'apprendre.
— Tu connais les clauses de son contrat, Caleb, lui lancé-je d'un ton
ferme.
— À ce propos, frangin, me dit-il, faussement interrogé. Eva est la
seule de tes employées à avoir signé ce type de contrat ? Je veux dire…
avec la ligne indiquant qu'elle a l'interdiction formelle de coucher avec moi
?
Je peine à déglutir lorsqu'il ose me poser la question. Jusqu’à
maintenant, il n’y avait jamais pensé. Évidemment, Eva reste la seule à
avoir griffonné cette paperasse, aussi surréaliste soit-elle. Je me moque
complètement de savoir si mon frère se tape la comptable de l'étage trois,
ou bien encore… Gary, l'homme à tout faire du bâtiment. Néanmoins, je
compte bien lui mentir à ce sujet. Si je lui dis la vérité… il se contentera de
prendre ça comme un véritable défi à relever, et il en est absolument hors de
question.
— Non, réponds-je alors sans plus attendre. Eva n'est pas la seule à
avoir signé ce type de contrat.
— Tu n'as quand même pas osé faire signer ce chiffon à Marta… si ?
Au point où j'en suis…
— Si, approuvé-je, sans l'ombre d'une hésitation. Je l'ai fait.
— Mh, marmonne-t-il, peu convaincu. D'accord. On se voit demain.
Tu m'enverras l'adresse du bar par SMS.
J'approuve d'un simple grognement, puis raccroche ensuite le
téléphone sur-le-champ, fin prêt à me remettre au travail. J'ai une tonne de
choses à relire avant la sortie définitive de la dernière publicité Samsung.
— Monsieur Anderson ?
La voix d'Eva est légèrement étouffée par le bois de la porte. Cette
dernière est entrebâillée, me laissant donc penser que même de cette façon,
ma secrétaire n'ose plus la franchir sans ma permission. Je jubile.
— Vous pouvez entrer, lui dis-je fermement.
Elle s'exécute alors sans plus attendre, et avance aussitôt vers moi, tête
baissée, les bras chargés de plusieurs dossiers.
—Tenez, me dit-elle en les déposant sur l'angle de mon bureau.
Je les regarde et relève la tête vers elle.
— C'est l'heure pour moi, annonce-t-elle ensuite en s'éloignant. Je vous
souhaite un bon week-end.
— Mademoiselle Pierse ?
Son corps se fige tout entier à l'entente de son nom, tandis qu'elle reste
dos à moi, chacun de ses membres atrocement tendus. J'imagine qu'elle
s'attend déjà à ce que je lui demande de rester quelques heures de plus. Eva
sait pertinemment que quand je prononce son nom de la sorte, ce n'est en
général pas pour me montrer tendre avec elle. Oui, toutefois… elle
n’imagine pas une seule seconde combien ça m’amuse, de jouer ainsi avec
ses nerfs.
— Nous nous verrons demain soir, au bar de votre ami, lui lancé-je
finalement, sourire en coin.
Pour toute réponse, elle me permet d'apercevoir brièvement son profil
gauche, hoche la tête avec flegme, puis s'empresse ensuite de disparaître en
direction de son bureau. Demain soir… Merde, je crois n'avoir jamais eu
autant hâte de signer un chèque. À vrai dire… en trois ans, c'est la toute
première fois que je vais avoir le loisir de voir Eva en dehors de nos heures
de travail. Oui, enfin… elle m'a déjà accompagné à plusieurs séminaires à
l'autre bout du pays, néanmoins, nous n'avons jamais partagé de moments
”intimes” pour autant. En réalité, après ce genre d'après-midi, nous
regagnons systématiquement nos chambres d'hôtel respectives. Mon frère,
lui, n'hésite pas à inviter sa secrétaire à partager un verre après une journée
entière comme celle-ci. En tout bien tout honneur, me dit-il constamment.
Tu parles. Mais après tout… j'admets que le fait de devoir serrer des mains
et sourire poliment à chaque personne nous félicitant pour notre travail n'est
pas franchement de tout repos. Psychologiquement, c'est épuisant. Alors
oui, il n'a pas tort de décompresser, quelle qu'en soit la façon. Un bon verre
de whisky, ou une baise torride avec la petite Mindy.
Moi, en revanche, je n'ai jamais proposé ce genre de choses à Eva, et
pour cause… ; je refusais de lui montrer mon côté sympathique. Elle aurait
fini par me connaître sous d'autres formes, et cette idée ne me convenait
absolument pas. En effet, j'avais du mal à concevoir ce genre de
"rapprochement", mais maintenant… je crois que je suis prêt à lui montrer
l'inverse de ce qu'elle a toujours connu chez moi. C'est étrange, mais j'ai la
sensation que le fait de la savoir fiancée a considérablement brisé les limites
que je peinais pourtant à m'imposer depuis le début. Probablement mon côté
accapareur, ou bien… cette attitude de connard qui ressort en permanence.
Merde, tant pis. Il est maintenant temps de passer à la vitesse supérieure.
Ouais, après tout… le mariage n'a pas encore eu lieu.
Chapitre 6
Eva
♤♤♤
♤♤♤
Chapitre 7
Devon
On dit qu'il n'y a rien de pire que de trinquer avec de l'eau, mais pourtant
si. Il y'a trinquer avec le diable.
Noemie Conte
Chapitre 8
Eva
Chapitre 9
Eva
Chapitre 10
Devon
♤♤♤
De nos jours…
♤♤♤
Chapitre 11
Eva
Ce qui est le plus à craindre, c'est la rivalité d'un frère, pas celle d'un
étranger.
Mrtb
— Il faut tout relire avant ce soir, me dit mon cher patron, tout en
lâchant brusquement un large dossier sur le bureau. Ensuite, vous me ferez
un débriefe complet de sa contenance par écrit.
Visiblement, Devon ne s'est pas levé du bon pied ce matin. En effet,
mon boss se montre assez distant depuis qu'il est passé me prendre au pied
de mon immeuble tout à l'heure. Ce dernier ne m'a pas accordé ne serait-ce
qu'une toute petite parole lors du trajet. Pas de brèves salutations, ni même
un regard... rien. Étrange, mais… peut-être voulait-il simplement me
rappeler que malgré tout, il reste mon patron ? Probablement. De toute
évidence… je n'avais pas oublié ce détail considérable. Notre conversation
un peu trop intimiste de la dernière fois ne change strictement rien aux
réelles raisons de ma présence ici. Je ne compte pas me la couler douce,
simplement sous prétexte que mon boss s'intéresse un peu plus à ma vie
privée.
— D'accord Devon, approuvé-je alors sans rechigner. Je m'en occupe
dans la journée.
Ses poings s'écrasent contre le bois brut de mon plan de travail lorsque
ses paupières se referment. Il soupire ensuite longuement, puis relève
doucement la tête pour me faire face :
— Monsieur Anderson, me reprend-il très sérieusement.
Je grimace, un peu intriguée.
— Oh, marmonné-je ensuite, probablement rouge écarlate. Désolée, je
pensais que…
— Et bien comme trop souvent, vous avez mal pensé, m'interrompt-il
en arquant furieusement un sourcil. Nous sommes au travail, là, n'est-ce pas
?
Quel connard. Je reste impassible :
— C'est exact, Monsieur Anderson.
— Parfait, souffle-t-il alors, juste avant de définitivement tourner les
talons pour quitter la pièce.
Je n'y comprends strictement rien. L'autre soir… j'ai eu la chance de
rencontrer un Devon bien plus agréable que celui qui vient tout juste de
claquer cette fine porte nous séparant. Aujourd'hui, j'ai la sensation que ce
type étonnamment sympathique s'est volatilisée. Comme ça, en un seul petit
claquement de doigts. Pour être honnête, suite à ces quelques heures en sa
compagnie, j'étais convaincue que tout irait pour le mieux à partir de
maintenant, toutefois… c'était sans compter sur son intermittente bipolarité.
Vraiment, j'ai beau réfléchir… je n'arrive toujours pas à savoir à quel
moment ça a merdé. Je ne pense pourtant pas avoir été désagréable avec lui.
Pas plus que d'habitude, du moins. Après tout… nous avions beaucoup
échangé, alors je pensais sincèrement avoir grimpé d'un échelon dans son
estime, néanmoins… il faut croire que je me suis foutrement trompée.
Enfin… de toute évidence, le réel problème ne vient pas de moi. Disons
plutôt que mon boss a tout simplement remis son masque de super enfoiré,
probablement déçu de ne pas avoir pu arriver à ses fins le week-end dernier.
C'est à dire me baiser contre le capot de sa voiture à deux-cent-mille
dollars. C'est insupportable. Il est, insupportable.
Devon
Eva
— Je n’en sais rien Matt, soufflé-je à mon ami présent à l'autre bout du
fil. Je t'assure, la soirée était super sympa ! C'est comme s'il avait deux
personnalités. Une au travail, et l'autre en dehors !
— C'est un sale con. Mais ça… tu l'as toujours su, pas vrai ?
Je soupire longuement tant cette histoire me démoralise. Sincèrement.
J'en ai plus qu'assez d’avoir la sensation de marcher sur des œufs avec mon
patron. Quoique… ce qui me chagrine particulièrement, c'est plus
probablement la déception que de finir par constater que non, il n'est pas si
sympa que ça, finalement. Peut-être était-ce simplement une attitude de
façade, ou bien… comme je le disais tout à l'heure, une manière d'essayer
de me mettre dans son lit, comme toutes les autres. Et puisque je n'ai pas
cédé… voilà qu'il se la joue maintenant gamin frustré.
— Continue de faire ton boulot. S'il y a bien une chose que tu ne peux
pas lui reprocher, c'est ton salaire, alors…
— Tu as raison, oui. J'ai besoin de ce travail.
La porte communicante qui sépare nos deux bureaux s'ouvre
soudainement, me forçant donc à prendre une posture plus adaptée sur-le-
champ. Mon boss me gratifie d'un air jovial, et… il ne me faudra pas plus
de trois secondes pour comprendre que si j'ai droit à ce large sourire, c'est
simplement parce qu'en vérité, il ne s'agit tout simplement pas de lui.
— On se voit ce soir, dis-je à mon ami, juste avant de reposer le
combiné sur son socle.
J’offre mon attention entière à celui qui se tient non loin de là :
— Bonjour Caleb.
Ce dernier approche à grandes enjambées pour jeter un rapide coup
d’œil à mon agenda, regarde brièvement sa montre, puis me lance ensuite
sympathiquement :
— Parfait, commence-t-il en relevant le nez pour me faire face. Vous
êtes donc libre pour venir déjeuner avec moi ce midi.
Je pince fortement mes lèvres entre-elles, un peu confuse tout de
même. C'est une invitation ? Drôle de manière de s'y prendre, cependant…
— Eh bien apparemment, oui, approuvé-je finalement, tout sourire.
La blancheur de ses dents pourrait presque m'éblouir tant mon
approbation le rend heureux.
— Dans trente minutes, disons… dans le hall d'entrée ?
— Ça marche, oui, lui réponds-je sans hésiter, mais toujours assez
timidement quand même.
Il m'offre un vaste signe de tête en retour, puis tourne aussitôt les
talons, probablement déjà paré pour foncer m'y attendre. En vérité, j'ai pu
sentir une petite once de mal-être sur son visage avant qu'il ne prenne la
décision de quitter cette pièce. Ce qui, par conséquent, m'angoisse donc
nettement moins. Caleb est sans doute tout autant stressé que moi à l'idée de
partager un peu de son temps libre en ma compagnie, alors… disons que
c'est plutôt positif pour mon anxiété, que de pouvoir le constater. En
revanche, s'il y a bien une chose que j'appréhende, c'est ce qu'en pensera
mon patron. Je sais qu'il m'est impossible de coucher avec Caleb à cause de
ce foutu contrat, et je n'y compte d'ailleurs -pour le moment- pas vraiment,
néanmoins… je sais aussi qu'un simple petit repas risque de le mettre
sérieusement en rogne. Il n'a jamais supporté que son frère ait l'ascendant
sur lui. Toutefois, je m'en tape un peu, de ses restrictions. De nous deux,
c'est bien lui qui se comporte mal depuis le début, donc… je pense que je ne
devrais pas trop me soucier de son égo, aussi surdimensionné soit-il. Ouais,
je vais aller manger avec Caleb, et ouais, je vais passer un super bon
moment. Probablement bien meilleur que celui partagé avec son frère
vendredi dernier. Aucun doute là-dessus.
Chapitre 12
Eva
Devon
Mes yeux restent figés sur l'horloge depuis déjà un long moment. Il est
treize heures quarante-six exactement, ce qui signifie donc que Caleb n'a
pas respecté ma demande. Seize minutes de retard. Merde, il peut s'en
passer des choses, en seize minutes. Je secoue vivement la tête pour ôter ces
images de mes pensées, et vaque enfin à mes occupations. Tant pis. J'aurai
une discussion avec Eva lorsqu'elle reviendra. Et puis de toute évidence…
sa pause se termine officiellement à quatorze heures, alors… disons qu'elle
est encore dans ses droits.
Je plonge le nez sur l'écran de ma tablette afin de pouvoir consulter
mes mails, quand une idée me traverse soudainement l'esprit. Je n'ai encore
jamais été voir son profil Facebook en trois ans. Non, c'est sûrement une
mauvaise idée. Puis après tout… j'ai du mal à croire qu'une femme comme
Eva laisse son compte ouvert au public. Pour le savoir, une solution ; aller y
jeter un œil. Merde, oui, tant pis. J'ouvre alors l'application sans plus
attendre, tape aussitôt son nom dans la barre de recherche, puis clique enfin
sur la première suggestion qui s’offre à moi. Effectivement, c'est bien son
profil. Je reconnaîtrais probablement ses iris vert émeraude parmi cent
autres. Curieusement, sa photo principale est tout le contraire de ce que
j'imaginais. Elle est parfaitement seule dessus, mais tient entre ses mains un
large verre rempli de ce que je pense être du mojito. Ses yeux sont injectés
de sang, me laissant donc croire qu'elle était complètement saoule au
moment de la prise. Sa bouche pulpeuse brille légèrement, probablement
grâce au baume à lèvres que je la vois constamment utiliser. Je descends
alors davantage afin de voir s'il y a de nouvelles choses à apprendre sur elle,
puis tombe instantanément sur un second cliché. Eva est présente dessus,
enlaçant une femme qui lui ressemble curieusement. La phrase présente en
légende éclaire aussitôt ma lanterne :
" Tu m'as tant appris Maman. Oui, énormément de choses même, mais
malheureusement… je ne sais toujours pas vivre sans toi. 20/03/2019, le
jour où nous nous sommes éteintes ensemble."
Chapitre 13
Eva
Déjà deux heures que je suis penchée sur ce satané dossier. Pff… j'ai la
sensation que je ne verrai jamais le bout du tunnel. Ma tête commence
sérieusement à me faire mal, quant à mes yeux, eux, ils me brûlent
exagérément depuis maintenant plusieurs minutes. Il faut vraiment que
j'aille acheter cette foutue paire de lunettes. C'est bon, j'en ai marre. Je dois
impérativement m'accorder une petite pause avant de définitivement péter
les plombs. Je pousse alors le tas de paperasse sur le côté, me penche
ensuite vers le tiroir du bureau afin d'y saisir un petit paquet de gâteaux,
puis pour finir, m'affale nonchalamment sur le dossier de cette chaise, qui
elle, serait presque semblable à un bloc de parpaing actuellement. Quelle
vie de merde. C'est décidé, je vais demander un fauteuil à Matt pour mon
anniversaire.
Au passage, j'en profite pour agiter la souris de mon ordinateur afin
d'en rallumer l'écran en veille, et donc d'aller faire un rapide tour sur
Facebook. Ce dernier s'illumine d'ailleurs aussitôt sur mon profil, et
m'affiche directement plusieurs notifications, ainsi qu'une toute nouvelle
demande d'ami. Tiens, tiens… Je m'empresse alors d'emmener la petite
flèche jusqu'au logo, clique dessus sans hésiter, puis… manque presque de
m'étouffer avec mon Oreo quand je reconnais sans effort le nom de mon
patron. Merde… quoi ?! Par réflexe, je claque subitement le clapet de mon
pc pour le refermer. Non, c'est impossible. Pourquoi m'aurait-il ajoutée sur
Facebook ? Ce matin encore, la demande n'y était pas ! Et puis… que suis-
je censée faire, maintenant ? Accepter ? Décliner ? Si je refuse, Devon
pourrait y voir une nouvelle opportunité pour m'en faire baver, tandis que si
j'accepte… il ne pourra pas me le reprocher. Oui, je vais accepter. Je
m'exécute donc sans plus attendre, quand un message d'erreur s'affiche
finalement dans la petite case. Mes sourcils se froncent lorsque je tente de
comprendre la provenance du problème. Je tape alors son nom dans la barre
de recherche afin de pouvoir accéder à son profil, puis constate aussitôt que
la demande d'ami s'est annulée. Étrange… il a dû faire une fausse
manipulation. Et après réflexion, c'est plutôt une bonne chose. Oui,
toutefois… pourquoi mon boss est allé sur mon profil Facebook
aujourd'hui… ? Doublement étrange. Je n'ai qu'à envoyer un message,
histoire de lui faire savoir que je suis bel et bien au courant. (Et aussi
histoire de le taquiner un peu, tant qu’à faire.)
Devon
C'est complètement absurde, tout ça. Non seulement elle sait déjà
pertinemment que j'ai été jeter un coup d’œil sur son profil, mais en plus de
ça, nous sommes à seulement quelques mètres l'un de l'autre.
« Je vais faire comme si j'y croyais, dans ce cas. » me lance-t-elle, un
rien sarcastique. « Comme pour le fameux SMS, vous savez… » ajoute-t-elle
ensuite, me portant donc le coup de grâce.
« Est-ce une façon de me faire savoir que vous auriez préféré un SMS
plus personnel ? »
« Plus probablement une façon de vous faire savoir que je ne suis pas
totalement idiote. » me lance-t-elle, sûrement le sourire aux lèvres de son
bureau. « J'ai encore une centaine de pages à lire. Je vous ferai un
débriefing complet par écrit juste après. »
Eva
Le soleil est tout juste sur le point de se coucher, mais je suis pourtant
toujours assise sur cette chaise de bureau, en train de taper ce foutu
débriefing sur mon clavier d'ordinateur. Pour être honnête, j'aurais très bien
pu terminer tout ça chez moi, mais je n'ai jamais vraiment été du genre à
ramener du travail à la maison. Non… moi, je préfère me dire qu'une fois
mes escarpins retirés et mon soutien-gorge dégrafé, la fête peut enfin
commencer. Bon, pour le coup, c'est plus probablement avec mon lit que je
risque de la faire, ce soir.
— Vous n'êtes pas encore partie ?
Je reconnais instantanément la voix de mon patron, et ce, sans même
avoir besoin de lever le nez de mon écran. Merde. Habituellement, je laisse
cette porte ouverte lorsque je suis persuadée que Devon est bel et bien
rentré chez lui. Sûrement une façon de me rassurer, ou… je ne sais pas.
Comme si le fait d'avoir vue sur le couloir allait réellement pouvoir m'éviter
d'échapper aux griffes tranchantes d'un serial killer. N'importe quoi.
— Je n'ai pas terminé, lui réponds-je alors, sans jamais lever la tête
pour autant.
J'entends ses pas approcher peu à peu, mais m'interdis tout de même
formellement de le regarder. En vérité, je crois ne pas trop assumer notre
bref échange virtuel de ce milieu d'après-midi. Il faut dire que le fait de
converser avec son patron via un réseau social est assez inhabituel. Intime,
personnel… bref, tout, sauf professionnel. Pourtant, il s'agissait d'une
discussion parfaitement banale entre deux personnes normales, mais… j'ai
tout de même tendance à penser que c'était en réalité un peu plus que ça, au
final. À vrai dire, c'est comme si le moment partagé avec Devon vendredi
dernier refusait de quitter mon esprit. Comme si… je restais persuadée qu'il
était véritablement quelqu'un de bien, dans le fond. Tout tout tout au fond,
oui.
Ma main droite quitte le clavier un court instant tandis que la gauche
continue à taper. Je la porte alors rapidement jusqu'à ma nuque, et en
malaxe ensuite abruptement la peau afin de, peut-être, pouvoir détendre
mes nerfs.
— Vous êtes épuisée, grommelle mon boss, toujours bien dressé devant
moi. Faites une petite pause.
— Non merci, désapprouvé-je d’un vaste signe de tête. Ça ira.
Comme à son habitude, il serre les poings, juste avant de fermement
les appuyer contre le bois de mon bureau. Je n'ai jamais compris pourquoi
Devon faisait ce genre de choses, aussi stupides soient-elles. À croire qu'il
se sent constamment obligé de prendre une posture d'homme puissant pour
me montrer la part du véritable mâle Alpha qui sommeille en lui. Comme si
cette attitude le rendait tout de suite beaucoup plus autoritaire qu'il ne l'est
déjà. Ouais, bon… c’est peut-être le cas, je l’admets.
