PORTRAIT < MÉMOIRE
Lycée La Bruyère
Mémoires de deux élèves déportées
Recherches, résidence d’artiste, visites, échanges… l’histoire de Jacqueline et Marcelle Houly,
arrêtées au lycée en mai 44, a été remise en lumière par les élèves du lycée La Bruyère.
T
out a commencé par une ru-
meur…
Deux jeunes sœurs arrêtées au
lycée en 1944, sur une dénonciation
anonyme…
Seule une plaque dans le hall d’hon-
neur du collège parle de Marcelle
(1932-1944) : elle a 11 ans quand elle
meurt, gazée à Auschwitz. Quelles
sont les circonstances de cette ar-
restation ? Qu’est devenue sa sœur ?
Transmission d’une mémoire
collective
Constitué de 17 élèves volontaires,
l’atelier Archives et mémoires du
Lycée La Bruyère commence ses
recherches en octobre 2019 avec
l’aide de Katelyne Pierre Santangéli,
professeur d’arts plastiques.
Toutes les semaines, les élèves étu-
dient des archives, visionnent des
témoignages et communiquent sur
leurs recherches via leur blog. Ils
cumulent aujourd’hui 2 122 pièces
d’archives sur le sujet.
Ils participent à la transmission
d’une mémoire collective, portent
un regard critique sur une situation
historique et deviennent défenseurs
des droits de l’homme et du citoyen.
3 ans de recherches
fructueuses
Au cours de leurs investigations,
ils ont réussi à retrouver la sœur
de Marcelle, Jacqueline sur… Face-
book ! Elle vient de fêter ses 92 ans,
et habite maintenant La Rochelle.
Ils découvrent également l’identité
du professeur d’italien mentionné
sur la plaque : Germaine Duchesne.
Grâce à son courage, elle réussira à
prévenir et sauver le reste de la fa-
mille.
L’atelier Archives et mémoires
a déposé un dossier de recon-
naissance de « Juste parmi les
Nations » en son nom auprès du Jacqueline Houly. Marcelle Houly. Germaine Duchesne.
Yad Vashem, institut international
pour la mémoire de la Shoah.
Un projet pédagogique complet
En novembre, un voyage d’étude
L’histoire de Jacqueline et Marcelle
Le 27 mai 1944, un feldgendarme se présente au lycée de jeunes filles
d’une journée à Auschwitz Birkenau
de Versailles, devenu depuis le lycée La Bruyère. Ils viennent chercher
a été organisé avec le mémorial de
deux enfants juives, Jacqueline et Marcelle Houly.
la Shoah. L’artiste plasticien Nicolas
Dans le bureau de la directrice, les feldgendarmes exigent de
Daubanes a accompagné les élèves.
Jacqueline l’adresse exacte de sa famille. Saisie de peur, elle veut
En résidence d’artiste au lycée du-
gagner du temps et donne une fausse adresse. Avant de s’y rendre,
rant plusieurs semaines, il a réalisé
le militaire menace de lourdes représailles toute tentative de
une œuvre mémorielle sur l’his-
fuite. Ne trouvant pas la famille, il revient accompagné d’un second
toire des deux élèves, est intervenu
feldgendarme. Jacqueline redonne une fausse adresse. Ils repartent.
auprès des lycéens et a présenté sa
C’est alors que Germaine Duchesne, professeur d’italien, décide
technique de dessin à la poudre de
d’aller prévenir la famille Houly. Après avoir écarté fermement
fer aimantée sur papier et limaille
la censeur Léontine Rémy puis le concierge qui lui barrait la route,
d’acier incandescent sur verre.
sourde à ses menaces, elle court jusqu’à Porchefontaine, rue
L’aventure se poursuit jusqu’à l’inau-
Lamartine. Elle y trouve les parents et les trois plus jeunes enfants.
guration de l’œuvre le 8 juin pro-
Ils sont sauvés. Elle reprend sa course vers le lycée pour y assurer
chain.
la fin de ses cours. Les feldgendarmes obtiennent la bonne adresse
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mais l’appartement est vide. Les deux sœurs sont menées à la
archives.memoires.lab
préfecture. Le surlendemain, elles sont conduites à Drancy, d’où
doit partir, le 30 juin 1944, le convoi 76, pour Auschwitz. Le 4 juillet
1944, Jacqueline entre dans le camp avec 620 déportés du
convoi ; Marcelle est assassinée avec les 534 autres déportés qui
avaient survécu au voyage. Jacqueline a 13 ans, Marcelle 11 ans.
Jacqueline, tatouée du numéro A-8596, reste sept mois à Birkenau.
En janvier 1945, elle fait partie des prisonniers déplacés dans les
marches de la mort. Elle transite par Ravensbrück et se trouve internée
à Malchow. Libérée le 2 mai 1945, rapatriée le 27 mai à Paris, elle fait
sa rentrée en septembre 1945 au futur lycée La Bruyère.
Sources : Archives nationales, Archives départementales des Yvelines,
Archives du mémorial de la Shoah, Arolsen archives et témoignage
de Jacqueline Houly.
Versailles Magazine juin-juillet-août 2023 51