— Ça n'était pas une question, Eva, ajoute-t-il ensuite d'une voix
ferme.
Une sensation agréablement familière grouille à l'intérieur de mon
estomac lorsque ce son grave traverse délicatement mes tympans.
Étrangement, cette manière virile qu'il a de s'adresser à moi me fait quelque
chose, ce soir. Pourquoi ? Je n'en sais foutrement rien. Généralement,
Monsieur Anderson n'a absolument pas ce type de pouvoir sur moi, mais
dernièrement… il faut croire que tout est différent. Oui, curieusement, je le
trouve plus à mon goût que d’ordinaire. Plus sexy, plus désirable, plus…
baisable. OK, je déraille complètement. C'est sûrement la fatigue, ou bien
encore… ma libido qui me joue des tours. Probablement. Après tout, ça fait
tellement longtemps qu'aucun homme ne m'a touchée… Des semaines,
voire même des mois ! Merde, j'ai arrêté de compter depuis déjà un long
moment, et jusqu'à maintenant, mes petits jouets me convenaient
parfaitement bien, seulement… cette fois, j'ai l'impression que mon corps a
besoin de plus qu'un simple pénis de latex.
Oui, mais bien évidemment… il est absolument hors de question que
j’assouvisse mes besoins avec cet homme-là. Plutôt crever.
— Prenez votre chaise, me suggère-t-il ensuite en prenant direction de
la porte communicante, très certainement pour m'encourager à le suivre.
Et malgré cet ordre strictement donné, je ne bouge tout de même pas
d'un centimètre de cette dernière. C'est d'ailleurs probablement pour cette
raison que mon boss s'arrête net au niveau du contour de porte, juste avant
de se retourner pour ajouter :
— S'il vous plaît.
Je préfère ça. Oui, malgré le fait que je n'en ai pas vraiment envie au
final, j'admets ne rien pouvoir lui refuser quand mon patron se montre aussi
aimable avec moi. Un donné pour un rendu. Il met sa fierté de côté
quelques secondes pour me brosser dans le sens du poil, donc j'en fais de
même afin de lui prouver que je sais être fair-play, moi aussi. Je me lève
alors sans plus attendre, puis lui emboîte aussitôt le pas, chaise à la main, et
tout en me questionnant intérieurement sur ses réelles intentions. Une fois
rendue dans son bureau, j’arque un sourcil afin de l'interroger d'un seul petit
regard, quand il tend finalement son bras en direction du large fauteuil :
— Installez-vous.
Quoi ?
— Vous voulez dire… à votre place ? demandé-je alors, un peu
suspicieuse tout de même.
— Oui, dit-il en me prenant la chaise des mains. J'ai besoin de votre
aide pour faire un achat, alors cette place est idéale pour être correctement
face à l'écran d'ordinateur.
Je l'observe positionner mon instrument de torture aux côtés du large
fauteuil de cuir noir, et… m'exécute directement, n'attendant donc pas qu'il
ne me le demande une seconde fois. En effet, je rêve de pouvoir m'assoir
sur quelque chose de moelleux depuis des heures, donc il ne fallait pas
m'offrir une telle opportunité ce soir. Non seulement je vais permettre un
peu de répit à mes cervicales, mais en plus de ça, j'ai la chance de pouvoir
profiter de la place la plus convoitée de tout ce building. La classe. Je m'y
installe alors sans plus attendre, quand un long soupir de relaxation
s'échappe d'entre mes lèvres de manière incontrôlée.
— Il est confortable, n'est-ce pas ?
Il a encore ce fameux sourire en coin. Seigneur, pourquoi ce simple
petit rictus suffit à me faire de l'effet ? Et mon Dieu, pourquoi cet homme
me donne si chaud, tout à coup ?! Merde Eva, ressaisis-toi !
— Bien plus que ma chaise, en effet, ricané-je en désignant cette
dernière du menton. De quel genre de cadeau s'agit-il, au juste ?
Cette question vient de m'échapper. À vrai dire, j’ai simplement
cherché à rapidement changer de sujet, mais… je ne suis pas tout à fait sûre
de pouvoir me permettre de la poser. Et après réflexion, si je suis ici, c’est
pour l'aider à choisir, alors… j'imagine qu'il est important de m'en informer.
Devon se dirige vers le petit bar présent sur ma droite, saisit la bouteille de
cristal pleine de whisky qu'il secoue ensuite brièvement pour m'en proposer,
puis en déverse aussitôt dans deux verres assortis, juste après que je lui ai
répondu d'un vaste signe de tête approuvant sa proposition. Je l'ai
grandement mérité, ce verre.
— Pour être franc, je n'y connais strictement rien en habits féminins,
alors… commence-t-il en avançant, les mains chargées de nos abreuvoirs.
Disons que je comptais sur vous pour passer commande. Vous êtes partante
?
Sur ces paroles étonnantes, il prend place à mes côtés, l’air de rien.
Quoi…? Merde, c'est probablement une mauvaise blague. D'ailleurs, je suis
presque certaine que mon patron peut constater l'effet de surprise indéniable
présent sur mon visage actuellement. Il n'est donc pas seul ? Et… pourquoi
ça m'irrite autant de l'apprendre de cette façon ? Probablement parce que, -
comme à son habitude- mon connard de boss est incapable de faire les
choses bien quand il s'agit de moi. Sérieusement… me demander de
sélectionner une tenue pour sa petite amie… à moi ? Putain, il ne manque
pas d'air ! Oui, toutefois… je ne compte pas lui montrer que cette attitude
presque humiliante me dérange au plus haut point. Non, je me contente plus
simplement d'arborer un air stoïque, puis lui réponds finalement :
— Je connais quelques sites, oui, lui dis-je alors, tout en faisant glisser
la souris pour déverrouiller l'écran. Mais ça risque de vous coûter assez
cher, pour être honnête.
C'est complètement faux. J'ai de bons tuyaux pour ne pas trop me
ruiner en termes de vêtements haut de gamme, mais bien évidemment… je
ne vais pas lui en faire part. Premièrement, il est plein aux as, et
deuxièmement, ça lui apprendra à me demander ce genre de service
totalement absurde.
— Le prix m'importe peu, me dit-il finalement, tout en se penchant
vers l'écran pour observer mes recherches de plus près. Prenez ce qui vous
semble être le mieux.
Je vais me gêner, tiens. Mon index fait donc rouler la molette quelques
secondes dans l'attente du véritable coup de cœur, quand mes yeux s'arrêtent
subitement sur une magnifique robe bleue. Elle est dotée d'un large
décolleté en V, et d'une longue tulle fluide en mousseline ornée de strass et
de paillettes. Je clique alors simultanément dessus, puis fais ensuite défiler
les quelques autres photos afin de pouvoir la voir de plus près. Le dos est
presque intégralement nu, quant aux bretelles, elles sont si fines qu'elles
laissent les épaules du mannequin parfaitement dégagées. Seigneur, elle est
vraiment sublime.
— Celle-ci me semble parfaite, dis-je alors à mon patron en tournant
légèrement le regard vers lui.
Et je me sens rougir de façon instantanée lorsque je constate qu'au lieu
d'être sur l'écran, ses yeux sont en fait tout droit rivés sur moi. Je baisse
alors la tête sans plus attendre, puis saisis ensuite mon verre pour en boire
une grande lampée. Ma gorge est en feu tant ce liquide ambré est brûlant,
mais… tant pis.
— Dans ce cas… allez-y, me dit-il en haussant les épaules, un peu
désinvolte. Mes codes de cartes sont déjà enregistrés dans les données.
J'approuve de plusieurs petits hochements de tête consécutifs en
reprenant une nouvelle gorgée, puis fais ensuite légèrement glisser la souris
afin d'atteindre le bouton d'achat. Nom de Di…
— Huit-cents dollars pour une robe ?! m'exclamé-je après avoir
rapidement dégluti, complètement bouche bée. Elle est ornée de diamant
véritable, ou quoi ?!
OK, je ne pourrai donc jamais me l'offrir. Lui, reste absolument
imperturbable.
— Comme je vous l’ai dit tout à l'heure… le prix m'importe peu.
Je n'en reviens pas. Comment peut-on mettre une telle somme dans un
cadeau ? Ou plutôt… dans un morceau de tissu ?! À la limite, pour une
voiture, je ne dis pas, mais… une putain de robe ?! Je termine mon verre
d'une seule traite pour tenter de recouvrer mes esprits, tandis que Devon en
profite pour faire de même, juste avant de les remplir de nouveau. C'est très
étrange, comme situation. Je n'avais encore jamais fait ce genre de chose en
sa compagnie. Bien évidemment… la soirée de vendredi dernier ne compte
pas, puisque nous étions dans une ambiance le permettant un peu plus
communément. Oh, puis… après tout, j'ai passé ma journée à bosser comme
une forcenée, alors ce ne sont probablement pas deux-trois verres d’alcool
qui risquent de me faire mal.
— Quelle taille faut-il, exactement ? demandé-je dans un froncement
de sourcils. Je veux dire… de quel gabarit est l'heureuse élue ?
Mon patron fronce les sourcils à reculons sur sa chaise, me dévisage de
la tête aux pieds, boit ensuite une fine gorgée de sa boisson, puis me dit,
toujours de cet air insupportablement léger :
— Je dirais… Le même que vous.
Je vois. Si seulement cette femme savait de quelle façon il s'y prend
réellement… je suis presque convaincue qu'elle partirait en courant.
Quoique… un mec au portefeuille on ne peut plus attrayant et aussi
séduisant que Devon ne doit pas faire fuir grand monde en temps normal.
Assurément.
— C'est fait, dis-je alors en m'adossant plus confortablement au dossier
du fauteuil, juste après avoir validé la commande d'un seul petit clic.
Je pousse ensuite légèrement sur la pointe de mes pieds afin de pouvoir
reculer mon -son- siège, et croise délicatement mes jambes entre elles,
évitant donc à mon boss d'avoir une vue un peu trop détaillée sur mes
dessous.
— Même si vous n'y avez pas vraiment mis du vôtre… J'imagine que
cette robe fera tout de même son effet, ajouté-je dans un pouffement, et
juste avant de porter le verre jusqu'à ma bouche.
Voilà que je commence à ricaner bêtement. Oui, effectivement, l'alcool
brun n'est définitivement pas fait pour moi. Combiné avec la fatigue, ça a
toujours été un véritable fiasco.
— Je vous trouve incroyablement belle, Eva, me dit-il sans raison
apparente, et interrompant donc simultanément mes petits gloussements.
Je suis incapable de savoir si seul l'alcool est à l'origine de cette
soudaine chaleur ardente, ou bien s'il s'agit plus probablement du
compliment que vient tout juste de me faire mon patron. Seigneur… moi
aussi, je le trouve incroyablement beau. Mais bien évidemment, je suis
encore bien assez lucide pour ne pas me laisser emporter si facilement.
Non, comme je l'ai déjà dit un nombre incalculable de fois… je ne céderai
pas à ses avances. Jamais. La place que j'ai dans cette boîte est nettement
plus importante que ma vie sexuelle. J'ai impérativement besoin de ce
boulot, et ce n'est certainement pas avec un salaire de barmaid que
j'arriverais à aider mon père chaque fin de mois. Déjà qu'il m'est assez
difficile de joindre les deux bouts en ce moment… Merde, c'est non
négociable. Cette envie si soudaine de sexe me passera probablement. Et si
ce n’est pas le cas, je demanderai une prime pour me payer un gigolo.
— Ne croyez-vous pas qu'il est un peu indécent de me dire une chose
pareille, en ayant pourtant déjà quelqu'un dans votre vie ? demandé-je avec
audace, et tout en désignant la robe encore présente sur l’écran d'ordinateur.
Devon se redresse légèrement pour approcher son visage du mien, mais
laisse tout de même une certaine distance entre nos lèvres. De là où il se
trouve, je ne peux pas encore sentir son souffle frôler ma peau.
— Qui vous dit que cette tenue n'est pas pour, par exemple… ma mère
? suggère-t-il d'une moue dubitative. Ou bien encore… une tante ?
— Je pense que si ça avait été le cas, vous me l'auriez dit dès les
premières secondes.
— Peut-être pas, désapprouve-t-il, sans jamais baisser les yeux.
— J'en suis convaincue. Cette robe est pour une femme que vous
baisez actuellement. Une femme comme… Kiara.
Nom de Dieu, mais qu'est-ce qu'il me prend, tout à coup ?! Pourquoi
ma bouche vient-elle de sortir une telle connerie ?! Par-dessus tout…
pourquoi est-ce que je passe ma vie à tendre le bâton pour me faire battre ?!
Sa langue glisse délicatement entre ses lèvres à la suite de ma remarque, ce
qui, j'imagine, est censé me prouver qu'il ne se sent absolument pas
consterné par cette dernière. Pire, je dirais même que ça l'amuse, de me
découvrir sous cet angle-là. Effectivement, l'alcool a toujours eu tendance à
me mettre un peu trop à l'aise, une fois mon cerveau en étant bien atteint.
— Ça me plaît de vous entendre parler de cette façon, Eva, me répond-
il alors, tout en buvant une nouvelle gorgée, mais sans jamais bouger d'un
centimètre pour autant.
Le dessous de son verre pourrait presque toucher le bout de mon nez
lorsqu'il le soulève intégralement pour en boire son contenu. J'attends
patiemment qu'il le repose, puis en fais de même. Oui, je crois que j'en ai
grandement besoin, là, maintenant. C'est un peu comme une dose
d'assurance que je m'accorde. Un peu comme… une gorgée de courage,
pour m'aider à affronter la tension sexuelle planant actuellement entre les
murs de cette pièce. Devon remplit de nouveau son verre, alors je lui tends
aussitôt le mien afin de l'encourager à ne surtout pas perdre la main. C'est
certain, je vais finir complètement saoule. Oui, certes, mais… si ça peut
m'aider à calmer un peu mes ardeurs…
— Ça aussi c'est indécent, comme comportement, rétorqué-je alors,
sourire en coin. En vérité… je crois que vous êtes la définition même de
l’indécence.
Mon boss plisse les paupières suite à cette nouvelle remarque
désobligeante, mais je n'arrive tout de même pas à distinguer quelconque
vexation à travers ses iris ambrés. Non, à vrai dire… j'ai plutôt la sensation
que ma répartie attise quelque chose en lui. Quelque chose de très bestial.
Merde, il faut que j’arrête ça, et tout de suite.
— Voulez-vous que je vous montre ce qu'est vraiment un
comportement indécent, Mademoiselle Pierse ? me demande-t-il alors en
arquant un sourcil.
Mon corps tout entier frissonne à l'entente de cette proposition. Pour
être honnête, je sais d'avance qu'il m'est parfaitement inutile de lui poser la
question, puisque je comprends en fait très bien ce qu'il veut dire par là,
néanmoins… je me contente de jouer les ignorantes malgré tout :
— Ne me dites pas que vous comptez courir tout nu dans les bureaux ?
ricané-je alors, faussement calme. Parce que là… vous gagneriez à coup sûr
!
Malgré tout le mal que je me donne pour paraître détendue, je suis
convaincue que Devon peut lire la nervosité présente sur chacun des traits
de mon visage. Ainsi que sur ma jambe droite, d'ailleurs. Cette dernière
chevauche la gauche, et est légèrement surélevée, probablement pour mieux
me permettre de l'agiter frénétiquement dans le vide. Vraiment, s'il ne
constate pas mon taux d'anxiété pourtant flagrant… c'est qu'il y a un souci.
— À vrai dire… commence-t-il à reculons, permettant alors à ma
respiration d'enfin reprendre un rythme régulier. Je pensais à une tout autre
chose.
Pour la seconde fois, sa langue glisse sensuellement entre ses lèvres
pleines et parfaitement rosées, y laissant donc une petite couche luisante, et
faisant bien évidemment ressortir cet air séducteur que je m'efforce de ne
surtout pas relever depuis déjà de trop longues minutes. Ma respiration
s'accélère quand son regard bifurque délicatement sur le flanc de ma cuisse.
Merde, c'est complètement absurde. Je n'ai jamais fantasmé sur mon boss
auparavant, et voilà maintenant que l'envie qu'il me prenne là, tout de suite,
occupe absolument toutes mes pensées. Pourquoi ? Peut-être parce que,
physiquement, il est le parfait identique de son frère qui lui, m'attire
incontestablement. Ou bien plus probablement parce que je serais prête à
me taper n'importe qui tant le manque de sexe se fait ressentir ce soir.
Merde. Le travail, Eva… Oui, pense à ton travail.
— Ça n'arrivera jamais, Devon, lui dis-je alors, une fois mes esprits
bien retrouvés.
Ses yeux reviennent doucement percuter les miens, et ce pendant de
longues secondes, sans jamais qu'il ne daigne lâcher prise par la suite. Il
s’approche de nouveau et cette fois-ci, beaucoup trop près.
— Croyez-le ou non… Je vais vous baiser, ici même, dans ce bureau.
Peut-être pas ce soir, peut-être pas demain non plus, mais… je suis
convaincu qu’un jour ou l’autre, ça finira par arriver.
Après quelques secondes de silence complet, je m'esclaffe de façon
incontrôlée. Oui, ou alors… peut-être que je tente plus simplement de
dissimuler l'effet indéniable que ce langage pourtant on ne peut plus crû a
sur moi. Fait chier.
— Vous m'empêchez de respirer convenablement, soufflé-je ensuite,
juste après avoir repris mon sérieux.
— Et encore… sourit-il, un rien provocateur. Je ne suis jamais entré à
l'intérieur de vous.
Mon cœur rate à battement à la fin de sa phrase. Enfin… à vrai dire, je
crois que cette défaillance est plus probablement due à l'image qui vient
tout juste de traverser mon esprit. Lui sur moi, ses mains contre ma peau,
nos corps entremêlés… Bon sang, le simple fait d'imaginer cette scène suffit
à me provoquer un torrent de sensations dans l'estomac. Ça suffit. Oui, il
faut que je sorte d'ici, et… tout de suite. Je me lève alors d'un bond, saisis
mon verre au passage afin de pouvoir le boire d'une seule traite, puis le
repose ensuite brusquement, juste avant de prendre direction de la porte, en
prenant soin de ne surtout pas passer devant Devon.
Mes talons claquent sur le sol de béton ciré. Ce bruit résonne d'ailleurs
si fort entre les murs de la pièce, que j'en aurais presque la migraine. En
effet, il cogne tellement, que… je n'ai même pas entendu les pas de mon
patron se rapprocher dans mon dos. Ce dernier me saisit alors subitement
par la taille, juste avant de me retourner face à lui, pour finalement me
plaquer de tout mon long contre la porte principale de son bureau. Nom de
Di…
— Je sais que vous en avez autant envie que moi, Eva, murmure-t-il
ensuite, tout proche de mes lèvres. J'ai pu le voir dans vos yeux lors de ces
cinq dernières minutes. C'est évident… vous me désirez.
Ma poitrine se soulève au rythme de la sienne. Ses mains tiennent
fermement chacune de mes hanches, tandis que je peine à déglutir
convenablement sous son regard animal. Curieusement, il me rend toute
chose. Oui, j’ai envie de lui, là, maintenant, et… c’est littéralement en train
de me dévorer de l’intérieur.
Chapitre 14
Devon
Eva
♤♤♤
♤♤♤
Je trottine dans les larges couloirs menant aux bureaux, mon sac à main
fermement plaqué contre ma poitrine, et le cœur battant la chamade sur le
cuir ferme de ce dernier. En réalité, je ne devrais pas être dans cet état,
seulement… me voilà maintenant à quelques mètres de nos bureaux, avec
quinze minutes de retard au compteur. Rien d'alarmant, dit comme ça,
néanmoins… les hurlements que je distingue depuis ma sortie de
l'ascenseur m'ont de suite fait comprendre que Devon Anderson venait
indéniablement de faire son grand retour parmi nous. Fait chier. Pour être
honnête, je pensais pouvoir me permettre un peu de laisser-aller pour
aujourd'hui, étant donné que mon boss ne s'était pas présenté les jours
précédents, toutefois… les quelques mots sortant de sa bouche au moment
même où j'entre dans son antre pour présenter des excuses me font
rapidement comprendre qu'il n'est clairement pas disposé à entendre
quelconque baratin venant de moi :
— Je vous ai dit qu'il était hors de question de la laisser reprendre ce
foutu métro, Charlie ! s'exclame-t-il alors, fou de rage.
Ses muscles sont intégralement tendus lorsque je fais mon apparition
dans le bureau. Il est actuellement dos à moi, mais je suis capable de voir à
quel point son corps se contracte à travers cette chemise blanche
parfaitement bien ajustée. La main qui tient son téléphone portable est
fermement appuyée sur son oreille, tandis que l'autre, elle, repose contre
l'une des larges fenêtres donnant une vue imprenable sur tout Manhattan.
Exactement comme la toute première fois que je l’ai vu.
— À cause de vous, elle est encore en retard ! ajoute-t-il ensuite
furieusement.
Merde, il est donc en train de s'en prendre à ce pauvre Charlie, et… je
ne peux certainement pas rester là sans rien dire. J'ouvre alors la bouche, fin
prête à plaider la cause de ce dernier, quand mon boss reprend finalement la
parole :
— Je me fous de vos excuses, mon vieux ! l'assaille-t-il sèchement.
Ramenez-moi vos clefs, et ne remettez plus jamais les pieds dans ce putain
de building !
Quoi ?!
Chapitre 16
Devon
Le désir sexuel est une faim de l'autre, et ressemble par bien des côtés à
une pulsion cannibalesque.
Michel Tournier
Kiara vient tout juste de quitter mon bureau, et aussi étrange que ça
puisse paraître, la seule chose à laquelle je pense, là, tout de suite, c'est à
déverrouiller l'écran de ma tablette pour écrire un message à Eva. Je la
saisis alors rapidement en m'asseyant confortablement dans mon fauteuil,
ouvre la housse de protection, puis m'empresse ensuite de cliquer sur le
petit logo Messenger. Elle est en ligne. Merde, mais quand est-ce qu'elle
bosse, au juste ?! Aucune importance. J'appuie donc sur notre bulle de
conversation, puis reste ensuite immobile face à cette dernière, sans jamais
parvenir à taper ne serait-ce qu'une seule petite lettre. Après tout…
Mademoiselle Pierse finirait par penser que je m'intéresse un peu trop à elle,
dernièrement. Pire, après mon absence complète de cette semaine, elle
pourrait s'imaginer beaucoup trop de choses. Rien à foutre. Merde, j'en suis
arrivé à un point où même une beauté latine comme Kiara ne me fait plus
aucun effet, alors… j'imagine que ma secrétaire en est l'unique responsable.
Oui, j'ai besoin d'une seconde fois. Besoin d'en connaître davantage sur elle,
sexuellement parlant. Besoin de… la baiser comme je l'aimerais
véritablement, pour enfin pouvoir dormir paisiblement.
Eva
♤♤♤
*toc-toc-toc*
Quoi ? Merde, mais qui ça peut bien être, à une heure pareille ? Matt
ne frapperait certainement pas pour entrer dans son propre appartement,
tandis que Mara, elle… elle ne frappe tout simplement jamais. Seigneur…
pourvu que ça ne soit pas Nate. Je me dirige alors vers la porte d'une
démarche on ne peut plus lasse, actionne la poignée sans plus attendre en
gardant les yeux rivés au sol, puis tombe finalement sur une paire de
baskets blanche, tout ce qu'il y a de plus basique. Mes iris remontent ensuite
délicatement jusqu'au visage de celui que j'imagine être mon ex, quand je
comprends finalement que… ça n’a strictement rien à voir avec lui…
— Monsieur Anderson ? grimacé-je, sincèrement perplexe. Qu'est-ce
qu…
— J'ai trop envie de toi, me coupe-t-il en approchant. Merde, je ne
pense qu'à ça depuis une semaine.
Mais… mais…
— Eva, poursuit-il d'un air suppliant. Putain, ça me hante…
Bordel de merde. Ouais, en effet, je crois que j'aurais préféré la
présence de Nate sur ce foutu palier.
Chapitre 17
Eva
Douce et la vengeance, surtout pour les femmes.
Stephen Vizinczey
*toc-toc-toc*
Mais je roule rapidement sur le côté pour l’éviter, juste avant de saisir
ma petite culotte, afin de pouvoir la remettre. Il grimace en m’observant,
tandis que je me fais violence pour ne surtout pas éclater de rire :
— Qu’est-ce qu…
— Tu devrais rentrer, l’interromps-je en enfilant mon pantalon dans un
bond.
Devon ne comprend clairement pas où je veux en venir, alors je me
répète :
— Au revoir.
Mon air logique le cloue sur place.
— Bye-Bye, Arrivederci… Hasta luego ! terminé-je ensuite, un rien
sarcastique.
Mais malgré ça, mon boss reste parfaitement scellé au matelas. Une
expression abasourdie prend maintenant place sur son visage, me
permettant donc de comprendre la tempête qui me guette actuellement.
— Tu es en train de dire que tu me plantes, là ? m’interroge-t-il en
baissant furieusement les yeux vers son entre-jambes. Avec ça ?!
J’admets avoir envie de redécouvrir ce qui se cache sous cette énorme
bosse, cependant… ma dignité passe avant tout. Et elle n’a pas de prix,
contrairement à ce qu'il a bien pu s'imaginer en me faisant sa petite
proposition de tout à l’heure. Bon… peut-être excepté pour les tâches
ménagères, c’est vrai...
— Ce n’est pas mon problème, Devon. Tu t’es juste fait prendre à ton
propre jeu, poursuis-je en ramassant son haut pour le lui balancer au visage.
Maintenant… sors de chez moi.
Je me dirige ensuite vers la porte afin de pouvoir lui indiquer le chemin
à suivre d’un bref signe de la main, tandis qu’il ne cherche pas à contester
une seconde de plus. Un sourire menace de m'échapper lorsque j’observe
ses mouvements. Il est très en colère, aucun doute là-dessus. Parfait. L’air
de son passage enivre mes narines, mais je ne me laisse pas abattre pour
autant. Il me faudrait indéniablement beaucoup plus que l’odeur naturelle
de son parfum pour vaciller.
Je lui emboîte alors le pas sans plus attendre, bien décidée à voir son
visage se décomposer jusqu’à la fin :
— À bientôt, lui souris-je exagérément.
— Tu vas me le payer, Eva, rétorque-t-il furieusement. Je vais me
venger, compte sur moi.
— Oui, oui, me moqué-je en le poussant davantage sur le pallier. Allez,
à plus dans le bus !
Le vent qu’effectue la porte lors de sa fermeture me frappe gentiment
le visage, tandis que mon sourire refuse catégoriquement de s’effacer.
Seigneur… c’était jouissif. Au sens propre, comme au sens figuré.
— La prochaine fois, intervient une voix de la cuisine.
Je tressaille de façon incontrôlable. Nom de D… Mes yeux
s’écarquillent de manière exagérée quand je comprends sans effort de qui il
s’agit. Matt. Oh bordel.
— Tâche de hurler un peu moins fort, reprend-il ensuite, tout en
mâchant bruyamment ses céréales. J’ai déjà la 4G, pour mater du porno.
Seigneur… je suis foutue.
— Qu’est-ce que tu fais là…? lui demandé-je d’un sourire atrocement
crispé, et tout en ignorant parfaitement la remarque précédente.
— Migraine carabinée, souffle mon ami, visiblement mort de fatigue.
Mara a pris le relais.
— D'accord…
Étonnamment, il ne dit rien de particulier face au départ précipité de
mon patron une minute auparavant.
— Euh… bafouillé-je en approchant doucement. Tu…
— Merde… ricane-t-il alors doucement. Il est encore plus canon que
ton boss ! s’exclame-t-il ensuite vivement. Le style un peu streetwear…
j’adhère grave !
Hein ? Mais qu’est-ce qu’il raconte, là ? Oh, bordel ! Bien sûr ! Caleb
! Il pense que c’est Caleb !
— Par contre… reprend-il aussitôt d’une large grimace. Je ne
déconnais pas concernant tes hurlements. A l’avenir… évite, si tu tiens à ne
pas me faire gerber.
Je m’esclaffe de façon on ne peut plus hypocrite, puis fonce
rapidement vers le placard à gâteaux afin de me goinfrer à mon tour. En
effet, je pense que c’est une très bonne alternative pour oublier à quel point
je suis la pire des menteuses. La pire des meilleures amies.
Chapitre 18
Eva
Tout est tentation à qui la craint.
Jean de la Bruyère
Nous rentrons tout juste du match de football avec Matt. Il est près de
vingt heures, et j'ai déjà la cervelle en compote. Rien de trop étonnant au
final, puisque comme je l'avais prédit, les estrades étaient bondées
d'énergumènes en tout genre. En effet, elles contenaient un tas d'hommes
virilement repoussant, hurlant à chaque point, chaque faute, chaque… oui,
bon, ils hurlaient pour absolument tout et n'importe quoi.
— On commande une pizza ? me propose mon ami en refermant la
porte derrière nous. Il me reste une petite heure avant d'aller bosser, alors…
Je soupire longuement afin de lui faire comprendre que cette idée ne
m'enchante pas des masses. Pour être honnête, j'ai mangé des tonnes de
cochonneries tout au long de la journée, donc je dois dire que rien de tout ça
ne me tente pour le moment.
— Merci, mais je pense que je vais me contenter d’un bon bain chaud
pour ce soir, lui dis-je en bâillant exagérément. Ensuite, j’irai sûrement me
coucher, puis je…
— Dormir ?! intervient subitement Mara en faisant son entrée.
Certainement pas !
Merde. Je me retourne alors sur-le-champ pour lui faire face, et
remarque aussitôt le pack de Desperados présent entre ses mains.
Seigneur… j’avais déjà oublié notre rapide conversation d’hier.
— On peut peut-être remettre ça à plus tard ? suggéré-je d’un air
suppliant. Je suis vraiment crevée, et…
— Hors de question, m’interrompt-elle sèchement. J’ai dû parcourir la
ville tout entière pour trouver une épicerie qui avait encore tes bières
préférées en stock, alors tu ne vas pas me faire ce coup-là maintenant !
— Mais j…
— C’est non négociable, Eva, lance-t-elle ensuite fermement. En
revanche… on peut transformer ça en une petite soirée pyjama, si tu
préfères ?
— C’est une bonne idée, intervient Matt en hochant brièvement la tête.
Il reste de quoi faire du pop-corn dans les placards. De plus, ça te fera du
bien après la semaine de travail que tu viens tout juste de subir.
Même si la nourriture ne me tente toujours pas, je dois admettre que
l’idée du pyjama n’est pas mauvaise, dans le fond. Oui, j'ai probablement
besoin de ce genre de choses pour décompresser un peu. Sans parler du fait
que je suis presque convaincue de ne pas réussir à fermer l'œil avant de
longues heures, alors…
— Bon, soufflé-je finalement, vaincue. C’est d’accord, mais avant
toute chose… Laisse-moi prendre ce foutu bain. J’en ai rêvé tout l’après-
midi.
— Le match était si pourri que ça ? grimace mon amie, sincèrement
sceptique.
— Tu n’as même pas idée, soupiré-je en rejoignant la salle d’eau.
♤♤♤
Je me jette enfin sur le lit après avoir enfilé mon large peignoir blanc.
Mon Dieu… quel bonheur !
— Tu viens tout juste de prendre un bain de trente minutes, me
suspecte Mara. Et tu trouves encore le moyen de lâcher un long soupir de
soulagement ?
Mes paupières se plissent pour la gratifier d'un air faussement méchant,
tandis que je m'empresse de saisir la bière fraîchement ouverte actuellement
présente entre ses mains. Je risque probablement d'en avoir besoin, avec la
soirée qui m'attend.
— Hey ! se plaint furieusement mon amie. Il y en a cinq autres, juste
ici ! ajoute-t-elle ensuite en me désignant le pied du lit de son index.
— Oui, approuvé-je en buvant la première gorgée. Mais elles, elles ne
sont pas déjà ouvertes !
Je souris ensuite légèrement en portant le goulot une seconde fois
jusqu'à ma bouche, fière de mon petit coup machiavélique. Pendant ce
temps, Mara se hisse littéralement au bout du lit pour en attraper une
nouvelle. Aussitôt, elle l'ouvre à l'aide de ses molaires, et… Nom de Di…
— Merde ! grimacé-je, sincèrement écœurée. Tu me dégoûtes, quand
tu fais ça !
— Bah quoi, marmonne-t-elle, la capsule encore accrochée au bord des
lèvres.
Face à sa tête d’abruti, je ne retiens pas mon rire une seconde de plus.
Qu'est-ce qu'elle m'agace… mais qu'est-ce que je l'aime ! Oui,
indéniablement. Et après tout… Mara est mon amie depuis plus de trois ans
maintenant, donc même si elle peut parfois s'avérer être insupportable, je ne
nierais jamais l'évidence présente entre nous deux. Elle, c'est une amie. Une
vraie. Il va de soi que Matt reste -et restera- au premier plan, mais je dois
admettre n'avoir aucun doute la concernant. C'est vrai, je n'ai qu'à sortir le
téléphone de ma poche en cas de problème, et comme par magie, elle
apparaît. En un seul petit clignement de paupières. À vrai dire, c'est dans sa
nature. Cette femme est du genre à rendre service sans aucune attente en
retour, et c'est principalement ce qui me plaît chez elle. Bon, j'admets que sa
vie professionnelle lui permet d'être assez présente pour ses proches, mais
tout de même. Je veux dire… rien ne l'y oblige, et malgré ça, elle est
toujours là. D'ailleurs, elle le serait probablement tout autant si j'avais
besoin d'enterrer un cadavre au fin fond de la forêt. Un cadavre, comme
celui de Devon Anderson, par exemple.
— Ton boss t'en demande toujours autant, à ce que je vois, me dit-elle
en engloutissant une pleine bouchée de pop-corn.
Comment ça ?
L'angoisse doit probablement se lire sur mon visage actuellement. J'ai
la sensation que mon amie fait référence à une certaine chose, mais dans le
fond, je sais que ça n'a absolument aucun lien avec ma dernière incartade.
Elle me le confirme d'ailleurs aussitôt :
— Du moins… marmonne-t-elle, la bouche encore pleine. D'après ce
que disait Matt tout à l'heure.
— Oh… ça ! m'exclamé-je alors soudainement. Oui, enfin disons
que… je ne refuse jamais une meilleure paie, tu le sais bien.
*toc-toc-toc*
Mon corps se tend instantanément lorsque Matt entrouvre légèrement
la porte pour nous faire part de son départ. J'ouvre alors grand les yeux en
direction de mon amie pour la supplier de ne surtout rien dire au sujet de sa
récente découverte.
— Je pense dormir au bar ce soir, soupire-t-il alors, un peu dépité. Je
risque de finir tard, et… disons que le retour à pied ne m'enchante pas
vraiment.
— Je peux passer te prendre à la fermeture, si tu veux ? propose
aussitôt Mara. Contre… un petit repas en tête-à-tête ? suggère-t-elle ensuite
d'une moue suggestive. Je veux dire… un truc comme… un rencard ?
J'hallucine… Elle ne n’abandonnera donc jamais !
—Toi et moi, lui sourit notre ami, tout en rejoignant la sortie. Ça
n’arrivera jamais !
— Qui ne tente rien n'a rien ! lui hurle Mara avant qu’il ne disparaisse
totalement. Je te rejoins à la fermeture quand même !
La porte claquant derrière lui me laisse aussitôt penser qu’il est enfin
parti. Ouf. Je plisse alors les paupières en regagnant les iris de mon amie,
bien parée à lui répéter pour la millième fois qu'elle n'a vraiment aucune
chance :
— Tu…
—Oh non, désapprouve-t-elle en balançant rapidement sa tête de
gauche à droite. Toi, tu ne peux plus te permettre de me dire quoi
que ce soit à partir de maintenant.
Quelle pétasse. Oui, mais elle n'a pas tout à fait tort, pour être honnête.
Je suis en très mauvaise posture pour lui faire une quelconque remarque
actuellement.
— Bon, reprend-elle dans un souffle. Tu comptes m'expliquer
comment tu t'es fourrée dans cette gigantesque merde ?
— Oui, je… soupiré-je, sincèrement honteuse. Je vais tout t'expliquer.
♤♤♤
♤♤♤
Voilà seulement cinq minutes que Mara est partie récupérer Matt au
travail, et je tombe déjà littéralement de sommeil. Il doit être pas loin de
deux heures du matin, alors je pense que ma somnolence n'a rien de trop
étonnant au final. Je retire intégralement mon peignoir, puis m'emmitoufle
aussitôt dans les draps afin de pouvoir définitivement fermer les yeux. Bien
évidemment, c'est à cet instant précis que mon cerveau décide de reprendre
du service. Il me rappelle la discussion que j'ai eue avec mon amie en
milieu de soirée, juste après qu'elle ne m'est suggérée de partir rendre visite
à mon père. D'après elle, je devrais tout arrêter entre Devon et moi, avant
que ça ne prenne des proportions trop importantes. Que je le veuille ou non,
Mara pense qu'il est préférable pour moi d'y mettre un terme, et… je sais
combien elle à raison. Pour le moment, Devon s'amuse simplement, mais
quand il aura obtenu tout ce qu'il voulait réellement de moi à l'origine… je
serai bonne pour la casse. Bonne pour finir chez Starbucks. Alors oui, il faut
que je le fasse. Juste après lui avoir demandé mon lundi, bien évidemment.
Je saisis donc mon téléphone sans plus attendre, puis cherche
rapidement son numéro dans mes contacts. Une fois trouvé, je clique
dessus, puis commence à écrire ;
Un petit sourire vient élargir mes lèvres lorsque les souvenirs de cet
instant me reviennent en tête. Je peux me comporter comme une véritable
connasse, quand je m’y mets. Oui, cependant… c'était grandement mérité, il
faut le dire. Une belle vengeance, pour tous les coups bas que Devon a pu
me faire au cours de ces trois dernières années.
« Profite des tiennes, tant que je ne dors pas dans le même lit que toi. À
mardi, Eva »
Je sais que c'est mal. Oui, je sais que je ne respecte absolument pas ce
que je me suis pourtant promis de faire, mais… je sais aussi que tout ça
m'excite considérablement. D'ailleurs, c'est principalement pour ce fait-là
que je n'arrive pas à tout arrêter entre nous. Sa présence dans ma vie ajoute
une bonne dose de piment, et en réalité… je crois que j’adore ça.
C'est la confrontation avec les autres qui vous permet de dévoiler toutes
vos facettes.
Björk
♤♤♤
Je regagne tout juste ma chambre après une courte douche. Elle était
bien méritée, après les deux heures entières passées avec mon père autour
du superbe dîner qu'il nous a préparé plus tôt dans la soirée. Nous avions
tout un tas de choses à nous raconter depuis le temps. À vrai dire, il n'est
pas trop du genre à téléphoner habituellement, mais je dois admettre
préférer ça. Parfois, mieux vaut passer plusieurs heures à discuter en face,
plutôt que dix minutes par jour derrière un écran. Bien évidemment, je ne
lui ai absolument pas parlé de Devon lorsqu'il s'est empressé de me
demander où en était ma vie sentimentale. De toute évidence, il n'en est rien
avec mon boss, et je n'allais certainement pas avouer à mon père que je
couchais avec ce dernier. Impossible. Il me pense probablement encore
vierge.
Bref. J'aimerais bien pouvoir penser à autre chose, et ça tombe plutôt
bien, puisque je suis exténuée. Demain matin, je compte me lever tôt pour
aider un peu mon père à nourrir le bétail. Au passage, j'aimerais en profiter
pour rester un instant avec Abby avant l'heure du départ. Ça fait des lustres
que je ne l'ai pas vue, et j'ai déjà hâte de pouvoir la câliner. Ça peut paraître
assez étrange que d'accorder autant d'importance à un cheval, mais j'ai
toujours eu un lien très fort avec. Lorsqu'elle est arrivée à la ferme, j'avais
tout juste onze ans. J'étais souvent seule à la maison, puisque mes parents
passaient la plupart de leurs journées à faire les récoltes aux alentours.
Inévitablement, Abby était donc ma seule amie en cas de chagrin.
D'ailleurs, Dieu sait combien j'en ai eus. Nous partions régulièrement tuer
le temps toutes les deux, lors de longues balades entre les champs. En effet,
nous avons plus ou moins grandi ensemble, et comme dit si bien mon
père… voilà qu'elle attend son tout premier marmot avant moi. C'est
déprimant.
Je soupire longuement, m'assois au centre du lit après avoir retiré mes
chaussettes, puis tire ensuite légèrement sur la couette pour recouvrir un
peu mes jambes. Une fois bien installée, mes yeux en profitent pour
parcourir lentement la chambre dans toute son intégralité. Mon père avait
raison… elle est vraiment telle quelle. Il n'a absolument rien changé à ma
déco personnelle. Toutes les photos sont restées accrochées au mur face au
lit, formant une immense fresque au centre. Dessus, je peux y voir Megan,
Mike, Laureen… Merde, ça me fout la chaire de poule. Ils me manquent, et
le fait de réaliser encore une fois que je ne pourrai pas les voir si ce n’est au
cimetière… ça me met le moral à zéro. Bref. Je ne suis pas venue ici pour
me torturer. Au contraire. Je secoue vivement la tête, puis poursuis aussitôt
ma découverte. Mes livres sont toujours rangés par couleur, quant à ma
coiffeuse, elle, elle contient encore chacun des produits de beauté que j’y ai
laissés. Le tout est probablement devenu inutilisable depuis bien longtemps,
mais le fait de constater que mon père a tout gardé comme le jour de mon
départ me touche sincèrement. C'est comme si je n'étais jamais vraiment
partie, au final.
Un large bâillement s'échappe d'entre mes lèvres, me forçant donc à
enfin éteindre la lampe de chevet, pour ensuite définitivement fermer les
paupières.
♤♤♤
♤♤♤
Je n'ai pas dormi plus de trois heures avant que mon père ne vienne
gentiment me sortir du lit, il y a tout juste quinze minutes de ça. De toute
façon, j'ai environ quatre heures de bus pour rattraper la nuit dernière, alors
ce n'est pas si dramatique que ça. Puis pour être honnête, je préfère de loin
partager les derniers instants qu'il me reste, ici, avec mon père, plutôt qu'en
compagnie d'un oreiller affreusement inconfortable.
— Tu as bien dormi ? me demande justement ce dernier, avant de
porter une énorme bouchée de bacon grillé jusqu'à sa bouche.
— Peu, mais plutôt bien quand même, lui réponds-je en bâillant
exagérément fort.
— Tant mieux.
À vrai dire, mon père est parfaitement au courant des liens forts que
j'avais avec Jackson avant de définitivement quitter la maison. Par
conséquent, il imagine bien les heures de discussion que nous avons
partagées plus tôt dans la matinée. Peut-être qu'il s'imagine d'autres choses
aussi, mais… merde, non.
— Je vais sûrement devoir vendre une parcelle du terrain d'ici quelques
mois, relance-t-il finalement, et tout en me désignant la fenêtre du bout de
sa fourchette.
— Quoi… ? grimacé-je, sincèrement perplexe. Mais pourquoi faire ?
Je saisis une tranche de porc dans l'attente de sa réponse. Sur son
visage, je peux lire combien ça l'ennuie de me faire part de cette nouvelle
désolante.
— Maintenant que je fais tout tout seul… reprend-il entre deux
bouchées. Je n'ai plus vraiment de temps pour entretenir la totalité de cette
propriété. Et puis… ça me permettra sûrement de vivre normalement pour
quelques mois.
Cette dernière remarque me vaut un petit mouvement de recul. De
vivre normalement ? Comment ça ?
— Les chèques que je t'envoie ne suffisent pas ? m'enquiers-je alors,
légèrement sceptique. Si c'est ça… je peux peut-être m'arranger pour te
donner plus.
De quelle façon, je ne le sais pas encore, mais une chose est sûre… je
trouverais un moyen.
— Hors de question, désapprouve-t-il fermement. Tu en fais bien assez
pour ton vieux père. À l'origine, ça n'est déjà pas très normal. Aucun parent
ne devrait recevoir d'argent de son enfant, c'est… un peu comme le monde à
l'envers.
— Non, le contredis-je sans hésiter. C'est tout à fait normal que je
t'aide, papa.
Il soupire longuement en balançant vivement sa tête de gauche à droite,
probablement pour insister sur le fait que non, ça ne l'est pas.
— De toute façon, la retraite n'est plus très loin, reprend-il alors d'une
moue dubitative. Si je rembourse une partie de ce que j'ai à payer grâce à la
vente, j'aurai sans doute un peu plus de chance d'être tranquille quand le
moment viendra.
Cette simple phrase me fait l'effet d'une véritable bombe. J'ai du mal à
imaginer mon père à la retraite, avec peu de revenus, et parfaitement seul
ici, au milieu de tous ces champs. Les drames se multiplient déjà bien assez
dans ma vie pour que je prenne le risque de voir mon père se donner la mort
suite à de simples problèmes d'argent. Impossible. Oui, je vais trouver un
moyen de lui envoyer de plus grosses sommes, qu'il le veuille ou non, et
peu importe l'énergie supplémentaire que tout ça devra me coûter.
♤♤♤
♤♤♤
Je marche en direction de l'appartement après avoir quitté la gare. Mine
de rien, les quatre heures de ”sieste” que je viens tout juste d'effectuer m'ont
fait un bien phénoménal. En effet, j'avais vraiment besoin de récupérer un
peu. Actuellement, je pète tellement le feu que j'ai un rythme de marche
assez étonnant. Je trottine dans les rues de Brooklyn, bien parée à retrouver
Matt avant qu'il ne parte travailler. À vrai dire, lui seul connaît l'existence
de Jackson. Par conséquent, un petit débriefing s'impose. Oui, j'ai vraiment
hâte de lui expliquer combien ma courte virée à la campagne a été
thérapeutique pour moi.
— Eva… ? Mais que faites-vous ici ?
Cette voix familière provenant de la terrasse du café présent dans mon
dos me crispe sur-le-champ. Je m'efforce donc de lui faire face, faussement
détendue :
— Monsieur Anderson, lui réponds-je d’un large sourire hypocrite.
— Monsieur Anderson ? me demande-t-il ensuite, sincèrement
perplexe.
Quoi ? Merde, mais pourquoi mon boss joue-t-il à répète Jacquot avec
moi ? Mes paupières se plissent alors légèrement, et c'est seulement lorsque
je remarque la présence de Curtis dans son dos, que je finis par faire le
rapprochement. Seigneur… Caleb ! Mais que fait-il ici ?
— Oh… excusez-moi, lui dis-je très sincèrement. J'ai encore un peu de
mal à faire la différence entre vous et votre frère, à vrai dire.
Il ricane brièvement avant de définitivement me rejoindre, puis me
propose sympathiquement :
— Un petit café ?
— C'est gentil de votre part, mais je dois vite rejoindre Matt avant qu'il
n'aille trav…
— Aucun souci, m'interrompt-il alors d'un vaste signe de tête.
Cependant… vous n'avez pas encore répondu à ma question. Que faites-
vous ici, chargée de tous ces bagages ?
— J'ai été rendre visite à mon père pour le week-end, lui dis-je alors,
tout sourire.
— Avec l'accord de Devon ?
— Naturellement, approuvé-je, sans l'ombre d'une hésitation.
Il effectue une petite moue d’étonnement suite à cette réponse donnée
spontanément. Un peu comme s'il était dingue que son frère se montre si
sympa, par moment. Je vous rassure, Caleb. Moi-même je n'en reviens
toujours pas.
— Et vous ? lui demandé-je ensuite, légèrement sceptique. Pourquoi
êtes-vous revenu ? Le séminaire a lieu cette fin de semaine à Los Angeles,
alors…
— Effectivement, oui, me coupe-t-il rapidement. Mais à vrai dire…
nous organisons une fête surprise pour l'anniversaire de ma mère. Elle aura
lieu ce jeudi soir, du coup… ma présence était un peu primordiale, si vous
voyez ce que je veux dire.
Inévitablement.
— Oh d'accord ! m'exclamé-je alors avec plusieurs petits hochements
de tête. En effet, je comprends mieux !
Caleb fronce légèrement les sourcils, un peu comme pour réfléchir à sa
future réponse. Ensuite, il hausse les épaules, forme une petite moue avec sa
bouche, puis me lance avec panache :
— Vous n'avez qu'à vous joindre à nous ! Ma mère serait ravie de
rencontrer la femme qui gère absolument tout de la vie de son fils !
Bordel. Comment suis-je censée refuser une invitation de ce genre ?
J'ai déjà ma petite idée.
— Oh… c'est vraiment gentil de votre part, seulement… je dois aider
Matt au bar, tenté-je d'un air sincèrement désolé. Les fins de semaine sont
plus chargées en général, et il…
– Je dirai à Curtis de s'en occuper, dans ce cas, suggère-t-il en me
désignant ce dernier d'un vaste signe de tête. Ça ne doit pas être trop
difficile de préparer quelques cocktails.
— Eh bien c’est que… euh… nous décollons le lendemain même, alors
j’aimerais être en forme pour le grand dépa…
— Vous le serez, me coupe-t-il subitement. Je passerais vous prendre
au pied de votre immeuble ! ajoute-t-il ensuite, plein d’engouement. Le
manoir est à seulement quelques minutes d'ici !
Le manoir ?
— Bon, et bien dans ce cas… lui réponds-je, un peu crispée tout de
même.
Atrocement crispée.
— On se voit jeudi ! ajouté-je aussitôt, probablement l’air très
embarrassé.
— Parfait ! me lance-t-il en rejoignant Curtis. C'est une soirée chic,
donc prévoyez une belle tenue !
— Génial ! m'exclamé-je, tout en dressant un pouce vers le haut.
"Génial ?" Merde, sérieusement ?! Et ce geste parfaitement débile…
pathétique. Je reste immobile de courtes secondes en l’observant regagner
sa table, puis m'insulte ensuite intérieurement à plusieurs reprises.
Premièrement, pour ne pas avoir trouvé d'excuse plus compliquée à contrer,
et deuxièmement, pour ne pas daigner bouger mon cul de ce foutue trottoir.
Allez Eva, reprends ta marche, bon sang ! Après un petit instant de lutte
pour enfin y parvenir, je fonce rapidement dans l'angle de la rue. Mon
appartement est à seulement deux petites minutes de là, alors je cours
presque pour l'atteindre. Oui, et pendant ce petit laps de temps… je ne peux
m'empêcher de penser à la soirée qui m'attend jeudi. Pire, à la réaction de
mon patron, lorsqu'il apprendra ma présence pour ce jour pourtant dédié à
sa propre mère. Nom de Dieu… Je sais que je passe les trois quarts de ma
vie à me poser cette question, mais… dans quel genre de merde tu t'es
encore fourrée ?!
Chapitre 21
Eva
Souhaiter oublier la douleur causée par la perte d'un être cher, c'est
courir après cette même douleur.
Lehann
Voilà déjà plusieurs heures que je suis installée derrière mon petit
bureau, toujours dans la panique extrême que mon boss vienne
soudainement ouvrir cette fine porte qui nous sépare. Étrangement, il n'est
pas encore venu me saluer. Bon, je dois dire que ça n'a jamais vraiment fait
partie de ses habitudes, cependant… après les derniers événements, disons
que je m'attendais à un minimum d'attention de sa part. Oui, pour être
parfaitement franche, je crois que j'aurais apprécié le trouver dans la voiture
ce matin, lorsque Charlie m'a gentiment ouvert la portière. Pourquoi,
d'ailleurs ? Je n'en sais strictement rien.
La sonnerie du téléphone fixe me sort subitement de mes pensées
stupides. Je soupire alors exagérément, puis saisis le combiné sans plus
attendre afin de pouvoir répondre :
— Eva Pierse, comment puis-je vous aid…
— Amenez-moi un café.
Curieusement, cette interruption pourtant familière et peu étonnante
venant de Devon me dérange sincèrement. Aujourd'hui plus que d'habitude.
Vraiment ? Et les bonnes manières… c'est fait pour les chiens ?!
— Bonjour Monsieur Anderson, lancé-je alors de façon à l'inciter à me
rendre la pareille.
— Sans sucre, ajoute-t-il fermement, et ignorant donc complètement
ma salutation précédente.
Sérieusement ? Bon… très bien. Dans ce cas, il ne va pas être déçu.
— Tout de suite, Monsieur, lui réponds-je l'air de rien.
Je repose aussitôt le téléphone sur son socle, puis me lève rapidement
afin d'exécuter l'ordre strictement donné. Pour ce, je n'ai qu'à rejoindre la
machine à café présente à l’accueil, juste entre les deux ascenseurs. Une
fois devant, je positionne le petit gobelet au bon emplacement, puis
actionne aussitôt le bouton adapté à la demande de mon patron. Pas de
sucre, comme d'habitude. Oui, toutefois… il n'a fait aucune précision, en ce
qui concerne tout autre assaisonnement. Un sourire machiavélique prend
place sur mon visage pendant que je saisis l'un des petits sachets bleus
présents sur la table haute d'à côté. Aussitôt, je le déverse entièrement à
l'intérieur du verre cartonné, puis mélange ensuite énergiquement le tout
afin de ne surtout pas laisser de résidus stagner au fond du gobelet. Ce
serait vraiment trop bête, que d'en gaspiller une petite miette.
— Je crois que tu viens de te tromper, me lance Marta de sa chaise. Le
sucre, c'est les sachets roses. Là, tu viens de mettre du sel.
Depuis quand se montre-t-elle sympathique avec moi, elle ? Ah oui.
Son pot de départ aura lieu demain soir. J'avais oublié.
— Non, lui réponds-je naturellement, et tout en continuant à touiller. Je
ne me suis pas trompée.
Ses paupières se plissent légèrement, probablement pour tenter de
comprendre la raison qui me pousse à boire mon café de la sorte.
Soudainement, l'éventualité que ça ne me soit pas vraiment destiné la frappe
en pleine tête. Elle esquisse un petit sourire narquois, puis me lance :
— Si on me demande quoi que ce soit… je n'ai rien vu.
— Vous comprenez vite, Marta, marmonné-je, toujours de cet air
affreusement démoniaque.
J'ai l'impression d'avoir dix ans d'âge mental, surtout lorsque je longe
le large couloir, plus pimpante que jamais. C'est stupide, tout ça. Oui, mais
tout aussi amusant. J'arrive donc devant la porte de mon cher patron après
seulement deux petites minutes, et en frappe aussitôt le bois pour annoncer
mon arrivée. À peine une demi-seconde plus tard, il me hurle d'entrer,
toujours de la façon agréablement aimable que je lui connais. Je m'exécute :
— Votre café, lui dis-je en déposant ce dernier sur le bureau, tout
sourire.
Il fronce les sourcils, probablement surpris de me voir si joviale. En
même temps… je dois admettre que c'est tout, sauf très commun de ma part.
— Ces quelques jours vous ont fait du bien, à ce que je vois, remarque-
t-il en saisissant son dû.
Rien ne peut être plus bénéfique que ce à quoi je suis sur le point
d'assister. Ses yeux restent plongés sur l'écran de son PC lorsqu'il porte le
gobelet jusqu'à sa bouche. Pendant ce temps, je reste debout face à lui, raide
comme un piquet. L'impatience est en train de me ronger de l'intérieur.
— Eva, s'interrompt-il alors en levant les yeux vers moi.
Merde.
— Oui ? lui demandé-je, tout en tentant de dissimuler mon stress.
J'en ai sûrement trop mis, putain. À tous les coups, il a pu le sentir rien
qu'à travers les vapeurs.
— Qu'avez-vous fait de particulier, ce week-end ? s’intéresse-t-il
finalement.
Je fronce légèrement les sourcils suite à cette question on ne peut plus
étonnante. Depuis quand s'en inquiète-t-il, au juste ? Mais bien
évidemment, je ne vais pas lui en vouloir de se montrer sympathique envers
moi. C'est si rare… Je réfléchis alors quelques secondes à la réponse que je
pourrais bien donner pour ne pas trop m'étaler, et… une seule et unique
option me traverse l'esprit :
— J'ai participé à l'accouchement d'un cheval, balancé-je alors, un peu
désinvolte. Enfin… d’une jument, plus précisément.
La grimace qu'effectue Devon à la suite de cette réponse étrange
pourrait presque m'arracher un fou rire, mais malheureusement, mes
pensées restent obnubilées par le fait de le voir boire ce foutu verre de café.
— Intéressant… marmonne-t-il alors, juste avant de définitivement le
porter jusqu'à ses lèvres.
Mon regard ne le quitte pas une seule seconde tant je jubile d'avance.
D'ailleurs, c'est seulement lorsque mes yeux remontent légèrement vers les
siens que je constate en fait qu'eux aussi, sont rivés tout droit sur moi. Il
repose aussitôt le gobelet devant lui, un air affreusement suspicieux ancré
sur le visage :
— Vous me prenez pour un imbécile, n'est-ce pas ?
— Comment…
— Vous avez craché dedans, c'est ça ? m'interrompt-il en désignant
l'arme du crime de son menton.
Je tente de déglutir convenablement, puis finis par bégayer :
— Quoi ? Non, je… enfin…
Merde, tu es beaucoup trop faible, ma grande.
— Bon d'accord, avoué-je d’un large soupir, vaincue. J'y ai peut-être
versé un sachet de sel tout entier.
Le sang me monte instantanément au cerveau suite à cette réponse
spontanée. En vérité, je comptais maintenir le mensonge coûte que coûte,
mais ma bonne foi m'a trahie. Fait chier. Étonnamment, Devon s'esclaffe
sans retenue. Quoi ? Son rire résonne entre les murs de la pièce, et je serais
presque étonnée de constater que même hilare, il n'en reste pas moins
affreusement sexy. Fait doublement chier.
— Vous êtes épatante, Eva, poursuit-il dans un énième éclat de rire. Un
peu flippante, mais vraiment épatante !
De mon côté, j'ai tellement honte que je n'arrive même pas à esquisser
ne serait-ce qu'un ridicule petit sourire. Oui, je suis minable. Puis pour être
honnête, je dois admettre me méfier de lui. En trois ans au sein de cette
entreprise, jamais, ô grand jamais, Devon Anderson n'a rigolé si fort. Ça
cache forcément quelque chose. D'ailleurs… une demi-seconde aura
amplement suffi pour que mes doutes ne se confirment. Après un dernier
souffle, voilà qu'il retrouve intégralement son sérieux. À vrai dire, c'est un
peu comme s'il n'avait jamais ri les secondes précédentes, tant son
expression vient de devenir glaciale. Un foutu iceberg.
— Maintenant… lance-t-il d'un regard assassin. Ramenez-moi mon
putain de café.
J’arque un sourcil de manière exagérée, puis rétorque sans plus
attendre :
— Vous savez pertinemment que je ne le ferai pas si vous me le
demandez de cette façon.
Aucune expression ne traverse son visage suite à ça, mais voilà qu'il se
lève finalement de son fauteuil, probablement pour seul but de venir
m'affronter de plus près. Ses iris se plantent avec intensité dans les miens
lorsqu'il arrive enfin à mon niveau, et c'est à cet instant précis que mon
cœur se met à battre la chamade. Pourquoi il bat si fort, d'ailleurs ?
— Tu penses avoir été courtoise la dernière fois, toi ? me demande-t-il
d'une voix rauque.
Je mordille ma lèvre inférieure pour dissimuler mon angoisse. Merde,
nous sommes beaucoup trop proches l’un de l’autre, là. Oui, Devon est à
seulement quelques centimètres de moi, et… ce simple fait suffit à
complètement faire dérailler mon rythme cardiaque.
Devon
*toc-toc-toc*
— Merde, crache-t-elle, juste avant de plaquer ses paumes contre mon
buste pour légèrement reculer.
Mais je n'accorde aucune importance à la personne actuellement
présente derrière cette porte, et la hisse de nouveau brusquement contre moi
pour poursuivre ce baiser langoureux. Curieusement, Eva ne tente pas de se
défaire de mon étreinte pour autant. Bien au contraire, sa langue glisse à son
tour sur la mienne, tandis que son bas-ventre se presse davantage contre ma
queue.
*toc-toc-toc*
— Devon ! s'exclame la voix étouffée de mon frère à travers la large
porte.
Putain…
Mais malgré ça, nous continuons sur notre lancée. Les doigts d'Eva
glissent peu à peu vers l'une de mes fesses pour l'empoigner, tandis que je
me contente de lui accorder la même caresse en retour, avec un peu plus de
fermeté pour ma part.
— Je te préviens au cas où tu materais encore un porno, s'impatiente
sérieusement Caleb.
Quel connard.
— J'entrerai à dix ! ajoute-t-il aussitôt. Un… deux… trois…
À vrai dire, je me moque complètement qu'il finisse par le faire. Au
moins, les choses seront parfaitement claires entre nous. Eva deviendra
définitivement inaccessible à ses yeux s'il nous surprend à nous bécoter.
Quoique… merde, non. Ça lui laisserait juste une nouvelle opportunité pour
me défier. Oui, et puis toute façon, cette dernière est beaucoup trop
distinguée pour se permettre ce genre de dérapage en public. Par
conséquent, lorsque mon frère annonce le chiffre sept, elle se détache de
mes lèvres, puis effectue ensuite trois pas en arrière, non sans me lancer un
regard bourré de désir charnel au passage. Bordel, elle est beaucoup trop
bandante.
— Zéro ! s'exclame alors Caleb en entrant soudainement dans la pièce.
— J'en ai plus qu'assez de vos caprices, Monsieur Anderson ! hurle
subitement ma secrétaire, tout en faisant de multiples gestes incontrôlés
avec ses mains. Préparez-le vous-même, à compter d'aujourd'hui !
Merde, mais de quoi parle-t-elle, au juste ?
Suite à ça, elle tourne furieusement les talons, puis s'empresse de
regagner la porte communicante menant à son bureau.
— Désolé Caleb, lui lance-t-elle au passage. Mais vous feriez mieux de
dire à votre frère d'arrêter ses exigences bidon concernant la caféine ! C'est
insupportable !
*BAM*
Chapitre 22
Eva
Devon
Mes doigts sont tellement serrés autour de sa peau ferme, que je peux
en voir les jointures blanchir à vue d'œil. Putain, pourvu que Charlie n'ait
pas entendu ses dernières paroles. Tu parles. Bien sûr qu'il les a entendues.
Eva vient de hurler si fort, que même les passants ont pu l'entendre. "Pour
me baiser". C'est dingue comme une phrase aussi banale venant d'elle peut
me faire vaciller. Enfin… disons plutôt que c'est principalement cette
femme, qui me fait vaciller. Ouais, à elle seule, elle me fait tourner la tête.
— Vous me faites mal, marmonne-t-elle, le souffle court.
— Tu ne peux pas t'immiscer dans ma vie personnelle de cette façon,
Eva, lui réponds-je au creux de l'oreille.
— Je n'ai rien fait de plus qu'accepter une invitation gentiment donnée.
C'est probablement vrai, oui, seulement… si mon frère l'a fait, c'est
pour une raison bien précise. Il tente de s'en rapprocher davantage, je le
sais. Depuis le début, elle lui fait de l'effet.
À quel genre d'homme n'en ferait-elle pas, d'ailleurs ?
— Il veut simplement te mettre dans son lit, lui dis-je d'une voix
rauque.
— Parce que votre but n'était pas le même, à l’origine, Monsieur ?
m'interroge-t-elle d'un air espiègle.
Fait chier.
— Quoiqu'il en soit… poursuit-elle dans un petit soupir. De cette
façon, les choses seraient nettement plus simples pour moi.
— Comment ça ? lui demandé-je alors d'un léger froncement de
sourcils.
Elle soupire une nouvelle fois, tout en se tordant légèrement sur son
siège, certainement pour me faire savoir que mon emprise devient vraiment
inconfortable. Malgré tout, je ne la relâche pas. Non, là, ce qui m'importe le
plus, c'est sa réponse. D'ailleurs, elle a l'air assez disposée à me la donner,
puisque son regard bifurque légèrement dans ma direction pour pouvoir me
faire face :
— Je pourrais coucher avec exactement le même homme que vous,
sans avoir à me soucier ne serait-ce qu'une toute petite seconde de la
tournure que pourrait prendre ma carrière professionnelle par la suite.
Sans que je ne le contrôle, mes doigts remontent rapidement vers son
entrejambe, puis s'arrêtent juste avant d'entrer en contact avec sa petite
culotte. Aussitôt, sa respiration s'accélère davantage, et malheureusement
pour elle… je ne compte pas en finir là-dessus. Exactement le même homme
? Merde, est-elle en train de sous-entendre qu'il n'est question que d'un
physique, dans cette histoire ?
— Dois-je en déduire qu'il t'importe peu de le faire avec moi, tant que
tu as en face de toi un homme qui remplit tes critères physiques ?
— C'est tout à fait ça, oui.
Encore une fois, mon étreinte se resserre. Le fait de l'imaginer dans
cette même posture avec un autre suffit à me hérisser le poil. Pire, avec mon
propre frère. Merde, je ne sais pas pourquoi, mais ça m'est tout bonnement
insupportable.
— Tu as signé un contrat en arrivant ici, lui murmuré-je à l'oreille. Tu
te souviens ?
— Oui. Et d'ailleurs… tout comme vos mains actuellement posées sur
ma peau, je serais curieuse d’entendre ce qu'une cour d'assises en penserait.
Des menaces… toujours des menaces.
— Tu aimes ça, grommelé-je, tout en remontant un peu plus vers son
intimité. Admets-le.
Elle gonfle le buste pour empêcher le gémissement de sortir de sa
bouche, ce qui me suffit donc amplement comme approbation. Je poursuis :
— Lui, il ne te fera jamais le même effet que moi.
— Qu'est-ce qui vous fait penser ça, au juste ?
Je réfléchis de courtes secondes avant de lui apporter une réponse
précise, et en profite pour inhaler l'odeur de son parfum au passage :
— Ce que tu aimes, Eva, reprends-je alors en remontant davantage mes
doigts vers la dentelle de sa culotte. C'est l'interdit présent entre nous deux.
Caleb n'est pas ton patron, et coucher avec lui ne t'apportera strictement
rien. Ça ne réalisera aucun de tes fantasmes.
Mon index tire légèrement sur le fin tissu pour le faire glisser sur le
côté. Une fois chose faite, je frôle l'entrée de son vagin, pour -sans grande
surprise-, y découvrir l'effet indéniable que j'ai actuellement sur sa libido.
Effectivement, comme la dernière fois, Eva est toute trempée entre mes
doigts.
— Détrompez-vous, lance-t-elle alors, avec un peu plus d'assurance
dans la voix pour cette fois. Je suis certaine qu'il pourrait m'apporter tout un
tas de choses utiles.
— Ah oui ? ricané-je, perplexe. Et lesquelles, exactement ?
— De la douceur, pour commencer. Caleb ne se permettrait pas de se
montrer si grossier avec moi.
Un rire nerveux traverse mes lèvres, à l'instant même où Eva termine
cette phrase. En vérité, elle a probablement raison, mais… je refuse de
l'admettre à haute voix.
— Crois-moi, Caleb n'est pas un homme pour toi, réponds-je une fois
mon sérieux retrouvé.
Le moteur de la voiture s'arrête, ce qui signifie donc que nous sommes
arrivés à destination. Évidemment, ça ne suffira pas à me stopper. Non, là…
il faut impérativement que je lui passe l'envie de faire une chose pareille.
Que je lui passe l'envie d'aller voir un autre homme que moi.
— Au-delà de toutes les qualités qu’il te montre, c’est un lâche. Tu
seras forcément déçue un jour ou l’autre.
— N'êtes-vous pas plutôt en train de parler de vous-même, Monsieur
Anderson ?
Un - Zéro.
Merde, je suis presque à court d'arguments.
— Tu sais… souris-je finalement, mon visage toujours très proche du
sien. Mon frère est un homme riche. Des femmes comme toi, il peut en
avoir à la pelle.
Elle s'esclaffe de façon incontrôlable suite à cette remarque tranchante,
et je n'ai même pas besoin d'attendre sa réponse pour savoir qu'elle sera
encore meilleure que la précédente.
— Idem pour vous, n'est-ce pas ? m'interroge-t-elle en déposant sa
main contre la mienne. Alors, pourquoi persister malgré tout ?
Encore une fois, je n'ai aucun putain d'argument face à ça. Non, aucun.
De ce fait, je ne réfléchis pas davantage pour lui répondre :
— Question de facilité, balancé-je alors du tac au tac. Une si belle
femme, à seulement quelques mètres de moi… pourquoi irais-je chercher
plus loin ?
— Donc c'est ça ? grimace-t-elle avec dégoût. Pour vous, je suis… "la
facilité" ?
— Par excellence, terminé-je naturellement.
Pour toute réponse, ses doigts se resserrent autour de ma main afin de
la saisir fermement, puis d'un geste brusque, l'envoient valser sur le côté.
OK. Visiblement, parler sans réfléchir, ce n’est définitivement pas fait pour
moi. Oui, mais au final… c’est peut-être mieux comme ça.
— Je crois que je viens tout juste de me souvenir des raisons qui me
poussent à rester loin de toi, Devon, reprend-elle d'un air dédaigneux.
Elle détache ensuite sa ceinture, actionne la poignée de porte afin de
pouvoir l'ouvrir, puis se retourne une dernière fois pour me lancer :
— Tu es un sale con.
Les talons de ses escarpins claquent fermement sur le bitume
lorsqu'elle sort de l'habitacle, alors je l'observe en silence, sans jamais
trouver quoi dire de plus.
— Compte sur moi pour coucher avec tous les hommes du service, y
compris Caleb, crache-t-elle, plus déterminée que jamais. Et au diable, ton
foutu contrat.
Pour finir, Eva claque brusquement la porte derrière elle, me laissant
donc là, parfaitement seul avec mon désarroi. Bordel. Je suis vraiment le roi
des connards. Moi qui voulais simplement l'éloigner de lui… voilà que je
viens tout juste de faire l'exact opposé. Oui, à vrai dire… c'est souvent
comme ça que ça se passe, quand une chose me rend nerveux. Et pour être
parfaitement franc, je crois que j'aurais réagi exactement de la même
manière qu'elle.
Rien de plus excitant que de braver les interdits.
Chapitre 23
Devon
La vengeance est un plat qui se mange froid ? Qui est le crétin qui a
décrété ça ? La vengeance se mange chaud. Chaud à s'échauder la
langue, les amygdales, les viscères. Chaud à s'ébouillanter les tripes.
Tatiana de Rosnay
Eva
— J'en reviens toujours pas qu'il t'ait invité à un événement aussi
personnel, me lance Mara à travers le miroir de ma chambre, légèrement
sceptique. En plus… c’est complètement pourri d’organiser une fête un
jeudi soir ! Sérieusement… qui fait encore ça de nos jours ?!
Pendant que mon amie réfléchit à des choses essentielles, je me donne
littéralement corps et âme pour clore cette satanée fermeture dorsale. Et
après, ce connard de Matt ose me dire que je n'ai pas pris un seul gramme
?! Tu parles !
— Il-ne-m'a-pas, peiné-je en me contorsionnant dans tous les sens.
Invitée, soufflé-je ensuite une fois ma tâche accomplie.
Merde, je suis serrée comme un véritable rôti ficelé, là-dedans.
Sérieusement… mon buste est tellement tendu, que j'ai la désagréable
sensation de porter un corset. Or… du peu que je sache, je n'en ai aucun en
ma possession. Fait chier. Je soupire bruyamment, relâchant donc ma
posture atrocement droite dans la foulée, quand un large bruit de
craquement me pousse à écarquiller les yeux de manière exagérée.
— Je crois que tu peux la foutre à la poubelle, pouffe mon amie, regard
tout droit rivé sur ma colonne vertébrale.
Effectivement, j'avais bien cru sentir un courant d'air frais sur cette
même zone la seconde précédente. Encore une fois… fait chier. Ma main
tente d'atteindre mon dos afin de pouvoir constater l'étendue des dégâts, et
c’est alors que je frôle la déchirure du bout de mes doigts. Merde, j'ai envie
de pleurer.
— Putain, craché-je furieusement. Je n'ai aucune autre robe à peu près
convenable à me mettre !
C'est forcément un signe. Je ne dois surtout pas me rendre à cette
satanée fête.
— Qu'est-ce que tu voulais dire, par "il ne m'a pas invitée" ? s'enquiert
alors Mara d'un léger froncement de sourcils.
Visiblement, ce sujet pourtant peu inquiétant l'intrigue trois fois plus
que ma récente prise de poids. Et malgré tout, je lui réponds sans sourciller
:
— Caleb l'a fait, et Devon m'a demandé de simuler une grippe
foudroyante en l'apprenant.
— Vraiment… ? grimace-t-elle alors, incertaine.
— Vraiment, pouffé-je, un peu agacée tout de même.
Je tire brusquement sur les extrémités de cette foutue robe afin de
pouvoir la retirer en un rien de temps. Après tout… je ne suis plus à ça près.
— Et toi… tu y vas quand même ? me demande-t-elle ensuite d'un air
dubitatif.
— J'y comptais, oui, lui réponds-je en jetant le morceau de tissu
déchiré au pied de mon lit. Mais sans robe adaptée, ça ne risque pas
d'arriver. Déjà que mon boss a honte de présenter sa "petite secrétaire
fauchée" aux siens, alors… si je me pointe en jean, je doute que ça arrange
vraiment la situation.
Mara croise les bras sous sa poitrine, probablement fin prête à
approuver cette décision plus que plausible, quand ses iris bifurquant sur
ma coiffeuse me poussent à effectuer une petite rotation vers cette dernière.
Je tombe alors sur la fameuse boîte rouge. Celle qui contient encore la robe
que Devon m'a offerte, afin que je sois assez "présentable" à ses yeux lors
de la soirée caritative qui aura lieu pendant le séminaire. Ensuite, je regagne
le visage de mon amie pour l'interroger d'un simple petit coup d'œil. Elle
insiste en me désignant de nouveau la boîte, et c'est à cet instant précis que
je comprends où elle veut réellement en venir.
— Merde, jamais de la vie ! m'exclamé-je alors, horrifiée. Je n'avais
déjà pas prévu de la mettre pour la réception de samedi soir, alors
certainement p…
— Tu vas la mettre, ma belle, m'interrompt-elle en se dirigeant vers le
meuble malgré tout. De gré ou de force, je t'assure que tu vas enfiler cette
robe.
Je l'observe attentivement la sortir de son carton, et ne bouge pas d'un
centimètre quand elle approche de nouveau vers moi. De gré ou de force…
? J'hallucine ! Mais pour qui me prend- elle, elle avec ?
— Et moi, rétorqué-je, sourcil arqué. Je t'assure que j…
— Deux semaines de ménage, me coupe-t-elle aussitôt, tout en tendant
le vêtement vers moi.
— C'est d'accord, approuvé-je du tac au tac.
— J'en étais sûre.
Merde ! C'est dingue comme je suis facile en affaire ! En plus du
régime, j'ai un véritable coaching à prévoir à ce niveau-là !
— Donne-moi ça, l'assaillis-je alors en la lui arrachant brusquement
des mains.
Aussitôt, Mara se jette sur le lit pour jouer avec son téléphone, tandis
que j'en profite pour l'enfiler. Cette fois, pas de fermeture dorsale, et… c'est
peut-être mieux comme ça, au final. J'y passe alors mes deux bras sans plus
attendre, et glisse ensuite le tissu jusqu'à mes hanches afin de pouvoir retirer
mon soutien-gorge. De toute évidence, il est préférable de ne pas en mettre,
au vu du large décolleté en V qu'elle présente. Une fois chose faite, je
remonte délicatement les bretelles, et les dépose exactement de la même
manière sur mes épaules. Arrive maintenant l'épreuve la plus compliquée ;
me regarder dans le miroir. À vrai dire… j'ai peur de me trouver aussi
repoussante que lors du premier essayage. (Du premier sabotage).
— Bordel de merde… marmonne Mara dans mon dos.
Le vacarme qui s'ensuit me force à tourner la tête sur-le-champ, et c'est
alors que je découvre le téléphone portable de mon amie au sol, face contre
terre. Mes yeux remontent doucement vers son visage, pour finalement y
découvrir un air abasourdi.
— C'est si moche que ça ? m’offensé-je, sincèrement perplexe.
— Putain, Eva… non ! dément-elle aussitôt. Merde, regarde-toi !
Je ferme alors les paupières en pivotant doucement face au miroir, puis
les rouvre ensuite intégralement une fois bien devant.
Nom de D…
— Elle était vraiment faite pour toi, m'assure Mara en hochant
frénétiquement la tête.
Je souris bêtement en observant chacun des détails que cette
magnifique robe contient. Mon amie à raison, elle me va comme un gant.
Sa couleur saphir est affreusement enivrante, quant aux petites paillettes qui
terminent le long tulle assorti… tout simplement splendide.
— Cet enfoiré va s'en mordre les doigts, ajoute-t-elle en arquant
exagérément les sourcils. Aucun doute là-dessus.
Un sourire narquois prend maintenant place sur mon visage. Là aussi,
elle a complètement raison.
— Et quand il n'en aura plus… grommelé-je d'un air machiavélique. Il
finira sûrement par ses orteils.
Mara plisse les paupières. Apparemment, elle ne saisit pas trop la
métaphore. Oui, et en même temps… j'ai peut-être oublié un petit détail,
parmi mes récentes explications.
— Je lui ai promis de me taper son frangin, dis-je, tout sourire. Et ça
tombe plutôt bien, puisque c'est justement lui qui passe me prendre ce soir.
Je dois probablement avoir l'air d'une véritable psychopathe,
néanmoins… ça n'a pas vraiment l'air de la déranger, puisqu'elle s'empresse
d'écarquiller les yeux pour me répondre :
— Oh bordel, oui ! crie-t-elle d'un rire sarcastique. C'est tout ce que
ton connard de patron mérite ! Te voir arriver au bras de son propre frère…
quel pied !
Pour être honnête, quand je parle de me taper Caleb, je veux plutôt
dire… pour de faux, quoi. Disons que l'idée de faire croire coûte que coûte
à Devon que je vais vraiment passer à l'acte me paraît plus amusante. Plus
convenable, aussi. Et puis de toute évidence… je ne compte pas me faire
son frère pour le moment. À l'origine, je ne comptais me faire personne,
d'ailleurs. Mais ça, Mara n'a pas besoin d'en être informée. Je la connais
bien assez pour savoir qu'elle me pousserait à agir, à l'aide de tout un tas
d'arguments solides. Oui, alors… c'est avec grand plaisir que je me passe de
ses leçons de vengeresse professionnelle.
— Merde, ajoute cette dernière, tout enjouée. Je veux une photo de sa
tête lorsqu'il l'apprendra, pour pouvoir l'accrocher au mur de ma putain de
chambre par la suite !
OK, je crois que je comprends mieux pourquoi ma soif de vengeance
ne la choque pas le moins du monde. En vérité… cette nana est trois fois
plus cinglée que moi.
Chapitre 24
Eva
Il faut se garder de jouer avec le feu puisque le risque de se brûler est
évident.
Thomas Gatabazi
Caleb gare son S.U.V avec dextérité devant cette magnifique demeure.
Il le gare, oui. Étant donné que Curtis est actuellement au bar pour aider
Matt, il n'a donc pas pu nous conduire jusqu'ici. En effet, Caleb a bel et bien
tenu parole à ce sujet, et… même si tout ça n'était rien d'autre qu'une
vulgaire tentative d'évasion de ma part, je trouve que c'est plutôt cool pour
mon ami. Les vingt minutes de trajet en compagnie du charmant frangin de
mon patron se sont bien passées, mais ça n'a rien de trop étonnant au final.
Comme souvent, nous trouvons constamment des choses à nous dire lui et
moi. Aujourd'hui, nous avons passé la route entière à parler du court séjour
que j'ai récemment passé chez mon père. Je me suis confiée sur tout un tas
de choses le concernant, y compris ses problèmes d'argent récurrents. En
temps normal, ça ne fait pas vraiment partie de mes habitudes, cependant…
avec Caleb, j'ai la sensation de ne jamais être jugée. Au contraire, ce dernier
s'est montré très compatissant envers moi, et m'a même félicitée d'être si
généreuse avec les miens. Après tout… comme je lui disais avant qu'il ne
coupe définitivement le moteur ; rien de plus normal à mes yeux.
— Avant de rejoindre la fête, je voulais vous parler de quelque chose
d'important, Eva, me dit-il en tournant légèrement sa tête dans ma direction.
Ma bouche forme une petite moue dubitative dans l'attente
d'explications. Pour être honnête, je n'ai absolument aucune idée de ce que
Caleb tient à me confier, mais étrangement… ça m'angoisse.
— À vrai dire… poursuit-il avec hésitation. Ça fait déjà quelque temps
que j'y pense.
— Je vous écoute, l'encouragé-je alors vivement.
Il se pince l’arrête du nez, probablement pour but de réfléchir à la
tournure que pourrait prendre sa phrase. Pendant ce temps, un nœud se
forme à l'intérieur de mon estomac. Qu'est-ce qu…
— Vous aimeriez pouvoir verser plus d'argent à votre père chaque fin
de mois, n'est-ce pas ? lance-t-il enfin, assez nerveux tout de même.
Bordel. Pourvu qu'il ne me propose pas une somme astronomique pour
coucher avec, lui, aussi.
— Tout à fait, oui, lui réponds-je, légèrement sceptique. Mais je ne
comprends pas vraiment où est-ce que vous voulez en ven…
— J'ai besoin d'une femme comme vous à mes côtés, me coupe-t-il
subitement.
Seigneur.
— Professionnellement parlant, je veux dire, ajoute-t-il rapidement.
Dieu merci. En effet, heureusement qu'il s'est empressé de préciser. J'ai
bien cru frôler la syncope, là.
— Comment ça ? lui demandé-je alors d'un petit froncement de
sourcils.
Je détache ma ceinture afin de pouvoir me positionner plus
correctement face à lui, tandis qu'il reprend les explications sans plus
attendre :
— Pour faire court… je vous propose un poste de rédactrice en chef,
au sein de mon entreprise, souffle-t-il en insistant fortement sur l'avant-
dernier mot. Évidemment, le salaire sera bien plus conséquent que celui
d'une simple secrétaire.
Ma vue se trouble, tout à coup. Ce qui, par conséquent, me force à
battre des cils à toute allure afin de m'aider à regagner pleinement mes
esprits.
— Quoi… grimacé-je, un peu déboussolée. Vous voulez dire… à Los
Angeles ?
— Oui, approuve-t-il d'un vaste signe de tête. À Los Angeles.
— Mais je… enfin… bégayé-je lamentablement. Je n'ai presque
aucune notion là-dedans, c'est…
— Je vous formerai pendant plusieurs mois, ça va de soi.
Merde, je n'étais clairement pas préparée à ce type de proposition. Oui,
mais… ça vaut peut-être le coup d'y réfléchir, en vérité. Premièrement, Los
Angeles faisait partie de mon top trois, en ce qui concerne l'endroit où je
comptais m'installer au début de mes études. Le bord de mer, tout ça… Ça
m'a toujours donné envie. Deuxièmement, c'est un travail dont j'ai
longtemps rêvé. Très longtemps. D'ailleurs… c'est principalement pour cette
raison que j'avais postulé en tant que secrétaire auprès de Monsieur
Anderson. N'ayant pas les capacités requises pour devenir rédactrice, je
m'étais donc résolue à un petit poste, me permettant d'être proche du monde
de la publicité malgré tout. Au final, mon boss a fini par me confier
quelques projets, mais… ça n'enlève strictement rien au fait qu'aujourd'hui,
je n'ai quand même que très peu de connaissances dans le milieu. Oui, et
malgré ça… voilà qu'on me propose une immense opportunité. Mon Dieu…
je n'en reviens pas.
— Je vous laisse le week-end pour y réfléchir, reprend fermement
Caleb. Vous pourrez visiter nos locaux pendant votre petit séjour, ainsi que
ses alentours, histoire de vous faire une idée de ce que pourrait être la vie
là-bas.
Je ne trouve même pas les mots tant cette nouvelle vient d'être brutale
pour mon cerveau. C'est une occasion en or qui s'offre actuellement à moi,
et je serais vraiment trop bête de la refuser. Oui, néanmoins… je ne peux
pas oublier ma vie ici, à New York. Il y a Matt, et puis… Mara. Sans parler
de tout ce que j'ai construit auprès d'eux lors de ces dernières années.
Parallèlement, je risque de toucher le double de mon salaire actuel, et ce
n'est pas franchement négligeable. Merde, en effet… il va falloir que j'y
réfléchisse sérieusement.
— D'accord, lui réponds-je enfin, toujours un peu à l'ouest. Je vous
donnerai ma réponse après réflexion, une fois rentrée du séminaire.
Suite à ça, il approuve d'un simple petit hochement de tête, juste avant
de se détacher pour sortir de l'habitacle. Pendant ce temps, moi, je reste
littéralement scotchée à mon siège. Mes idées sont encore un peu floues,
mais la porte s'ouvrant subitement sur ma droite les remet aussitôt en place.
Caleb me tend galamment sa main afin de m'aider à descendre de la voiture,
alors je la saisis sans hésiter.
— Merci, lui souris-je, tout en soulevant le côté de ma robe pour ne
pas la laisser traîner sur les cailloux.
— Je vous en prie, me répond-il, juste avant de refermer la portière.
Ensuite, il me tend son coude, probablement pour but de m'escorter
jusqu'à la fête, donc j’y pose ma main au creux sur-le-champ. Au vu du
costard haute couture qu'il a sélectionné pour cette soirée, j'admets ne pas
regretter d'avoir cédé à Mara. Heureusement qu'elle sait comment me faire
changer d'avis en moins de deux. Merde, j'aurais eu l'air cruche, aux côtés
d'un si bel homme d'affaires.
De là où je me trouve, je peux déjà entendre la musique retentir de
l'arrière de la "maison". À vrai dire, quand Caleb m'a parlé d'une fête dans
un manoir, je ne pouvais pas vraiment m'attendre à écouter du hip-hop. Oui,
cependant… je ne m'attendais pas non plus à devoir supporter une colonie
tout entière de violonistes. Putain, je ne suis clairement pas à la bonne
place, ici, parmi les riches.
À l'aide de sa main libre, Caleb enveloppe délicatement la mienne,
sûrement afin de me rassurer un peu. Mes doigts sont serrés si fort contre le
pli de son coude, qu'il ne lui aura sans doute pas fallu plus d'une demi-
seconde pour analyser mon degré de stress :
— La fête a lieu dans le jardin fleuri, dit-il en m'y guidant sans plus
attendre. Détendez-vous, Eva. Tout va très bien se passer.
Certainement, mais… j'ai un léger doute, en ce qui concerne la
réaction du jumeau maléfique. Nous gravissons les quelques marches
menant à la porte principale du manoir, et c'est sans grande surprise que j'y
découvre une première pièce, aussi grandiose que l'entrée de cette propriété.
Wow… Les hauts plafonds sont décorés de fresques représentant un
immense ciel bleu, tandis que les lustres qui y sont accrochés brillent de
mille feux grâce aux multiples rayons de soleil y reflétant. De chaque côté
du hall, deux grands escaliers longent les murs, permettant donc à plusieurs
personnes de rejoindre le premier étage en même temps. Au centre, une
immense statue grecque, proprement arborée de multiples feuilles de lierre
grimpant. Quelques personnes font leur apparition derrière nous,
probablement prêtes à rejoindre la fête elles aussi. Je les observe alors
prendre la direction du salon, juste avant qu'elles ne disparaissent une fois la
grande baie en ferronnerie franchie. Je remarque d'ailleurs qu'aucun d'entre
eux n'a prêté attention à moi. Rien de plus logique, puisque je passe
finalement inaperçue parmi eux, vêtue de cette façon.
— Bonjour Devon, lui lance une femme en passant. Ravie de te trouver
ici.
— Je ne suis p…
— Tu viendras discuter un peu avec moi, n'est-ce pas ? l'interrompt-
elle, sans jamais lui laisser le loisir de répondre au final.
Non, jamais, puisqu'elle s'empresse aussitôt de rejoindre le jardin à son
tour. Lorsque Caleb la regarde prendre le large d'un air légèrement
déconcerté, un rictus moqueur en profite pour prendre place sur mon visage.
Visiblement… je ne suis pas la seule à peiner pour les différencier.
— Le plus gênant dans tout ça… grommelle-t-il d’une petite grimace.
C'est qu'il s'agit de ma tante.
J’éclate d'un rire franc suite à cette révélation étonnante, me
cramponnant donc davantage à son bras dans la foulée. En effet, je
comprends la vexation ! Caleb harmonise aussitôt mon rire au sien, puis
avance tranquillement vers l'immense baie vitrée pour rejoindre la terrasse.
Tout comme le reste de cette maison, cette dernière est absolument
gigantesque. Autant en largeur qu'en hauteur, d'ailleurs. Un escalier en
pierre comptant une bonne vingtaine de marches nous sépare du lieu exact
de la réception. Je vais me casser la gueule devant tout le monde, c'est
certain. Mais très franchement… la beauté indéniable des lieux m'ôte
rapidement cette angoisse de la tête.
Un énorme tivolis a été installé sur la pelouse fraîchement tondue, y
accueillant donc une cinquantaine de personnes au total. Partout autour,
d'autres discutent sous les multiples arbres fleuris, coupe de champagne à la
main. D'ailleurs… d'où est-ce qu'ils les sortent, exactement ? Je risque d'en
avoir besoin. Ni une ni deux, un bel homme vêtu d'un costard et muni d'un
plateau vient répondre à cette question :
— Une petite coupe, Mademoiselle ? me propose-t-il alors
sympathiquement.
Carrément… ? Je lance un air étonné à Caleb, puis regagne
instantanément les yeux du serveur pour approuver :
— Avec grand plaisir, lui réponds-je en saisissant le verre de cristal,
tout sourire.
J'en bois aussitôt la première gorgée, tout en continuant ma petite
découverte. Bordel, il y a même une scène dédiée aux musiciens, suivi de sa
petite piste de danse. Vraiment ? Merde, mais qui peut bien danser sur du
Vivaldi, au juste ?!
— J'en connais un qui n'a pas l'air très heureux de vous trouver ici, me
murmure Caleb à l'oreille. Vous l'aviez prévenu, n’est-ce pas ?
Je tourne rapidement la tête afin de pouvoir suivre la direction qu'il
m'indique à l'aide de son menton. Ses yeux sont tout droit rivés sur Devon,
qui est actuellement en bas des escaliers, très probablement dans l'attente de
me voir les descendre. Seigneur… il est plus beau que jamais. Sa chemise
noire est ouverte au premier quart, me laissant donc le plaisir d'y apercevoir
un bout de son torse hâlé. Il a pris soin de correctement la rentrer dans son
pantalon assorti, et… merde, je crois n'avoir jamais vu un si bel homme
auparavant. Bien que Caleb soit pourtant son portrait craché, la prestance
n'est indéniablement pas la même entre les deux frères.
Nos iris se percutent brutalement lorsque je termine par son visage.
Son regard est tellement ardent, que je pourrais presque sentir ma peau se
réchauffer. Son allure, elle, est atrocement virile. Chacune de ses deux
mains sont fermement enfoncées à l'intérieur des poches de son pantalon, et
sa mâchoire se contractant à multiples reprises suffit à me faire frissonner.
Merde, c'est tellement… sexy. Oui, enfin… à vrai dire, je ne sais pas
vraiment comment interpréter ce type de regard venant d'un homme comme
Devon. J'hésite entre le fait qu'il veuille me tuer, ou plus simplement me
traîner de force dans les toilettes les plus proches, pour ensuite me baiser
sauvagement contre un mur. Non, je crois qu'il veut juste me tuer, en fait.
— Je vous rejoins dans une minute, me souffle gentiment Caleb en
s'éloignant. Et ne vous laissez surtout pas intimider.
Quoi ? Pitié… non !
Bien évidemment, je me retiens de lui hurler cette supplication à haute
voix. OK ma grande. Tu n'as qu'à faire comme si tout allait bien. Comme
si… ton patron ne t'impressionnait pas le moins du monde. Ouais, je vais le
faire. Je vais descendre ces foutues marches, et lui prouver qu'ici, personne
n'a le droit de me dicter ma propre vie. Personne n'a le droit de me dire si
oui ou non, je peux venir à une fête d'anniversaire surprise atrocement
pourrie.
Chapitre 25
Devon
Patrick Wentwoth
Elle a osé. Oui, Eva Pierse a osé venir ici, chez ma propre mère, et ce,
malgré mon interdiction formelle de le faire. Putain. Je l'observe dévaler les
marches d'un pas décidé. Elle a l'air assez sûre d'elle, mais dans le fond, je
sais combien elle redoute ma réaction. Son large chignon orné de strass ne
bouge pas d’un centimètre lorsqu'elle descend pour me rejoindre. Une
coupe de champagne est présente dans l'une de ses deux mains, tandis que
l'autre soulève légèrement le côté de sa robe pour ne pas la laisser traîner.
Cette robe. Un jour où l'autre, je savais qu'elle finirait par la porter. Merde,
elle lui va à merveille. D'ailleurs… je crois qu'elle n'irait à personne d'autre
qu'Eva.
Je cesse de la reluquer, à l'instant même où elle franchit la dernière
marche. D'un geste machinal, je tends une main vers le ciel pour l'inviter à y
déposer la sienne. Chose qu'elle fait -étonnamment-, sans hésiter.
— Qu'est-ce que vous faites là, marmonné-je ensuite, impassible.
— J'ai estimé que vous n'étiez personne pour me donner des ordres, me
répond-elle d'un air provocateur. En dehors des heures de travail, je veux
dire.
J'ai tout autant envie de l’emmener dans les toilettes les plus proches
pour la prendre contre un mur que de la tuer. Ses doigts relâchent la paume
de ma main, me sortant donc aussitôt cette idée stupide de la tête. Eva
m'affronte dans un petit duel de regard, mais je ne compte pas lui laisser
penser que l'anniversaire de ma mère est une nouvelle opportunité pour
jouer :
— Je vais vous ramener chez vous, dis-je, tout en tendant le bras vers
la sortie pour l'inviter à me suivre.
— Certainement pas, me répond-elle avec audace. Je ne suis pas venue
seule, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué.
Évidemment, que je l'avais remarqué. Cette espèce d'enfoiré saisit la
moindre opportunité pour se rapprocher un peu plus d'elle.
— Vous ne repartirez pas seule non plus, puisque comme je viens de le
dire… commencé-je en approchant doucement mon visage du sien. Je vais
vous ramener chez vous.
À son tour, Eva réduit le peu d'espace encore présent entre nous pour
venir me murmurer à l'oreille :
— C'est avec Caleb que je souhaite repartir d'ici ce soir.
Je déglutis difficilement lorsque ces quelques mots traversent
délicatement ses lèvres. Quelle espèce de sal…
— Devon ! s'exclame subitement une voix dans mon dos.
Merde.
— Maman ! lui souris-je faussement, tout en me retournant rapidement
pour lui faire face.
Aussitôt, ma mère prend appui sur mon flanc droit dans une petite
accolade. Je ne vois rien de plus que la silhouette d'Eva dans mon champ de
vision, mais je reste certain qu'elle se marre intérieurement.
— Eh bien mon fils, lance-t-elle d’un air intrigué. Tu ne me présentes
pas à cette charmante jeune femme ?
— Non, lui réponds-je, sans l'ombre d'une ironie.
Mais bien évidemment, ma chère petite maman sait parfaitement bien
voir les choses là où elles ne le sont jamais. De ce fait, elle s'esclaffe sans
retenue en me frappant gentiment l'épaule, juste avant de s'adresser à Eva :
— Mais quel gros blagueur, celui-là ! s'exclame-t-elle alors, morte de
rire.
Ma secrétaire lui répond d'un rire parfaitement hypocrite, puis se
charge finalement des présentations elle-même :
— Eva, commence-t-elle, tout sourire. Je suis ravie de vous rencontrer,
Madame Anderson.
— Je t'en prie… appelle-moi Nancy ! la reprend-elle sur-le-champ, un
peu offensée.
À en croire les décibels anormalement élevés de sa voix, j'en déduis
donc qu'elle est déjà complètement saoule. Génial.
— Nancy, répète Eva d'un vaste signe de tête approuvant sa demande.
— Et donc… j'imagine que tu es la charmante compagne de mon
garçon, n'est-ce pas ?
Une toux sèche s'échappe soudainement de ma gorge à la fin de cette
question. Sérieusement ? Merde, il va falloir que je paye la totalité des
serveurs pour les inciter à ne surtout pas la resservir.
— Seulement sa secrétaire, désapprouve rapidement Eva, mais
toujours très souriante malgré tout.
Ma mère a l'air déçue de cette réponse négative. Oui, et… rien de trop
étonnant, au final. Ça fait des lustres qu'elle attend ça. Des lustres qu'elle
attend l'arrivée officielle d'une femme dans ma vie.
— Quel dommage… souffle-t-elle alors tristement. Pourtant, tu es tout
à fait son genre.
— Maman… grogné-je, un peu mal à l'aise.
Eva tourne aussitôt son regard vers moi, puis sans grande surprise,
m'offre un air affreusement satisfait. Son sourcil s’arque légèrement, tandis
que ses lèvres forment un petit rictus moqueur dans la foulée. Un peu l'air
de dire : "Oh… vraiment ?" Je la déteste.
— Quoi… ? grimace furieusement ma mère. Tu oses dire que ce n'est
pas le cas ? Les grandes brunes comme elle, en général… tu ne les laisses
pas dormir dans la baignoire ! s'esclaffe-t-elle ensuite sans retenue.
Bordel. Ouais. Si ce n'était pas ma mère, je crois que je l'aurais déjà
plaquée au sol.
— Nancy ! l'appelle l'un de ses amis au loin. Viens te joindre à nous !
Dieu merci. Elle lui répond d'un bref signe de tête approuvant cette
demande, puis commence enfin à partir, mais décide finalement de s'arrêter
pour poser une main sur l'avant-bras de ma charmante secrétaire.
— Ravie de t'avoir rencontrée, ma jolie, lui dit-elle d'une voix douce et
sincère.
— Le plaisir est partagé, Nancy.
Ensuite, ma mère s'éloigne définitivement. Ouf. Une minute de plus, et
je risquais l'infarctus.
— Désolé, elle a un peu trop b…
— Tout à fait votre genre, alors ? m'interrompt Eva d'un large sourire.
La peste. Elle en joue. Oui, ça l'amuse, mais… je compte bien aller au
bout de ma toute première idée :
— Allons-y, lui dis-je en désignant le large escalier de mon menton. Je
vous ramène.
Pour toute réponse, Eva balance doucement sa tête de gauche à droite
en terminant sa coupe de champagne d'une seule traite, me faisant donc
comprendre qu'elle ne compte pas changer d'avis à ce sujet. Je la regarde
donc fixement dans les yeux afin de l'en persuader, et c'est alors que j'y lis
de la détermination. Elle ne bougera pas d'ici, c'est certain.
— Une autre coupe, Mademoiselle ? lui propose l'un des serveurs d'un
ton étrangement sympathique.
Sans hésiter, elle repose son verre vide dans le plateau qu'il lui tend,
puis en saisit un second, tout en le remerciant d'un petit sourire séducteur au
passage. C'était quoi, ce putain d'air aguicheur ? L'homme lui répond
aussitôt de la même manière, et y ajoute :
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit d'autre… appelez-moi. Je
m'appelle Jesse.
Sérieusement ?
— Avec plaisir… Jesse, lui marmonne-t-elle d'une voix lascive.
Merde, je rêve, ou ils sont en train de se séduire mutuellement, ici, soit
juste sous mes yeux ?!
— Je ne vous paye pas pour ça, les interromps-je alors d'un regard
assassin. Faites votre boulot, et allez distribuer vos coupes ailleurs.
Ni une ni deux, ce dernier s'exécute en me faisant part de ses plus
plates excuses. En effet, il ne le savait pas encore, mais ici aussi, c'est moi
le patron. À vrai dire, je m'étais chargé de toute l'organisation de cette fête
par téléphone, alors ça me paraît plutôt logique qu'il ne m'ait pas reconnu
instantanément. Oui, mais au moins… voilà que les choses sont maintenant
parfaitement claires. Le serveur part alors en direction d'autres personnes
pour exécuter l'ordre précédemment donné, et c'est seulement lorsque je
regagne les iris de ma secrétaire que je remarque son air colérique.
— Vous étiez vraiment obligé de vous adresser à lui de cette façon ?
grimace-t-elle alors, un peu agacée. Nous étions en train de parler !
— Non, lui réponds-je en avançant de quelques centimètres, intrépide.
Vous étiez plutôt en train de l'inviter à partager une nuit agitée.
Eva arque un sourcil en approchant à son tour, puis me demande dans
un petit murmure :
— Et… qu'est-ce que ça pourrait bien vous faire, au juste ?
— Absolument rien.
— Parfait, me répond-elle fermement.
— Parfait, répété-je de la même manière.
Putain, c'est pathétique.
— Devon, me salut mon frère d'un vaste signe de tête.
Je me redresse rapidement afin de laisser l'air se frayer un chemin entre
nos corps bouillants d'animosité, puis lève ensuite les yeux vers ce dernier
pour pouvoir lui répondre :
— Caleb.
J'essaie par tous les moyens de faire abstraction du fait que ses doigts
sont actuellement posés au creux des reins de ma secrétaire, en vain. Oui,
j'y jette finalement un rapide coup d'œil, et je suis d'ailleurs absolument
certain qu'Eva a pu lire le sincère dérangement que ce simple geste vient
tout juste de me provoquer.
— Je voudrais vous présenter aux autres, lui propose-t-il alors. Ils se
demandent tous, qui est cette belle inconnue.
Sans hésiter, elle acquiesce instantanément, fin prête à le suivre, et
juste avant de me dire, sourire en coin :
— Bonne soirée, Monsieur Anderson.
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Chapitre 26
Eva
Chapitre 27
Eva
♤♤♤
J’emboîte le pas à mon patron lorsqu’il descend enfin du jet privé après
les cinq heures de vol que nous venons tout juste de parcourir. Subir. Oui, le
mot est probablement plus adapté. Sans mentir, c'était le trajet le plus long
de toute ma vie. Pendant environ trois-cent-trente minutes, j'ai fait tout mon
possible pour animer un peu l'ambiance, et ce, malgré mon angoisse
flagrante que de retrouver Nate sur place. Au final, les deux frères ne me
répondaient que brièvement, et j'ai fini par en conclure qu'ils étaient peut-
être fâchés. Plus que d'habitude, je veux dire. À moins que ce ne soit à
cause de la tenue que je porte…? Peut-être me prennent-ils moins au
sérieux, vêtue de cette façon ? J'en doute. Oui, et puis même si c'était le cas,
je pense que je m'en moquerais complètement. Mon tailleur est beaucoup
mieux dans ma valise actuellement. Puis après tout… qui parcourt le pays
tout entier habillé de façon inconfortable ? Les frères Anderson. Merde, oui.
Il n'y a bien que ces deux-là pour faire ce genre de chose. Moi, j'ai préféré
me contenter d'un vulgaire survêtement de sport, et je crois que c'est la
meilleure idée que je n'ai jamais eue jusqu'à maintenant. Une minute de
plus dans cet avion, avec comme seule compagnies deux grincheux, et un
ensemble qui me provoque des démangeaisons insupportables… Ouais, en
effet, je me serais probablement tirée une balle en pleine tête avant
l'atterrissage. Avant le décollage, même. En revanche, je dois dire qu'il y a
du positif dans tout ça. Si Devon se montre si froid avec moi depuis ce
matin, c'est très certainement dû aux tensions présentes entre son frère et
lui. Bien qu'elles soient en général assez constantes, j'admets ne jamais les
avoir vus aussi distants l'un envers l'autre avant aujourd'hui.
Mon boss avance à grandes enjambées vers la voiture que j'ai pris soin
de sélectionner plus tôt dans la matinée, tandis que Caleb, lui, prend le
chemin complètement opposé. Je stoppe alors ma marche rapide dans une
moue de réflexion, puis demande à Devon :
— Nous ne finissions pas le voyage ensemble ? Je veux dire… tous les
trois ?
— Non, me répond-il froidement, sans jamais cesser d'avancer. Notre
hôtel est dans le centre-ville.
Notre hôtel ?
— Mais je croyais qu'on séjournait chez Cal…
— Ce n'est plus le cas, m'interrompt-il rapidement, juste avant d'ouvrir
sa portière pour pouvoir prendre place au volant.
Bon, eh bien… je crois que mes doutes sont à présent confirmés.
Effectivement, comme deux gamins, ils se font la gueule. D'un côté, ça me
soulage un peu de ne pas avoir à séjourner chez le frère jumeau de mon
patron. Je préfère de loin avoir ma propre chambre d'hôtel, plutôt que de
devoir supporter leurs têtes de cochon tout au long du week-end. Sans
parler du fait qu'au moins, maintenant, je suis enfin sûre des raisons qui
poussent Devon à se montrer si froid avec moi. Oui, mais parallèlement…
ça m'embête un peu pour eux. Déjà qu'ils ne s'entendent pas à merveille en
temps normal, alors… Merde, les deux prochains jours s'annoncent très
ennuyeux.
— OK… grommelé-je en reprenant ma course.
Je marmonne mes pensées à voix semi-haute en atteignant la portière
côté passager, puis tout comme Devon, finit par prendre place à mon tour.
Aujourd'hui, pas de chauffeur privé. Enfin… pour moi, si, puisque c'est le
patron lui-même qui va m'escorter jusqu'à l'hôtel.
— Au moins une chose de positive, marmonné-je à nouveau, tout en
attachant ma ceinture de sécurité.
— Un problème, Mademoiselle Pierse ?
Merde, je viens vraiment de penser ça à voix haute ?
— Aucun, lui réponds-je aussitôt, un peu mal à l'aise tout de même.
— Bien, dit-il en allumant le contact.
Il entre rapidement une adresse dans le GPS, probablement, pour aller
plus directement vers notre hôtel, et c'est à cet instant précis que je
comprends le nombre de minutes interminables qui m'attend encore. Vingt-
deux. Oui, vingt-deux minutes avant d'enfin pouvoir être un peu seule avec
moi-même, et… vingt-deux minutes à devoir supporter l'humeur plus que
désastreuse de mon patron. Bordel… achevez-moi.
Chapitre 28
Eva
Voilà déjà près de trois minutes que je négocie seule face à la jeune
réceptionniste, afin d'obtenir deux chambres dans ce foutu hôtel de luxe.
Trois minutes que je bataille, plus exactement. À vrai dire, je peux lire dans
ses yeux combien elle ne me prend pas au sérieux. Oui, c'est même certain.
Cette pétasse à l'air d'avoir du flair, en ce qui concerne les comptes en
banque de ses potentiels clients. Après tout… une femme comme moi,
vêtue d'un vulgaire sweat à capuche, ne doit pas vraiment lui laisser croire
que j'ai les moyens de me payer une nuit dans un endroit comme celui-ci. Et
la vérité, c'est qu'elle a complètement raison. Moi, je ne les ai pas. En
revanche, Devon pourrait sans aucun doute s'offrir le bâtiment tout entier
sur-le-champ. Et ça tombe plutôt bien, puisque… c'est lui qui paye la note
pour les deux prochains jours.
— Vous êtes sûre de ne pas vouloir revérifier ? suggéré-je d'un sourire
parfaitement hypocrite. Je suis certaine qu'il vous reste quelque chose pour
me satisfaire.
La grande blonde se penche doucement au-dessus du comptoir de
marbre, probablement afin de se montrer discrète pour les secondes qui
vont suivre. Une fois bien avancée vers moi, elle me murmure avec mépris :
— Entre nous… je pense que le motel du coin de la rue vous sera plus
accessible.
Pardon… ? Merde, mais quelle espèce de sal…
— Bonjour, intervient Devon, tout en se positionnant à environ un
mètre de moi.
Lui aussi, il a honte de mon sweat à capuche ?
— Bonjour Monsieur, lui répond miss pétasse, large sourire aux lèvres.
Comment puis-je vous aider ?
Oh, c'est étrange ! Elle est nettement plus aimable, ce coup-ci !
— J'aurais besoin de louer deux chambres pour le week-end, lui dit-il,
plein d'assurance.
— Bien sûr, approuve-t-elle sans rechigner. Je regarde ça tout de suite.
Parfait. Je peux donc aller au bout de ma première pensée, et ce, sans
ressentir ne serait-ce qu'une toute petite once de regret. Quelle espèce de
salope !
— Je suis désolée, mais malheureusement… il n'en reste plus qu'une,
annonce-t-elle alors tristement. Cependant, il s'agit de la plus grande suite
de tout le bâtiment. À elle seule, elle comble une très belle partie du dernier
étage.
La blonde dépose aussitôt le badge électronique sur le comptoir afin
d'appuyer cette suggestion, tandis que Devon effectue une petite moue
dubitative, apparemment peu convaincu par cette idée. Il lance ensuite un
bref coup d'œil dans ma direction, puis tente rapidement les négociations en
arborant son sourire le plus séducteur :
— Je suis certain qu'on peut s'arranger. N'est-ce pas… marmonne-t-il
en baissant rapidement les yeux vers le badge doré de l'hôtesse. Kimberley
?
Cette dernière rougit instantanément, puis baisse ensuite la tête vers le
clavier de son ordinateur de manière atrocement timide. Il lui plaît, c'est
évident. D'ailleurs… à qui ne plairait-il pas ?
— Je vais regarder ce que je peux faire, ajoute-t-elle en battant des cils
à plusieurs reprises.
— Je n'en attendais pas moins de vous, Kimmy.
Quoi ? Merde, je ne rêve pas, là… Il vient vraiment d'employer ce
surnom ridicule pour la nommer ?
Visiblement, ça fait plutôt bien son effet, puisqu'elle se contente de
ricaner bêtement, tout en replaçant une petite mèche de cheveux derrière
son oreille. Pétasse. Ensuite, elle saisit de nouveau la souris de son PC, fin
prête à répondre à la demande de mon boss, mais toujours en lui jetant
quelques regards aguicheurs par moment. Je ne pensais jamais dire ça un
jour étant donné que j'ai déjà vu Devon faire ce genre de trucs parfaitement
répugnants un nombre incalculable de fois, mais aujourd'hui… ça m'agace.
Sincèrement, même. Pourquoi ? Je n'en sais rien. C'est peut-être dû à la
fatigue accumulée lors de ces dernières heures, ou bien encore… parce que
cette blondasse vient tout juste de me recaler, pour finalement dire oui au
premier beau mec susceptible de lui plaire. Oui, on va prendre ces options-
là. Après tout… ça n'a absolument rien à voir avec le fait qu'elle rêve de
finir dans le lit de mon boss. Merde, si. Bien sûr que c’est lié.
— Une seule suite fera l'affaire, interviens-je alors, tout sourire. Étant
donné qu'on couche ensemble tous les deux, continué-je, en agitant mon
index entre Devon et moi. J'imagine que le fait de partager le même lit ne
posera donc aucun problème.
"Kimmy" pâlit sur-le-champ, tandis que la mâchoire de mon patron
pourrait presque se décrocher tant mon interruption vient de le surprendre.
Malgré tout, je ne me dégonfle pas :
— Vous ferez monter nos bagages, lancé-je en m'emparant du badge en
passant. Et j'espère n'avoir rien à redire en ce qui concerne l'état de la
chambre, poursuis-je en m'éloignant, l’air toujours plus hautaine. Ce serait
vraiment dommage de devoir comparer un hôtel aussi luxueux, avec le
motel du coin de la rue…
Devon
*clac*
Me voilà allongée ici, sur cet immense canapé vintage, depuis déjà près
de trente bonnes minutes. Heureusement, mon téléphone est là pour tuer un
peu le temps. Dieu merci. Moi qui ne pensais jamais m'intéresser à une
appli comme Tiktok… je crois que je viens tout juste de changer d'avis.
Sérieusement, c'est dingue, le tas de trucs qu'on peut y trouver ! Des beaux
gosses musclés, des nanas plutôt douées en danse improvisée, des chanteurs
qui ont clairement loupé le coche pour les auditions à l'aveugle de The
Voice, et surtout… des chats tout mignons. Plein de chats tout mignons.
Alors en effet, je suis plutôt contente d'avoir pu récupérer ma ligne si
rapidement. Oui, cependant… c'est assez étrange, tout de même. Aucun
prélèvement n'a été effectué sur mon compte en banque dernièrement, donc
je dois admettre redouter la prochaine facture. Tant pis. Au moins, là, ça
m'est d'une grande utilité. Tout comme la décoration de cette gigantesque
suite, d'ailleurs. J'ai dû passer la moitié de mon temps à la contempler. Sans
rire, je n'avais jamais vu une telle chambre d'hôtel avant aujourd'hui.
Enfin… pour être honnête, je ne suis même pas certaine qu'on puisse
vraiment appeler ça une chambre. Non, à vrai dire… c'est plutôt comme une
sorte d'immense appartement.
Le lit peut accueillir pas moins de six personnes au total, tandis que le
salon, lui… merde, je pourrais largement y vivre avec mon père, Matt, et
Mara, sans jamais me sentir oppressée ne serait-ce qu'une toute petite
seconde. Sérieux, il y a carrément un couloir pour séparer les deux pièces
principales ! Je n'ai pas encore pris le temps d'aller faire un tour à la salle de
bain, étant donné que je me suis littéralement jetée sur le canapé en arrivant
ici, mais je reste absolument certaine qu'elle sera à la hauteur des lieux, elle
aussi. Quel dommage… moi qui comptais vraiment laisser un mauvais avis
sur TripAdvisor. Ouais, il faut croire que Kimmy a eu chaud aux fesses.
— Qu'est-ce que vous faites ?
La voix de Devon sortant de nulle part me vaut un sursaut à couper le
souffle, allant même jusqu'à me faire instantanément bondir du canapé.
Seigneur… je viens de frôler la crise cardiaque, là ! Je porte aussitôt une
main sur ma poitrine pour tenter de contrôler ma respiration, lève ensuite
les yeux dans sa direction, puis lui hurle, complètement terrorisée :
— Merde ! Mais comment avez-vous fait pour entrer ?! J'ai laissé le
badge sur la serrure !
Mon boss agite une carte noire sous mes yeux afin de facilement
justifier sa présence, puis il y ajoute d'un sourire narquois :
— On a pas mal de privilèges, quand on est millionnaire. Mais ça…
vous le saviez déjà, n'est-ce pas Mademoiselle Pierse ?
Mes paupières se plissent, formant alors une grimace dédaigneuse.
Premièrement, je déteste qu'il passe son temps à me rappeler qui est le boss
ici, et deuxièmement, j'ai du mal à comprendre son changement de
comportement si soudain. Il y a tout juste trente minutes de ça, Devon était
à deux doigts de me prendre contre la paroi d'un foutu ascenseur, et voilà
maintenant qu'il reprend les vouvoiements. Un peu comme si une petite
demi-heure lui avait largement suffi pour rebâtir le mur de pierres qui nous
sépare en temps normal. Merde, c'est tellement agaçant ! Oui, et malgré ma
frustration… je décide de répondre à sa toute première question, nous
évitant donc un sempiternel conflit :
— J'étais sur Tiktok, réponds-je alors naturellement.
— Quoi ? m'interroge-t-il avec mépris. Vous voulez dire… cette
application stupide, pour ados prépubères ?
— Elle est super cool, cette application ! rétorqué-je, un peu offensée.
Et il n'y pas que des "ados prépubères", dessus !
— Mh… me suspecte-t-il d'un léger plissement de paupières. Quoi
d'autre, alors ?
Je baisse rapidement les yeux sur l'écran de mon smartphone, puis le
lui tends ensuite aussitôt afin de justifier plus clairement ma réponse. Il
fronce les sourcils en découvrant la vidéo qui y défile, puis me lance :
— Des chats ? ricane-t-il d'un air moqueur. Sérieusement… ?
Devon continue à se moquer sans retenue pendant quelques secondes,
tandis que je me contente de poser une main sur ma hanche en mimant
bêtement ses mimiques agaçantes. Hahaha, qu'est-ce qu'on se marre !
— Donc si je comprends bien… reprend-il, toujours hilare. Je paye un
forfait téléphonique pour vous voir regarder des vidéos de chats à longueur
de journée ?
— Qu'est-ce que ça peut bien vous fai…
Attends… il quoi ?
Face à mon interruption soudaine, son rire se stoppe de manière
instantanée. En effet, je crois que mon boss réalise tout juste la gaffe
phénoménale qu'il vient de commettre.
— Bref, se rattrape-t-il en balançant rapidement sa tête de gauche à
droite. Nous devons aller faire un tour en ville. J'ai besoin d'un nouveau
costume, et j'aimerais qu…
— Alors… c'était vous ? l'interromps-je, un peu hésitante tout de
même. Je veux dire… pour le téléphone, ajouté-je en battant des cils à
plusieurs reprises, sincèrement perplexe. C'était vous ?
Nos regards se lient quelques instants, et c'est après seulement trois
petites secondes que je comprends combien cette simple constatation suffit
à le mettre mal à l'aise. Malgré tout, il tente l'un de ses nombreux jokers :
— Euh… je… grommelle-t-il en se grattant l'arrière de la tête d'un
geste machinal. Disons que sans ça… il est compliqué de travailler
convenablem…
— Non, le coupé-je d’une voix étonnamment douce. Dites-moi plutôt
la vérité, pour changer.
Devon
Eva
Chapitre 31
Eva
Ceux qui n’ont pas l’esprit libre ont des pensées toujours confuses.
Anton Tchekhov
Il est exactement dix-neuf heures douze, et nous rentrons tout juste à
l’hôtel après notre « petite virée ». En vérité, elle n’avait rien de si petite,
puisqu’après avoir acheté ma robe, nous sommes allés dans d’autres
boutiques afin de trouver une paire de chaussures assortie. En effet, Devon
à lourdement insisté pour compléter ma tenue. Au début, ça me gênait
sincèrement, puis après réflexion… je me suis dit qu’il me devait bien ça.
Oui, bon… pas vraiment, mais je préfère sans doute me rassurer de cette
manière. Une fois les escarpins idéaux enfin trouvés, nous avons cherché un
magasin alimentaire afin de ne pas aller au restaurant pour le dîner. À vrai
dire, je pense que Devon est un peu mal à l’aise avec cette idée-là. Devoir
manger en tête-à-tête avec moi, dans un lieu plutôt luxueux… Oui, ça sonne
comme un rencard, donc ce genre de choses n’est définitivement pas faite
pour lui. Et ça m’arrange, dans un sens. Effectivement, je suis bien trop
fatiguée pour faire ça. Actuellement, je ne rêve de rien de plus qu’un
énorme plat de sushis, avec à la clef un bon bain chaud afin de me reposer
un maximum avant la journée interminable qui m’attend demain. Par
chance, mon boss avait les mêmes envies culinaires que moi, alors… en
plus de la bière, nous avons opté pour ce merveilleux délice japonais. Oui,
des bières. J’ai insisté pour en avoir, mais Devon n’a pas mis trop
longtemps à céder non plus. En vérité, je suis certaine que lui aussi rêve de
ce parfait moment de détente. Bien qu’on ne soit mutuellement pas les
meilleures personnes pour le partager ensemble, j’imagine que ça nous fera
tout de même beaucoup de bien après les nombreuses heures de vol subies
plus tôt dans la matinée.
— Vous préférez quelle sauce ? lui demandé-je en dispatchant les
multiples plats sur la petite table basse.
Mais pour toute réponse, Devon se contente de plisser les paupières, un
peu dubitatif de ma précédente question.
— À vrai dire… commence-t-il finalement. Deux réponses me
traversent l’esprit actuellement.
— Oh… ? le suspecté-je d’un air interrogateur. Et… lesquelles ?
Il accentue sa moue, puis porte ensuite un doigt jusqu’à sa bouche,
probablement pour y réfléchir plus sérieusement avant de m’expliquer :
— Tout d’abord… pourquoi est-ce-que tu continues à me vouvoyer
après ce que tu m’as fait dans la cabine d’essay…
— Et la deuxième ?! le coupé-je subitement.
Il penche légèrement la tête sur le côté suite à mon interruption
soudaine, un peu comme pour me montrer combien ça le fait marrer de me
voir si vulnérable. Enfoiré.
— Tu es vraiment sûre de ne pas vouloir entendre la fin de ma
première question ? me demande-t-il, faussement intrigué.
— Certaine, oui, souris-je de manière très hypocrite.
— Bien… comme tu voudras, lance-t-il alors naturellement. Donc
voici la deuxième : j’imagine qu’il est inutile de te demander quelle est ta
sauce favorite, car je crois l’avoir très clairement compris dans cette même
cabine d’essayage tout à l’heure, n’est-ce pas ?
Devon vient de déblatérer si vite que je n’ai même pas eu le temps de
l’interrompre une seconde fois. Ma bouche s’entrouvre alors légèrement
suite à la fin de ses explications, et je peinerais presque à ravaler ma salive
tant cette remarque était parfaitement inattendue. Merde, le salaud. Moi qui
faisais pourtant mine de rien depuis cet instant précis… voilà qu’il vient
tout juste de me couper l’herbe sous le pied. C’est d’ailleurs étrange, de se
sentir si gênée après avoir fait une chose pourtant parfaitement naturelle.
C’est vrai, j’ai la sensation d’être une autre personne, en plein acte sexuel.
Probablement une fille moins sage. Sans une queue entre mes dents,
j’imagine que ça fait de moi quelqu’un de bien plus discipliné,
effectivement.
— Je ne répondrai rien qui puisse faire poursuivre cette conversation
stupide, ricané-je en m’asseyant sur le canapé.
— Tu viens pourtant tout juste de le faire, rétorque-t-il du tac au tac. Je
prendrai du Wasabi, ajoute-t-il ensuite rapidement, sûrement de manière à
mettre un terme à mon calvaire. Mais avant ça… je vais aller prendre une
douche.
Tandis que je m’apprêtais à tremper mon maki dans la sauce soja, je
décide finalement de le reposer à sa place afin d’attendre mon boss pour
débuter. Fait chier, je meurs de faim. C’est dingue ça ! Je ne l’ai pas vu
transpirer une seule fois dans la journée, mais il ressent tout de même le
besoin de prendre une douche sur-le-champ ? Insupportable. Oui, tout
comme la tension étrangement pesante qui plane dans cette pièce,
d’ailleurs.
— Ne te sens pas forcée de m’attendre, dit-il en fouillant rapidement
dans sa valise.
— Ça ne risque pas de refroidir, ironisé-je alors.
— Comme tu voudras, me répond-il en s’éloignant.
Et enfin, la porte se claque pour permettre à mon visage de se détendre
pleinement. À vrai dire, c’est très bizarre, comme situation. Le fait de
partager une soirée comme celle-ci avec mon boss, je veux dire. Au final,
son petit détour à la salle de bain m’arrange un peu. Oui, car ça signifie que
j’ai environ dix minutes pour me préparer psychologiquement à ce repas en
tête-à-tête, aussi insignifiant soit-il. La bière. Ouais, je vais me prendre une
bière.
Devon
Chapitre 32
Eva
Il n'y a rien de plus facile à dire ni de plus difficile à faire que de lâcher
prise.
Santoka
Chapitre 33
Devon
Eva
Chapitre 34
Eva
♤♤♤
Après seulement cinq minutes de marche, (en comptant la descente en
ascenseur qui a eu lieu dans un silence de plomb), nous voilà enfin arrivés à
destination. C'est dingue, mais avec Devon… j'ai la sensation que c'est soit
tout, soit rien. Merde, cet homme est capable de passer d'une humeur on ne
peut plus joviale, à celle désastreuse d'une femme de cinquante ans en
pleine préménopause. Déprimant. Bon… cette fois, je dois admettre être
plus ou moins responsable de ce changement si soudain de comportement.
Après tout… notre dernier échange n'était pas très glorieux, alors… Merde,
non. Pour être parfaitement franche, je m'en moque complètement. J'en ai
fini depuis longtemps, avec mes remises en question permanentes. Oui, et
puis… disons que j'ai tellement été habituée à sa bipolarité au cours des
trois dernières années, que maintenant, ça ne me fait ni chaud ni froid.
— Monsieur Anderson, Mademoiselle Pierse, nous salue Curtis devant
l'entrée du bâtiment. Inutile de vérifier si vos noms sont présents sur la liste,
j'imagine… ironise-t-il ensuite en nous ouvrant sympathiquement la porte.
Comme depuis maintenant plusieurs années, ce dernier cumule
plusieurs jobs à la fois. En premier lieu, chauffeur privé, ensuite, garde du
corps, et maintenant… portier. Je le trouve assez remarquable, à vrai dire.
D'ailleurs, c'est bien pour cette raison que je lui réponds aussitôt de mon
plus large sourire, tout en espérant sincèrement qu'il ne prenne pas à mal le
fait que Devon, lui, ne réagisse pas une seule seconde à sa précédente petite
blague. Oui, puis après réflexion… lui aussi, doit être habitué au
comportement déplorable de mon boss.
— C'est dingue que Curtis soit chargé de faire tout ça, marmonné-je
alors, un peu ébahie. Ses fiches de paie doivent être sacrément bien rempl…
— C'est en étant égoïste qu'on devient encore plus riche qu'on ne l'est
déjà, m'interrompt sèchement Devon. Moi, je préfère créer des emplois.
OK, je vois.
Petit a, ne jamais tenter la discussion après l’avoir froissé, et petit b…
Ne surtout pas complimenter son frère de la soirée, au risque de finir
plaquée au sol.
Nous entrons enfin dans l'immense hall d'entrée de cet hôtel, et c'est
alors que la beauté des lieux vient éblouir mes pupilles. Bordel de merde, je
n'ai jamais rien vu d'aussi chic auparavant. Oui, sans mentir. Les sols sont
intégralement faits de marbre brun, tandis que les plafonds, eux, sont de
véritables œuvres d'art. D'ailleurs, je constate aussitôt que les rumeurs
concernant ces fameux lustres de cristal n'étaient au final pas du tout des
rumeurs. Wow, ça doit valoir des milliers de dollars, tout ça…
— Bonsoir Monsieur Anderson, lui lance l'un des hommes vêtus de
smokings. Je vous en prie, c'est juste par ici, ajoute-t-il en tendant
chaleureusement son bras vers la porte présente tout au fond du hall.
— Je sais où je dois aller, oui, lui répond-il sèchement, et tout en y
fonçant rapidement.
Seigneur…
— Merci beaucoup, dis-je chaleureusement pour tenter d’apaiser les
propos de Devon.
J’emboîte ensuite le pas à mon boss sans plus attendre, et ne peux
m'empêcher de repenser à toutes ces raisons qui font qu'habituellement, je
le déteste du plus profond de mon âme. Ouais, en effet, les deux dernières
ont amplement suffi à me rafraîchir la mémoire. Et le fait que ce salopard
ne daigne même pas me tenir la porte du lieu de réception en est une
troisième. Tout ça parce que j’ai un peu trop bousculé son ego avant de
quitter la chambre tout à l’heure… J'hallucine.
— Oh… bonsoir Monsieur, lance une voix familière, dès l'instant
même où nous faisons notre apparition dans la gigantesque pièce.
Nom de Dieu… cette voix. Je la reconnaîtrais parmi cent autres.
— Bonsoir, euh… réfléchit Devon dans un léger froncement de
sourcils.
— Nate Ginaghal, se présente-t-il rapidement, tout en lui tendant
vivement sa main. Chef designer dans votre entreprise.
Chef ? Merde, mais depuis quand a-t-il obtenu le statut de chef, celui-
là ?! Chef des connards, oui ! Bref, actuellement, ça n'est pas le plus urgent.
Non, là… ce qui m'inquiète le plus, c'est les minutes qui vont suivre. Oui,
car même si je doute que mon ex-fiancé ne se permette de poser trop de
questions indiscrètes à son patron, la situation n'en reste pas moins
atrocement angoissante. Pour m’occuper un peu l'esprit, je laisse mon
regard parcourir la pièce. De toute évidence, Nate à l'air beaucoup plus
préoccupé par son échange purement professionnel avec notre boss.
La salle est bondée de monde. Je dirais qu'il y a environ deux-cents
personnes, mais fort heureusement, l'endroit est bien assez grand pour y
accueillir le double. Une vingtaine de tables rondes sont dispatchées un peu
partout, chacune y recevant dix couverts au total. Elles sont joliment
décorées de nappe blanches, avec comme large chemin de table de beaux
bouquets de fleurs aux couleurs bleu turquoise de l'entreprise. Au centre des
assiettes de porcelaine, les serviettes de tissus assorties forment de multiples
oiseaux en tout genre. Beurk, qu'est-ce que c'est kitsch. Et je ne parle même
pas des housses de chaises en soie blanche, délicatement nouées d'un ruban,
qui lui aussi, à l'honneur d'être aux couleurs vives de PowerShot. Oui,
toujours plus de bleu.
Mon regard regagne enfin l'affreux visage de Nate afin de suivre la
discussion d’un peu plus près, quand je remarque que ses iris ne cessent de
loucher sur les doigts de Devon. À peine quelques secondes plus tard, il en
fait exactement de même avec les miens. C'est curieux, mais… j'ai la
sensation qu'il cherche quelque chose. La bague ! Merde, évidemment ! Les
paroles de mon patron me reviennent instantanément en tête suite à cette
simple constatation. Oui, je me souviens soudainement de cette
conversation. Celle que nous avions eue il y a de ça maintenant quelques
semaines, à l’arrière de sa voiture. Ça donnait quelque chose comme… :
Putain, oui. Nate étant déjà passé par cette étape au cours de sa vie, il
va donc de soi qu'il en est lui aussi parfaitement informé. Seigneur… non, il
ne va pas oser. C'est impossible, Eva. Il ne peut pas oser lui demander une
chose pareille. En effet, il n'osera jamais.
— Et sinon… marmonne justement ce dernier, tout sourire. La
cérémonie est prévue pour quand ?
Bordel de merde. Il a osé.
Chapitre 35
Eva
Chapitre 36
Eva
Tant que l'irrémédiable est en suspens, l'angoisse rôde, pire que la
défaite.
Gilbert Choquette
Devon
Chapitre 37
Eva
Qui apaise la colère éteint un feu, qui attise la colère, sera le premier
à périr dans les flammes.
Hazrat Ali
Chapitre 38
Eva
Chapitre 39
Eva
Me voilà ici, allongée n’importe comment sur mon lit, en peignoir, les
cheveux intégralement trempés, et avec pour seule compagnie une
amertume des plus totale. Je le savais. Oui, je savais combien ça me ferait
mal d’être enfin confrontée à la dure réalité. Face au néant. Face à la future
nouvelle vie qui m’attend. Loin de cette ville que j’ai longuement côtoyée,
loin de mes amis les plus proches… loin de lui. Mon cœur se serre lorsque
je repense aux derniers mots adressés par Devon plus tôt dans la journée. «
Au revoir Eva. » C’est curieux, mais j’ai pris ça comme de véritables
adieux. Des adieux que je me suis formellement interdit de lui rendre.
Pourquoi ? Je n’en sais rien. Peut-être parce que je n’ai jamais été douée
pour ce genre de chose. Ou bien plutôt parce qu’au fond de moi, j’espère
pouvoir le revoir un jour. Merde, non Eva. Tu ne peux pas espérer une
chose pareille. Oui, c’est bel et bien fini, tout ça. Ce petit jeu malsain entre
Devon et moi, son besoin incommensurable de toujours vouloir avoir le
dessus… sa peau ferme et musclée sous mes doigts, ses lèvres pleines
contre les miennes, son gros pénis à l’intérieur de ma…
— Bordel, mais qu’est-ce que tu fous dans cette tenue ?!
— Nom de Dieu ! bondis-je soudainement de mon lit.
Matt vient de faire irruption si brutalement dans ma chambre, que
même une fois debout, mon cerveau n’a toujours pas pris le temps
d’analyser la situation. Et c’est seulement après lui avoir fait les gros yeux
d’une respiration saccadée que je lui hurle :
— Merde, mais tu peux pas toquer, non ?! commencé-je en me
réinstallant furieusement. J’aurais pu être en train de me masturb…
— Stop ! me supplie-t-il en tendant vivement une main dans ma
direction. Ce n’était vraisemblablement pas le cas, et c’est tout ce qui
compte à l’heure actuelle, ok ?
Je soupire longuement en le gratifiant d’une large grimace, puis saisis
aussitôt mon téléphone afin de vaquer à mes occupations. C’est-à-dire…
aucune.
— À quoi est-ce que tu joues, Eva ? m’interroge alors Matt,
sincèrement perplexe. Merde, qu’est-ce que tu attends pour aller te préparer
?!
— Me préparer ? sourcillé-je, incomprise. Mais pourquoi faire ?
Il avance dans ma chambre afin de pouvoir prendre place au pied du
lit, pose nonchalamment sa main sur ma jambe, puis m’annonce enfin d’un
air logique :
— Peut-être parce que c’est ton anniversaire, et que j’ai prévu de
t’emmener dîner pour me faire pardonner d’avoir légèrement zappé ce
matin ?
— Légèrement ? l’interrogé-je, un peu sceptique tout de même.
— Totalement, s’avoue-t-il alors.
Évidemment, ma vexation n’est déjà plus d’actualité, et il le sait très
bien. Non, en vérité… je comprends parfaitement que mon ami ait
malencontreusement oublié la date de mon anniversaire. Il est constamment
en train de penser à tout, pour tout le monde. Par conséquent… je peux
concevoir que ce soit parfois compliqué de se souvenir de chaque chose
importante.
— Je ne me sens pas super bien, et il me reste encore quelques cartons
à faire, alors j…
— En réalité, me coupe-t-il d’une petite pression sur la cheville. Ça
n’avait rien d’une question, p’tite femme.
Matt tapote ensuite le bas de ma jambe à plusieurs reprises, puis se
lève aussitôt pour quitter la chambre. Avant de disparaître totalement, il
ajoute d’un large sourire ;
— Mets ta plus belle robe, car j’ai réservé une table pour trois au
Séquoia !
— Quoi ?! paniqué-je. Mais je n’ai pas de…
— Même Mara a prévu la haute couture pour l’occasion !
— Mais j…
Mon ami ferme rapidement la porte, probablement de manière à ne pas
me laisser le loisir que de décliner une nouvelle fois. De toute évidence, je
n’aurais même pas essayé. Il a déjà réservé, et visiblement pas n’importe
où, alors… Fais chier. Le problème ? C’est que comme je tentais de lui
expliquer quelques secondes auparavant, je n’ai absolument aucune robe
adaptée à ce genre d’endroit. Quoique… si, peut-être bien, finalement. Je
me retourne alors vers mon dressing, et y vois aussitôt ces deux robes
étendues, seules au milieu de tout un tas de cintres vides. À vrai dire, je
comptais les laisser ici avant de partir. Simple question de fierté. Et j'y
compte toujours, d’ailleurs, néanmoins… peut-être que je pourrais me
permettre de porter la bleue une dernière fois… ? Oui, juste pour ce soir.
Merde, de toute manière… Devon n’en saura jamais rien.
Je fonce alors la saisir sans plus attendre, puis la jette aussitôt sur mon
lit afin de débuter les préparatifs. Matt a raison. Je ne peux pas rester là à ne
rien faire le soir de mon propre anniversaire. Ce serait… stupide. Vraiment
très stupide.
♤♤♤
— Je dois faire un petit détour chez ma tante, nous annonce Mara en
actionnant son clignotant. J’ai un truc à récupérer.
Quoi… ?
— T’as une tante ? lui demandé-je avec étonnement.
— Par alliance, approuve-t-elle de plusieurs petits hochements de tête.
C’était la femme du frère de mon père. Ils sont divorcés depuis des lustres,
mais j’ai toujours gardé contact.
Mon amie gare sa voiture devant le portail d’une gigantesque villa,
tandis que mes yeux sont à seulement deux doigts de sortir de leurs orbites
suite à la découverte de cette dernière. Sérieusement ?
— Tu m’étonnes, ricané-je silencieusement.
Moi aussi, j’aurais gardé contact.
— Aller venez, dit-elle en sortant de l’habitacle. Elle est super sympa,
vous allez voir !
— Oh, euh… non merci, désapprouvé-je d’une petite moue. Je préfère
attendre ici.
Tandis que Matt s’exécute, Mara, elle, s’appuie nonchalamment contre
la portière pour me soupirer :
— C’est un ordre, ma jolie, commence-t-elle d’un air bien assuré. En
plus, je dois impérativement te montrer sa collection de livres !
— Ah ? m’intéressé-je alors. Et quel genre de livres, exactement ?
Oui, en général, je n’aime pas trop aller chez les inconnus, mais quand
il s’agit de mordues de lecture comme moi… ma timidité disparaît.
— Bah… marmonne-t-elle, un peu mal à l’aise. Comme ceux que tu lis
d’habitude, tu sais.
— Des livres de cul, quoi, en conclut finalement Matt d’un ton
désinvolte.
Hein… ? Merde, non ! C’est dingue, de toujours faire cet amalgame
stupide ! À croire que je m’instruis uniquement de revues porno !
— Érotique ! le reprends-je furieusement. Je lis de la romance érotique,
Matt !
— Mais c’est exactement pareil, putain ! insiste-t-i avec une grimace.
Bordel de merde.
— Ça n’a rien à voir ! m’exclamé-je alors en actionnant la poignée de
porte. Dans mes bouquins, il n’y a aucune image !
Je sors rapidement de la voiture pour me dresser face à lui, bien
déterminée à en débattre. À vrai dire, ce n’est pas la première fois qu’on a
cette discussion lui et moi. Et comme toujours, Matt n’en démord pas. À ses
yeux, je lis juste de la pornographie, et ça a le don de me rendre
complètement hystérique. Vraiment. Je déteste ça.
— Mais ça raconte toutes les scènes en détail ! s’agace-t-il à son tour.
Comme un véritable film porno !
— Là est tout l’intérêt d’un livre, Matt ! lui expliqué-je d’un air ahuri.
Sans détails, aucune utilité d’ouvrir le roman !
Je ne sais pas pourquoi ce type de débat a toujours le pouvoir de nous
faire hausser le ton de cette façon. C’est ridicule.
— Ok, abdique-t-il enfin d’une moue approbatrice.
Dieu merci.
— Mais pour moi, reprend-il finalement. Ça reste du porno.
— Merde, t’es pas possible ! m'approché-je en levant une main dans
les airs. Je vais t’en coll…
— Stop ! hurle subitement Mara.
J’ai presque failli l’oublier, celle-là.
— Non mais vous vous êtes vus, là ! s’impatiente-t-elle ensuite. On
dirait des gosses !
Elle a probablement raison. Assurément. Depuis toujours, c’est
exactement comme ça que ça se passe lorsque nous ne sommes pas en
accord avec Matt. Heureusement, une minute suffit pour que tout
redevienne très calme entre nous. La preuve lorsque nous débutons notre
marche en direction de la porte d’entrée :
— J’ai acheté tes céréales préférées pour demain matin, me dit-il en
continuant d’avancer.
— Oh, cool, lui réponds-je d’une petite moue approbatrice.
— Vous êtes vraiment insupportables, souffle Mara en actionnant la
poignée.
Et je n’y réponds strictement rien, préférant plutôt lancer un petit
sourire complice à mon meilleur ami. C’est vrai, elle a raison. On est
insupportable.
J’emboîte le pas à Mara lorsqu’elle entre sans frapper, quand mes
paupières se plissent instantanément pour tenter d’y voir plus clair.
— Tu es certaine qu’elle est bien là ? lui chuchoté-je discrètement. Il
fait tout noir, ici…
Mis à part mes chuchotements, aucun autre bruit ne se fait entendre
entre les murs, et je dois dire que ça devient légèrement flippant.
Paradoxalement… je me demande bien qui laisserait sa porte ouverte en
partant d’une maison aussi luxueuse.
— J’ai tout inventé, m’avoue finalement Mara. Je n’ai absolument
aucune tante par alliance, et il n’y a pas de collection de livres porno dans
cette maison.
Je ne relève même pas la dernière réflexion tant le reste me laisse sans
voix. Comment… merde, mais qu’est-ce que ça veut dire ?! Aussitôt, mon
amie appuie sur l’interrupteur, et c’est alors que…
— SURPRIIIIISE !
Nom de Dieu.
— Mais…
— Bon anniversaire, p’tite femme, me lance Matt en déposant un
rapide baiser sur ma joue.
Attends… quoi ?
— Donc tu n’avais pas oublié ? le questionné-je, toujours plus
perplexe. Et tout ça… c’est rien que pour moi ?
— Je crois que ça répond clairement à ta question, tu ne crois pas ?
intervient Mara en me désignant la salle bondée de son index.
Effectivement, ça y répond même très clairement. Wow… je n’en
reviens pas. À qui appartient cette immense villa, si Mara n’a au final
aucune tante ? Et puis… comment ont-ils faire pour réunir autant de
personnes ici, à New York, sachant que la moitié des visages que j’aperçois
ne sont pas du tout du coin ? C’est dingue. Vraiment. Ça ne se voit pas
forcément à première vue étant donné mon degré de surprise, mais dans le
fond… je suis la plus heureuse du monde.
— Allez ma grande ! s’exclame mon amie en me tirant brusquement
dans la foule. Maintenant, c’est l’heure de se saouler la gueule !
— Wowowow, la calmé-je instantanément. Laisse-moi le temps d’aller
saluer tout le monde d’abord, non ?
— Bien, souffle-t-elle alors. Mais ensuite, tu me rejoins au bar !
Je tourne la tête afin de regarder dans la direction que m’indique
l’index de Mara, puis y trouve sans grande surprise le fameux bar dans un
coin de cet immense salon. Derrière ce dernier, deux hommes en costard
chic s’occupent de servir les invités. Ok. Ils n’ont vraiment pas fait les
choses à moitié.
— On verra, lui dis-je finalement d’une petite moue. Tu sais, j’ai
encore beaucoup de choses à faire avant le grand dép…
— Fais pas ta mijaurée… soupire-t-elle avec lassitude. Juste une petite
bière, d’accord ? Ça ne devrait pas te faire trop de mal ! Et puis en plus…
c’est ton anniversaire, donc tu as tous les droits !
Bon, elle n’a pas tout à fait tort, je dois l’admettre. Mes amis ont tout
de même organisé cette gigantesque fête rien que pour moi, alors… je peux
peut-être m’autoriser quelques bières pour l’occasion.
— D’accord, abdiqué-je finalement. Mais je te préviens… poursuis-je
en dressant vivement un index entre nous deux. Pas une seule goutte
d’alcool fort pour moi ce soir.
— Comme tu voudras ! me répond-elle avec enthousiasme.
Chapitre 40
Devon
William Faulkner
Chapitre 41
Eva
Épilogue
Fin.
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à remercier mes lecteurs sans lesquels je n'en
serais probablement pas là aujourd'hui. Merci du soutien que vous
m'apportez au quotidien, c'est très important pour moi.
À mes parents, qui croient en moi depuis le début de cette aventure.
J'espère pouvoir vous prouver que ça en valait la peine !
À mon homme et mes enfants, qui, comme depuis déjà 2 ans,
supportent mon implication parfois un peu trop excessive dans l'écriture de
mes bouquins… je vous aime si fort ♡
À Lola, merci pour ton investissement dans les débuts de cette histoire.
Ton aide m'a été précieuse.
À Illona, qui m'a également apporté ses idées pour certains détails
importants. Sans elles, ce livre ne serait sûrement pas aussi bien !
À mes autres amies, Océane, Stéphanie… qui elles aussi me
soutiennent depuis le début. Merci à toutes de faire partie de ma vie
aujourd'hui !
À toutes les chroniqueuses qui me suivent depuis les débuts,
selena.urquizar.auteure, lydianaromance, imperct.reading, louloubouquine,
my_tagada, mel_tattoo_books, et toutes les autres que je n'oublie bien
évidemment pas, merci !
Par-dessus tout, merci à Studio5, qui m'a permis de rendre public ce
nouvel ouvrage.
Pour finir, (car le meilleur pour la fin ahaha) : à Layla, merci pour
tout… ♡
Instagram de Noemie :
Noemiecnt_writes
Déjà parus chez Studio 5 éditions :